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22 février 2018 4 22 /02 /février /2018 02:04

« "Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es", il est vrai, mais je te connaîtrai mieux si tu me dis ce que tu relis. » (François Mauriac, "Mémoires intérieurs", 1959).


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Il est des étonnements positifs dans la vie médiatique française. Nicolas Sarkozy, qui a "définitivement" quitté la vie politique alors qu’il n’a jamais fait que cela depuis ses années lycéennes, n’est jamais meilleur que lorsqu’il ne fait pas de politique, ou plutôt, lorsqu’il n’a pas à l’esprit des arrière-pensées politiciennes. On le savait émotif, passionné, capable de s’enflammer pour des personnages qui n’avaient rien à voir avec sa "tradition" politique, comme Jean Jaurès, Guy Môquet, Georges Mandel (dont il a publié une biographie le 9 février 1994 chez Grasset, accusée le 30 mars 2008 par Adrien Le Bihan de "mimétisme" sinon de "plagiat" d’un ouvrage de l’avocat Bernard Favreau publié en 1969), impressionné par les actes héroïques des sacrifiés du Plateau des Glières, etc. On le savait moins lecteur assidu de la littérature française.

Deux bonnes nouvelles en une seule émission, même. Nicolas Sarkoy a été l’invité de la nouvelle émission littéraire de la chaîne Public Sénat intitulée "Livres et vous" et diffusée le vendredi 9 février 2018.

La première bonne nouvelle, c’est que cette nouvelle émission, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à "Bibliothèque Médicis", dans le cœur de l’exceptionnelle bibliothèque du Sénat (et très impressionnante pour ceux qui s’y sont déjà rendus), a gardé tous les avantages de "Bibliothèque Médicis", à savoir une émission littéraire où les invités, parfois peu connus du grand public (ce n’était pas le cas pour l’invité du 9 février 2018 !) peuvent longuement s’exprimer.

Avec un changement de présentateur salutaire. Je n’ai rien contre Jean-Pierre Elkabbach, journaliste probablement très compétent mais controversé, ancien patron de chaînes de télévision et de radio, qui n’a pas tout à fait pris sa retraite malgré ses 80 ans (s’il a quitté Public Sénat et Europe 1, il "sévit" encore sur CNews), mais il faut bien reconnaître que son ego (surdimensionné) avait de quoi agacer le téléspectateur : il interrompait systématiquement son interlocuteur, souvent qui était en train d’exprimer des choses intéressantes, parfois difficilement, et il la ramenait sans cesse, souvent avec un ton sec sinon méprisant.

Avec cette nouvelle présentatrice, la philosophe Adèle Van Reeth (normalienne), déjà connue parce qu’elle produit une émission sur France Culture depuis septembre 2011 (l’une des émissions les plus podcastées du groupe Radio France, au-delà de 1,5 million de téléchargements par mois !), les entretiens deviennent "doux". Comme ce que devrait faire tout intervieweur, elle s’efface derrière l’invité, elle l’écoute, cherchant à le faire parler, à l’amener sur des chemins très différents des sentiers médiatiques classiques, dans un cadre très intimiste, et si on peut reprocher à son sourire un léger soupçon de complicité, celle-ci n’a pas beaucoup de conséquence puisque son émission est à vocation littéraire et n’a aucune finalité politique.

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Nicolas Sarkozy est étonnant car il est humain. Depuis le début des années 2000, il est passé une image de l’ambitieux à une image du dur (avec le Ministère de l’Intérieur). Mais en même temps, il a un grand sens de l’humour. Ceux qui n’en sont pas convaincus auraient du mal à comprendre l’attachement à sa personne d’une grande dame comme Simone Veil : dans le gouvernement d’Édouard Balladur, Nicolas Sarkozy savait la faire rire (ce qui ne devait pas être une mince affaire).

D’ailleurs, sensible à l’humain, le 12 février 2018, Nicolas Sarkozy a annoncé dans "Le Parisien" qu’il s’engageait dans la lutte contre les cancers qui touchent les enfants, très ému par sa rencontre le 7 février 2014 avec un enfant malade qui n’a hélas pas survécu : « Sans que cela se sache, je me suis servi de ma capacité à ouvrir les portes pour lui obtenir un médicament innovant mais pas encore commercialisé et l’ai reçu à plusieurs reprises. Aujourd’hui, Noé n’est plus là, mais ses parents continuent à faire bouger les lignes. Je vais les aider dans ce combat, car si le mot injustice a un sens, le cancer des enfants est sa définition même. Sans que l’on sache pourquoi, 2 500 sont touchés chaque année. Des leucémies foudroyantes, des tumeurs ou des lymphomes en emportent 500. ».

Et d’expliquer ses motivations : « Quand la vie vous fait rencontrer des destins comme celui-ci [Noé], cela vous marque à jamais. Et vous pousse à agir. (…) J’ai longtemps été réticent à m’engager publiquement, par crainte de mauvaises interprétations. (…) Mes scrupules m’ont paru dérisoires, superflus par rapport à cet enjeu majeur. Ce qui m’anime aujourd’hui, c’est d’aider les personnes vulnérables, les enfants, mais aussi les personnes âgées. Je pense notamment à la tragédie de la maladie d’Alzheimer, qui me bouleverse et pour laquelle j’aimerais m’investir encore plus. » ("Le Parisien", le 12 février 2018).

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J’ai déjà eu l’occasion, ici ou là, d’exprimer mon point de vue concernant sa volonté de marquer bien trop à droite le centre droit français, ce qui a abouti finalement à l’explosion actuelle du parti Les Républicains, avec une grande majorité d’égarés pour ne pas dire d’hagards, lorgnant vers La République En Marche, et un noyau dur rassemblé autour de Laurent Wauquiez à qui manque justement cette composante humaine et sympathique de Nicolas Sarkozy qui lui a permis de gagner en 2007.

L’un des meilleurs discours de Nicolas Sarkozy a été prononcé le soir du premier tour de la primaire LR le 20 novembre 2016. Il venait de perdre dès le premier tour, placé en troisième place, François Fillon lui avait pris tout son capital de sympathie. "On" ne voulait plus de lui, ou plutôt, la "droite" ne voulait plus de lui. Comme la "droite" ne voulait plus de Valéry Giscard d’Estaing après 1981.

Message donc reçu par l’intéressé qui, toujours passionné par la politique (évidemment), a depuis le début de son quinquennat deux autres sources de passion : Carla et leur fille. Donc, sans amertume, il a (vraiment) quitté la vie politique (il a tenté de revenir, cela n’a pas réussi, tant mieux), et il se libère ainsi de tout ce qui pouvait agacer, voire le faire détester.

Certains éditorialistes confient d’ailleurs que Nicolas Sarkozy ne serait pas insatisfait de la situation actuelle, qu’il serait séduit et même fasciné par Emmanuel Macron (qui serait lui mais en mieux) et qu’il aurait même son Premier Ministre Édouard Philippe au téléphone régulièrement (ce dernier "originaire" de LR, canal Juppé). Et il serait aujourd’hui loin d’imaginer Laurent Wauquiez en Président de la République !

Revenons à cette émission littéraire. Il y avait un côté émouvant de l’écouter parler de littérature, principalement de la littérature du XIXe siècle. On sentait beaucoup d’appréhension, pas une grande confiance en lui, même une peur de ne pas être crédible. Toujours prêt à dire qu’il a lu tel ou tel livre, avec quelques doutes sur le nom des personnages (à bien y réfléchir, j’avoue que j’oublie assez vite le nom des personnages de la plupart des livres que je lis, sauf évidemment ceux des grands "classiques"). En clair, Nicolas Sarkozy se présentait comme un candidat au baccalauréat de français (personnellement, j’aurais adoré avoir pour examinatrice Adèle Van Reeth).

Donc, le voici parti pour cinquante-cinq minutes de discussion littéraire libre, libre car sans beaucoup de fils conducteurs. Nicolas Sarkozy a évoqué ses auteurs préférés, comme Stendhal, Flaubert, Maupassant, Victor Hugo, Jules Verne, Alexandre Dumas, Balzac, etc. Il a évoqué aussi Céline (« Céline est un grand écrivain pour ses trois livres et pour le reste, c’est une honte ! »), Camus (il a raconté une des lettres d’amour adressée à Maria Casarès où Camus a dessiné un petit soleil comme un enfant, pour dire que ce soleil, c’était elle), Claude Lévi-Strauss, Joseph Kessel, Romain Gary (orthographié "Romain Garry" sur le site officiel de l’émission littéraire de Public Sénat !), Marguerite Duras, Michel Houellebecq, etc.

Il a regretté qu’on étudiât "L’Éducation sentimentale" bien trop jeune, sans encore d’expérience affective : « J’ai souvent pensé qu’on lisait ces romans trop jeunes, qu’on passait à côté. Je pense que pour lire "L’Éducation sentimentale", il faut être éduqué sentimentalement, si on peut l’être, pour le lire. Je pense que "Le Père Goriot", on ne doit pas le mettre à quinze ans. Je pense que ce sont des livres d’une philosophie profonde, qui ont ausculté l’âme humaine au plus profond et je dois dire que ça me fascine (…). À tous ceux qui n’ont pas lu Balzac, lisez-le, c’est d’une modernité extraordinaire ! ». Sur le "trop tôt", je suis d’accord avec le fait de ne pas introduire l’œuvre de Camus avant une certaine maturité personnelle.

Nicolas Sarkozy a raconté aussi la manière très particulière de l’organisation de sa bibliothèque : « Sur la partie droite, il y a tous les livres que j’ai lus et sur l’autre partie en face, il y a tous ceux qui me restent à lire et fort heureusement, ce qui me reste à lire est infiniment plus important que ce que j’ai déjà lu. ».







C’est sûr que la présentation officielle de l’émission est un peu ronflante : « Pour la première fois, l’ancien Président de la République évoque la place déterminante des œuvres dans l’exercice de sa pensée et du pouvoir. ». Le plus confondant était sans doute sa petite timidité, comme s’il n’était pas dans son milieu naturel. Il a confié ainsi qu’il a toujours lu tous les jours, que jamais il ne se déplaçait sans un livre dans ses bagages, mais il n’a jamais vraiment osé évoquer cette passion de la lecture car sans doute a-t-il un léger complexe d’infériorité dans ce domaine : « Ceux qui me connaissent, ceux qui me sont proches, savent que depuis très longtemps, je ne me déplace jamais sans avoir un livre, que je ne passe pas une journée sans lire. C’est tellement important pour moi, peut-être à tort, mais je n’ai jamais voulu en parler. Je trouve qu’il y a une forme de prétention, de cuistrerie à vouloir faire semblant, quand on vous demande "quel est le livre que vous amenez en vacances ?", en général pour citer un titre que personne ne connaît et un livre qu’on ne lira pas. ».

Il n’a pas été le premier homme politique à cacher sa culture, Jacques Chirac préférait montrer aux journalistes qui l’accompagnaient en voyage qu’il lisait "Playboy" à un livre sur la culture japonaise. À côté de ce genre d’hommes politiques, il y a ceux qui, au contraire, cultivaient leur haut niveau de culture, comme François Mitterrand qui aimait tellement les livres qu’il s’occupait surtout de… leur reliure ! Sans doute que le perçu n’est jamais le réel. D’ailleurs, seul, Georges Pompidou pouvait prétendre sérieusement à une certaine érudition littéraire.

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Nicolas Sarkozy aime les livres et la littérature. Ce n'est pas un hasard si son portrait officiel a été pris à la bibliothèque de l'Élysée, seul Mitterrand l'a fait aussi depuis Pompidou.

C’est vrai que la crédibilité littéraire de Nicolas Sarkozy a été souvent écornée, malmenée par lui-même. Pendant sa première campagne présidentielle, le 23 février 2006 à Lyon, il avait relégué "La Princesse de Clèves" dans le placard des instruments de torture pour ennuyer inutilement le candidat à un poste administratif : « L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur "La Princesse de Clèves". Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de "La Princesse de Clèves". Imaginez un peu le spectacle ! ».

Le 25 juillet 2008, alors Président de la République et visitant un centre de vacances à Batz-sur-mer, en Loire-Atlantique, pour parler du bénévolat et de sa reconnaissance dans les concours administratifs, il était revenu sur ce roman : « Mais ça doit donner des points de plus à celui qui a fait du bénévolat pour les autres. Quand même, je veux dire, en termes de richesse humaine, d’engagements aux services des autres. Pourquoi on n’en tiendrait pas compte ? Car ça vaut autant que de savoir par cœur "La Princesse de Clèves". Je n’ai rien contre, mais… bon, j’avais beaucoup souffert sur elle. ».

Ou alors, il avait écorché le nom du maître de la sémiologie Roland Barthes en prononçant "Barthesse" (comme Yann Barthès ou Fabien Barthez), lors de la remise de décoration à la philosophe Julia Kristeva parmi de grands intellectuels à la Salle Pleyel à Paris, le 28 septembre 2011 (Liliane Bettencourt y était venue, invitée par la romancière Madeleine Chapsal, elle aussi décorée). Pour raconter cette anecdote sur son blog sur la vie de l’Élysée publié par le journal "Le Monde", le journaliste Arnaud Leparmentier a ajouté malicieusement : « Tout cela ne prêterait pas à remarques si Nicolas Sarkozy ne se piquait pas de lectures et de culture, depuis qu’il est marié à Carla Bruni. » (30 septembre 2011).

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Je salue donc la belle performance "littéraire" de Nicolas Sarkozy d’autant plus volontiers qu’il s’est retiré de la vie politique et qu’il n’y a pas d’arrière-pensée sur une certaine image qu’il voudrait donner de lui. Comme on le dit de Céline, il faut séparer l’homme de l’œuvre. L’homme Sarkozy : « Cela me paraissait tellement artificiel d’aller parler de choses tellement intimes, parce qu’au fond, ce que vous aimez, ce que vous lisez, la façon dont vous l’interprétez, ça en dit tellement sur vous. Peut-être que durant toute ma carrière politique, je n’ai pas voulu dire tellement sur moi… pas moi l’homme politique ou le Président de la République, mais moi, la personne. » (Public Sénat, le 9 février 2018).

Dans un entretien accordé à l’académicien Jean-Marie Rouart dans "Paris Match" le 15 juillet 2014, Nicolas Sarkozy avait déjà évoqué sa relation avec les livres : « L’avantage avec la littérature, c’est que ce n’est pas de l’ordre de la décision, mais de l’ordre de l’émotion. La littérature n’est pas dans la conjoncture, dans le moment, mais c’est l’histoire d’une vie et d’une permanence. (…) La littérature, c’est ce qui peut donner du sens à une vie, ce qui peut l’éclairer, et permettre à l’être humain de surmonter des moments difficiles ou de comprendre des moments heureux. ».

Même les (encore et inutilement anachroniques) antisarkozystes primaires devraient le concéder : Nicolas Sarkozy a une personnalité bien plus riche qu’on pourrait le croire. Et le concéder ne fait pas pour autant devenir (inutilement aussi) sarkolâtre !

