#401 - Emmanuel Macron - Président de la République - Les décisions les plus lourdes se prennent seul Génération Do It Yourself
Entreprenariat
24 juin 2024
Le 9 juin 2024, dans les heures suivant les élections européennes, le Président de la République a décidé de dissoudre l'Assemblée Nationale. Pour la première fois depuis le 9 février 1997 (faux : 21 avril 1997).
12 jours plus tard, c'est sur Génération Do It Yourself qu'il a choisi de s'expliquer.
Pendant plus d'1h45, Emmanuel Macron se livre, sur ses 7 ans au pouvoir, sur ses succès, sur ses échecs, sur la perception qu'on a de lui, sur l'engagement et les responsabilités des Français.
Nous avons parlé de multiples sujets qui animent les débats des Français.
- L'éducation,
- La polarisation de la société,
- La sécurité,
- La guerre,
- Les religions,
- La tech, les réseaux sociaux, l'IA,
- Les femmes,
- L'écologie,
- La santé.
Le choix de la dissolution, au soir du 9 juin 2024.
Dans cet épisode inattendu de Génération Do It Yourself, nous découvrons comment se prennent les décisions à la fonction la plus haute de l'État.
TIMELINE :
- 00:00:00 : D’où vient Emmanuel Macron ?
- 00:08:27 : La France est-elle vraiment méritocratique ?
- 00:11:42 : Les réels enjeux de l’éducation républicaine
- 00:17:55 : Le premier de la classe
- 00:22:12 : Pêche à l’anguille et réputation
- 00:27:38 : Peut-on être drôle quand on est Président ?
- 00:30:11 : La polarisation des extrêmes induite par les réseaux sociaux
- 00:37:26 : Réponse face à l’insécurité
- 00:42:21 : Eviter la guerre civile et le séparatisme
- 00:50:12 : Doute existentiel et grand remplacement
- 00:58:36 : Président fou, Président des riches ou Président du peuple ?
- 01:02:18 : La réforme des retraites : la solution pour sortir du déficit public
- 01:08:07 : Pourquoi dissoudre l’Assemblée Nationale ?
- 01:16:03 : Le poids des décisions politiques et leur impact sociétal
- 01:20:31 : Où en est la transition écologique ?
- 01:25:16 : Les femmes en France en 2024
- 01:29:55 : Le secteur de la tech : IA, ingénierie et réseaux sociaux
- 01:37:59 : Doit-on craindre une guerre nucléaire ?
- 01:44:05 : Les français sont engagés
Plusieurs anciens épisodes de GDIY qui vous plairont :
- #388 - Benoît Lemaignan - Verkor - “Pour avoir de l’impact climatique il faut aller vite et fort”
- #397 - Yann Le Cun - Chief AI Scientist chez Meta - L'Intelligence Artificielle Générale ne viendra pas de Chat GPT
- #378 - Nicolas Bouzou - Asterès - L’économie de la peur
- #327 - Laurent Alexandre - Auteur - ChatGPT & IA : “Dans 6 mois, il sera trop tard pour s’y intéresser”
- #263 - Jean-Marc Jancovici - Carbone 4 - Décroissance, nucléaire, innovation : agir sous la contrainte ou par cas de conscience ?
Nous avons parlé de :
- Conseil national de la refondation
- Les deux écoles (Michel Sardou)
- Michel Petrucciani : pianiste
- Philippe Meyer : journaliste
- Les opérations « place nette »
- Mon leasing électrique
- Time To Sign Off
- Mistral AI
La recommandation de lecture :
- Madame Bovary de Gustave Flaubert
Vous pouvez contacter les équipes du Président sur Linkedin.
La musique du générique vous plaît ? C’est à Morgan Prudhomme que je la dois ! Contactez-le sur : https://studio-module.com.
Il y a quinze jours, je vous ai annoncé la dissolution de notre Assemblée Nationale. J’ai pris cette décision en responsabilité, avec beaucoup de gravité et après une réflexion de plusieurs semaines. Je l’ai prise dans l’intérêt du pays avant toute autre considération, y compris personnelle, n’ayant par définition plus aucune échéance électorale.
D’abord, le fonctionnement de notre Assemblée et le désordre des derniers mois ne pouvaient plus durer. Les oppositions s’apprêtaient à renverser le gouvernement à l’automne, ce qui aurait plongé notre pays dans une crise au moment même du budget.
Ensuite, la majorité présidentielle avait essuyé une défaite lourde aux élections européennes, accompagnée d’un vote pour les extrêmes droite et gauche de près de 50% des suffrages exprimés. J’aurais pu ne pas en tenir compte. C’était, croyez-moi, la solution du confort à laquelle je n'ai pas cédé.
