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14 mars 2017 2 14 /03 /mars /2017 03:31

« Philippe Alexandre fait partie de ces témoins méfiants par principe qui préfèrent prendre le risque d’une exagération que d’avoir laissé échapper un montage présidentiel, une outrance, pire encore, un abus de pouvoir. » (Serge July, janvier 2016).


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Ce mardi 14 mars 2017, un homme discret fête son 85e anniversaire. La classe politique l’a détesté ou le craignait pendant de plusieurs décennies, car on le disait "incorruptible", ou du moins, il refusait de se frotter très personnellement avec les responsables politiques (les relations entre politique et journalisme, lorsqu’elles sont trop proches, sont peu favorables à la démocratie). J’ai adoré écouter les chroniques politiques de Philippe Alexandre pendant de nombreuses années chaque matin à la radio.

Avec sa voix très grave et son faux air de lieutenant Columbo, Philippe Alexandre est un peu une sorte d’ovni dans le paysage médiatique français. Il est loin des paillettes et des lumières narcissiques du paysage audiovisuel. Personne n’est capable de dire pour qui il vote, et pourtant, il n’a jamais hésité à attaquer, à dire ce qu’il pensait sur des mesures concrètes, sur des faits politiques particuliers.

L’esprit caustique de Philippe Alexandre est l’expression de son indépendance, car, comme l’a décrit Serge July en janvier 2016, il a été « un pionnier du poil à gratter radiophonique et du trait à la pointe sèche ». L’ancien chroniqueur de RTL a donné une définition de l’éditorialiste : « [Mes] éditoriaux ont été écrits dans la fournaise de l’actualité de l’époque. Bien sûr, quelques-uns peuvent traduire des humeurs, de la mauvaise foi, des excès, mais n’est-ce pas le propre de la fonction d’éditorialiste ? » ("Le Figaro", le 7 janvier 2016).

Sa principale attaque fut d’ailleurs la publication le 11 février 2002 de son livre à charge contre Martine Aubry, en tant que Ministre du Travail, sur la mise en place des 35 heures : "La Dame des 35 heures", éd. Robert Laffont, coécrit avec Béatrix de L’Aulnoit, journaliste avec qui Philippe Alexandre a coécrit une dizaine de livres principalement politiques ou historiques.

Après quelques années de collaboration avec la presse écrite ("Combat", "Jours de France", "Le Nouveau Candide" et "Le Figaro littéraire"), Philippe Alexandre "s’est fait un nom" avec les cinq minutes de chronique quotidienne à 7 heures 45 qu’il assura pour la radio RTL d’avril 1969 à juin 1996. Il commentait la vie politique avec une ironie très mordante et surtout une indépendance qui faisait pâlir tous les acteurs de la politique française, surtout ceux qui voulaient lui imposer un point de vue.

Philippe Alexandre a commencé ses commentaires radiophoniques le jour du référendum malheureux du 27 avril 1969 et a pu donc décrire sans complaisance les mœurs politiques sous les Présidences de Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac.

Dans son éditorial du 3 novembre 1979, quelques jours après la mort mystérieuse du ministre Robert Boulin, Philippe Alexandre a lancé des accusations graves contre le RPR comme un pavé dans la mare : « Aux alentours du 15 septembre [1979], en tout cas avant le 20 septembre, des dirigeants du RPR se sont réunis et ont décidé de révéler à la presse des éléments de l’affaire Tournet-Boulin. ». Affaire qui a mis en cause l’honnêteté de Robert Boulin à un moment où il était considéré comme un futur Premier Ministre.

Cet extrait de chronique est une citation de Michèle Cotta dans ses "Cahiers secrets de la Ve République" (éd. Fayard), qui a voulu en savoir plus en allant demander le 8 novembre 1979 à Bernard Pons, à l’époque secrétaire général du RPR, ce qu’il en pensait : « Je le lis, je vois que c’est diffamatoire, j’appelle quelques avocats lotois [il était alors député du Lot], je leur demande conseil et je rentre à Paris dès le dimanche soir [4 novembre 1979]. (…) Je mobilise l’ensemble des secrétaires et autres chargés de mission pour savoir s’il y a eu, quelque part, une réunion de responsables RPR autour de l’affaire Tournet. (…) J’ai appelé moi-même la plupart des dirigeants du RPR : tous m’ont dit n’avoir tenu aucune réunion. Mon opinion à ce moment-là est qu’il faut une riposte aux affirmations de Philippe Alexandre. (…) J’ai posé la question, les yeux dans les yeux : peux-tu me dire si tu as présidé une réunion de ce genre, ici ou ailleurs ? Chirac me répond qu’il n’a pas présidé de réunion de groupe les jours en question (…). J’ai vérifié ensuite (…), à la mairie de Paris, qu’aucune réunion n’avaient été tenue à l’Hôtel de Ville entre dirigeants RPR. ». Ce qui motiva la publication d’un communiqué de démenti de Jacques Chirac et Bernard Pons et une menace d’attaque en diffamation.

Philippe Alexandre a réussi à résister aux nombreuses pressions politiques contre lui : « [François Mitterrand] adorait les journalistes courtisans, ceux qui se prosternaient devant lui, pas les autres. Moi, j’étais de la vieille école, je ne suis jamais entré dans ce jeu-là. (…) En 1982, il a demandé ma tête à Jacques Rigaud, le patron de RTL, via André Rousselet, homme lige de Mitterrand, qui était son directeur de cabinet à l’Élysée. La station voulait m’envoyer comme correspondant à Washington, mais je ne me suis pas laissé faire. » (7 janvier 2016).

De son côté, Michèle Cotta a confirmé le 23 février 1982 que François Mitterrand en voulait aux journalistes qui n’expliquaient pas bien sa politique alors que le mécontentement populaire montait : « Restent deux exceptions qui n’ont rien à voir avec la télé ou la radio publiques, c’est Jean Boissonnat à Europe 1 et Philippe Alexandre à RTL. Pour les deux, la critique est un fonds de commerce : ils ne changeront pas de ton. Mieux vaut les laisser continuer plutôt que d’essayer de les éloigner de leurs rédactions respectives. Je fais là allusion à une démarche de Rousselet auprès de Rigaud pour qu’il se débarrasse d’Alexandre. Erreur ! Rigaud a résisté à Giscard ; il résistera à Mitterrand, d’autant plus que son poste ne dépend pas de lui. ».

Ancienne collègue de Philippe Alexandre à RTL, Michèle Cotta est devenue la présidente de la Haute Autorité de l’audiovisuel (ancêtre du CSA) et a accepté d’étudier une protestation de Jacques Chirac, alors dans l’opposition, contre le traitement déséquilibré d’une information. Cette décision a plus choqué les journalistes, qui ne voulaient pas d’une instance qui les régulerait, que le pouvoir politique. Le 29 octobre 1982, elle observa : « Je repense à la façon dont j’ai longtemps entendu les hommes politiques se plaindre de la télévision. Ai-je franchi le pas, suis-je passée de leur côté ? Les journalistes sont devenus mes censeurs. Même la presse de droite, qui aurait dû apprécier notre indépendance vis-à-vis du pouvoir, nous voue aux gémonies ["nous" : la Haute Autorité]. Et Philippe Alexandre, qui n’a pas son pareil, de dire que notre intervention est condamnable. (…) Que sont nos amis devenus ? ».

Philippe Alexandre a raconté à Michèle Cotta le 17 septembre 1992, peu avant le référendum sur le Traité de Maastricht, que pour des raisons médicales, François Mitterrand avait appelé d’urgence à l’Élysée son urologue Bernard Debré (futur ministre d’Édouard Balladur et actuel député LR) qui se trouvait à Marseille pour participer à un meeting pour le "non", et François Mitterrand lui a dit : « Vous étiez en meeting. Pardon de vous avoir obligé à revenir ! C’est très bien d’aller voir les militants ; vous avez bien raison ! ». Et ce jour-là, pour éviter une rencontre avec Bernard Debré, François Mitterrand a fait poireauter une demi-heure son Premier Ministre Pierre Bérégovoy dans le couloir.

Alors que sa voix était très connue et reconnaissable, son visage a acquis également la notoriété lorsque Philippe Alexandre a participé à deux émissions de télévision, des "talk-shows", comme on dit, pour débattre de l’actualité politique de la semaine, d’abord sur TF1 avec Michèle Cotta et Serge July ("Le débat politique") de 1989 à 1992, puis sur FR3 vers 23 heures avec Christine Ockrent, Gille Leclerc et Serge July ("Dimanche soir") de novembre 1992 à juin 1997.

La présence de deux stars des médias (Ockrent et July) a assuré le succès de l’émission et a fait connaître Philippe Alexandre à un public moins habitué à la politique. Cela lui a même valu une marionnette aux "Guignols de l’Info" aux côtés de ses deux compères de la télévision, lui faisant dire quelques phrases récurrentes : « M’ame Krissine, fais péter la poire et les cahouètes ! » ou encore : « Chuis d’accord avec Cherge ! ».

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Philippe Alexandre a publié une trentaine d’ouvrages surtout politiques dont les quatre plus intéressants, à mon sens, sont : "L’Élysée en péril" (éd. Fayard) publié en 1969, "Le Duel De Gaulle-Pompidou" (éd. Grasset) publié en 1970, "Paysages de campagne" (éd. Grasset) publié le 5 octobre 1988, et "Nouveaux paysages de campagne" (éd. Grasset) publié le 17 septembre 1997. Il a aussi coécrit un livre avec Jacques Delors, "En Sortir ou pas" (éd. Grasset) publié le 2 octobre 1985.

Son dernier livre est "Notre dernier monarque" publié le 11 janvier 2016 (éd. Robert Laffont), où il a recueilli toutes ses chroniques pendant les deux septennats de François Mitterrand.

Avec l’ancien Président au double septennat, il n’a jamais été tendre : « François Mitterrand était un manipulateur, un homme politique doué, un artiste de la politique, même, mais pas un homme d’État. Un homme d’État est celui qui sert l’intérêt général, qui a une vision de l’avenir, qui porte de grands projets. (…) François Mitterrand, lui, n’a toujours songé qu’à sa carrière et à son élection. D’ailleurs, que reste-t-il de lui ? (…) On retiendra de lui qu’il est l’homme qui a lancé la carrière du Front national. Il y a mieux comme héritage ! » ("Le Figaro", le 7 janvier 2016).

Même sur l’abolition de la peine de mort, il reste caustique : « N’importe qui l’aurait fait, c’était le cours de l’histoire. Le fruit était mûr. Giscard d’Estaing réélu aurait aboli la peine de mort et Chirac aurait décidé son abolition. Certes, on ne peut pas en ôter les droits d’auteur à Mitterrand. Quant à Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, il a parfaitement su exploiter ce sujet par sa propre promotion. Il en a fait des tonnes. ».

Bon anniversaire et longue retraite à l’homme à l’acide corrosif (ou alors à la soude caustique, mais surtout, ne pas mélanger les deux !) qui manque un peu dans le paysage journalistique depuis une vingtaine d’années !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 mars 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Philippe Alexandre.
Hannah Arendt et la doxa.
Jean-Jacques Servan-Schreiber.
Elie Wiesel.
Jean-François Deniau.
Les cahiers secrets de Michèle Cotta.
Jean Boissonnat.
Étienne Borne.
Alain Decaux.
Pierre-Luc Séguillon.
Françoise Giroud.
Jean d’Ormesson.
André Glucksmann.
Henri Amouroux.
René Rémond.
Noël Copin.
Maurice Duverger.
Jean Lacouture.
Bernard Pivot.
Michel Polac.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170314-philippe-alexandre.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/philippe-alexandre-editorialiste-190533

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/03/14/35026880.html

 

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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 05:27

« Porter le nom de De Gaulle est difficile. Un De Gaulle n’a pas droit à l’erreur. ».


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L’amiral Philippe De Gaulle, connu avant tout pour être le fils du Général De Gaulle, fête ce mercredi 28 décembre 2016 son 95e anniversaire. D’allure aussi grande et massive que son père, ce qui était un point de rapprochement pour le père, il fut surnommé Sosthène par "Le Canard enchaîné".

Il fait partie de la génération qui avait 18 ans le 18 juin 1940. Philippe De Gaulle n’a même pas entendu son père à la BBC car il était embarqué avec le reste de sa famille vers la Grande-Bretagne. Le 20 juin 1940, il s’engagea dans les Forces françaises libres, et intégra l’École navale. Durant toute la guerre, il participa aux combats et progressa en grade. Il fut l’un des acteurs de la libération de Paris, le 25 août 1944 (dans le rôle d’un messager) et continua la guerre dans les Vosges.

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Après la guerre, il poursuivit une brillante carrière dans l’armée de mer, jusqu’au grade d’amiral en 1980. Il a pris sa retraite en 1982 comme inspecteur général de la Marine. Même si son nom est prestigieux, il est probable que lorsque son père en avait la capacité, il n’a pas pu bénéficier de passe-droits pour "monter" dans l’armée. On pourrait même l’imaginer un peu comme le fiston du commandant du "20e de cavalerie", dans une aventure de Lucky Luke, à savoir que son lien de parenté aurait pu plus freiner qu’accélérer sa carrière.

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Alors qu’il l’aurait certainement mérité, Philippe De Gaulle n’a pas été fait compagnon de la Libération et n’a pas eu la médaille de la Résistance. Son père lui a dit à ce propos : « Naturellement, je ne pouvais pas, toi mon fils, te faire compagnon de la Libération. Sinon à titre posthume ou si tu étais revenu gravement mutilé, et encore ! D’ailleurs, j’ai nommé un conseil de l’Ordre qui ne me l’a pas proposé et maintenant, c’est terminé… sauf pour la Croix qu’on réserve à Churchill. ».

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Le plus étonnant fut l’engagement politique de Philippe De Gaulle à l’âge de 65 ans. Alors que la France était en pleine (première) cohabitation avec pour Premier Ministre le président du RPR, parti qui a vocation à relayer l’héritage du gaullisme, à savoir Jacques Chirac, Philippe De Gaulle se présenta (sans trop de danger d’échec) sur la liste RPR aux élections sénatoriales de Paris le 28 septembre 1986.

La surprise, ce n’était pas de s’engager politiquement, puisqu’il est très courant que des "fils de" personnalités politiques éminentes soient des parlementaires eux-mêmes. L’étonnant, c’était de se présenter au Sénat alors que son père avait justement démissionné à cause de l’échec le 27 avril 1969 de sa réforme du Sénat qu’il voulait supprimer. Or, entre 1981 et 1986, après l’arrivée de la gauche au pouvoir, le Sénat, pourtant présidé par Alain Poher (un adversaire du gaullisme en 1969) fut la caisse de résonance de l’opposition à la politique socialo-communiste. L’entrée donc de Philippe De Gaulle au Palais du Luxembourg fut en quelques sortes la reconnaissance de l’utilité du Sénat chez les gaullistes.

Philippe De Gaulle assura ainsi deux mandats de sénateur, du 2 octobre 1986 au 30 septembre 2004 (il avait 83 ans à la fin de son second mandat), réélu le 24 septembre 1995, avec l’étiquette RPR puis UMP. Il fut membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Il n’a certes pas réalisé un travail démentiel au Sénat, mais a su utiliser ses compétences militaires pour approfondir certains sujets. Il n’a été (à ma connaissance) l’auteur d’aucune proposition de loi. Il n’a posé que deux questions orales au gouvernement (en dix-huit ans de mandat) : une sur les conditions d’attribution de l’allocation pour jeune enfant le 23 février 1996, et une sur la fiscalité applicable aux retraites mutualistes des anciens combattants le 12 octobre 2000.

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En outre, il a déposé quatre rapports : trois avis sur le budget des forces terrestres des projets de lois de finances pour 1990, 1991 et 1992 ; et un rapport d’information (n°303) corédigé avec Jean Lecanuet, Jacques Genton, Max Lejeune, Xavier de Villepin, Albert Voilquin et Michel Alloncle (déposé le 25 avril 1991) sur les "enseignements immédiats de la crise du Golfe quant aux exigences nouvelles en matière de défense". On peut ainsi y lire : « L’amiral Philippe De Gaulle a fait observer qu’il considérait, pour sa part, que le Président irakien avait fort bien utilisé les médias au profit de sa cause. Il a insisté sur le fait que le gros des troupes irakiennes équipées de matériel moderne se trouvait très en profondeur du dispositif, à l’intérieur de l’Irak. (…) Il a mis en lumière les difficultés qui avaient résulté du caractère mixte de l’armée française quant à la mise en place d’unités professionnalisées équipées de matériels puissants. Il a donné des éléments chiffrés sur le problème du rééquilibrage entre forces professionnelles et conscription au sein de l’armée de terre, et a noté qu’une armée de terre de 200 000 hommes lui semblait en tout état de cause un seuil minimal, dont la modestie devrait être compensée par une professionnalisation accrue. ».

Deux de ses quatre fils furent également parlementaires.

Jean De Gaulle (63 ans), expert-comptable, s’est engagé au RPR dans une carrière d’élu local assez ordinaire (proche de Jacques Chirac). Il fut élu maire de Thénezay de 1989 à 1995 puis adjoint au maire de Paris de 1996 à 2001, député des Deux-Sèvres de mars 1986 à mars 1993 puis, reprenant la circonscription de Pierre de Bénouville, député de Paris de mars 1993 à janvier 2007, et vice-président du conseil régional du Poitou-Charentes de 1992 à 1994. Il ne se représenta car il fut nommé (au tour extérieur) à la Cour des Comptes fin 2006 (sa circonscription est passé au PS en juin 2007 avec l’élection de Sandrine Mazetier).