L’émission sera rediffusée le dimanche 11 mars 2018 à 17 heures sur le canal 13 de la TNT (on peut aussi la voir sur Youtube dans la vidéo proposée ci-dessus).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 février 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Nicolas Sarkozy parle de littérature française.
L’échec à la primaire LR du 20 novembre 2016.
Nicolas Sarkozy et la chasse aux centristes.
Nicolas Sarkozy, star de "L’émission politique".
Nicolas en Sarkini.
Une combativité intacte.
Discours du 30 mai 2015 à la Villette.
Les 60 ans de Nicolas Sarkozy.
Je suis Charlie.
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.
Le retour.
Bilan du quinquennat.
Sarkozy bashing.
Ligne Buisson ?
Stigmatisation.
Transgression.
Sarcologie et salpicon socialistes.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180209-sarkozy.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/nicolas-sarkozy-a-l-oral-de-201602

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/02/22/36145981.html


 

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20 novembre 2017 1 20 /11 /novembre /2017 19:29

« La représentation proportionnelle est un système évidemment raisonnable et évidemment juste ; seulement, partout où on l'a essayée, elle a produit des effets imprévus et tout à fait funestes, par la formation d'une poussière de partis, dont chacun est sans force pour gouverner, mais très puissant pour empêcher. C'est ainsi que la politique devint un jeu des politiques. » (Alain, "Propos", le 1er septembre 1934).


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Depuis une douzaine d’années, tous les nouveaux Présidents de la République veulent réformer les institutions. C’est une lubie présidentielle très française, le bon vouloir du prince : on aime changer les règles du jeu quand on est maître du jeu. C’est le pays aux neuf Constitutions au XIXe siècle ! Chacun veut ainsi y aller de son petit caprice. C’est une erreur de céder à cette tentation de vouloir modifier les institutions. Comme tout, elles ne sont pas parfaites et pourraient toujours être perfectibles. C’est une erreur surtout dans la situation de crise sociale et économique que connaissent de nombreux citoyens (précarité, chômage, etc.) pour qui 50 euros, c’est beaucoup.

Nicolas Sarkozy voulait américaniser les institutions (à la suite du rapport d’Édouard Balladur remis le 29 octobre 2007), et il est clair que ses prédécesseurs voudraient poursuivre. François Hollande n’a pas pu convaincre une majorité des trois cinquièmes des parlementaires et a finalement renoncé après avoir demandé le 16 juillet 2002 à Lionel Jospin de préparer une réforme (rapport remis le 9 novembre 2012). Emmanuel Macron, lui aussi, voudrait révolutionner les institutions avec cette idée qu’avant lui, c’était la nuit et qu’avec lui, le jour des nouvelles pratiques arriverait. Plus que de l’orgueil voire de la vanité, j’oserais dire que c’est plutôt de la naïveté qui s’est exprimée durant sa campagne présidentielle, celle de l’inexpérimenté qui redécouvre le monde.

Certaines rumeurs bruissent sur la volonté du Président d’organiser un référendum. En pleine panade sociale (SCNF, Air France, éboueurs, EDF, etc.), vouloir tout réformer en même temps engendre un grand risque politique. La boulimie entraîne souvent l’overdose. Principe des embouteillages parisiens (particulièrement nombreux ce matin du mardi 3 avril 2018). Le risque d’un référendum, c’est d’ailleurs que les électeurs ne répondent pas à la question posée, mais à un sondage de popularité de celui qui pose la question.

Il semblerait aussi que le 30 mars 2018, un accord aurait été conclu entre le Président de la République Emmanuel Macron, le Premier Ministre Édouard Philippe, le Président du Sénat Gérard Larcher et le Président de l’Assemblée Nationale François de Rugy. Ainsi, le projet du gouvernement va probablement être présenté cette première semaine d’avril 2018.

Rappelons que pour réviser la Constitution, il faut que chaque assemblée adopte le projet en termes identiques, puis que les deux assemblées constituant le Parlement réunion en Congrès, à Versailles, l’adopte à la majorité des trois cinquièmes. Le parti présidentiel LREM n’a pas cette majorité et a besoin d’un accord avec Les Républicains du Sénat (c’est-à-dire avec Gérard Larcher, et avec Laurent Wauquiez). L’autre méthode pour réviser la Constitution, ce serait d’éviter le Congrès pour soumettre le projet directement au peuple français (ce qui oblige cependant d’avoir quand même l’approbation des deux assemblées, sauf lorsqu’on s’appelle De Gaulle).

Trois mesures seraient proposées : l’introduction de la proportionnelle pour l’élection des députés, la réduction du nombre de parlementaires et la limitation de leurs mandats dans le temps.

Je ne suis pas convaincu que la réduction du nombre des parlementaires, sans forcément être en opposition frontale avec cette mesure, aurait pour effet une augmentation du pouvoir des parlementaires. J’aurais même tendance à penser le contraire. Car le rôle moderne des parlementaires que la France a du mal à encourager, c’est la fonction de contrôle, d’autant plus que sa fonction de législateur est souvent "préemptée" par le gouvernement. Il faudrait au contraire multiplier les rapports, les missions de contrôle sur l’action gouvernementale. Réduire le nombre de parlementaires forcément réduirait la capacité de contrôle du Parlement. C’est typiquement le genre de mesure démagogique qui renforce l’antiparlementarisme.

Quant à la limitation des mandats dans le temps, là encore, cela va réduire l’influence des parlementaires. C’est souvent les parlementaires les plus expérimentés, les plus chevronnés qui comprennent le mieux les rouages de l’État et ont une meilleure vision de la procédure législative et de l’écriture des textes législatifs. Empêcher ce niveau d’expertise parlementaire, c’est donner plus de pouvoir au gouvernement et à la machine administrative. Ce n’est sûrement pas moraliser la vie politique. D’autant plus qu’en démocratie, ce sont les électeurs qui doivent décider et s’ils veulent réélire leurs députés, par quel principe vaseux devrait-on les en empêcher ?

Cela dit, je reviendrai probablement à ce sujet lorsque le projet du gouvernement sera connu. Mon article ici concerne l’unique réforme du mode de scrutin pour l’élection des députés.

Précisons avant tout, sur le plan juridique, que le mode de scrutin ne nécessite (malheureusement) pas une révision constitutionnelle et une simple loi (organique) suffit : François Mitterrand avait réussi à faire adopter la "proportionnelle intégrale" par la loi organique n°85-688 du 10 juillet 1985 pour les élections législatives du 16 mars 1986 malgré l’opposition frontale du Sénat tenu majoritairement par le centre droit (ce qui avait valu le 4 avril 1985 la démission du Ministre de l'Agriculture Michel Rocard du gouvernement de Laurent Fabius). Rappelons d’ailleurs que François Mitterrand avait utilisé la procédure d’urgence pour faire adopter "d’urgence" cette réforme par les députés le 26 avril 1985, rejetée par les sénateurs le 31 mai 1985, adoptée de nouveau par les députés le 13 juin 1985, rejetée de nouveau par les sénateurs le 25 juin 1985 et finalement adoptée en troisième lecture par les députés le 26 juin 1985 sans le consentement des sénateurs.

Donc, avec sa majorité pléthorique au Palais-Bourbon, Emmanuel Macron est complètement libre de choisir le mode de scrutin des prochaines élections législatives prévues en juin 2022 (ou avant en cas de dissolution). Sans l’accord des sénateurs, et donc, sans l’accord de Les Républicains. On imagine donc le "deal" entre Emmanuel Macron et Gérard Larcher sur la révision des institutions : Les Républicains acceptant certaines mesures pour lesquelles ils étaient réticents pour influer sur le mode de scrutin des législatives (sur lequel, je le répète, ils n’ont aujourd’hui aucun levier d’influence). Il serait toujours étonnant que le Président s’ôte la faculté de bénéficier d’une majorité pléthorique à l’Assemblée Nationale, sauf dans le cas où la défaite serait certaine (ce qui fut le cas pour François Mitterrand en 1986).

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Ce n’est pas un secret que je suis contre tout scrutin proportionnel pour l’élection des députés, quelle que soit la "dose" qu’on voudrait y mettre (rien que parler de "dose" montre l’idée des combines et des manœuvres politiciennes). C’est l’objet de mon article, apporter des arguments pour rappeler les « effets funestes » du scrutin proportionnel.


1. À quoi servent les élections législatives : représentativité ou efficacité ?

C’est le premier point que je veux aborder. À quoi cela sert-il d’élire des députés ? À faire la loi. Et surtout, contrôler le gouvernement. Et donc, aussi, à soutenir un gouvernement et avant tout, une vision politique nationale si possible cohérente. La logique proportionnelle et la logique majoritaire sont donc issues de deux logiques de la démocratie représentative.

Le scrutin proportionnel est, comme le rappelle le philosophe Alain le 1er septembre 1934, un « système évidemment raisonnable et évidemment juste ». Il tente de reproduire dans l’hémicycle la diversité des opinions politiques de la population (en tout cas, de l’électorat qui s’exprime). Cela donne une photographie idéologique incomparable, mais qui, par ces temps difficiles où les tendances politiques sont éclatées dans une sorte de kaléidoscope compliqué, produit des effets inextricables. Une telle assemblée représentative n’aurait aucune capacité à trouver une majorité pour soutenir un gouvernement cohérent. Ce serait l’enlisement, ce qui a été largement prouvé en France par la IVe République.

Prenons néanmoins l’unique exemple sous la Ve République, voulu par le combinard en chef, François Mitterrand pour les élections législatives du 16 mars 1986. Son objectif était d’empêcher l’opposition UDF-RPR d’obtenir la majorité absolue des sièges en favorisant l’élection de députés FN. Résultat : effectivement, le FN a réussi à gagner 35 sièges, mais la défaite de la gauche fut telle (représentant 41,2% des voix) que l’objectif politique n’a pas été atteint, mais il a failli être atteint. La coalition UDF-RPR n’a obtenu en effet que 286 sièges sur 577 (trois de moins que la majorité absolue) mais quelques députés NI (non inscrits) ont apporté leur soutien au futur gouvernement de Jacques Chirac.

Il faut bien comprendre que dans cet exemple, l’époque bénéficiait d’un paysage politique beaucoup moins éclaté qu’aujourd’hui. Le score de la coalition UDF-RPR (dès le premier et seul tour) fut de 41,0% le 16 mars 1986. Même le parti La République En Marche, pourtant dopé par la (grande) victoire d’Emmanuel Macron (66,1%), a obtenu moins le 11 juin 2017 : seulement 28,2% (32,3% avec ses alliés du MoDem).

Le scrutin majoritaire a un objectif clair : on élit une Assemblée Nationale pour permettre au pays d’être gouverné. Il faut donc un système qui permette de dégager une majorité claire, forcément au détriment d’une représentation "juste". Il faut bien sûr que le système soit le moins "injuste" possible. C’est pour cela qu’il faut que chaque député puisse représenter à peu près le même nombre d’électeurs (notons que ce n’est pas du tout le cas aux États-Unis en raison de leur structure fédérale). Cela nécessite donc une remise en cause régulière du "découpage électoral" des circonscriptions (la dernière fois était en décembre 2009). Je préconise la constitutionnalisation du scrutin uninominal majoritaire à deux tours avec la mise en place d’une commission spéciale chargée des redécoupages en fonction de l’évolution de la population (afin d’éviter toute manœuvre électorale dans le redécoupage).

Néanmoins, il y a eu un contre-exemple sur l’équivalence scrutin majoritaire et majorité absolue à l’Assemblée Nationale. L’assemblée issue des élections législatives des 5 et 12 juin 1988 n’a pas donné de majorité absolue. Juste après la réélection de François Mitterrand qui a dissout l’Assemblée Nationale, ce dernier s’est retrouvé avec le seul PS (et alliés radicaux de gauche) comme parti de gouvernement, après l’éclatement en juillet 1984 de son alliance avec les communistes. Résultats, le gouvernement de Michel Rocard n’a bénéficié que d’une majorité relative de 275 députés socialistes sur 577 avec la bienveillance tantôt des 25 députés communistes (qui ont pu constituer un groupe grâce aux socialistes ; avant 1988, il fallait au moins 30 députés pour former un groupe parlementaire), tantôt des 41 députés centristes de l’UDC (prêts à aider Michel Rocard dans certaines réformes).

Cette absence de majorité absolue était surtout le résultat d’une décision politique (rupture d’une alliance gouvernementale PS-PCF) mais pas du scrutin majoritaire qui, au contraire, a apporté une majorité absolue PS-PCF (300 sièges sur 577). Au second tour, des candidats socialistes ont été soutenus par les communistes et des candidats communistes ont été soutenus par les socialistes, dans le cadre d’une "discipline républicaine" d’alliance électorale tacite. Cette majorité issue du levier majoritaire s’est donc bien traduit électoralement, mais pas sur le plan politique.

Pour résumer, il vaut mieux une majorité écrasante que pas de majorité du tout.


2. Les citoyens contre les partis

On comprend pourquoi beaucoup de partis politiques voudraient le retour du scrutin proportionnel : parce qu’ils maîtriseraient beaucoup plus la personnalité de leurs élus. En effet, avec un scrutin majoritaire, "n’importe qui" peut se faire élire dans sa circonscription si ses électeurs adhèrent à sa campagne, même les "dissidents" des partis, les électrons libres, les atypiques, etc. Avec la proportionnelle, ce serait impossible sans le consentement des chefs de parti. Les candidats élus auraient été désignés en tête de liste par leur parti respectif. Les électeurs n’auraient comme seul véritable pouvoir que de choisir ceux qui seraient élus en queue de liste. Les têtes de liste seraient nécessairement élues, si leur parti avait un minimum d’audience électorale. Tout serait alors déjà prédéterminé avant le scrutin, pas la tendance politique de fond, mais les premiers candidats élus. Cela donnerait un pouvoir immense aux partis politiques et à leurs combines. Le contraire d’une moralisation de la vie politique. Les candidats élus n’auraient aucune autonomie personnelle car ils sauraient que leur réélection dépendrait de leur fidélité à leur parti.

Au contraire, le scrutin majoritaire apporte une meilleure respiration démocratique. Ainsi, un responsable politique majeur peut être battu avec le scrutin majoritaire, jamais avec le scrutin proportionnel. Les exemples sont nombreux : Pierre Mendès France en novembre 1958, François Mitterrand en novembre 1958, Lionel Jospin en mars 1993, Michel Rocard en mars 1993, Alain Juppé en juin 2007, etc.

De plus, l’absence de "territoire de l’élu" (circonscription) renforce le fossé entre l’élu et ses électeurs, incapables même de connaître le nom et encore moins l’action de leurs élus. On le voit bien pour les élections européennes. Le scrutin majoritaire est, au contraire, un scrutin de proximité où les candidats doivent gagner chaque voix en allant à la rencontre de leurs électeurs.


