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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 06:32

« Le jour des élections, partout dans le monde, il y en a qui font de la planche au lieu d’aller voter. On appelle cela le surface universel. » (Philippe Geluck).


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Ce dimanche 6 décembre 2015 (jour de la Saint-Nicolas), plus de quarante-deux millions de citoyens français sont appelés à élire leurs conseils régionaux. Dans ces temps troubles, ces élections régionales passent une fois encore, mais plus particulièrement cette fois-ci, à la trappe d’un trou noir médiatique alors que cet exercice démocratique est rarement couronné du succès de la participation. Lors des précédentes élections, 53,7% d’électeurs inscrits s’étaient abstenu au premier tour du 14 mars 2010.


Une campagne régionale sacrifiée

Effectivement, jamais une campagne électorale n’aurait été à ce point polluée par des considérations extérieures. Tout, contexte et événements, contribue pour renforcer l’indifférence générale de l’électorat au point de peut-être donner raison à Jean-Christophe Rufin : « C’est la grande sagesse du peuple, voyez-vous. Les gens ne se dérangent que pour les élections qui ont un sens. ».

1. L’époque de l’année, déjà, se prête très mal aux élections. C’est la deuxième fois qu’on vote en décembre depuis le début de la Ve République, la première fois était pour réélire De Gaulle à la Présidence de la République il y a cinquante ans. Les week-ends de cette période sont généralement consacrés aux achats de Noël. Il suffit de se rendre dans les magasins ouverts aussi le dimanche pour s’en rendre compte. De plus, comme la fermeture de l’inscription sur les listes électorales s’était faite le 31 décembre 2014, soit avant d’avoir fixé la date des régionales, il a fallu repousser exceptionnellement au 30 septembre 2015 le délai d’inscription.

2. Les attentats du 13 novembre 2015 ont meurtri la plupart des citoyens et ceux-ci sont encore tétanisés, d’autant plus que certains terroristes impliqués sont encore activement recherchés par la police française et belge. Face à des enjeux mal compris, beaucoup peuvent hiérarchiser en ne songeant qu’aux conséquences de ces attentats. La suspension généralisée de la campagne électorale rendu silencieux la plupart des candidats, leur projet est passé sous silence, leur motivation aussi. De quoi peut-être justifier cette sortie de Philippe de Villiers : « Le temps n’est pas aux élections, mais à la sécurité et à la survie par rapport à la nouvelle guerre mondiale qui semble être déclenchée par les islamistes… ».

3. À ce titre, le campagne électorale a tourné sur des considérations qui n’étaient pas de la compétence des régions mais de l’État : sur la politique sécuritaire de la France et la lutte contre le terrorisme, aspects sur lesquels les régions ont peu de leviers.

4. La concomitance de la COP21 renforce la désaffection des médias pour cette campagne électorale. La venue de cent cinquante chefs d’État et de gouvernement le 30 novembre 2015 pour tenter de "sauver la planète" (nous dit-on) est évidemment considérée comme d’un enjeu mondial nettement supérieur à l’enjeu de ces "petites" régionales d’une très petite partie du monde.

5. La prolongation de l’état d’urgence du 14 novembre 2015 jusqu’au 26 février 2016 au moins, et la possibilité répétée par le Premier Ministre Manuel Valls de le reprolonger encore, sont des mesures sans précédent au cours d’une campagne électorale. Cela a empêché l’expression normale de la vie démocratique, notamment des manifestations dont les premières victimes sont les militants écologistes (dont je ne suis pas mais qui ont le droit de s’exprimer tant parce que se  tient la COP21 que parce qu’il y a des élections régionales, les régions ayant des prérogatives importantes dans le domaine de l’environnement et des transports). Même l’ancien Premier Ministre Dominique de Villepin a commencé à s’en inquiéter (le 2 décembre 2015).

6. La traque des terroristes et la couverture de la COP21, sans compter les mille et un événements internationaux qui monopolisent les médias, comme, ce 2 décembre 2015, la fusillade de San Bernardino, à l’est de Los Angeles, qui a tué au moins quatorze personnes (je peux me demander pourquoi à cette occasion, on parle plus de la loi sur la possession d’armes plutôt que du terrorisme qui sévit aussi aux États-Unis, puisqu’en France, "on peut" également, en pleine ville, fusiller et tuer cent trente personnes à la kalachniov malgré l’interdiction de détenir des armes), empêchent les électeurs de se concentrer sur le projet politique des candidats aux régionales.

7. Enfin, le contexte général des élections régionales est lui aussi pourri : la réforme territoriale illisible et inexplicable, qui ne réduira aucune dépense publique, qui même coûtera plus cher en fonctionnement en raison des problèmes de géographie décisionnelle, a été mise en œuvre d’une manière particulièrement absurde et ubuesque en redéfinissant des frontières régionales inadéquates et probablement ingérables par des différences trop grandes entre les territoires (entre Limousin et Pays Basque, entre Ardennes et Alsace, etc.). Elle ne contribue donc pas à impliquer les citoyens dans ce qu’ils pourraient considérer comme des artifices et des manœuvres politiciennes.

Tous ces facteurs, non exhaustifs, entraînent une naturelle désaffection de l’électorat pour un scrutin à des enjeux sans visibilité. Le maintien de l’état d’urgence et la priorité logique à d’autres actions que ces élections (la traque des terroristes par exemple) auraient dû encourager le gouvernement à plus de sagesse et à reporter l’organisation de ces élections régionales dont la date aurait très bien peu être fixée en avril ou mai prochain (rien ne l’empêchait et aucun argument valable ne pouvait s’y opposer).


La situation de 2010

En dehors des DOM-TOM dont les situations sont très particulières, la gauche socialiste "détient" actuellement toutes les régions sauf l’Alsace. Elle a donc beaucoup à perdre au contraire de l’opposition parlementaire (LR-UDI-MoDem). Pour avoir une base de comparaison, même si le paysage politique a un peu évolué par rapport à 2010, j’indique ici l’audience électorale du premier tour (le 14 mars 2010). Le PS et ses alliés avaient obtenu 29,1% des suffrages exprimés ; LR et ses alliés centristes (y compris MoDem, allié en 2015) 30,2% ; les écologistes 12,2% ; le FN 11,4% et le Front de gauche 5,8%.


L’offre électorale de 2015

1 757 conseillers régionaux sont à élire. 21 456 candidats sont dans la compétition au sein de 171 listes. 49,4% des candidats sont des femmes, en raison de la parité obligatoire sur les listes, mais moins de 22% des têtes de liste sont des femmes. L’âge moyen des candidats est de 49 ans.

Le FN n’a aucun allié. Les Républicains sont alliés à l’UDI partout (l’UDI est candidate à la présidence dans trois régions) et au MoDem (à une exception près). Les listes de Nicolas Dupont-Aignan sont présentes dans toutes les régions. Le PS part sans alliés majeurs dans toutes les régions malgré son pseudo-référendum des 17 et 18 octobre 2016 (seulement 251 327 personnes ont voté et celles-ci ont voulu vainement une union de la gauche à 89,7% sans se soucier du programme électoral). Les écologistes partent soit seuls soit en alliance avec le Front de gauche qui, lui-même, est désuni dans certaines régions avec des listes séparées du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et des communistes.

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Parmi les candidats à la présidence d’un conseil régional, certains sont des personnalités nationales, en particulier : Valérie Pécresse (LR), Claude Bartolone (PS), Wallerand de Saint-Just (FN), Pierre Laurent (PCF), Emmanuelle Cosse (EELV), Nicolas Dupont-Aignan (DLF), Nathalie Arthaud (LO) et François Asselineau (UPR) en Île-de-France ; Philippe Richert (LR), Jean-Pierre Masseret (PS) et Florian Philippot (FN) en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine ; Virginie Calmels (LR) et Alain Rousset (PS) en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes ; Laurent Wauquiez (LR) et Jean-Jack Queyranne (PS) en Auvergne-Rhône-Alpes ; François Sauvadet (UDI) et Sophie Montel (FN) en Bourgogne-Franche-Compté ; Jean-Yves Le Drian (PS), Marc Le Fur (LR) et Christian Troadec (MBP) en Bretagne ; Philippe Vigier (UDI) au Centre-Val de Loire ; Dominique Reynié (LR), Carole Delga (PS), Louis Aliot (FN) et Jean-Claude Martinez (ex-FN) en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ; Xavier Bertrand (LR), Marine Le Pen (FN), Pierre de Saintignon (PS) et Sandrine Rousseau (EELV) au Nord-Pas-de-Calais-Picardie ; Hervé Morin (UDI) et Nicolas Bay (FN) en Normandie ; Bruno Retailleau (LR) et Christophe Clergeau (PS) au Pays de la Loire ; Christian Estrosi (LR), Marion Maréchal-Le Pen (FN), Jacques Bompard (ex-FN), Christophe Castaner (PS) et Jean-Marc Governatori (AEI) en Provence-Alpes-Côte d’Azur ; José Rossi (LR), Paul Giacobbi (DVG) et Dominique Bucchini (PCF) en Corse ; Jean-Paul Taubira (PPG, frère de Christiane Taubira, en Guyane ; Victorin Lurel (PS) en Guadeloupe ; Serge Letchimy (PPM) et Alfred Marie-Jeanne (PCM) en Martinique ; enfin Didier Robert (LR) à La Réunion.


Les enjeux des régionales 2015

Peu compris, ces enjeux ne sont pourtant pas mineurs. Ils sont importants, tant à l’échelle régionale que nationale.

Les enjeux régionaux, je les survole ici très brièvement mais ils sont cruciaux puisque c’est du ressort des régions d’encourager au mieux le développement des activités économiques. En ce sens, ce sont les institutions essentielles pour relayer la politique nationale en faveur des entreprises et en faveur de l’emploi (je rappelle que l’aide aux entreprises favorise avant tout l’emploi). Et cela dans un climat social qui, tétanisé par les attentats, est traumatisé par la très forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi communiquée le 26 novembre 2015 (42 000 demandeurs d’emploi de la catégorie A supplémentaires entre septembre 2015 et octobre 2015).

L’autre enjeu régional majeur concerne les transports et la nécessité de renforcer l’offre en transports en commun et en infrastructures à tous les habitants d’un territoire.

Néanmoins, je considère que les enjeux nationaux de ces élections sont aussi importants pour une raison simple : ces régionales sont les dernières élections avant l’élection présidentielle du printemps 2017. En ce sens, c’est la dernière occasion pour le gouvernement actuel de se frotter à la réalité électorale.

Et les socialistes, qui sont partis divisés aux régionales avec la présence de listes écologistes d’un côté, et communistes de l’autres, ont un handicap de taille en raison de la forte montée du Front national. Il semble acquis dans la plupart des régions, un second tour serait nécessaire et serait sous la forme d’une triangulaire entre les trois pôles politiques actuels, le FN, la coalition LR-UDI-MoDem et le PS et ses alliés (alliés éventuels du second tour). Or, selon les sondages, le FN réussirait dans certaines régions à gravir le premier rang : le second tour fera élire la liste arrivée en premier seulement à la majorité relative.

Les sondages sont à ce titre assez alarmants pour les partis dits de gouvernement. Le FN est crédité d’environ 30% des voix en moyenne alors que son audience avait été établie autour de seulement 25% aux élections européennes du 25 mai 2014. En clair, cette poussée se réaliserait dans toutes les régions, même l’Île-de-France où sa "cote" se situerait autour de 20% alors qu’aux précédentes élections, le FN n’avait même pas pu franchir le seuil de 10% pour être présent au second tour et avoir au moins un élu (l’une des rares régions qu’on peut comparer encore avec mars 2010 puisque son contour est resté identique).

La grande inconnue reste la conséquence des attentats sur le comportement électoral, tant sur la participation que sur le choix de la liste. Les sondages sembleraient indiquer un renforcement de l’audience du FN qui peut s’expliquer assez simplement : toutes les mesures véritablement sécuritaires qu’a mises en place le gouvernement socialiste (et je n’ose imaginer quelles auraient été les réactions des socialistes si cela s’était passé sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy) semblent apporter de l’eau au moulin idéologique du FN.

Le bond historique néanmoins prévisible de François Hollande dans les sondages (il double presque sa cote de popularité) ne doit pas cacher que la popularité de Manuel Valls n’évolue pas de la même manière et que dans tous les cas, François Hollande, à qui on fait crédit à juste titre de son comportement personnel adapté en pareilles tragédies (déjà constaté après les attentats contre "Charlie-Hebdo" en janvier 2015), n’est pas candidat aux élections régionales.


La poussée annoncée du FN

En quoi ces élections ont-elles une importance nationale ? Parce que c’est la dernière occasion de redistribuer les cartes avant l’élection présidentielle qui se préparera donc sur les bases des rapports de forces de décembre 2015. En ce sens, le PS joue autant sa survie que Les Républicains dont l’objectif est d’être devant le FN sur le plan national.

En effet, le rêve probablement irréalisable de l’opposition parlementaire serait de remporter le grand chelem des régions, mais le PS pourrait néanmoins sortir gagnant dans le Sud-Ouest. L’opposition parlementaire n’est pas seulement concurrencée par le PS, son concurrent traditionnel, mais aussi par le FN dans deux régions d’une grande importance démographique : le grand Nord et la PACA. Dans ces territoires, la famille Le Pen pourrait remporter un succès qui serait d’une importance historique.

Dans le grand Nord, l’écart entre Marine Le Pen et Xavier Bertrand est d’environ 10%, c’est un fossé très difficile à franchir entre les deux tours sans aide massive de la gauche dont le maintien ou le retrait ne satisferait personne. De même en PACA, la surenchère sécuritaire de Christian Estrosi le rend peu crédible aux yeux de la plupart des électeurs de gauche comme rempart face à la très jeune députée Marion Maréchal-Le Pen dont l’habileté politique a même supplanté celle de sa tante.

L’affolement de la presse régionale qui commence à comprendre que l’élection d’un ou d’une présidente FN dans un conseil régional devient désormais possible ne me paraît pas vraiment productif. Les électeurs préfèrent penser par eux-mêmes et apprécient peu qu’on leur dicte ce qu’il faut faire.

Plus intéressantes ont été les déclarations du président du Medef Pierre Gattaz qui a averti à juste titre le 1er décembre 2015 que le programme économique du FN est proche de celui de l’extrême gauche et pourrait handicaper lourdement et durablement le tissu économique dans les régions où le FN aurait l’occasion de gagner. Un avertissement confirmé par certains grands entrepreneurs de la région Nord qui ont annoncé qu’en cas de victoire du FN, ils déménageraient soit à Bruxelles soit à Paris. Mais ces menaces seront-elles efficaces ? Je pense qu’elles sont plutôt contreproductives puisque le discours actuel du FN reste celui de la victimisation simpliste : "moi, David, qui ai raison, face à tous les autres, méchant Goliath".

De plus, devenir la cible du Medef ne peut que favoriser l’expansion électorale du FN dont les sympathisants pour la plupart ont déjà renoncé depuis longtemps à l’ambition de la France de se maintenir parmi les premières puissances économiques mondiales dans une économie ouverte prête à exporter sa haute technologie, sa science (le nombre de Prix Nobel de physique, de chimie et de médecine en fait l’un des meilleurs pays du monde derrière les USA) et son savoir-faire reconnu par tous les pays étrangers (nucléaire, aéronautique, spatial, télécommunication, renseignement, etc.). Ce qui en fait le parti le moins patriote de France, au contraire à ses revendications.


2017 se profile en 2015

Ceux qui, consciemment, après réflexion, ont décidé de ne pas aller voter les 6 et 13 décembre 2015 sont donc prévenus : ils ne devront pas regretter les résultats de ces élections, qui sont promis à un nouveau séisme de la classe politique, et devront en assumer les conséquences pour l’élection présidentielle de 2017, car il faut dire les choses explicitement : si le FN gagnait au moins une région en décembre 2015, l’élection de Marine Le Pen en mai 2017 deviendrait une possibilité de moins en moins improbable…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (3 décembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 avril 2013.
Le référendum alsacien.
Élections municipales des 23 et 30 mars 2014.
Élections européennes du 25 mai 2014.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Élections départementales des 22 et 29 mars 2015.
Les dernières élections régionales des 14 et 21 mars 2010.
Le ni-ni Doubs.
La poussée annoncée du FN.
Le vote électronique, pour ou contre ?
Le Patriot Act à la française.
Changement de paradigme.
Mathématiques militantes.
2017, tout est possible...