L’aîné, au même prénom que son illustre grand-père (quelle idée, comme pour George Bush !), Charles De Gaulle Jr (68 ans), avocat d’affaires, a eu une trajectoire politique un peu plus chaotique. Engagé d’abord à l’UDF (et barriste), il fut conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais de 1986 à 1992, premier adjoint au maire de Rueil-Malmaison de 1989 à 1990 et député européen UDF à partir de 1993, présent sur la liste de Valéry Giscard d’Estaing en juin 1989.

En juin 1994, Charles De Gaulle Jr fut réélu député européen sur la liste souverainiste de Philippe de Villiers, et en juin 1999, il fut réélu député européen sur la liste FN de Jean-Marie Le Pen. Il fut député européen de 1993 à 2004, allant de l’UDF au FN en passant par le MPF. En mars 2001, il se présenta aux élections municipales de Paris sur une liste du FN. L’engagement au FN de "Charles De Gaulle" (Jr) fit grand bruit (un peu comme Frédéric Mitterrand ministre de Nicolas Sarkozy) et 57 membres de la famille De Gaulle ont fermement condamné son engagement au FN dans une tribune publiée par le journal "Le Monde" du 19 mai 1999 en exprimant leur indignation : « Pétainiste, OAS, révisionniste et antisémite sur tous les fronts, ce parti extrémiste et factieux a combattu violemment De Gaulle, la Résistance, l’intégrité de notre patrie. ».

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Les 13 novembre 2003 et 26 février 2004 furent publiés chez Plon les deux tomes d’un long livre d’entretiens de Philippe De Gaulle avec l’écrivain Michel Tauriac, "De Gaulle mon père" qui constitue un précieux témoignage sur les conversations qu’ont pu avoir le père et son fils, qui ne se voyaient pas très souvent à cause des activités militaires de Philippe. François Dufay, du magazine "Le Point", constatait : « Longtemps brocardé comme héritier sans éclat, le fils du Général aura attendu ses 82 ans pour devenir enfin lui-même, en révélant son illustre géniteur sous un éclairage inédit. » (26 février 2004).

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Ce type de témoignage fut cependant contesté par quelques historiens en raison de quelques inexactitudes et sans doute aussi de réflexions du Général De Gaulle qui étaient dites en "off" et sans volonté d’être diffusées, et probablement dans un contexte très différent de la France d’aujourd’hui (notamment à propos des musulmans, des Algériens, etc.).

Philippe De Gaulle fut avant tout un témoin au premier rang d’un héros de l’histoire de France. C’est rare car l’histoire n’en fabrique qu’un par siècle. D’ailleurs, les Français attendent leur prochain héros, leur prochain homme providentiel. Et à défaut, à chaque élection présidentielle, ils croient au Père Noël ! Espérons qu’en 2017, ils comprendront enfin qu’il n’a jamais existé, le Père Noël.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 décembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Philippe De Gaulle.
L’ambition en politique.
De Gaulle réélu.
Halte à la récupération de De Gaulle !
La première élection présidentielle française.
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
L’élection présidentielle de 2012.
Le quinquennat.
La Ve République.
De Gaulle face à l’Histoire.
L’appel du 18 juin.
De Gaulle Président.
Les valeurs du gaullisme.
L’héritage du gaullisme.
Péguy.
Le Comité Rueff.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161228-philippe-de-gaulle.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/philippe-de-gaulle-entre-pere-et-187673

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/12/28/34705566.html
 

 

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29 novembre 2016 2 29 /11 /novembre /2016 00:12

« Mes chers compatriotes, c’est avec beaucoup d’émotion que je m’adresse à vous ce soir. Pas un instant, vous n’avez cessé d’habiter mon cœur et mon esprit. Pas une minute, je n’ai cessé d’agir cette France magnifique. Cette France que j’aime autant que je vous aime. Cette France riche de sa jeunesse, forte de son histoire, de sa diversité, assoiffée de justice et d’envie d’agir. Cette France qui, croyez-moi, n’a pas fini d’étonner le monde. » (Allocution télévisée du 11 mars 2007, Paris).


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L’année 2016 fut un calvaire pour sa famille avec la disparition de sa fille aînée Laurence le 14 avril 2016 à l’âge de 58 ans. Le mercredi 21 septembre 2016, des rumeurs persistantes annonçaient la disparition de l’ancien Président de la République, hospitalisé depuis le 18 septembre 2016 pour une infection pulmonaire. Heureusement, il a résisté et est sorti de l’hôpital le 13 octobre 2016. Jacques Chirac fête ce mardi 29 novembre 2016 son 84e anniversaire.

Son anniversaire tombe souvent dans une grande actualité de sa famille politique. Il y a deux jours, ce fut le second tour de la "primaire de la droite et du centre" et l'échec de son "poulain". Il y a quatre ans, c’était la guerre intestine de l’UMP qui terrifia tous les partisans de l’unité.

Soutenant Alain Juppé qu’il considéra comme "le meilleur d’entre nous" (sa fille Claude Chirac l’a reçu le 5 novembre 2016 en Corrèze), Jacques Chirac reste la statue du commandeur de ceux qui se réclament encore du gaullisme.

L’un des points essentiels du gaullisme est l’indépendance de la France. Or, l’indépendance se mesure par des actes. Et sa meilleure expression se fait par rapport aux États-Unis. Le principal acte d’indépendance de la France depuis la démission du Général De Gaulle le 28 avril 1969, ce fut le refus de la guerre en Irak et le fameux discours de Dominique de Villepin au Conseil de Sécurité des Nations Unies le 14 février 2003.

Jacques Chirac avait noué de meilleures relations avec le prédécesseur de George W. Bush Jr, à savoir avec Bill Clinton. Deux journalistes ont même publié un livre en janvier 1999 sur les relations entre Jacques Chirac et Bill Clinton ("Dear Jacques, Cher Bill… Au cœur de l’Élysée et de la Maison-Blanche", chez Plon). Il s’agit de Thomas Sancton, de "Time Magazine" et de Gilles Delafon, du "Journal du dimanche".

Pour rendre hommage à Jacques Chirac et à son caractère profondément humain et volontaire, je propose ici une anecdote racontée par ces deux journalistes.

Au début de l’année 1996 (il y a vingt ans), Jérusalem et Tel-Aviv furent touchés par des attentats meurtriers commis par des islamistes du Hamas (27 morts le 25 février 1996, 19 morts le 3 mars 1996, 13 morts le 4 mars 1996, etc.).

Shimon Pérès, alors Premier Ministre par intérim d’Israël, après l’assassinat de Yitzhak Rabin, a interrompu le processus de paix et boucla les territoires palestiniens. Il entrait dans une période électorale et devait faire face aux "faucons". De son côté, Yasser Arafat était discrédité, n’avait plus le contrôle de la situation à cause du Hamas, son ennemi. Jacques Chirac a eu beau écrire à Shimon Pérès : « La route de la paix est dure, mais je sais que le terrorisme et le fanatisme ne pourront pas vous en détourner. », la situation était loin de se "calmer", au contraire…

Le Président égyptien Hosni Moubarak proposa d’organiser très rapidement (en trois jours) une conférence internationale pour remettre en route le processus de paix. Elle se passa à Charm El-Cheikh les 12 et 13 mars 1996. Charm El-Cheikh est une station balnéaire de la pointe sud du Sinaï, au bord de la Mer Rouge, qui connut, elle aussi, bien plus tard, des tragédies : des attentats islamistes (88 morts le 23 juillet 2005) et deux crashs d’avion (148 morts le 3 janvier 2004 et 224 morts le 31 octobre 2015). Vingt-neuf chefs d’État et de gouvernement étaient présents. Jacques Chirac était accompagné dans sa délégation notamment d’Hervé de Charette et de Jean-David Levitte.

Sur place, le 12 mars 1996, le conseil diplomatique du Président est passé discuter avec Yasser Arafat et est revenu dire à Jacques Chirac : « Il est totalement déprimé. Monsieur le Président, je pense qu’il faut que vous alliez le voir. ». Jacques Chirac n’a alors pas hésité, il est allé dans la chambre d’hôtel de Yasser Arafat et lui lança : « Yasser, tu es un gagneur ! Ce jour est ton jour ! Tu as besoin de résister ! ».

Yasser Arafat, qui ne portait pas son keffieh, avait le moral à zéro : les islamistes palestiniens pourrissaient les accords de paix et les Israéliens se raidissaient. « En quelques phrases, et avec l’emphase qui le caractérise, le Président français lui remonte le moral et lui fait partager son optimisme. Stupéfait, Levitte voit peu à peu Arafat se ressaisir, telle une baudruche que l’on regonfle à coups d’encouragements. Un sourire creuse peu à peu son visage. » (livre cité). Et Yasser Arafat de remercier Jacques Chirac : « Vraiment, Monsieur le Président, vous êtes le docteur Chirac ! ».

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En fait, Yasser Arafat était en entretien avec Gro Harlem Bruntland, Premier Ministre de Norvège (le livre cité explique qu’elle était la "Président islandaise" !), et Jacques Chirac ne s’en était pas aperçu quand il est arrivé précipitamment dans la chambre ! Elle « réapparaît discrètement dans le dos d’un Chirac surpris qui n’avait même pas noté sa présence » (livre cité) pour dire : « Eh bien ! J’ai appris beaucoup de choses aujourd’hui ! ». Après avoir dirigé trois gouvernements norvégiens, Gro Harlem Bruntland fut nommée directrice générale de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) du 21 juillet 1998 au 21 juillet 2003.

Bill Clinton est arrivé le lendemain à Charm El-Cheikh et il y avait aussi Shimon Pérès, Boris Eltsine, John Major, etc. Bill Clinton ne voulait pas y rencontrer formellement Yasser Arafat car il ne voulait pas se fâcher avec les Israéliens, éprouvés par les attentats.

La conférence s’est terminée par un appui américain d’Israël et par une simple condamnation du terrorisme, sans perspectives concrètes pour la paix : « Jacques Chirac, néanmoins, parvient à marquer sa différence, et, en se dégageant du discours sécuritaire des États-Unis, à se poser en défenseur des Palestiniens. Auprès de Shimon Pérès, il a ainsi plaidé pour un allègement du bouclage des territoires. Il revendique aussi la paternité du consensus des Européens contre la demande américaine d’isolement de l’Iran. Enfin, il a plaidé avec succès auprès de Clinton pour qu’il reçoive Arafat. Ce faisant, le Président français esquisse les contours d’une "politique arabe", aux relents gaullistes, qu’il entend développer dans les semaines suivantes. » (livre cité).

Ainsi, le 4 avril 1996, Jacques Chirac rencontra à Beyrouth le Premier Ministre libanais Rafic Hariri (qui était son ami depuis longtemps), et lui affirma : « Toute paix à laquelle vous n’auriez pas librement adhéré et qui méconnaîtrait vos droits souverains serait une paix manquée. ».

À l’Université du Caire, le 8 avril 1996, Jacques Chirac déclara : « Après avoir détruit un mur à l’Est, l’Europe doit désormais construire un pont au Sud. C’est pourquoi elle a d’emblée soutenu l’initiative égyptienne de création d’un forum méditerranéen. ». L’initiative fut reprise ensuite par Nicolas Sarkozy mais les révolutions arabes l’ont étouffée. Jacques Chirac rappelait aussi : « [L’Europe] ne saurait être seulement un bailleur de fonds. Elle doit apporter, davantage que par le passé, sa contribution politique à un règlement de paix qu’elle doit également parrainer. ». On attend toujours cette "contribution".

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Ce volontarisme chiraquien a débouché sur peu de chose, car le 11 avril 1996, Shimon Pérès lança l’opération "Raisons de la colère" contre le Liban pour réagir aux lancements de roquettes provenant du Hezbollah. Rafic Hariri débarqua chez Jacques Chirac le 14 avril 1996 pour lui demander de l’aide. Le Président français a alors envoyé à Beyrouth et à Tel-Aviv Hervé de Charette, son Ministre des Affaires étrangères, pour obtenir un cessez-le-feu.

Mais Hervé de Charette était réticent. Jacques Chirac lui a alors asséné cette réponse : « Hervé, c’est important. Il faut être présent, il faut être visible. Nous n’avons pas un Dennis Ross dans la région. Si tu réussis, tu seras un grand Ministre des Affaires étrangères… Si tu rates, tu seras un grand maire de Saint-Florent-le-Vieil ! » (Hervé de Charette, HEC, IEP, ENA, a été "un grand" maire de Saint-Florent-le-Vieil de mars 1989 à mars 2014).

Au cours de sa mission, Hervé de Charette, au téléphone tous les soirs avec Jacques Chirac, ne voulait pas rester trop longtemps, expliquant que ses bagages n’étaient que pour trois jours. Chirac, goguenard, le rassura : « Ne t’inquiète pas, je vais t’ouvrir des crédits pour que tu puisses t’acheter des chemises et des caleçons !… ».

Malgré l’opposition des diplomates américains, la France finalement a réussi à être associée dans l’accord de cessez-le-feu signé le 27 avril 1996. Sans la persévérance et le volontarisme de Jacques Chirac, la France et même l’Europe auraient été absentes de ces négociations cruciales pour la paix au Proche-Orient (mais hélas pas suffisantes).

Ce détail dans le mandat présidentiel de Jacques Chirac peut illustrer quel type de Président il était. Sans doute beaucoup plus investi dans les relations internationales que dans les affaires intérieures (Alain Juppé et Dominique de Villepin avaient sa confiance). Il montre ainsi qu’une vision internationale autonome de la France restait encore possible malgré la prééminence de la diplomatie américaine…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 novembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Chirac a 84 ans.
Chirac a 80 ans.
Chirac fut-il un grand Président ?
Une fondation en guise de retraite.
L’héritier du gaulllisme.
…et du pompidolisme.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161129-chirac.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/happy-birthday-mister-president-186838

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13 novembre 2016 7 13 /11 /novembre /2016 03:03

« C’était un garçon supérieurement intelligent, et puis, ça ne faisait que commencer, pour lui. » (Line Renaud, le 13 novembre 1986).


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Il y a trente ans, le 13 novembre 1986, l’imitateur et humoriste Thierry Le Luron est mort d’une terrible maladie. Se sachant "condamné" (je n’aime pas trop ce mot), il avait loué une chambre donnant sur la place de la Concorde à Paris et ne voulait voir quasiment plus personne. L’année 1986, une année noire pour des humoristes majeurs ; quelques mois auparavant, Coluche s’était tué en moto.

Les deux hommes étaient très liés. Il faut se rappeler que le premier (faux) mariage gay a eu lieu le 25 septembre 1985 à Paris, entre Coluche (la femme) et Thierry Le Luron. À l’origine, pour faire rebondir la carrière de Coluche, ils voulaient surtout se moquer du mariage très médiatisé du présentateur vedette du journal de 13 heures sur TF1, Yves Mourousi.

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Thierry Le Luron, un nom qui n’était pas un pseudonyme, avait un grand talent. Celui de savoir imiter de nombreuses voix, dans divers milieux, politique, télévision, chanson, etc. Celui aussi de savoir parler en public, de tenir les auditeurs en haleine. Enfin, et c’est sans doute ce qui manque le plus à nos imitateurs actuels, celui de dire des choses intéressantes, pertinentes, drôles, fines.

Il avait commencé très jeune à imiter la voix du Premier Ministre de l’époque, Jacques Chaban-Delmas. Il a imité quelques anciens de la IVe République comme Gaston Defferre, Edgar Faure …et François Mitterrand, à qui il faisait proposer la réduction du temps de grossesse de neuf à six mois !

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Thierry Le Luron voulait rire et n’avait aucune envie d’être sérieux, et si cela avait été le cas, il aurait été une personnalité politique extrêmement redoutable par ses capacités d’éloquence mais aussi d’intelligence. Il comprenait la politique politicienne, il s’en passionnait, si bien qu’il savait cibler là où cela pouvait faire le plus mal.

Pour ses imitations politiques, il n’était pas seul et son compère Bernard Mabille fut un excellent auteur de ses textes. Peu avant, Pierre Desproges lui avait donné la réplique dans une célèbre interview de Valéry Giscard d’Estaing qui commença ainsi : « Bonjour Mesdiams, bonjour Messieurs, bonjour Mesdemoiselles ! ».

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Il serait peu utile de connaître les idées politiques de Thierry Le Luron car il n’hésitait pas à se moquer même de ceux dont il se sentait politique proche. Il s’était fait jeter de la Giscardie avec cette affaire des diamants, il était devenu interdit d’antenne après avoir fait chanter dans un public lillois (de la ville de Pierre Mauroy) : « L’emm@rdant, c’est la rose ! » sur un air de Bécaud, et il avait fustigé le Front national qui commençait à trouver une audience électorale croissante (aidée en cela par François Mitterrand pour diviser la droite).

Le premier des hommes politiques à avoir réagi à la mort de l’imitateur, Raymond Barre, qui avait été souvent imité par Thierry Le Luron, accentuant le côté rondouillard et pontifiant du professeur d’économie, a été très ému, comme ses autres collègues : « Les Français admiraient son talent mais ils l’aimaient surtout parce qu’il méritait de l’être. » (13 novembre 1986).