3. Renouveler la vie politique ?

On donne aussi comme argument en faveur de la proportionnelle la possibilité d’un renouvellement des partis politiques. La réalité est le contraire. Les nouveaux partis ont du mal à se faire entendre au scrutin proportionnel. L’exception du FN, c’est au contraire que son caractère extrémiste empêche toute stratégie majoritaire d’alliance au second tour. Les élections régionales au scrutin "semi-majoritaire" de décembre 2015 l’ont montré : leur incapacité à réunir plus de 50% des voix au second tour (à cause d’un rejet de l’électorat plus fort que pour d’autre parti) l’a défavorisé dans ce genre de scrutin.

Néanmoins, le scrutin majoritaire n’a pas empêché l’élection de 8 députés FN le 18 juin 2017, au même titre qu’il n’a pas empêché l’élection de 17 députés FI qui ont pu former un groupe parlementaire (le seuil minimum étant de 15 députés depuis 2009, après la promesse faite par Nicolas Sarkozy au sénateur Jean-Michel Baylet pour que ce dernier votât sa révision constitutionnelle). FI était pourtant un parti à peine plus ancien que LREM.

Ce fut Emmanuel Macron qui a apporté la preuve éclatante de la grande pertinence démocratique tant des institutions de la Ve République que du mode de scrutin majoritaire des élections législatives. Il a prouvé le 18 juin 2017 qu’un parti politique inexistant dix-huit mois avant les élections, tant en structure formelle qu’en tradition philosophique, pouvait non seulement faire élire son candidat à la Présidence de la République mais également gagner la majorité absolue des sièges à l’Assemblée Nationale. Jamais un scrutin proportionnel n’aurait permis une telle possibilité de renouvellement à l’Assemblée Nationale.


4. Contradiction entre réduire le nombre de députés et introduire de la proportionnelle

L’objectif du scrutin proportionnel est d’avoir une meilleure représentativité des forces politiques en présence. Cette représentativité est donc d’autant plus fine, d’autant plus juste qu’il y a beaucoup de sièges à pourvoir. Avec 577 sièges, un siège représente, au niveau national, 0,17% (1/577). Plus il y a de sièges, plus cette représentation sera précise (par exemple 0,10% pour 1 000 sièges) et permettra une représentation encore plus exacte de la réalité politique (cela si l’on considère une proportionnelle intégrale sans seuil).

D’ailleurs, adepte des combines et des manœuvres, François Mitterrand avait ajouté 86 sièges aux 491 existant le 10 juillet 1985 lorsqu’il a imposé le scrutin proportionnel pour les élections législatives du 16 mars 1986. Étrangement, le gouvernement de Jacques Chirac a supprimé très rapidement le scrutin proportionnel par ordonnance et avec le 49 alinéa 3 (loi n°86-825 du 11 juillet 1986 relative à l’élection des députés et autorisant le gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales) mais pas le surnombre des sièges (correspondant  à 15% du nombre actuel des sièges : les supprimer serait donc sage, mais en supprimer beaucoup plus ?).

Le risque, pointé du doigt par Les Républicains, c’est que réduire énormément le nombre de députés élus au scrutin majoritaire aurait pour effet que leur circonscription serait bien trop étendue voire représenterait un ou même plus d’un département (si l’on voulait préserver l’équité entre citoyens, même nombre d’électeurs par circonscription).


5. La proportionnelle va à l’encontre de la moralisation de la vie politique

Moraliser la vie politique, c’est permettre des choix démocratiques clairs : un programme clairement défini, choisi par les électeurs et appliqué par leurs élus. Or, comme je l’ai écrit plus haut, le scrutin proportionnel dans un paysage éclaté empêcherait toute majorité absolue "naturelle", c’est-à-dire voulue par les électeurs.

Cela entraînerait deux options : l’option ingouvernabilité, ce qui serait une catastrophe quand tant de choses sont à transformer en France ; l’option combinaisons, dans le plus pur style délices et poisons de la IVe République, où des partis non alliés devant les électeurs se retrouveraient dans l’obligation de s’allier à l’Assemblée Nationale pour soutenir un gouvernement fade qui ne ferait pas grand chose puisque dépendant de forces antagonistes.

La proportionnelle représenterait donc plutôt la démoralisation de la vie politique.

Reprenons l’exemple du scrutin du 16 mars 1986. Les proches de François Mitterrand (cités par "Le Figaro" du 20 février 2012 à partir d’un documentaire télévisé) ont depuis longtemps avoué la manœuvre politicienne de l’ancien Président pour favoriser le parti de Jean-Marie Le Pen. Lionel Jospin (à l’époque premier secrétaire du PS) : « La droite allait l’emporter et la proportionnelle a été un scrutin fait pour freiner et empêcher la droite d’avoir une écrasante majorité à l’Assemblée Nationale. ». Roland Dumas (qui était Ministre des Affaires étrangères) a confirmé : « Est-ce que le Front national était dangereux ? Non. Il ne pouvait pas prétendre à autre chose qu’à un bavardage politique. ». Belle morale politique, ils avaient, ces socialistes !


6. Alliances contre-nature

Au-delà des combinaisons dont n’ont pas accès les électeurs qui pourraient se sentir floués sinon trahis, le scrutin proportionnel renforcerait le populisme et les surenchères démagogiques. On le voit dans certains pays, la plupart des partis gouvernementaux, qui sont modérés car basés sur le réalisme, doivent faire des alliances contre-nature avec des partis extrémistes pour avoir le soutien d’une majorité absolue de députés. Cela hystérise la vie politique.


7. Les leçons européennes et même d’au-delà

L’actualité récente permet de voir l’horreur politique du scrutin proportionnel, même lorsqu’il n’est que partiel puisqu’il s’agit pour les deux premiers exemples d’un scrutin mixte proportionnel/majoritaire.

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L’Allemagne vient seulement d’investir son nouveau gouvernement. Angela Merkel, Chancelière allemande depuis le 22 novembre 2005, a mis presque six mois pour négocier un accord de gouvernement (entre les élections fédérales le 24 septembre 2017 et son investiture le 14 mars 2018). Et cet accord s’est fait sur le dos des électeurs : le SPD de Martin Schulz avait fait campagne contre toute reconduction de la GroKo (la grande coalition CDU/SPD) et ses électeurs peuvent donc être mécontents que le SPD se retrouve encore maintenant dans la grande coalition. Par ailleurs, la proportionnelle (pourtant seulement partielle) a envoyé au Bundestag 94 députés de l’AfD dont la campagne était manifestement extrémiste. Notons que les Allemands ont élu 709 députés, ce qui est nettement plus que les Français.

Un autre pays a montré aussi les dangers du scrutin proportionnel (dans un paysage politique éclaté) : l’Italie dont les élections générales du 4 mars 2018 l’a rendue ingouvernable, là aussi avec plus de députés qu’en France (630). Comme en Allemagne et d’une complexité autre mais équivalente à celui en Allemagne, le scrutin est mixte majoritaire/proportionnel (loi n°165 du 3 novembre 2017, dite Rosatellum bis). Trois blocs ou alliances se sont retrouvés sans majorité absolue : le M5S mené par Luigi Di Maio avec 222 sièges sur 630, la coalition de droite (Forza Italia/Lega) menée par Matteo Salvini et Silvio Berlusconi avec 263 sièges sur 630 et le Parti démocrate mené par Matteo Renzi avec 122 sièges sur 630. Le 5 mars 2018, Matteo Renzi (qui lui-même a été battu dans sa circonscription et a démissionné de la présidence du parti démocrate) a annoncé que le Parti démocrate serait dans l’opposition dans tous les cas. Le 6 mars 2018, Matteo Salvini a déclaré que son parti (La Ligue du Nord) ne ferait jamais de coalition avec le M5S. Il y a donc peu de chance pour qu’une majorité puisse être formée dans cette configuration.

Ce ne sont pas les seuls pays du monde qui sont dans des positions difficiles de gouvernement à cause de leur scrutin proportionnel.

En Espagne, les élections générales du 26 juin 2016, qui ont été anticipées car les élections précédentes du 20 décembre 2015 n’avait permis de dégager aucune majorité gouvernementale, ont abouti, là encore, à une confusion importante. Le mode de scrutin est proportionnel intégral comme en Belgique et en Israël. Cela a abouti à une assemblée (le Congrès des députés, chambre basse des Cortes Générales) très éclatée : le Parti populaire de Mariano Rajoy, au pouvoir depuis les élections générale du 20 novembre 2011, a obtenu 137 sièges sur 350 (33,0% des voix), le PSOE (socialistes) de Pedro Sanchez 85 sièges (22,6% des voix), Unidos Podemos de Pablo Iglesias 71 sièges (21,2% des voix) et Ciudadanos (centristes) d’Albert Rivera 32 sièges (13,1%), les autres sièges étant répartis sur des listes régionalistes (principalement catalanes et basques). Il a fallu dix mois pour résoudre cette crise (à partir de décembre 2015) : Javier Fernandez, dirigeant provisoire du PSOE, a donné son accord le 23 octobre 2016 pour soutenir le nouveau gouvernement (après le refus du PSOE d’être dans une grande coalition). Mariano Rajoy a été reconduit Président du gouvernement le 31 octobre 2016 (il l’était depuis le 21 décembre 2011), investi le 29 octobre 2016 à la majorité relative (170 pour, 111 contre et 68 abstentions).

En Israël aussi, la situation électorale est généralement confuse à cause de la proportionnelle qui donne une influence politique disproportionnée aux petits partis religieux, généralement extrémistes. Ainsi, aux dernières élections législatives du 17 mars 2015, le Likoud mené par Benyamin Netanyahou a obtenu 30 sièges sur 120 (23,4% des voix), ce qui était très loin de la majorité absolue, les travaillistes et centristes (Union sioniste) ont obtenu 24 sièges (18,7% des voix), l’extrême gauche et minorité arabe (Liste unifiée) 13 sièges (10,6% des voix), le centre laïc (Yesh Atid) 11 sièges (8,8% des voix), le centre Koulanou 10 sièges (7,5% le des voix), la droite religieuse 8 sièges (6,7% des voix), les ultra-orthodoxes séfarades (Shas) 7 sièges (5,7% des voix), la droite populiste d’Avigdor Liberman 6 sièges (5,1% des voix), les ultra-orthodoxes ashkénazes 6 sièges (5,0% des voix) et la gauche pacifiste 5 sièges (3,9% des voix). Benyamin Netanyahou, Premier Ministre du 18 juin 1996 au 6 juillet 1999 et depuis le 31 mars 2009, a mis quarante jours pour constituer une majorité avec les ultra-orthodoxes, la droite religieuse et les centristes de Koulanou pour atteindre 61 sièges sur 120. Il a ainsi été reconduit le 14 mai 2015. Et le mode de scrutin a été légèrement modifié le 11 mars 2014 en surélevant le seuil électoral de 2,00% à 3,25% ; avant 2014, c’était donc "pire".


Ne pas bouleverser les équilibres institutionnels toujours fragiles

La France jouit d’institutions à la fois démocratiques et efficaces, et Emmanuel Macron aurait d’ailleurs l’intention de célébrer leur soixantième anniversaire le 4 octobre 2018 avec une certaine solennité. C’est peut-être les seuls bases qui fonctionnent bien en France : pouvoir avoir un gouvernement capable d’agir tout en étant issu du peuple. Il est donc essentiel que, dans la recherche toujours ténue d’une perfection institutionnelle qui n’existera jamais de toute façon, on modifie le moins possible les équilibres. Les véritables carences résident dans les pratiques et pas dans les institutions. Ce sont les acteurs qui doivent veiller à leur moralité.

J’avais expliqué que la proportionnelle me paraissait plutôt pertinente pour le scrutin des élections européennes parce que l’objectif de ce scrutin est justement plus dans la représentativité des peuples européens (avec deux clivages : politiques mais aussi nationaux) que dans la recherche d’une majorité absolue pour soutenir un éventuel gouvernement européen (je rappelle que chaque pays européen a gardé sa souveraineté nationale et qu’il est dirigé avant tout par son gouvernement national).

En revanche, l’adoption de la représentation proportionnelle, même partielle, appliquée à l’élections des députés me paraîtrait une véritable faute historique dans la situation actuelle où toute transformation institutionnelle peut mécaniquement devenir irréversible. J’avais été parmi les très rares Français à m’être opposé au principe du quinquennat (moins de 6,8% des inscrits ont voté contre le quinquennat au référendum du 24 septembre 2000 !). Pourtant, la réforme n’a pas seulement réduit la durée du mandat du Président de la République. Elle a renforcé (comme l’avait d’ailleurs souhaité le Président Georges Pompidou) le pouvoir politique du Président en renforçant le lien d’allégeance entre lui et les députés de la majorité élus désormais seulement dans l’élan de l’élection présidentielle. Or, personne ne pourrait politiquement revenir sur cette durée.

Comme disait Pierre Mazeaud, alors Président du Conseil Constitutionnel, le 3 janvier 2006 : « Ne touchons que d’une main tremblante à des institutions qui sont le socle de la République ! ». Tremblons avant d’être paralysés !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 avril 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Protégeons la Ve République.
Le retour aux listes nationales aux élections européennes (2 décembre 2017).
Suicide à la proportionnelle intégrale.
Mode de scrutin des élections allemandes.
Mode de scrutin des élections britanniques.
Cumul des mandats.
Réforme des modes de scrutins locaux.
Réforme territoriale.
Le serpent de mer.
Le vote électronique.
Le vote obligatoire.
Non aux campagnes participatives !
Le mode de scrutin des élections européennes (4 février 2013).
Le mode de scrutin des élections législatives.
Élections législatives allemandes du 24 septembre 2017.
Élections législatives autrichiennes du 15 octobre 2017.
Élections législatives italiennes du 4 mars 2018.
Élections législatives israéliennes du 17 mars 2015.
Sommes-nous dans une dictature ?
Le 49 alinéa 3.
Redécoupage électoral en décembre 2009.
Faut-il supprimer l’élection présidentielle au suffrage universel direct ?
50 ans de Ve République (en 2008).
160 ans d’élection présidentielle (en 2008).
10 ans de quinquennat (en 2010).
La cohabitation.
La révision du 23 juillet 2008.
Les nominations présidentielles.
Quelques idées reçues sur le gaullisme.
Autorité et liberté.

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4 novembre 2017 6 04 /11 /novembre /2017 02:29

« Ensemble, nous voulons que la France réussisse sa modernisation pour ne plus perdre de temps et adapter enfin notre pays à un monde en perpétuelle mutation. Nous espérons transcender durablement les vieux clivages politiques, moderniser l’action publique et retisser le lien de confiance indispensable entre le citoyen et l’élu, tant nous sommes persuadés qu’il est crucial de régénérer notre vie démocratique. » (Déclaration constitutive du groupe Les Constructifs à l’Assemblée Nationale du 27 juin 2017).