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151203-regionales-2015A.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/dimanche-on-vote-en-france-174979

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/12/03/33017461.html


 

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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 06:22

Où il est question de la rémunération des élus chargés de gérer beaucoup d’argent public.



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Après avoir invité le 10 octobre 2015 le Président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone, candidat à la tête de la région Île-de-France (sans y avoir invité Valérie Pécresse, sa concurrente des Républicains, de l’UDI et du MoDem) et battu d’avance à l’élection présidentielle en considérant comme acquise la présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017, l’humoriste Laurent Ruquier a invité dans son émission "On n’est pas couché" diffusée sur France 2 le samedi 17 octobre 2015 la candidate tête de liste de l’opposition à la grande région (la plus grande du territoire) Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, à savoir Virginie Calmels.

La présence de Virginie Calmels (44 ans) donne un coup de renouveau dans la classe politique. Elle est loin d’avoir fait une "carrière" politique et apprend pas à pas les coutumes de ce milieu très particulier qu’est la politique. Il lui a manqué par exemple du répondant quand on a déploré devant elle le manque de femmes dans l’opposition républicaine, alors qu’il y a Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Christine Lagarde, etc. (quant à Michèle Alliot-Marie, son âge, son expérience et son échec aux législatives de juin 2012 font qu’elle n'est naturellement plus une "femme d’avenir").

Car Virginie Calmels est avant tout une femme d’entreprise. Diplômée de Sup de Co Toulouse, d’un diplôme d’expertise comptable et de l’INSEAD, elle a essentiellement mené une carrière de manager qui l’a conduite à occuper des postes de directrice financière dans de plusieurs entreprises du groupe Canal Plus avant d’être nommée directrice générale adjointe du groupe Canal Plus en 2002. Puis, elle fut directrice générale du groupe Endemol France de 2003 à 2007, présidente du groupe Endemol France de 2007 à 2013, fonction qu’elle cumulait par la suite avec directrice générale d’Endemol Monde du 11 mai 2012 au 18 janvier 2013. En 2009, elle est aussi administratrice du groupe Iliad (propriétaire de Free). Elle a été l’une des plus jeunes femmes décorées de l’ordre national du Mérite en 2008.

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Le maire de Bordeaux Alain Juppé était allé la rencontrer pour qu’elle s’engageât dans la vie municipale bordelaise (elle est née à Talence, dans l’agglomération), ce qu’elle a accepté, si bien que depuis mars 2014, elle est élue première adjointe au maire de Bordeaux chargée de l’économie, de l’emploi et de la croissance durable. Elle a été désignée sans trop de contestation candidate à la présidence du conseil régional de la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes investie par Les Républicains, l’UDI et le MoDem, un pari pas facile pour des régions actuellement gérées par une gauche bien implantée. Beaucoup voit déjà en Virginie Calmels une future ministre dans un gouvernement après 2017.

Aujourd’hui, pour éviter toute interaction entre la politique et l’économie, elle a quitté toutes ses responsabilités du monde économique ou des médias sauf celle de présidente du conseil de surveillance d’Euro Disney qu’elle est depuis le 8 janvier 2013.

Écouter Virgine Calmels était donc doublement intéressant : d’une part, par curiosité car elle est nouvelle dans la classe politique et a déjà montré que son apport d’expérience est très enrichissant ; d’autre part, elle a un franc-parler qui change un peu de la langue de bois habituellement entendue dans les médias. C’est une épreuve pas très facile pour une novice en politique que de se confronter à la "bande à Ruquier" souvent sans complaisance et assez féroce. À cet égard, elle s’en est très bien sortie.

Je retiendrai un sujet intéressant car il correspond bien au fossé entre le monde des entreprises et le monde politique. Elle n’a pas caché qu’en démissionnant de tous ses mandats sociaux (sauf Euro Disney où elle n’a que des jetons de présence) pour s’investir en politique, elle a réduit sa rémunération d’un chiffre au moins. C’est assez rare pour le signaler : voici une élue qui, en s’engageant en politique, ne s’est pas enrichie, mais au contraire appauvrie !

Elle ne s’en est pas plaint d’ailleurs, puisque c’est son choix personnel, et c’est tout à son honneur. Néanmoins, elle a lancé cette question qui me paraît très pertinente. Quand un élu (à responsabilité exécutive) est en charge d’un très gros budget, cela ne paraît pas démentiel qu’il soit bien rémunéré, ce qui peut attirer ainsi des candidats compétents qui ont déjà eu beaucoup d’expérience et de responsabilités dans le monde économique.

Elle ne l’a pas expliqué dans l’émission mais c’était toute la bataille, au début du XXe siècle, pour faire accepter le principe des indemnités parlementaires. Qui avaient deux fonctions : la première, l’égalité, car des députés habitant proches de Paris n’avaient pas à se payer un deuxième logement tandis que ceux éloignés de la capitale avaient forcément plus de frais pour assumer leurs fonctions ; la seconde, la liberté, car si un parlementaire était trop "pauvre" (la notion est relative !), il serait plus facile dans certains cas que des groupes économiques puissent le corrompre (l’argument peut facilement être mis en doute car pour certains, il n’y a pas de limite à l’enrichissement).

Dans tous les cas, indépendamment des raisons évoquées, un élu à la tête de l’exécutif d’une collectivité locale importante a des responsabilités très élargies et peut même se retrouver devant un juge pour des négligences commises par un prédécesseur (par exemple, à Grenoble). On ne les plaindra pas, évidemment, puisque tous ces élus avaient la possibilité de ne pas chercher à assumer ces responsabilités, mais Virginie Calmels mettait en avant un lien de correspondance entre le niveau de rémunération et le niveau de responsabilité, qui est un lien très fréquent dans le monde des affaires (je rappelle que les chefs d’entreprises sont pénalement responsables de tout ce qui peut provenir de leur entreprise).

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Alors, j’ai voulu prendre quelques comparaisons. J’ai eu un peu de mal car il n’existe pas encore la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et je suppose que la personne qui présidera ce conseil régional ne cumulera pas les rémunérations des trois précédents présidents. La grande région aura un budget annuel d’environ 2,5 milliards d’euros, qu’on peut comparer avec le budget de l’UEFA de 2,3 milliards d’euros.

J’ai donc pris l’exemple le plus caricatural puisque c’est la collectivité la plus importante, la mairie de Paris. Je rappelle que la maire de Paris est à la fois maire mais aussi présidente du conseil départemental, les conseillers municipaux sont en même temps des conseillers départementaux, et à ce titre, ont "double" salaire. Dans les données qui suivent, je prendrai le total des deux, évidemment.

Le budget primitif de la ville de Paris pour 2015 annonce 7,7 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement (dont 2,3 milliards d’euros de charges de personnel) et 2,1 milliards d’euros d’investissement. Cela veut dire pour arrondir que la maire de Paris est responsable de la gestion de 10 milliards d’euros.

Par ailleurs, selon certaines sources, 51 240 agents travailleraient pour le compte de la ville de Paris (le budget primitif indique cependant 45 576). On peut arrondir à 50 000 personnes pour simplifier.

La rémunération d’Anne Hidalgo, qui, certes, a baissé de 15% par rapport donc au seuil légal, aurait été, selon la presse, de 8 684 euros brut par mois pour 2015, que je vais arrondir (en surestimant légèrement) à 105 000 euros par an (brut en plus).

La question est simple : quel manager accepterait-il la proposition du conseil d’administration d’une entreprise qui fait 10 milliards de chiffre d’affaires et qui emploie 50 000 salariés de le nommer président-directeur général avec un salaire de 105 000 euros brut annuel ?

Évidemment, j’imagine que certains lèveraient quand même le doigt. Alors, on peut reformuler la question ainsi : quelles seraient alors les compétences d’un manager qui accepterait de telles conditions ? Et là, c’est plus parlant et cela peut donner aussi une idée de la compétence des élus chargés de gérer, j’oserais presque dire, de brasser, des milliards d’euros …qui proviennent des contribuables, pas de clients, mais de contribuables, donc, de l’argent beaucoup plus sacré, qui nécessite beaucoup plus de précaution dans son emploi, de respect aussi.

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Pour faire une comparaison, le groupe Areva a eu un chiffre d’affaires de 8,3 milliards d’euros en 2014 et employait fin 2014 environ 42 000 salariés. C’est donc une structure de gestion sensiblement de même taille que la ville de Paris (très différente par ailleurs, bien sûr). Combien gagne le patron opérationnel d’Areva ? Il se trouve que depuis deux ans, le gouvernement a limité à 450 000 euros la rémunération annuelle pour les entreprises où l’État a une participation majoritaire. C’est déjà cinq fois plus que la maire de Paris. Mais en 2012 (avant cette limitation), le patron d’Areva (pour ne donner qu’un exemple) recevait une rémunération d’environ 972 000 euros (soit neuf fois plus).

Dans le secteur complètement privé, si l’on prend la société Atos, qui a fait 9,1 milliards de chiffre d’affaires en 2014 et qui emploie environ 93 000 salariés (le double de la ville de Paris), la rémunération de son patron (qui fut ancien Ministre des Finances) était, selon "Challenges" du 3 avril 2014, de 4,9 millions d’euros en 2013 (soit près de cinquante fois plus élevée que pour la ville de Paris !).

L’idée ici n’est évidemment pas d’augmenter concrètement les indemnités des élus, car ce ne serait pas populaire et surtout, pas juste dans une période où on resserre les budgets et limite les salaires (les élus doivent rester exemplaires).

L’idée est surtout de pointer du doigt les discours particulièrement démagogiques qui critiquent la rémunération des élus, qui, comme je viens de l’expliquer, sont plutôt "sous-payés" par rapport aux très grandes responsabilités qu’on leur donne en les élisant.

Démagogie notamment au plus haut niveau de l’État puisque le Président de la République François Hollande, comme tout premier acte présidentiel (le tout premier, dans un pays avec autant de chômage !), a été de baisser de quelques pourcents sa rémunération officielle. Ou encore de se déplacer en TGV pour se rendre à Bruxelles alors qu’un avion a été spécialement affrété pour le suivre avec les bagages !

Bref, tout cela est de la vitrine et de la communication. Ce que les citoyens attentent de leurs élus, c’est de bien gérer l’argent des contribuables, d’avoir une vision à long terme des enjeux de leurs collectivités et de mener le pays ou leurs collectivités dans un plus grand confort économique et social (et peut-être moral ?). Après, qu’ils gagnent beaucoup d’argent ou pas, s’ils font "le job", cela ne me gêne pas beaucoup tant qu’il est gagné légalement et en toute transparence.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 octobre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Alain Juppé.
Réforme territoriale.
2017.
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151017-virginie-calmels.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/virginie-calmels-du-bon-sens-en-173364

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/10/27/32833405.html


 

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23 octobre 2015 5 23 /10 /octobre /2015 06:42

« Je suis donc inquiet lorsque je constate que certains responsables politiques, ou d’autres qui portent une parole publique et qui devraient avoir pour première ambition d’apaiser les tensions qui minent notre société, choisissent de les attiser par des propos hâtifs, haineux, ou simplement stupides, qui blessent tel ou tel groupe de nos concitoyens. (…) Je suis inquiet lorsque les pratiques du discours politique font que l’approximation l’emporte sur l’observation lucide des faits, l’amalgame sur le discernement, l’arrogance sur le respect que l’on doit aux opinions d’un adversaire. » (Bernard Cazeneuve, le 3 octobre 2015 à Strasbourg).



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Finalement, l’émission n’aura pas eu lieu. Le jeudi 22 octobre 2015, Marine Le Pen aurait dû être l’invitée principale de l’interminable émission politique "Des paroles et des actes" présentée par David Pujadas. Au dernier moment, à deux heures du début de l’émission, Marine Le Pen a refusé d’y participer comme une enfant gâtée. Elle a refusé de débattre avec ses concurrents pour les régionales dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, à savoir Xavier Bertrand (LR) et Pierre de Saintignon (PS).

Cet incident n'est pas sans rappeler la défection aussi intempestive que tardive de Vincent Peillon dans l'émission d'Arlette Chabot "À de juger" du 14 janvier 2010 sur France 2, refusant d'affronter ...justement Marine Le Pen !

Il faut dire qu’à quelques semaines des élections, alors que les temps de paroles sont décomptés à partir du 26 octobre 2015, celle qui a été invitée déjà cinq fois sur les vingt-six émissions au total, soit un record toute catégorie, bénéficiait d’une faveur des médias exceptionnelle. C’est pourquoi Les Républicains et le PS ont protesté auprès de France 2 et du CSA d’une telle couverture médiatique qui contrevenait à l’équité durant une campagne électorale.

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En posant un lapin à la chaîne publique, elle a permis au moins aux téléspectateurs d’éviter de tomber dans la grande confusion intellectuelle. En effet, en se branchant sur France 2, ils auraient pu se croire sur TMC qui diffusait au même moment le film "Retour vers le futur II". Le premier opus ("Retour vers le futur I"), qui est en ce moment célébré pour le trentième anniversaire de sa sortie, c’était avec papa Jean-Marie Le Pen. Entendre les propositions qui ne font que faire revenir la France dans un passé de trente voire cinquante ans, voici le programme de Marine Le Pen. Ou même, voici un film politique qui pourrait ramener les citoyens dans une période particulièrement sombre.

Ou encore, les téléspectateurs auraient pu se croire sur France 3 qui diffusait un autre film, tout aussi vieillot, "La soupe aux choux", un navet sorti le 2 décembre 1981, tant le programme lepeniste peut ressembler à cette étrange mixture faite de bric et de broc, reprenant les modes démagogiques à deux balles et les traditions idéologiques du père qu’elle a pourtant écarté de son organisation pour permettre aux chalands de venir sans crainte du qu’en-dira-t-on (j’ai déjà évoqué le fonds de commerce en détail ici). Quand l’ambition dévorante oublie d’honorer ses parents…

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Beaucoup ont d’ailleurs peur de se retrouver à l’élection présidentielle d’avril 2017 avec la même affiche qu’en avril 2012, qui est celle de "La soupe aux choux", à savoir, avec Jacques Villeret (alias François Hollande), Louis de Funès (alias Nicolas Sarkozy) et Jean Carmet (alias Marine Le Pen).

Mon seul regret, car cela aurait été le seul exercice intéressant de la soirée, c’est que le face-à-face entre Jean-Christophe Lagarde et Marine Le Pen prévu a donc été forcément annulé.

Pourtant, je trouve qu’idéologiquement, cette confrontation aurait eu un sens. Le débat est effectivement bien là, pas entre la droite et la gauche, car cela ne veut plus rien dire au moins depuis 2005, mais entre le centre et les extrémismes, entre les tempérés et les excités, entre les raisonnables et les colériques, entre ceux qui apaisent et ceux qui attisent.

Entre ceux qui croient encore à la force et aux atouts de la France et ceux qui sont déclinistes, qui ne sont que de faux patriotes qui agissent systématiquement contre leur propre pays, qui ne croient pas en leur pays (au point d’être financés par une puissance étrangère).

Entre ceux qui sont pour la liberté, l’ouverture, l’esprit d’entreprise, la responsabilité, et ceux qui sont pour la fermeture, le protectionniste qui ne peut être que frileux, qui veulent revenir au passé, au très vieux passé. Entre ceux qui savent que les autres sont indispensables mais que nous pouvons aussi nous rendre indispensables, et ceux qui croient que nous n’avons besoin de personne et que nous pouvons vivre en autarcie.