Thierry Le Luron n’avait pas hésité à rencontrer Jacques Chirac dont il accentuait l’éloquence brutale et saccadée, homme qu’il était sûr de voir un jour à l’Élysée. À la fin de sa vie, Valéry Giscard d’Estaing s’était également soucié de sa santé et prenait régulièrement des nouvelles. Même Georges Marchais trouvait hilarantes ses imitations, qui le ridiculisaient pourtant.

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Thierry Le Luron était le petit frère chenapan qui faisait rire toute la classe politique. Nul doute qu’aujourd’hui, il aurait eu bien trop de travail pour faire rire les Français qui ne voient dans leur classe politique qu’un rassemblement de clowns et de bouffons. En quelques sortes, les personnalités politiques d’aujourd’hui auraient volé le boulot de Thierry Le Luron…

Voici quelques vidéos pour se souvenir de son immense talent.


















Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Qui imitera Thierry Le Luron ?
Thierry Le Luron, persifleur numéro un.
Coluche.
Alice Sapritch.
Georges Brassens.
Léo Ferré.
Grace Kelly.
Pierre Dac.
Christina Grimmie.
Abd Al Malik.
Yves Montand.
Daniel Balavoine.
Édith Piaf.
Jean Cocteau.
Charles Trenet.
Michel Galabru.
Bernard Blier.
Gérard Depardieu.

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15 septembre 2016 4 15 /09 /septembre /2016 06:08

« Il est toujours utile d’ignorer ce qu’il est inutile de savoir. » (Jérôme Cahuzac).


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Initialement prévu le 8 février 2016, le procès de Jérôme Cahuzac sur ses comptes bancaires secrets à l’étranger a réellement commencé le lundi 5 septembre 2016 à la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Après  de nombreuses audiences, le procureur général a requis ce mercredi 14 septembre 2016 contre l’ancien ministre trois ans de prison ferme. Entre-temps, Jérôme Cahuzac n’a fait que charger ceux qui étaient les plus proches de lui, d’abord Michel Rocard, ensuite son ancienne épouse, et enfin, le Président de la République.

À sa démission, le 19 mars 2013, ce fut Bernard Cazeneuve, l’actuel Ministre de l’Intérieur, qui a repris le Ministère du Budget. Pour sa communication de crise, Jérôme Cahuzac avait fait appel aux mêmes communicants que Dominique Strauss-Kahn lors de l’affaire du Sofitel…

Aussi discréditée soit la parole de François Hollande, lorsqu’on en vient à faire un combat parole contre parole, elle résiste à celle, totalement inaudible, de son ancien Ministre du Budget Jérôme Cahuzac. Pourtant, ce dernier dit peut-être la vérité, qui sait ? d’autant plus qu’il n’a plus de raison, désormais, de mentir, au contraire de son …mentor !

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Jérôme Cahuzac fut un chirurgien de renom, propriétaire avec son ancienne épouse, dermatologue, d’une clinique spécialisée dans l’implant capillaire à Paris. Auparavant, il était membre du cabinet du Ministre de la Santé Claude Évin (rocardien) jusqu’à la démission du gouvernement de Michel Rocard, en mai 1991. Il s’est notamment occupé de la loi sur l’alcool et le tabac. C’est à partir de 1992 que Jérôme Cahuzac a ouvert des comptes bancaires, d’abord en Suisse puis dans d’autres pays plus opaques.

L’idée qu’il ait voulu frauder le fisc avec les revenus de sa clinique, aussi élevés fussent-ils, est peu crédible (d’autant plus qu’il n’avait pas encore de revenus de sa clinique). On n’ouvre pas de compte secret pour seulement 600 000 euros mais pour plusieurs millions d’euros. Le couple avait d’ailleurs la capacité (évidemment) de payer ses impôts le cas échéant. Certes, il était question de payer un niveau de vie très coûteux, alors que Jérôme Cahuzac, devenu député de 1997 à 2002 puis de 2007 à 2012, et devenu ministre de 2012 à 2013, gagnait des revenus inférieurs à ceux de son métier de médecin et surtout, de consultant de l’industrie pharmaceutique.

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Alors, dès le 5 septembre 2016, Jérôme Cahuzac a lâché un premier morceau, qui a de quoi faire scandale d’autant plus que Michel Rocard venait de mourir au début de l’été : ses comptes avaient pour objectif de faire un trésor de guerre pour financer la future campagne présidentielle de Michel Rocard en 1995. L’entremise privé/public du futur ministre permettait de récupérer de grosses commissions de laboratoires pharmaceutiques, à charge pour lui d’influer sur les autorisations de mise sur le marché de certains produits et sur des retards de déremboursement de certains médicaments.

Beaucoup de rocardiens, plus ou moins historiques, ont été scandalisés par une telle annonce. Cette information était en fait déjà connue depuis plusieurs mois, bien avant la mort de Michel Rocard qui n’a cependant pas eu l’occasion de répondre à ces accusations. Jérôme Cahuzac lui-même a assuré que l’ancien Premier Ministre n’était au courant de rien. Dans le dispositif de campagne de Michel Rocard, Jérôme Cahuzac était pourtant très peu connu et n’était pas un élément déterminant.

Si effectivement Michel Rocard se retrouvait sans structure ni organisation entre 1991 et 1993, sa candidature à l’élection présidentielle suivante ne faisait de doute pour personne, même pas pour Laurent Fabius qui en avait accepté le principe (quoi que cela lui en coûtât).

À partir de 1993, Michel Rocard était premier secrétaire du PS et à ce titre, pouvait disposer de la trésorerie du PS pour financer d’abord sa campagne des élections européennes de juin 1994 puis sa future campagne présidentielle de 1995. Donc, pourquoi avoir besoin d’une source occulte de financement politique alors qu’il disposait d’un appareil partisan riche ? d’autant plus que, comme Premier Ministre, ce fut Michel Rocard qui fit adopter la grande partie de la législation actuelle sur le financement des activités politiques (dons d’entreprise et d’association interdits, dons des particuliers plafonnés, et subventions publiques proportionnelles à l’importance électorale du parti).

Pourtant, Jérôme Cahuzac, qui a menti du 4 décembre 2012 au 2 avril 2013, a paru particulièrement crédible lorsqu’il a expliqué au juge : « Nous sommes au printemps 1991. Les bureaux de la rue de Varenne [QG de Michel Rocard] sont vastes et les collaborateurs nombreux. Il m’est très vite demandé de demander aux dirigeants de l’industrie pharmaceutique s’ils veulent aider Michel Rocard. Certains acceptent. ».

Comme le financement politique par les entreprises était désormais interdit, Jérôme Cahuzac a donc fait ouvrir un compte en Suisse : « Jusqu’en mai 1993, les sommes versées sur ce compte ont servi au financement sauvage des activités politiques de la deuxième gauche. (…) Aujourd’hui, c’est absurde ; à l’époque, c’était banal, tout le monde savait. L’industrie pharmaceutique a financé tous les partis politiques, certains plus que d’autres. ».

Celui qui aurait ouvert le compte en Suisse de Jérôme Cahuzac ne serait autre que l’avocat fiscaliste Philippe Péninque, « aujourd’hui proche conseiller de Marine Le Pen » !

Mais le vice-procureur du parquet national financier n’y a pas cru une seconde : « Après sa défaite historique (en 1994), des laboratoires pharmaceutiques sont prêts à donner un demi-million à Michel Rocard ? ». De plus, le fait que Jérôme Cahuzac ait donné procuration de son compte à son épouse ne renforce pas vraiment la thèse du financement rocardien : « J’ai la conviction que ma femme aurait donné l’argent si quelqu’un le lui avait demandé. ».

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En 1993, Jérôme Cahuzac a transféré les fonds dans une autre banque suisse. Ils ne furent jamais mobilisés pour les activités politiques des rocardiens. Aucun mouvement jusqu’en avril 2000 où celui qui est devenu député et chirurgien réputé a transféré deux fortes sommes (en avril 2000 et en juillet 2001) correspondant, selon lui, à des opérations réalisées à l’étranger avec rétribution en espèces (qu’il aurait dû déclarer à la frontière).

Quand le président du tribunal lui demanda si cela ne constituait pas un frein d’être parlementaire, il lui répondit : « La vérité m’accable d’autant plus qu’elle se répétera l’année suivante. ». Le président a poursuivi ainsi : « La question est : Monsieur Cahuzac est-il un homme cynique, duplice, d’une froideur incroyable, pouvant faire une chose et son contraire ? Ou un homme avec d’autres difficultés ? ». Réponse : « Il y a en moi quelqu’un qui a fait ça, ça a révélé cette part de moi-même dont j’aurais voulu qu’elle n’existe jamais. ».

Le 8 septembre 2016, Jérôme Cahuzac a expliqué que si des sommes de quelques milliers d’euros ont été décaissées de son compte en Suisse en 2005 et 2007, c’était pour payer des vacances luxueuses à son épouse qui était en instance de séparation. Visiblement, l’élu socialiste avait une façon assez particulière des relations de couple : « Maintenant que j’ai reconquis mon siège [de député], je vais te reconquérir toi ! ».

Le transfert du compte suisse dans une banque de Singapour en mars 2009 n’aurait eu aucune motivation fiscale selon le banquier mais a eu lieu pourtant précisément après une déclaration de la Suisse de mise en conformité avec les normes de l’OCDE sur l’évasion fiscale applicable à partir du 1er janvier 2010… Pour faire ce transfert, Jérôme Cahuzac, qui allait être le 24 février 2010 le président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale (succédant à Didier Migaud), s’est risqué à se rendre lui-même à Genève pour signer : « Je ne m’attarde pas dans la rue, je marche les yeux baissés, je prie pour qu’on ne me reconnaisse pas. (…) J’aime la vie, j’ai une activité politique dans laquelle je m’épanouis pleinement. J’accepte cette fuite en avant parce que je veux préserver cette vie-là ! ».

Lors de l’audience du 12 septembre 2016, l’ancienne épouse de Jérôme Cahuzac, elle aussi dans le box des accusés, a expliqué que la clinique de trichologie (en grec, qrix qricoV veut dire cheveux), que le couple a reprise en 1996, avait des patients anglais ainsi qu’un compte secret anglais, dont l’épouse a rapatrié les fonds en Suisse en 2007 à son nom. Cet argent n’avait pas de but sinon aider au train de vie de la famille avec trois enfants. En septembre 2011 encore (c’était très récent), une somme de 10 000 euros fut transférée en espèces à Jérôme Cahuzac pour régler le mariage de la fille aînée : « Pendant toute cette décennie [2000], j’ai essayé de concilier mes responsabilités d’homme politique et de mari et père de famille. Ma faute est là, j’ai échoué. C’est cette contradiction qui m’a fait commettre des fautes. ».

S’il était question de la vie conjugale des prévenus la veille, l’audience du 13 septembre 2016 pourrait s’avérer bien plus lourde de conséquences et transformer l’affaire Cahuzac en une affaire d’État très grave. En effet, Jérôme Cahuzac a décrit au juge quelle fut son attitude vis-à-vis de …François Hollande, après les révélations de Mediapart le 4 décembre 2012.

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Un premier tête-à-tête a eu lieu à l’Élysée le jour même des révélations mais : « Je n’en dirai rien, jamais. ». En revanche, il s’est montré plus loquace lors de la deuxième conversation sur le sujet avec François Hollande, juste après le conseil des ministres du 5 décembre 2012, en présence du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault. Les deux têtes de l’Exécutif lui ont demandé : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? ». Et Jérôme Cahuzac a déclaré : « Je leur ai répondu : "C’est rien, c’est des c@nneries". Et d’une certaine manière, je ne mentais pas ! ». On notera le don du gouvernement socialiste à ne pas poser les bonnes questions, comme son ministre de tutelle à Bercy, Pierre Moscovici, satisfait à l’époque de la réponse de l’État suisse à sa mauvaise question posée le 24 janvier 2013…

Jérôme Cahuzac a poursuivi ainsi devant le juge, à propos de son entretien avec François Hollande du 4 décembre 2012 : « J’en sors avec la conviction que je dois continuer à faire ce qu’il faut que je fasse. Il ne m’a jamais dit : "Tu es couvert". La question "As-tu oui ou non un compte ?", on ne me l’a jamais posée. Si j’ai menti, c’est par omission. Je n’ai jamais menti au Président les yeux dans les yeux, ça n’est pas vrai. ».

À la question du président du tribunal : « Pourquoi ne vous a-t-on pas posé cette question ? », la réponse était évidente et pourrait être lourde en interprétation : « Il faut demander au Président. ».

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En clair, et sous-entendu, Jérôme Cahuzac a laissé entendre, ce mardi 13 septembre 2016, que François Hollande savait ou plutôt, ne voulait pas savoir s’il avait un compte caché à l’étranger, parce qu’il voulait le garder absolument au gouvernement pour défendre au Parlement « trois lois importantes » (dont la LOFL, loi organique relative aux lois de finance) : « Même à un Président de la République, il faut savoir dire non. Je n’ai pas su dire non, et je le regrette, ce n’est pas de sa faute. ». Et de continuer : « La faute que je reconnais, c’est d’être resté en fonction [comme Ministre du Budget]. Je n’aurais pas dû rester en fonction… ».

Comme pour achever de charger François Hollande, Jérôme Cahuzac a ajouté, très ému : « Je mesure que ce que je dis ne va pas passer inaperçu. Mais je suis dans une démarche de vérité. Vous me demandez comment j’ai pu tenir quatre mois [avant d’avouer]. Voilà… ». Et d’ajouter, à propos de François Hollande : « Je lui reconnais le droit d’avoir agi de manière à ce que ma vie soit broyée, complètement broyée. ».

Terribles aveux qui pourraient mettre très mal à l’aise l’Élysée mais dont la crédibilité est telle que les médias ne les ont pas pris au sérieux…

Le procès se termine ce jeudi 15 septembre 2016. Jérôme Cahuzac risque sept ans de prison et une amende d’un million d’euros. Ce procès sera pour les futurs étudiants en droit très certainement un sujet d’analyse récurrent.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 septembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu

(Le contenu des dialogues durant le procès est principalement tiré des comptes rendus de Marie Barbier, journaliste à "L’Humanité", dans ses intéressantes "Chroniques de palais").


Pour aller plus loin :
Le procès Cahuzac.
Le scandale Cahuzac.
Le scandale Tapie.
François Hollande.
Manuel Valls.
Jean-Marc Ayrault.
Pierre Moscovici.
Michel Rocard.
L’affaire Cahuzac.
Faut-il interdire le mensonge ?
Transparence et vie privée…
Le patrimoine des ministres (à télécharger).
Un homme intègre et visionnaire.
Moralisation de la vie politique.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160914-cahuzac.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jerome-cahuzac-l-epine-184632

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/09/15/34323538.html



 

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20 août 2016 6 20 /08 /août /2016 06:47

« On meurt pour De Gaulle, pas pour Fabius. » (Marcel Bigeard, "L’Événement du Jeudi" du 21 février 1985).



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Après l’ancienne ministre socialiste Élisabeth Guigou, actuelle présidente de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée Nationale, il y a quelques jours (le 6 août 2016 exactement), c’est au tour du "jeune" Président du Conseil Constitutionnel Laurent Fabius de fêter ses 70 ans ce samedi 20 août 2016.

J’ai déjà exprimé ici le contresens institutionnel de nommer un septuagénaire à un poste crucial de l’État de droit (le Conseil Constitutionnel joue désormais un rôle essentiel dans le devenir des lois avec les questions prioritaires de constitutionnalité) dont le mandat dure neuf ans. Ce qui signifie que Laurent Fabius sera proche de ses 80 ans lorsqu’il aura achevé son mandat (en février 2025, soit au milieu du quinquennat suivant celui qui commencera l’année prochaine !). Avec Lionel Jospin (79 ans), Jacques Chirac (83 ans) et Valéry Giscard d’Estaing (90 ans), cette noble assemblée va bientôt ressembler à l’Académie française !

Pourtant, Laurent Fabius, qui finit de manière prestigieuse une carrière politique très longue, n’a pas été vieux tout le temps ! Au contraire, il était l’enfant précoce de la vie politique française, un Emmanuel Macron encore plus jeune. Ce 70e anniversaire est l’occasion pour moi de revenir sur l’itinéraire d’un des présidentiables les plus ambitieux de la Ve République, mais qui n’est pas parvenu à atteindre la cible tant convoitée.

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Laurent Fabius est né dans le 16e arrondissement dans une famille bourgeoise très aisée grâce au métier d’antiquaire de son père, de son oncle et de son grand-père paternel.

Son père André s’est ainsi rendu propriétaire en 1936 d’un tableau de Georges de La Tour jusque là inconnu, "La Madeleine au miroir" (lors de la vente, le peintre n’était pas mentionné puis fut expertisé par le Louvre, et ensuite vendu au National Gallery of Art e Washington en 1964, faute d’acquéreur français). Des mauvaises langues soupçonnent d’ailleurs que c’est la raison qui aurait conduit le jeune Ministre du Budget à exclure les œuvres d’art dans le calcul du patrimoine imposable dans l’impôt sur les grandes fortunes qu’il avait lui-même institué par la loi n°81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982, après la victoire du 10 mai 1981.