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Luc Chatel, l’ancien Ministre de l’Éducation nationale de Nicolas Sarkozy, a annoncé le 2 novembre 2017 qu’il démissionnait de la présidence du conseil national du parti "Les Républicains" (le parlement de LR) et qu’il se retirait de la vie politique. Il n’est pas le premier à renoncer à la politique : Jean-Pierre Raffarin, Hervé Mariton, Jean-Louis Debré, Roselyne Bachelot, etc. avaient déjà franchi ce pas, et Nathalie Kosciusko-Morizet, après son échec aux élections législatives de juin 2017, est en train de chercher du travail pour retrouver une vie professionnelle.

Pauvre parti que sont devenus "Les Républicains" ! Après son échec prévisible à l’élection présidentielle de 2012, dans le cadre d’un retour traditionnel du balancier, ce parti était quasiment sûr de remporter l’élection présidentielle de 2017, d’autant plus sûr que le pouvoir socialiste était discrédité au point que le Président sortant François Hollande n’a même pas osé se représenter.

Le parti tablait ainsi sur un second tour entre lui et le FN de Marine Le Pen qu’il considérait comme imperdable. Tout le monde disait alors que l’enjeu s’était déplacé vers la primaire LR de novembre 2016 : Nicolas Sarkozy se sentait convaincu qu’il pouvait avoir les moyens d’une revanche tandis que son concurrent populaire Alain Juppé avait le vent en poupe. Las ! Ce fut le candidat François Fillon qui sortit du chapeau, de manière sans doute méritée car il était celui qui avait le plus travaillé pour la France depuis 2013, et celui qui avait construit le programme politique le plus cohérent et le plus …construit.

Le Pénélope Gate a cependant fait douter son propre électorat. Le très mauvais candidat du Parti socialiste, Benoît Hamon, issu de l’autre primaire ouverte pour cette élection présidentielle, a créé un tel espace politique entre François Fillon et Jean-Luc Mélenchon que le candidat Emmanuel Macron a pu habilement s’y glisser et se faire finalement élire.

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L’échec de LR n’est pas un échec électoral banal comme en 2012. C’est un désastre politique, un séisme électoral, moins pire que celui de son concurrent du PS, mais cela reste un désastre. D’une part, l’absence de son candidat au second tour de l’élection présidentielle est une catastrophe politique majeure pour ce parti. D’autre part, il a encore perdu beaucoup de sièges aux élections législatives de juin 2017 par rapport à son échec précédent de 2012. Enfin, les sirènes du macronisme ont chanté tellement fort qu’une partie de son électorat et aussi de ses cadres ont rejoint la majorité au sein d’un nouveau groupe politique, Les Constructifs.

Ce qui est significatif, c’est qu’un parti qui a été battu magistralement aux élections et qui voit une hémorragie de ses cadres et de ses élus vers un avenir ailleurs, une herbe plus verte, ne devrait avoir qu’un seul mot d’ordre : rassembler, reconquérir son électorat, élargir sa base électorale. Eh bien, c’est exactement le contraire qu’il fait, il réduit encore son audience en faisant des procès staliniens contre certains de ses membres.

Le mardi 31 octobre 2017, après un premier loupé le 24 octobre 2017 faute de quorum, le bureau de Les Républicains ont exclu cinq responsables LR : Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Thierry Solère et Franck Riester. Si les trois premiers sont membres du gouvernement actuel, les deux derniers n’ont fait que quitter le groupe LR à l’Assemblée Nationale pour créer avec l’UDI le groupe des Constructifs (un terme mal adapté).

Thierry Solère, qui avait dit à "La Croix" le 29 janvier 2015 : « Je préfère mon pays à mon parti. », avait renouvelé ce genre de déclarations après l’élection présidentielle et avait voté la confiance au nouveau gouvernement nommé par Emmanuel Macron : « Je préfère mettre mon énergie dans les cinq ans qui viennent pour essayer de participer avec d’autres à redresser le pays plutôt que mettre toute mon énergie pour essayer de reconstruire un parti. » (BFM-TV, le 21 juin 2017).

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L’absence, parmi les "exclus", de Jean-Baptiste Lemoyne, membre également du gouvernement (ancien sénateur LR) et proche du juppéiste Maël de Calan, et de la plupart des membres LR du groupe Les Constructifs à l’Assemblée Nationale créé le 27 juin 2017 (notamment Pierre-Yves Bournazel, Laure de La Raudière et Jean-Luc Warsmann) ainsi que ceux du groupe Les Indépendants au Sénat créé le 2 octobre 2017 (notamment l’ancien ministre Claude Malhuret), montre une absence totale de cohérence politique : pourquoi en exclure certains et pas d’autres ?

Pour le cas du retournement le plus spectaculaire, celui du Ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire (ancien candidat à la primaire LR), c’était plus facile puisqu’il avait quitté de lui-même LR pour adhérer à La République En Marche (LREM).

Cette histoire d’exclusion n’a jamais tenu la route. Personne ne voulait vraiment exclure tout en voulant quand même exclure. Pourquoi attendre six mois ? Ce qui est reproché surtout aux exclus, c’est de ne pas avoir attendu la fin des élections législatives de juin 2017 pour afficher leur adhésion à la majorité présidentielle, ce qui aurait plombé la campagne électorale de LR pendant un mois. Une analyse qui oublie la logique mécanique des institutions de la Ve République : les Présidents de la République parviennent toujours à obtenir une majorité parlementaire lorsque des élections législatives suivent leur propre élection (c’était le cas avec le PS en juin 1981).

En fait, Les Républicains n’ont pas compris grand chose à la situation politique actuelle. Pour accompagner cette affirmation, j’aurais tendance à faire rapidement deux rappels historiques et un pré-requis.

Le pré-requis, c’est de considérer que l’échéance reine des institutions actuelles, c’est l’élection présidentielle car elle détermine l’ensemble du paysage politique à court et moyen terme. La position d’un responsable politique pour une élection présidentielle est donc bien plus grave de conséquence que pour des élections législatives. Les cinq "exclus" du 31 octobre 2017 n’ont pas appelé à voter pour Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle du 23 avril 2017. Ils sont restés fidèles à leur engagement de voter pour François Fillon, même si, pour certains d’entre eux, ils ont réduit leur implication personnelle dans la campagne du candidat LR dès lors qu’on savait que ce dernier allait être mis en examen.

Le premier rappel fut la guerre la plus fratricide de la famille gaulliste. L’élection présidentielle de 1995 a vu deux candidats issus et membres du RPR, Jacques Chirac et Édouard Balladur. Édouard Balladur était le Premier Ministre et Jacques Chirac était le président du RPR. Il n’y a eu aucune exclusion du RPR en raison de la campagne présidentielle : ni Édouard Balladur ni ses plus proches soutiens du RPR, comme Charles Pasqua, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Michel Barnier, Bernard Debré, etc. n’ont été inquiétés sur leur appartenance au RPR après l’élection présidentielle de 1995. La différence entre 2017 et 1995, c’est qu’en 1995, les membres susceptibles d’être exclus étaient les perdants de l’élection présidentielle.

Le second rappel est intéressant car il évoque une situation politique finalement pas si éloignée de la situation politique actuelle. L’élection présidentielle de 1974 a en effet vu la victoire d’un candidat non gaulliste mais soutenu par des parlementaires gaullistes dès le premier tour. À savoir le candidat Valéry Giscard d’Estaing. Jacques Chirac, qui avait refusé de soutenir loyalement la candidature de Jacques Chaban-Delmas, n’a pas été exclu pour autant de l’UDR, ni les autres parlementaires et ministres qui s’étaient associés à lui et à son appel du 13 avril 1974 (notamment Jean Taittinger, Olivier Stirn, Jean-Philippe Lecat, Xavier Deniau, Maurice Herzog, Hector Rolland et René Tomasini).

Au contraire, Jacques Chirac a été nommé Premier Ministre, exactement comme Édouard Philippe a été nommé Premier Ministre quarante-trois ans plus tard. Pour l’UDR, c’était un avantage d’avoir un de ses membres à Matignon. Aujourd’hui, LR considère que ce n’est pas à son avantage d’avoir un de ses membres à Matignon. Pourtant, la politique proposée par le gouvernement d’Édouard Philippe sur le plan économique et social, à quelques différences près sur la politique fiscale, est la même que celle défendue pendant sa campagne par François Fillon !

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Cette incohérence politique et historique, sans compter la maladresse sur la forme, montre que Les Républicains va devenir de plus en plus une "coquille vide" qui va se recroqueviller vers un noyau dur de droite "musclée", pas celle qui a soutenu François Fillon au Trocadéro le 5 mars 2017 (ceux qui proclament cela se trompent à mon avis), mais cette droite même pas sarkozyste mais pauvrement buissonniste qui a été déjà recalée en 2012.

La perspective du choix du nouveau président de Les Républicains est d’ailleurs significative. Aucun grand "ténor" n’a semblé vouloir concourir : ni Xavier Bertrand, ni Valérie Pécresse. Le seul "ténor" à vouloir hériter de l’ancien grand parti LR, c’est Laurent Wauquiez, l’ambitieux aux dents longues, adoubé par Nicolas Sarkozy, qui est candidat à la campagne interne depuis le 26 octobre 2017 et jusqu’aux 10 et 17 décembre 2017, face au deux micro-candidats, la filloniste Florence Portelli et le juppéiste Maël de Calan.

Pas étonnant de voir Luc Chatel lâcher prise. D’autres le suivront certainement ou penseront à créer un véritable parti de centre droit, à la fois libéral, humaniste, européen et démocrate, et l’on n’imagine alors pas que ce parti n’inclue pas l’UDI, comme lors de la formation du groupe Les Constructifs à l’Assemblée Nationale il y a quatre mois…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 novembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les Républicains, parti des expulsions.
La primaire LR de novembre 2016.
François Fillon.
Alain Juppé.
Nicolas Sarkozy.
François Baroin.
Laurent Wauquiez.
Gérard Larcher.
Jean-Pierre Raffarin.
Xavier Bertrand.
Valérie Pécresse.
Jean-François Copé.
Nathalie Kosciusko-Morizet.
Bruno Le Maire.
Édouard Philippe.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Emmanuel Macron.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171031-les-republicains.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-republicains-parti-des-198397

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/11/04/35833685.html


 

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2 octobre 2017 1 02 /10 /octobre /2017 18:55

« Parmi les sources qui fondent la légitimité de notre assemblée dans la Ve République, on peut citer ces mots prononcés par Charles De Gaulle lors de son discours de Bayeux : "Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée, élue et composée d’une autre manière, la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. Or, si les grands courants de politique générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses droits". » (Gérard Larcher, le 2 octobre 2017 au Palais du Luxembourg).


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On ne pouvait pas dire qu’il y aurait une surprise à l’issue des élections sénatoriales du 24 septembre 2017, puisque le groupe majoritaire s’était renforcé, celui de Les Républicains. Le Président du Sénat sortant, Gérard Larcher (LR), n’avait donc pas beaucoup d’inquiétude pour reprendre un nouveau mandat de trois ans à la tête du Sénat, comme deuxième homme de l’État dans l’ordre protocolaire (même si ce n’est pas lui mais le Président de l’Assemblée Nationale qui préside le Parlement réuni en Congrès à Versailles). En outre, il a la fonction d’assumer l’intérim de la Présidence de la République en cas de vacance ou d’empêchement (seul Alain Poher a eu cette charge, à deux reprises en 1969 et en 1974).

Lors de la désignation du Président du Sénat, ce lundi 2 octobre 2017, ce fut donc "la" journée de Gérard Larcher. Il a en effet été élu dès le premier tour avec une large majorité, 223 voix sur 317 suffrages exprimés. 79 voix se sont portées sur la candidature de Didier Guillaume, président du groupe socialiste, et 15 voix sur Éliane Assassi, présidente du groupe communiste. Ces deux dernières candidatures ont rassemblé les seules voix de leur groupe. Le petit groupe sénatorial macroniste (LREM) a préféré, quant à lui, voté blanc ou nul (26 sénateurs ont choisi ce mode de suffrage). Il faut dire que la très grande majorité du groupe LREM faisait partie (pour les sortants) du groupe socialiste, mais ils ne pouvaient politiquement pas voter pour un parti dit d’opposition (que ce soit PS ou LR) et ne voulaient pas se compter (trop peu nombreux).

Qu’importe. Gérard Larcher, en rassemblant sept dixième des sénateurs dès le premier tour, a montré sa grande habilité et aussi sa capacité à rassembler, son sens du consensus et probablement, aujourd’hui, une véritable reconnaissance de ses qualités d’arbitre dans une atmosphère d’apaisement. Son vrai succès a été de réussir à éviter une candidature centriste, au contraire des précédents scrutins, en 2014, 2011, 2008, etc.

Rappelons que la Présidence du Sénat, jusqu’en 1998, était traditionnellement "réservée" à un centriste car le Sénat, bien avant Emmanuel Macron, n’a jamais voulu se diviser dans un clivage droite/gauche réducteur et il subsiste encore un petit groupe qui rassemble encore le centre droit et le centre gauche, le RDSE (Rassemblement démocratique social et européen qui était auparavant connu sous l’appellation de Gauche démocratique). En 1989, Charles Pasqua avait réussi à faire réélire Alain Poher (80 ans) contre un candidat centriste de renouveau, l’ancien ministre Jean Arthuis (45 ans), en attendant un renforcement de son propre groupe (RPR). Dix ans plus tard, la prédominance des gaullistes du RPR en 1998 avait permis à Christian Poncelet de remporter l’élection sur le sortant René Monory (75 ans).

Gérard Larcher a rassemblé sept dixième des sénateurs, mais on pourrait presque dire que l’unanimité est réellement en sa faveur : tous les sénateurs l’apprécient car il refuse toute posture partisane et il est avant tout le défenseur du Sénat et du bicamérisme, cette capacité essentielle de permettre à une seconde chambre d’améliorer, de perfectionner, de replacer dans la durée et dans l’histoire, les textes des députés souvent passionnels et à court terme. La nécessité de s’entendre avec les députés oblige les sénateurs à s’opposer, le cas échéant, avec modération, puisque, au final, l’Assemblée Nationale a le dernier mot (sauf pour les révisions constitutionnelles).

C’était tout le sens de l’allocution très consensuelle de Gérard Larcher à l’issue de sa réélection qui fut saluée par tous les sénateurs (enfin presque tous, car j’imagine, mais ce n’est qu’une supposition, que les deux sénateurs FN ne se sont pas levés). En tout cas, pas de sénateur France insoumise et donc, consensus plus fort autour de cette réélection : au-delà des sénateurs qui ont voté pour Gérard Larcher (LR, UDI, RDSE), même des sénateurs socialistes et communistes se sont levés pour applaudir le nouveau réélu.