Entre ceux qui sont réalistes et pragmatiques, qui savent qu’un pays de 67 millions d’habitants ne fait plus le poids dans un monde multipolaire où ce sont de grands ensembles économiques de plusieurs centaines de millions d’habitants qui font la loi, des États-Unis à la Chine, de l’Inde au Brésil, de la Russie à l’Indonésie, et ceux qui veulent ruiner les chances d’une Europe de 500 millions d’habitants, première puissance économique du monde si elle était capable de parler d’une seule voix en termes commerciaux et normatifs.

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Les deux protagonistes qu’on aurait dû voir s’affronter ont, à quelques mois près, le même âge. L’une est la fille de son père et si elle est députée européenne depuis juin 2004, elle ne le doit qu’à sa filiation paternelle (dont elle a par ailleurs une bien ingrate façon de remercier) alors que l’autre, qui a "labouré" inlassablement depuis 1989 une terre de mission réputée imprenable en Seine-Saint-Denis communiste, surtout avec ses idées humanistes, est quand même parvenu à conquérir la mairie de Drancy en mars 2001 (lieu symbole s’il en est) et la circonscription en juin 2002, et depuis, les électeurs lui ont toujours renouvelé leur confiance.

L’une ne doit sa survie politique qu’au scrutin proportionnel (européennes et régionales) sur la réputation d’une double marque (Le Pen, FN), l’autre est apprécié à titre personnel dans le cadre de scrutin majoritaire uninominal à deux tours, pour les idées qu’il développe et l’action qu’il mène sur le terrain (tant sur le logement que sur la sécurité, entre autres).

Je rappelle qu’aux législatives de mars 1993, candidat UDF-RPR, Jean-Christophe Lagarde avait été battu dès le premier tour et devait laisser place à un second tour entre un candidat communiste et un candidat du FN. Au contraire de l’élection à la présidence du FN en janvier 2011, l’élection de Jean-Christophe Lagarde à la présidence de l’UDI pour la succession de Jean-Louis Borloo n’était pas non plus gagnée d’avance face à deux anciens ministres plus expérimentés que lui, Hervé Morin et Yves Jégo.

Donc, sur le plan des personnalités, le débat se serait également fait entre le conquérant qui ne doit tous ses mandats politiques qu’à lui-même et son mérite, à son énergie et à sa force, et l’héritière, tombée un peu par hasard dans la marmite de papa et qui arrive à la tête de la PME avec un petit capital fructifié.

En attendant donc qu’un tel débat puisse se faire devant les Français, le seul qui, à mon avis, mérite idéologiquement d’être tenu, imaginons en 2016 d’autres débats médiatiques, plus pour le spectacle de la communication politique que pour son aspect constructif dans l’élaboration des convictions électorales : et pourquoi pas un débat Christiane Taubira vs Marine Le Pen ? Au moins, les choses pourront être dites les yeux dans les yeux !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 octobre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean-Christophe Lagarde.
Marine Le Pen.
Jean-Marie Le Pen.
Christiane Taubira.
Programme de l’UDI.
Programme du FN.
Tout est possible en 2017…
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.
Piège républicain.
Syndrome bleu marine.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151022-lagarde-le-pen.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/un-debat-jean-christophe-lagarde-173238

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/10/23/32818004.html

 

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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 06:19

« Arrêtons de trouver sans cesse des excuses aux électeurs du FN. Arrêtons de dire que Le Pen est un sal*ud mais que ses électeurs doivent être compris, qu’ils ont des problèmes difficiles. Si l’on juge que Le Pen est un sal*ud, alors ceux qui votent pour lui sont aussi des sal*uds ! ». Puis, lisant une déclaration de Le Pen : « "En favorisant par trop les handicapés et les faibles dans tous les domaines, on affaiblit le corps social en général. On fait exactement l’inverse de ce que font les éleveurs de chiens et de chevaux." : Celui qui, à ces mots, décide encore d’aller voter Le Pen, j’appelle ça un sal*ud. Et je continuerai jusqu’à la fin de mes jours à appeler ça un sal*ud. » (Bernard Tapie, début 1992).


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C’est ce mardi 29 septembre 2015 qu’en principe, un nouveau procès démarrera avec en vedette inquiète le célèbre entrepreneur déchu puis réhabilité. Bernard Tapie est venu d’un milieu défavorisé et s’est enrichi dans les affaires grâce à son bagou incroyable, à sa capacité à convaincre, à bluffer, à s’endetter aussi. Loin d’être un vrai industriel ("capitaine d’industrie"), il a surtout flairé les bon coups. Touche-à-tout, entrepreneur, chanteur, pilote automobile, animateur d’émission télévisée, dirigeant sportif (football, voile et cyclisme)… il fut même homme politique.

L’audace, il l’avait déjà démontré avec ses multiples aventures d’entrepreneur, de l’assistance aux personnes à insuffisance cardiaque (une idée très novatrice) au rachat de la marque Manufrance. Il a même réussi à acheter en 1979, très en dessous de leur valeur, les châteaux de l’ancien empereur du Centrafrique Jean-Bedel Bokassa (vente finalement annulée le 10 décembre 1981). Il s’est ensuite spécialisé dans le rachat à très faible prix des actifs des entreprises en dépôt de bilan, en renégociant très favorablement leurs dettes, en réduisant leur masse salariale et en diversifiant leur marché. Ainsi, pour l’achat à un franc symbolique, Bernard Tapie a pu revendre avec une forte plus-value des entreprises comme La Vie claire en 1980, Terraillon en 1981 (revendue 125 millions de francs en 1986), Look en 1983 (260 millions de francs en 1988), Testut en 1983, Wonder en 1984 (470 millions de francs en 1988), Donnay en 1988 (100 millions de francs en 1991), etc.

Et aussi Adidas acheté en juillet 1990 pour 1,6 milliard de francs et revendu 2,085 milliards de francs le 15 février 1993. C’est à cause de cette revente d’Adidas réalisée par le Crédit Lyonnais que l’affaire qui a engendré le procès de cette semaine a lieu.


Bombardé dans l’arène politique

François Mitterrand fut littéralement fasciné par ce beau parleur qui n’avait peur de rien, cet audacieux qui faisait confirmer le vieil adage sur la fortune (sa première rencontre date de fin 1987 par l’entremise de Jacques Séguéla) et il lui a donné une place prestigieuse au sein de la République, Ministre de la Ville dans son dernier gouvernement personnel, celui de Pierre Bérégovoy. Il ne l’a pas été longtemps, en raison d’une mise en cause judiciaire : du 2 avril 1992 au 23 mai 1992 puis du 26 décembre 1992 au 28 mars 1993.

L’homme ne manquant ni d’idées, ni d’audace, ni d’énergie, son maroquin n’était pas forcément immérité. Il avait même acquis une légitimité électorale grâce à la gauche. Il avait été élu député à Marseille en 1989 avec 50,9% des voix grâce à une élection partielle, détrônant le député PR sortant, Guy Tessier, dans une terre déjà à l’époque très fertile pour le Front national (son suppléant fut le professeur Jean-Claude Chermann qui siégea à l’Assemblée Nationale lorsqu’il fut ministre). Il fut réélu à Gardanne dans une autre circonscription (la 10e au lieu de la 6e des Bouches-du-Rhône) le 28 mars 1993 avec seulement 44,5% des voix à la faveur d’une triangulaire provoquée par le maintien du candidat du FN (il a dû démissionner le 5 septembre 1996 à cause de son inéligibilité et lors de l’élection partielle, Bernard Kouchner a tenté en vain de prendre la succession). Il avait aussi mené la bataille des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur le 22 mars 1992 (il a dirigé la liste des Bouches-du-Rhône et le professeur Léon Schwartzenberg, celle des Alpes-Maritimes) : ses listes ont échoué face à celles de Jean-Claude Gaudin, président sortant du Conseil régional de PACA qui fut réélu. Il a également été élu conseiller général des Bouches-du-Rhône le 27 mars 1994 avec 68% des voix.


En pointe contre le FN …et contre Rocard

André Bercoff a raconté notamment le courage politique de Bernard Tapie, celui en 1992 d’aller à un meeting du FN à Orange, en présence de Bruno Gollnisch, s’y faire huer et finalement y prendre la parole. Il leur avait alors tenu des propos que les gens dans la salle avaient appréciés. Il leur disait qu’il ne fallait plus de nouveaux immigrés et qu’il fallait les renvoyer en bateau et couler les bateaux : « On prend tous les immigrés, hommes, femmes, enfants. On les met sur des bateaux, et on les envoie très loin d’ici. [Acclamations de la salle]. Et quand ils sont assez loin, pour être sûr qu’ils ne reviennent pas, on coule les bateaux. [Acclamations de la salle] ».

Toute la salle a applaudi. Alors Bernard Tapie a repris son sérieux en disant que c’était à cause de ces applaudissements en faveur d’un quasi-appel au meurtre qu’il s’était engagé résolument contre le FN : « Je ne me suis pas trompé sur vous. J’ai parlé d’un massacre, d’un génocide, de tuer hommes, femmes et enfants. Et vous avez applaudi. Demain, au moment de vous raser ou de vous maquiller, lorsque vous vous verrez dans la glace, gerbez-vous dessus ! ». Cette anecdote prend d’autant plus de relief qu’il y a aujourd’hui des dizaines de milliers de personnes qui meurent de traverser la Méditerranée dans des conditions précaires.

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Cela a aussi donné quelques duels épiques (et sans réel intérêt politique) entre Bernard Tapie et Jean-Marie Le Pen que personne (à part Bernard Stasi) n’osait affronter à la télévision (en septembre 1989 sur TF1 ; le 1er juin 1994 sur France 2, etc.).

Instrument précieux dans la manœuvre mitterrandienne pour éliminer la candidature inévitable de Michel Rocard à l’élection présidentielle suivante, Bernard Tapie a joué les trouble-fête aux élections européennes du 12 juin 1994 en terrassant le PS dirigé justement par le perpétuel rival de François Mitterrand. En tout cas, même si ce n’était pas dans ses intentions premières, sa mission avait été remplie au mieux : en raflant 12,0% des voix aux européennes, sa liste avait laminé le PS en faisant chuter la liste menée par Michel Rocard à …14,5%, soit plus de 11% de retard sur la première liste, celle menée par Dominique Baudis (« un missile nommé Bernard Tapie tiré depuis l’Élysée »). Cela aurait même pu lui donner quelques ailes pour concourir à la course élyséenne, sauf que là, c’était du sérieux, ce n’était plus pour des petits joueurs comme Pierre Dac en 1965, Coluche en 1981 ou Yves Montand pour 1988.


Noyé dans les affaires judiciaires

D’ailleurs, il n’en avait plus les moyens, de se présenter à l’élection présidentielle d’avril 1995, ni non plus de se présenter aux municipales de juin 1995 à Marseille (le vrai objectif pour éviter la première élection de Jean-Claude Gaudin), car il fut abattu par une série d’affaires judiciaires (financières et sportives) l’a conduit à être en faillite personnelle à partir du 25 mars 1994 (par l’action du Crédit Lyonnais qui l’a noyé financièrement et qui l’a ensuite assigné en redressement judiciaire), à se justifier à un premier procès en mars 1995, puis rendu inéligible et démis de tous ses mandats électoraux en septembre 1996 (jusqu’en 2003) et même à être en prison pendant six mois, précisément du 3 février 1997 au 25 juillet 1997 (il avait été condamné en appel le 28 novembre 1995 à deux ans de prison dont huit mois ferme pour "complicité de corruption et subordination de témoins" dans l’affaire du match truqué de l’Olympique de Marseille le 20 mai 1993 à Valenciennes).

Sa faillite personnelle a été le résultat de sa volonté de revendre tout son groupe industriel (un groupe qui avait plus de 1 milliard de francs d’actifs et plus de 5 000 salariés) en raison de sa nomination au gouvernement Bérégovoy, condition sine qua non de François Mitterrand pour le nommer. Mais il a tout perdu, tant ses affaires que les positions ministérielle et électives. Probablement fut-il la victime de rocardiens (le Crédit Lyonnais était présidé par un rocardien pendant dix ans de 1993 à 2003) qui voulaient l’éliminer définitivement du jeu politique après sa victoire aux européennes.

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Le président du tribunal de commerce de Paris qui prononça la liquidation de Bernard Tapie fut nommé peu après à la présidence du CDR : « Vous vous faites juger par un homme qui sait que quelques mois plus tard, il vous aura pour adversaire. Même en Centrafrique, on n’ose plus faire des choses pareilles ! » (Bernard Tapie en 1998). Le CDR (Consortium de réalisation) était un organisme public chargé de régler entre 1995 et 2006 le passif du Crédit Lyonnais (lui-même en quasi-faillite en 1993 à cause de ses participations douteuses à l’étranger ; son sauvetage aura coûté 14,7 milliards d’euros au total à l’État, en novembre 2013, soit 812 euros par contribuable français), en d’autres termes, il reprenait toutes les créances douteuses (soit 28,3 milliards d’euros dont Executive Life) du Crédit Lyonnais qui se voyait ainsi assaini.


Après les affaires et la politique, le cinéma et le théâtre

Hors-jeu en politique, Bernard Tapie apporta néanmoins son soutien à Jacques Chirac pour le second tour de l’élection présidentielle de 2002 pour faire barrage à Le Pen et partisan en 2006 de la candidature de Dominique Strauss-Kahn, il a finalement soutenu la candidature de Nicolas Sarkozy (qu’il connaît bien depuis une trentaine d’années) après la désignation de Ségolène Royal.

Il s’est retrouvé avec des dettes monstrueuses avec l’État, au point que ses cachets comme acteur de séries télévisées, de films (notamment avec Claude Lelouch) ou de comédien au théâtre (un nouveau job qui disait bien ce que cela voulait dire : la politique, ce n’est que du théâtre) furent saisis par l’État… jusqu’au jour où une miraculeuse médiation lui assura le jackpot de plusieurs centaines de millions d’euros.


L’arbitrage inespéré

En effet, les procédures judiciaires très longues ont défavorisé Bernard Tapie. Dès le 7 novembre 1996, le tribunal de commerce de Paris a pourtant condamné le CDR à lui payer une provision de 91,5 millions d’euros. Mais la cour d’appel annule cette provision. Le 12 octobre 1998, Bernard Tapie a alors réclamé 990 millions d’euros au CDR (donc à l’État, donc aux contribuables) pour préjudice sur la vente d’Adidas. Le 12 novembre 2004, la cour d’appel de Paris a autorisé une médiation entre Bernard Tapie et le CDR mais celle a échoué. Le 30 septembre 2005, la cour d’appel a condamné le CDR à payer 135 millions d’euros à Bernard Tapie et fixé le préjudice à 66 millions d’euros, mais le Ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, Thierry Breton, a conduit le CDR à se pourvoir en cassation : le jugement du 30 septembre 2005 fut alors cassé le 9 octobre 2006 par la Cour de cassation.

Or, un nouveau jugement en appel pourrait être très défavorable à l’État avec un délai d’environ cinq ans : en effet, le risque était que la vente d’Adidas fût annulée, ce qui signifierait un préjudice de la valeur d’Adidas au jour du jugement qui se situerait aux alentours de …7 milliards d’euros ! Par ailleurs, le Crédit Lyonnais, qui était le mandataire de Bernard Tapie, aurait manqué à ses devoirs de loyauté et de neutralité et aurait gagné 1,6 milliard de francs de plus-value dans la vente d’Adidas grâce à une option levée le 26 décembre 1994 (cette version est néanmoins contestée par le Crédit Lyonnais). Le 17 novembre 1995 à la Bourse de Francfort, l’entreprise Adidas valait en capitalisation boursière …3,28 milliards de Deutsche Mark, soit près de 11 milliards de francs (cinq fois plus que ce que cela a rapporté à Bernard Tapie).

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Le 25 octobre 2007, les deux parties (Tapie et CDR) ont accepté une résolution par un tribunal arbitral. Pour l’État, représenté par la Ministre de l’Économie et des Finances Christine Lagarde, un nouveau procès aurait coûté encore trop cher en avocats (déjà quinze ans de procédure) et lui aurait fait risquer gros. Pour Bernard Tapie, son intérêt était de réduire au maximum les délais pour être renfloué au plus vite. Résultat, trois personnalités furent nommées à ce tribunal arbitral : Pierre Mazeaud, président de ce tribunal, proche du RPR, Jean-Denis Bredin, proche du PRG (même parti que Bernard Tapie), désigné par le Crédit Lyonnais, et Pierre Estoup, désigné par Bernard Tapie.