J’aurais pu changer de Premier Ministre et de gouvernement et tirer là les leçons d’une élection où le chef du gouvernement à ma demande s’était engagé. Nombre de mes prédécesseurs ont fait ainsi. C’eut été facile pour moi. Mais cela ne réglait aucun problème.
Alors oui, cette dissolution était le seul choix possible à la fois pour prendre acte de votre vote aux élections européennes, pour répondre au désordre en place et au désordre plus grand à venir. Pour agir dans un moment où notre pays est confronté à des défis historiques.
Cette décision a été difficile et soudaine pour les parlementaires et pour leurs collaborateurs. Je leur dis mon amitié et mon respect. Je remercie les maires, leurs équipes et les bénévoles qui vont tenir nos bureaux de vote et dépouiller les bulletins le 30 juin et le 7 juillet prochains.
Je sais que, pour beaucoup d’entre vous, cela a été une surprise qui suscite de l’inquiétude, du rejet, parfois même une colère tournée contre moi. Je la comprends et je l’entends.
Mais cette décision est la seule qui peut permettre à notre pays d’avancer et de se réunir. Vous demander de choisir, vous faire confiance, n’est-ce pas là le sens-même de la démocratie et de notre République ?
L’élection qui vient est un rendez-vous de confiance, grave, sérieux, à l’occasion duquel nous devons clarifier le choix pour notre pays et pour nos vies. Car cette élection n’est pas l’élection d’une femme ou d’un homme, ce n’est ni une élection présidentielle, ni un vote de confiance envers le Président de la République. C’est celle de 577 députés. C’est celle d’une majorité de gouvernement. C’est celle d’une seule question : qui pour gouverner la France ? Avec trois propositions claires.
L’une, à l’extrême-droite, autour du Rassemblement national. Elle prétend mieux répondre à l’immigration illégale et l’insécurité sans rien proposer concrètement. Elle divise la Nation en opposant ceux qu’elle nomme de vrais Français et des Français de papier. Elle ignore le changement climatique et ses conséquences. Elle prétend vous rendre du pouvoir d’achat mais en revenant sur les réformes des retraites ou en faisant des promesses sur le prix de l’énergie, elle augmentera vos impôts.
La deuxième proposition est celle formulée par la France insoumise et ses alliés. Elle refuse la clarté sur la laïcité et l’antisémitisme. Elle est divisée sur la réponse à apporter au changement climatique. Elle prétend répondre aux injustices de notre société par une augmentation massive des impôts pour tous, et pas seulement pour les plus riches.
La troisième proposition est celle du bloc central d’Ensemble pour la République ! Elle est portée par un Premier Ministre et des responsables politiques que vous connaissez, et propose de continuer les réformes pour le travail, la réindustrialisation, une écologie des résultats, pour investir dans les services publics sans impôts ni dette supplémentaire et de défendre une laïcité assumée et une autorité restaurée depuis l’école jusqu’à la justice. Elle défend des choix clairs sur Israël et Gaza comme sur l’Ukraine et a bâti depuis 7 ans une armée plus forte dont nous aurons doublé le budget.
Cette troisième voie est la meilleure pour notre pays. Non seulement parce qu'elle protège les Français et prépare l'avenir. Mais parce qu'elle est la seule à pouvoir à coup sûr faire barrage à l'extrême droite comme à l'extrême gauche au second tour.
Les candidats d’Ensemble pour la République ont d’abord un bilan qui sans doute n’est pas parfait mais qui serait remis en cause si les extrêmes l’emportaient. Depuis sept ans, beaucoup a été fait : l’attractivité retrouvée, les usines rouvertes, les plus de 2 millions d’emplois créés, les baisses d’impôts, les hausses de salaires notamment pour nos soignants et nos professeurs, l’écologie à la française qui permet de faire baisser les émissions six fois plus vite, le renforcement de nos services publics en Hexagone comme en outre-mer, l’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes, l’accompagnement et l'inclusion des personnes en situation de handicap, la protection face aux crises comme le COVID, la guerre en Ukraine ou l’inflation.
Tout cela mérite que nous continuions le travail.
Mais l’objectif ne peut être seulement de continuer ce qui a été fait. J’ai entendu que vous vouliez que cela change.
Je vous ai entendu sur l’insécurité, l’impunité. Sur les vies rendues impossibles par les délinquants, par les récidivistes, par la violence de certains mineurs dans nos villes et dans nos villages. Cela a beaucoup nourri le choix de certains pour le Rassemblement National. Le gouvernement devra donc apporter des réponses beaucoup plus fortes et fermes.