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Le doyen des sénateurs qui a présidé la première séance (inaugurale) du nouveau Sénat (fortement renouvelé) était un socialiste, Philippe Madrelle dont la carrière politique ne pourra plus être imitée par ses successeurs en raison des nouvelles lois sur le cumul. À 80 ans, Philippe Madrelle, sénateur depuis octobre 1980 (élu cinq fois et son actuel mandat se termine en octobre 2020) fut élu président du conseil général de la Gironde de mars 1976 à avril 2015 sauf de mars 1985 à octobre 1988 (conseiller général de mars 1976 à avril 2015), président du conseil régional d’Aquitaine de 1981 à 1985, député de novembre 1968 à septembre 1980 et maire d’une petite commune de mars 1976 à mars 2001.

Un exemple typique de cumulard ! Quarante-neuf ans parlementaire, sans compter les autres mandats dont quarante ans à la tête d’un exécutif territorial très important (en terme budgétaire). Après avoir rappelé son long parcours, le doyen, qui est « entré très tôt dans la vie politique, où [l’]ont entraîné tant [ses] inclinations personnelles qu’une solide tradition de militantisme familial », a donc observé très lucidement : « Un tel parcours ne sera bientôt plus possible. Nous nous trouvons en effet aujourd’hui dans une période charnière et nous abordons une nouvelle époque de la vie politique. Le Sénat, comme les autres institutions, entre dans l’ère du non-cumul. Les nouvelles limitations apportées au cumul des mandats ne permettront plus d’exercer concomitamment plusieurs responsabilités comme je l’ai fait. ».

On comprend alors pourquoi Gérard Larcher a déclaré ceci : « La fin du cumul des mandats, monsieur le doyen, est un défi. Par construction, elle fragilise le lien qui unissait le sénateur aux élus locaux. C’est ce lien direct qui contribuait d’ailleurs à en faire un législateur avisé et un contrôleur vigilant. Je le dis très clairement, le sénateur d’octobre 2017 n’est plus le sénateur de juin 2017. Il va donc nous falloir exercer notre fonction de manière différente, pour prendre en compte les attentes des élus locaux avant comme après le vote de la loi et consolider le lien de proximité, les consulter davantage et, pour ce faire, mettre en place ici un outil numérique de consultation permanente des élus locaux. ».

Dans cette allocution, Gérard Larcher a expliqué de nouveau la fonction du Sénat : « Le bicamérisme est un atout pour notre démocratie (…). Le projet que je vous ai proposé repose sur deux principes qui me paraissent devoir structurer notre rôle : être garants de l’équilibre des pouvoirs, être garants de l’équilibre des territoires. ».

Et de poursuivre sur l’équilibre des institutions : « "L’horloge démocratique" de nos institutions ne peut être réduite à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, que suit l’élection des députés, laquelle n’est, depuis la réforme du quinquennat, que la "réplique sismique" de l’élection présidentielle. L’équilibre des pouvoirs, indispensable au fonctionnement démocratique de la République, a besoin d’une voix différente : celle du Sénat. (…) Le Sénat est, à mes yeux, le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. Il protège les citoyens des lois de pulsion votées dans la précipitation, sous la pression populaire ou médiatique du moment, des excès éventuels de l’exécutif influencé par la proximité d’élections nationales ou par sa chute dans les enquêtes d’opinion. ».

Gérard Larcher a défini l’influence du Sénat ainsi : « C’est ce contre-pouvoir qu’incarne le Sénat. Un contre-pouvoir exigeant, qui n’est jamais un anti-pouvoir et qui sait s’opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes, qui n’ont jamais été dans sa nature. Notre ambition, ce doit être l’intérêt de la France. La force du Sénat est aussi de savoir résister aux artifices temporaires de communication ou aux effets de mode qui parfois caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu’on passe soit de "l’ombre à la lumière", soit de "l’ancien monde au nouveau monde" ! ».

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Sur les élus locaux, les sénateurs se sentent investis d’être leurs représentants auprès du gouvernement : « Il faut rétablir une relation de confiance entre l’exécutif et les élus locaux. C’est indispensable pour redresser notre pays. Le Sénat doit être un facilitateur, un pont, pour que confiance et respect, ce sont les mots que j’employais le 17 juillet dernier, nous permettent d’instaurer des relations apaisées, positives. ».

Mais la phrase la plus importante et la plus attendue du discours de Gérard Larcher, ce fut son attitude vis-à-vis de la réforme des institutions que voudrait faire Emmanuel Macron. Pour réussir une telle réforme, il faut l’accord du Sénat puis des trois cinquièmes des parlementaires, ou, dans le cas d’un référendum, de la majorité des suffrages exprimés.

Toujours dans son style consensuel, Gérard Larcher s’est bien gardé d’ouvrir les hostilités, au contraire, il a redit sa volonté de coopérer avec le gouvernement avec la meilleure bonne volonté, mais en imposant une condition, que le Sénat soit écouté : « En ce qui concerne la réforme constitutionnelle, qui est pour nous une responsabilité majeure, je vous proposerai d’en examiner le contenue sans parti pris ni arrière-pensées, mais, je le dis clairement, le Sénat comptera dans cette révision ! » (2 octobre 2017).

Lorsqu’il avait gagné la "primaire" sur l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, médiatiquement beaucoup plus connu, en 2008, il n’avait l’air de rien. Ministre secondaire (mais qui avait montré déjà ses talents de négociateur avec les syndicats), Gérard Larcher est hors du sérail politique habituel (il n’est pas énarque mais vétérinaire pour chevaux), et incarne à merveille, avec la corpulence tout sénatoriale, le bon sens rural et (en même temps) la finesse urbaine.

D’une fidélité à toute épreuve (notamment fidélité à François Fillon lors de l’élection présidentielle), il est sans doute l’interlocuteur le plus redoutable que Les Républicains pouvaient espérer imposer au Président Emmanuel Macron, tout en douceur mais avec une fermeté et une solidité politiques qui ont déjà étonné.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Résultat de l’élection du Président du Sénat le 2 octobre 2017.
Allocution du Président du Sénat du 2 octobre 2017.
Édouard Philippe.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Gérard Larcher.
Élection du nouveau Président du Sénat (le 2 octobre 2017).
Résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Emmanuel Macron.
Jean-Pierre Bel.
Christian Poncelet.
René Monory.
Alain Poher.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171002-senatoriales2017-bg.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/10/12/35757811.html


 

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26 septembre 2017 2 26 /09 /septembre /2017 05:35

Grande victoire de LR et de l’UDI, échec de LREM et risque de disparition du PCF.


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Les élections sénatoriales du 24 septembre 2017 visant à renouveler la moitié du Sénat français se sont déroulées sans surprise, ou plutôt, ce n'était même pas une surprise qu’il n’y eût aucune surprise.

76 000 grands électeurs, désignés par les communes le 30 juin 2017, ont en effet voté pour désigner 171 nouveaux sénateurs pour un mandat de six ans, parmi les 2 403 candidats (170 renouvelables et une élection sénatoriale partielle à la suite de la démission du sénateur de Savoie Michel Bouvard, dans un département non renouvelable). Parmi les candidats, il y a eu beaucoup de recalés des élections législatives de juin 2017 : 286, soit plus de 10%.

Cet électorat, essentiellement les délégués des communes de la moitié de la France (l’autre moitié avait voté le 28 septembre 2014), est issu directement des élections municipales de mars 2014 qui furent une grande victoire de la coalition de centre droit LR-UDI.

C’était donc assez logique que le résultat des sénatoriales du 24 septembre 2017 confirme cette victoire du centre droit et en particulier de LR et aussi de l’UDI. Parallèlement, la gauche a perdu beaucoup de plumes, les communistes ont perdu le tiers de leurs effectifs (ils peuvent tout juste conserver leur groupe politique) et les socialistes aussi ont perdu un peu des leurs (sauf en Loire-Atlantique et bien sûr à Paris dont le corps électoral est associé à la municipalité de Paris).


1. Premier revers électoral pour Emmanuel Macron

L’information répétées avec raison, c’est l’échec cinglant de La République En Marche (LREM), le parti du Président Emmanuel Macron, qui a subi son premier revers. Certes, le mode de scrutin a été déterminant dans cet échec, mais les grands électeurs sont cependant rarement "politisés" et encore moins "partisans". Souvent, ils sont issus de petites communes sans étiquette et si leur tendance générale est effectivement proche du centre droit, cela voulait dire aussi qu’ils étaient macron-compatibles.

Rappelons qu’aux élections sénatoriales du 28 septembre 2014, il y a eu une grande surprise, l’élection improbable de deux sénateurs FN (le maire de Fréjus dans le Var et un maire de secteur de Marseille dans les Bouches-du-Rhône) alors que l’arithmétique des grands électeurs ne pouvait envisager un tel résultat.

Comme l’a constaté Laurence Rossignol, ancienne ministre socialiste réélue sénatrice de l’Oise, sur Public-Sénat le 25 septembre 2017, l’ensemble des grands électeurs de ce scrutin avait majoritairement voté pour Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle du 7 mai 2017 et pour des candidats LREM aux élections législatives de juin 2017 et donc, rien ne les aurait empêché, du moins idéologiquement, de voter pour des sénateurs LREM le 24 septembre 2017.

À Public-Sénat, le sénateur François Patriat (chef de file des sénateurs LREM) a bien fait sourire ses interlocuteurs le 25 septembre 2017 en indiquant que beaucoup de candidats LREM ont raté de peu leur élection, de quelques dizaines de voix ! Mais en fait, ces élections se font généralement, justement, à quelques dizaines de voix. C’était aussi l’argument utilisé par Jean-Luc Mélenchon pour dire qu’il aurait dû être au second tour de l’élection présidentielle, à quelques centaines de milliers de voix près ! (en oubliant qu’avant lui, il y avait aussi François Fillon).

Cet échec de LREM a plusieurs explications.

La première explication, c’est qu’Emmanuel Macron est novice dans la vie politique et il faut avoir une bonne connaissance, sinon expérience, de la vie politique pour comprendre et "sentir" des élections sénatoriales, en sachant que chaque département est une configuration particulière, et les situations locales sont très diverses (voir l’exemple des Hauts-de-Seine plus bas), un candidat indépendant très bien implanté peut faire mentir toutes les prévisions. Par ailleurs, l’absence de mandat électif d’Emmanuel Macron avant son élection à l’Élysée, en particulier, l’absence de mandat local, l’a handicapé dans cette compréhension subtile de la vie territoriale (Dominique de Villepin aurait probablement rencontré les mêmes difficultés).

La deuxième explication, c’est la manière quasi-masochiste du gouvernement actuel à vouloir s’aliéner le vote des grands électeurs : la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des habitants, et donc, nécessairement, la perte d’autonomie fiscale des communes, la baisse du nombre d’emplois aidés (que la droite parlementaire aurait probablement renforcée si elle avait eu le pouvoir au printemps), la réduction des dotations de l’État (là encore, la droite parlementaire aurait probablement réduit encore plus), toutes ces mesures ont suscité l’inquiétude sinon la colère des élus locaux et du tissu économique et associatif des territoires (de nombreuses associations jouant un rôle essentiel dans la vie sociale se retrouvent sans ressources).

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La troisième explication, c’est la manière de mener campagne. Certains candidats LREM ont même organisé des réunions publiques à l’occasion de cette campagne, ouvertes à tous les citoyens. Bien entendu, cette ouverture n’est pas blâmable en elle-même, au contraire, c’est sympathique d’associer une démarche électorale même à des non-grands électeurs, mais cela montre à quel point ceux-là n’ont rien compris aux élections sénatoriales. Il ne suffisait pas de poser sur une affiche avec la tête d’Emmanuel Macron pour se faire élire comme aux élections législatives. Il fallait être soit notable soit se faire connaître des élus locaux, et pour se faire connaître de ceux-ci, il n’y avait pas trente-six solutions, il fallait les rencontrer un à un, donc, faire le tour de tous les élus de toutes les communes de son département. À quatre ou cinq réunions par jour, il fallait bien deux à trois mois pour faire une campagne au moins de notoriété auprès d’eux avant de les convaincre.

Enfin, une quatrième explication, cela pourrait être l’arrogance de LREM vis-à-vis de cette échéance électorale. Quand je dis arrogance, elle est de deux types. La première est celle qui considère que les grands électeurs allaient accorder une confiance aveugle au nouveau gouvernement alors que celui-ci est en fonction depuis quatre mois avec déjà quelques résultats (moralisation de la vie politique, réforme du code du travail, etc.). La seconde est celle, en amont, d’une tentative de débauchage particulièrement malvenue de la part de LREM auprès des sénateurs sortants. À la manœuvre, François Patriat avait réussi à récupérer quelques sénateurs socialistes pour créer le 27 juin 2017 un groupe LREM au Sénat jusqu’à 29 membres (avant la mort accidentelle de Nicole Bricq).

Cette tentative de débauchage s’est poursuivie après l’élection du 24 septembre 2017 pour récupérer des nouveaux sénateurs élus, centristes, socialistes, sans étiquette, indépendants, divers droite ou divers gauche. Or, il est clair qu’on ne brusque pas un sénateur, trop fier de son indépendance politique, et aujourd’hui, ces sénateurs macron-compatibles préfèrent plutôt regarder l’action du gouvernement sans trop s’engager dans un premier temps.

Notons quand même que ces tentatives de débauchage sont classiques à l’issue d’un scrutin parlementaire, quel qu’il soit, auprès des heureux élus indépendants, notables, divers et sans étiquettes, qui n’avaient aucune investiture de parti issu des groupes politiques sortants, sans compter ceux qui, sans étiquette car dissidents, avaient déjà indiqué dans quel groupe politique ils siégeraient.

C’est la raison pour laquelle il est difficile de donner une bonne vision (parfaitement exacte) du nouveau Sénat tant que les nouveaux sénateurs ne se sont pas organisés et n’ont pas choisi leur groupe politique (ce qu’ils feront cette semaine). Ce ne sont donc que des projections, même si l’on connaît depuis le dimanche après-midi le nom de tous les élus.


2. Le Sénat sortant

Je redonne, proposé par le site du Sénat, l’état des groupes politiques au Sénat à la veille du renouvellement du 24 septembre 2017. Comme je l’ai expliqué précédemment, la loi contre le cumul des mandats s’applique maintenant aux sénateurs, et donc, certains élus ont dû choisir encore leur mandat sénatorial ou leur mandat d’exécutif local. Au contraire des députés, beaucoup de sénateurs ont alors opté pour rester au Sénat (comme le filloniste Bruno Retailleau qui préside le groupe LR). D’autres ont cependant préféré leur mandat local, ce qui fut le cas de François Baroin (maire de Troyes) et de Jean-Claude Gaudin (maire de Marseille), dans des départements qui ne renouvellent pas leurs sénateurs.