L'avocat d'affaires Jean-Denis Bredin, que Pierre Joxe a refusé de citer, aux côtés des deux autres juges-arbitres, dans un documentaire sur la chaîne Public-Sénat "Tapie et la République : autopsie d'un scandale d'État" réalisé par Thomas Johnson et diffusé le 26 septembre 2015, sous prétexte qu'il n'était "pas connu", l'est au contraire très bien des milieux mitterrandiens puisqu'il est le père de l'ancienne ministre PS Frédérique Bredin du 16 mai 1991 au 30 mars 1993 (il a même été élu le 15 juin 1989 à l'Académie française, ce qui en a fait un "inconnu immortel") et ce fut d'ailleurs dans son cabinet d'avocat très réputé, cofondé avec Robert Badinter (le cabinet Bredin-Prat), que les négociations de la revente d'Adidas auraient eu lieu (selon le journaliste Laurent Mauduit).

Le 7 juillet 2008, le tribunal arbitral décida de condamner le CDR à payer à Bernard Tapie 403 millions d’euros : 234 à titre matériel, 115 au titre des intérêts, 45 de préjudice moral (jugement rendu public le 11 juillet 2008). Il faut bien noter que le préjudice évalué par le tribunal arbitral (45 millions d’euros) est énorme quand on le compare aux préjudices en cas d’erreur judiciaire ou médicale par exemple, de quelques dizaines de milliers d’euros, et dans l’histoire judiciaire, jamais il n’avait dépassé le million d’euros. En revanche, il faut aussi le comparer à l’évaluation de ce préjudice par la cour d’appel de Paris dans son jugement du 30 septembre 2005, qui était de …66 millions d’euros. Argument qu’a rappelé le tribunal administratif de Paris dans son jugement rendu public le 8 octobre 2009 pour débouter les recours engagés par les socialistes et les centristes. Jugement qui justifia également le recours à un arbitrage « eu égard aux risques sérieux d’une nouvelle condamnation, et même d’aggravation de la première condamnation, compte tenu de la gravité des autres fautes du groupe bancaire retenues par la cour d’appel et non censurées par la Cour de cassation, et de l’étendue du préjudice restant à déterminer, qui ne pouvait plus être limité au tiers du manque à gagner et qui devait inclure les effets de la liquidation judiciaire ».

Voici alors Bernard Tapie renfloué et de nouveau riche. Décidément, la vie est très instable chez cet homme qui, du coup, s’est recyclé dans un groupe de presse provençal (à partir du 19 décembre 2012, grâce, selon certains journalistes, à une recommandation de Claude Bartolone, ami de Bernard Tapie, auprès de François Hollande) et dans un nouveau yacht (encore).

Conséquence de l’arbitrage du 7 juillet 2008, le tribunal de commerce de Paris a ordonné le 6 mai 2009 la révision des jugements de liquidation des deux holdings, Finance Bernard Tapie et Groupe Bernard Tapie qui a abouti le 2 avril 2010 à la relaxe des accusations de banqueroute, qu’il attendait depuis mars 1994.


Protestations politiques et suite judiciaire

L’annonce du jugement arbitral a provoqué de nombreux remous dans la classe politique, en particulier dans le cadre d’un antisarkozysme très à la mode à l’époque, notamment à gauche (avec Jean-Marc Ayrault et François Hollande) et au centre (avec Charles de Courson mais aussi François Bayrou dont l’un de ses proches conseillers était Jean Peyrelevade, ancien président du Crédit Lyonnais) tandis que Christine Lagarde renonça à contester le jugement le 28 juillet 2008 pour éviter des frais supplémentaires à l’État. Bernard Tapie a alors été auditionné le 10 septembre 2008 par la commission des finances de l’Assemblée Nationale dirigée par Didier Migaud. Évoquant une campagne de publicité du Crédit Lyonnais qui mettait en parallèle son nom et une poubelle, Bernard Tapie avait notamment souhaité que cela n’arrivât pas à un de ses interlocuteurs questionneurs …Jérôme Cahuzac !

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Le 10 mai 2011, le procureur général de la Cour de cassation Jean-Louis Nadal, saisi par Jean-Marc Ayrault (député), a saisi la Cour de Justice de la République (qui juge les ministres) pour "abus d’autorité" contre Christine Lagarde, alors que Jean-Louis Nadal avait recommandé lui-même en 2004 de recourir à un compromis. L’autorité de Jean-Louis Nadal fut en outre contestée par son engagement politique aux côtés de Martine Aubry pendant la primaire socialiste d’octobre 2011. Nouveau Ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici a déposé le 28 juin 2013 deux recours devant la cour d’appel de Paris pour réviser l’arbitrage du 7 juillet 2008 (dont le principal recours fut jugé irrecevable le 10 avril 2014). Christine Lagarde fut finalement mise en examen le 26 août 2014 pour "négligence" (elle était devenue le 5 juillet 2011 directrice générale du FMI).


Nouveau feuilleton judiciaire

L’affaire fit régulièrement ses gros titres dans les journaux, avec perquisitions et mises en cause notamment de Claude Guéant, comme secrétaire général de l’Élysée, et Stéphane Richard, directeur de cabinet de Christine Lagarde (devenu le 24 février 2011 président-directeur général de France Télécom puis Orange). L'un des juges-arbitres du tribunal arbitral, Pierre Estoub, fut aussi impliqué car il n’avait pas évoqué son lien d’amitié avec l’avocat de Bernard Tapie dans cette affaire.

Après quatre jours de garde à vue, Bernard Tapie fut lui aussi mis en examen pour "escroquerie en bande organisée" le 28 juin 2013, une partie de ses biens immobiliers et comptes bancaires furent saisis et mis sous séquestre par le juge à titre conservatoire. Le revoici pauvre et il peut reperdre tout son honneur après ce qu’il considérait comme sa réhabilitation (en deux temps : l’arbitrage du 7 juillet 2008 et la relaxe dans les accusions de banqueroute le 2 avril 2010).

Après que le parquet général s’est prononcé le 25 novembre 2014 en faveur de la révision du jugement du 7 juillet 2008, la cour d’appel de Paris a carrément annulé le 17 février 2015 le jugement du tribunal arbitral. Son président, Jean-Noël Acquaviva, spécialiste des questions d’arbitrage, connaît donc très bien le dossier de l’affaire Adidas et aurait dû présider (sans beaucoup de complaisance pour Bernard Tapie) l’audience qui jugerait l’affaire sur le fond fixée le 29 septembre 2015. Mais, après seulement deux ans en fonction dans son poste, il vient d’être promu au 1er septembre 2015 conseiller à la Cour de cassation par la séance du 16 juillet 2015 du Conseil supérieur de la magistrature confirmée par le décret de François Hollande du 6 août 2015 (JO n°0182 du 8 août 2015). Cela signifie qu’il ne présidera plus la cour d’appel lors de la séance du 29 septembre 2015.

Certains adversaires de Bernard Tapie, en particulier le journaliste d’investigation Laurent Mauduit, en ont déduit (le 27 août 2015 sur Mediapart) que Jean-Noël Acquaviva aurait été écarté volontairement du dossier pour donner plus de chance à Bernard Tapie et permettre le report de l’audience du 29 septembre 2015, le temps pour le nouveau président de bien connaître ce dossier complexe, ce qui laisserait le temps à la Cour de cassation (Bernard Tapie a contesté le jugement du 17 février 2015) de donner son avis sur la compétence d’une cour d’appel à annuler un arbitrage (avant d’avoir un jugement sur le fond).

Et le journaliste n’a pas oublié d’évoquer des liens d’amitié de Bernard Tapie avec le Président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone, mais aussi avec la Ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui fut élue députée européenne (son deuxième mandat national) le 12 juin 1994 sur la liste PRG menée par …Bernard Tapie (en quatrième position), au même titre que Noël Mamère, Catherine Lalumière, Jean-François Hory, le syndicaliste André Sainjon et la féministe Antoinette Fouque (disparue le 20 février 2014).

Il est clair que cette affaire Adidas, très longue et très complexe à comprendre tant sur le plan financier que judiciaire, est un exemple flagrant de graves dysfonctionnements, tant du côté de la Place Vendôme que de Bercy, qu’il y a eu des torts de tout côté, des erreurs, fautes, incompatibilités, etc. et qu’il serait plus facile, à l’observateur extérieur, de n’avoir qu’une idée simpliste du sujet qui se résumerait à la sympathie ou à l’antipathie qui lui inspirerait Bernard Tapie.


Épilogue

Bernard Tapie se croyait réhabilité mais voici que l’Élysée a changé de locataire et qu’il y a une suspicion de favoritisme dans l’arbitrage. C’est ce qui va être jugé à partir de ce mardi 29 septembre 2015 à 9 heures 30 à la cour d’appel de Paris. L’affaire est donc assez compliquée (voir ci-avant). Tapie a voulu racheter Adidas, le Crédit Lyonnais lui a proposé l’emprunt et aurait voulu lui racheter l’entreprise à une valeur inférieure à ce que la banque allait obtenir en la revendant, tout en liquidant les entreprises de Bernard Tapie pour éliminer toute contestation ultérieure. Ici, c’est donc bien Bernard Tapie, malgré toutes les fautes qu’on pourrait lui imputer, la victime d’une banque d’État à la fois déloyale et partiale.

Pour Bernard Tapie, son existence est donc de nouveau remise en jeu car si la conclusion de l’arbitrage était annulée, il devrait rembourser tout l’argent qui lui a servi à sortir de la nasse il y a sept ans .

La politique, pour Bernard Tapie, c’est : plus jamais ça ! Et cause de divorce s’il y revenait. Une profonde erreur. Avec la politique, il a tout perdu et s’est retrouvé face à des murs de verre. Son école n’était pas l’ENA mais celle de la vie. Avec beaucoup d’aspérité et de sournoiseries, sans doute des fautes, des maladresses, des négligences, de la mauvaise foi, de l’audace incroyable et bien sûr, un art de vendre inégalé. Il s’est cru capable de redonner de l’oxygène à la classe politique de plus en plus anémiée par la montée du FN (cela fait trente ans que cela dure). Illusionné par l’illusionniste en chef de la Ve République, à savoir François Mitterrand, il avait accepté de lâcher son empire financier (il a fait partie des vingt premières fortunes de France à la fin des années 1980) pour un poste de ministre pendant quelques semaines. Il a cru qu’il était devenu un véritable leader national en totalisant sur son nom plus de 12% des électeurs au niveau national. Il pensait aussi capter la mairie de Marseille et avoir une influence déterminante sur les élections présidentielles. Peut-être est-ce le sort de toutes les personnalités électrons libres qui, brillantes et devenues leader des radicaux, ont finalement buté sur des impossibilités politiques (je pense en particulier à Jean-Jacques Servan-Schreiber, et, dans une moindre mesure, à Jean-Louis Borloo qui fut aussi un ami de Bernard Tapie).

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Montée et décadence d’un homme qui rencontre une nuée d’opposants politiques et judiciaires lorsqu’il émet le moindre signe susceptible de revenir dans l’arène politique. En reprenant surface dans un groupe de presse régional, il a de nouveau inquiété la classe politique qui a réagi de nouveau très vivement. L’avenir dira si Bernard Tapie ressortira de ce procès blanchi ou de nouveau entaché. On parlera de complot socialiste contre lui et sans doute avec raison. On dira qu’il n’a jamais été tout clean sur lui non plus, et on aura raison aussi. Mais quoi qu’on pense de sa personnalité, qui agace, qui titille, qui révulse, parce que ses valeurs sont celles du fric roi des années 1980, celles qui a tué toutes valeurs réelles d’un État républicain en panne de transcendance nationale, mais aussi qui rassure, qui combat, qui rassemble derrière une audace capable de lutter efficacement contre un populisme et un extrémisme qui n’ont jamais cessé de progresser ces dernières décennies, Bernard Tapie paraît, dans l’affaire Adidas, comme une véritable victime d’un géant bancaire aux investissements douteux (qui, déjà en 2003, avait dû débourser 771 millions de dollars d’amende aux États-Unis), aux pratiques très floues (avec des sociétés offshore) et soutenus par la haute technocratie de l’État français qui, depuis l’ère Miitterrand, mélange allègrement service de l’État et pantouflages très fructueux dans des groupes privés…

À 72 ans, Bernard Tapie a son avenir derrière lui mais sa bataille reste celle de l’ego, son honneur est en jeu, plus que sa fortune personnelle. David et Goliath. Bref, si l’homme, vieillissant mais toujours aussi énergique, n’est pas à plaindre, il va se retrouver une nouvelle fois à affronter le Goliath étatique qui n’aura pas forcément raison de lui. Il se pourrait qu’après un tel nouveau procès, cela coûterait encore plus cher à l’État, et donc aux contribuables que nous sommes, donnant du coup implicitement raison aux initiateurs de la procédure d’arbitrage…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
"Un jour, un destin" rediffusée le 4 janvier 2011 sur France 2.
Bernard Tapie, victime ?
François Hollande.
Nicolas Sarkozy.
Christiane Taubira.
François Bayrou.
Jean-Marc Ayrault.
Charles de Courson.
Christine Lagarde.


 
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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150929-tapie-adidas.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/grandeur-et-decadence-de-bernard-172350

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/09/28/32689392.html

 

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25 septembre 2015 5 25 /09 /septembre /2015 06:03

« Certains pensent que l’on convaincra les Français en prenant tous les virages en serrant vers la droite, d’autres en conduisant au milieu de la route, sans parler des démagogues qui disent qu’on peut lâcher le volant et regarder derrière soi. Moi, je ne veux pas découper la France en tranches, je la prends comme un bloc, avec amour, avec la conviction qu’il faut se réinventer ensemble pour espérer, proposer et agir. » (François Fillon, le 30 mai 2015 à Paris).


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Au cours de l’émission "Des paroles et des actes" diffusée en direct ce jeudi 24 septembre 2015 sur France 2 et animée par David Pujadas, le Premier Ministre Manuel Valls, qui en était l’invité principal, fut en particulier confronté en duel à son prédécesseur François Fillon. Ces deux personnalités nourrissent aujourd’hui, dans des contextes très différents, une ambition présidentielle crédible. La bataille fut courtoise mais sans concession. Manuel Valls se hollandise tandis que François Fillon se radicalise.


Débat Valls vs Fillon

Ce genre de duel télévisé est intéressant en communication politique et reste encore bien trop peu exploité par les médias, en dehors des traditionnels débats de second tour d’une élection présidentielle. Ces confrontations permettent un échange direct plus ou moins constructif entre deux personnalités éminentes qui prétendent diriger le pays. Ainsi, le débat entre Raymond Barre, alors Premier Ministre, et François Mitterrand, chef de l’opposition, le 12 mai 1977 sur TF1 (suivi par 28 millions de téléspectateurs !) ; le débat entre Laurent Fabius, Premier Ministre, et Jacques Chirac, chef de l’opposition, le 27 octobre 1985 sur TF1 ; le débat entre Alain Juppé, ministre éminent, et François Hollande, candidat investi par la primaire, le 26 janvier 2012 sur France 2 ; ou encore le débat entre Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Laurent Fabius, dans l’opposition, le 6 mars 2012 sur France 2.

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Le débat Manuel Valls versus François Fillon a été tout autant intéressant. Déjà, il faut admettre qu’il s’est tenu dans des conditions très courtoises, ce qui n’est plus forcément très fréquent en ce moment. Il marque également le retour dans les médias de François Fillon assez effacé depuis plusieurs mois.


Fillon, la course de fond

En effet, l’image de François Fillon a été assez écornée par son duel fratricide avec Jean-François Copé pour prendre le contrôle de l’UMP en 2012 et ses déclarations maladroites le 8 septembre 2013 sur Europe 1 sur l’éventuel choix au second tour entre un candidat du PS et un candidat du FN (« Je conseille de voter pour le moins sectaire. ») avaient suscité le doute chez ceux qui, jusque là, avaient reconnu en lui un homme hors de la "mode des pains au chocolat".