Le grand-père de son arrière-grand-père, Joseph, habitant en Lorraine, avait adopté très artificiellement le nom de Fabius en référence peu modeste de la noble famille romaine à cause du décret de Bayonne signé par Napoléon Ier le 28 juillet 1808, imposant un patronyme fixe.

Brillant élève à Janson-de-Sailly, puis Louis-le-Grand, puis Normale Sup, Laurent Fabius a été reçu majeur à l’agrégation de lettres modernes, puis fut diplômé de l’IEP de Paris et enfin de l’ENA d’où il sortit dans la "botte" (3e de sa promo Rabelais où étudiaient également François Léotard, Gérard Longuet, Élisabeth Huppert, Yvan Blot et Daniel Bouton), nommé au prestigieux Conseil d’État.

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Tenté par le giscardisme, il préféra finalement par ambition se retrouver aux côtés de François Mitterrand dès 1974 dont il prévoyait l’élection en 1981. François Mitterrand lui a fait confiance (présenté par Jacques Attali et Georges Dayan) et l’a nommé directeur de cabinet à la tête du PS en 1979. Entre temps, Laurent Fabius a été élu député dans la banlieue de Rouen en mars 1978 à l’âge de 31 ans (rappelons que François Hollande est originaire de Rouen).

Lorsque François Mitterrand fut élu Président de la République, Laurent Fabius faisait figure de "chouchou" de l’Élysée. À 34 ans, il fut nommé au stratégique poste de Ministre du Budget, du 22 mai 1981 au 23 mars 1983, succédant ainsi au sinistre Maurice Papon. Après la semaine folle qui confirma en fin de comptes la présence de Pierre Mauroy à Matignon, il fut nommé Ministre de l’Industrie et de la Recherche du 23 mars 1983 au 17 juillet 1984 et faisait déjà figure de possible successeur. Ce qu’il fut à l’âge de 37 ans : Premier Ministre du 17 juillet 1984 au 20 mars 1986, le plus jeune Premier Ministre de la France républicaine (quelques jours plus jeune que Félix Gaillard, Président du Conseil du 6 novembre 1957 au 15 avril 1958).

Très soucieux de l’image décontractée qu’il souhaitait montrer à ses compatriotes, Laurent Fabius s’affichait volontiers au volant d’une 2 CV, avec sa femme et ses enfants en bas âge, et était interrogé tous les mois "au coin du feu" par le journaliste Jean Lanzi, à la télévision, pour singer les entretiens réguliers de Pierre Mendès France lorsqu’il était à Matignon.

Lors de son discours de politique générale devant les députés le 24 juillet 1984, Laurent Fabius a affiché clairement ses ambitions présidentielles sous le double angle de la modernisation et du rassemblement : « Moderniser pour livrer la bataille de l’emploi. Le chômage, nous le connaissons tous, nous le vivons dans nos communes, dans nos circonscriptions. C’est un crève-cœur et un cancer ! ».

Et d’ajouter : « Ma démarche est celle-ci : toute amélioration réelle de l’emploi passe par une certaine croissance ; toute croissance durable suppose un appareil de production solide, capable d’exporter et de défendre ses positions sur le marché intérieur ; tout appareil de production solide requiert d’être moderne pour soutenir la concurrence. ». Recherche, investissement, formation : « C’est le triangle de base de la modernisation. ».

C’était un discours très "social-libéral" ou "social-démocrate" malgré la rivalité avec Michel Rocard (qu’il avait contribué à "tuer" au congrès de Metz en avril 1979) et avec Jacques Delors (ancien supérieur hiérarchique, lui aussi premier-ministrable dès 1983 et donc concurrent direct). Beaucoup d’éditorialistes (dont Jean-François Kahn) le voyaient présent au second tour de l’élection présidentielle de 1988 face à ...Raymond Barre.

Pourtant, le plus grand adversaire politique ne fut pas Michel Rocard ni Jacques Delors, mais Lionel Jospin. Les deux hommes se sont retrouvés en effet dans la situation de dauphins de François Mitterrand en compétition, avec une préférence de François Mitterrand pour Laurent Fabius.

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La première occasion de rivaliser fut pour la direction de la campagne des socialistes aux élections législatives du 16 mars 1986. Laurent Fabius considérait que cela lui revenait car en tant que Premier Ministre, il était le chef de la majorité sortante. Mais Lionel Jospin s’estimait investi de cette mission, en tant que premier secrétaire du PS depuis 1981.

Cette rivalité entre Laurent Fabius et Lionel Jospin, qui avait son pendant du côté du RPR avec la rivalité entre Alain Juppé et Philippe Séguin, a miné le PS pendant les années 1990 avec le point d’orgue que fut le congrès de Rennes en mars 1990 (la rupture a eu lieu le 22 novembre 1988).

"Le Canard enchaîné" a donné un aperçu de cette rivalité en publiant ces propos de Lionel Jospin, dignes d’une cour de récréation avec François Mitterrand dans le rôle de la maîcresse : « Je me suis toujours interdit d’appeler François Mitterrand au secours. Je trouve déplorable cet infantilisme qui consiste à se réfugier derrière lui en permanence. Avoir comme seul argument : Mitterrand me préfère, c’est dérisoire, et ça montre la grandeur d’une ambition. Le parti vaut mieux que ces attitudes de caniche. » (31 janvier 1990).

Durant son gouvernement, Laurent Fabius a fait preuve d’une grande lâcheté, en sacrifiant Charles Hernu, ami personnel de François Mitterrand et Ministre de la Défense, le 20 septembre 1985 lors de l’affaire Greenpeace (déclenchée par le dynamitage du Rainbow Warrior le 10 juillet 1985).

Il a également exprimé devant les députés son « trouble » lors de la venue du général Wojciech Jarulzelski à l’Élysée le 4 décembre 1985 (il avait dit à "L’Heure de vérité" du 5 septembre 1984, de son mentor : « Lui, c’est lui, et moi, c’est moi ! ») et dénonçait les crimes de Fidel Castro alors que ce dernier était l’ami de Danièle Mitterrand et de Jack Lang.

Parmi ses ministres, il y avait un Secrétaire d’État au Quai d’Orsay, Jean-Michel Baylet (qui va avoir 70 ans le 17 novembre 2016), actuel Ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales (depuis le 11 février 2016). Depuis les années 2000, l’ancienne épouse de ce ministre est devenue la compagne de Laurent Fabius (et a repris en février 2016 la présidence du groupe de presse "La Dépêche" détenue auparavant par son ancien mari).

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Laurent Fabius a raté le rendez-vous présidentiel de 1988 (41 ans) à cause de François Mitterrand. Il a raté les rendez-vous présidentiels de 1995 (48 ans) et de 2002 (55 ans) à cause de Lionel Jospin et aussi à cause de l’affaire du sang contaminé (en 1995, il a soutenu la candidature d’Henri Emmanuelli face à Lionel Jospin).

Rappelons que l’affaire du sang contaminé, déclenchée par une enquête de la journaliste Anne-Marie Casteret dans "L’Événement du Jeudi" du 25 avril 1991, faisait état de l’empoisonnement de malades transfusés par du sang contaminé par le virus du sida en 1984 et 1985. Laurent Fabius a été relaxé le 9 mars 1999 par la Cour de justice de la République du délit d’atteinte involontaire de la vie : « Compte tenu des connaissances de l’époque, l’action de Laurent Fabius a contribué à accélérer les processus décisionnels. » (arrêté n°99-001).

Laurent Fabius a ensuite été le 10 janvier 2006 candidat à la primaire socialiste fermée du 16 novembre 2006 pour l’élection présidentielle de 2007 (60 ans). Il a renoncé à l’élection présidentielle de 2012 (65 ans) en misant sur Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry.

Héritier voulu mais pas accepté de François Mitterrand, Laurent Fabius a raté d’être premier secrétaire du PS le 14 mai 1988. Il a alors pris, comme "lot de consolation", le perchoir. Il fut élu Président de l’Assemblée Nationale deux fois, du 23 juin 1988 au 21 janvier 1992, puis du 12 janvier 1997 au 28 mars 2000 (vers 1998 ou 1999, il envisageait sérieusement à postuler pour devenir Directeur général du Fonds monétaire international).

Entre temps, il a réussi (enfin) à se faire admettre premier secrétaire du PS, du 9 janvier 1992 au 3 avril 1993 mais se fait ravir ce poste stratégique par Michel Rocard après le désastre électoral aux élections législatives de mars 1993. Il présida aussi le groupe PS à l’Assemblée Nationale du 4 octobre 1995 au 21 avril 1997, laissant ensuite cette responsabilité à ...Jean-Marc Ayrault, son successeur au Quai d’Orsay. Du 24 mai 2003 (à l’issue du congrès de Dijon) au 4 juin 2005, Laurent Fabius fut le numéro deux du PS dirigé par... François Hollande.

Après avoir eu du mal à remplacer Dominique Strauss-Kahn à Bercy, Lionel Jospin s’est résolu à faire appel à Laurent Fabius au Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie du 27 mars 2000 au 6 mai 2002 (Jean-Luc Mélenchon fut nommé ministre délégué dans la foulée). Laurent Fabius fut le grand argentier qui a préparé la France à la monnaie européenne dans le concret (le passage à l’euro a eu lieu le 1er janvier 2002). Il créa le groupe Areva le 3 septembre 2001 (fusion de Framatome et de la Cogema), et défendit la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) promulguée le 1er août 2001 (loi n°2001-692).

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Malgré cette grande adhésion à la construction européenne, Laurent Fabius a surpris tous ses camarades socialistes en prônant le "non" au référendum du 29 mai 2005 sur le TCE. Son objectif était simple : se repositionner à la gauche du PS, pensant pouvoir ainsi ravir la candidature socialiste à l’élection présidentielle de 2007 après la défection de son rival Lionel Jospin. C’était sans compter sur le dynamisme de Ségolène Royal. Son échec à la primaire était en cohérence avec la faible popularité qu’il pouvait connaître au sein de l’électorat.

Plus habile et plus réaliste, Laurent Fabius a exclu sa candidature présidentielle le 24 mai 2011 en soutenant la candidature de Martine Aubry à la primaire socialiste du 16 octobre 2011, et a su très bien négocier ensuite avec François Hollande son soutien à l’élection présidentielle de 2012. Il fut nommé Ministre des Affaires étrangères et du Développement international du 16 mai 2012 au 11 février 2016.

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Dans ces nouvelles responsabilités de numéro deux du gouvernement, Laurent Fabius s’est plus préoccupé d’économie que de diplomatie : « Notre pays ne pourra pas garder son rôle politique si l’économie ne suit pas. » ("Capital", le 25 juillet 2014). Les ambassadeurs sont devenus des businessmen : « Les ambassadeurs doivent se demander en permanence comment développer les exportations et l’investissement en France. ». Il a réduit le budget de son ministère, réduisant à quatre les effectifs de plusieurs ambassades pour étoffer d’autres ambassades : « Nous avions plus d’agents en Belgique qu’en Chine. ».

Depuis 2000, il fait partie du petit cercle des anciens chefs de gouvernement à avoir repris du service dans un gouvernement de la Ve République, au même titre que Michel Debré, Antoine Pinay, Pierre Pflimlin, Edgar Faure, René Pleven, Alain Juppé et Jean-Marc Ayrault (on pourrait presque rajouter Jacques Chirac).

Enfin, s’il a quitté le Quai d’Orsay, c’est pour se consacrer à l’Aile Montpensier du Palais-Royal. En effet, il a succédé le 8 mars 2016 à Jean-Louis Debré à la Présidence du Conseil Constitutionnel. Petite coïncidence des croisées de destins, Laurent Fabius est devenu le "patron" (le supérieur hiérarchique) de son ancien rival Lionel Jospin, nommé membre du Conseil Constitutionnel le 6 janvier 2015 par le fabiusien Claude Bartolone, Président de l’Assemblée Nationale, pour remplacer Jacques Barrot jusqu’en 2019.

Ce poste plein d’honneurs récompense un carriériste qui n’a jamais eu une ambition nationale mais seulement des petites ambitions personnelles. Somme toute, un professionnel de la politique, certes brillant dans le passé mais qui n’a jamais rien apporté à la société française sinon sa vanité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 août 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Fabius crépusculaire.
Fabius et le cimetière des éléphants.
Christiane Taubira au Conseil Constitutionnel ?
Où sont les femmes ?
Le roi de la COP21.
Les vacances de monsieur Fabius.
Débat Fabius vs Sarkozy (6 mars 2012).
Fabius candidat à la primaire de 2011 ?

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160820-fabius.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/fabius-crepusculaire-183854

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15 juin 2016 3 15 /06 /juin /2016 03:54

« Accomplir de grandes actions et dire de grandes paroles ne laisse point de trace, nul produit qui puisse durer après que le moment aura passé de l’acte et du verbe. (…) Les hommes de parole et d’action (…) ont besoin de l’artiste, du poète et de l’historiographe, du bâtisseur de monuments ou de l‘écrivain, car sans eux le seul produit de leur activité, l’histoire qu’ils jouent et qu’ils racontent ne survivrait pas un instant. » (Hannah Arendt dans "Condition d’un homme moderne", 1958).


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Des dizaines de milliers de Français sont inondés chez eux, n’ont plus d’électricité (exactement 7 800 le soir du 5 juin 2016), n’ont plus d’eau courante, parfois, ont tout perdu, et que fait le Président de la République ? Il ne fait pas comme le maréchal Patrice de Mac-Mahon, Président de la République du 24 mai 1873 au 30 janvier 1879, qui, peu spécialiste de bons mots, avait lancé un simple « Que d’eau ! Que d’eau ! » lorsqu’il était venu près de Toulouse le 26 juin 1875 pour se rendre compte des inondations de la Garonne. Non, il va dans l’émission sportive de France Inter, "L’œil du tigre", le dimanche 5 juin 2016 à 18 heures 10 pour parler de football.

Et d’une manière très ennuyeuse et convenue, comme ceci : "Vous comprenez, ce que j’aime dans le sport, c’est l’esprit d’équipe". Tiens, parlons-en, d’esprit d’équipe, entre des députés de la majorité qui cisaillent depuis quatre ans la branche qui les a fait élire en juin 2012, un Premier Ministre en embuscade et un Ministre de l’Économie décidément un peu trop indiscipliné, sans compter la boudeuse de service, ex-rivale. Bel esprit d’équipe, en effet !

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Prenons d’ailleurs Emmanuel Macron. Mais qui a donc bien pu faire fuiter pour que Mediapart annonçât le 31 mai 2016 qu’il était redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune ? Ce n’est pas très sympa alors qu’il avait dit auparavant vouloir le supprimer et qu’il n’était pas redevable d’un tel impôt. Un problème de valorisation d’un bien immobilier qui était au cœur d’une négociation entre lui et le fisc, forcément confidentielle. Après, on pourrait se demander si Michel Sapin, le Ministre des Finances justement, autrement dit, celui qui avait l’information en priorité, n’aurait pas eu intérêt à discréditer son petit camarade de Bercy qui lui faisait un peu d’ombre. On sait bien que Mediapart joue dans la cour du "Canard enchaîné", à savoir qu’il n’est que le réceptacle de la bile du milieu contre des collègues en disgrâce. C’est très classique.

Mais au-delà de la crue de la Seine et de ses affluents en amont (les villes de Montargis qui a accueilli le 6 juin 2016 le Premier Ministre, de Nemours, de Bagneaux-sur-Loing, entre autres, sont sinistrées), qui est un événement très ponctuel et soudain, même si elle va avoir des conséquences pour plusieurs semaines, la France était déjà paralysée par la guéguerre d’ego entre Manuel Valls et Philippe Martinez, à celui qui ne cédera pas, à celui qui en montrera.

Résultat, grèves illimitées à la RATP, à la SNCF, à Air France, dans les raffineries, à EDF avec du véritable sabotage industriel en coupant le courant électrique au chantier naval de Saint-Nazaire qui venait justement de signer d’impressionnantes commandes (le 25 mai 2016 pour 2,5 milliards d’euros, le 6 avril 2016 pour 4 milliards d’euros, etc.) et de livrer le 12 mai 2016 le plus gros paquebot du monde, l’Harmony of the seas (362,12 mètres de longueur, pour le transport de 6 296 passagers et de 2 394 membres d’équipage ; je détesterais ce genre de bateau pour mes propres vacances mais vive la France technologique quand même !).

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Nécessairement, il va bien falloir arrêter cette hémorragie économique qui, couplée à celle du tourisme inquiet (les étrangers voient en la France et en l’Europe en général un terrain de jeu des terroristes de Daech), va coûter très cher à cette France-qui-irait-mieux, selon le bon mot présidentiel lâché un peu au hasard le 14 avril 2016 selon la méthode Coué. Car justement, terrorisme, grèves et crue, cela ne donne pas trop envie aux étrangers de visiter cet été notre beau pays. Ou alors dans un trou perdu du Cantal. Mais sûrement pas à la Tour Eiffel, au Louvre, à Notre Dame ou au Musée d’Orsay.

Michel Sapin a cependant eu l’audace d’affirmer sur LCI et RTL (au "Grand Jury") le 5 juin 2016 que ni les grèves ni les inondations n’auraient aucun impact sur l’économie du pays (on croit rêver de voir un si important ministre si éloigné de la réalité. Aucune compassion, seulement des éléments de langage. Merci aux victimes des inondations et aux pauvres travailleurs bloqués dans leurs transports !).

