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8 mai 2016 7 08 /05 /mai /2016 23:31

Le dimanche 8 mai 2016, le Ministre de l'Économie Emmanuel Macron a participé à la célébration de Jeanne d'ARc à Orléans en prononçant un discours qui s'est voulu à portée nationale.

Cliquer sur le lien pour télécharger le discours (fichier .pdf) :
http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/20908.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160412-macron-D.html

SR


 

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5 mai 2016 4 05 /05 /mai /2016 20:41

(verbatim)



Discours de François Hollande le 3 mai 2016 au Théâtre du Rond-Point à Paris.


Paris, le mardi 3 mai 2016.

Monsieur le Premier ministre, cher Manuel VALLS que je retrouve ici avec plaisir,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents des fondations à l’initiative de ce colloque,
Mesdames et Messieurs,

Vous n’avez pas choisi cette date par hasard, j’en ai bien conscience, elle correspond au 80ème anniversaire de l’avènement du Front populaire, 35 ans aussi après la victoire de François MITTERRAND en 1981, 20 ans ou presque après le succès de Lionel JOSPIN aux législatives de 1997 et quatre ans après mon élection. Autant d’anniversaires, heureux pour certains, je le sais, malheureux peut-être pour d’autres, mais des dates qui, d’une certaine façon, sont dans l’Histoire.

Voilà ce qui permet et je crois que c’était l’intention - Gilles FINCHELSTEIN y est revenu - de faire des comparaisons utiles dans le temps, dans l’espace et de tirer des leçons pour aujourd'hui. Je ne m’aventurerai pas sur le terrain de savoir si le Gouvernement français est le plus à gauche d’Europe et même du monde, je ne voudrais vexer personne ou surtout n’inquiéter personne.

C’est souvent une réflexion que l’on a fait durant les périodes où précisément la Gauche française a été au pouvoir. Elle a dirigé la France à plusieurs reprises sous trois République et rien que sous la 5e, c’est la 4ème législature. L’œuvre transformatrice est impressionnante et elle n’est d’ailleurs pas autant discutée qu’il y paraît. La preuve, c’est qu’une grande partie de ce qui a été fait dans cette Histoire n’a jamais été défait.

Puis, il y une donnée qui unit l’ensemble de ces périodes, pourtant dans des circonstances très différentes, c’est que jamais la Gauche n’a été appelée à la direction du pays sans qu’il ait été lui-même saisi de grandes difficultés intérieures ou extérieures et parfois par les deux.

La Gauche n’a jamais accédé au pouvoir par une mer de tranquillité, sous un ciel de sérénité et par temps calme et c’est parce la Nation vit des épreuves qu’elle y arrive, la Gauche au pouvoir. C’est parce que face aux épreuves les autres n’y arrivent pas, qu’elle y parvient. Ainsi si on regarde l’Histoire, c’est dans une France plongée dans une grave crise économique, dans une Europe déjà à feu et à sang que se constitue le Front populaire. Si en 1981, bien plus tard, la France choisit l’alternance en portant François MITTERRAND à la Présidence de la République, c’est parce qu’elle est profondément marquée, bousculée même par deux chocs pétroliers qui ont dégradé la balance commerciale, provoqué une montée du chômage et porté l’inflation à plus de 15 %.

Plus près de nous, j’ai à l’esprit la situation économique et budgétaire de 1997, avec un déficit très loin du seuil requis pour être au rendez-vous de la monnaie unique. Le Gouvernement d’alors avait élaboré un plan d’austérité et suggéré au Président de la République de l’époque de dissoudre l’Assemblée nationale en vue de sa mise en œuvre. C’est ainsi que la Gauche, autour de Lionel JOSPIN, est arrivée aux responsabilités.

Cinq ans plus tard, son Gouvernement avait pourtant réussi à introduire l’euro dans des conditions qui étaient précisément celles qui avaient été exigées, selon l’agenda voulu et sans l’austérité prévue. Ainsi, ce n’est jamais parce que la Gauche est au pouvoir que c’est difficile, c’est parce que c’est difficile que la Gauche est au pouvoir.

Léon BLUM le savait, il connaissait le prix de l’exercice du pouvoir, longtemps il avait essayé d’en dissuader, y compris ses propres amis, mais il savait qu’arrive un moment où l’exercice lucide et courageux du pouvoir s’impose. Voici ce qu’il exprimait le 10 mai 1936 : « Je ne viens pas ici en vous disant : éloignez de moi ce calice, je n’ai pas voulu cela, je n’ai pas demandé cela » au sujet du pouvoir. « Si, si, j’ai demandé cela » pour gouverner la France. Telle est la continuité de l’Histoire de la Gauche du Gouvernement : ne pas fuir devant l’adversité, ne pas céder devant elle, ne pas craindre le procès, le même inscrit toujours par les mêmes, celui de la compromission avec un système qu’il faudrait toujours dénoncer pour ne pas avoir à le changer.

Relever le défi, tenter de réussir là où d’autres ont échoué, c’est l’honneur d’un Gouvernement de Gauche, tenir bon au point que les réformes combattues lors de leur mise en œuvre deviennent le plus souvent celles du pays tout entier, quelques années plus tard. C’est ainsi que l’on reconnaît les grandes lois de la République, ces lois que d’autres voulaient abroger et qu’ils ont fini, le temps venant, par garder.

Au pouvoir, je vous en fais la confession, il n’y a pas plus de calice qu’il n’y a de délice. Il y a simplement une exigence qui s’appelle le progrès. S’il y a un fil rouge qui relie toutes les périodes où la Gauche a gouverné, c’est bien celui-là. Je ne vais pas ici dresser un inventaire mais rendre justice à une constance réformatrice, qu’il s’agisse de la laïcité de 1905, des congés payés, des conventions collectives de 1936, de l’abolition de la peine de mort, des lois de décentralisation, de la retraite à 60 ans, après 1981, de la CSG, du RMI et après 1988, de la l’APA, la CMU, ou des 35 heures entre 1997 et 2002, la Gauche écrit son action autant qu’elle l’inscrit dans la mémoire collective. La Gauche n’agit pas simplement pour aujourd'hui mais pour demain. Mais la réalité qu’elle affronte ne se réduit pas comme à d’autres périodes au mur de l’argent, à la finance, aux disciplines budgétaires ou à la mondialisation, ce qu’elle découvre à chaque période où elle est amenée à servir le pays, c’est que l’Histoire est tragique et elle répugne à s’y préparer et même à concevoir que l’Histoire peut être tragique. Parce que la Gauche rêve d’harmonie, de concorde, de paix et elle doit pourtant être prête à affronter l’imprévisible comme l’effroyable, c'est-à-dire les guerres, le terrorisme, les conflits, tout ce qui hélas fait que le monde est celui que nous connaissons et que nous voulons changer.

Alors dans ces périodes là ou précisément la Gauche est aux responsabilités, elle doit avoir aussi le courage d’accomplir sa mission sans trembler et d’utiliser la force pour préserver la paix et d’agir pour la liberté avec les armes du droit. Elle sait que si elle s’y dérobe, c’est arrivé en 1936 face à la guerre d’Espagne ou si elle se perd, c’est arrivé en 1956 avec la guerre d’Algérie, elle est pour longtemps plongée dans le remord, bien plus que dans le regret.

Elle doit, à chaque fois, prendre des décisions difficiles, assumer des responsabilités graves, et parce qu’elle est la France, être en avance même, par rapport à d’autres.

Cette réalité, celle de l’action, cette grandeur aussi, celle de la responsabilité, constitue pourtant un indispensable ressort. Mais je le sais, pour beaucoup la Gauche n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle se conjugue au passé. On mythifie, le temps venu, ses avancées, sans penser à les revendiquer, à les valoriser, quand il est encore possible de poursuivre dans la durée. Curieux comportement, d’être toujours dans une forme de nostalgie par rapport à l’Histoire et jamais dans la volonté de conquête par rapport à l’avenir. C’est d’ailleurs une formule qui n’est pas propre à la Gauche, on se souvient que la République était belle sous l’Empire, la Gauche est souvent belle, ravissante même, sous la droite, mais où est-elle, que fait-elle, que produit-elle ?

Alors, si on regarde les grandes périodes où la Gauche a gouverné, elle s’est toujours fixé quatre objectifs. Le premier, élargir la démocratie, la démocratie politique, nous l’avons fait à toutes époques, encore récemment, la parité, le non-cumul des mandats, la transparence, l’indépendance de la justice, la démocratie locale, avec les grandes lois de décentralisation de 1982, complétées par celles de 1988, depuis 2012, la réforme territoriale. La démocratie sociale, j’évoquais les conventions collectives de 1936, mais aussi le paritarisme pour la question des régimes sociaux, au lendemain de la guerre, les lois Auroux, en 1982. Dans le même mouvement, depuis 2012, la Parlement a inscrit plusieurs accords nationaux interprofessionnels, modernisé le dialogue social, une loi, dite loi REBSAMEN, l’a fait l’année dernière et aujourd'hui le projet de loi présenté par Myriam EL KHOMRI vise à donner une plus large place au dialogue social dans le cadre des entreprises. Démocratie politique, démocratie sociale, démocratie également territoriale, voilà un point fixe que la Gauche poursuit.

Ensuite, la justice. Justice fiscale, de l’impôt sur le revenu, grande conquête du début du 20e siècle, jusqu’à l’impôt sur la fortune, la création de la CSG, pour le financement de la Sécurité sociale, l’imposition des revenus du capital comme ceux du travail depuis 2012. Justice sociale, avec des avancées pour les plus modestes et la construction, pièce par pièce, d’un Etat social qui doit à chaque fois être revisité. Justice territoriale avec les politiques de la ville ou le soutien aux services publics dans la ruralité.

L’égalité c’est aussi ce qui est toujours poursuivi par les Gouvernements de progrès, l’Ecole de la République. En 1936 c’était l’école pour tous, Jean ZAY avait donné son nom, en 2016 c’est la réussite pour tous et à chaque étape, ce sont des Gouvernements de Gauche qui ont démocratisé, rénové, créé des postes, revalorisé aussi, la carrière des enseignants, avec aussi une dimension qui est celle de la laïcité. Encore aujourd'hui, dans chaque établissement scolaire, la Charte de la laïcité en rappelle les principes et un enseignement civique obligatoire est désormais dispensé.

Il y a un dernier point, une dernière constante historique, c’est la modernisation du pays. La Gauche ne s’est jamais dérobée devant cette exigence. Celle qui au début des années 1980 a restructuré les grandes industries c’est la gauche de Pierre MAUROY, fait le choix de l’Europe monétaire, c’est Jacques DELORS, vaincu l’inflation dans les années 1990 c’est Pierre BEREGOVOY, rétabli les comptes publics et sociaux, c’est Lionel JOSPIN. La Gauche a très tôt compris, malgré les idées reçues, que pour répartir il fallait produire et que le progrès c’est une volonté, une résolution, une patience, celle qui rythme le changement, en prenant en compte le temps et le réel. Plus encore aujourd’hui à l’âge de la mondialisation et de l’information en continu, les évolutions essentielles se gagnent par des réformes et des réformes graduelles. Il n’y a ni table rase, ni ligne d’arrivée, il y a un mouvement constant, persévérant.

L’énergie qu’il faut y mettre c’est le compromis, je n’ose pas dire la synthèse, le mot est galvaudé, à tort. Le compromis est dans la fonction même que j’exerce et que le Premier ministre doit également poursuivre. La direction c’est l’intérêt général et ce que j’ai engagé depuis 2012 ne déroge pas à ces principes, à ces engagements, à ces valeurs, pas davantage à cette leçon de l’Histoire qui veut que gouverner c’est agir, agir juste, agir vrai, agir pleinement, agir durablement. Avec toujours deux questions, celles que Gilles FINCHELSTEIN a posées, qui reviennent comme des antiennes : avons-nous fait tout ce qui a été dit, écrit ? Hier c’étaient les 110 propositions, aujourd'hui les 60 engagements, en termes comptable nous avions pris moins de risque, mais la politique ce n’est pas une arithmétique, on peut faire tous les engagements, les accomplir et pour autant ne pas créer d’adhésion. Le premier devoir d’un responsable c’est donc néanmoins de respecter ses promesses et je suis prêt à cet exercice, mais on jugera toujours plus importante celle qui n’a pas été réalisée plutôt que toutes les autres qui étaient considérées, j’imagine comme des formalités, c’est la règle du genre. Pour celles et ceux qui s’abreuvent donc aux 60 engagements et je les en remercie, je veux les rassurer, pour ces promesses qui n’ont pas été encore satisfaites, il reste encore un an pour y parvenir.

Il y a une autre interpellation, plus insistante encore, selon laquelle nous n’aurions pas dit tout ce qui allait être fait après, comme si le monde à traiter était figé, s’était arrêté le jour même de l’élection, comme s’il n’exigeait pas une adaptation permanente, comme si les circonstances ne justifiaient pas aussi que nous puissions agir avec d’autres moyens, d’autres formules que celles qui avaient pu être imaginées.