François Fillon avait déclaré sa candidature à l’élection présidentielle quasiment au début de l’été 2012. Depuis deux ans et demi, il est resté plutôt en retrait car il travaille sur son projet présidentiel et c’est reconnu qu’il est, des candidats de son camp, celui qui a le plus travaillé sur les idées, au cours de nombreuses tables rondes menées dans le cadre de son club "Force républicaine", bénéficiant d’un grand réseau de parlementaires et d’élus locaux.

En ce sens, François Fillon, pour la primaire, est le candidat qui a le plus d’atouts en théorie par rapport à ses concurrents des Républicains : il a un caractère beaucoup plus consensuel que Nicolas Sarkozy, il a un âge moins canonique que l’ancien Premier Ministre Alain Juppé, il a une expérience d’homme d’État beaucoup plus convaincante que Bruno Le Maire, il a une densité programmatique bien plus étoffée que Xavier Bertrand, etc.

Son seul handicap, lourd pour une élection présidentielle, c’est qu’il n’est pas parmi les favoris dans les sondages. Il joue plus la tortue que le lièvre, menant son bonhomme de chemin avec une cohérence que personne ne pourra lui ôter.


Le mou et le dur…

Dans son intervention en face de Manuel Valls, François Fillon a évoqué tous les problèmes que la France connaît, admettant d’ailleurs qu’ils ne datent pas seulement de 2012 et qu’il a lui-même une part de responsabilité dans ce qui arrive en ce moment. Sa réflexion a abouti à la nécessité d’un véritable choc psychologique. Il ne croit plus aux réformes modérées (ce qu’a finalement fait Nicolas Sarkozy) ou édulcorée (la méthode de François Hollande). Il considère qu’il faut un choc de compétitivité, rapide, des réformes accélérées sur cent jours. Et qu’il y a urgence.

Dans son préambule, il s’est étonné de ne plus reconnaître le Manuel Valls de 2009, celui qui était dans l’opposition, qui remettait en cause les 35 heures, qui proposait la possibilité de statistiques ethniques (ce qui est fondamentalement stupide), qui n’avait aucun tabou (comme Nicolas Sarkozy).

Ses amis Républicains pourraient regretter son manque de combativité au cours de cet échange télévisé, mais il s’était placé dans ce débat plutôt dans le sens de l’intérêt général, en prenant de la hauteur, sans égocentrisme. François Fillon n’a pas voulu critiquer le gouvernement de Manuel Valls (ce qui aurait été de bonne guerre) mais lui soumettre deux propositions.


Une intervention en Syrie ?

La première est de renforcer les fonds consacrés aux réfugiés de Syrie et d’Irak. Contrairement à la plupart de ses compagnons politiques, François Fillon a été fortement favorable à l’accueil des réfugiés (cela fait plusieurs années qu’il soutient activement les chrétiens d’Orient notamment) et trouve l’objectif de 30 000 réfugiés sur deux ans très peu ambitieux et peu convaincant alors qu’il y en a déjà 500 000 sur le territoire européen depuis le début de l’année.

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Dans cette question, il a évoqué la nécessité d’agir en amont, en détruisant le Daech, véritable menace pour la paix mondiale, en concentrant toutes les forces contre ces terroristes, en concertation avec la Russie (François Fillon s’est montré depuis quelques années assez proche de Vladimir Poutine) et sans exclure une alliance avec le régime syrien actuel.

Dans sa réponse, Manuel Valls a refusé toute intervention militaire au sol de la France, qui renforcerait la confusion et l’instabilité, et a refusé toute augmentation du nombre de réfugiés que la France peut accueillir.


Le vendeur de glaces

La seconde proposition de François Fillon, c’est de faire une réforme radicale du code du travail pour donner aux entreprises les moyens de retrouver leur compétitivité, avec plus de souplesse dans le marché du travail. François Fillon est même prêt à soutenir toute action du gouvernement en ce sens, et a rappelé que la loi Macron aurait un effet dérisoire sur l’économie française. Il a cité l’exemple du référendum consultatif pour 800 salariés sur le temps de travail chez Smart à Hambach, en Lorraine (et pas en Alsace comme il l’a situé), qui a eu lieu le 11 septembre 2015 où 56% ont approuvé le retour des 39 heures payées 37 heures avec garantie d’emploi jusqu’en 2020, mais les organisations syndicales ont fait obstruction.

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Manuel Valls a considéré que toute réforme radicale serait brutale et ne pourrait être acceptée par les Français. Il a d’ailleurs réduit le discours économique de François Fillon à une sorte de synthèse de Margaret Thatcher et de Gerhard Schröder. Il a cependant annoncé qu’à la suite du rapport sur le code du travail et la négociation collective fait par Jean-Denis Combrexelle et remis le 9 septembre 2015, il déposerait un projet de loi fin 2015 ou début 2016 pour réformer le code du travail en concertation avec tous les acteurs.

Tout en soutenant très vivement son Ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, présent sur le plateau, Manuel Valls a mis trois limites dans sa future tentative de réforme : conserver les 35 heures, ne pas supprimer le CDI (contrat à durée indéterminé) et ne pas supprimer le SMIC. Manuel Valls a également introduit dans ses propos le "vendeur de glaces" qui a deux employés et qui a plus de travail l’été que l’hiver (ce "vendeur de glaces" aura-t-il le même succès médiatique que le fameux …"plombier polonais" qui avait plombé le TCE ?). François Fillon a regretté que le gouvernement ne comprenne pas l’urgence à réformer.


À défaut d’inversion de courbe…

Pour l’anecdote, Manuel Valls n’a pas hésité à lancer quelques petits scuds contre son contradicteur, notamment qu’il ne publierait jamais un livre où il déverserait du ressentiment sur François Hollande, allusion au récent livre de François Fillon ("Faire", éd. Albin Michel, sorti le 21 septembre 2015) qui critiquait Nicolas Sarkozy qui l’avait nommé à Matignon (qui n’est pas un "enfer" pour Manuel Valls, trop content de diriger le pays). Quant à François Fillon, il a su citer une phrase de François Mitterrand : « La liberté est une rupture. » qui tient lieu de fil conducteur à ses propositions.

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Le duel entre François Fillon et Manuel Valls a donc montré une étrange inversion des rôles, inversion des caractères. Manuel Valls, considéré comme volontaire et "brutal", se serait "hollandisé" en ne proposant que des réformettes sans grande conséquence sur l’économie, de peur de mettre sa gauche dans la rue, tandis que François Fillon, avec une réputation tenace de mollesse, a avancé des propositions de "rupture" très "radicales" qui cassent cette image de manque d’audace (depuis 2012, François Fillon en n’a pas manqué en briguant la présidence de l’UMP et en se déclarant candidat).


Le conseil des ministres sur France 2

Ce débat terminait la très longue émission qui mettait en lumière l’action du Premier Ministre Manuel Valls. Je reviens donc sur le reste de cette émission qui, comme toujours, traîne en longueur (presque trois heures !), assez agaçante par la présentation de David Pujadas (qui se focalise souvent sur la surface des choses et pas sur l’essentiel), mais elle a l’avantage d’exister puisqu’elle est la seule émission politique sur une chaîne de télévision généraliste à la première heure d’écoute. N’est pas "L’Heure de Vérité" qui veut !

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Manuel Valls a fait venir dix-sept membres de son gouvernement sur le plateau, pour montrer qu’il a l’esprit d’équipe. Derrière lui, on voyait notamment Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Stéphane Le Foll, Marylise Lebranchu, Jean-Yves Le Drian, Emmanuel Macron, Ségolène Royal, Bernard Cazeneuve, Myriam El Khomri, Christiane Taubira, Michel Sapin, Pascal Kanner, George Pau-Langevin, Jean-Marie Le Guen, Harlem Désir, etc. (en l’absence de Fleur Pellerin qui assistait aux côtés de François Hollande à la "magnifique création de Benjamin Millepied" [chorégraphe] à l’Opéra de Paris). Ce qui a évidemment suscité quelques plaisanteries sur Twitter comme celle-ci : « Alerte : le conseil des ministres aura lieu le jeudi à 20h55. » ou encore : « David Pujadas pourrait-il laisser le conseil des ministres se dérouler normalement ? ».


Macronades au menu

Évidemment, Manuel Valls n’a pas eu beaucoup de chance dans sa prestation car des statistiques très mauvaises sur le chômage venaient d’être publiées quelques heures auparavant : 20 600 demandeurs d’emploi de la catégorie A supplémentaires en août 2015, ce qui a hissé le pays à son record historique de 3 835 100 demandeurs d’emploi de la catégorie A au 31 août 2015 (5 726 300 pour les catégories A, B et C).

Manuel Valls a dû s’expliquer aussi sur les propos d’Emmanuel Macron qui voulait revoir le statut des fonctionnaires (il l’avait recadré lors d’un discours le 20 septembre 2015 au congrès du PRG à Montpellier) et sur les propos de Martine Aubry qui avait dit son « ras-le-bol » des "macronades" au cours d’une conférence de presse le 23 septembre 2015 à Lille (il faut noter que Martine Aubry a brillé par son absence systémique du combat politique, ici électoral pour les régionales).


Les réfugiés syriens empêchent le sport des Allemands

Interrogé sur le nombre de réfugiés illusoire par rapport à la réalité, Manuel Valls a refusé d’aller plus loin que 30 000, seuil qui lui paraît compatible avec à la fois les difficultés économiques du pays et le devoir d’asile. Il a même critiqué l’Allemagne qui accueille bien plus de réfugiés en affirmant que 26 000 réfugiés ont été accueillis à Berlin, qu’ils sont logés dans des gymnases et que pour l’instant, il n’y a plus d’activité sportive (cette remarque est assez déconcertante mais n’a pas été relevée, celle de mettre dans la balance l’absence momentanée de sport et la protection de  la vie de milliers de personnes !).

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Petit moment d’émotion quand fut évoqué l’ancien ministre Bernard Stasi qui avait publié dans les années 1980 un livre qui a fait date : "L’Immigration, une chance pour la France".

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Manuel Valls a été interrogé par une étudiante niçoise, Feiza Ben Mohamed (au charme indiscutable !) qui s’occupe d’aider les réfugiés à Nice (l’an dernier, il y en a même eu plus sans l’écho médiatique d’aujourd’hui) et elle lui a demandé de renforcer les capacités d’accueil. Elle a insisté sur le fait qu’à l’origine, elle aidait les SDF français et qu’aider les réfugiés ne se faisait pas au détriment des Français en difficulté comme certains voudraient le faire croire pour se donner bonne conscience.


Combattre le FN ?

Sur les élections régionales, Manuel Valls a refusé de dire qu’il demanderait le désistement de la liste socialiste aux régionales dans la région Nord si elle arrivait en troisième position et si son maintien précipitait l’élection de Marine Le Pen à la tête de la région, mais il l’a pensé très fort en affirmant que ce serait un comble que l’année 2015 commençât par les attentats de "Charlie Hebdo" et terminât par la victoire du FN.

Il a juste rappelé sa règle de conduite qui tient à trois points : 1° tout faire pour empêcher la victoire du FN ; 2° rassembler la gauche car seule, son unité peut empêcher la débâcle ; 3° demander à la droite de garder l’esprit de responsabilité pour ne pas courir après les idées du FN. Il a d’ailleurs rendu hommage au sens des responsabilités de certains maires d’opposition, comme Alain Juppé (Bordeaux), François Bayrou (Pau) et Gaël Perdriau (Saint-Étienne).


Le premier à se prendre au sérieux

Manuel Valls n’a pas caché que son ambition était de transformer la gauche sur deux sujets importants : la sécurité et l’autorité, qu’il considère comme des valeurs de gauche (pourquoi parler toujours de gauche et pas du pays tout entier ?) et sur le rapport de la gauche aux entreprises qui concourent à l’enrichissement du pays (on ne peut pas distribuer sans auparavant avoir des entreprises qui font du profit).

La dernière partie de l’émission, consacrée aux réseaux sociaux sur Internet et à un sondage immédiat, était particulièrement lamentable de la part des organisateurs de l’émission, sorte d’égo-nombrilisme du monde médiatique où l’on parle de ceux qui parlent de soi !

Manuel Valls s’est montré rabat-joie, sans autodérision, une absence de sens de l’humour en refusant de lire une plaisanterie contre lui (sans aucun intérêt d’ailleurs) et en rappelant qu’il ne rigolait pas car la France est sur le fil du rasoir, qu’il y a de la générosité comme l’ont démontré les manifestations du 11 janvier 2015, mais qu’il y avait aussi beaucoup de peurs et de frustrations qui pouvaient mener au pouvoir des mouvements populistes extrémistes, ce qui l’a fait conclure ainsi : « Peur, jamais ! Engagement, toujours ! ».

Enfin, le sondage sur l’effet de l’émission était aussi laborieux qu’inutile, puisque la conclusion de cette enquête d’opinion a été : cette émission n’a entraîné aucun effet sur l’opinion des sondés sur les capacités à convaincre et à gouverner. C’était bien la peine d’utiliser tous ces verbiages inutiles pour enfoncer une porte ouverte.


L’ambition de Valls

En résumé, j’ai senti Manuel Valls plus sur la défensive que dans une maîtrise complète de son agenda politique. Sa cote de popularité chute alors que celle d’Emmanuel Macron (pourtant si contesté à gauche) est au beau fixe (même chez les militants de gauche !). Emmanuel Macron, pas moins ambitieux que le chef du gouvernement, qui aurait confié à Alain Minc son intention de se présenter un jour à l’élection présidentielle, serait en quelques sortes un nouveau Jacques Delors, hors de l’appareil du PS dont il ne comprend rien mais apprécié pour sa franchise (« Je dis ce que je pense et je pense ce que je dis ! » revendiquait-il le 20 septembre 2015).

On pourrait penser que Manuel Valls serait sur la même niche politique mais je ne le crois pas, d’autant plus que ce serait Manuel Valls qui aurait insisté pour qu’il fût nommé à Bercy après l’éviction de son prédécesseur Arnaud Montebourg (qui, depuis, a pris des cours d’économie pour savoir ce qu’étaient des entreprises, dommage qu’il ne les a pas suivis avant de devenir ministre !). Il voulait une personnalité compétente à ce poste crucial.

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Plutôt que d’être comparé à Nicolas Sarkozy (par son énergie et son ambition obsédante), je crois qu’il pourrait être comparé à Jacques Chirac qui a été surtout très pragmatique sur le fond à l’exception d’un seul point, les valeurs républicaines. Or, il est incontestable que Manuel Valls a des convictions sur la défense des idées républicaines, et son discours à l’Assemblée Nationale le 13 janvier 2015 a été salué par toute la classe politique. Mais uniquement sur ce sujet-là.

Sur les autres sujets, et en particulier économique et sociale, il a prouvé que les idées exprimées dans l’opposition (TVA sociale, retour des 39 heures, etc.) n’étaient que des postures politiciennes pour prendre marque au cours de la primaire socialiste d’octobre 2011 mais ne correspondait pas à son action à la tête du gouvernement. L’ambition de Manuel Valls, ce n’est pas d’être contraint à rester dans l’aile sociale-libérale du PS, c’est de prendre la tête du PS en 2017 et par conséquent, être en capacité de rassembler tout ce parti pourtant très hétérogène sur les idées. En ce sens, il se hollandise pour chercher à faire la synthèse sur des positions pourtant inconciliables, et le résultat inéluctable, c’est l’immobilisme malgré le dynamisme de vitrine.

Ce n’est donc naturellement pas une simple émission de télévision qui rendra la cohérence à l’action de ce gouvernement qui cherche toujours sur sa gauche des appuis qu’il trouverait pourtant plus aisément au centre droit…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’ambition en politique.
François Hollande.
Manuel Valls.
François Fillon.
Emmanuel Macron.
Tout est possible en 2017…
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.