Pendant ce temps, François Hollande fait de la promenade culturelle. Certes intéressante, mais totalement décalée des réalités du pays. Le mardi 24 mai 2016, il est intervenu dans l’émission de France Culture "La fabrique de l’histoire" pour parler d’histoire et de politique : « Nous faisons l’histoire, nous ne la racontons pas. Je fais l’histoire. Le Français fait sa propre histoire. ». C’est bien joli de disserter sur l’histoire, mais il faudrait peut-être la faire au lieu de la dire. Agir enfin au lieu de papoter sans cesse. Agir au lieu de commenter sans cesse.

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Une semaine plus tard, François Hollande a inauguré la Cité mondiale du vin à Bordeaux aux côtés d’Alain Juppé, le 31 mai 2016.

Le dimanche 5 juin 2016, monsieur a joué au grand sportif. Ce n’était certes pas trop convaincant (on pourrait regretter le rugbyman et tennisman Jacques Chaban-Delmas sans doute plus persuasif dans ce domaine), mais surtout, c’était encore un moyen de ne pas parler des sujets qui fâchent.

Car les sujets qui fâchent, il y en a plein.
Et d’abord et surtout économiques.

D’une part, la loi El-Khomri vaut-elle autant de désordre dans le pays quand on sait qu’elle ne fera pas embaucher un seul salarié de plus ? Non, évidemment. Faudra-t-il que François Hollande arbitre à la manière de Jacques Chirac sur le CPE, désavouant le 31 mars 2006 son Premier Ministre Dominique de Villepin ? Le gouvernement mise sur l’enlisement : dans un sondage publié par BVA pour i-Télé le 5 juin 2016, 54% des sondés seraient favorables à l’arrêt des mouvements sociaux.

D’autre part, le chômage, le chômage, le chômage. La loi El-Khomri est une coquille vide mais elle est un "marqueur". C’est le symbole de l’esprit de réforme, comme la loi Macron. Dommage que la réforme ne se décline qu’avec une ambition lilliputienne. Seul, un choc de confiance aurait pu sauver l’économie française. On l’attend encore.

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C’est même pire : pour circonscrire la rouspétance sociale, on fait de la gouvernance clientéliste.

Par exemple, le gouvernement sabote purement et simplement la réforme de la SNCF qui, pourtant, devait se transformer avant le 30 juin 2016. C’était une question vitale. L’idée, c’est de réduire au maximum l’impact des grèves (seulement 8% de grévistes), mais elle continue quand même malgré l'accord négocié pendant dix-neuf heures sur le temps de travail. On imagine sans mal à quel point il est difficile pour Guillaume Pepy de diriger une grande entreprise où l’État, actionnaire principal, négocie avec les syndicats dans le dos de ses dirigeants. Gestion de fait. Cela s’est vu ailleurs, comme dans les sociétés de l’audiovisuel public. Bonjour l’indépendance ! Et surtout, bonjour la politisation qui prend le pas sur la raison économique. Comme toujours avec François Hollande.

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Il y a plein d’autres exemples. Comme la modification de 2 à 1 milliard d’euros de la réduction des dotations aux communes, annoncée le 2 juin 2016 à la clôture du congrès des maires de France (présidé par François Baroin). Pourquoi avoir annoncé une réduction de 2 si c’est pour réduire de 1 milliard ? Mystère. La moindre chose qu’on peut dire, c’est que ce gouvernement n’a aucune vision, aucune lisibilité, aucune cohérence d’action.

Le gouvernement a aussi augmenté la rémunération des enseignants à effet juste trois mois avant l’élection présidentielle ! Ce "cadeau" du cœur de cible traditionnel du PS est si gros qu’il a peu de chance d’être suivi par …une adhésion à la future candidature de François Hollande du corps enseignant profondément choqué par l’abandon du latin et du grec, des classes bilangues et par la déchéance de l’orthographe.

Toutes ces rallonges sont des petits cadeaux pour tenter de réduire la grogne sociale mais coûtent très cher. La rapporteuse générale du budget à l’Assemblée Nationale Valérie Rabault a déjà évalué à 4 milliards d’euros ces largesses budgétaires. Il ne s’agit pas de discuter de l’intérêt ou pas de ces octrois (les enseignants ont toujours été sous-rémunérés par rapport à leur difficile tâche et une revalorisation de leur traitement n’est jamais injustifié), mais surtout de la manière d’y recourir qui n’est ni issue d’un projet annoncé et expliqué, ni placée dans la cohérence profonde d’une politique économique à long terme, mais qui n'est simplement que l’aboutissement d’une habile réponse à ceux qui pourraient faire obstacle à une réélection.

Ce n’est pas nouveau que François Hollande gouverne ainsi, c’est-à-dire sans gouvernail. En pleine tempête, et sans carburant. Il l’a toujours fait, tant rue de Solferino (de 1997 à 2008) qu’à l’Élysée (depuis 2012). Mais dans cette période difficile, il serait temps qu’il commence à tenir un discours de vérité aux Français, autrement que le disque rayé du très fidèle Michel Sapin, champion de la langue de bois et de la pirouette budgétaire.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 juin 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le terrorisme islamiste.
Hors-sol.
Nuit Debout.
Qui l'eût crue ?
Faut-il haïr le football ?
Présidentielle 2017.
La France archaïque.
L’entre-soi.
Le discours au Théâtre du Rond-Point le 3 mai 2016 (texte intégral).
Grande nation cherche Président de la République.
Manuel Valls.
Emmanuel Macron.
La méthode de François Hollande, efficace à 0%.
Le livret citoyen.
François Hollande, le grand calculateur.
François Hollande et le manque d’ambition.
François Hollande et Angela Merkel.
La déchéance de la République ?
L’annonce de la déchéance de la nationalité (23 décembre 2015).
La démission de Christiane Taubira (27 janvier 2016).
François Hollande sécuritaire (16 novembre 2015).
Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160605-hollande.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/presidence-hors-sol-181632

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8 juin 2016 3 08 /06 /juin /2016 06:38

« Apportons-leur la catastrophe ! » (Frédéric Lordon le 31 mars 2016 à Paris).


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Ce mercredi 8 juin 2016 serait en fait le 100 mars 2016. Pas centième jour mais seulement soixante-dixième jour d’occupation de la place de la République à Paris pour les amateurs de Nuit Debout, mouvement plus ou moins spontané de participation des citoyens à la vie de la cité. Il y a un indéniable essoufflement, même si l’on peut voir qu’au programme du jour, il y a toujours des commissions (Climat-Écologie, Démocratie, Anti-spéciste, Éducation, Numérique), des ateliers (montage du dôme PVC), les "cahiers de doléances et d’exigence", etc., comme tous les jours du reste. Jeudi 9 juin 2016, à 19 heures 30, il y a aussi une conférence sur "comment le numérique peut apporter des réponses pratiques à la démocratie".

Petit retour sur ces rassemblements qui ont fait couler beaucoup d’encre (ou tapoter beaucoup de claviers) et qui ont parfois mal persisté aux fortes pluies. Joseph Macé-Scaron notait ainsi le 30 mai 2016 : « Nuit Debout est-elle soluble sous la pluie ? À 22 heures 25, la réponse était oui. Candy Revolution… ».


Révolutionnaire ?

On s’épargnera d’insister sur la magie des nombres : ces personnes rassemblées auraient-elles voulu stopper le temps au 31 mars 2016 ? Au-delà du petit sourire que le caprice de rester en mars fait naître (alors que juin et juillet devraient être plus chaleureux qu’un début de printemps), c’est toute la symbolique révolutionnaire qui a voulu être très maladroitement utilisée avec une sorte de nouveau calendrier révolutionnaire qui, lui, honorant l’Être suprême, avait été construit avec une certaine logique et réflexion.

Dès le début, les commentaires sur ces rassemblements ont été partagés.

D’un côté, les béats plein de douceur et de tendresse, nostalgiques de mai 1968 (et, pourquoi pas, de rassemblements comme Woodstock du 15 au 18 août 1969), à l’instar de Laurent Joffrin ou Daniel Schneidermann, qui voient dans Nuit Debout, mené par quelques intellectuels ou qui se prétendent tels, comme Frédéric Lordon (qui en est un vrai) et François Ruffin (c’est moins sûr), comme la renaissance de la démocratie athénienne. Aïe ! dès qu’on me parle de l’Athènes antique, je me sens obligé de rappeler que la démocratie n’y était réservé aux seuls citoyens, et méchant détail, n’étaient pas citoyens les femmes, les esclaves, les métèques, etc. La démocratie française ou celle d’autres pays actuellement vaut bien plus que le vieil Athènes même si l’un a donné naissance à l’autre.

De l’autre côté, c’est au contraire le cynisme qui prévaut, contestant la nouveauté, rappelant qu’il n’y a rien de neutre ni d’apolitique dans ces rassemblements essentiellement animés par des gauchistes, par une tradition d’extrême gauche qui mélange à la fois le post-marxisme, l’altermondialisme, l’écologie, et d’autres idées quasi-complotistes (anti-vaccins, anti-fumées d’avion, etc.). Pour preuve, l’une des tout premières organisatrices s’appelle Leila Chaibi et milite au Parti de gauche. Le 28 avril 2016, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a pris la parole lors d’une "assemblée populaire".


Des "intellos précaires"

Élisabeth Lévy remarquait le 18 avril 2016 : « Comme toujours, les aspect ridicules de ce happening infantile et bruyant semblent échapper à nombre de commentateurs qui évoquent avec le plus grand sérieux le pôle sérénité, les toilettes sèches et les ateliers constituants. (…) On n’a pas très envie de savoir ce qui pourrait se mitonner dans un tel verbiage voué à la réflexivité la plus plate. Le "mouvement", comme ils disent, ne parle que de lui-même et de la façon dont il faut parler. » ("Causeur").

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L’avocat Régis de Castelnau fut encore plus féroce : « Je me suis (…) rendu place de la République, malheureusement pour en ressortir accablé. Je suis d’abord passé devant le stand "vegan" tenus par des militants verdâtres prônant une alimentation à base de racines. (…) Au stand "agriculture et biodynamie", on expliquait (…) que si la terre ne mentait pas, la lune non plus. Et que pour planter une vigne, la tailler, récolter et faire le vin, il fallait que ce soit à lune montante et en tirant le thème astral du jour. (…) Juste après les militants "anti-vaccins", je suis tombé sur les "Robin des toits" qui m’ont expliqué que toutes les ondes dans lesquelles nous baignons avec nos appareils donnent le cancer de la tête qui rend idiot. J’ai pensé que pour eux, c’était déjà trop tard. Un grand gars maigre m’a dit que si j’avais parfois mal à la gorge, c’était à cause des chemtrails [traînées laissées par les avions dans le ciel, qui ne sont pas faites de condensation mais de poison répandu dans le cadre d’un complot mondial]. (…) Lorsque je lui ai fait remarquer que les cigarettes sur lesquelles il tirait abondamment avaient peut-être aussi quelque influence sur sa toux, il m’a tourné le dos. Je me suis enfin approché de la commission "féministe" pour (…) apprendre que (…) toutes les femmes devaient être voilées (…) en solidarité. Avec l’affirmation suivante : "Le voile ne tue pas, la police oui !". J’ai commis l’erreur de dire à voix haute que CRS=SS peut-être mais qu’à 500 mètres de là, des partisans du voile avaient massacré 130 innocents et que l’intervention de la police avait permis qu’il n’y en eût pas plus. » ("Causeur", le 26 avril 2016).

Le politologue Thomas Guénolé a ainsi parlé d’une « mobilisation de jeunes et d’étudiants, sans programme précis mais très politisés, arborant des slogans antisystème de gauche » ("Le Parisien", le 7 mai 2016) et le politologue Gaël Brustier (proche de Julien Dray et Arnaud Montebourg) a précisé : « Les participants ressemblent pour beaucoup aux "intellos précaires" (…). Si le mouvement cherche, pour sa part, à tendre la main à d’autres couches sociales (ouvriers, populations des cités de banlieue, habitants des zones rurales), il est confronté (…) à son enfermement et la nécessité d’en sortir. » ("Slate", 14 avril 2016).


Une meilleure manière de faire de la politique ?

Si ce ne sont les dégradations occasionnées chez les riverains, et en excluant les casseurs qui profitent de n’importe quel rassemblement pour vandaliser (« Céder à la violence est contre-productif et fragilise le mouvement. S’attaquer à des biens privés qui n’ont aucune portée symbolique jette un discrédit. » a énoncé une motion votée par "l’assemblée populaire" le 16 avril 2016), on pourrait imaginer qu’une telle participation esquisserait une "nouvelle" manière d’exercer la démocratie.

Pourtant, je persiste à penser que la "politique traditionnelle" reste une nécessité, et que seuls, les acteurs doivent améliorer leur comportement dans une société plus instruite et mieux informée. Ce sont les articles 3 et 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui régulent d’ailleurs cette démocratie. Rappelons-les.

Je cite d’abord l’article 4 : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. ».

Et ces principes sont posés dans l’article précédent, l’article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exerce. Le suffrage peut être direct ou indirect (…). Il est toujours universel, égal et secret. ».


Des "décisions démocratiques chimiquement pures" ?

Nuit Debout, finalement, n’est pas très nouveau. Les assemblées sans intérêt pour décider de choses sans importance sont similaires à des assemblées générales de partis très bureaucratisés, tels que les Verts (Régis de Castelnau écrivait le 26 avril 2016 : « L’amour de la procédure (…), dont le respect doit seul permettre d’élaborer les règles aboutissant à des décisions démocratiques chimiquement pures. Il faut donc voter tous les quarts d’heure sur la procédure de la procédure décidant quelle procédure sera utilisée pour la procédure. »).

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Le travail en commission est intéressant mais c’est ce qu’il se passe dans tous les partis dignes de ce nom. Pas un parti ne fonctionne sans commission de réflexion pour nourrir et enrichir son projet politique.

Mieux, refaire le monde est un élément majeur et très sain dans l’apprentissage de la citoyenneté. On peut le faire à tout âge mais c’est plus naturel de le faire jeune, qu’on souhaite améliorer la société existante, la bousculer, la renverser parfois, la déranger toujours. On le fait rarement deux fois parce qu’on a vite compris les limites de l’exercice.

Nuit Debout qui proclame son opposition au chômage, c’est bien. Mais c’est naïf. Ok, on est contre le chômage. Mais comment fait-on pour le réduire ? Le déclarer hors-la-loi ? Concrètement ? Et en quoi est-ce démocratique de le proclamer ?

Par exemple, réfléchir sur une nouvelle Constitution, pourquoi pas ? Mais tous les partis l’ont fait aussi. Il y a eu plein de commissions officielles aussi (Édouard Balladur, Lionel Jospin, Claude Bartolone, pour les plus récentes). Cela n’a rien de nouveau. Et il y a un préalable : la méthode de Nuit Debout n’a rien de démocratique, c’est juste une réflexion entre-soi. Car la méthode d’une nouvelle Constitution, c’est d’abord d’élire une assemblée constituante. Pour la faire élire, il faut qu’elle soit légitime, donc que le peuple français la veuille. Ensuite, après un projet de rédaction, il faut que le texte soit approuvé là aussi par référendum et ainsi de suite. C’est De Gaulle, en 1945, qui avait donné une certaine méthodologie même si, sur le fond, il n’a pas été suivi.


Horizontalité

La nouveauté de Nuit Debout, c’est que les rassemblements sont bien moins homogènes que les réunions dans les partis politiques traditionnels. Du coup, personne n’est d’accord avec rien. C’est aussi pour cette raison que Nuit Debout est inefficace et inutile d’un point de vue collectif.

Humainement et individuellement, Nuit Debout est en revanche très enrichissant, savoir parler et savoir écouter, s’ouvrir aux autres, rencontrer de nouvelles personnes, atteindre de nouveaux horizons, oui, c’est très utile. Leila Chaibi l’a bien expliqué : « Cela a entraîné une convergence des personnes. Des réseaux se sont constitués, et cette énergie n’a pas disparu. » ("Huffington Post", le 31 mai 2016).

Mais il ne sortira probablement rien de ce mouvement sauf s’il est récupéré politiquement d’une manière ou d’une autre. Il suffit de voir un autre mouvement, sans doute diamétralement opposé, la Manif pour tous, qui avait réussi, lui aussi, à fédérer de nombreuses personnes, à organiser des manifestations d’un million de personnes contre un autre projet du gouvernement (au lieu de la loi El-Khomri, il s’agissait du mariage gay), et finalement, il n’y a eu aucune traduction politique ni électorale, ni aux élections locales (municipales, régionales) ni aux européennes ni probablement aux futures élections nationales (présidentielle, législatives).

Nuit Debout aurait pu d’abord se mettre d’accord sur des valeurs, sur une charte des valeurs, mais cela aurait empêché le rassemblement et aurait forcément exclu des individus. D’un point de vue officiel. Car d’un point de vue officieux, l’exclusion est déjà réel. Pour preuve, l’évacuation brutale de l’académicien Alain Finkielkraut le 16 avril 2016, victime de propos haineux et d’insultes.

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Au-delà de cette grande hétérogénéité des valeurs des personnes qui participent à Nuit Debout, un autre élément empêche sa traduction politique : le refus de tout leadership. On peut aisément comprendre le principe de ne pas stariser ou personnaliser ce mouvement, parce que la Ve République, justement, avec l’élection présidentielle, n’est devenue plus qu’un ensemble d’écuries présidentielles dont la personnalité du champion est plus importante que le projet.