Alors c’est vrai, je le concède, la crise de la zone euro par exemple, a duré plus que je ne l’avais imaginé en 2012 et il a fallu s’y mettre et s’y remettre, à plusieurs reprises pour éviter son éclatement. C’était là la situation de 2012, avec déjà la Grèce, mais aussi d’autres pays, le Portugal, l’Irlande et même l’Espagne qui était frappés par une crise bancaire. De la même manière il est tout aussi exact que les prévisions de croissance établies lors de mon élection n’ont été nulle part vérifiées, pas plus en France que dans les autres pays européens et que des épreuves ont surgi, ont bousculé même nos plans. Que ce soit à l’extérieur avec les guerres au Mali, en Irak, en Syrie, que ce soit à l’intérieur avec le terrorisme qui a d’ailleurs exigé un effort budgétaire beaucoup plus conséquent en faveur de notre défense et de nos forces de sécurité et appelé également le Parlement à voter des législations pour faire face à la menace. Mais je ne m’étais pas trompé sur le diagnostic, j’en avais prévenu les Français, il fallait d’abord redresser pour ensuite redistribuer. Je vois même maintenant certains qui nous reprochent de le faire, de redistribuer comme si nous devrions nous imposer un redressement qui serait sans fin. Le redressement d’ailleurs qu’ils n’avaient pas accompli avant nous, mais il était de notre devoir de redresser d’abord pour redistribuer ensuite, et avec maîtrise, et avec responsabilité.

Nous avons pris la direction d’une France accablée de déficits : déficits sociaux, déficits publics, déficits commerciaux, une France qui avait vu sa dette publique progresser de 600 milliards d’euros. Cela ne dit pas grand-chose à grand monde, 600 milliards d’euros, c’est 30 % de la richesse nationale de plus en 5 ans, cette dette publique étant passée de 60 % du PIB à 90 %. Mais le plus grave, c’est vrai, n’avait pas été suffisamment dit, c'est-à-dire la dégradation de la compétitivité de l’économie, la perte de nos positions sur les marchés étrangers, l’affaiblissement de notre industrie. Nous en avions d’ailleurs un indice avec la multiplication des plans sociaux qui nous ont saisis dès l’été 2012. Alors, il nous a fallu moderniser le pays pour lui assurer sa place dans la mondialisation.

Nous avons donné à nos entreprises les moyens nécessaires pour assurer leur développement, la Banque publique d’investissement, le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le Pacte de responsabilité, l’appui aux PME, les plans de la France industrielle, la French Tech, tout cela permet aujourd'hui à nos entreprises, qui ont retrouvé pour l'essentiel les marges d'avant la crise, d'investir, d'innover, d'exporter et d’embaucher. Ce choix, je l'avais présenté dès novembre 2012 avec Jean-Marc AYRAULT, non pas comme je ne sais quel cadeau accordé au patronat, mais comme une politique en faveur des travailleurs et des entrepreneurs, parce que je ne distingue pas leur sort, je ne les oppose pas entre eux. Nous devons faire en sorte qu'ils trouvent leur compte les uns et les autres. Nous recueillons les premiers fruits, la croissance revient, la consommation repart, l'investissement redémarre, les logements se construisent avec encore davantage de production, tant mieux, l'économie crée des emplois. Le mérite en revient aux Français, ce sont eux qui ont fait les efforts qui ont été accomplis. Mais dans la bataille contre le chômage tout se joue maintenant. Jamais je ne dirai qu'en la matière nous avons tout essayé et nous avons dès le début de l'année, après avoir déjà tant fait, introduit le dispositif Embauche PME. Au moment où je m'exprime, 250 000 contrats ont été signés, dont les deux tiers en contrats à durée indéterminée et il y a un demi-million de formations pour les demandeurs d'emploi qui sont proposées par l'Etat avec les régions et c'est le sens des discussions qui ont été engagées par le Premier ministre.

Moderniser, ce n'est pas simplement redresser l'économie, c'est aussi rééquilibrer les comptes, le déficit public se situera en dessous de 3 % l'année prochaine et nous l’avons fait en maîtrisant la dépense sans jamais renoncer à nos priorités. Priorité d'abord de l'école, de l'école de la République, son budget est le premier de l’Etat. 60 000 postes seront effectivement créés d'ici la fin du quinquennat. Je l’ai voulu, les Gouvernements ont poursuivi cet objectif avec les ministres qui en ont eu la charge, je sais qu’il y a aujourd'hui des questions qui se posent sur la refondation de l'école. La refondation de l'école ce n'est pas la priorité du quinquennat, c'est la priorité de la France. Il n’y aura pas de réussite de la France sans la réussite de son école, il n'y aura pas de mobilisation possible pour le pays, face aux menaces qu'il connaît, s'il n’y a pas une école qui assure un haut niveau de connaissance, la réduction des inégalités et la transmission des valeurs de la République. C'est la raison pour laquelle nous devons faire confiance aux enseignants, faire confiance à l'école de la République et la meilleure preuve ce n'est pas simplement en en revalorisant les traitements, c'est en faisant en sorte, là aussi, que nous poursuivions les réformes pédagogiques indispensables pour l'école de la République.

Moderniser c’est aussi anticiper. La transition énergétique, en France, votée par le Parlement, a permis d'être exemplaire au moment où nous nous sommes rassemblés, les chefs d'Etat et de Gouvernement, c'était après les attentats du 13 novembre à Paris, pour signer l'accord sur la lutte contre le réchauffement climatique. Si nous avons pu être fiers, légitimement fiers, d'abord de faire cette réunion à Paris, certains nous le déconseillaient, nous disaient que c'était peut-être prendre un risque et qu'il valait mieux renoncer. Si nous avions renoncé, c’eût été une forme de capitulation face au terrorisme et surtout, il n'y aurait pas eu l'accord de Paris. Accord de Paris que nous devons maintenant transcrire dans notre propre droit, droit européen et que nous devons aussi traduire à travers nos lois, loi sur la transition énergétique, loi sur la biodiversité, parce que là aussi, ce n’est pas simplement pour l'Histoire, c'est pour l'avenir.

Nous aurons à revendiquer ce que nous avons fait, quand j'en vois déjà qui veulent abroger, annuler, abandonner. Cette transition énergétique écologique est au cœur de ce que finalement nous portons, sans le savoir le plus souvent et sans l'avoir suffisamment assumé dans le passé. Mais il s'agit aussi d'adapter notre économie au numérique, à l'économie collaborative, sociale, solidaire et là aussi nous avons dégagé des investissements, des financements et nous avons reconnu cette économie-là, ces acteurs, ces salariés, quelquefois dans des statuts qui méritent d'être corrigés.

Et puis nous avons poursuivi l'œuvre de réforme territoriale. Là aussi, qu’avions-nous voulu tenter ce que d'autres avaient toujours échoué à faire : 13 régions au lieu de 22, je n’en connais pas d'ailleurs, à la tête de ces 13 régions, qui me demandent de revenir aux précédentes. Nous avons également bâti des métropoles à taille européenne, permis le Grand Paris, renforcé l'intercommunalité dans le respect des communes, relancé la politique de la ville, assuré aux quartiers les plus pauvres une solidarité et permis aux territoires ruraux de ne pas se replier sur un passé qui est désormais révolu.

Moderniser le pays c'est aussi créer de nouveaux droits, droit au mariage pour les couples de même sexe, droit à une fin de vie digne et apaisée, droit à l'oubli pour les personnes atteintes d'une maladie grave, droit à la protection de ses données personnelles sur Internet, droit à l'IVG entièrement anonyme et gratuit, droit aux actions de groupe pour dénoncer les discriminations, droit aussi à pouvoir lutter contre la vie chère. La Gauche c'est toujours des droits nouveaux, des droits pour tous, des droits pour vivre mieux.

Alors, se reposent également d'autres questions. Avons-nous renoncé à la réforme fiscale ? La réforme fiscale est, si je puis dire, dans les gènes de la Gauche, au point que parfois elle finit par inquiéter, mais c'est l'idée de la justice, c'est l'idée du progrès, cela ne veut pas dire augmenter les impôts. Souvent, d'ailleurs, ceux qui sont contre la réforme fiscale, sont les plus grands propagandistes de la hausse des prélèvements et souvent les plus conservateurs ou les plus libéraux sont ceux qui augmentent les prélèvements, mais des plus modestes. Qu’avons-nous fait en cette matière ? Revenus du capital taxés comme les revenus du travail, création de nouvelles tranches d'imposition pour les hauts revenus, les niches fiscales plafonnées, le prélèvement à la source engagé, des baisses d'impôts depuis 2014 qui ont concerné 12 millions de contribuables et la prime d'activité qui touche 3 millions de Français. Je sais que beaucoup de ceux-là avaient pu être concernés par des dispositions fiscales ou de la majorité précédente, ou même de la nôtre, il était donc de notre devoir de leur redonner ce qu'ils avaient acquitté pour le redressement du pays et en fonction des marges, et seulement en fonction des marges dont nous pourrons disposer, il conviendra de poursuivre cette politique de réforme, de justice et de baisse des prélèvements pour les Français les plus modestes.

Deuxième question, avons-nous renoncé à maîtriser la finance ? La finance, j'avais dit ce qu'il fallait en dire lors du discours du Bourget, cette finance qui avait provoqué la crise des subprimes, qui avait déstabilisé les économies, qui avait plongé beaucoup de pays dans la récession. Depuis 2012, pas seule, la France a agi pour introduire l'Union bancaire européenne. Aujourd'hui les dépôts des épargnants sont entièrement protégés en cas de nouvelle crise financière, les banques ont été mises à contribution pour nous assurer que ce ne sera pas le contribuable qui sera sollicité. Notre pays a voté une loi de séparation dans les établissements financiers pour distinguer les activités spéculatives des activités de dépôt, nous avons plafonné les bonus, les rémunérations variables, il me semble qu'il y a encore à faire. Partout, au G20, au sein de l'OCDE, en Europe, notre pays est à l'initiative pour lutter contre la fraude fiscale. Nous avons agi, pas seuls, mais nous avons permis qu'il y ait maintenant l'échange automatique d'informations entre les administrations fiscales et nous avons fait reculer le secret bancaire. Demain, avec une nouvelle loi, nous irons encore plus loin, y compris pour protéger les lanceurs d'alerte. Alors c'était aussi la responsabilité de la France que d'agir au niveau européen, au niveau mondial et ici, au sein de nos propres frontières, pour maîtriser la finance.

Est-ce que dans cette politique de redressement, notre modèle social a été entamé ? Il a été bien plus que préservé, aucun droit n'a été amoindri, aucune protection n'a été affaiblie. Ce modèle social a même été élargi, un demi-million de travailleurs sont partis en retraite à 60 ans au titre des carrières longues, la pénibilité est dorénavant prise en compte dans le calcul des droits à pension, la complémentaire santé, le tiers payant, les garanties contre les impayés de pensions alimentaires vont se généraliser. Les minima sociaux, les prestations familiales, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation personnelle d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes ont vu leur pouvoir d'achat progresser.

Je reprends le questionnement qui m'était posé. Dans quel pays d'Europe y a-t-il eu autant de progrès réalisés depuis 4 ans ? Dans quel pays d'Europe la protection sociale a-t-elle été à ce point élargie ? Dans quel pays d'Europe a-t-il été possible d'accorder de nouveaux droits alors qu'il était demandé des efforts pour que les comptes publics puissent être restaurés ? Je ne dis pas qu’en France on vit mieux qu'ailleurs, il y a encore beaucoup à faire, mais je dis qu’on ne peut pas entendre une complainte qui laisserait penser, surtout au sein de la Gauche, que nous n’aurions pas été à la hauteur de nos responsabilités, que nous aurions mis en cause des principes fondamentaux de notre protection sociale, non. Tout n'a pas été sauvegardé comme s'il fallait mettre sous cloche notre modèle social, nous l’avons fait respirer, nous l’avons alimenté, nous l’avons élargi, nous l'avons renouvelé. Car c'est cela qui est demandé à la Gauche, non pas de gérer des acquis comme on gère une rente, mais de faire en sorte qu'on puisse donner à des générations nouvelles l'occasion d'espérer vivre mieux.

Des droits nouveaux ont été instaurés : droit individuel à la formation, droits rechargeables pour l'assurance chômage, bientôt le compte personnel d'activité. Avons-nous sacrifié la jeunesse, puisque j’en avais fait la priorité du quinquennat ? C’est pour elle que nous avons assaini les comptes publics. Moins de dettes pour demain, c’est d’abord moins de fardeaux pour les générations futures. Refonder l’école, investir dans l’écologie, le numérique, renforcer les libertés, c’est pour elle que nous avons fait en sorte qu’il y ait plus d’étudiants, qui puissent accéder à l’université, plus de bourses qui puissent être distribuées - un étudiant sur trois est boursier - plus de stages qui puissent être rémunérés, plus d’emplois d’avenir qui puissent être créés, plus de Garantie jeunes désormais avec ce qui est prévu dans la loi sur le Travail et la caution solidaire pour le logement. Oui, je le réaffirme ici, même si c'est dur pour la jeunesse, mais cela a toujours été dur pour chaque génération, encore plus dur aujourd'hui, c'est pour la jeunesse que nous devons agir et continuer à agir.