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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150924-valls-fillon.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/valls-versus-fillon-l-inversion-172257

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/09/25/32683214.html


 

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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 01:51

« Rocard vous brode et vous saoule d’interminables discours, incompréhensibles et bousculés, que vous vous jugerez incapable d’interrompre pour en demander le sens. Bizarre qu’un homme qui prétend parler vrai, et en tire gloire, le fasse en des termes si obscurs. » (Philippe Alexandre dans "Paysages de campagne", 5 octobre 1988).


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C’est son dernier mandat et toujours en cours, nommé par le Président Nicolas Sarkozy le 18 mars 2009 "ambassadeur de France chargé de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique". Retour sur l’héritier du mendésisme et le mentor d’origine de l’actuel Premier Ministre Manuel Valls.

Dans la série des anniversaires symboles, voici Michel Rocard qui fête son 85e anniversaire ce dimanche 23 août 2015. Un anniversaire que je lui souhaite de tout cœur joyeux pour un homme modéré, raisonnable et dynamique qui a été, contrairement à son collègue socialiste Jacques Delors, un véritable "animal politique".

Fils et père de physiciens réputés (Yves Rocard et Francis Rocard), Michel Rocard est un peu comme Michel Debré, un Premier Ministre dans une famille républicaine de scientifiques, physiciens pour le premier, médecins pour le second. Durant ses brillantes études (IEP Paris et ENA), il fut le condisciple notamment de Jacques Chirac, de Bernard Stasi, de Robert Pandraud et aussi de Jacques Andréani (ambassadeur qui vient de disparaître le 25 juillet 2015).

Michel Rocard s’est consacré entièrement à la vie politique et à la montée vers le pouvoir, caractérisée essentiellement par une véritable haine réciproque de François Mitterrand qui a tout fait pour lui barrer la route de l’Élysée, quitte à le nommer à Matignon ou, pire, à favoriser une liste de centre gauche aux élections européennes du 12 juin 1994 dirigée par …Bernard Tapie ! Candidat marginal à l’élection présidentielle à 38 ans (en 1969), il échoua de l’être avec une grande chance de gagner en 1981, 1988 et 1995 et était même prêt à remplacer Ségolène Royal en 2007 !

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Heureusement que François Mitterrand était là et irresponsable. Privilégiant les petits calculs d’arrière-boutique politicienne, François Mitterrand ne se préoccupait pas de l’intérêt général, et c’est pour cette raison, paradoxalement, que Michel Rocard fut (heureusement) nommé Premier Ministre du 10 mai 1988 au 15 mai 1991 : « Rocard n’a ni la capacité ni le caractère pour cette fonction. Mais, puisque les Français le veulent, ils l’auront. En revanche, c’est moi qui ferai le gouvernement. » (propos rapporté par Jacques Attali dans "Verbatim" en 1995).

Le magazine "Le Point" n’était pas non plus avare de critiques contre la gouvernance de Michel Rocard : « Il parle comme Pierre Mendès France, il gouverne comme Henri Queuille et veut faire croire qu’il est le successeur de Pinay. » (19 juin 1989).

C’est un peu injuste, car comme Pierre Mendès France avec l’Indochine, Michel Rocard a mis toute son énergie à en finir avec la crise en Nouvelle-Calédonie en favorisant un accord entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur (les accords de Matignon furent signés le 26 juin 1988).

Il fut aussi le créateur du RMI (revenu minimum d’insertion) instauré le 12 octobre 1988 et voté à l’unanimité au Palais-Bourbon, et de la très controversée CSG (contribution social généralisée) adoptée à l’Assemblée Nationale le 19 novembre 1990 à 5 voix près, les communistes ayant décidé de joindre leur vote à la motion de censure déposée par l’UDF et le RPR.

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Je ne m’étendrai pas ici sur le bilan de sa très longue carrière politique et en particulier de ses deux gouvernements qui ont joui d’une belle période de prospérité comme sous le gouvernement de Lionel Jospin, plus grâce à la conjoncture internationale qu’à leur propre politique économique. Période qui leur a permis une belle popularité au pouvoir mais pas assez pour atteindre la magistrature suprême.

Lionel Jospin, qui est un grand comique quand il s’exprime dans la presse écrite, avait d’ailleurs tout de suite compris de quelle farine il était fait : « Rocard est un giscardien qui s’ignore. Giscard est un rocardien qui a réussi. » ("VSD" du 28 juin 1979).

On aurait bien imaginé un gouvernement dirigé par Michel Rocard dès mars 1978, nommé en cohabitation par un Président Valéry Giscard d’Estaing qui se serait éloigné à Rambouillet. L’histoire a cependant voulu que la gauche, la nouvelle comme l’archaïque, perdît encore une fois les élections en 1978. Ce qui a donné le fameux congrès de Metz et finalement, la victoire définitive de François Mitterrand sur Michel Rocard qui solda les comptes seize ans plus tard, le 12 juin 1994 avec un score historiquement bas du PS (14,5%) concurrencé par la liste de Bernard Tapie (12,0%). Un véritable cataclysme pour le rocardisme révolutionnaire qui le fit renoncer à la candidature élyséenne.

Et justement, il avait dirigé la liste socialiste tout simplement parce qu’il était le patron du PS. C’était, après Matignon, son second bâton de maréchal : Premier secrétaire du Parti socialiste du 3 avril 1993 au 19 juin 1994, ramassant à la petite cuillère un parti laminé par la grande débâcle des élections législatives de mars 1993 (qui a probablement coûté la vie à Pierre Bérégovoy) et il fut le premier chef du PS à être élu par l’ensemble des adhérents le 24 octobre 1993.

Ce fut donc du vivant de François Mitterrand que la proie a lâché prise : démission de Michel Rocard de la tête du PS, et renoncement à ses ambitions présidentielles l’année suivante (voile pendant l’été, sa passion). Le 19 juin 1994, Henri Emmanuelli fut élu premier secrétaire du PS par le conseil national de la Villette avec 140 voix grâce au soutien de Laurent Fabius, contre 64 en faveur de son concurrent… Dominique Strauss-Kahn. Cette désignation fut confirmée sans concurrence le 20 novembre 1994 au congrès de Liévin (c’est amusant, au PS, "on", à savoir les adhérents, élit le chef toujours plusieurs mois après sa désignation par une instance dirigeante).

Je saisis l’occasion ici de raconter une petite anecdote alors que Michel Rocard était le chef du PS.

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J’ai toujours été centriste et je n’ai jamais été socialiste. Je ne me suis jamais senti de gauche malgré la proximité de personnalités, comme Pierre Mendès France, Michel Rocard et Jacques Delors pour lesquelles non seulement j’ai beaucoup d’estime et de sympathie mais avec lesquelles je partage un certain nombre de valeurs politiques essentielles. Mais je n’ai jamais voulu me sentir de gauche pour la raison simple que le discours habituel (pas celui des personnes que je viens de citer) est d’évoquer à chaque phrase un "peuple de gauche" aussi mythique qu’inexistant. Pour moi, il n’y a qu’un seul peuple, le peuple français et je ne pourrais jamais accorder mon soutien ou mon vote à un responsable prêt à sectoriser ainsi le peuple (la République étant une et indivisible).

Cela bien précisé au départ, venons-en au fait. Je crois que c’était en automne 1993 (en septembre ou octobre 1993), à une époque où l’on pouvait encore me considérer (raisonnablement) comme un jeune. J’habitais alors à Grenoble. Mon petit réseau local m’avait averti que Michel Rocard allait assister en personne au comité directeur de la fédération PS de l’Isère puis tenir un meeting en soirée. Visite classique d’un chef national d’un parti pour passer en revue ses troupes et surtout, leur donner de la reconnaissance.

L’Isère, terre aride pour les socialistes de l’époque en raison de l’omniprésence d’Alain Carignon alors que la ville et le département étaient sociologiquement de gauche, de cette seconde gauche, moderne et pragmatique. Hubert Dubedout fut le maire historique de la seconde gauche (1965-1983), et Pierre Mendès France y a même été candidat aux législatives, élu le 12 mars 1967 après un mémorable débat le 27 février 1967 avec Georges Pompidou, alors Premier Ministre, mais battu de justesse le 30 juin 1968 (avec un écart de 132 voix) par Jean-Marcel Jeanneney, pourtant assez proche des idées de Pierre Mendès France.

Comme on m’avait indiqué l’heure et le lieu du comité directeur (dans une salle municipale), j’ai pris l’audace de m’y rendre alors que je n’étais même pas membre de ce parti (et que je ne serais jamais). L’idée était surtout de rencontrer Michel Rocard pour avoir une idée plus précise de la personne. En fait de comité directeur, ce n’était pas vraiment une réunion formelle. Tout le monde était debout autour d’un pot. J’ai donc pu m’y ajouter assez discrètement en me fondant avec les autres (nombreuses) personnes qui étaient venues, elles aussi, le rencontrer.

Les cocktails sont toujours l’occasion de se comprendre passe-muraille. En tout cas, pour les responsables locaux qui ne m’avaient pas remarqué. Et puis, soudain, j’ai vu Michel Rocard sortir précipitamment d’une petite pièce qui lui avait permis quelques discrètes discussions, il a commencé à serrer beaucoup de mains et je voyais bien qu’il le faisait contraint et forcé, au contraire d’une personne comme Jacques Chirac qui adore sincèrement le contact humain. C’est clair, Michel Rocard est un cérébral et se plaît mieux à disserter de concepts abstraits qu’à tâter une vache au Salon de l’Agriculture. Sa mine était assez crispée, fatiguée, le front plissé comme s’il était préoccupé à vie.

Sans le faire exprès, je me suis trouvé sur son chemin (il se dirigeait en fait vers la sortie), et quand il m’a vu, son visage s’est détendu, s’est illuminé et l’œil redevenait brillant, il m’a serré la main comme s’il avait vu en moi l’avenir de la gauche française. Je lui ai juste souri et je me suis bien gardé de le décevoir durant cette petite minute anodine. Je n’ai évidemment pas osé dire que j’étais en territoire adverse, mais j’ai eu juste l’impression d’un certain …manque de discernement !

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Cela dit, même s’il avait su la nature de mes propres engagements, il m’aurait volontiers serré la main car il est une personne particulièrement ouverte. Il avait d’ailleurs montré beaucoup de compréhension à la campagne présidentielle de François Bayrou en 2007, considérant en effet qu’il était temps d’en finir avec le stérile et artificiel bipartisme gauche/droite (et que Jacques Delors n’a pas osé proposer en 1995).

Ce besoin d’un compromis politique, il l’a encore rappelé très récemment, en présentant son dernier livre "Lettre aux générations futures, en espérant qu’elles nous pardonneront" (éd. Bayard, paru le 26 mars 2015) : « La France prend plaisir à s’entredéchirer. Ce qui paralyse la décision politique et aggrave les choses. (…) Nous sommes une nation douée d’un formidable goût pour le verbe politique et qui ne reconnaît pas du tout la noblesse du compromis. Or, il y a deux moyens de régler une difficulté avec quelqu’un : l’anéantir ou passer un compromis. La France se satisfait d’une politique politicienne bavarde, sectaire, bruyante et intolérante ! » ("Notre Temps" n°547, le 11 juin 2015).

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C’est même d’un compromis planétaire dont on aurait besoin, selon lui : « Nous nous trouvons face à trois problèmes : la régulation de la production de richesses, celle de la circulation de l’argent et les menaces écologiques. Tous ces défis planétaires renvoient les hommes à leur aptitude à réguler leurs activités, à trouver un équilibre, à établir des seuils à ne pas dépasser. Cela nous interroge sur notre capacité en tant qu’humanité à nous organiser et à prendre des décisions ensemble. » (11 juin 2015).

Pourtant, son successeur en titre, Manuel Valls, a montré au congrès de Poitiers, qu’il resterait assurément dans cette logique bipolaire : son objectif est de conquérir le PS en 2017 pour conquérir l’Élysée en 2022. Pas sûr que Michel Rocard, qui a toujours gardé sa liberté d’expression, puisse vraiment l’aider dans ce qui ne serait qu’une aventure personnelle…

« Aussi longtemps que le discours politique sera un bavardage sans rapport avec la réalité, nous n’en sortirons pas ! Là réside mon inquiétude. » (Michel Rocard, 11 juin 2015).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 août 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le congrès de Metz.
Rocard et la Libye.
Rocard et Ouvéa.
Rocard roule pour Delanoë.

_yartiRocard2015A06


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150823-rocard.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/michel-rocard-ambassadeur-chez-les-170420

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/08/23/32439269.html



 

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30 mars 2015 1 30 /03 /mars /2015 06:32

Un mauvais moment à passer pour le PS, et ça repart pour le gouvernement Manuel Valls, comme si rien ne s’était passé !
 

 

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L’Allier perdu, l’Essonne perdue, la Seine-et-Marne perdue, le Nord perdu, la Corrèze perdue, les Bouches-du-Rhône perdues, l’Isère perdue… il n’y a pas beaucoup de motifs de satisfaction pour la gauche au soir du second tour des élections départementales du 29 mars 2015. Si, un seul, la Lozère qui a basculé à gauche. La Meurthe-et-Moselle et l’Ille-et-Vilaine ont bien résisté aussi et ne basculent pas. En tout, la gauche perd 25 départements au profit de l’alliance du centre et de la droite. Cette dernière peut espérer gérer 66 départements contre 34 pour la gauche, soit deux tiers/un tiers. Le FN, lui, parce qu’il a été incapable d’avoir des alliances, ne pourra gérer aucun département.

L’abstention a été de 50,02%, soit un peu plus forte qu’au premier tour du 22 mars 2015 (49,83%) mais nettement inférieure au second tour des élections cantonales du 27 mars 2011 (55,23%).

Les chaînes de télévision ont peu relayé les résultats pendant la soirée électorale, les films, documentaires et même matchs sportifs s’entrechoquaient et passaient largement devant cette consultation électorale. Et lorsqu’elles traitaient de ces élections, les mêmes clichés verbeux journalistiques, injustifiés, comme, par exemple, parler du département de l’Essonne comme le "fief du Premier Ministre" ce qui est faux, la ville d’Évry, oui, c'est son fief, mais certainement pas le département car Manuel Valls n’y a jamais été implanté puisque c’était la tendance "gauche de la gauche" ou "frondeuse" qui avait la pouvoir sous la présidence de Jérôme Guedj (ancien député remplaçant François Lamy lorsqu’il fut ministre entre 2012 et 2014).


L’UMP, l’UDI et le MoDem

L’alliance de la droite et du centre a été la grande gagnante du scrutin. On aurait pu déjà l’imaginer dès le premier tour mais le second fut encore plus démonstratif dans la victoire électorale. En nombre de voix, la coalition a remporté 44,98% et 66 départements.

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Le président de l’UMP Nicolas Sarkozy a évidemment des raisons de s’en réjouir personnellement puisqu’il avait fait campagne sur le terrain pendant plusieurs semaines pour aboutir à ce résultat : « Nos candidats ont montré que nos idées pouvaient l’emporter partout, y compris dans les départements dirigés par la gauche depuis des décennies. (…) Du gouvernement aux exécutifs des départements, c’est le déni, l’impuissance qui a été sanctionnée. Le Président de la République a décidé d’ignorer le message des Français. Ils se souviendront de cette marque de mépris pour les régionales. (…) Dans les départements dirigés par notre majorité, nous mettrons en place la fin des dépenses publiques inutiles, maîtrise des impôts, fin de l’assistanat, priorité au développement économique. (…) Nous allons accélérer la préparation d’un projet républicain d’alternance, condition absolue pour redresser notre pays et enrayer le déclin dans lequel l’ont plongé trois années du socialisme le plus archaïque d’Europe. L’espoir renaît pour la France. La route sera longue, difficile, mais l’alternance est en marche. Rien ne l’arrêtera ! » (29 mars 2015).