Ce refus de personnalisation est néanmoins très angoissant et effrayant : aucune idée, aussi pure, aussi théorique soit-elle, ne peut exister sans être incarnée par une personne, avec ses failles, ses imperfections. Aucune idée ne peut être exprimée sans la personnalité de celui qui essaie de la faire naître. Un mouvement sans personnalisation, c’est comme un projet sans âme, robotisé, sans capacité de conviction car c’est l’humain qui persuade, ce n’est pas l’idée en elle-même. Le refus de leader rend impossible tout développement politique et électoral, car par définition, on n’élit pas des idées mais des personnes censées les incarner. Ce refus de personnalisation humaine a dans un certain sens un petit côté totalitaire, un petit côté Big Brother.

La philosophe belge Chantal Mouffe a ainsi constaté : « À l’évidence, le mouvement est très horizontaliste, très "basiste" et ne désire ni leader, ni organisation, ni hiérarchie. (…) Si les manifestants veulent avoir un impact politique et être en mesure de transformer le réel, il va falloir qu’ils s’organisent d’une manière un peu plus verticale. (…) Nuit Debout met en scène l’idée de "l’auto-organisation" (…). Occupy Wall Street, que j’ai soutenu, nourrissait la même croyance romantique d’être en train d’inventer une nouvelle façon de faire la politique. Il y avait l’idée que, dans l’occupation d’un lieu, toutes les demandes hétérogènes, les revendications des salariés, des femmes, des minorités ethniques, des écologistes, convergent spontanément. Or, ce n’est pas vrai. Pour qu’elles convergent, il faut construire un principe d’articulation. » ("L’Obs", le 23 avril 2016).


D’autres mouvements pour renouveler

Nuit Debout n’est pas non plus le premier mouvement en France qui voudrait renouveler l’exercice de la démocratie.

En ce moment, il y a aussi "En Marche", mouvement créé par le Ministre de l’Économie Emmanuel Macron. Aidé d’une plateforme numérique plus accessible à un marché qu’à un électorat, la "grande marche" qu’a démarrée Emmanuel Macron le 28 mai 2016 a pour but d’écouter les Français. Cent mille personnes devraient être ainsi interrogées, sélectionnées pour être représentatives, par des militants à l’aide d’un questionnaire type.

Là encore, même si l’application pour smartphone est moderne, elle est surtout pratique mais l’exercice de faire du porte-à-porte n’a rien de nouveau. Au contraire, il est aussi vieux que la démocratie représentative. À partir du moment où il y a une élection, c’est logique que les candidats ou ses partisans aillent à la rencontre de leurs électeurs potentiels.

À ce propos, il est très instructif de voir à quel point Emmanuel Macron n’a bénéficié d’aucune solidarité de ses collègues du gouvernement lorsqu’il a reçu des œufs durant son déplacement le 6 juin 2016 à Montreuil. Il se serait agi d’un autre ministre, par exemple Christiane Taubira lorsqu’elle était ministre, on devine la levée de boucliers que cela aurait déclenché (C’est Joseph Macé-Scaron qui l’imaginait le 6 juin 2016 sur i-Télé).

Dans le passé récent, on peut aussi citer le mouvement "Désirs d’Avenir" orchestré par Ségolène Royal pour sa campagne présidentielle de 2007, dont le but était de connaître l’état de l’opinion en utilisant les technologies de la communication les plus modernes (la fameuse ségosphère).

De même, la forte participation du MoDem, durant l’été 2007, dans le sillage de François Bayrou, à l’issue de cette même élection présidentielle de 2007, a montré un besoin de renouvellement de la démocratie représentative par une certaine démocratie participative. Des personnes qui n’avaient eu aucun engagement politique, plutôt venant de la population active, ayant déjà des responsabilités (professionnelles, familiales), y ont vu un intérêt nouveau pour la chose politique.

Ces mouvements à forte attente ont terminé dans la déception parce que la logique politique avait repris le dessus. Pour le MoDem, à cause de la suprématie du leadership de son président sans aucun doute, mais aussi dans les autres mouvements, parce qu’à partir du moment où on a l’ambition de défendre ses idées au plus haut niveau, on doit nécessairement faire quelques concessions voire quelques compromis pour rassembler une majorité absolue d’électeurs.


Une épine

Dans un éclair du lucidité, Laurent Joffrin s’est posé quand même la bonne question le 17 avril 2016 : « Le mouvement Nuit Debout n’a-t-il pas bénéficié d’une bienveillance médiatique qui va bien au-delà de la son importance numérique ? » ("Libération").

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Certains organisateurs de Nuit Debout voudraient maintenant imaginer une véritable formation populaire qui rendrait à l’extrême gauche ce que l’extrême droite lui a pris, à savoir les électeurs en colère, mécontents de la précarité et du chômage. Mais est-ce compatible avec la hâtive candidature de Jean-Luc Mélenchon (déclarée le 10 février 2016), qui disait lors de son premier meeting, place de Stalingrad (tout un programme) le 5 juin 2016, que sa candidature avait déjà résolu un gros problème, qui, et qu’il restait à construire le quoi ?

Que restera-t-il de Nuit Debout ? Eh bien, je pense que ce rassemblement restera surtout une épine au pied gauche de François Hollande. Et que cette épine pourrait lui être fatale à l’élection présidentielle de 2017.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 juin 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Nuit Debout.
La démocratie participative.
La France archaïque.
Le vote électronique.
François Hollande.
Emmanuel Macron.
François Bayrou.
Ségolène Royal.
Jean-Luc Mélenchon.
La pluie à Paris.
Mathématiques militantes.
Quelques dessins humoristiques sur Nuit Debout (printemps 2016).

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160412-nuit-debout.html

http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/nuit-debout-sans-jour-181721

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/06/08/33655684.html


 

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8 mai 2016 7 08 /05 /mai /2016 23:31

Le dimanche 8 mai 2016, le Ministre de l'Économie Emmanuel Macron a participé à la célébration de Jeanne d'ARc à Orléans en prononçant un discours qui s'est voulu à portée nationale.

Cliquer sur le lien pour télécharger le discours (fichier .pdf) :
http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/20908.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160412-macron-D.html

SR


 

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5 mai 2016 4 05 /05 /mai /2016 20:41

(verbatim)



Discours de François Hollande le 3 mai 2016 au Théâtre du Rond-Point à Paris.


Paris, le mardi 3 mai 2016.

Monsieur le Premier ministre, cher Manuel VALLS que je retrouve ici avec plaisir,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents des fondations à l’initiative de ce colloque,
Mesdames et Messieurs,

Vous n’avez pas choisi cette date par hasard, j’en ai bien conscience, elle correspond au 80ème anniversaire de l’avènement du Front populaire, 35 ans aussi après la victoire de François MITTERRAND en 1981, 20 ans ou presque après le succès de Lionel JOSPIN aux législatives de 1997 et quatre ans après mon élection. Autant d’anniversaires, heureux pour certains, je le sais, malheureux peut-être pour d’autres, mais des dates qui, d’une certaine façon, sont dans l’Histoire.

Voilà ce qui permet et je crois que c’était l’intention - Gilles FINCHELSTEIN y est revenu - de faire des comparaisons utiles dans le temps, dans l’espace et de tirer des leçons pour aujourd'hui. Je ne m’aventurerai pas sur le terrain de savoir si le Gouvernement français est le plus à gauche d’Europe et même du monde, je ne voudrais vexer personne ou surtout n’inquiéter personne.

C’est souvent une réflexion que l’on a fait durant les périodes où précisément la Gauche française a été au pouvoir. Elle a dirigé la France à plusieurs reprises sous trois République et rien que sous la 5e, c’est la 4ème législature. L’œuvre transformatrice est impressionnante et elle n’est d’ailleurs pas autant discutée qu’il y paraît. La preuve, c’est qu’une grande partie de ce qui a été fait dans cette Histoire n’a jamais été défait.

Puis, il y une donnée qui unit l’ensemble de ces périodes, pourtant dans des circonstances très différentes, c’est que jamais la Gauche n’a été appelée à la direction du pays sans qu’il ait été lui-même saisi de grandes difficultés intérieures ou extérieures et parfois par les deux.

La Gauche n’a jamais accédé au pouvoir par une mer de tranquillité, sous un ciel de sérénité et par temps calme et c’est parce la Nation vit des épreuves qu’elle y arrive, la Gauche au pouvoir. C’est parce que face aux épreuves les autres n’y arrivent pas, qu’elle y parvient. Ainsi si on regarde l’Histoire, c’est dans une France plongée dans une grave crise économique, dans une Europe déjà à feu et à sang que se constitue le Front populaire. Si en 1981, bien plus tard, la France choisit l’alternance en portant François MITTERRAND à la Présidence de la République, c’est parce qu’elle est profondément marquée, bousculée même par deux chocs pétroliers qui ont dégradé la balance commerciale, provoqué une montée du chômage et porté l’inflation à plus de 15 %.

Plus près de nous, j’ai à l’esprit la situation économique et budgétaire de 1997, avec un déficit très loin du seuil requis pour être au rendez-vous de la monnaie unique. Le Gouvernement d’alors avait élaboré un plan d’austérité et suggéré au Président de la République de l’époque de dissoudre l’Assemblée nationale en vue de sa mise en œuvre. C’est ainsi que la Gauche, autour de Lionel JOSPIN, est arrivée aux responsabilités.

Cinq ans plus tard, son Gouvernement avait pourtant réussi à introduire l’euro dans des conditions qui étaient précisément celles qui avaient été exigées, selon l’agenda voulu et sans l’austérité prévue. Ainsi, ce n’est jamais parce que la Gauche est au pouvoir que c’est difficile, c’est parce que c’est difficile que la Gauche est au pouvoir.

Léon BLUM le savait, il connaissait le prix de l’exercice du pouvoir, longtemps il avait essayé d’en dissuader, y compris ses propres amis, mais il savait qu’arrive un moment où l’exercice lucide et courageux du pouvoir s’impose. Voici ce qu’il exprimait le 10 mai 1936 : « Je ne viens pas ici en vous disant : éloignez de moi ce calice, je n’ai pas voulu cela, je n’ai pas demandé cela » au sujet du pouvoir. « Si, si, j’ai demandé cela » pour gouverner la France. Telle est la continuité de l’Histoire de la Gauche du Gouvernement : ne pas fuir devant l’adversité, ne pas céder devant elle, ne pas craindre le procès, le même inscrit toujours par les mêmes, celui de la compromission avec un système qu’il faudrait toujours dénoncer pour ne pas avoir à le changer.

Relever le défi, tenter de réussir là où d’autres ont échoué, c’est l’honneur d’un Gouvernement de Gauche, tenir bon au point que les réformes combattues lors de leur mise en œuvre deviennent le plus souvent celles du pays tout entier, quelques années plus tard. C’est ainsi que l’on reconnaît les grandes lois de la République, ces lois que d’autres voulaient abroger et qu’ils ont fini, le temps venant, par garder.

Au pouvoir, je vous en fais la confession, il n’y a pas plus de calice qu’il n’y a de délice. Il y a simplement une exigence qui s’appelle le progrès. S’il y a un fil rouge qui relie toutes les périodes où la Gauche a gouverné, c’est bien celui-là. Je ne vais pas ici dresser un inventaire mais rendre justice à une constance réformatrice, qu’il s’agisse de la laïcité de 1905, des congés payés, des conventions collectives de 1936, de l’abolition de la peine de mort, des lois de décentralisation, de la retraite à 60 ans, après 1981, de la CSG, du RMI et après 1988, de la l’APA, la CMU, ou des 35 heures entre 1997 et 2002, la Gauche écrit son action autant qu’elle l’inscrit dans la mémoire collective. La Gauche n’agit pas simplement pour aujourd'hui mais pour demain. Mais la réalité qu’elle affronte ne se réduit pas comme à d’autres périodes au mur de l’argent, à la finance, aux disciplines budgétaires ou à la mondialisation, ce qu’elle découvre à chaque période où elle est amenée à servir le pays, c’est que l’Histoire est tragique et elle répugne à s’y préparer et même à concevoir que l’Histoire peut être tragique. Parce que la Gauche rêve d’harmonie, de concorde, de paix et elle doit pourtant être prête à affronter l’imprévisible comme l’effroyable, c'est-à-dire les guerres, le terrorisme, les conflits, tout ce qui hélas fait que le monde est celui que nous connaissons et que nous voulons changer.

Alors dans ces périodes là ou précisément la Gauche est aux responsabilités, elle doit avoir aussi le courage d’accomplir sa mission sans trembler et d’utiliser la force pour préserver la paix et d’agir pour la liberté avec les armes du droit. Elle sait que si elle s’y dérobe, c’est arrivé en 1936 face à la guerre d’Espagne ou si elle se perd, c’est arrivé en 1956 avec la guerre d’Algérie, elle est pour longtemps plongée dans le remord, bien plus que dans le regret.

Elle doit, à chaque fois, prendre des décisions difficiles, assumer des responsabilités graves, et parce qu’elle est la France, être en avance même, par rapport à d’autres.

Cette réalité, celle de l’action, cette grandeur aussi, celle de la responsabilité, constitue pourtant un indispensable ressort. Mais je le sais, pour beaucoup la Gauche n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle se conjugue au passé. On mythifie, le temps venu, ses avancées, sans penser à les revendiquer, à les valoriser, quand il est encore possible de poursuivre dans la durée. Curieux comportement, d’être toujours dans une forme de nostalgie par rapport à l’Histoire et jamais dans la volonté de conquête par rapport à l’avenir. C’est d’ailleurs une formule qui n’est pas propre à la Gauche, on se souvient que la République était belle sous l’Empire, la Gauche est souvent belle, ravissante même, sous la droite, mais où est-elle, que fait-elle, que produit-elle ?

Alors, si on regarde les grandes périodes où la Gauche a gouverné, elle s’est toujours fixé quatre objectifs. Le premier, élargir la démocratie, la démocratie politique, nous l’avons fait à toutes époques, encore récemment, la parité, le non-cumul des mandats, la transparence, l’indépendance de la justice, la démocratie locale, avec les grandes lois de décentralisation de 1982, complétées par celles de 1988, depuis 2012, la réforme territoriale. La démocratie sociale, j’évoquais les conventions collectives de 1936, mais aussi le paritarisme pour la question des régimes sociaux, au lendemain de la guerre, les lois Auroux, en 1982. Dans le même mouvement, depuis 2012, la Parlement a inscrit plusieurs accords nationaux interprofessionnels, modernisé le dialogue social, une loi, dite loi REBSAMEN, l’a fait l’année dernière et aujourd'hui le projet de loi présenté par Myriam EL KHOMRI vise à donner une plus large place au dialogue social dans le cadre des entreprises. Démocratie politique, démocratie sociale, démocratie également territoriale, voilà un point fixe que la Gauche poursuit.

Ensuite, la justice. Justice fiscale, de l’impôt sur le revenu, grande conquête du début du 20e siècle, jusqu’à l’impôt sur la fortune, la création de la CSG, pour le financement de la Sécurité sociale, l’imposition des revenus du capital comme ceux du travail depuis 2012. Justice sociale, avec des avancées pour les plus modestes et la construction, pièce par pièce, d’un Etat social qui doit à chaque fois être revisité. Justice territoriale avec les politiques de la ville ou le soutien aux services publics dans la ruralité.

L’égalité c’est aussi ce qui est toujours poursuivi par les Gouvernements de progrès, l’Ecole de la République. En 1936 c’était l’école pour tous, Jean ZAY avait donné son nom, en 2016 c’est la réussite pour tous et à chaque étape, ce sont des Gouvernements de Gauche qui ont démocratisé, rénové, créé des postes, revalorisé aussi, la carrière des enseignants, avec aussi une dimension qui est celle de la laïcité. Encore aujourd'hui, dans chaque établissement scolaire, la Charte de la laïcité en rappelle les principes et un enseignement civique obligatoire est désormais dispensé.

Il y a un dernier point, une dernière constante historique, c’est la modernisation du pays. La Gauche ne s’est jamais dérobée devant cette exigence. Celle qui au début des années 1980 a restructuré les grandes industries c’est la gauche de Pierre MAUROY, fait le choix de l’Europe monétaire, c’est Jacques DELORS, vaincu l’inflation dans les années 1990 c’est Pierre BEREGOVOY, rétabli les comptes publics et sociaux, c’est Lionel JOSPIN. La Gauche a très tôt compris, malgré les idées reçues, que pour répartir il fallait produire et que le progrès c’est une volonté, une résolution, une patience, celle qui rythme le changement, en prenant en compte le temps et le réel. Plus encore aujourd’hui à l’âge de la mondialisation et de l’information en continu, les évolutions essentielles se gagnent par des réformes et des réformes graduelles. Il n’y a ni table rase, ni ligne d’arrivée, il y a un mouvement constant, persévérant.