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Les sénateurs renouvelables inscrits à un groupe furent 53 LR, 47 PS, 19 UDI, 18 LREM, 16 PCF et 8 RDSE (centre gauche, essentiellement des PRG mais jusqu’en 2017, il y avait un LR, Gilbert Barbier, président du groupe). Comme on le voit, ceux qui avaient le plus à perdre étaient les macronistes et les communistes.


3. Quelques sénateurs sortants qui ne se représentaient pas

Des démissionnaires (hors renouvellement sénatorial) : Michel Bouvard, Jean-Claude Gaudin, François Baroin, Jean-Pierre Raffarin.
Un décès : Nicole Bricq.
Ne se représentaient pas (par retrait ou par cumul des mandats, ces derniers suivis d’une étoile, sauf erreur) : Bernard Saugey, Anne David, Gilbert Barbier, Christophe Béchu*, François Zocchetto*, Daniel Reiner, Évelyne Didier, Philppe Leroy*, Jean-Pierre Masseret, Gaëtan Gorce, Jacques Legendre, René Vandierendonck*, Michel Delebarre, Michelle Demessine, Daniel Percheron, Hervé Poher, Michèle André, Jean-Jacques Lasserre*, Chantal Jouanno*, Roger Madec*, Leila Aïchi, Hélène Lipietz (suppléante de Nicole Bricq), Catherine Tasca, Serge Dassault, Jean-Vincent Placé, Philippe Kaltenbach, Robert Hue, Hugues Portelli, Francis Delattre, Didier Robert, Jean-Pierre Cantegrit…


4. Le nouveau Sénat

Au-delà de l’échec de LREM, du PS et du PCF, il y a aussi deux autres échecs qu’il faut signaler : celui du Front national de Marine Le Pen (le corps électoral sénatorial a très peu varié par rapport à 2014 et le FN avait gagné deux sièges) et celui de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon qui a refusé de jouer ce jeu démocratique, alors qu’il n’a jamais été que sénateur apparatchik du PS pendant près de trente ans (de mars 1983 à juillet 2009) ! Sa proposition de supprimer le Sénat est donc plutôt une duperie intellectuelle sinon politique.

En tout, 69 sénateurs ont été réélus, soit un taux de renouvellement élevé, presque 60%.

Le groupe LR (centre droit) devrait avoir 159 membres, soit un gain de 17 sièges.
Le groupe UC (centristes de l’UDI) 50 membres, soit un gain de 8 sièges.
Le groupe PS (socialistes) 81 membres, soit une perte de 5 sièges (les socialistes limitent la "casse").
Le groupe LREM (macronistes) 28 membres, soit une perte d’un seul siège (en fait, grâce au transfert de certains sénateurs du groupe UC au groupe LREM).
Le groupe RDSE (centre gauche) 12 membres, soit une perte de 4 sièges.
Le groupe PCF (communiste) 12 membres, soit une perte de 6 sièges.


5. Quelques candidats battus

Suivi d’une étoile, sénateur non sortant.

LR : André Trillard, Alain Vasselle, Isabelle Debré, Joëlle Ceccaldi*, Éric Doligé…
UC : Christian Namy, Yves Pozzo di Borgo…
PS : Georges Labazée, Claire-Lise Campion…
LREM : Delphine Bataille, Michel Berson…
RDSE : Philippe Esnol…
Sans étiquette : Alex Türk (ex-RPR)…

L’exemple des Hauts-de-Seine est assez intéressant car la droite a été très divisée, avec cinq listes LR, ce qui lui a fait perdre un ou deux sièges dont celui d’Isabelle Debré, belle-fille de Michel Debré et belle-sœur de Jean-Louis Debré et Bernard Debré. Cela a favorisé le sénateur sortant André Gattolin (LREM) et fait élire Xavier Iacovelli (PS). Parmi les LR dissidents, la maire de Puteaux Joëlle Ceccaldi qui comptait, une fois élue sénatrice, "placer" son fils Vincent Franchi à sa place de maire (selon le conseiller municipal d’opposition Christian Grébert).


6. Quelques réélus et nouveaux élus

Suivis d’une étoile, les sénateurs sont de nouveaux élus.

LR : Michel Savin, Christophe Priou*, Philippe Bas, Philippe Nachbar, Jean-François Husson, Gérard Longuet, François Grosdidier, Marc-Philippe Daubresse*, Édouard Courtial*, Pierre Charron, Céline Boulay-Esperonnier*, Philippe Dominati, Anne Chain-Larché, Gérard Larcher, Jean-Raymond Hugonet*, Laure Darcos*, Roger Karoutchi, Philippe Dallier, Christian Cambon, Arnaud Bazin, Pierre Frogier…

UC : Joël Guerriau. Yves Détraigne, Valérie Létard, Olivier Henno*, Nathalie Goulet, Vincent Delahaye, Jocelyne Guidez*, Hervé Marseille, Vincent Capo-Canellas, Laurent Lafon*…

PS : André Vallini, Jean-Pierre Sueur, Pascal Kanner*, Laurence Rossignol, Marie-Noëlle Lienemann, Rémi Féraud*, Marie-Pierre de La Gontrie*, David Assouline, Vincent Éblé, Victorin Lurel*, Maurice Antiste, Hélène Conway-Mouret…

LREM : Didier Rambaud*, Jacqueline Gourault (la seule membre du gouvernement présente dans cette élection), Jean-Marie Vanlerenbergue (ex-UC), André Gattolin, Alain Richard…

PCF : Pierre Laurent…

Sans étiquette : Jean-Louis Masson (ex-RPR), Esther Benbassa…


7. La suite

La première session ordinaire de la XVe législature de la Ve République commence le 2 octobre 2017. Pour le Sénat, la première séance est consacrée à l’élection du nouveau Président du Sénat. En raison des résultats sans ambiguïté du 24 septembre 2017, il y a très peu de doute que Gérard Larcher soit réélu au Plateau. Il resterait alors le premier interlocuteur parlementaire d’Emmanuel Macron, notamment lorsque viendront des projets de révision constitutionnelle. Le Sénat reste une chambre parlementaire de temporisation et de pondération, corrigeant les passions peut-être parfois excessives de l’Assemblée Nationale et du gouvernement.

En revanche, le Sénat aurait tort de s’opposer frontalement à toute évolution constitutionnelle, même s’il est antirévolutionnaire par nature. En effet, s’il refusait d’accompagner une réforme, il risquerait beaucoup lors des prochaines élections et sa propre existence pourrait même être remise en cause, comme c’est déjà le cas par quelques démagogues peu respectueux de leur histoire parlementaire.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élection du nouveau Président du Sénat (le 2 octobre 2017).
Résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Emmanuel Macron.
Gérard Larcher.
Jean-Pierre Bel.
Christian Poncelet.
René Monory.
Alain Poher.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170924-senatoriales2017-bf.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/senatoriales-2017-2-sans-surprise-197136

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/09/26/35711967.html



 

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21 septembre 2017 4 21 /09 /septembre /2017 18:19

Née le 21 octobre 1922 à Paris, la milliardaire Liliane Bettencourt fut l'unique fille du fondateur de L'Oréal, Eugène Schueller et l'épouse d'André Bettencourt, ancien ministre RI, de 1950 à la mort de celui-ci, en 2007. Elle hérita du groupe de son père à la mort de celui-ci en 1957 et dirigea le groupe avec son mari en développant le mécénat. De fait, Liliane Bettencourt fut la personnalité la plus riche de France, la femme la plus riche du monde et la onzième personnalité la plus riche du monde, avec une fortune estimée en 2016 à 36,1 milliards de dollars par le magazine "Forbes". La récente affaire Woerth-Bettencourt à partir de 2010 a montré la grande influence qu'elle avait dans la vie politique française au plus haut niveau de l'État. À partir d'octobre 2011, elle a été mise sous tutelle (après sa réconciliation avec sa fille unique le 7 décembre 2010 à la suite d'une affaire d'abus de faiblesse) en raison de "l'altération de ses facultés cognitives". En 2012, elle a reçu 360 millions d'euros de dividendes (280 millions en 2009). En raison de nombreux dons (dont un de 552 millions d'euros le 11 février 2010) en faveur de la recherche médicale, une chaire porte le nom de Liliane Bettencourt depuis 2006 au Collège de France sur l'innovation technologique.

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170921-liliane-bettencourt.html


 

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19 septembre 2017 2 19 /09 /septembre /2017 04:38

170 sièges de sénateurs sur les 348 sièges au total sont renouvelable ce 24 septembre 2017.


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Dans quelques jours, ce dimanche 24 septembre 2017, il y aura deux élections cruciales pour l’Europe. La première, très médiatisée, ce sont les élections législatives en Allemagne, et les derniers sondages donnent une forte avance à la Chancelière sortante Angela Merkel (de la CDU) face à son (unique) concurrent (du SPD) Martin Schulz, ancien Président du Parlement Européen, malgré un démarrage en fanfare de la campagne de ce dernier. En cas de nouvelle victoire, Angela Merkel entamerait son quatrième mandat et entrerait dans les livres d’histoire à l’égale de Konrad Adenauer et Helmul Kohl, récemment disparu. Il reste encore à définir les contours de la coalition gouvernementale qu’elle mènerait, serait-ce encore la grande coalition (CDU-SPD) ou une coalition moins large comme CDU-FDP-Verts (le FDP, libéraux, ce sont les centristes qui avaient disparu du Bundestag aux dernières élections de 2013).

Mais il y a des autres élections beaucoup moins médiatisées, des élections nationales en France : le 24 septembre 2017, le Sénat est renouvelé de moitié aux cours des élections sénatoriales. Élu tous les six ans, les sénateurs ont un rôle essentiel dans la fabrication des lois et dans le contrôle du gouvernement. Parce qu’ils sont moins tributaires des modes, des sondages, et qu’ils ont plus de temps, ils peuvent approfondir certains sujets et apporter une valeur ajoutée de la raison face à une Assemblée Nationale plus tributaire du court terme et des passions populaires ou partisanes. Par exemple, ce sont les sénateurs qui avaient refusé il y a une dizaine d’années l’identification par ADN des personnes immigrées en attente de régularisation.


1. Pouvoir réviser ou pas la Constitution

L’enjeu est crucial dans ces élections sénatoriales. En effet, la question est de savoir si le Président Emmanuel Macron pourra disposer ou pas de la majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en congrès, auquel cas, il pourra réviser "à sa guise" la Constitution.

Reprenons un peu d’arithmétique parlementaire. L’Assemblée Nationale, élue les 11 et 18 juin 2017, compte 577 députés. Le Sénat compte 348 sénateurs. En tout, il y a donc 925 parlementaires. Les trois cinquièmes (60%) correspondent à 555 parlementaires.

À l’Assemblée Nationale, si l’on ne tient pas compte de la démission d’un député boxeur (mis en examen pour coups et blessures le 30 août 2017 sur une personne placée en soins intensifs), le groupe LREM (La République En Marche) compte 313 députés.

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Au Sénat, avant le renouvellement et par l’action de l’ancien Président socialiste du conseil régional de Bourgogne François Patriat, un groupe LREM a été formé le 27 juin 2017 comprenant 29 sénateurs et présidé par François Patriat, pour la plupart, des sénateurs PS (comme Jean-Pierre Masseret, Alain Richard, Michel Berson, Jean-Claude Boulard, Bernard Cazeau, Bariza Khiari etc.). Jean-Baptiste Lemoyne (LR) en était également membre mais sans y siéger car nommé le 21 juin 2017 dans le second gouvernement d’Édouard Philippe. Enfin, l’ancienne ministre socialiste Nicole Bricq en était également membre jusqu'à son décès brutal au cours de l’été.

Au total, LREM n’a actuellement que 342 parlementaires totalement inféodés. Certes, Emmanuel Macron pourrait aussi compter sur des parlementaires du MoDem et certains centristes voire LR ou PS, mais certainement pas de manière inconditionnelle. En d’autres termes, pour atteindre 555 parlementaires LREM, ce parti devrait gagner 213 sièges… sur les 170 sièges renouvelables au Sénat ! C’est donc mission impossible. Par ailleurs, LREM ne s’attend pas à beaucoup de gains à ces élections et a minimisé leur médiatisation pour cette raison.


2. Qui sera le prochain Président du Sénat ?

Un autre enjeu, c’est le Plateau, autre nom pour la Présidence du Sénat. Le Président du Sénat est le deuxième personnage de l’État (devant le Premier Ministre) et en cas de vacance présidentielle, c’est lui qui assure l’intérim à l’Élysée (ce fut le cas pour Alain Poher). Il nomme aussi certains postes clefs (notamment au Conseil Constitutionnel et au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel).

Ah, justement, prenons le Conseil Constitutionnel. Comme l’une de ses membres, Nicole Belloubet, nommée le 14 mars 2013 par Jean-Pierre Bel, a été nommée Ministre de la Justice le 21 juin 2017, en remplacement de François Bayrou, il a fallu pour l’actuel Président du Sénat Gérard Larcher lui trouver un successeur.

Très habile manœuvrier, le gaulliste Gérard Larcher, qui fait évidemment campagne pour sa réélection à la tête du Sénat, avait choisi le 25 juillet 2017 l’ancien Ministre de la Justice Michel Mercier, grand élu du MoDem (ancien président du groupe Union centriste et ancien président du conseil général du Rhône pendant plus de vingt ans) pour l’installer au Conseil Constitutionnel.

La nomination de Michel Mercier était doublement habile. Ce centriste en effet avait fait la campagne présidentielle en faveur d’Emmanuel Macron. En le désignant, Gérard Larcher continuait de se montrer macron-compatible. L’autre objectif, c’était aussi d’empêcher Michel Mercier de se présenter contre lui à la Présidence du Sénat : il aurait pu en effet former une majorité, en rassemblant centristes, LREM, et une partie des LR, étant donné qu’il a été le dernier Garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy (du 14 novembre 2010 au 10 mai 2012).

L’habileté a toujours des limites : malgré la validation de sa nomination le 2 août 2017 et sa nomination officielle le 3 août 2017, Michel Mercier fut contraint dès le 8 août 2017 à renoncer au Conseil Constitutionnel en raison de l’ouverture simultanée d’une information judiciaire le concernant (pour "détournement de fonds publics", en fait, encore une histoire de collaborateur parlementaire).

Pour Gérard Larcher, qui semble ne pas vouloir procéder à une nouvelle nomination avant le renouvellement du Sénat, la neutralisation d’une possible candidature de Michel Mercier est restée cependant acquise, l’information judiciaire étant un empêchement politique de première importance.

Après la démission du Sénat de son seul véritable rival, Jean-Pierre Raffarin, qu’il avait déjà battu en 2008 et en 2014, Gérard Larcher peut en effet rester confiant sur les chances de se maintenir à la tête du Sénat, car les équilibres politiques ne devraient pas être bouleversés, au contraire de l’Assemblée Nationale.