Vous avez exprimé une demande forte de justice sociale. Aujourd’hui en France, quand on ne grandit pas dans "la bonne famille" ou dans le "bon quartier", atteindre le niveau de vie de ceux qui sont bien nés est quasiment impossible. Même quand on a beaucoup de talent. Et même en travaillant durement. Aussi, le prochain gouvernement devra refonder la politique de l’enfance, protéger mieux nos jeunes et lutter plus fortement contre toutes les discriminations.
Et puis, je ne suis pas aveugle : je mesure le malaise démocratique. Cette fracture entre le peuple et ceux qui dirigent le pays que nous n’avons pas réussi à résorber. Oui, la manière de gouverner doit changer profondément. Le gouvernement à venir, qui reflétera nécessairement votre vote, rassemblera, je le souhaite, les républicains de sensibilités diverses qui auront su par leur courage s'opposer aux extrêmes.
Vous l’avez compris, par ces élections législatives du 30 Juin et du 7 Juillet, il s’agit de choisir une majorité pour protéger les valeurs de la République, gouverner dans le respect, et porter une ambition pour la France.
Pour cela, je vous fais confiance : analysez les programmes, décidez et allez voter. En conscience et en responsabilité. Pour cela, je fais confiance aux responsables politiques des forces de l’arc républicain, en souhaitant qu’ils puissent dès le 8 Juillet travailler ensemble.
Pour cela je fais confiance aux responsables de la majorité et au Premier Ministre pour rester unis, au service de leurs candidats dans chaque circonscription, au service d’un projet d’action pour le pays.
Pour cela enfin, vous pouvez me faire confiance pour agir jusqu’en mai 2027 comme votre Président, protecteur à chaque instant de notre République, de nos valeurs, respectueux du pluralisme et de vos choix, à votre service et à celui de la Nation.
Cette élection est la nôtre. C’est vous qui la ferez. Alors n’ayez pas peur, ne vous résignez pas. Votez. Choisissez le respect, l’ambition et la justice pour notre Nation. Nous le méritons. La France le mérite.
Avec ma confiance.
Emmanuel Macron, Président de la République, le 23 juin 2024
« Nous respecterons une règle d'or anti-hausse d'impôt pour les Français afin de les protéger du matraquage fiscal voulu par le RN et la Nupes. Ces deux blocs veulent augmenter les taxes et impôts de tous les Français qui travaillent ou qui ont acquis un petit patrimoine. Nous y ferons barrage. » (Programme d'Ensemble pour la République, le 20 juin 2024).
La campagne des élections législatives de 2024 sera la plus courte de la Cinquième République, et peut-être même de toutes les républiques, à l'exception d'une. Je n'ai pas vérifié précisément, c'est juste de mémoire, mais je pense qu'il faut remonter aux élections législatives du 8 février 1871 pour avoir une campagne encore plus éclair (encore plus "Blitzkrieg" !), puisqu'elles ont été organisées à la suite de la convention d'armistice entre l'Allemagne et la France signée le... 28 janvier 1871 ! À l'époque, victorieux, Bismarck (le Chancelier allemand) voulait pérenniser juridiquement l'accord d'armistice en le faisant ratifier par une assemblée représentative du peuple français (démocratique !) et c'est donc lui qui imposa à la France de les organiser aussi rapidement. Paradoxalement, le peuple majoritairement rural et peu instruit a envoyé une large majorité monarchiste à l'Assemblée alors que la République venait d'être proclamée le 4 septembre 1870.
Mais revenons à 2024. Parmi ceux qui n'ont pas compris la dissolution, il y a Gabriel Attal, le Premier Ministre. Il n'était pas partant pour engager la France dans une campagne aussi rapide et avait proposé à Emmanuel Macron sa démission, qui a été refusée. Silencieux pendant 48 heures, Gabriel Attal est revenu dans le jeu électoral et sa position s'est renforcée dans la majorité comme le chef de la campagne de la majorité. Populaire, beaucoup des candidats Ensemble pour la République veulent avoir sa photo sur leurs affiches, tandis qu'Emmanuel Macron a été prié de se faire plus discret à cause de son impopularité (alors qu'en 2017, les candidats macronistes s'étaient fait élire sur la seule base de la photo d'Emmanuel Macron sur leurs affiches !). Et la campagne de Gabriel Attal fonctionne : passer de 14% (vote aux européennes) à 22% en une semaine dans les sondages, c'est sa marque et cela prouve qu'une campagne dynamique peut faire déplacer des montagnes. Il s'est déplacé environ une quinzaine de fois sur le terrain en une semaine et ne lésine pas sur les initiatives.