L’énergie qu’il faut y mettre c’est le compromis, je n’ose pas dire la synthèse, le mot est galvaudé, à tort. Le compromis est dans la fonction même que j’exerce et que le Premier ministre doit également poursuivre. La direction c’est l’intérêt général et ce que j’ai engagé depuis 2012 ne déroge pas à ces principes, à ces engagements, à ces valeurs, pas davantage à cette leçon de l’Histoire qui veut que gouverner c’est agir, agir juste, agir vrai, agir pleinement, agir durablement. Avec toujours deux questions, celles que Gilles FINCHELSTEIN a posées, qui reviennent comme des antiennes : avons-nous fait tout ce qui a été dit, écrit ? Hier c’étaient les 110 propositions, aujourd'hui les 60 engagements, en termes comptable nous avions pris moins de risque, mais la politique ce n’est pas une arithmétique, on peut faire tous les engagements, les accomplir et pour autant ne pas créer d’adhésion. Le premier devoir d’un responsable c’est donc néanmoins de respecter ses promesses et je suis prêt à cet exercice, mais on jugera toujours plus importante celle qui n’a pas été réalisée plutôt que toutes les autres qui étaient considérées, j’imagine comme des formalités, c’est la règle du genre. Pour celles et ceux qui s’abreuvent donc aux 60 engagements et je les en remercie, je veux les rassurer, pour ces promesses qui n’ont pas été encore satisfaites, il reste encore un an pour y parvenir.

Il y a une autre interpellation, plus insistante encore, selon laquelle nous n’aurions pas dit tout ce qui allait être fait après, comme si le monde à traiter était figé, s’était arrêté le jour même de l’élection, comme s’il n’exigeait pas une adaptation permanente, comme si les circonstances ne justifiaient pas aussi que nous puissions agir avec d’autres moyens, d’autres formules que celles qui avaient pu être imaginées.

Alors c’est vrai, je le concède, la crise de la zone euro par exemple, a duré plus que je ne l’avais imaginé en 2012 et il a fallu s’y mettre et s’y remettre, à plusieurs reprises pour éviter son éclatement. C’était là la situation de 2012, avec déjà la Grèce, mais aussi d’autres pays, le Portugal, l’Irlande et même l’Espagne qui était frappés par une crise bancaire. De la même manière il est tout aussi exact que les prévisions de croissance établies lors de mon élection n’ont été nulle part vérifiées, pas plus en France que dans les autres pays européens et que des épreuves ont surgi, ont bousculé même nos plans. Que ce soit à l’extérieur avec les guerres au Mali, en Irak, en Syrie, que ce soit à l’intérieur avec le terrorisme qui a d’ailleurs exigé un effort budgétaire beaucoup plus conséquent en faveur de notre défense et de nos forces de sécurité et appelé également le Parlement à voter des législations pour faire face à la menace. Mais je ne m’étais pas trompé sur le diagnostic, j’en avais prévenu les Français, il fallait d’abord redresser pour ensuite redistribuer. Je vois même maintenant certains qui nous reprochent de le faire, de redistribuer comme si nous devrions nous imposer un redressement qui serait sans fin. Le redressement d’ailleurs qu’ils n’avaient pas accompli avant nous, mais il était de notre devoir de redresser d’abord pour redistribuer ensuite, et avec maîtrise, et avec responsabilité.

Nous avons pris la direction d’une France accablée de déficits : déficits sociaux, déficits publics, déficits commerciaux, une France qui avait vu sa dette publique progresser de 600 milliards d’euros. Cela ne dit pas grand-chose à grand monde, 600 milliards d’euros, c’est 30 % de la richesse nationale de plus en 5 ans, cette dette publique étant passée de 60 % du PIB à 90 %. Mais le plus grave, c’est vrai, n’avait pas été suffisamment dit, c'est-à-dire la dégradation de la compétitivité de l’économie, la perte de nos positions sur les marchés étrangers, l’affaiblissement de notre industrie. Nous en avions d’ailleurs un indice avec la multiplication des plans sociaux qui nous ont saisis dès l’été 2012. Alors, il nous a fallu moderniser le pays pour lui assurer sa place dans la mondialisation.

Nous avons donné à nos entreprises les moyens nécessaires pour assurer leur développement, la Banque publique d’investissement, le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le Pacte de responsabilité, l’appui aux PME, les plans de la France industrielle, la French Tech, tout cela permet aujourd'hui à nos entreprises, qui ont retrouvé pour l'essentiel les marges d'avant la crise, d'investir, d'innover, d'exporter et d’embaucher. Ce choix, je l'avais présenté dès novembre 2012 avec Jean-Marc AYRAULT, non pas comme je ne sais quel cadeau accordé au patronat, mais comme une politique en faveur des travailleurs et des entrepreneurs, parce que je ne distingue pas leur sort, je ne les oppose pas entre eux. Nous devons faire en sorte qu'ils trouvent leur compte les uns et les autres. Nous recueillons les premiers fruits, la croissance revient, la consommation repart, l'investissement redémarre, les logements se construisent avec encore davantage de production, tant mieux, l'économie crée des emplois. Le mérite en revient aux Français, ce sont eux qui ont fait les efforts qui ont été accomplis. Mais dans la bataille contre le chômage tout se joue maintenant. Jamais je ne dirai qu'en la matière nous avons tout essayé et nous avons dès le début de l'année, après avoir déjà tant fait, introduit le dispositif Embauche PME. Au moment où je m'exprime, 250 000 contrats ont été signés, dont les deux tiers en contrats à durée indéterminée et il y a un demi-million de formations pour les demandeurs d'emploi qui sont proposées par l'Etat avec les régions et c'est le sens des discussions qui ont été engagées par le Premier ministre.

Moderniser, ce n'est pas simplement redresser l'économie, c'est aussi rééquilibrer les comptes, le déficit public se situera en dessous de 3 % l'année prochaine et nous l’avons fait en maîtrisant la dépense sans jamais renoncer à nos priorités. Priorité d'abord de l'école, de l'école de la République, son budget est le premier de l’Etat. 60 000 postes seront effectivement créés d'ici la fin du quinquennat. Je l’ai voulu, les Gouvernements ont poursuivi cet objectif avec les ministres qui en ont eu la charge, je sais qu’il y a aujourd'hui des questions qui se posent sur la refondation de l'école. La refondation de l'école ce n'est pas la priorité du quinquennat, c'est la priorité de la France. Il n’y aura pas de réussite de la France sans la réussite de son école, il n'y aura pas de mobilisation possible pour le pays, face aux menaces qu'il connaît, s'il n’y a pas une école qui assure un haut niveau de connaissance, la réduction des inégalités et la transmission des valeurs de la République. C'est la raison pour laquelle nous devons faire confiance aux enseignants, faire confiance à l'école de la République et la meilleure preuve ce n'est pas simplement en en revalorisant les traitements, c'est en faisant en sorte, là aussi, que nous poursuivions les réformes pédagogiques indispensables pour l'école de la République.

Moderniser c’est aussi anticiper. La transition énergétique, en France, votée par le Parlement, a permis d'être exemplaire au moment où nous nous sommes rassemblés, les chefs d'Etat et de Gouvernement, c'était après les attentats du 13 novembre à Paris, pour signer l'accord sur la lutte contre le réchauffement climatique. Si nous avons pu être fiers, légitimement fiers, d'abord de faire cette réunion à Paris, certains nous le déconseillaient, nous disaient que c'était peut-être prendre un risque et qu'il valait mieux renoncer. Si nous avions renoncé, c’eût été une forme de capitulation face au terrorisme et surtout, il n'y aurait pas eu l'accord de Paris. Accord de Paris que nous devons maintenant transcrire dans notre propre droit, droit européen et que nous devons aussi traduire à travers nos lois, loi sur la transition énergétique, loi sur la biodiversité, parce que là aussi, ce n’est pas simplement pour l'Histoire, c'est pour l'avenir.

Nous aurons à revendiquer ce que nous avons fait, quand j'en vois déjà qui veulent abroger, annuler, abandonner. Cette transition énergétique écologique est au cœur de ce que finalement nous portons, sans le savoir le plus souvent et sans l'avoir suffisamment assumé dans le passé. Mais il s'agit aussi d'adapter notre économie au numérique, à l'économie collaborative, sociale, solidaire et là aussi nous avons dégagé des investissements, des financements et nous avons reconnu cette économie-là, ces acteurs, ces salariés, quelquefois dans des statuts qui méritent d'être corrigés.

Et puis nous avons poursuivi l'œuvre de réforme territoriale. Là aussi, qu’avions-nous voulu tenter ce que d'autres avaient toujours échoué à faire : 13 régions au lieu de 22, je n’en connais pas d'ailleurs, à la tête de ces 13 régions, qui me demandent de revenir aux précédentes. Nous avons également bâti des métropoles à taille européenne, permis le Grand Paris, renforcé l'intercommunalité dans le respect des communes, relancé la politique de la ville, assuré aux quartiers les plus pauvres une solidarité et permis aux territoires ruraux de ne pas se replier sur un passé qui est désormais révolu.

Moderniser le pays c'est aussi créer de nouveaux droits, droit au mariage pour les couples de même sexe, droit à une fin de vie digne et apaisée, droit à l'oubli pour les personnes atteintes d'une maladie grave, droit à la protection de ses données personnelles sur Internet, droit à l'IVG entièrement anonyme et gratuit, droit aux actions de groupe pour dénoncer les discriminations, droit aussi à pouvoir lutter contre la vie chère. La Gauche c'est toujours des droits nouveaux, des droits pour tous, des droits pour vivre mieux.

Alors, se reposent également d'autres questions. Avons-nous renoncé à la réforme fiscale ? La réforme fiscale est, si je puis dire, dans les gènes de la Gauche, au point que parfois elle finit par inquiéter, mais c'est l'idée de la justice, c'est l'idée du progrès, cela ne veut pas dire augmenter les impôts. Souvent, d'ailleurs, ceux qui sont contre la réforme fiscale, sont les plus grands propagandistes de la hausse des prélèvements et souvent les plus conservateurs ou les plus libéraux sont ceux qui augmentent les prélèvements, mais des plus modestes. Qu’avons-nous fait en cette matière ? Revenus du capital taxés comme les revenus du travail, création de nouvelles tranches d'imposition pour les hauts revenus, les niches fiscales plafonnées, le prélèvement à la source engagé, des baisses d'impôts depuis 2014 qui ont concerné 12 millions de contribuables et la prime d'activité qui touche 3 millions de Français. Je sais que beaucoup de ceux-là avaient pu être concernés par des dispositions fiscales ou de la majorité précédente, ou même de la nôtre, il était donc de notre devoir de leur redonner ce qu'ils avaient acquitté pour le redressement du pays et en fonction des marges, et seulement en fonction des marges dont nous pourrons disposer, il conviendra de poursuivre cette politique de réforme, de justice et de baisse des prélèvements pour les Français les plus modestes.

Deuxième question, avons-nous renoncé à maîtriser la finance ? La finance, j'avais dit ce qu'il fallait en dire lors du discours du Bourget, cette finance qui avait provoqué la crise des subprimes, qui avait déstabilisé les économies, qui avait plongé beaucoup de pays dans la récession. Depuis 2012, pas seule, la France a agi pour introduire l'Union bancaire européenne. Aujourd'hui les dépôts des épargnants sont entièrement protégés en cas de nouvelle crise financière, les banques ont été mises à contribution pour nous assurer que ce ne sera pas le contribuable qui sera sollicité. Notre pays a voté une loi de séparation dans les établissements financiers pour distinguer les activités spéculatives des activités de dépôt, nous avons plafonné les bonus, les rémunérations variables, il me semble qu'il y a encore à faire. Partout, au G20, au sein de l'OCDE, en Europe, notre pays est à l'initiative pour lutter contre la fraude fiscale. Nous avons agi, pas seuls, mais nous avons permis qu'il y ait maintenant l'échange automatique d'informations entre les administrations fiscales et nous avons fait reculer le secret bancaire. Demain, avec une nouvelle loi, nous irons encore plus loin, y compris pour protéger les lanceurs d'alerte. Alors c'était aussi la responsabilité de la France que d'agir au niveau européen, au niveau mondial et ici, au sein de nos propres frontières, pour maîtriser la finance.

Est-ce que dans cette politique de redressement, notre modèle social a été entamé ? Il a été bien plus que préservé, aucun droit n'a été amoindri, aucune protection n'a été affaiblie. Ce modèle social a même été élargi, un demi-million de travailleurs sont partis en retraite à 60 ans au titre des carrières longues, la pénibilité est dorénavant prise en compte dans le calcul des droits à pension, la complémentaire santé, le tiers payant, les garanties contre les impayés de pensions alimentaires vont se généraliser. Les minima sociaux, les prestations familiales, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation personnelle d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes ont vu leur pouvoir d'achat progresser.

Je reprends le questionnement qui m'était posé. Dans quel pays d'Europe y a-t-il eu autant de progrès réalisés depuis 4 ans ? Dans quel pays d'Europe la protection sociale a-t-elle été à ce point élargie ? Dans quel pays d'Europe a-t-il été possible d'accorder de nouveaux droits alors qu'il était demandé des efforts pour que les comptes publics puissent être restaurés ? Je ne dis pas qu’en France on vit mieux qu'ailleurs, il y a encore beaucoup à faire, mais je dis qu’on ne peut pas entendre une complainte qui laisserait penser, surtout au sein de la Gauche, que nous n’aurions pas été à la hauteur de nos responsabilités, que nous aurions mis en cause des principes fondamentaux de notre protection sociale, non. Tout n'a pas été sauvegardé comme s'il fallait mettre sous cloche notre modèle social, nous l’avons fait respirer, nous l’avons alimenté, nous l’avons élargi, nous l'avons renouvelé. Car c'est cela qui est demandé à la Gauche, non pas de gérer des acquis comme on gère une rente, mais de faire en sorte qu'on puisse donner à des générations nouvelles l'occasion d'espérer vivre mieux.

Des droits nouveaux ont été instaurés : droit individuel à la formation, droits rechargeables pour l'assurance chômage, bientôt le compte personnel d'activité. Avons-nous sacrifié la jeunesse, puisque j’en avais fait la priorité du quinquennat ? C’est pour elle que nous avons assaini les comptes publics. Moins de dettes pour demain, c’est d’abord moins de fardeaux pour les générations futures. Refonder l’école, investir dans l’écologie, le numérique, renforcer les libertés, c’est pour elle que nous avons fait en sorte qu’il y ait plus d’étudiants, qui puissent accéder à l’université, plus de bourses qui puissent être distribuées - un étudiant sur trois est boursier - plus de stages qui puissent être rémunérés, plus d’emplois d’avenir qui puissent être créés, plus de Garantie jeunes désormais avec ce qui est prévu dans la loi sur le Travail et la caution solidaire pour le logement. Oui, je le réaffirme ici, même si c'est dur pour la jeunesse, mais cela a toujours été dur pour chaque génération, encore plus dur aujourd'hui, c'est pour la jeunesse que nous devons agir et continuer à agir.

Notre devoir, c'est aussi de protéger les Français. En janvier, en novembre 2015, la France a été frappée par le terrorisme islamiste, une organisation tentaculaire, Daech, a ciblé notre pays, pas seulement notre pays : la Belgique, la Turquie, la Tunisie, la Côte d'Ivoire, le Pakistan, l'Indonésie, tant d'autres, aucun continent, aucun peuple n'est à l'abri. Voilà que surgit la tragédie et l'épreuve, nous sommes aux responsabilités du pays, nous sommes face à ce crime odieux, à cette attaque, à cet acte de guerre et nous devons faire face parce que nous sommes la France, nous devons agir en fonction de nos valeurs, de nos convictions, de nos engagements mais nous devons agir.

La responsabilité qui était la mienne, qui est la mienne, avec le Premier ministre et les membres du Gouvernement, c'est aussi de penser aux Français qui ne jugent plus la Gauche, la droite mais simplement ce qui va être fait. C'est également d'assurer l'unité nationale dans ces moments exceptionnellement graves où d'un seul coup, on prend conscience que, face à l'attaque, tout peut se disloquer, se disperser, se défaire, se décomposer. La réaction du peuple français a été digne et forte. Les marches républicaines du 11 janvier, les foules qui étaient recueillies après le 13 novembre resteront gravées dans toutes nos mémoires.

Le risque majeur, c'est la division de la communauté nationale, c'est d'ailleurs ce que notre ennemi veut inoculer comme poison, la haine et la peur, la montée dans notre pays d’un islam radical qui nourrit à l'encontre de la République une hostilité farouche doit être clairement identifiée et fermement endiguée. Mais l'augmentation des actes violents à l'égard de nos compatriotes musulmans qui aiment profondément la France, leur pays, doit également nous alarmer et nous devons nous tenir à côté d’eux dans cette épreuve. Dans ce moment, notre responsabilité, je l'ai dit, c'est de rassembler les Français, dans la diversité de leurs origines, de leurs croyances, de leur parcours, de leurs opinions.

C'est aussi de les protéger contre les provocations, les stigmatisations, les propagandes djihadistes et contre toute menace à l'égard de notre sécurité. C’est pourquoi, alors que ce n'était pas prévu, que ce n'était pas dans les 60 engagements - même si j'avais, forcément après ce qui s'était produit, à Toulouse, à Montauban, évoqué les risques du terrorisme - j'ai dû, avec Manuel VALLS et les ministres concernés, prévoir une augmentation des effectifs, des moyens des forces de l'ordre, des services de renseignements. J'ai dû proclamer l'état d'urgence, ce n'était pas prévu dans le programme, l'état d'urgence, même s’il y avait surtout un état d'urgence économique et social qui existait déjà dès 2012.