Notre devoir, c'est aussi de protéger les Français. En janvier, en novembre 2015, la France a été frappée par le terrorisme islamiste, une organisation tentaculaire, Daech, a ciblé notre pays, pas seulement notre pays : la Belgique, la Turquie, la Tunisie, la Côte d'Ivoire, le Pakistan, l'Indonésie, tant d'autres, aucun continent, aucun peuple n'est à l'abri. Voilà que surgit la tragédie et l'épreuve, nous sommes aux responsabilités du pays, nous sommes face à ce crime odieux, à cette attaque, à cet acte de guerre et nous devons faire face parce que nous sommes la France, nous devons agir en fonction de nos valeurs, de nos convictions, de nos engagements mais nous devons agir.

La responsabilité qui était la mienne, qui est la mienne, avec le Premier ministre et les membres du Gouvernement, c'est aussi de penser aux Français qui ne jugent plus la Gauche, la droite mais simplement ce qui va être fait. C'est également d'assurer l'unité nationale dans ces moments exceptionnellement graves où d'un seul coup, on prend conscience que, face à l'attaque, tout peut se disloquer, se disperser, se défaire, se décomposer. La réaction du peuple français a été digne et forte. Les marches républicaines du 11 janvier, les foules qui étaient recueillies après le 13 novembre resteront gravées dans toutes nos mémoires.

Le risque majeur, c'est la division de la communauté nationale, c'est d'ailleurs ce que notre ennemi veut inoculer comme poison, la haine et la peur, la montée dans notre pays d’un islam radical qui nourrit à l'encontre de la République une hostilité farouche doit être clairement identifiée et fermement endiguée. Mais l'augmentation des actes violents à l'égard de nos compatriotes musulmans qui aiment profondément la France, leur pays, doit également nous alarmer et nous devons nous tenir à côté d’eux dans cette épreuve. Dans ce moment, notre responsabilité, je l'ai dit, c'est de rassembler les Français, dans la diversité de leurs origines, de leurs croyances, de leur parcours, de leurs opinions.

C'est aussi de les protéger contre les provocations, les stigmatisations, les propagandes djihadistes et contre toute menace à l'égard de notre sécurité. C’est pourquoi, alors que ce n'était pas prévu, que ce n'était pas dans les 60 engagements - même si j'avais, forcément après ce qui s'était produit, à Toulouse, à Montauban, évoqué les risques du terrorisme - j'ai dû, avec Manuel VALLS et les ministres concernés, prévoir une augmentation des effectifs, des moyens des forces de l'ordre, des services de renseignements. J'ai dû proclamer l'état d'urgence, ce n'était pas prévu dans le programme, l'état d'urgence, même s’il y avait surtout un état d'urgence économique et social qui existait déjà dès 2012.

Le Parlement – et j’en remercie tous ceux qui y ont contribué – a prolongé et permis de prévenir des actions criminelles grâce aux dispositifs qui ont été organisés après les attentats. Aujourd'hui encore, nous devons agir et ce combat sera long, mais il ne sera gagné que si nous restons nous-mêmes et ensemble. C'est une exigence et c'est aussi une méthode, c'est la nôtre. Etre nous-mêmes, ne pas nous perdre, ne pas nous dissoudre, ne pas de nous séparer, ne pas nous opposer, être ensemble, c'est la responsabilité que nous avons dû exercer.

Elle n'est pas nouvelle, j'ai évoqué d'autres périodes de l'Histoire où la Gauche - c’est arrivé aussi à la droite parce que c'est la République qui connaît ces épreuves - a dû, à d'autres moments aussi faire face et comme je l'ai souligné, ou elle a été capable de ce sursaut nécessaire, ou elle s'est perdue. C'était aussi notre devoir pour cette période qui restera historique. Ce que nous construisons, Mesdames et Messieurs, pas à pas, pierre après pierre, c'est un nouveau compromis, un compromis dynamique et juste. Ce compromis est à la fois économique, social, écologique, démocratique. Le compromis, ce n'est pas un subtil équilibre, un entre-deux, un médiocre point moyen. Le compromis, c'est tout l'inverse, c'est une volonté, c'est tenir son axe avec ténacité, suivre son cap avec solidité et convaincre avec sincérité.

Le compromis doit répondre aux mutations de l'économie, aux aspirations nouvelles qui justifient que tout change et que nous-mêmes, nous puissions être capables de changer. La révolution numérique, la question du temps tout au long de la vie, le vieillissement, la liberté donnée à chacune et à chacun d'entreprendre son existence, voilà le compromis que nous devons bâtir. Compromis aussi entre les principes de la démocratie parlementaire et les aspirations à davantage de participation citoyenne sur des grands projets, compromis aussi entre démocratie politique et démocratie sociale.

Compromis pour qu’il puisse y avoir ce mouvement qui est indispensable et en même temps, des règles dans notre République, même si, je vous le concède, nous prenons trop de temps pour décider dans les institutions d'aujourd'hui et qu'il y a comme une forme de lassitude, si nous n’y prenons garde, dans l'opinion par rapport à cette lenteur alors que pour beaucoup de nos concitoyens, tout va vite, y compris les risques, les menaces et les exigences et ce que l'économie entraîne. Il nous faudra revoir ces procédures, ces rythmes et ces modes de décision. Compromis entre la liberté et la protection pour préserver de la peur et également éviter d'assigner à chacun un destin fatal, une reproduction sociale, une assignation, une relégation, comme c'est hélas trop souvent le cas.

Compromis entre les exigences de l'économie de marché et le respect des biens communs, ceux de l'humanité. Compromis entre la souplesse pour les entreprises françaises confrontées à la compétition internationale et les garanties qui sont attendues par les travailleurs face aux risques. Alors c'est le projet qui est examiné aujourd'hui par l'Assemblée nationale. C'est un compromis dynamique et juste, comme tout ce que nous avons fait depuis 2012. Il ne s'en sépare pas, c'est un texte de progrès qui a trouvé plus que son équilibre, qui a trouvé justement le sens qui à un moment a pu lui manquer. Pour les entreprises, il va procurer visibilité et adaptation, elles en ont besoin et notamment pour embaucher. Pour les salariés, ils vont pouvoir disposer, à travers leurs organisations syndicales, d'une capacité accrue d'agir dans le cadre de la négociation collective.

Renforcer le dialogue social au niveau de l'entreprise, ce niveau fait peur à certains, mais pourquoi au niveau de l'entreprise ne serait-il pas possible de définir ce que peut être l'intérêt même des travailleurs et de ceux qui ont la responsabilité de l'entreprise ? A condition que l’on puisse fixer une forme de verrou qui est celui d'un accord majoritaire avec des organisations syndicales représentatives. Qui pourrait laisser penser qu'une organisation syndicale qui a la confiance des salariés dans une entreprise, pourrait prendre la responsabilité d'entamer les droits des travailleurs ? A mon avis, elle ne resterait pas très longtemps majoritaire et même représentative dans l'entreprise considérée.

Donc ce n'est pas une confiance que l'on délègue, c'est une responsabilité que l'on donne aux partenaires sociaux et je pense que cette loi, si elle est votée, va changer profondément, modifier durablement les rapports sociaux dans les entreprises et donc c'est vrai, le syndicalisme français. Il ne m'appartient pas de dire quelle doit être la forme du syndicalisme français, ce que je sais, c'est que nous avons besoin, là aussi pour le compromis, de forces qui représentent les salariés, qui prennent la responsabilité de signer des accords, nous avons besoin de partenaires qui puissent s'engager, j'en connais qui nous disent qu'ils peuvent faire fi de cette représentation, que cela prend trop de temps, qu’il vaut mieux aller tout de suite vers la loi, quelle loi ? Ordonnance, référendum, que sais-je ? Mais s’il n’y a plus ces instances qui représentent les Français dans leur diversité ? Alors quelle sera la forme de la démocratie ?

J'entends aussi – et je respecte cette position – beaucoup de chefs de petites et moyennes entreprises dire qu'ils seraient prêts pour des accords d'entreprise, mais sans avoir besoin d'un mandataire syndical, comme si la venue d'un syndicaliste, - il n’y en a pas autant de toutes sortes dans notre pays, - pourrait créer je ne sais quelle peur pour les intérêts des salariés ou pour les intérêts des entrepreneurs. Je pense que notre pays, s'il veut regarder ce qui se passe ailleurs, - cela arrive à certains, - doit penser qu'il a besoin de ce dialogue social. L'autre avancée majeure pour les salariés, c'est le compte personnel d'activité. Ce compte personnel d'activité, c'est le capital de ceux qui ne disposent que de leur travail, sur des droits attachés à la personne, des droits qui seront garantis par-delà les aléas de carrière, mobilisables au moment souhaité de la vie professionnelle.

Ce sera donc une forme de carte des droits : formation, disponibilité, pour mener à bien une nouvelle qualification ou un projet d'entreprise et d'ici la fin de l'année, je souhaite que sur cette carte des droits, accessible donc à tous les salariés, il soit possible de relever ce défi technologique et social, que chacun puisse à tout moment savoir de quels droits il dispose dans le cadre de ce compte personnel d'activité, qui sera une grande avancée de notre modèle social. Nous ne sommes pas seuls en Europe et il y a toujours cette tentation, nous l'avons connue, d'imaginer que la France seule pourra décider pour l'Europe tout entière, j'ai connu ces débats.

Je me souviens, y compris lors de certaines consultations, que beaucoup de Français voulaient que les Européens soient comme des Français, je vous assure qu'il y a une certaine résistance chez nos partenaires, même s’il y a beaucoup d'admiration à l'égard de notre pays mais ils n'ont pas forcément fait ce choix. Donc nous devons convaincre et c'est ce que nous avons fait depuis 2012, préserver la zone euro, lorsque certains pays considéraient qu’il y avait des Nations qui devaient la quitter, orienter les politiques européennes vers plus de croissance, introduire l'Union bancaire, faire que la Banque centrale européenne puisse avoir une politique de liquidité. Regardez cette situation, aujourd'hui, c'est la France qui défend la Banque centrale européenne, quand, ailleurs, on s'interroge sur la pertinence de ses actions.

Pour nous, la Banque centrale est indépendante et en même temps accommodante, voyez que les deux sont possibles. Grâce à cette politique-là, nous avons pu remettre l'Europe sur le chemin de la croissance, encore insuffisante et cette page-là, est maintenant, - si je puis dire, - tournée. Mais voilà que l'Union européenne affronte des vents contraires, la tentation du chacun-pour-soi, on l’a vu dans la gestion de la crise des réfugiés, le risque de la fragmentation, on le voit au moment même où le Royaume-Uni s'interroge sur sa présence en Europe ; il faudra de toute manière, quel que soit le vote des Britanniques pour leur avenir, que nous fassions des propositions pour l'Europe.

Une zone qui devra être plus cohérente, plus solidaire, une gouvernance qui devra également être établie, un Parlement de la zone euro, dans le cadre du Parlement européen, qui pourra disposer d'un pouvoir de contrôle, un budget propre pour la zone euro, qui puisse financer des investissements d'intérêt général, de nouvelles perspectives en matière de numérique, en matière de transition énergétique, pour les pays qui le voudront, une Europe de la défense parce que nous en avons besoin, parce que, ce qui est en jeu, vous l’avez compris, aux Etats-Unis, c'est maintenant de laisser les Européens assumer eux-mêmes une grande part de leur sécurité. La France, depuis longtemps, s'y était préparée, l'Europe doit maintenant s'en convaincre, alors je ferai ces propositions au lendemain du vote du peuple britannique.

De la même manière, nous avons posé des principes dans le cadre de négociations commerciales internationales, je pense aux normes sanitaires, alimentaires, sociales, culturelles, environnementales, jamais nous n'accepterons la mise en cause des principes essentiels pour notre agriculture, notre culture, pour la réciprocité, pour l'accès aux marchés publics, voilà pourquoi, à ce stade, la France dit non dans l'étape que nous connaissons des négociations commerciales internationales. Nous sommes pour les échanges, mais pas le libre-échange sans règle, le libéralisme est d'ailleurs une idée du 19ème siècle, dont les ressorts, le profit maximal, l'exploitation des ressources naturelles, la concurrence comme loi de la ville ne permet pas à la planète d'être durable ni même viable.

Je pense que cette idée a trouvé ses limites, en revanche, ce qui nous menace au début du 21ème siècle, c'est la résurgence du nationalisme, il se nourrit des excès de la mondialisation, il provoque le repli, le refus, le rejet, la fermeture des frontières, la sortie de l'euro et en fait de l'Europe, l'exaltation de l'identité nationale pour mieux écarter ceux qui n'y auraient pas profondément leurs racines, cette tentation parcourt, hélas, toute l'Europe. Elle a, dans chaque pays, son parti, aucun ne veut fréquenter l'autre, allez savoir pourquoi, mais tous se ressemblent et se rassemblent avec les mêmes dénonciations, la présence de l'islam et l'existence même de l'Union européenne.