Gabriel Attal, nommé à Matignon il y a moins de six mois, a bien compris que la campagne se jouait d'abord sur les images, et les images de la personnalisation. Alors que le poste de Premier Ministre ne se proclame pas, Jordan Bardella fait exactement aujourd'hui ce que Jean-Luc Mélenchon a fait en juin 2022, à savoir s'autoproclamer Premier Ministre. J'y reviendrai plus précisément, mais Gabriel Attal, face à ces deux premiers-ministrables populo-extrémistes, a bien dû se prendre au jeu et s'autoproclamer lui-même Premier Ministre bientôt reconduit si la majorité présidentielle préserve sa force de 2022 (au risque d'être désavoué par le Président de la République). Toujours est-il que cela semble un véritable plus dans la campagne d'Ensemble pour la République. Il n'a pas besoin de faire ses preuves, il est, tout simplement.
Pièce maîtresse de toute campagne aux élections législatives, le programme. Celui d'Ensemble pour la République pour Gabriel Attal. Il est un peu étrange de demander à tous les candidats de "pondre" (car il s'agit de cela) un programme de législature, en principe sur cinq ans, au moins sur deux ans et demi (jusqu'en 2027), en un temps record de quelques jours. On comprendra donc que ces programmes mal finis ne seront pas à l'origine de la motivation du vote, mais bien entendu, il faut quand même un programme. Et celui que la majorité présidentielle est le plus sérieux parce qu'il est le moins dépensier et respecte le plus les électeurs contribuables : la coalition présidentielle promet qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts, ce que se gardent bien de dire le RN ou le NFP dans la mesure où le coût de leur programme (de 100 à 300 milliards d'euros !) imposera nécessairement une augmentation fiscale d'une manière ou d'une autre (assumée à l'extrême gauche, tue à l'extrême droite).
Le Premier Ministre Gabriel Attal a donc tenu une conférence de presse le jeudi 20 juin 2024 pour présenter le programme de la majorité présidentielle (on peut le lire ici ou revoir la vidéo au bas de cet article).
Ce programme est sans doute le plus crédible car il est un programme de gouvernement... du gouvernement actuel. Il se nourrit par le sérieux budgétaire (trajectoire de 3% du PIB de déficit en 2027 qu'aucun autre programme ne propose), du refus d'augmenter la pression fiscale déjà énorme, mais au-delà des mesures économiques, par les seuls candidats qui rompent avec le choc de deux extrémismes, de deux populismes, de droite, édulcoré, bien cravaté, du RN, et de gauche, beaucoup moins courtois, plus haineux presque, de FI et de la nouvelle farce populaire. Du reste, pour les programmes de ces deux partis ou coalitions, on peut se rassurer sur le fait qu'ils sont tellement démagogiques et irréalistes qu'ils ne seront pas appliqués et ce seront les électeurs qui ont (une fois encore) cru au père Noël qui en seront pour leurs frais.
Le programme commence comme le spot de la campagne officielle : avec l'unique image de Gabriel Attal. Pas d'Emmanuel Macron, comme écrit au début. Le programme s'ordonne autour du mot Ensemble, nom de la coalition de la majorité présidentielle qui regroupe les mêmes alliés qu'aux élections européennes, Renaissance, le MoDem, Horizons, le Parti radical, et aussi l'UDI qui, pourtant, ne s'était à l'origine engagé auprès de la Macronie que sur la question européenne. Avec la confusion provoquée par l'alliance assumée du président de LR Éric Ciotti avec le RN (qui n'en rêvait pas tant), les centristes de l'UDI n'avaient plus d'autre choix, face aux deux grossiers populismes, bardellesque et mélenchonesque, que de continuer à faire alliance avec ceux qui représentent le mieux leurs idées.
Le programme d'Ensemble est composé de neuf parties.
1. Ensemble pour protéger votre pouvoir d'achat
La formulation est maladroite car arrogante. "Protéger NOTRE pouvoir d'achat" aurait été plus adapté. Là, c'est le lointain de l'élite qui voudrait s'adresser à la France d'en-bas. Le "nous" aurait fait sens avec "Ensemble". Mais qu'importe la formulation, on a bien compris qu'avec la brièveté de la campagne, un programme ne peut pas se maturer, se peaufiner.