Le Parlement – et j’en remercie tous ceux qui y ont contribué – a prolongé et permis de prévenir des actions criminelles grâce aux dispositifs qui ont été organisés après les attentats. Aujourd'hui encore, nous devons agir et ce combat sera long, mais il ne sera gagné que si nous restons nous-mêmes et ensemble. C'est une exigence et c'est aussi une méthode, c'est la nôtre. Etre nous-mêmes, ne pas nous perdre, ne pas nous dissoudre, ne pas de nous séparer, ne pas nous opposer, être ensemble, c'est la responsabilité que nous avons dû exercer.

Elle n'est pas nouvelle, j'ai évoqué d'autres périodes de l'Histoire où la Gauche - c’est arrivé aussi à la droite parce que c'est la République qui connaît ces épreuves - a dû, à d'autres moments aussi faire face et comme je l'ai souligné, ou elle a été capable de ce sursaut nécessaire, ou elle s'est perdue. C'était aussi notre devoir pour cette période qui restera historique. Ce que nous construisons, Mesdames et Messieurs, pas à pas, pierre après pierre, c'est un nouveau compromis, un compromis dynamique et juste. Ce compromis est à la fois économique, social, écologique, démocratique. Le compromis, ce n'est pas un subtil équilibre, un entre-deux, un médiocre point moyen. Le compromis, c'est tout l'inverse, c'est une volonté, c'est tenir son axe avec ténacité, suivre son cap avec solidité et convaincre avec sincérité.

Le compromis doit répondre aux mutations de l'économie, aux aspirations nouvelles qui justifient que tout change et que nous-mêmes, nous puissions être capables de changer. La révolution numérique, la question du temps tout au long de la vie, le vieillissement, la liberté donnée à chacune et à chacun d'entreprendre son existence, voilà le compromis que nous devons bâtir. Compromis aussi entre les principes de la démocratie parlementaire et les aspirations à davantage de participation citoyenne sur des grands projets, compromis aussi entre démocratie politique et démocratie sociale.

Compromis pour qu’il puisse y avoir ce mouvement qui est indispensable et en même temps, des règles dans notre République, même si, je vous le concède, nous prenons trop de temps pour décider dans les institutions d'aujourd'hui et qu'il y a comme une forme de lassitude, si nous n’y prenons garde, dans l'opinion par rapport à cette lenteur alors que pour beaucoup de nos concitoyens, tout va vite, y compris les risques, les menaces et les exigences et ce que l'économie entraîne. Il nous faudra revoir ces procédures, ces rythmes et ces modes de décision. Compromis entre la liberté et la protection pour préserver de la peur et également éviter d'assigner à chacun un destin fatal, une reproduction sociale, une assignation, une relégation, comme c'est hélas trop souvent le cas.

Compromis entre les exigences de l'économie de marché et le respect des biens communs, ceux de l'humanité. Compromis entre la souplesse pour les entreprises françaises confrontées à la compétition internationale et les garanties qui sont attendues par les travailleurs face aux risques. Alors c'est le projet qui est examiné aujourd'hui par l'Assemblée nationale. C'est un compromis dynamique et juste, comme tout ce que nous avons fait depuis 2012. Il ne s'en sépare pas, c'est un texte de progrès qui a trouvé plus que son équilibre, qui a trouvé justement le sens qui à un moment a pu lui manquer. Pour les entreprises, il va procurer visibilité et adaptation, elles en ont besoin et notamment pour embaucher. Pour les salariés, ils vont pouvoir disposer, à travers leurs organisations syndicales, d'une capacité accrue d'agir dans le cadre de la négociation collective.

Renforcer le dialogue social au niveau de l'entreprise, ce niveau fait peur à certains, mais pourquoi au niveau de l'entreprise ne serait-il pas possible de définir ce que peut être l'intérêt même des travailleurs et de ceux qui ont la responsabilité de l'entreprise ? A condition que l’on puisse fixer une forme de verrou qui est celui d'un accord majoritaire avec des organisations syndicales représentatives. Qui pourrait laisser penser qu'une organisation syndicale qui a la confiance des salariés dans une entreprise, pourrait prendre la responsabilité d'entamer les droits des travailleurs ? A mon avis, elle ne resterait pas très longtemps majoritaire et même représentative dans l'entreprise considérée.

Donc ce n'est pas une confiance que l'on délègue, c'est une responsabilité que l'on donne aux partenaires sociaux et je pense que cette loi, si elle est votée, va changer profondément, modifier durablement les rapports sociaux dans les entreprises et donc c'est vrai, le syndicalisme français. Il ne m'appartient pas de dire quelle doit être la forme du syndicalisme français, ce que je sais, c'est que nous avons besoin, là aussi pour le compromis, de forces qui représentent les salariés, qui prennent la responsabilité de signer des accords, nous avons besoin de partenaires qui puissent s'engager, j'en connais qui nous disent qu'ils peuvent faire fi de cette représentation, que cela prend trop de temps, qu’il vaut mieux aller tout de suite vers la loi, quelle loi ? Ordonnance, référendum, que sais-je ? Mais s’il n’y a plus ces instances qui représentent les Français dans leur diversité ? Alors quelle sera la forme de la démocratie ?

J'entends aussi – et je respecte cette position – beaucoup de chefs de petites et moyennes entreprises dire qu'ils seraient prêts pour des accords d'entreprise, mais sans avoir besoin d'un mandataire syndical, comme si la venue d'un syndicaliste, - il n’y en a pas autant de toutes sortes dans notre pays, - pourrait créer je ne sais quelle peur pour les intérêts des salariés ou pour les intérêts des entrepreneurs. Je pense que notre pays, s'il veut regarder ce qui se passe ailleurs, - cela arrive à certains, - doit penser qu'il a besoin de ce dialogue social. L'autre avancée majeure pour les salariés, c'est le compte personnel d'activité. Ce compte personnel d'activité, c'est le capital de ceux qui ne disposent que de leur travail, sur des droits attachés à la personne, des droits qui seront garantis par-delà les aléas de carrière, mobilisables au moment souhaité de la vie professionnelle.

Ce sera donc une forme de carte des droits : formation, disponibilité, pour mener à bien une nouvelle qualification ou un projet d'entreprise et d'ici la fin de l'année, je souhaite que sur cette carte des droits, accessible donc à tous les salariés, il soit possible de relever ce défi technologique et social, que chacun puisse à tout moment savoir de quels droits il dispose dans le cadre de ce compte personnel d'activité, qui sera une grande avancée de notre modèle social. Nous ne sommes pas seuls en Europe et il y a toujours cette tentation, nous l'avons connue, d'imaginer que la France seule pourra décider pour l'Europe tout entière, j'ai connu ces débats.

Je me souviens, y compris lors de certaines consultations, que beaucoup de Français voulaient que les Européens soient comme des Français, je vous assure qu'il y a une certaine résistance chez nos partenaires, même s’il y a beaucoup d'admiration à l'égard de notre pays mais ils n'ont pas forcément fait ce choix. Donc nous devons convaincre et c'est ce que nous avons fait depuis 2012, préserver la zone euro, lorsque certains pays considéraient qu’il y avait des Nations qui devaient la quitter, orienter les politiques européennes vers plus de croissance, introduire l'Union bancaire, faire que la Banque centrale européenne puisse avoir une politique de liquidité. Regardez cette situation, aujourd'hui, c'est la France qui défend la Banque centrale européenne, quand, ailleurs, on s'interroge sur la pertinence de ses actions.

Pour nous, la Banque centrale est indépendante et en même temps accommodante, voyez que les deux sont possibles. Grâce à cette politique-là, nous avons pu remettre l'Europe sur le chemin de la croissance, encore insuffisante et cette page-là, est maintenant, - si je puis dire, - tournée. Mais voilà que l'Union européenne affronte des vents contraires, la tentation du chacun-pour-soi, on l’a vu dans la gestion de la crise des réfugiés, le risque de la fragmentation, on le voit au moment même où le Royaume-Uni s'interroge sur sa présence en Europe ; il faudra de toute manière, quel que soit le vote des Britanniques pour leur avenir, que nous fassions des propositions pour l'Europe.

Une zone qui devra être plus cohérente, plus solidaire, une gouvernance qui devra également être établie, un Parlement de la zone euro, dans le cadre du Parlement européen, qui pourra disposer d'un pouvoir de contrôle, un budget propre pour la zone euro, qui puisse financer des investissements d'intérêt général, de nouvelles perspectives en matière de numérique, en matière de transition énergétique, pour les pays qui le voudront, une Europe de la défense parce que nous en avons besoin, parce que, ce qui est en jeu, vous l’avez compris, aux Etats-Unis, c'est maintenant de laisser les Européens assumer eux-mêmes une grande part de leur sécurité. La France, depuis longtemps, s'y était préparée, l'Europe doit maintenant s'en convaincre, alors je ferai ces propositions au lendemain du vote du peuple britannique.

De la même manière, nous avons posé des principes dans le cadre de négociations commerciales internationales, je pense aux normes sanitaires, alimentaires, sociales, culturelles, environnementales, jamais nous n'accepterons la mise en cause des principes essentiels pour notre agriculture, notre culture, pour la réciprocité, pour l'accès aux marchés publics, voilà pourquoi, à ce stade, la France dit non dans l'étape que nous connaissons des négociations commerciales internationales. Nous sommes pour les échanges, mais pas le libre-échange sans règle, le libéralisme est d'ailleurs une idée du 19ème siècle, dont les ressorts, le profit maximal, l'exploitation des ressources naturelles, la concurrence comme loi de la ville ne permet pas à la planète d'être durable ni même viable.

Je pense que cette idée a trouvé ses limites, en revanche, ce qui nous menace au début du 21ème siècle, c'est la résurgence du nationalisme, il se nourrit des excès de la mondialisation, il provoque le repli, le refus, le rejet, la fermeture des frontières, la sortie de l'euro et en fait de l'Europe, l'exaltation de l'identité nationale pour mieux écarter ceux qui n'y auraient pas profondément leurs racines, cette tentation parcourt, hélas, toute l'Europe. Elle a, dans chaque pays, son parti, aucun ne veut fréquenter l'autre, allez savoir pourquoi, mais tous se ressemblent et se rassemblent avec les mêmes dénonciations, la présence de l'islam et l'existence même de l'Union européenne.

Ainsi, ce qui est en cause, c'est bien plus que l'Europe, c'est la démocratie, c'est le progrès et la France doit être en première ligne, parce qu'elle y est attendue, parce qu'elle est espérée et parce que je vais vous en faire la confidence, la France est aimée, bien plus qu'elle ne s’aime elle-même.

Cela m’a frappé dans tous les déplacements que j’ai pu multiplier – et Manuel VALLS revient aussi d’Australie et de Nouvelle-Zélande, il a pu en faire également la vérification –, après les épreuves qui nous ont frappés, une image revient lorsqu’on parle de la France. L’image, c’est notre mode de vie ou plutôt notre modèle de vie. Il ne s’agit pas simplement de notre histoire, des idéaux que nous portons par héritage, de nos paysages, de la qualité de notre environnement. Non, il s’agit de bien plus que cela, il s’agit de l’idée de la France, de l’âme de la France. Comment la résumer ? On la trouve dans l’amour de la liberté mais aussi dans l’excellence de notre recherche, dans l’ingéniosité de nos entrepreneurs, le savoir-faire de nos ouvriers, la qualité de nos agriculteurs, la vitalité de nos créateurs, de notre culture. Bref, cette forme d’harmonie même si nous en connaissons, nous, ici les fragilités.

C’est cette conception singulière aussi de l’égalité que nous portons, de la chance que nous voulons donner à chacun, à chaque âge de la vie, quelle que soit sa condition, son origine, de pouvoir réussir. Cela s’appelle sans doute la République. La République, ce modèle que nous devons sans cesse réinventer pour l’adapter aux temps qui viennent. Alors, bien sûr, le chemin que je propose ou que nous avons fait ensemble, finalement, a contribué à la marche, ce chemin-là, ce chemin n’est pas unique, il y a toujours plusieurs voies, il y a toujours plusieurs solutions. Mais avant de s’y engager, mieux vaut connaître l’itinéraire et plus encore la destination.

Dans la responsabilité qui est la mienne, j’affirme que l’immobilisme n’est pas permis à la France. Ne pas réformer, ne pas avancer, ne pas prendre de risques, se dire qu’en ne changeant rien ici, les autres finiront par nous attendre, ce n’est pas un chemin, c’est un surplace, pire un enlisement au nom d’une illusion, c’est que les acquis le seraient pour toujours. Non, les acquis se méritent et se conquièrent à chaque étape. Être en retrait, c’est battre en retraite. La nostalgie qui peut parfois saisir un certain nombre de nos concitoyens, c’est un renoncement. J’en connais d’autres qui, faute d’imagination, veulent emprunter à d’autres pays la clé de la réussite. Moi, je respecte beaucoup nos voisins qui ont leurs traditions, leurs spécificités et leurs succès. Ils peuvent parfois nous précéder dans beaucoup de domaines et nous devons travailler avec eux et agir encore plus vite. Mais nous n’avons pas besoin de copier ni les mini jobs des uns, ni l’âge de la retraite des autres.

Je vous l’assure, la France peut réussir sans avoir à démanteler les services publics, précariser les salariés, réduire les impôts des plus favorisés et l’alignement est souvent un abaissement. Je sais aussi qu’il y a celles et ceux qui veulent tout défaire, dont le seul projet est d’annuler tout ce que nous avons fait. Cela leur prendra du temps car nous avons fait beaucoup. Et en même temps, je suis sûr que si d’aventure – car ce serait une aventure –, ils pouvaient en avoir la responsabilité, il y a bon nombre de réformes que nous avons accomplies qui resteront pour toujours parce que c’est effectivement ce qui s’est passé dans l’Histoire, ce qui s’est produit.

Il y en a qui pensent aussi qu’en étant nombreux dans la rue – je ne parle pas d’aujourd’hui mais pour demain ou pour après-demain –, on peut empêcher. Non, on peut parfois freiner, on peut parfois contester à juste raison mais rien ne remplace l’acte de gouverner. On ne change pas le monde, on ne change pas l’Europe, on ne change pas la France en restant à sa place. Quand je dis à sa place, cela vaut pour toutes les places. Il faut que les aspirations qui existent, l’envie de changer le monde, l’idée qu’il est possible de participer à tous niveaux au changement, il faut que cet espoir-là, à un moment, se traduise dans une perspective politique, ce qu’on appelle un débouché politique, un débouché démocratique. Quels que soient les modes de participation – et je les respecte tous –, quelles que soient les formes d’expression, à condition qu’elles ne soient pas violentes car la violence doit être proscrite, il n’y a jamais rien qui remplacera le vote et la démocratie et le suffrage universel.

Alors, Mesdames et Messieurs, j’ai eu cette forme et je la revendique : la France va mieux. Maintenant, chacun a son jugement. Certains disent : « Elle va un peu mieux. » Ce n’est pas ce qu’ils disaient avant. D’autres disent : « La France pourrait aller encore mieux. » J’en suis et je mesure, quand j’affirme que la France va mieux, ce que cela peut à un moment avoir comme douleur pour ceux qui souffrent, endurent et doutent de l’avenir. Je n’ignore rien de leurs conditions, je sais quelles sont leurs attentes et je peux parfois mesurer leur déception par rapport à ce qu’ils pouvaient espérer dans le temps, que nous irions plus vite ou que même eux pourraient aller plus vite. Ce chemin, celui que j’ai ouvert, n’est pas la seule direction mais c’est celui qui permet de moderniser et de protéger et permettre à la France d’aller mieux tout en restant elle-même.

Il y a les prophètes du déclin. J’en connais même qui parlent de décadence, ce sont ceux qui n’ont jamais cru en la France au point de vouloir la punir pour la guérir. Il y a des médecins – heureusement, ils ne sont pas reconnus par le Conseil de l’Ordre – qui en sont à faire des saignées et des purges pour penser que le malade peut guérir alors même qu’il est déjà mort. Donc nous devons, nous, donner confiance à notre pays, faire qu’il croit lui-même en son avenir. Je ne cesse de le rappeler et je le ferai ici, la France est un des rares pays à assurer sa sécurité par elle-même, la France est une nation souveraine qui décide de manière indépendante, la France est un pays qui a une influence très grande dans le monde, dont le rayonnement est apprécié, dont les atouts sont reconnus.

Alors, l’enjeu dans cette période, c’est la cohésion. Nous ne serons grands, forts que si nous sommes dans la cohésion. La cohésion nationale face au risque de séparation, de fragmentation, de division et même de violence. La cohésion sociale parce que nous avons le devoir de donner une chance à chacune et à chacun. La cohésion républicaine parce que nous sommes dépositaires des valeurs dont nous avons hérité, que nous devons transmettre. Voilà, s’il y a un message, s’il y a une leçon qu’il faut garder génération après génération et au-delà des progrès que la Gauche dans son histoire a pu permettre au pays de connaître et de partager, c’est que nous avons le devoir d’assurer la cohésion de notre pays. Alors, avançons sans regret, sans calcul, sans répit et sans savoir, comme le disait JAURÈS, quelle récompense nous sera réservée. La récompense, elle ne sera pas dans l’histoire ; la récompense, elle sera dans l’avenir. Merci.

François Hollande, le 3 mai 2016 à Paris.

Source : elysee.fr

 

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