Par fin de l’assistanat, il faut comprendre notamment les procédures d’attribution du RSA (même si ces procédures ne dépendent en fait pas des départements). Le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy, a expliqué par exemple le 29 mars 2015 que dans sa ville de Seine-Saint-Denis, le nombre d’allocataires du RSA est passé de 3 000 en 2012 à 4 000 en 2015 et seulement cinq personnes ont été affectées par le conseil départemental pour gérer, suivre et accompagner autant d’allocataires, ce qui n’est pas sérieux.

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Si Nicolas Sarkozy peut s’estimer avoir gagné une longueur d’avance sur ses rivaux de la future primaire de 2016, c’est quand même bien la stratégie de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé et de François Bayrou qui a été plébiscitée au cours de ce scrutin, à savoir de réaliser dès le premier tour l’alliance entre la droite et le centre sans laquelle le FN pèserait bien plus lourd.


Le PS et ses alliés à gauche

Le désastre électoral annoncé a bien eu lieu. Perdant la majorité dans plus de la moitié des départements où elle était majoritaire avant 2015, la gauche connaît l’une de ses défaites historiques sous la Ve République. En nombre de voix, l’ensemble de la gauche n’a rassemblé que 32,12%, ce qui reste très faible et même inférieur au premier tour (le PS était éliminé dès le premier tour dans 524 cantons).

Très habile en communication, le Premier Ministre Manuel Valls a pris la parole seulement quelques minutes après 20 heures, avant d’avoir des résultats précis de ce scrutin. C’est un véritable aveuglément qui a caractérisé ses propos puisqu’il a surtout insisté sur le fait qu’il resterait à Matignon et a même développé son agenda futur en prononçant quasiment un discours de politique générale assez hors sujet pour des élections départementales et complètement décalé par rapport à la vie réelle : « Notre économie va bien. (...) Les premiers signes de la reprise sont là ! ».

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Il peut même bénéficier d’une relative indulgence de la part de l’électorat comme l’a expliqué Jean-Daniel Lévy, de Harris Interactive, le 29 mars 2015 sur BFM-TV : à l’issue du second tour des élections municipales du 30 mars 2014, 78% des sondés auraient réclamé la démission du Premier Ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, tandis qu’aujourd’hui, 57% des sondés seraient favorables au maintien de Manuel Valls à Matignon.

De toute façon, on imagine mal quel successeur pourrait nommer François Hollande alors que Manuel Valls, sans doute futur concurrent, lui est aujourd’hui indispensable pour suppléer la mollesse de sa gouvernance.

De plus, Manuel Valls peut également goûter au fait qu’aucune option à sa gauche est aujourd’hui électoralement possible puisque le désaveu électoral a atteint également les "frondeurs" du PS, le Front de gauche, les communistes (qui perdent l’Allier) et des départements gérés par des sceptiques du vallsime, comme Arnaud Montebourg (Saône-et-Loire) et Laurent Baumel (Indre-et-Loire) ont basculé au centre et à la droite.

On peut évidemment imaginer la colère d’un Jérôme Guedj qui a tout perdu en un an, mais qui se trompe sans doute de cible en se focalisant sur Manuel Valls alors que son camarade Julien Dray, qui a pourtant contribué à le faire "roi" il y a quelques années, ne l’a pas ménagé en disant qu’on ne le voyait pas assez s’occuper du terrain dans l’Essonne et aller un peu trop souvent parader à la télévision…

Ce qui est assez curieux, c’est que de cette gifle monumentale, les militants de la gauche du PS concluent que le gouvernement devrait faire une politique plus à gauche alors que le scrutin montre au contraire que la France se décale beaucoup plus vers la droite (qu’on le regrette ou pas, c’est un fait électoral) et toutes les offres "alternatives" à gauche (Front de gauche, écologistes, etc.) ont été sévèrement désavouées par les électeurs, soit qu’elles n’ont pas convaincues, soient qu’elles n’ont pas suscitées l’envie des abstentionnistes.


Le FN

Le Front national tablait entre les deux tours à l’élection de plus d’une centaine de conseillers départementaux et même à l’obtention d’une majorité (relative) dans deux départements, l’Aisne et le Vaucluse. Finalement, il n’en a rien été. Le FN a remporté en tout (avec le premier tour) seulement 31 cantons (soit 62 élus) sur les 2 054 cantons que compte la France. En voix, le FN n’a recueilli que 22,23% au second tour, mais les scores du second tour ne sont évidemment pas comparables à l’influence réelle puisqu’il y a beaucoup de candidats éliminés dès le premier tour.

Marine Le Pen a donc de quoi être très déçue et cela s’est beaucoup ressenti dans son allocution beaucoup moins (faussement) souriante qu’au soir du premier tour. D’ailleurs, elle a même renoncé à demander la démission de Manuel Valls, tout en cherchant à rappeler qu’il y a eu une collusion UMPS pourtant peu crédible après cette déroute du PS (l’UMP ayant prouvé qu’elle était la première force capable efficacement de s’opposer au PS).

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Dans 4 départements (Vaucluse, Aisne, Pas-de-Calais et Gard), aucune majorité absolue ne s’est dégagée à gauche ni au centre et à droite au conseil départemental et les élus FN pourraient faire l’arbitre. Mais la situation pour le 2 avril 2015 (élection des exécutifs) semble moins évidente pour le FN : en effet, Laurent Wauquiez a rappelé dès le 30 avril 2015 sur BFM-TV que l’UMP proposerait que la règle démocratique joue, à savoir que ce soit la coalition qui a la majorité relative qui remporte la présidence du conseil départemental. Et en cas d’ex-aequo (par exemple, le Vaucluse), ce sera le candidat à la présidence qui sera le plus âgé qui devrait l’emporter. Une telle règle devrait satisfaire le PS qui en bénéficierait. Ainsi, aucun des deux grands partis ne ferait alliance avec l’autre, mais sans non plus tomber dans le piège d’une collusion avec le FN. Toutefois, sans majorité absolue et avec un pouvoir de nuisance fort des élus FN, certains départements seront difficilement gérables, notamment lorsqu’il s’agira de voter le budget. La réunion du bureau politique de l’UMP ce lundi 30 avril 2015 donnera une indication sur la position officielle de ce parti.


Les enjeux futurs

Tous les opposants au PS lui ont déjà donné rendez-vous aux élections régionales de décembre 2015. Là encore, la déroute risque d’être nette d’autant plus que la gauche gère actuellement la quasi-totalité des régions et que la réforme territoriale a engendré bien des crispations.

Si le FN a de quoi être déçu à l’issue du second tour, il est incontestable qu’il a montré sa capacité d’implantation sur tout le territoire national, ce qui peut donc être considéré comme une victoire, pas pour les départementales, mais dans l’objectif de 2017, celui de s’imposer à ce que Le Pen père qualifie d’etablishment, (le FN faisant partie cependant de cet etablishment depuis au moins trente ans).

Pour l’UMP, l’UDI et le MoDem, au-delà de cette victoire dans 66 départements, c’est aussi une nouvelle génération (forcément plus féminine) qui arrive dans la vie politique et qui sera amenée, sans doute, à se retrouver aux avant-postes des élections législatives de juin 2017. Le renouvellement de la classe politique est donc en cours, et pour paraphraser l’un des gagnants, rien ne pourra l’arrêter !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les départementales au second tour.
Les départementales avant le second tour.
Résultats du premier tour des départementales du 22 mars 2015.
Départementales 2015 : le pire n'est jamais sûr.
Les 4 enjeux nationaux des élections départementales de mars 2015.
La réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 mai 2013.
Le référendum alsacien.
Élections municipales des 23 et 30 mars 2014.
Élections européennes du 25 mai 2014.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Les dernières élections cantonales des 20 et 27 mars 2011.
Se désister au second tour ?
Le FN au Sénat.
L’auto-enfermement de Manuel Valls.
Changement de paradigme.
Le ni-ni Doubs.
Tout est possible en 2017.
Mathématiques militantes.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150330-departementales.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/departementales-2015-la-deroute-165492

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/03/30/31783177.html




 

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27 mars 2015 5 27 /03 /mars /2015 06:57

La nette avance de l’UMP et de ses alliés centristes de l’UDI et du MoDem devrait leur permettre de conquérir ou reconquérir de nombreux conseils départementaux. Mais l’ombre du FN plane toujours sur ce scrutin…

 

 

 

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Avec les statistiques, on peut toujours tout démontrer, c’est sûr. Que ce soit pour les demandeurs d’emploi (12 800 demandeurs d’emploi supplémentaires en un mois de la catégorie A annoncés le 25 mars 2015) ou pour les électeurs, il suffit de prendre la pente, la comparaison avec la fois précédente, la comparaison avec ce qui avait été prévu, en absolu, en relatif, par rapport aux suffrages exprimés, par rapport aux inscrits, et on trouvera toujours un ou deux éléments numériques qui illustreraient l’idée qu’on voudrait développer.


Des résultats sans ambiguïté

Un tout petit plus que la moitié des inscrits se sont déplacés pour le premier tour des élection départementales, la participation du 22 mars 2015 a été de 50,17% et avec les appels à l’abstention ou au vote blanc dans certains cas, la mobilisation d’abstentionnistes pour le second tour dans d’autres cas, la participation restera une inconnue du second tour. Les votes blancs au premier tour ont atteint 3,29% des votants (703 879 bulletins). Il sera intéressant de voir si cette proportion progresse considérablement au second tour (probablement).

Les résultats définitifs du premier tour des élections départementales publiés par le Ministère de l’Intérieur dès le 23 mars 2015 pourraient paraître assez confus car ils différencient toutes les sortes de configurations. Comme chaque canton avait des candidatures binômes, il pouvait y avoir, à droite, au centre ou à gauche, des mélanges de plusieurs partis, des couplages de formations différentes. Même pour le Front national puisqu’il s’est senti obligé d’ériger une coquille vide avec un "Rassemblement bleu marine" qui sera peut-être même le nom officiel du FN quand le père aura quitté la vie politique.

Les zélateurs du FN voudraient croire que leur parti serait premier au premier tour si l’on ne prenait en compte que le décompte des partis. Ils prendraient par exemple le total "Binôme Union de la Droite" (20,88%) pour le comparer au total "Binôme Front national" (25,24%), mais on voit bien que cela ne tient pas beaucoup la route puisque, dans ce cas, ils laisseraient de côté le total "Binôme Union pour un mouvement populaire" (6,58%). Le minimum intelligible à faire pour comparer FN et UMP, c’est évidemment au moins de comptabiliser les deux, soit 27,46%, soit supérieur au score du FN ou même à celui de l’extrême droite en général (qui totalise 25,90%). De même, il est tout aussi impossible d’évaluer l’audience électorale de l’UDI seule, puisqu’elle a présenté 700 candidats mais seulement 127 ont été étiquetés UDI seule (ainsi que le MoDem, sur 342 candidats, une cinquantaine seulement sous l’étique seule du MoDem). La même analyse pourrait se faire avec le PS qui, seul, a obtenu 13,30% auquel il faut ajouter ses alliances à gauche (8,17%) soit 21,47%.

Il est donc vrai d’affirmer que le FN n’est pas le premier parti de France. D’autant plus que tous les Français n’étaient pas appelés à voter pour ces élections départementales, puisque Paris, l’agglomération de Lyon ainsi que la Martinique et la Guyane ont d’autres formes de gouvernance que le conseil départemental, des territoires peu favorables au FN lors des précédentes élections.


Un scrutin qui nécessite des alliances pour gouverner les départements

Il reste que la logique politique du décomptage doit évidemment résider dans la capacité de créer des majorités au sein des conseils départementaux (revenons aux fondamentaux de ces élections) et que seuls comptent pour la compréhension les résultats de l’alliance entre l’UMP, de l’UDI et du MoDem appelés à gérer ensemble les exécutifs départementaux s’ils ont obtenu la majorité, et cette coalition a recueilli l’appui de 29,40% des suffrages exprimés. Notons par ailleurs que cette coalition est appelée généralement à travailler également avec des élus divers droite qui, parfois, ont été soutenus par celle-ci, et qui ont obtenu 6,81%, ce qui lui donne une assise électorale clairement plus importante que le FN.

D’ailleurs, c’est la question qui devrait revenir plus généralement à propos du FN mais souvent éludée : le FN veut diriger les départements, mais avec qui compte-t-il donc les diriger alors qu’il ne représente qu’un quart de l’électorat et qu’aucune autre formation politique ne souhaite (heureusement) gouverner avec lui ?


Le FN de 2015, même destin que le PCF de 1945 ?

Certes, une fois dit cela, à savoir que le pari de Marine Le Pen d’être le premier parti de France (à grand renfort d’affiches électorales) a été perdu, il n’en demeure pas moins que le FN, avec 5 142 177 voix, a fait mieux qu’aux élections européennes (24,8% et 4 712 461 voix) même si, en nombre de voix, il a fait beaucoup moins qu’à l’élection présidentielle (Marine Le Pen avait recueilli 6 421 426 voix le 22 avril 2012). L’implantation locale du FN est donc incontestable, notamment dans les zones rurales qui ont donné des scores parfois très élevés au FN.

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Sans autre allié pour gouverner, le FN a beaucoup de probabilité de devenir ce que le Parti communiste français fut pendant une trentaine d’années après la guerre, un parti très implanté localement, assez puissant au niveau national mais inévitablement dans l’opposition en raison de l’absence d’allié majeur (François Mitterrand a rompu l’isolement du PCF avec le programme d’union de la gauche en 1972). Entre 1945 et 1978, le PCF oscillait entre 20% et 25% aux élections législatives avec une pointe à 28,3% aux élections du 10 novembre 1946, sacré premier parti de France avec 182 députés élus sur 627. Cette forte audience se traduisait dans tous les scrutins, comme les élections cantonales des 24 septembre et 1er octobre 1967 (qui renouvelaient la moitié des cantons) avec 26,4% au premier tour (première place) et l’élection de 97 conseillers généraux sur 1 517 et de deux présidents de conseils généraux.


Les élus du premier tour et les configurations du second tour

Sur les 4 108 sièges à pourvoir, 298 ont déjà été gagnés dès le premier tour, en particulier : 8 pour le FN (essentiellement là où le FN avait gagné des municipalités en mars 2014), la droite et le centre 220 (dont 10 UDI seuls, 38 UMP seuls, 116 UMP-UDI-MoDem, et 56 divers droite), et la gauche 64 (dont 2 PRG, 4 PCF, 24 PS seuls, 14 Union de la gauche avec le PS, et 18 divers gauche).

Dans 524 cantons (soit 1 048 sièges), le PS a été éliminé dès le premier tour, ce qui permet de dire, par exemple, que le département du Nord est perdu pour le PS. Le FN a été en tête dans 43 départements et est présent au second tour dans 1 114 cantons, parfois dans la totalité des cantons restant à pourvoir, comme dans le Var.

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Il devrait donc y avoir au second tour 328 triangulaires (en présence, dans 255 cantons, d’un candidat FN) et 1 577 duels dont : 663 droite et centre/gauche, 284 FN/gauche, et 532 FN/droite et centre (d’autres configurations sont possibles mais sont peu nombreuses). Ces informations (sous réserve) peuvent être un peu différentes de la réalité quand par exemple un candidat a jugé pertinent, entre temps, de se désister pour éviter une triangulaire qui favoriserait le FN.


Positions et postures du second tour

Dans les consignes de vote (j’aurais plutôt tendance à parler de "conseils" de vote) pour le second tour, dans le cas où une coalition ou un parti n’est pas présent au second tour, il peut y avoir une certaine confusion.

Le FN n’a donné aucune consigne de vote dans le cas d’un duel UMP et alliés/PS et alliés. Le député Gilbert Collard (FN) n’hésite pas pourtant à clamer vouloir faire barrage à la gauche (je rappelle qu’il a été Nouveau centre en 2008 lorsqu’il avait eu quelques velléités électorales à …Vichy, et a soutenu le candidat de gauche au second tour, Gérard Charasse !).

Le PS, ainsi que ses alliés, sont assez clairs et le Premier Ministre Manuel Valls l’a réaffirmé dès la cinquième minute après la fermeture du dernier bureau de vote au premier tour : en cas de duel FN/UMP et alliés, il a appelé à voter pour l’UMP et alliés.