Quelles sont les mesures ? Avec la perpétuelle question posée à tous les sortants : pourquoi ne l'avez-vous pas fait auparavant, quand vous aviez le pouvoir ? L'introduction du programme y répond : à cause des multiples crises, dont la crise du covid-19 qui n'a pas empêché, malgré tout, de poursuivre la baisse du chômage. Et c'est une éclatante réussite des gouvernements depuis 2017 alors que depuis 1981, la France se mourait dans un chômage de masse. On l'oublie beaucoup trop mais c'est Emmanuel Macron qui a libéré l'économie française et permis durablement la réindustrialisation, l'économie française est enviée par les Allemands, la France est le premier pays européen pour son attractivité auprès des investisseurs... L'enjeu, il est d'abord là : faudrait-il que tout ce travail fût inutile pour qu'il soit stupidement cassé par des démagogues extrémistes, à droite ou à gauche, assoiffés de pouvoir, qui ont montré leur incompétence totale, soit par inexpérience soit par des résultats très décevants (quinquennat de François Hollande pour la gauche) ? Le "stupidement" ne reprend bien sûr pas la volonté des électeurs qui, pour tout démocrate, est sacrée, il peut reprendre la décision un peu précipitée de la dissolution, et la surenchère à la démagogie des deux blocs extrémistes (RN et NFP).
En outre, Gabriel Attal a rappelé dans sa conférence de presse : « Depuis 2017, nous, les impôts, nous les baissons. Nous avons supprimé la taxe d'habitation. Nous avons supprimé la redevance télé. Nous avons baissé l'impôt sur le revenu sur les tranches les plus basses, c'est-à-dire sur les classes moyennes. Depuis 2017, nous avons aussi revalorisé les salaires des femmes et des hommes de nos services publics : nos enseignants, nos soignants, nos policiers, nos gendarmes. ». Les électeurs doivent-ils être toujours ingrats ? Ce sera une question peut-être dans les années à venir.
Alors, les mesures ? Le gouvernement encouragera les augmentations de salaire pour les salaires en dessous de 2 500 euros nets. Dès l'hiver, la facture d'électricité des ménages baissera de 15% (soir 200 euros sur une année) : c'est le résultat de la réforme du marché européen de l'électricité négociée par la France et pas encore mise en œuvre. La prime d'activité, qui a été versée à 6 millions de bénéficiaires en 2023, sera augmentée jusqu'à 10 000 euros, sans charge ni impôt. Les pensions de retraite de 17 millions de personnes seront revalorisées pour suivre l'inflation (mais pas indexées). Dès cet été, des achats groupés de fournitures scolaires permettra de baisser de 15% le prix de la rentrée scolaire dans les familles.
2. Ensemble pour l'accès à la santé
Grâce à la suppression du numerus clausus, le nombre de médecins formés va doubler, 16 000 en 2027 contre 8 000 en 2017. Chaque Français aura un médecin de garde à moins de 30 minutes de son domicile. En permettant aux sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, opticiens et orthophonistes de réaliser une vingtaine d'actes médicaux, on libérera 20 millions de rendez-vous médicaux supplémentaires par an. Pour les 3 millions de Français sans mutuelle, une offre de mutuelle publique sera créée à 1 euro par jour. Les fauteuils roulants seront remboursés intégralement dès la fin de l'année. Une facture informative sera envoyée à partir de 2025 après chaque passage à l'hôpital ou en médecine de ville afin de connaître le coût réel des soins et de détecter d'éventuelles fraudes dont l'assuré social n'aurait pas eu connaissance.
3. Ensemble pour l'accès au logement
La garantie de loyers sera étendue pour faciliter la location tout en rassurant les propriétaires. Une taxe sur les rachats d'actions financera le fonds de rénovation énergétique des logements des classes moyennes et populaires, pour rénover 300 000 logements supplémentaires d'ici à 2027. Les droits de mutation pour l'achat du premier logement jusqu'à 250 000 euros seront exonérés pour faciliter l'accession à la propriété de 1 million de jeunes de classes moyennes et populaires.
4. Ensemble pour le travail et le mérite
Depuis 2017, 300 nouvelles usines ont été ouvertes et ont créé 150 000 emplois. D'ici à 2027, 400 usines nouvelles seront créées avec 200 000 emplois à la clef. Le plan France 2030 sera poursuivi pour favoriser la recherche et l'innovation. 17 milliards d'euros ont été mis en redressement pour fraude en 2023 et cette lutte implacable sera poursuivie contre toutes les fraudes sociales et fiscales. Aucun droit de succession ou de donation ne sera demandé jusqu'à 150 000 euros par enfant et 100 000 euros par petit-enfant. La retraite des agriculteurs sera revalorisée à hauteur de 100 euros par mois pour la moitié des futur retraités. Les TPE et PME seront de nouveau soutenues sur le plan financier et administratif.