3. Le mode de désignation des sénateurs

Le scrutin proportionnel pour le grand nombre donne une connotation très politique à ce qui est en général considéré comme l’élection des représentants des territoires. Or, la très grande majorité des grands électeurs émane des conseils municipaux. Les dernières élections municipales de mars 2014 avaient été une grande victoire pour LR (Les Républicains), ce qui laisse peu de place à une percée significative de LREM.

Au contraire du mois de juin 2017, le climat politique de septembre 2017 (comme prévu) est nettement moins favorable à Emmanuel Macron. De plus, sa volonté de supprimer 80% de la taxe d’habitation a été très mal comprise par la plupart des maires ; en effet, la taxe d’habitation est l’une des recettes communales dont les conseils municipaux sont maîtres. En supprimant cette taxe au profit de nouvelles dotations provenant de l’État (nationalisation de la fiscalité des communes), non seulement les recettes restent incertaines (l’État ne cessant au fil des années de réduire les dotations) mais réduisent la liberté de manœuvre des communes sur le plan fiscal. On doute donc que les représentants de communes élisent un raz-de-marée de sénateurs estampillés LREM.

En raison de son renouvellement par moitié, les mouvements de balancier pour le Sénat sont donc beaucoup plus atténués que pour l’Assemblée Nationale, d’autant plus que les extrêmes ont peu misé sur ses élections (FI et FN notamment) en raison de leur faible représentativité dans les conseils municipaux. Cela n’empêche pas quelques surprises où des grands électeurs "apolitiques" se portent sur certains candidats, comme ce fut le cas dans les Bouches-du-Rhône et dans le Var en faisant élire deux sénateurs FN en septembre 2014 (un maire de secteur à Marseille et le maire de Fréjus), ce qui fut "historique". Ce mode de désignation n’a cependant pas empêché une alternance puisqu’en septembre 2011, la gauche fut majoritaire et a élu le socialiste Jean-Pierre Bel à la Présidence du Sénat (pour seulement trois ans sans laisser un grand souvenir).


4. Points communs avec les législatives de juin 2017

Le principal point commun, c’est l’application de la loi contre le cumul des mandats portant autant sur les sénateurs que sur les députés. Beaucoup de sénateurs sortants ont donc soit renoncé à se représenter (c’est le cas de François Baroin pour rester maire de Troyes et président de l’Association des maires de France), soit démissionné de leur mandat d’exécutif local (c’est le cas de Bruno Retailleau, très proche de François Fillon, qui a quitté la présidence du conseil régional des Pays de la Loire).

Par cet effet mécanique, il y aura donc nécessairement un plus grand renouvellement que dans les précédentes élections sénatoriales, ce qui est une toujours bonne chose.

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Il est probable aussi que la future Haute Assemblée serait plus féminisée. Certes, dans les départements où la proportionnelle est la règle, les listes sont déjà paritaires, mais beaucoup de candidats aux sénatoriales avaient contourné la règle de parité : dans un même parti, il pouvait ainsi y avoir deux listes menés par des hommes, ne recueillant qu’un seul siège, au lieu d’une seule liste qui aurait recueilli deux sièges (un homme et une femme donc). L’expérience sur le terrain a montré que cette tactique assez misérable avait fait perdre des sièges à ses protagonistes locaux, car la division réduit toujours le nombre de suffrages et une seule liste pouvait au contraire recueillir trois sièges au lieu de deux. Après le désastre législatif des deux principaux partis gouvernementaux traditionnels (LR et PS), leurs listes dans les départements sont raisonnablement plus unies que dans le passé, et donc leurs élus seront "plus paritaires".


Le Sénat, chambre essentielle dans les institutions de la République

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer et contrairement aux campagnes de désinformation contre le Sénat en général (amorcées par le Général De Gaulle en 1969, même si son fils est devenu par la suite un sénateur distingué), le Sénat s’est considérablement modernisé depuis une vingtaine d’années (en particulier grâce à l’action de deux Présidents de "bon sens", René Monory et Christian Poncelet). Il est en particulier très en phase avec la société, bien plus que l’Assemblée Nationale, en se préoccupant de la science, de l’éducation, de l’innovation, des créations d’entreprises, en scellant des collaborations avec des grandes écoles, des laboratoires de recherche, et avec d’autres forces vives du pays (apprentissage, etc.).

Au-delà de cette préoccupation de proximité, les sénateurs, parce qu’ils ne sont pas sous la pression électorale, ont acquis une grande indépendance (aucun Président de la République, même s’il est de la même tendance politique, ne peut vraiment imposer des décisions aux sénateurs, au contraire des députés élus dans la foulée de l’élection présidentielle), et une grande capacité à anticiper les lois par la production de nombreuses études et rapports qui font référence pendant plusieurs décennies (l’exemple le plus flagrant est la préparation des lois sur la bioéthique au début des années 1990). C’est pour toutes ces raisons que les résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017 seront un élément majeur dans la suite du quinquennat assez novateur d’Emmanuel Macron.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Emmanuel Macron.
Gérard Larcher.
Jean-Pierre Bel.
Christian Poncelet.
René Monory.
Alain Poher.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170919-senatoriales2017-be.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/senatoriales-2017-1-etat-des-lieux-196922

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/09/19/35688714.html



 

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10 septembre 2017 7 10 /09 /septembre /2017 21:00

À propos de l'article "Raymond Barre, un véritable homme d’État (1)".

C’est par une erreur regrettable que nous avons publié que M. Bruno Gollnisch, député européen, avait été condamné pour négationnisme. M. Gollnisch a été clairement innocenté le 23 juin 2009 par un arrêt de la Cour de cassation (n° 08-82521), rendu au fond, dont il résulte qu’il avait été poursuivi sur la base de bribes de réponse à des questions non précisées, artificiellement présentées comme une déclaration, et que, même ainsi articulés, ses propos n’enfreignaient pas la loi.

 


 

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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 05:48

« À chaque saison de la mode, comme dans l'actualité sociale et politique, difficile d'échapper à la question du code vestimentaire. » (Musée des Arts décoratifs de Paris).


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La révolution est en marche ! C’est une grande victoire des insoumis. Ils n’empêcheront peut-être pas (sûrement pas) la réforme du code du travail, mais au moins, ils ont gagné le symbole de la boboïtude de la décontraction.

Cela faisait depuis trois à quatre semaines que certains députés hommes déambulaient dans l’Hémicycle sans porter de cravate. Pour beaucoup, c’est une belle preuve d’impolitesse. La représentation nationale doit être respectueuse des usages, aussi sur le plan vestimentaire. On a rappelé souvent l’obligation des députés de porter une cravate. Que faisait la garde nationale ? Pourquoi laissait-on faire ?

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Lorsque Jack Lang, qui était Ministre de la Culture, était venu devant les députés pour répondre à une question orale au gouvernement, le mercredi 17 avril 1985, il avait scandalisé bien des parlementaires. La raison ? Il portait une veste conçue par Thierry Mugler qui avait un col Mao que Jack Lang avait fermé. Pas de cravate, donc. En réalité, ces cris étaient sans objet : on ne voyait effectivement pas sa cravate, mais il en portait bien une. C’était juste une provocation malicieuse du ministre.

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Le premier député à avoir provoqué par la cravate, ce n'était ni un écologiste, ni un insoumis, mais un libéral. Il avait 32 ans à l'époque : tout juste élu député de Redon, Alain Madelin était venu en 1978 dans l'Hémicycle sans cravate. Il s'était alors fait vertement remettre en place et rappeler à l'ordre par le président de la séance qui n'était autre que ...le communiste Guy Ducoloné (1920-2008), qu'il connaissait bien pour l'avoir affronté en mars 1973 dans son bastion rouge imprenable de Malakoff et Issy-les-Moulineaux. Alain Madelin, à seulement 27 ans, avait alors obtenu 45%, ce qui était fort honorable et l'avait fait intégrer dans le staff giscardien pour l'élection présidentielle suivante (en 1974).

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Le Musée des Arts décoratifs de Paris avait consacré une exposition temporaire du 1er décembre 2016 au 23 avril 2017 sur ce thème de la tenue vestimentaire, au titre éloquent : "Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale". L'exposition a regroupé plusieurs tenues qui ont fait scandale, comme la veste de Jack Lang, mais aussi la robe de la ministre Cécile Duflot qui s'était fait siffler par quelques députés machistes le 17 juillet 2012 au Palais-Bourbon.

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Le "jeunisme" du sans-cravate a souvent été utilisé par des hommes politiques pour montrer leur "modernisme" et leur volonté de "renouvellement". Au début de leur campagne respective, Bruno Le Maire, pour la primaire LR, et Emmanuel Macron, pour l'élection présidentielle, ne portaient pas de cravate dans leurs meetings, mais cela faisait tellement démagogique qu'ils ont fini par en porter une par la suite. Beaucoup de petits candidats à l'élection présidentielle ne portaient pas de cravate, de Brice Lalonde en 1981 à Philippe Poutou en 2017.

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Le Premier Ministre grec Alexis Tsipras a toujours refusé de porter la cravate, quitte à choquer les ronds de cuir du FMI et de la BCE !... L'ancien Président du Conseil italien Matteo Renzi et aussi Pablo Iglesias Turrion, le leader de Podemos en Espagne, ne portent jamais non plus la cravate. Et le Président américain Barack Obama avait dû insister pour que son homologue français François Hollande quittât son bout de tissu noué au cou : « François, on avait dit que tu pouvais enlever la cravate ! ». C'était le 18 mai 2012 à Camp David, pour le Sommet du G8. François Hollande était le seul à porter la cravate et a répondu en anglais : « Pour ma presse ! ». Barack Obama a acquiescé : « Pour ta presse, il faut que tu présentes bien ! ».

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Mais revenons à l'actualité. Lorsque le 27 juin 2017, les députés hommes insoumis (sauf leur patron au début) sont venus s’installer par ordre alphabétique dans la salle plénière, certains ne portaient pas la cravate. Aucun cri, pas de scandale. Juste quelques sourires amusés de journalistes ayant un peu de mémoire. Le Président de l'Assemblée Nationale lui-même, qui venait d’être élu, l’écolo-breton François de Rugy, n’a rien dit parce qu’il avait lui-même, simple député, fait une proposition pour en finir avec cette obligation.

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Mais de quelle obligation s’agit-il ? De porter la cravate ? Pourtant, les femmes ont heureusement le droit de rester en décolleté. Il a fallu donc trois semaines avant de statuer sur le sujet. C’est François lui-même (celui du perchoir) qui a fait le travail. Convenons que c’était un sujet d’une urgence de dimension mondiale.

Voici l'extrait du compte-rendu de la réunion du bureau de l’Aassemblée Nationale du 19 juillet 2017, publié le lendemain : « Point 7. Questions diverses. Sur le rapport du Président, le Bureau a rappelé qu’aucune disposition réglementaire ne fixant la tenue vestimentaire des députés, il n’y a pas lieu d’obliger les hommes au port d’une veste et d’une cravate dans l’Hémicycle. ».

La réalité, c’est que c’est une véritable "révolution". Cela ne s’est jamais produit. C’est un profond changement des pratiques en France. Voilà la révolution du jour ! Le hic, c’est qu’il n’est pas question de cravate mais de code vestimentaire. Aucune contrainte ? Verra-t-on un jour un ministre en maillot de bain ? Plongeant chez les parlementaires ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 juillet 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les sans-cravate.
La XVe législature.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170720-sans-cravate.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-sans-cravate-195483

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/08/03/35517609.html


 

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20 juillet 2017 4 20 /07 /juillet /2017 02:33

« Il a ressuscité tous les grands personnages de notre histoire et les lecteurs l’ont plébiscité. Max n’était pas seulement un grand écrivain, un historien pétri de culture, c’était un combattant, un orateur politique incomparable, un homme généreux qui savait parler au cœur du peuple. Il s’est détourné de la gauche à la fin de sa vie quand la gauche s’est détournée d’elle-même. Il n’avait plus qu’une seule passion, celle de la France. » (Jean-Pierre Chevènement, le 19 juillet 2017).


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L’écrivain, académicien et ancien minsitre Max Gallo est mort à 85 ans ce mardi 18 juillet 2017. Il est enterré ce vendredi 21 juillet 2017 à l'église Saint-Étienne-du-Mont, à Paris. Né le 7 janvier 1932 à Nice, agrégé d’histoire et docteur en histoire, enseignant à l’IEP Paris, après avoir été technicien de radio à l’ORTF à Antibes, auteur à succès de romans historiques, ayant à son actif plus d’une centaine d’ouvrages, sans compter les collaborations pour le compte d’autres auteurs. Il fut aussi un homme politique d’une certaine gauche souveraine, proche des chevènementistes.

Max Gallo faisait partie de ces personnalités de la littérature et de la politique : à l’évidence, comme Jean d’Ormesson, il était plus un écrivain qui a touché à la politique qu’un homme politique qui a écrit des livres, comme Jean-François Deniau. La preuve, d’ailleurs, c’est que son talent d’écriture, attirant beaucoup de lecteurs, a été couronné par son élection à l’Académie française le 31 mai 2007 pour succéder au philosophe Jean-François Revel (il a été élu contre l’éditorialiste Claude Imbert), après un premier échec le 22 juin 2000 pour succéder au philosophe Jean Guitton.

Il fut reçu sous la Coupole le 31 janvier 2008 par Alain Decaux, au fauteuil de prestigieux prédécesseurs, Colbert, La Fontaine, Marivaux, Victor de Broglie, Sully Prudhomme (le premier lauréat du Prix Nobel de Littérature en 1901), Henri Poincaré, Alfred Capus et Étienne Wolff : « Vous avez élu (…) un fils d’immigrés italiens (…). Vous avez élu le fils d’un ouvrier électricien et mon premier diplôme est un certificat d’aptitude professionnel de mécanicien-ajusteur. Vous affirmez ainsi, une nouvelle fois, que votre conception de l’unité et de l’identité nationale français, dont votre compagnie reste depuis Richelieu l’une des expressions majeures, est ouverte. En m’élisant, et je mesure avec humilité et gravité l’honneur que vous m’accordez, vous m’invitez à une communion solennelle avec la France. » (31 janvier 2008).

On peut être particulièrement impressionné par la production très féconde de l’écrivain, à savoir ses très nombreuses œuvres, ses biographies de grands hommes comme Henri IV, Louis XIV, Napoléon Ier , De Gaulle, Voltaire, Victor Hugo, Garibaldi, Jean Jaurès, Robespierre, Jules Vallès, etc., ses romans comme "Le Cortège des vainqueurs", "Une Affaire intime", "La Route Napoléon", etc., ses séries romanesques comme "La Baie des Anges", "La Machinerie humaine", "Les Patriotes", "Morts pour la France", "La Croix de l’Occident", "Les Romains", etc., et aussi ses ouvrages historiques sur Richelieu, sur l’Italie fasciste (le sujet de sa thèse de doctorat était : "Contribution à l’étude des méthodes et résultats de la propagande fasciste dans l’immédiate avant-guerre"), sur les deux guerres mondiales, sur la Révolution française, etc. À l’âge de 16 ans, il avait déjà rédigé plusieurs romans et même un essai au titre ravageur : "De Gaulle égale-t-il Bonaparte ?", mais il n’en reste rien.