Ainsi, ce qui est en cause, c'est bien plus que l'Europe, c'est la démocratie, c'est le progrès et la France doit être en première ligne, parce qu'elle y est attendue, parce qu'elle est espérée et parce que je vais vous en faire la confidence, la France est aimée, bien plus qu'elle ne s’aime elle-même.

Cela m’a frappé dans tous les déplacements que j’ai pu multiplier – et Manuel VALLS revient aussi d’Australie et de Nouvelle-Zélande, il a pu en faire également la vérification –, après les épreuves qui nous ont frappés, une image revient lorsqu’on parle de la France. L’image, c’est notre mode de vie ou plutôt notre modèle de vie. Il ne s’agit pas simplement de notre histoire, des idéaux que nous portons par héritage, de nos paysages, de la qualité de notre environnement. Non, il s’agit de bien plus que cela, il s’agit de l’idée de la France, de l’âme de la France. Comment la résumer ? On la trouve dans l’amour de la liberté mais aussi dans l’excellence de notre recherche, dans l’ingéniosité de nos entrepreneurs, le savoir-faire de nos ouvriers, la qualité de nos agriculteurs, la vitalité de nos créateurs, de notre culture. Bref, cette forme d’harmonie même si nous en connaissons, nous, ici les fragilités.

C’est cette conception singulière aussi de l’égalité que nous portons, de la chance que nous voulons donner à chacun, à chaque âge de la vie, quelle que soit sa condition, son origine, de pouvoir réussir. Cela s’appelle sans doute la République. La République, ce modèle que nous devons sans cesse réinventer pour l’adapter aux temps qui viennent. Alors, bien sûr, le chemin que je propose ou que nous avons fait ensemble, finalement, a contribué à la marche, ce chemin-là, ce chemin n’est pas unique, il y a toujours plusieurs voies, il y a toujours plusieurs solutions. Mais avant de s’y engager, mieux vaut connaître l’itinéraire et plus encore la destination.

Dans la responsabilité qui est la mienne, j’affirme que l’immobilisme n’est pas permis à la France. Ne pas réformer, ne pas avancer, ne pas prendre de risques, se dire qu’en ne changeant rien ici, les autres finiront par nous attendre, ce n’est pas un chemin, c’est un surplace, pire un enlisement au nom d’une illusion, c’est que les acquis le seraient pour toujours. Non, les acquis se méritent et se conquièrent à chaque étape. Être en retrait, c’est battre en retraite. La nostalgie qui peut parfois saisir un certain nombre de nos concitoyens, c’est un renoncement. J’en connais d’autres qui, faute d’imagination, veulent emprunter à d’autres pays la clé de la réussite. Moi, je respecte beaucoup nos voisins qui ont leurs traditions, leurs spécificités et leurs succès. Ils peuvent parfois nous précéder dans beaucoup de domaines et nous devons travailler avec eux et agir encore plus vite. Mais nous n’avons pas besoin de copier ni les mini jobs des uns, ni l’âge de la retraite des autres.

Je vous l’assure, la France peut réussir sans avoir à démanteler les services publics, précariser les salariés, réduire les impôts des plus favorisés et l’alignement est souvent un abaissement. Je sais aussi qu’il y a celles et ceux qui veulent tout défaire, dont le seul projet est d’annuler tout ce que nous avons fait. Cela leur prendra du temps car nous avons fait beaucoup. Et en même temps, je suis sûr que si d’aventure – car ce serait une aventure –, ils pouvaient en avoir la responsabilité, il y a bon nombre de réformes que nous avons accomplies qui resteront pour toujours parce que c’est effectivement ce qui s’est passé dans l’Histoire, ce qui s’est produit.

Il y en a qui pensent aussi qu’en étant nombreux dans la rue – je ne parle pas d’aujourd’hui mais pour demain ou pour après-demain –, on peut empêcher. Non, on peut parfois freiner, on peut parfois contester à juste raison mais rien ne remplace l’acte de gouverner. On ne change pas le monde, on ne change pas l’Europe, on ne change pas la France en restant à sa place. Quand je dis à sa place, cela vaut pour toutes les places. Il faut que les aspirations qui existent, l’envie de changer le monde, l’idée qu’il est possible de participer à tous niveaux au changement, il faut que cet espoir-là, à un moment, se traduise dans une perspective politique, ce qu’on appelle un débouché politique, un débouché démocratique. Quels que soient les modes de participation – et je les respecte tous –, quelles que soient les formes d’expression, à condition qu’elles ne soient pas violentes car la violence doit être proscrite, il n’y a jamais rien qui remplacera le vote et la démocratie et le suffrage universel.

Alors, Mesdames et Messieurs, j’ai eu cette forme et je la revendique : la France va mieux. Maintenant, chacun a son jugement. Certains disent : « Elle va un peu mieux. » Ce n’est pas ce qu’ils disaient avant. D’autres disent : « La France pourrait aller encore mieux. » J’en suis et je mesure, quand j’affirme que la France va mieux, ce que cela peut à un moment avoir comme douleur pour ceux qui souffrent, endurent et doutent de l’avenir. Je n’ignore rien de leurs conditions, je sais quelles sont leurs attentes et je peux parfois mesurer leur déception par rapport à ce qu’ils pouvaient espérer dans le temps, que nous irions plus vite ou que même eux pourraient aller plus vite. Ce chemin, celui que j’ai ouvert, n’est pas la seule direction mais c’est celui qui permet de moderniser et de protéger et permettre à la France d’aller mieux tout en restant elle-même.

Il y a les prophètes du déclin. J’en connais même qui parlent de décadence, ce sont ceux qui n’ont jamais cru en la France au point de vouloir la punir pour la guérir. Il y a des médecins – heureusement, ils ne sont pas reconnus par le Conseil de l’Ordre – qui en sont à faire des saignées et des purges pour penser que le malade peut guérir alors même qu’il est déjà mort. Donc nous devons, nous, donner confiance à notre pays, faire qu’il croit lui-même en son avenir. Je ne cesse de le rappeler et je le ferai ici, la France est un des rares pays à assurer sa sécurité par elle-même, la France est une nation souveraine qui décide de manière indépendante, la France est un pays qui a une influence très grande dans le monde, dont le rayonnement est apprécié, dont les atouts sont reconnus.

Alors, l’enjeu dans cette période, c’est la cohésion. Nous ne serons grands, forts que si nous sommes dans la cohésion. La cohésion nationale face au risque de séparation, de fragmentation, de division et même de violence. La cohésion sociale parce que nous avons le devoir de donner une chance à chacune et à chacun. La cohésion républicaine parce que nous sommes dépositaires des valeurs dont nous avons hérité, que nous devons transmettre. Voilà, s’il y a un message, s’il y a une leçon qu’il faut garder génération après génération et au-delà des progrès que la Gauche dans son histoire a pu permettre au pays de connaître et de partager, c’est que nous avons le devoir d’assurer la cohésion de notre pays. Alors, avançons sans regret, sans calcul, sans répit et sans savoir, comme le disait JAURÈS, quelle récompense nous sera réservée. La récompense, elle ne sera pas dans l’histoire ; la récompense, elle sera dans l’avenir. Merci.

François Hollande, le 3 mai 2016 à Paris.

Source : elysee.fr

 

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15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 06:30

« Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. (…) J’ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. S’il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, j’en éprouve la sensation d’une absurde anomalie, imputable aux fautes des Français, non au génie de la patrie. (…) Bref, à mon sens, la France ne peut être la France sans la grandeur. » (De Gaulle, Introduction aux "Mémoires de guerre", 1954).


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L’ancien premier secrétaire du PS et ancien maire de Tulle François Hollande a été l’invité de l’émission "Dialogues citoyens" diffusée en direct sur France 2 ce jeudi 14 avril 2016. L’émission, animée conjointement par les journalistes Léa Salamé (de France Inter) et David Pujadas (de France 2) et située dans le prestigieux Musée de l’Homme au Trocadéro, après sa réouverture, consistait à permettre à quatre "citoyens" de se présenter et de questionner le supposé chef de l’État sur sa politique gouvernementale (à l’origine, c’étaient six "citoyens" mais deux en ont été écartés probablement par l’Élysée).

Comme toutes les émissions précédentes, François Hollande n’a rien dit de neuf, rien dit d’intéressant et rien dit de crédible (cette fois-ci, ce fut « la France va mieux. » après le 3% du déficit public, après l’inversion de la courbe du chômage, après la fin annoncée de la hausse des impôts, etc.). Encore une émission pour rien ! C’est rageant pour un homme qui voudrait se faire réélire dans un an.

Pourtant, l’élève François Hollande pourrait croire à un le verdict très injuste. Car il avait bien appris ses leçons, il a su débiter correctement tous les éléments de langage pour valoriser un quinquennat sans queue ni tête. Il a été un bon multi-ministre capable d’énumérer toutes les raisons d’être content de sa politique…

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Mais justement, le problème, c’est parce que c’était lui l’élève. Parce qu’il considérait cette prestation comme un exercice de communication, comme un examen de passage sur la route de sa nouvelle candidature à l’élection présidentielle. Comme si c’était lui qui comptait et pas le pays qu’il a pourtant voulu servir depuis 2012.

Or, il aurait fallu qu’il fût le professeur. Il aurait fallu qu’il traçât un chemin aux Français, qu’il rassurât ses concitoyens sur le cap qu’il entend garder mais sans expliquer vers quel horizon il l’a orienté.

Plus clairement, François Hollande non seulement n’a montré aucune vision de la France qu’il veut pour demain, et en quoi sa politique le conduirait vers cette France, mais il n’a montré aucune autorité présidentielle.

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Pourtant, il a eu provenant de ses deux espoirs des coups de poignard dans le dos particulièrement humiliants.

La veille de son émission très importante, son Premier Ministre Manuel Valls a publié une très longue interview de politique générale dans "Libération", comme si la parole présidentielle n’avait aucune portée.

Et le jour même, la une de "Paris Match" a donné en couverture une photo de son Ministre de l’Économie Emmanuel Macron et de son épouse. Emmanuel Macron, qui a fondé un nouveau mouvement politique, a même évoqué à Londres, quelques heures avant l’émission télévisée, qu’il pourrait envisager de se présenter à l’élection présidentielle de 2017.

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Pour simple réponse, quelques très timides admonestations de François Hollande. Adressé à Manuel Valls, un recadrage très timoré pour refuser une loi contre le voile à l’université (il a cependant regretté de ne pas avoir voté la loi contre la burqa). Pour Emmanuel Macron, sur le mode très affectif, il a simplement lâché que son ministre « sait ce qu’il me doit » et lui a demandé de la "loyauté" (comme si cela arrêtait en politique les ambitieux aux dents longues, lui qui connaît sur le bout des doigts l’histoire politique, c’est très étonnant de l’entendre dire cela).

Non seulement le cap n’est pas indiqué, non seulement, la langue de bois n’a pas été supprimée (comment peut-on aller mieux avec encore autant de pauvreté et de chômage ?), mais il n’a même pas évoqué un des sujets qui peut susciter une grande angoisse pour les Français. Rien en effet sur les dizaines de terroristes qui ont été arrêtés en France et en Belgique ces dernières semaines et qui étaient sur le point de commettre de nouveaux attentats meurtriers.

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Finalement, s’il fallait retirer une seule utilité de cette émission politique, ce n’est pas sur l’invité et le vide qu’il a communiqué, mais sur la journaliste Léa Salamé qu’il faudrait s’appesantir.

Certes, elle a été choisie, selon Michel Field, nouveau directeur de l’information de France Télévisions (et soumis à un vote de défiance par les rédactions prévu pour le 19 avril 2016), parce qu’elle était « virevoltante et sexy » (on imagine la réaction de la concernée en apprenant cela !). Mais elle a fait correctement son travail, en regardant droit dans les yeux François Hollande et en lui posant les questions qui pouvaient fâcher, par exemple, sur le discours de Manuel Valls qui avait mis en cause Angela Merkel à Munich et en insistant pour avoir un réponse. Loin d’être dans le moule des journalistes d’allégeance, Léa Salamé aura sans doute un grand avenir si elle continue à tenir tête avec ses questions pertinentes avec ce même brio.

Mais pour cela, il faut avoir du cran.
Ce que n’a pas eu son invité François Hollande en ne répondant jamais franchement dans un langage de vérité dépouillé de sa mythologie originelle.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 avril 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Grande nation cherche Président de la République.
Manuel Valls.
Emmanuel Macron.
La méthode de François Hollande, efficace à 0%.
Le livret citoyen.
François Hollande, le grand calculateur.
François Hollande et le manque d’ambition.
François Hollande et Angela Merkel.
La déchéance de la République ?
L’annonce de la déchéance de la nationalité (23 décembre 2015).
La démission de Christiane Taubira (27 janvier 2016).
François Hollande sécuritaire (16 novembre 2015).
Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

_yartiFH2016041406


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160414-hollande.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/urgent-grande-nation-cherche-179955

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/04/15/33665071.html

 

 

 

 

 

 

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12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 06:12

« À chaque fois que notre pays a traversé une période de peur et de doute, la condition pour sortir de cette situation fut la même : rebattre largement les cartes. » (Emmanuel Macron). Seconde partie.