5. Ensemble pour les valeurs de la République
Laïcité à l'école et dans tous les services publics, interdiction de l'abaya à l'école. Généralisation du testing pour lutter contre les discriminations à l'embauche, lutte contre le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, l'homophobie et toutes les haines. Sanction immédiate avec comparution immédiate dans les cas les plus graves pour les jeunes délinquants en revoyant l'excuse de minorité. Depuis 2017, 12 000 personnes ont été expulsées. La délivrance d'une carte de séjour longue durée sera conditionnée à la maîtrise de la langue française et au respect des valeurs républicaines.
6. Ensemble contre les inégalités de destin
La formation des professeurs sera renforcée, l'école inclusive aussi pour les élèves en situation de handicap. D'ici à 2027, 100% des résidences universitaires auront été rénovées (elles sont déjà 90% à avoir été rénovées entre 2017 et 2024), et 35 000 nouveaux logements étudiants seront construits dont 10 000 en résidences universitaires. Le repas des étudiants boursiers sera maintenu à 1 euro et leur bourse revalorisée de 37 euros par mois. Un droit de congé de naissance durant trois mois sera mieux indemnisé que le congé parental actuel. Sera instaurée la solidarité à la source avec le versement automatique des aides sociales dès 2025.
7. Ensemble pour la cohésion de nos territoires
Le soutien de l'État aux collectivités locales sera poursuivi à l'investissement local pour la transition écologique avec le Fonds vert. Les dotations de fonctionnement ne baisseront pas. Plus de 300 maisons France Services seront ouvertes d'ici à 2027, l'objectif est d'avoir une maison France Services à moins de 20 minutes de chez soi (il y en a déjà 2 700).
8. Ensemble pour protéger l'environnement
Après une baisse inédite de 6% des émission de gaz à effet de serre en 2023, l'objectif sera, d'ici à 2030, de baisser de 55% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, dont 20% entre 2024 et 2027. 100 000 véhicules électriques seront proposés chaque année en leasing social. Quatorze nouveaux réacteurs nucléaires seront mis en chantier pour assurer l'indépendance énergétique de la France et la décarbonation de son économie. Le plastique jetable sera progressivement supprimé et l'économie circulaire encouragée.
9. Ensemble pour que la France rayonne dans le monde
Appartenance à l'OTAN, dissuasion nucléaire, la France gardera tout ce qui garantit sa souveraineté. Son budget militaire sera doublé d'ici à 2030, selon la trajectoire de la loi de programmation militaire.
Bloc contre bloc contre bloc
Dans son propos introductif, Gabriel Attal s'en est beaucoup pris au RN et au NFP : « Cette élection, c'est le choix de votre gouvernement. C'est le choix de votre Premier Ministre. C'est le choix du projet de société que vous souhaitez. Aujourd'hui, ce choix est très clair. Il n'y a que trois blocs, trois alternatives claires : l'extrême droite menée par Jordan Bardella, la Nupes menée par Jean-Luc Mélenchon, ou alors Ensemble pour la République, la majorité que je mène. (…) Le choix entre ces trois blocs se jouera dès le premier tour, dès le 30 juin. (…) Ma majorité, mes candidats sont les seuls à faire preuve de cohérence et à avoir une ligne claire dans cette campagne. (…) L'extrême droite est devenue le camp du reniement national. Depuis le début de cette campagne, ça a été un jour, une reculade. Le programme, c'est un grand effeuillage. Il ne reste à la fin qu'une feuille blanche, et en plus, ils vous demandent de signer en bas. Quant à Jordan Bardella, il a affirmé qu'il n'était pas prêt à gouverner, en tout cas, qu'il n'était prêt à gouverner que si la situation était facile (…). Quand on fuit les difficultés, on n'est pas prêt à gouverner. Le Rassemblement national, c'est l'impréparation, c'est le brouillon et le brouillard. L'extrême droite, c'est faire un saut dans le vide pour les Français. De l'autre, la Nupes, unie derrière la France insoumise, est le camp de la compromission et de la dissimulation. Compromission avec l'extrême gauche et ses outrances, avec lesquelles une partie de la gauche avait pourtant juré, la main sur le cœur, ces dernières semaines, de couper. Compromission sur les valeurs, en s'alliant sur un projet irréaliste et dévastateur pour notre économie. Dissimulation sur le programme dont chacun conteste le chiffrage et dissimulation en maintenant un écran de fumée sur l'identité du locataire de Matignon en cas de victoire de la Nupes. Ils semblent ne pas s'entendre sur un nom, en tout cas, faire mine de ne pas s'entendre sur un nom, et pourtant, le résultat est couru d'avance : ils l'ont dit eux-mêmes, le plus grand groupe de la Nupes choisira le Premier Ministre. Le groupe qui a le plus de candidats et le plus sortants, c'est la France insoumise. C'est elle qui a d'ores et déjà imposé son programme aux autres partis de gauche,et donc, en cas de victoire de la Nupes, le Premier Ministre, ce serait nécessairement Jean-Luc Mélenchon. ».