Inversement, l’UDI et le MoDem sont également très clairs, en cas de duel FN/PS et alliés, toutes les voix doivent aller au PS et alliés. Cela a été confirmé notamment par leurs présidents respectifs, Jean-Christophe Lagarde et François Bayrou.

Enfin, Nicolas Sarkozy, qui a rendu visite à Jean-Christophe Lagarde le 23 mars 2015 au siège de l’UDI, a réaffirmé la décision de l’UMP de prôner l’abstention ou le vote blanc en cas de duel FN/PS et alliés, considérant que le PS restait un adversaire politique et qu’il ne fallait pas donner prise à l’UMPS fustigée par le FN (le FNPS a fait long feu).

Très singulièrement, au sein de l’UDI, Hervé Morin a prôné le "ni-ni" de l’UMP tandis que Rama Yade a tenu des propos assez confus sur la volonté du centre de stopper, au nom des valeurs républicaines, l’avancée électorale du FN. Cela a conduit le président du Parti radical Laurent Hénart (UDI) à « rappeler solennellement la position, qui n’a pas varié depuis plus de trente ans, de sa famille politique : faire partout et sans relâche barrage à l’extrême droite. Ainsi, il appelle tous les Français à livrer, au second tour des élections départementales, un combat résolu face au Front national. Cet appel s’adresse notamment à tous les candidats radicaux qualifiés ou bien, en cas d’élimination, à tous les candidats défendant les mêmes valeurs républicaines et auxquels le Parti radical apporte son soutien sans réserve. Plus que jamais, "Pas une voix, pas un siège pour le Front national" reste la ligne officielle du Parti radical ! » (communiqué du 23 mars 2015).

De même, sur le terrain, de très nombreux candidats UMP éliminés au premier tour ont apporté leur soutien au candidat de gauche face au FN, contrairement à la consigne nationale de l’UMP. Tout comme de nombreux responsables nationaux UMP ont contesté cette position nationale, pour appeler à voter PS contre FN : Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Pierre Raffarin, Gérard Larcher (le Président du Sénat), etc.


Un sondage qui donne l’avantage à la droite et au centre

Toutefois, un sondage donnerait plutôt raison à l’UMP et tort au PS dans leurs consignes de vote : réalisé par l’IFOP pour "Le Figaro" et Europe 1 et publié le 25 mars 2015, ce sondage démontrerait que la majorité des électeurs d’un candidat éliminé au premier tour ne choisirait pas parmi les deux restants au second tour.

Ainsi, dans un duel droite et centre/FN, malgré les consignes de vote, 62% des électeurs de gauche  s’abstiendraient ou voteraient blanc (33% voteraient pour la droite et le centre). Dans un duel gauche/FN, 60% des électeurs de droite et du centre s’abstiendraient ou voteraient blanc (et les autres se répartiraient pratiquement à égalité entre le FN et la gauche). Enfin, dans un duel droite et centre/gauche (plus classique), 63% des électeurs du FN s’abstiendraient ou voteraient blanc (mais les trois quarts restants choisiraient la droite et le centre).

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En tout, le sondage en question prévoirait l’élection de 50 à 110 conseillers départementaux FN pour le second tour. D’autres études évoqueraient aussi la possibilité, pour le FN, de remporter deux départements, le Vaucluse (le plus prometteur électoralement pour le FN) et l’Aisne, ces deux départements ayant une droite parlementaire assez faible et une gauche contestée.


Dimanche prochain, votez !

Dans tous les cas, que ce soit pour des considérations locales très peu évoquées au cours de la campagne (les tracts électoraux du FN ne contiennent aucun exposé sur la politique départementale proposée et certains candidats FN n’ont même pas fait campagne) ou des considérations nationales (audience des différentes forces politiques en présence), il apparaît nécessaire de voter, quitte à voter blanc (c’est désormais décompté différemment du vote nul).

Ne pas prendre part à des élections, c’est forcément laisser à d’autres ce choix, et ce choix aura pour conséquence, en particulier, de définir ce qu’on paierait en impôts locaux dans les six prochaines années. Que ceux qui n’ont pas voté cette année n’aient pas la mauvaise foi, le cas échéant, de contester leurs prochains impôts !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les départementales avant le second tour.
Résultats du premier tour des départementales du 22 mars 2015.
Départementales 2015 : le pire n'est jamais sûr.
Les 4 enjeux nationaux des élections départementales de mars 2015.
La réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 mai 2013.
Le référendum alsacien.
Élections municipales des 23 et 30 mars 2014.
Élections européennes du 25 mai 2014.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Les dernières élections cantonales des 20 et 27 mars 2011.
Se désister au second tour ?
Le FN au Sénat.
L’auto-enfermement de Manuel Valls.
Changement de paradigme.
Le ni-ni Doubs.
Tout est possible en 2017.
Mathématiques militantes.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150327-departementales.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-departementales-2015-a-la-165373

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/03/27/31781348.html



 

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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 12:25

Résultats définitifs du premier tour des élections démartementales du 22 mars 2015 (Ministère de l'Intérieur).
 

1. UMP + Union de la droite + UDI + MoDem : 29,11 %.
2. Front national + Extrême-droite : 25,26 %.
3. Parti socialiste + Union de la gauche + Parti radical de gauche : 21,85 %.
4. Front de gauche + Parti de gauche + Parti communiste français : 6,09 %.
5. Europe Écologie Les Verts : 2,03 %.
6. Extrême-gauche : 0,07 %.
7. Divers droite : 6,76 %.
8. Divers gauche : 6,81 %.


Source :
http://elections.interieur.gouv.fr/departementales-2015/FE.html
 

SR
 

 

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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 06:07

Duel entre Manuel Valls et Nicolas Sarkozy et pari perdu de Marine Le Pen.


 

 

 

 

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Le premier tour des élections départementales du 22 mars 2015 a été une surprise par rapport aux prévisions qu’en avaient donné les sondages. Victoire du peuple sur les instituts de sondages.

Tout a été en demi-teinte dans cette élection. Presque tous les principaux partis pouvaient trouver un motif de satisfaction. Mais aussi un motif de déception.


La participation

La participation a été plus importante que prévue. Environ 51% alors qu’aux élections cantonales du 20 mars 2011, elle avait été de seulement 44,3%. Ce sursaut de participation n’est pas anodin, d’autant plus que ces élections étaient carrément illisibles : nouvelle appellation, nouveau mode de scrutin (binomial !), et compétences des nouveaux conseils départementaux inconnues parce que la loi n’est pas encore votée… illisibles au point que responsables politiques et journalistes s’emmêlaient les pinceaux durant la (courte) soirée électorale : comme il y a deux fois moins de cantons que de candidats, puisque chaque canton fait siéger deux élus, les résultats en élus ne pouvaient être qu’en nombre pair, et si le PS a été éliminé pour environ mille de ses candidats, cela voulait dire que c’était dans environ cinq cents des 2 054 cantons au total (soit le quart et pas la moitié !).

Néanmoins, un électeur sur deux, c’est plus que les prévisions, mais c’est quand même encore assez faible, comme l’a constaté Nicolas Dupont-Aignan, il n’y a donc pas de quoi pavoiser.


L’UMP et ses alliés UDI et MoDem

Le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, pour ses premières élections à ce nouveau poste, a aussi de quoi se réjouir : en plaçant l’UMP loin devant le FN, il réussit à rétablir l’échec magistral des élections européennes du 25 mai 2014 et à dire que c’est l’UMP qui est le premier parti de France. Au sein de l’UMP, Alain Juppé a également un motif de satisfaction car si l’UMP a devancé autant le FN, c’est bien parce que sa stratégie d’union de la droite et de tous les centres, l’UDI mais aussi le MoDem, a fonctionné pleinement dans  cette dynamique. Cette configuration pourrait donc être de nouveau gagnante dans l’optique de l’élection présidentielle de 2017.

Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont pris d’ailleurs la parole très vite après 20 heures. Nicolas Sarkozy a rappelé le refus catégorique de toute alliance, locale ou nationale, avec le Front national, y compris au troisième tour le 2 avril 2015 pour l’élection des présidents des conseils départementaux. Cependant, la stratégie du ni-ni a été prônée à l’UMP, à savoir, en cas de duels au second tour entre un candidat FN et un candidat PS, il est appelé à ne voter pour aucun de ces deux candidats.

Cette posture a été refusée très clairement par certaines personnalités comme Nathalie Kosciusko-Morizet, Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin. Également par François Bayrou et tout le MoDem, et bien sûr par le président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde. Tous ceux-là voteraient sans hésitation pour le candidat PS en cas de duels avec un candidat du FN. En revanche, très étrangement (mais ce n’est pas nouveau), Hervé Morin, qui voulait devenir président de l’UDI, a prôné le ni-ni de l’UMP en reprenant même l’expression sarkozyste (utilisée contre François Bayrou) qu’il combattait le PS « matin, midi et soir ».
 


Le FN

Ce n’est pas lui la star. Le Front national n’a pas réussi à obtenir la première place que lui promettaient les sondages et ne gagne quasiment aucune nouvelle force par rapport aux élections européennes. Il croyait atteindre les 30% et il plafonne laborieusement à 25% environ (je précise que n’ayant pas les résultats officiels, et les estimations étant particulièrement grossières encore au milieu de la nuit, puisque elles vont de 24,5% à 26,4% pour le FN, je reste très imprécis sur les valeurs numériques). Évidemment, cela reste quand même un quart de l’électorat, le FN est donc bien une force importante.

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Marine Le Pen a eu beau jeu de crier à la victoire, la dynamique n’a pas fonctionné à plein. Certes, le FN a fait une très remarquable performance, d’autant plus que ce genre de scrutin ne lui était pas favorable jusqu’à maintenant. Mais elle ne peut plus revendiquer d’être la première force politique du pays, et c’est tant mieux.

Sur le terrain, il y aura des centaines de duels entre FN et UMP ou FN et PS, et quelques triangulaires, plus nombreuses que prévues grâce au sursaut de participation (c’est dans ces triangulaires que le FN aurait le plus de chance de conquérir des cantons au second tour). Seuls, 6 ou 8 conseillers généraux FN ont été élus dès le premier tour, souvent dans les villes dont le maire était FN. C’est donc remarquable si on compare avec le seul conseiller général FN sortant élu en mars 2011, mais assez faible par rapport aux autres forces en présence : 196 élus UMP-UDI dès le premier tour, et 50 élus de gauche.

Un autre motif de satisfaction pour le FN, c’est qu’il fait des scores très élevés dans de nombreuses zones rurales, et des dizaines de départements l’ont placé en tête, parfois avec environ 40% des suffrages exprimés. De façon non exhaustive, je peux citer le Nord, la Seine-et-Marne, l’Aube, la Marne, la Haute-Marne, la Somme, la Meuse, le Doubs, l’Aude, le Gard, la Charente-Maritime, le Loir-et-Cher, les Côtes-d’Armor, et même le Rhône, la Loire, et quelques autres départements qui souffrent de la désertification des services en milieu rural.


Le PS

C’est le Premier Ministre Manuel Valls qui a pris la parole le premier de tous les responsables politiques. Son discours a été très habile : d’une part, il s’est réjoui du sursaut de participation et que le FN n’a pas obtenu la première place, et il n’a pas hésité à s’en attribuer les mérites puisqu’il s’était engagé très ouvertement contre le FN pendant la campagne électorale. Manuel Valls a d’ailleurs réitéré la position du PS de soutenir au second tour tout candidat face au FN, même s’il est UMP.

Le score du PS, de l’ordre de 20%, est meilleur que prévu et dépasse nettement la contre-performance des élections européennes du 25 mai 2014. Là encore, son discours est à objectif interne à la "gauche" : le seul salut, contre le FN et contre le centre droit, c’est l’union des gauches derrière lui. Y compris les "frondeurs". Y compris les communistes qui perdront probablement leur deux derniers départements.

Pourtant, l’autre lecture du score du PS, c’est la déroute complète. D’une part, près d’un quart des candidats PS ont été éliminés dès le premier tour, ce qui est énorme. D’autre part, à moins d’un redressement spectaculaire difficilement prévisible en raison du discrédit durable du gouvernement, le second tour risque d’être la seconde lame qui tranche définitivement dans le vif des majorités départementales.


Paysage tripolaire

Ce que François Bayrou avait voulu créer durablement en 2007, Marine Le Pen l’a fait depuis 2014 : créer véritablement trois pôles d’attraction électorale majeurs dans le paysage politique français. Cette tripolarisation rend les élections au scrutin majoritaire particulièrement incertaines pour l’UMP et le PS, puisqu’il y a forcément un des trois pôles qui sera éliminé dès le premier tour.

La résultante, c’est que les petites formations n’ont plus les moyens politiques de s’engager isolées dans les élections, sinon au risque de faire perdre systématiquement leur camp. La nécessité d’alliance globale autour de l’UMP et du PS devient de plus en plus évidente.

L’UDI et le MoDem ont compris le danger bien avant ce premier tour, d’où cette alliance manifestation raisonnable entre l’UMP, l’UDI et le MoDem. Jean-Christophe Lagarde n’a d’ailleurs pas hésité à dire que la position très différente de l’UDI par rapport à l’UMP sur les duels PS/FN montrait la nécessité qu’il y ait bien un parti différent de l’UMP pour défendre ces valeurs républicaines, mais cela n’empêche pas une alliance électorale.

À gauche, cela semble bien plus compliqué. Le Front de gauche n’est plus qu’une coquille vide, relativement médiatique avec des personnalités comme Jean-Luc Mélenchon et Clémentine Autain, mais l’essentiel des élus est communiste. Son isolement non seulement va le tuer mais va entraîner avec lui l’ensemble de la gauche qu’il avait pourtant contribuer à faire élire en 2012.

Plus "amusant" (comment dire autrement ?) est la position complètement incompréhensible et suicidaire des écologistes. Jean-Vincent Placé, candidat à un futur poste de ministre, peut-être la dernière occasion de l’être avant longtemps, en est désolé. Ils n’ont fait que 1,3% des voix mais il est vrai qu’ils étaient parfois alliés avec …des candidats PS ou avec des candidats communistes. La cohérence semble assez mal maîtrisée, ici. Et le discours de leur secrétaire national Emmanuelle Cosse, qui appelle « les écologistes à se rassembler autour des candidats de gauche qui le voudraient bien », pourrait être sélectionné pour le prix de l’humour politique, catégorie larmoyante/sauve-qui-peut.


Les vrais gagnants

Si chacun semble être satisfait de ses résultats, soit parce que les sondages les prévoyaient "pires", soit parce qu’ils sont meilleurs que lors des précédentes échéances, les véritables gagnants restent quand même l’UMP et l’UDI qui ont réussi à convaincre que leur dynamique de responsabilité était globalement crédible dans tout le pays.

Et il est probable que dans quelques jours, un grand nombre de départements basculeront vers le centre droit.

Toutefois, la situation est telle que dans certains départements, il serait possible que quelques élus du FN se retrouveraient en situation d’arbitre entre une gauche en ruine et un centre droit qui n’aurait pas réussi pleinement à convaincre. C’est sur ce genre de situation que le FN veut miser, pour maintenir une pression médiatique bien indifférente des enjeux départementaux (la propagande des candidats du FN est nationale, le prospectus ne présente même pas les quatre candidats et encore moins leur vision pour leur département), et se nourrir des éventuels accrocs à l’isolement, comme ce fut le cas au "troisième tour" des élections régionales de mars 1992 et de mars 1998.

Manuel Valls, quant à lui, en limitant la "casse" du PS, a probablement gagné son maintien à Matignon pour l’après-élection. Cela le met en première ligne face à un Nicolas Sarkozy qui n’a pas démérité non plus. Marine Le Pen aura donc du mal à rompre politiquement ce face-à-face qui s’est illustré notamment en Essonne le soir du 16 mars 2015 lors du meeting de Nicolas Sarkozy à Palaiseau et de celui de Manuel Valls à Évry.

La campagne des élections régionales risquera en tout cas d’être rude à la sortie de l’été prochain.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 mars 2015)
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