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Après avoir présenté les grands principes qui ont conduit le Ministre de l’Économie Emmanuel Macron à créer son mouvement politique En Marche, j’évoque son désir de rompre le système politique actuel en cassant le clivage gauche/droite et les réactions et analyses que son initiative a suscitées dans la classe politique.


Hors du clivage gauche/droite

L’idée de refuser le clivage droite/gauche n’est pas nouvelle et l’on voit d’ailleurs tous les jours à quel point ce clivage est archaïque et "obsolète", puisque les grands enjeux politiques actuels clivent à l’intérieur de chaque grand parti, y compris le FN. Entre plus d’Europe et moins d’Europe, plus d’État et moins d’État, plus d’aides de l’État et moins d’impôts, plus de sécurité et plus de liberté, plus de laïcité et plus de reconnaissance des religions, les trois plus importants partis politiques (LR, PS et FN) sont traversés par des courants quasiment inconciliables.

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La dernière tentative de casser un tel clivage est récente puisqu’elle date de François Bayrou en 2007, et elle a échoué tout comme ont échoué les tentatives antérieures : Jean-Pierre Chevènement en 2002, Jacques Delors en 1995, Raymond Barre en 1988, Valéry Giscard d’Estaing en 1981, Jacques Chaban-Delmas en 1974, Gaston Defferre en 1969 (en binôme avec Pierre Mendès France) et Jean Lecanuet en 1965.

Sur LCP le 7 avril 2016, André Chassaigne, le président du groupe communiste à l’Assemblée Nationale, a même comparé "En Marche" d’Emmanuel Macron avec …le microscopique "Mouvement des démocrates" de Michel Jobert, ancien Ministre des Affaires étrangères de Pierre Messmer du 2 avril 1973 au 27 mai 1974 et ancien Secrétaire Général de l’Élysée sous Georges Pompidou, qui avait créé ce mouvement le 11 juin 1974 en le plaçant "ailleurs" et qui est resté très confidentiel pendant une dizaine d’années (Michel Jobert avait été ensuite nommé Ministre d’État, Ministre du Commerce Extérieur par François Mitterrand dans les deux premiers gouvernements de Pierre Mauroy du 21 mai 1981 au 22 mars 1983).

Dans son dernier livre, le philosophe Marcel Gauchet a évoqué le danger d’une remise en cause du clivage gauche/droite : si les clivages horizontaux sont réduits, les clivages verticaux seront accrus. En d’autres termes, il a dit craindre un plus grand fossé entre le peuple et ses élites. Mais à mon avis, rien n’empêcherait de remettre les clivages horizontaux au bon endroit, c’est-à-dire là où ils sont réellement, et ce n’est certainement pas entre LR et le PS, qui reste un clivage très artificiel à finalité purement électoraliste.

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Au contraire, le philosophe Yves Roucaute y a trouvé une belle opportunité : « Quelque chose est en train de se produire qui se poursuivra, soit rapidement et brutalement, soit plus lentement. Et Emmanuel Macron a raison de foncer car la situation est pour lui inespérée. C’est le moment où les grandes ambitions peuvent tirer leur épingle du jeu. » (Atlantico le 10 avril 2016).


Réactions plutôt hostiles

Les réactions politiques en général ont été négatives, puisque ce nouveau mouvement se présente évidemment en nouveau concurrent sur l’échiquier politique.

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Ce sont les camarades du PS d’Emmanuel Macron qui ont été certainement les plus ironiques. Le Ministre des Finances Michel Sapin n’a pas hésité ainsi à le taquiner : « Il est en marche mais il recule déjà ! » ("Le Figaro") tandis que le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, tout occupé à sa primaire à gauche et pas aux problèmes concrets des Français, avait comparé Emmanuel Macron à …Bernard Tapie !

L’ancien député LR très à droite Christian Vanneste, lui non plus, n’a pas mâché ses mots le 8 avril 2016 : « Les initiales qui sont aussi celles de l’intéressé fleurent bon le narcissisme qui règne dans le microcosme politico-médiatique. Il fait une bonne photo de une, avec un style proche de celui de [Bruno] Le Maire, jeune et lisse, sobrement décontracté, au centre : un produit "bio" de la politique éloigné de tout extrémisme, ni à gauche ni à droite, un bon candidat de consommation courante et sans danger, sans odeur ni saveur, vide pour une société ouverte, à moins que ce ne soit le contraire. ».

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Ce nombrilisme a été aussi pointé du doigt par le journal "Libération" qui lui a offert pourtant (très paradoxalement) une belle couverture médiatique en lui consacrant sa une du 7 avril 2016 avec ce titre très "Libé" : « Macron lance sa boîte de l’égo ».

Alain Juppé, pour qui Emmanuel Macron pourrait être un concurrent dangereux, a quant à lui rappelé à l’ordre le ministre le 8 avril 2016 lors d’un déplacement en Guadeloupe : « Le rôle d’un ministre qui a une charge aussi importante que M. Macron puisqu’il est en charge de l’Économie, ce serait de s’investir à fond dans l’efficacité du travail gouvernemental plutôt que de préparer sa trajectoire personnelle pour plus tard. ».


Une opération Hollande contre Valls ?

À l’évidence, l’initiative d’Emmanuel Macron est au minimum tolérée voire téléguidée par François Hollande lui-même et sa principale cible reste …le Premier Ministre Manuel Valls. Car Emmanuel Macron se situe dans ce courant social-libéral déjà occupé par Manuel Valls, mais en mieux. Il est plus jeune, plus authentique, plus sympathique, plus connaisseur de la vie économique, et sans doute aussi il représente mieux l’excellence française et la méritocratie républicaine (avec l’ENA et son DEA de philosophie) que Manuel Valls qui n’a jamais fait que de la politique.

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La lutte entre François Hollande et Manuel Valls n’est pas une vue de l’esprit. Le dernier remaniement ministériel du 11 février 2016 a montré à l’évidence qu’elle faisait rage. La hollandiste Audrey Azoulay a remplacé la vallsiste Fleur Pellerin à la Culture. En revanche, le hollandiste Michel Sapin n’a pas pu avoir le quai d’Orsay pour laisser Bercy à Emmanuel Macron dans un super-ministère (Économie, Finance, Budget, Industrie). Le vallsiste Jean-Jacques Urvoas a obtenu la Justice après la démission de Christiane Taubira. Enfin, Emmanuel Macron s’est vu dépossédé de sa normalement deuxième loi Macron au profit d’une loi portée par sa collègue Myriam El Khomri pour réformer le code du travail et lutter contre le chômage.

Tandis que Manuel Valls continue d’insister sur l’importance du clivage gauche/droite car l’ambition du Premier Ministre reste avant tout de conquérir le Parti socialiste, Emmanuel Macron veut nettement s’en détacher pour ne pas être prisonnier d’un appareil politique.

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Selon "Le Parisien", François Hollande aurait réagi avec son humour coutumier le 7 avril 2016 lors de sa venue à Metz pour le 18e conseil des ministres franco-allemand en lâchant : « Je cours, je cours ! ». Plus sérieusement, il aurait ensuite confié : « Un ministre peut dialoguer avec les citoyens, cela s’appelle faire de la politique. ».

Certains disent que cette initiative permettrait une candidature d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2017 en cas de renoncement de François Hollande. Je n’y crois pas car on ne se prépare pas en quelques mois pour concourir à une telle élection. En 2022 éventuellement.

D’autres disent qu’il pourrait être le Premier Ministre d’unité nationale en cas de réélection de François Hollande face à Marine Le Pen grâce à l’apport des voix du centre droit. C’est possible mais à condition qu’il soit suffisamment crédible auprès d’une majorité parlementaire qu’il aura beaucoup de mal à constituer.

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Enfin, dans un grand élan d’idéalisme, d’autres encore pensent qu’il pourrait être le Premier Ministre d’un Président Alain Juppé et je suis convaincu que c’est très improbable car le Premier Ministre doit avant tout représenter le plus fidèlement possible la majorité parlementaire. François Bayrou l’a bien compris depuis longtemps et n’a jamais considéré réaliste de devenir le Premier Ministre d’Alain Juppé. Une hypothèse Emmanuel Macron serait donc encore moins réaliste.

Avant même la création d’En Marche, Jean-Pierre Raffarin avait (lui aussi) proposé Emmanuel Macron à Matignon en cas d’élection d’Alain Juppé. Yves Roucaute a commenté cet intérêt : « Jean-Pierre Raffarin a, de fait, raison de regarder attentivement ce phénomène Macron au lieu de le mépriser comme le font certains prétendants au trône. Croit-il vraiment à un ticket Juppé-Macron comme il le dit ? Je ne le pense pas. L’homme est trop fin. En vérité, Emmanuel Macron est un candidat évidemment anti-Juppé. (…) Il est en tout cas certain qu’Emmanuel Macron ne va pas se brûler les ailes en se mettant derrière Juppé. C’est, pour l’opinion, un candidat du système, quand bien même certains croient que c’est le moins mauvais possible. » (Atlantico le 10 avril 2016).

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Et Yves Roucaute d’expliquer son raisonnement : « Si Emmanuel Macron a l’ambition que je crois, il jouera sa carte jusqu’au bout, car la situation est inespérée : aucun candidat actuel n’a un vrai soutien de la population. (…) Cette exigence anti-système est si forte que je suis à peu près certain que l’on verrait un mouvement de sympathie similaire se produire si Nicolas Hulot décidait de passer la vitesse supérieure. Daniel Cohn-Bendit, qui ne manque pas de perspicacité, a parfaitement bien vu la chance qu’il représente de sortir l’écologie de son aspect groupusculaire. (…) Il casserait lui aussi la baraque. On aurait peut-être un phénomène semblable si une Valérie Pécresse, énarque aussi au demeurant, se mettait en marche. Veut-elle attendre ? Dix ans ? Mauvais calcul. » (10 avril 2016).


Efficacité et justice

Les derniers mots d’Emmanuel Macron sont très convaincants : « Je veux agir pour créer de la mobilité dans notre société et dans notre économie. Car c’est à la fois plus juste et plus efficace pour tous. ». Dans sa charte, il précise : « Nous croyons de manière radicale au progrès collectif et à l’émancipation individuelle : la transformation de la société est une nécessité de justice autant que d’efficacité. ».

Là encore, rien de nouveau pour qui observe la vie politique depuis plusieurs décennies. Ce n’est pas étonnant que Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, lui ait proposé de venir rejoindre les centristes car le credo du Centre des démocrates sociaux présidé par Pierre Méhaignerie de 1982 à 1994, ce fut justement "l’efficacité économique dans la justice sociale".

Jusqu’à maintenant, ce sont les deux grands blocs (RPR puis UMP puis LR, et PS) qui ont toujours eu gain de cause auprès des électeurs. Un troisième parti très clivant est entré dans la danse des majors depuis cinq ans, mais il s’écarte encore plus de ces attentes définies par En Marche.

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Les deux grands atouts d’Emmanuel Macron sont sa forte popularité et sa jeunesse, qui n’a d’intérêt non pas pour son jeune âge (le jeunisme n’a jamais été un gage de performance politique) mais pour le temps qu’il a devant lui pour développer ses idées (au contraire d’un François Bayrou, 64 ans, ou d’un Alain Juppé, 70 ans) afin d’arriver en pleine maturité politique auprès des électeurs.

Je lui souhaite donc bonne chance à son initiative très ambitieuse. Après tout, c’est assez rare, une personnalité politique nationale qui a suffisamment de courage pour rappeler haut et fort la nécessité d’une Europe renforcée capable de faire face aux défis de la mondialisation. Beaucoup se sont fracassés devant le mur des réalités électorales. À lui d’en tenir compte pour un jour être "en situation"…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 avril 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La Charte de En Marche (à télécharger).
Emmanuel Macron à "Des paroles et des actes" (12 mars 2015).
La loi Macron.
François Hollande.
Manuel Valls.
Alain Juppé.
François Bayrou.
Le Centre aujourd’hui.
Casser le clivage gauche/droite.
Paul Ricœur.
La France est-elle un pays libéral ?

_yartiMacronB08



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160406-macron-2.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-le-saut-de-l-ange-179815

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/04/12/33646824.html

 

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9 avril 2016 6 09 /04 /avril /2016 00:30

Le ministre Emmanuel Macron a fondé le 6 avril 2016 à Amiens un nouveau mouvement politique appelé En Marche. Sa charte des valeurs ainsi que ses statuts peuvent être lus par les internautes.

Cliquer sur le lien pour télécharger la charte (fichier .pdf) :
https://www.en-marche.fr/wp-content/themes/jemarche/assets/pdf/charte.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160406-macron.html

SR
 

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27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 09:26

La Ministre de la Justice Christiane Taubira vient de démissionner du gouvernement ce mercredi 27 janvier 2016.

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160115-taubira.html

Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois à l'Assemblée Nationale, a été nommé Garde des Sceaux et Ministre de la Justice.

SR (27 janvier 2016)

 

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6 janvier 2016 3 06 /01 /janvier /2016 06:22

 « La prochaine fois, ce sera la déchéance de la nationalité ! »


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Ce lundi 4 janvier 2016, le Président de la République François Hollande a décidé d’exclure Agnès Saal de la fonction publique pendant deux ans dont six mois ferme (que faire des dix-huit mois restants ?).