Choix par adhésion aux mesures proposées, choix par défaut en opposition aux deux blocs extrémistes et populistes qui jouent sur les peurs, la colère et la démagogie, le choix du 30 juin 2024 sera crucial pour la France car il dira si la France continue à prétendre au meilleur ou y renonce pour se fourvoyer dans une impasse électorale, dans une instabilité économique, financière et politique. Emmanuel Macron annonçait le 18 juin 2024 qu'il avait confiance en l'intelligence des Français. Gabriel Attal n'a pas cité le Président de la République et s'est autoproclamé chef de la campagne en insistant, avec l'emploi de la première personne, à son autorité : "ma" majorité, "mes" candidats, "mon" programme. Et son programme se caractérise d'abord par son sérieux, son réalisme et surtout sa cohérence. En ce sens, il est unique car il est bien le seul à les conforter.
« Je vous le dis très sincèrement (…). Moi, ça m'angoisse. Je pense ne jamais avoir été aussi inquiet, comme citoyen, par rapport (…) au futur de mon pays. » (Manuel Valls, le 15 juin 2024 sur LCI).
L'ancien Premier Ministre Manuel Valls était l'invité de Darius Rochebin le samedi 15 juin 2024 vers 20 heures 30 sur LCI. Il était venu exprimer son inquiétude et son incompréhension, en particulier sur la candidature de l'ancien Président François Hollande en Corrèze sous les couleurs de la nouvelle farce populaire (NFP). Manuel Valls ne comprends notamment pas que François Hollande puisse se présenter sous les couleurs d'une coalition gouvernementale qui abrite également FI et le NPA !
Cette annonce faite samedi de François Hollande est très étonnante d'ailleurs à plus d'un titre. D'une part, comme déjà écrit, il se couche politiquement devant Jean-Luc Mélenchon qui, qu'on le veuille ou pas, dominera le prochain ensemble des députés NFP car FI a le plus d'investitures. D'autre part, François Hollande est loin d'être certain d'être élu malgré son passé de député de la Corrèze, de maire de Tulle et de président du conseil général de Corrèze. En effet, la circonscription a voté aux européennes 31,6% pour le RN, 15,8% pour le PS et 11,2% pour Ensemble (liste Hayer). En outre le député sortant LR se représente. Même sans concurrent Ensemble, le clivage risque de se faire entre LR et RN en excluant du jeu l'ancien Président de la République. Et pourtant, François Hollande convoiterait-il secrètement Matignon le 8 juillet ?
Mais revenons à son ancien Premier Ministre. C'est vrai que Manuel Valls jouit d'une très forte impopularité en France, certainement justifiée en partie par ses allées et venues électoralistes entre la France et la Catalogne, mais aussi par ses incessantes offres de service sans suite depuis 2017. On ne pourra pas dire cependant que l'ancien candidat à la primaire socialiste de 2017 est un arriviste, car en juin 2024, au contraire de juin 2022, il n'est pas candidat aux élections législatives (en 2022, il avait été battu dès le premier tour). Il n'a donc aucun intérêt personnel dans le scrutin et ne peut rien espérer ni d'une victoire du parti du Président Emmanuel Macron qui l'a toujours ignoré, ni d'une victoire du NFP qui le déteste, ni une victoire du RN considéré comme son principal adversaire lorsqu'il était à Matignon. Ce qui lui donne plus de liberté et surtout, plus de sincérité.
Surpris et inquiet, Manuel Valls a déclaré que la dissolution était très dangereuse : « Elle plonge le pays dans une très grande incertitude. Elle peut amener le pays dans le précipice, notamment parce que nous voyons bien que s'affrontent deux blocs aujourd'hui, ce qui angoisse d'ailleurs beaucoup de mes compatriotes, le Rassemblement national et le soi-disant front populaire. Donc, oui, c'est un risque bien évidemment, mais le Président de la République a pris cette décision. Maintenant, les électeurs sont convoqués, le peuple va parler. Je suis un républicain, un démocrate, donc il faut convaincre les Français qui sont inquiets, mais (…) ils vont voter massivement à l'occasion de ces élections législatives, contrairement à ce qui s'est passé depuis vingt ans. ».