Jean-Pierre Chevènement l’a comparé à un instituteur : « Par une création inlassable, Max Gallo s’est progressivement imposé dans le paysage intellectuel et politique comme le grand instituteur national qui manquait. À une France en pleine perte de repères depuis la mort du Général De Gaulle et le naufrage de l’union de la gauche, Max Gallo a fourni un substitut. En ce sens, il était devenu un repère. » (19 juillet 2017).

Max Gallo avait défini son objectif d’écrivain de cette manière : « Mon projet est de rendre vivante une personnalité. Tout en étant respectueux des apports de la recherche historique, je fais en sorte, par l’écriture, par la composition du récit, que le lecteur, peu à peu, pénètre tous ses aspects. Qu’il acquière ainsi de son sujet une connaissance presque charnelle ainsi que l’intelligence d’une période historique. ». Alain Decaux lui avait dit, lors de sa réception à l’Académie : « De vos romans historiques, l’invention ne trahit jamais la vérité et même, parfois, ajoute à nos connaissances. » (31 janvier 2008).

Ici, je me propose modestement, pour lui rendre hommage, de laisser de côté ce cœur de son existence, à savoir son œuvre littéraire et historique, et d’évoquer plutôt sa "vie politique", plutôt courte, et une partie de son action d’académicien.


Député de Nice puis membre du gouvernement

Parce qu’il était déjà un écrivain célèbre, le PS a pensé à lui pour affronter l’indéboulonnable maire de Nice Jacques Médecin (également député et président du conseil général des Alpes-Maritimes, ancien ministre). Max Gallo avait rencontré la première fois François Mitterrand en 1976 lors d’une émission "Apostrophes", présentée par Bernard Pivot (Max Gallo a fait partie des écrivains les plus souvent invités par Bernard Pivot, avec Jean d’Ormesson). Il fut élu député de la première circonscription des Alpes-Maritimes le 21 juin 1981, dans la lancée de la vague rose. Cette élection lui a donné une bonne base électorale pour se présenter aux élections municipales à Nice en mars 1983, néanmoins sans succès (la gauche a subi un revers historique à ces municipales).

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Apprécié de François Mitterrand, cet échec ne l’a pas empêché d’être nommé le 22 mars 1983 dans le troisième et dernier gouvernement (resserré pour une fois) de Pierre Mauroy (collé d’un numéro deux, Jacques Delors). Jusqu’à la démission de ce gouvernement et la nomination de Laurent Fabius à Matignon, le 17 juillet 1984, Max Gallo fut Secrétaire d’État, Porte-Parole du Gouvernement. Un ministère surtout verbal, nouveau pour la gauche (qui n’avait pas ce type de ministre pendant les deux premières années), un équivalent de Stéphane Le Foll sous François Hollande et de Christophe Castaner sous Emmanuel Macron. On imaginait bien, d’ailleurs, que Max Gallo ne devait pas être très à l’aise à l’époque : un électron libre qui devient la voie officielle de la langue de bois, c’est toujours à contre-emploi.

Car Max Gallo n’était pas seulement doué pour l’écriture, il l’était aussi à l’oral, pour exprimer des idées et participer pleinement au débat des idées. Sa très haute taille, son allure de géant pouvaient impressionner. Le grand public a ainsi pu le découvrir avec ses yeux pénétrants et ses cheveux longs et romantiques (un peu à la Chevènement). Plusieurs décennies plus tard, il ne resta plus que les yeux pénétrants, le crâne sans le cheveu, les derniers rasés de près.

Il fut d’origine communiste, d’un communisme qu’il a quitté avec l’insurrection de Budapest et la répression soviétique qui a suivi : « Je ne suis pas entré au parti communiste comme un fils de bourgeois qui a des complexes de classe, mais comme fils d’ouvrier confronté à des inégalités insupportables. Le jour est venu où j’ai trouvé absurde de rester communiste. ».

Max Gallo se sentait avant tout un "patriote" (il suffit de lire beaucoup de titres de ses œuvres qui tournent autour de ce thème), un Français fier de son pays, ancré dans sa tradition historique, autant républicaine que monarchique. Alain Decaux avait décrit son patriotisme avec ces mots : « Les questionnaires que nous remplissons sans cesse portent souvent cette interrogation : nationalité ? Et nous répondons : Français. En ce qui vous concerne, vous devriez écrire : profondément Français. À la France s’attachent toutes les fibres de votre corps, toutes les vibrations de votre esprit. Vous lui avez consacré des livres entiers comme si la France méritait, elle aussi, une biographie (…). Faut-il vous dans cette passion un nationalisme exacerbé ? Nullement. Ceux qui voudraient mettre en danger la démocratie vous font horreur. Il y a des pays que vous n’aimerez jamais, d’autres qui ont votre sympathie, parfois votre amitié, mais votre amour unique, c’est la France. À ceux qui vous comprennent mal, vous avez répondu : "Il faut bien que quelqu’un monte sur le ring et dise : Je suis fier d’être français !". Vous y êtes monté. » (31 janvier 2008).

S’il avait suivi Jean-Pierre Chevènement, au début des années 1990, dans la voie d’un certain souverainisme (qui ne va pas manquer d’être récupéré par certains), il est allé bien plus loin que la volonté de l’ancien grand ministre régalien lors de sa candidature en 2002 de réunir la droite et la gauche autour de l’amour de la France. En effet, malgré son "non" au Traité constitutionnel européen en mai 2005, il a carrément soutenu le 13 mars 2007 la candidature de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle (ce qui a fait hurler beaucoup de ses anciens "amis" politiques) et il a participé à l’une des cérémonies le jour de l’investiture le 16 mai 2007.

Sa mission gouvernementale s’est achevée juste après les élections européennes du 17 juin 1984, où il avait été élu député européen sur la liste socialiste de Lionel Jospin. Il assura ainsi deux mandats au Parlement Européen, réélu le 15 juin 1989 jusqu’en juin 1994.


Les vieilles habitudes du pouvoir

Il est intéressant de relire le témoignage de Michèle Cotta, qui, à l’époque gouvernementale de Max Gallo, n’était plus journaliste mais la très inconfortable présidente de la Haute Autorité de l’Audiovisuel (ancêtre du CSA). Le 30 avril 1983, dans ses "Cahiers secrets", elle parla en effet de "l’affaire Gallo". C’était à peine un mois après sa prise de fonction et il avait déjà pris beaucoup de temps de parole dans les médias.

Michèle Cotta raconta ainsi : « Un des hommes les plus proches, dit-on, de Mitterrand. Ce n’est pas une raison pour qu’on lui offre quatre fois, je dis bien quatre, pendant le mois d’avril, l’antenne de TF1 pour qu’il s’adresse aux Français [dans l’émission "C’est à vous"]. S’il avait parlé de littérature, passe encore. Mais non, il a répondu la plupart du temps à des questions politiques sans se rendre compte que les interventions gouvernementales sont comptabilisées, et qu’à ce titre, l’opposition peut demander un temps d’antenne compensatoire. ». C’était en effet ce qu’a demandé le (jeune) président du conseil général de Savoir, Michel Barnier (l’actuel négociateur en chef du Brexit pour l’Union Européenne), qui a ainsi envoyé un courrier à la Haute Autorité.

Michèle Cotta a poursuivi son récit : « Je m’arrête à cette histoire parce qu’elle semble significative. Max Gallo ne peut pas ne pas savoir que nous ne sommes pas dans un système africain, que le porte-parole du souverain ne peut pas s’exprimer indéfiniment sur la première chaîne de service public sans qu’un droit de réponse soit accordé à l’opposition. Il sait bien, aussi, que si la Haute Autorité existe, c’est précisément pour empêcher que le pouvoir s’empare des antennes du service public comme si elles lui appartenaient. ».

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La rage était donc palpable chez la présidente de la Haute Autorité, au point d’en perdre son vocabulaire : « Eh bien, il [Max Gallo] sait tout cela, mais semble s’en f@utre complètement : il pense pouvoir biaiser parce que l’émission est une émission en principe non politique et qu’elle est diffusée durant l’après-midi. Je passe ici sur l’agitation créée par cette affaire dont je sais déjà qu’elle me sera reprochée par l’Élysée. Le président de TF1 nous dit qu’il compte proposer quatre émissions identiques à l’opposition. Nous l’approuvons. Mais ne voilà-t-il pas qu’il va dire à Gallo, lorsque celui-ci tempête, refusant le droit de réponse de l’opposition, que ce n’est pas de sa faute, qu’il s’agit d’un oukase de la Haute Autorité ! ».


La langue française

Très à l’aise dans son habit d’académicien, Max Gallo a cependant peu participé aux travaux de la noble institution. Il a néanmoins rédigé un petit texte le 1er mars 2012 pour se scandaliser de la publicité pour une automobile de marque allemande, un texte que j’approuve complètement : « Cette publicité germanique envahissant, occupant, nos écrans de télévision afin de vanter Das Auto de marque allemande m’a fasciné. D’autant plus qu’on m’a assuré qu’elle avait été conçue par des Français. En outre, pour une voiture emblématique de l’Hexagone, on a jugé bon de faire la promotion de ce véhicule en allemand. Das Auto, durant quelques jours, est devenu ma "madeleine". ».

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Et il a abouti au Traité de Verdun signé en août 843 pour partager l’empire de Charlemagne à ses trois petits-fils : Lothaire Ier, le successeur du titre impérial, avec la Lotharingie (de la Flandre à Rome), Louis II le Germanique, pour la partie orientale (la Germanie) et Charles II le Chauve, pour la partie occidentale (la future France). J’ai beaucoup apprécié qu’il ait abouti à ce partage de l’Europe, essentiel pour comprendre l’histoire européenne et trop peu connu (ou retenu plutôt) des citoyens européens.

Pourquoi en est-il arrivé là ? Parce que, un an avant ce traité, en février 842 à Strasbourg, les deux frères Louis le Germanique et Charles le Chauve se sont alliés contre leur aîné Lothaire. Ils ont prononcé un serment d’alliance contre l’empereur. Et pour faire bonne mesure, chacun s’est engagé dans la langue de l’autre : la lingua teudisca (ancêtre de l’allemand) pour Charles le Chauve et la lingua romana rustica (ancêtre du français).

Max Gallo a alors insisté : « Ainsi, c’est un Germanique qui prononce le premier texte français connu. Et c’est un "historien" contemporain de ce IXe siècle qui le consigne en langue vulgaire. Ce texte est encore plongé (…) dans le latin. Mais il est la source de "l’ancien français". ». Et de conclure : « On s’est beaucoup querellé, récemment, à propos de l’identité nationale. La réponse est dans le serment de Strasbourg : la langue est le fondement de l’identité. Une nation qui perd sa langue disparaît avec elle. Deux frères, à Strasbourg, ont affirmé leur différence et leur union en prêtant serment dans la langue de l’autre. Quelle leçon ! Deutsche Qualität ! Qualité française ! ». Emmanuel Macron devrait ainsi se méfier de s’exprimer en anglais pour défendre la candidature de Paris aux Jeux Olympiques de 2024, comme il l’a fait le 11 juillet 2017 à Lausanne.


Le patriotisme

Comme je l’ai évoqué plus haut, Max Gallo était un patriote qui savait le prix de la guerre. Toute sa vie, son père, qui avait 20 ans à la veille de la Première Guerre mondiale, n’a cessé de lui raconter la vie de ses trois amis du même âge qui l’entouraient sur une même photo, et qui sont morts dès le mois d’août 1914, foudroyés par cette guerre.

Max Gallo, dans un discours sur la vertu qu’il a prononcé sous la Coupole le 27 novembre 2008, a rappelé les mots du maréchal Lyautey, profondément européen : « Ils sont complètements fous ! Une guerre entre Européens, c’est une guerre civile, la plus monumentale ânerie que le monde ait jamais faite ! ». Comment alors expliquer une telle "ânerie" ?

L’académicien et ancien ministre a alors proposé une explication : « Ce discours de la raison n’est pas entendu parce que, à la vertu de la lucidité, s’opposent ces vertus que sont le sens du devoir, la vertu d’enthousiasme, et cette vertu qui ces années-là rassemble toutes les autres ; la vertu patriotique. (…) C’est la vertu modeste et résolue des humbles. Celle d’un Lazare Ponticelli, le "dernier Poilu", mort cette année, engagé volontaire en 1914, à 16 ans, qui déclare : "J’ai voulu défendre la France parce qu’elle m’avait donné à manger". ».

Ce fut une hécatombe, rappela Max Gallo, 300 000 soldats tués en seulement cinq mois de guerre, et il cita le jeune lieutenant Charles De Gaulle, qui fut blessé dès le 15 août 1914 sur la Meuse : « En un clin d’œil, il apparaît que toute la vertu du monde ne prévaut point contre le feu. ». Max Gallo lui répondit en quelques sortes : « La vertu patriotique explique la résistance de ces hommes en pantalon rouge, cibles offertes dans les blés dorés. ».

Mais Max Gallo s’interrogea : « Que faire de ces morts ? Rappeler leurs jeunes vies pour vanter les vertus de la paix ? Et dénoncer les horreurs de la guerre, ce suicide collectif d’une civilisation. Pour stigmatiser ces souffrances, ces deuils, ces gueules cassées ? À l’évidence. On peut aussi, avec l’amère et sombre lucidité de Voltaire, dire que la guerre montre "les hommes tels qu’ils sont : des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue ». Pour lui, c’est largement insuffisant.

Max Gallo en est venu au patriotisme : « Les respecter [ces morts], c’est évoquer sans la glorifier, c’est rappeler sans grandiloquence cette vertu patriotique qu’aujourd’hui, on semble avoir honte de mentionner, alors que sans elle, on ne peut comprendre que des millions d’hommes aient combattu, c’est-à-dire accepté, quatre années durant, de prendre le risque de mourir et de tuer. D’être à la fois meurtrier et victime. ». Il cita un de ces soldats à Verdun : « Nous avons tout supporté, des obus, des éclats, des gaz, des liquides enflammés, des lambeaux de chair qui volent en l’air, du sang qui éclabousse. Nous tenons cependant. Comment ? C’est un miracle. Et nous nous battons. ».

Cette évocation de la Grande Guerre (où il a également cité Maurice Genevoix, Charles Péguy, Clemenceau et le maréchal Foch) a donné l’explication du patriotisme français de Max Gallo : repousser une telle vertu, ce serait, pour lui, ne pas respecter ceux qui ont donné leur vie dans ces combats si monstrueux.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le patriotisme.
Max Gallo.
Alain Decaux.
François Mitterrand.
Pierre Mauroy.
Jean-Pierre Chevènement.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170718-max-gallo.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/max-gallo-et-le-roman-national-195278

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/07/20/35493819.html


 

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