Agnès Saal (58 ans), était présidente de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) du 12 mai 2014 au 28 avril 2015. Elle a dû démissionner sur demande de sa ministre de tutelle, Fleur Pellerin, Ministre de la Culture et de la Communication, à la suite des révélations concernant des notes de frais pour ses nombreux déplacements en taxi (qui s’élèveraient à 40 000 euros selon certains journaux) alors qu’elle jouissait d’une voiture de fonction avec chauffeur. Des frais équivalents auraient été également constatés, selon certains journaux, lors de son précédent poste comme directrice générale du Centre Pompidou. Deux enquêtes judiciaires sont actuellement en cours, au parquet de Créteil (pour l’INA dont le siège est à Bry-sur-Marne) et au parquet de Paris (pour le Centre Pompidou).

Diplômée de l’IEP de Paris et de l’ENA (promotion 1983), Agnès Saal a suivi sa carrière de haut fonctionnaire au Ministère de la Culture. Elle a été notamment la directrice adjointe du cabinet des ministres Catherine Trautmann et Catherine Tasca dans le gouvernement de Lionel Jospin de 1998 à février 2001, puis directrice générale de la très grande bibliothèque (Bibliothèque nationale de France) de février 2001 à août 2007, puis directrice générale du Centre Pompidou de 2007 à mai 2014. Proche d’Aurélie Filippetti, elle avait été pressentie pour être sa directrice de cabinet en mai 2012. Finalement, elle a été nommée le 30 avril 2014 à la tête de l’INA pour succéder à Mathieu Gallet, désigné président de Radio France par le CSA.

Après sa démission de l’INA, Agnès Saal avait été reclassée comme chargée de mission sur les questions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au Ministère de la Culture, place de Valois. La décision de la sanction administrative est revenue à François Hollande lui-même, au conseil des ministres du 4 janvier 2016, parce que la commission administrative paritaire interministérielle, chargée de prendre cette sanction, qui avait auditionné la haut fonctionnaire en début décembre 2015, n’avait pas réussi à prendre une décision elle-même. Comme d'habitude, François Hollande a fait un jugement de Salomon


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (6 janvier 2016)
http://www.rakotoarison.eu

(Dessin également de Sylvain Rakotoarison).

Pour aller plus loin :
François Hollande.
Mathieu Gallet.
Fleur Pellerin.
Aurélie Filippetti.
Déchéance de nationalité.
Les taxis.
L’affaire Cahuzac.



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160104-agnes-saal.html
 

http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/dessin-du-jour/article/agnes-saal-exclue-de-la-fonction-176123

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/01/06/33168921.html


 

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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 01:02

« Tous les hommes font la même erreur, de s’imaginer que le bonheur veut dire que tous les vœux se réalisent. » (Tolstoï).


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Le monde va mal. L’Europe va mal. La France va mal.

L’année 2015 a tellement été désastreuse, commençant et finissant dans des bains de sang à Paris, mais plus généralement un peu partout dans le monde, car il n’y a pas que Paris, qu’on a presque peur de souhaiter une bonne année pour 2016. Les attentats contre "Charlie Hebdo" avaient déjà donné une prime aux plus rapides, à ceux qui adressaient leurs bons vœux dès la première semaine car il faut bien avouer qu’après le 7 janvier 2015, l’humeur n’était plus aux souhaits d’espoir. Pourtant, comme de millions d’autres, je persisterai à exprimer l’espoir d’une bonne année car l’optimisme part aussi d’une prophétie autoréalisatrice et le défaitisme n’a jamais fait avancer une société.

J’aurai l’occasion un peu plus tard de revenir sur les éléments marquants de l’année 2015 même si pour la France, on peut dire déjà que ce sont les attentats qui ont dominé largement l’année, tant sociale, électorale que politique.


En France

Si j’avais été un électeur de gauche, j’aurais lâché un "Elle est belle, la gauche !". La gauche qui introduit la discrimination parmi les nationaux français, la gauche qui adopte la loi qui autorise la surveillance généralisée, la gauche qui a tellement peur de son ombre qu’elle veut réformer le code du travail sans créer les conditions d’une stabilité pour les entreprises. Elle devrait même avoir honte d’être l’exécuteur testamentaire du Front national.

Pour François Hollande, le pacte de sécurité est désormais privilégié sur le pacte de stabilité. Autrement dit, qu’importe le chômage, il faut pourchasser les terroristes. C’est exprimé de façon un peu binaire mais c’est en quelques sortes cet état d’esprit qui prime désormais à l’Élysée et à Matignon. Jamais un gouvernement n’aura réagi avec des mesures aussi sécuritaires que celui-ci depuis un mois et demi.

Le 3 février 2016, débutera le débat parlementaire sur la révision de la Constitution visant à constitutionnaliser l’état d’urgence et à étendre la déchéance de la nationalité aux binationaux nés français. Si jamais l’habitant de Sirius avait dormi un peu trop longtemps sans suivre l’actualité, il ne comprendrait pas qu’un pouvoir dit de gauche puisse adopter de pareilles mesures, des mesures prônées d’abord par l’extrême droite.

Ce changement complet de paradigme révolutionne les esprits, notamment à gauche qui perd tous ses repères. À droite et au centre, le positionnement devient délicat, la surenchère rendant reine la démagogie. Triomphe évidemment les nouveaux féodaux du Front national qui, en 2015, a terminé une série d’élections particulièrement fécondes sur le plan électoral : avec 358 conseillers régionaux FN élus le 13 décembre 2015, c’en sera fini des insipides incertitudes sur les 500 parrainages pour se présenter à l’élection présidentielle. Le FN bénéficie désormais d’un vivier d’élus locaux partout en France, tant dans les communes que dans les régions, qui lui ouvre sans inquiétude les portes de la candidature. Rappelons néanmoins que le FN n’a jamais eu de souci avec les signatures depuis 1983, et toutes ces incertitudes n’étaient que mises en scène pour appâter le chaland.

L’année 2016 sera une année sans élection aucune (à l’échelle nationale). C’est assez rare en France même si le quinquennat actuel profite de deux années de ce type, avec 2013, tandis que le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait, à chaque année, son élection intermédiaire. Ce sera donc l’année de la préparation de l’échéance du printemps 2017. Rien n’est joué et donc, actuellement, tout est possible, la réélection de François Hollande, l’élection d’un Républicain ou encore la victoire du FN. Une légère avance pour les Républicains donnés favoris, mais comme pour les régionales, le FN pourrait venir troubler un jeu qui pourrait se retourner en faveur des socialistes, comme dans quelques régions.

On suivra donc avec grande attention le déroulement de la primaire ouverte à droite et au centre, avec un favori, Alain Juppé, qui est aussi favori que ne l’était Dominique Strauss-Kahn en 2011. Certes, on peut imaginer sans trop de difficulté qu’il ne se passera pas au maire de Bordeaux le sort rocambolesque de l’ancien directeur général du FMI, mais il a des concurrents très sérieux, non seulement Nicolas Sarkozy qui contrôle le parti, mais aussi François Fillon qui, même s’il est discret, travaille minutieusement depuis trois ans sur sa candidature, avec la même persévérance que …François Hollande en 2010. Et il ne faut pas bien sûr négliger Bruno Le Maire et peut-être d’autres candidats majeurs qui viendront en dernière minute.

Cette absence de candidat incontesté est un véritable handicap face au PS et au FN qui ont, tous les deux, déjà leurs candidats et même, en cas d’empêchement, leurs vice-candidats : François Hollande et Manuel Valls pour le PS, Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen pour le FN. L’incertitude sur la participation de deux autres candidats de 2012, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon, et les éventuels événements qui surviendraient d’ici seize mois, donnent à cette élection son goût de mystère et de suspens dramatique.

Pourtant, si la sécurité compte beaucoup dans l’esprit des Français en cette période, le gouvernement restera jugé avant tout sur ses résultats en matière économique. Et là, le bilan partiel n’est pas glorieux : depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande, il y a eu 650 000 demandeurs d’emploi de la catégorie A supplémentaires, soit 50 de plus chaque jour en moyenne ! La dette public est à son sommet, avec plus de 2 100 milliards d’euros, soit environ 35 000 euros par habitant, y compris les bébés ! Ce n’est pas le petit 1% de croissance engrangé durant l’année 2015 qui rétablira la véritable casse de l’économie française depuis quatre ans, par une augmentation massive des taxes et impôts, une instabilité fiscale et sociale véritablement suicidaire, alors que le quinquennat précédent avait commencé à se remettre de la crise financière historique du 15 septembre 2008.

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Les résultats économiques et sociaux sont d’autant plus médiocres que le gouvernement a adopté une politique de l’offre avec la nomination du ministre Emmanuel Macron à Bercy, et que la conjoncture mondiale est particulièrement encourageante avec une hausse du dollar, une baisse du prix du pétrole (le gazole à moins de 1 euro par litre) et le maintien des taux d’intérêt toujours très bas.


Hors de France

La France n’est pourtant plus le centre du monde, sauf dans sa réputation de luxe et de fête. Le monde se tournera plutôt vers les élections américaines. Avec la fin du double mandat de Barack Obama, une nouvelle page se tournera le 8 novembre 2016. Là encore, beaucoup d’incertitudes tant du camp des démocrates que celui des républicains. Si Hillary Clinton semble prendre de l’avance sur ses concurrents démocrates, Donald Trump détone dans le paysage politique américain, en prenant la première place dans les sondages actuels pour les primaires républicaines tandis que Jeb Bush, le frère de George W. Bush et l'un des candidats républicains les plus modérés, semble patiner.

La résolution politique des conflits dans le monde musulman, en particulière en Syrie, Irak, Afghanistan, Yémen, Libye, Nigeria, et sans doute aussi bientôt en Algérie, va être essentielle pour l’apaisement, sans oublier le conflit israélo-palestinien qui ne semble pas près de se terminer, hélas. Ces conflits ont une incidence directe sur notre propre société avec l’afflux de réfugiés en Europe, certes massif mais qui ne concerne pourtant qu’une très faible part des flux migratoires dans le monde, un million sur les soixante millions de personnes qui ont émigré dans le monde en 2015.

Des risques de conflits, il y en aura certainement de nouveaux, comme ce fut le cas en Ukraine en 2014, mais aussi entre la Russie et la Turquie en 2015. Le monde est très sensible en ce moment et l’absence de véritable homme d’État, capable d’envisager l’avenir avec fermeté, clairvoyance et de manière constructive, se fait particulièrement sentir quand tous les repères s’effondrent.

Néanmoins, il n’y a pas que du négatif et on peut imaginer que le retour diplomatique à la fois de Cuba et de l’Iran changera quelques perspectives tant diplomatiques qu’économiques.

Autre affaire mondiale, non, ce n’est pas le football auquel les médias donnent trop d’importance même s’il y a en jeu l’un des symboles de la France qui gagne, Michel Platini, mais je pense au programme contre réchauffement climatique, l’après-COP21. Si toutes les grandes nations polluantes ont affiché une étonnante bonne volonté, il faudra évidemment juger sur les actes.

Ne boudons pas le succès de façade de la COP21. Ceux qui le critiquent, peut-être avec raison, auraient été les premiers à dénoncer l’échec diplomatique s’il y avait eu échec à l’issue de ces deux semaines de conférences mondiales. Même l’hypocrisie peut piéger les chefs d’État et de gouvernement, enfermés par leurs propres engagements qui, partant peut-être d’une tournure de style (ou de conjugaison, "should" au lieu de "shall" !), aboutirait finalement à des actes concrets. Prenons-les aux mots !


Bonne santé !

Vu tous les paris colossaux que le monde aura encore à relever en cette nouvelle année 2016, je vais être beaucoup moins ambitieux en vous souhaitant, peut-être pas une bonne année car je n’en sais rien de l’avenir, du nôtre, du vôtre et du mien, et peut-être que ce sera une maladresse de la souhaiter, mais en vous souhaitant au moins, le plus sincèrement possible, d’avoir une bonne santé, de la retrouver tant bien que mal pour ceux qui ne l’ont plus et de la conserver pour les autres, car finalement, c’est le bien le plus cher au monde, le plus précieux, le plus fragile, …et le moins monnayable !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (1er janvier 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
2016 pour 2017.
Le rose plus brun que rouge…
COP21.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160101-nouvel-an.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/bonne-annee-2016-175945

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/01/01/33137571.html








 

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15 décembre 2015 2 15 /12 /décembre /2015 06:18

Le PS sauve les meubles en conservant cinq régions. L’alliance de droite et du centre en conquiert sept dont l’emblématique Île-de-France. Quant au grand perdant des régionales, le FN est peut-être, paradoxalement, le grand gagnant des médias avec son record historique du nombre de voix obtenues : 6 820 147.


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Le second tour des élections régionales qui s’est déroulé ce dimanche 13 décembre 2015 pourrait laisser un goût étrange de "tous contents". Contents les socialistes qui sauvent quelques meubles et ne subissent pas la bérézina annoncée (grâce aux triangulaires). Contents le centre et la droite qui conquièrent beaucoup de régions dont la cruciale Île-de-France. Enfin, bien sûr, content le Front national qui a prouvé son enracinement local et son potentiel encore intact et vierge de toute désillusion.

En ce qui me concerne, je ne vais quand même pas cacher ma joie. J’avais deux critères pour être joyeux le soir du second tour : la région Île-de-France, et l’élection de Valérie Pécresse est une victoire non seulement sur la gauche mais aussi sur une certaine idée de la France, j’y reviens plus loin ; le FN et son incapacité actuelle à gagner une région et plus généralement à rassembler une majorité des électeurs.

Mais cette joie est très dominicale : le FN a peut-être perdu, mais il a perdu de justesse dans plusieurs régions, et il n’a fait que progresser depuis que Marine Le Pen est à sa tête. Comme expliquait, la mine grave, le Premier Ministre Manuel Valls, dans son allocution le soir des élections : « Le danger de l’extrême droite n’est pas écarté, loin de là. ». Aucun triomphalisme n’est donc admissible dans une situation où le chômage est si fort et les risques d’attentat si élevés.

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Voici quelques remarques concernant les résultats de ce second tour.


1. Les médias

Je suis toujours étonné, pour ne pas dire plus, de la manière dont les médias et plus particulièrement les chaînes d’information continue, traitent l’actualité et notamment ces élections régionales. Que ce soit sur BFM-TV ou iTélé, le bandeau général pendant toute la soirée électorale fut : "Aucune région pour le FN". Je ne dis pas que cela n’a pas son importance puisque cette information faisait partie d’un de mes deux critères rappelés en introduction, mais en se focalisant uniquement sur le FN, on ne rappelle évidemment pas les enjeux régionaux (le cœur des élections) et surtout, on met le FN en situation de victime contre tous. Ce n’est pas très pertinent.

Autre sujet d’agacement personnel concernant le traitement médiatique : on parle donc du sérieux avertissement qu’a été le vote FN au premier et aussi au second tours et juste après, on repart avec les mêmes questions politiciennes qui n’intéressent que les états-majors d’appareil et les éditorialistes politiques sans se soucier un seul instant des conséquences des résultats sur le devenir des régions.

J’ai été d’ailleurs assez heureux d’entendre Jean-Christophe Lagarde reporter au mois de janvier la question concernant la participation ou pas des centristes à la primaire ouverte de LR et Bruno Le Maire refuser d’exposer le sens de l’intervention qu’il ferait au bureau politique de LR prévu le lendemain. Mais tous les invités n’ont pas le même souci de ne pas plonger dans cette cuisine politicienne dans laquelle les journalistes les poussent et que les électeurs, dans leur grande majorité, repoussent avec raison.


2. La participation et le FN

Le saut de participation est exceptionnel et il avait été décelable dès midi : 58,41% des 45 293 603 électeurs inscrits sont allés voter ce 13 décembre 2015 au lieu des 49,91% au premier tour.

Mais attention à l’interprétation de ce rebond assez sain de la participation : il est faux de dire que c’est une réaction anti-FN des abstentionnistes du premier tour et qu’ils sont allés voter en masse contre les candidats du FN.

C’est faux parce que le FN a profité, lui aussi, de ce rebond de participation. Il a même franchi son record absolu du nombre d’électeurs qui avait été atteint le 22 avril 2012 : 6 820 147 électeurs ont choisi le FN. En sachant qu’il y a une trentaine de milliers d’électeurs de différence entre le nombre d’inscrits du premier tour et celui du second tour, qu’on considérera comme négligeables, cela veut dire qu’il y a eu un peu plus de 800 000 électeurs du FN supplémentaires, soit un bond de +13,3% entre le premier et le second tour. À comparer avec +17,0% de votants supplémentaires entre le premier et le second tour. (Je parle des électeurs par rapport à ceux du premier tour).

L’augmentation est à peu équivalente, même s’il y a un très léger avantage pour ceux qui n’ont pas voté FN. Cela signifie surtout que le FN est devenu un parti comme un autre et que les abstentionnistes, ou les abstentionnistes qui votent au second tour se répartissent à peu près comme les votants du premier tour. C’est un point essentiel : ceux qui se sentaient soulagés d’un sursaut de participation l’ont été pour une mauvaise raison.

La preuve, c’est de regarder dans les quatre régions où la victoire du FN était possible.

Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Marine Le Pen est passée de 909 035 à 1 015 649 électeurs soit un gain de 100 000 (+11,7%). En Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marion Maréchal-Le Pen est passée de 719 746 à 886 147 voix, soit un gain de plus de 150 000 électeurs (+23,1%). En Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, Florian Philippot est passé de 641 234 à 790 179 voix soit un gain de près de 150 000 électeurs (+23,2%). En Bourgogne-Franche-Comté, Sophie Montel est passée de 303 143 à 376 902 voix, soit un gain de plus de 70 000 électeurs (+24,3%). Il faut comparer ces quatre progressions avec la progression de la participation dans ces quatre régions : +11,7% en Nord-Pas-de-Calais-Picardie (exactement la progression de Marine Le Pen !) ; +16,1% en PACA (cela veut dire que la mobilisation des abstentionnistes a plus bénéficié à Marion Maréchal-Le Pen qu’à Christian Estrosi !) ; +23,2% en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne (soit exactement la progression de Florian Philippot !) ; +20,9% en Bourgogne-Franche-Comté (comme en PACA, le sursaut de participation a favorisé Sophie Montel).

Dans les régions que le FN pouvait conquérir, il a bénéficié de cette hausse de la mobilisation électorale sinon été favorisé.

En revanche, dans d’autres régions où les enjeux étaient très différents, la liste FN pouvait perdre des voix par rapport au premier tour. C’était le cas quand le FN n’avait aucune chance de gagner l’élection et le phénomène de vote utile s’est donc activé pour battre le PS. Ce cas est très bien illustré en Île-de-France où Wallerand de Saint Just, dont la bonhomie n’avait pas grand chose à voir avec l’extrémisme d’autres candidats FN, qui est passé de 580 499 à 521 383 suffrages, soit une perte de 60 000 voix (-10,2%) alors que parallèlement, la participation a eu une augmentation de +18,6%.


3. Les performances du FN

Comme je viens de l’indiquer, le sursaut de participation a profité autant au FN qu’aux autres listes, et dans les régions où le FN pouvait gagner, cela lui a même parfois profité. C’est, à mon sens, le premier succès du FN : il est devenu un parti "mainstream" comme LR et le PS.

Au niveau national, le FN a gagné plus de voix qu’au premier tour mais cependant un peu moins en proportion : 27,10% au lieu de 27,73%. Les pertes proviennent, comme je l’ai expliqué, des régions où le vote utile a avantagé les partis traditionnels. En tout, le FN a triplé le nombre de ses élus régionaux, avec un total de 358 sièges.

C’est donc vraiment intéressant de comprendre numériquement ce scrutin (il y aura sans doute des études très détaillées pour comprendre les rapports de voix entre les deux tours) : non seulement le FN est un parti dédiabolisé (on le sait depuis longtemps), mais toute tentative de rediabolisation du FN serait vouée à l’échec et ne ferait que le favoriser dans les urnes.

Comme je l’imaginais, la région qui avait le plus de chance de devenir FN était la Bourgogne-Franche-Comté qui présente une véritable partition en trois tiers équivalents : 34,68% pour Marie-Guilte Dufay (PS), 32,89% pour François Sauvadet (UDI) et 32,44% pour Sophie Montel (FN). Seulement 5 000 voix séparent les deux listes perdantes, et la liste gagnante n’a même pas 27 000 voix d’avance par rapport à la troisième liste. Tout s’est donc joué dans un mouchoir de poche (comme l’on dit).

Les éléments de langage pour les prochains mois ont déjà été expérimentés durant la soirée électorale. Marine Le Pen a en effet affirmé : « Le clivage sépare non plus gauche et droite, mais mondialistes et patriotes. ». Ce qui est assez risible car rien n’empêche d’aimer son pays tout en pensant que la coopération internationale est une méthode indispensable pour atteindre des objectifs majeurs qui dépassent largement les enjeux nationaux, comme l’a montré d’ailleurs la COP21.

Ceux qui, croyant s’opposer au FN, vont se revendiquer mondialistes vont conforter le FN dans sa croyance que ceux-là ne seraient pas patriotes, ce qui est assez stupide. Personne n’a à donner des brevets de patriotisme, surtout pas ceux qui, par leurs propositions, jetteraient la France dans une situation économique et financière désastreuse. Le FN n’est pas "patriotiste" (si j’ose écrire) mais nationaliste. Le clivage de ce XXIe siècle ne peut pas être entre le cosmopolitisme des Lumières du XVIIIe siècle et le nationalisme des peuples libérés du XIXe siècle. L’avenir est tout autre, à inventer, sauf pour les obsédés du retour vers le passé.

Au niveau interne, les performances des quatre (uniques ?) leaders du FN vont être déterminantes dans la stratégie présidentielle du FN : Marion Maréchal-Le Pen a fait une bien meilleure captation de l’électorat que sa tante, avec 45,22% des suffrages exprimés au lieu de 42,23% des suffrages exprimés pour Marine Le Pen.

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Amusant d’ailleurs d’entendre Marion Maréchal-Le Pen se réjouir de sa défaite et faire comme Ségolène Royal le 6 mai 2007, au soir de sa défaite : « En avant vers de nouvelles victoires ! ». Ou comment dire l’inverse des résultats. Ce déni de réalité a un but, galvaniser ses propres militants pour les échéances futures. Même Nicolas Dupont-Aignan n’y échappe pas ; il l’a fait le 9 décembre 2015 : « Déjà 4e parti de France dans 13 départements, 5e dans 30 autres, nous avons à mains nues repoussé les forces de l’abandon, de la corruption et de la lâcheté. (…) Oui, un immense et magnifique merci à toutes celles et à tous ceux qui ont contribué à cet exploit. (…) Je suis convaincu que notre mouvement [Debout la France] détient les clefs de l’avenir du pays. » (lettre ouverte aux militants).

Nul doute que Marine Le Pen a perdu à cause de l’efficacité du "front républicain" provenant d’électeurs traditionnellement de gauche tandis que Marion Maréchal-Le Pen a bénéficié de son attractivité dans l’électorat traditionnellement de droite (et Christian Estrosi a probablement eu plus de difficulté que Xavier Bertrand à convaincre un électorat traditionnellement de gauche).

Si l’élection de Louis Aliot en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon était peu probable, l’échec de Florian Philippot, malgré un gain d’électeurs entre les deux tours, fragilisera sans doute sa position au sein de l’appareil face à Marion Maréchal-Le Pen. C’est en quelques sortes la victoire quasi-posthume de Jean-Marie Le Pen.

Plus globalement, les très bonnes performances du FN tant au premier qu’au second tours ne lui permettent pas de gagner une région. Alors qu’il se trouvait au premier tour en tête dans six régions parmi les plus importantes, avec parfois 10% d’avance, il se retrouve en seconde voire troisième place au second tour, souvent avec 10% de retard. Il frôle toujours les 28% et est plus proche du quart des électeurs que du tiers comme il a été parfois dit pendant la soirée électorale.


4. Les performances du PS

Le concept du plafond de verre pour le FN n’a pas trop d’intérêt si celui-ci évolue au fil du temps. En 2002, le seuil de 20% paraissait inatteignable et en 2015, le FN tente de franchir le seuil de 30%. Il semble donc assez évident que le seuil de 50% serait très difficile à franchir dans un peu plus d’un an dans un contexte où le second tour de l’élection présidentielle ne retiendra que les deux candidats finalistes.

Le score des listes dites d’union de la gauche, c’est-à-dire du PS du premier tour flanqué de ses alliés antisocialistes (EELV et PCF), est à peine supérieur à celui du FN au second tour, à savoir 28,86% : moins de 450 000 voix séparent cette coalition du FN au niveau national. Et accuse plus de 11% de retard par rapport à la droite et le centre. En tout, 677 conseillers régionaux ont été élus sur les listes PS et alliés.

On peut quand même reconnaître le succès de la stratégie de Manuel Valls qui va tout faire pour éliminer le candidat de la droite et du centre du second tour de l’élection présidentielle. Cette stratégie avait commencé par le retrait des listes PS dans les régions PACA, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en principe le Grand Est. Jean-Pierre Raffarin a même parlé de ces retraits d’une très grande habileté de Manuel Valls et a même évoqué le 14 décembre 2015 la possibilité d'une coopération avec le gouvernement de Manuel Valls.

Toute la stratégie du gouvernement va donc être de continuer à polariser le débat politique sur un clivage entre gouvernement et FN en laissant entendre qu’il n’y aurait pas d’autre alternative que ce clivage-là, ce qui est évidemment faux. C’est un clivage aussi stupide que le clivage entre "mondialistes" et "patriotes".

Dans les résultats, il y a une très belle performance, celle du Ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian qui a pu obtenir la majorité absolue des suffrages (51,41%) malgré la triangulaire.

Si l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et le Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon semblaient acquis dès le premier tour comme la Bretagne, le PS réussit à conserver de justesse le Centre-Val de Loire (35,43% contre 34,58%) et la Bourgogne-Franche-Comté (34,68% contre 32,89%) grâce à la présence d’un candidat FN qui a fait disperser massivement les voix de l’opposition régionale en deux blocs pas très éloignés. Le PS a failli aussi conserver la Normandie pour les mêmes raisons, mais l’écart s’est inversé au fil du dépouillement si bien que c’est Hervé Morin (UDI), l’un des militants les plus constants de la réunification des deux Normandie, qui a gagné avec une très faible avance (36,43% contre 36,08%), moins de 5 000 voix.

En Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, la liste PS de Jean-Pierre Masseret qui s’était maintenue contre la volonté d’au moins 70 de ses colistiers et surtout, contre la consigne de la direction nationale du PS qui voulait son retrait pour faire barrage au FN, a gagné plus de 53 000 voix (+18,6%) alors que la participation avait progressé de +23,2%. Apparemment, la moitié de ses électeurs socialistes du premier tour aurait voté pour Philippe Richert (LR) tandis que Jean-Pierre Masseret aurait bénéficié au second tour de l'apport d'électeurs du Front de gauche. Clémentine Autain (PCF) a pu ainsi dire durant la soirée électorale que Jean-Pierre Masseret avait eu raison de se maintenir puisque cela n’a pas eu pour conséquence l’élection de Florian Philippot, mais le ministre Thierry Mandon (PS) a tout de même considéré que c’était casse-cou et que cela aurait pu tourner à l’avantage du FN.

Thierry Mandon est l’un des rares ministres pertinents de ce gouvernement et son bon sens est rafraîchissant. Face au redoutable sénateur-maire de Fréjus David Rachline (FN) qui voulait faire croire que seuls les candidats du FN étaient issus de la volonté du peuple et que les autres faisaient partie du système, Thierry Mandon a dû lui rappeler à plusieurs reprises que les élus non FN étaient également l’émanation du peuple, tout autant que les élus du FN et que si le "front républicain" avait bien fonctionné au Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en PACA, c’est parce que c’était le peuple qui l’avait voulu ainsi et pas un appareil de parti.

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J’ai gardé pour la fin l’élément majeur de la soirée pour le PS, à savoir la belle victoire de Valérie Pécresse en Île-de-France qui a réuni 43,80% des suffrages contre 42,18% pour Claude Bartolone (plus de 50 000 voix les séparent), tandis que le FN a chuté à 14,02%.

La défaite de Claude Bartolone est avant tout la défaite d’un apparatchik qui n’a décidément pas les mêmes valeurs de la République que le Premier Ministre. Alors qu’il y a eu visiblement une forte mobilisation de l’électorat de gauche en région parisienne, il ne doit son échec qu’à lui-même, qu’à cette scandaleuse déclaration le 9 décembre 2015 qui confortait les thèses du FN, une déclaration qui laissait entrevoir une forme de racisme sous-jacent et assurément de communautarisme. Beaucoup de ses électeurs potentiels ont été choqués de ces propos et ont modifié leur choix, et même ses principaux alliés, comme Emmanuelle Cosse (EELV). Visiblement, un problème de casting, puisque le candidat du PS ne connaissait rien aux dossiers régionaux et n’avait pas l’étoffe pour rassembler au-delà de son petit appareil partisan.

Déplorable également fut sa déclaration, très tardive, lors de la soirée électorale où il a annoncé qu’il remettrait à disposition son poste de Président de l’Assemblée Nationale au groupe PS de l’Assemblée Nationale. D’une part, cela n’avait rien à voir avec l’Île-de-France et c’est donc une grande chance que cette région ne sera pas gouvernée par un tel personnage si nombriliste (qui se soucie de sa carrière à part lui et les siens ?). D’autre part, il aurait été plus "normal" de remettre ce mandat à disposition de l’ensemble des députés qui valent autant que les seuls députés PS. C’est typiquement le genre de comportement politicien et partisan qui conforte l’audience du FN contre le "système".


5. Les performances de la droite et du centre

Évacuons rapidement une analyse qui voudrait que les performances de l’alliance LR-UDI-MoDem étaient plus médiocres dans trois régions (Normandie, Centre-Val de Loire et Bourgogne-Franche-Comté parce que ses listes auraient été dirigées par des candidats UDI et pas LR. Mais comme l’a rappelé Roland Cayrol sur France 24, peu d’électeurs savaient quelle était l’étiquette précise de la tête de liste dans ces régions puisque le label LR-UDI-MoDem était sur tous les bulletins et les listes composées de ces trois formations. Cette analyse bidon semble avoir été diffusées par des proches de Nicolas Sarkozy pour conforter un rapport de forces dans le cadre de la préparation de la primaire LR.

Par ailleurs, la victoire certes courte d’Hervé Morin est sans doute la plus inespérée de toutes les victoires de la droite et du centre. Quant à Xavier Bertrand, il avait bénéficié d’un déjeuner très médiatisé le 10 décembre 2015 avec l’ancien président de l’UDI, Jean-Louis Borloo (qui fut député-maire de Valenciennes et qui avait raté de justesse la présidence du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais en mars 1992).

L’ensemble des listes LR-UDI-MoDem a recueilli 40,24% au second tour, soit plus de 4,3 millions de voix supplémentaires par rapport au premier tour (+75,1%) alors que la composition des listes ni le programme n’ont pas changé. En tout, 818 sièges sont revenus à l’alliance LR-UDI-MoDeM.

Certes, cette alliance a gagné ou regagné sept régions mais, d’une part, ce fut, pour trois d’entre elles, avec le soutien de la direction nationale du PS (soutien qui s’est traduit nettement sur le terrain en faveur de Xavier Bertrand dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie). On est donc loin d’une vague bleue comme le promettaient les leaders de l’UMP après les élections départementales de mars 2015. La victoire de l’Île-de-France constitue néanmoins un succès symbolique qui sauve l’honneur.

Pendant la soirée électorale, celle qui était encore la numéro deux des LR, Nathalie Kosciusco-Morizet expliquait la nocivité de la stratégie du "ni-ni" : « Si les électeurs avaient appliqué le ni-ni, nos candidats dans le Nord et en PACA auraient été battus. ». Elle était la seule avec Jean-Pierre Raffarin à s’y être opposé lors du bureau politique de LR le 7 décembre 2015. Ce même bureau politique, dans la réunion du 14 décembre 2015, a finalement écarté NKM de la future direction qui sera mise en place en janvier 2016, ce qui ne donne pas l’image d’une formation politique ouverte et tolérante. Nathalie Kosciusko-Morizet a même balancé : « Je n’échange pas mes convictions contre une place. (…) Évincer au moment où l’on lance un débat, c’est une vieille idée stalinienne. » et elle a été tout de suite soutenue par Alain Juppé qui a répondu à Bordeaux : « L’exclusion n’est jamais une bonne réponse. ».

La campagne de la primaire LR est donc déjà engagée et les proches de Nicolas Sarkozy (en particulier Luc Chatel) voudraient avancer en juin 2016 la tenue de celle-ci (prévue pour l’instant en novembre 2016). Assez contesté par de nombreux responsables LR, Nicolas Sarkozy voudrait continuer à faire le grand écart avec un discours droitisé mais aussi une alliance au centre. Les centristes de l’UDI décideront, de leur côté, quelle sera leur stratégie présidentielle au cours de leur prochain congrès le 20 mars 2016.

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Les victoires régionales vont cependant modifié l’équilibre des forces à l’intérieur du parti "Les Républicains". Ainsi, élus présidents de conseil régional, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand (qui a annoncé le 14 décembre 2015 sur France 2 qu'il ne serait pas candidat à la primaire LR), Laurent Wauquiez et sans doute aussi Bruno Retailleau (président du groupe LR au Sénat) vont prendre beaucoup d’importance en interne, comme avait déjà pris beaucoup d’importance Bruno Le Maire pour avoir postulé à la présidence de l’UMP l’an dernier face à Nicolas Sarkozy.


La campagne présidentielle de 2017 commence

Les présidents de conseil régional des régions qui n’ont pas fusionné seront élus le vendredi 18 décembre 2015. Les autres le seront le lundi 4 janvier 2016 dans la mesure où les grandes régions fusionnées n’existeront juridiquement qu’à partir du 1er janvier 2016.

Le scrutin du 13 décembre 2015 est le dernier avant l’élection présidentielle. Dans cette perspective, il est évident que le FN en est ressorti consolidé par un matelas assuré d’environ 25% d’électeurs au niveau national. Sa capacité à rassembler 50% s’avère pour l’instant très laborieuse, comme lors des élections départementales de mars 2015, mais il est parvenu cependant à atteindre 40% voire 45% dans certaines régions entières.

Le PS s’avance finalement avec un double avantage : son candidat est connu et si François Hollande n’est pas candidat, Manuel Valls le sera ; le FN est son meilleur allié du second tour pour espérer remporter l’élection.

Le FN a déjà sa candidate connue avec Marine Le Pen. Et si, pour une raison ou une autre, celle-ci ne pouvait pas se présenter, Marion Maréchal-Le Pen serait la remplaçante toute désignée, à tel point que Marine Le Pen ferait bien de se méfier de sa nièce pour l’après-2017, il est possible qu’elle soit beaucoup efficace électoralement qu’elle.

En revanche, la droite et le centre n’ont pas de candidat et surtout, de personnalité incontestable. Entre Nicolas Sarkozy, François Fillon et Alain Juppé pour la première garde, en rajoutant Bruno Le Maire et sans compter les centristes dont François Bayrou, l’électorat modéré pourrait se retrouver "orphelin" au point de croire Manuel Valls lorsqu’il essaie d’expliquer qu’il n’y a plus d’espace politique entre le PS et le FN. Et pourtant, des trois pôles du paysage politique actuel, c’est bien le PS qui a commencé à disparaître de l’échiquier national, dans deux grandes région, et aucun autre parti…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 décembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Régionales 2015 : sursaut ou sursis ?
Les enjeux du second tour des régionales de 2015.
Valérie Pécresse.
Claude Bartolone.
Résultats des élections régionales de décembre 2015.
Le premier tour des régionales du 6 décembre 2015.
Les enjeux des élections régionales de décembre 2015.
Réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 avril 2013.
Le référendum alsacien.
Élections municipales des 23 et 30 mars 2014.
Élections européennes du 25 mai 2014.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Élections départementales des 22 et 29 mars 2015.
Les dernières élections régionales des 14 et 21 mars 2010.
Le ni-ni Doubs.
La poussée annoncée du FN.
Le vote électronique, pour ou contre ?
Le Patriot Act à la française.
Changement de paradigme.
Mathématiques militantes.
2017, tout est possible...

_yartiRegionales2015A01



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151213-regionales-2015D.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/regionales-2015-sursaut-ou-sursis-175437

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/12/15/33067097.html



 

 

 

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 00:59





 

Résultats au 2nd tour du 13 décembre 2015
Nuances de Listes Voix % Inscrits % Exprimés
Liste du Parti Socialiste 72 721 0,16 0,29
Liste Union de la Gauche 7 263 567 16,04 28,86
Liste Divers gauche 746 294 1,65 2,97
Liste Régionaliste 136 380 0,30 0,54
Liste Union de la Droite 10 127 196 22,36 40,24
Liste Front National 6 820 147 15,06 27,10


 

  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 45 293 603    
Abstentions 18 838 040 41,59  
Votants 26 455 563 58,41  
Blancs 736 800 1,63 2,79
Nuls 552 458 1,22 2,09
Exprimés 25 166 305 55,56 95,13




 

Résultats au 1er tour du 6 décembre 2015
Nuances de Listes Voix % Inscrits % Exprimés
Liste Extrême gauche 334 140 0,74 1,54
Liste du Front de Gauche 541 409 1,20 2,49
Liste du Parti communiste français 337 390 0,74 1,55
Liste EELV et gauche 607 758 1,34 2,80
Liste du Parti Socialiste 62 070 0,14 0,29
Liste Union de la Gauche 5 019 723 11,08 23,12
Liste du Parti radical de gauche 4 227 0,01 0,02
Liste Divers gauche 401 517 0,89 1,85
Liste d'Europe-Ecologie-Les Verts 832 468 1,84 3,83
Liste Ecologiste 127 451 0,28 0,59
Liste Divers 228 929 0,51 1,05
Liste Régionaliste 273 431 0,60 1,26
Liste du Modem 85 450 0,19 0,39
Liste Union Démocrates et Indépendants 1 818 0,00 0,01
Liste « Les Républicains » 42 346 0,09 0,20
Liste Union de la Droite 5 785 073 12,77 26,65
Liste Debout la France 827 262 1,83 3,81
Liste Divers droite 142 836 0,32 0,66
Liste Front National 6 018 672 13,29 27,73
Liste Extrême droite 34 061 0,08 0,16


 

  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 45 298 641    
Abstentions 22 689 039 50,09  
Votants 22 609 602 49,91  
Blancs 542 264 1,20 2,40
Nuls 359 307 0,79 1,59
Exprimés 21 708 031 47,92 96,01







 

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