Il n'était du reste pas tendre avec Emmanuel Macron à qui il a reproché de ne pas avoir créé les conditions d'une coalition au sein de l'Assemblée Nationale : « Plonger le pays dans une crise politique majeure, c'est évidemment prendre un risque. Nous sommes dans un moment périlleux. ».
En revanche, il a reconnu un certain mérite à Jordan Bardella : « C'est difficile de nier que Jordan Bardella, qui a 28 ans, est un "phénomène" politique, et pas que sur TikTok. Je ne vais pas dire le contraire. ».
Pour Manuel Valls, la situation qui conduirait à avoir surtout des duels de second tour, dans les circonscriptions, entre le RN et le NFP, serait très favorable à une victoire du RN : « Une majorité très grande de duels au second tour entre le RN et le NFP, notamment avec des candidats de FI : ce scénario est évidemment un scénario gagnant parce qu'une partie de l'électorat de droite, et les dirigeants de la droite, des dirigeants comme Bellamy ou d'autres, appelleraient à voter pour le RN. Alors, là, oui, dans ce scénario. C'est pour ça que c'est très important que les candidats républicains, du centre gauche, du centre droit, les modérés, ceux qui ont une vision de l'économie, de l'ordre, de l'Ukraine, qui partagent les mêmes combats contre l'antisémitisme, puissent se retrouver, et c'est à ce sursaut-là que j'appelle les Français. ».
Sur la candidature de François Hollande ? Manuel Valls voulait bien choisir ses mots pour ne pas le blesser, mais il n'a pas pu s'empêcher de parler de mensonge : « Un ancien Président de la République ne devrait pas faire cela. (…) Il se met dans une coalition, dans ce NFP, non seulement avec ceux, en grande partie, qui n'ont cessé de le critiquer et qui sont aussi en partie à l'origine de l'échec collectif de son quinquennat... » mais coupé par Darius Rochebin, il n'a pas fini sa phrase et a ajouté : « C'est incompréhensible ! C'est une aberration ! Cela me révolte, d'une certaine manière, parce qu'il participe, François Hollande, et il le sait, parce que je le sais lucide, à un mensonge. Un mensonge sur le programme économique : que François Hollande défende le retour à la retraite à 60 ans, avec le coût que cela représenterait pour nos finances publiques, n'a véritablement aucun sens ! Que François Hollande défende un projet où on ne parle même pas du nucléaire alors que nous savons que le pays est engagé de nouveau dans cette voie, et tant mieux, c'est important pour notre indépendance énergétique et pour l'emploi. Que François Hollande partage enfin une coalition avec un parti qui a tenu des propos anti-Juifs, antisionistes, anti-Israël, qui envoie des candidats qui ont dit que la police tue, qui se retrouve dans la même formation, dans la même coalition que madame Obono qui disait qu'elle n'était pas Charlie. Il y a quelque chose qui aujourd'hui m'a profondément choqué (…). Monsieur Poutou, le leader du NPA, est le candidat de FI, et donc du NFP, dans l'Aude, dans la circonscription de Trèbes, là où il y a eu un attentat, où le colonel Beltrame a donné sa vie, alors que monsieur Poutou est de ceux qui disent que les forces de l'ordre tuent ou se sont retrouvés manifestants avec des cris contre les Juifs. (…) [François Hollande] participe d'un mensonge et mentir aux Français dans ce moment-là, et participer (…), c'est une erreur, c'est une aberration, ça me choque ! (…) La cohérence, c'est essentiel. ».
Manuel Valls n'avait pas de mots assez durs à la fois contre les insoumis mais aussi contre ceux qui acceptent de s'allier avec eux : « [Jean-Luc Mélenchon] a soutenu les émeutiers il y a un an. Vous vous rendez compte ? Gouverner avec ceux qui ont soutenu les émeutiers qui s'attaquaient aux commerçants, aux services publics et aux forces de l'ordre il y a un an. (…) Leur stratégie, notamment, de capter le vote de nos compatriotes de confession et d'origine arabo-musulmane a fonctionné dans les quartiers, avec le drapeau palestinien, avec le soutien à ce qui se passe à Gaza, et avec le soutien de fait au Hamas, et avec des gens, le NPA, qui considèrent que le 7 octobre est un acte de résistance. Enfin, vous vous rendez compte de la politique étrangère si c'est gens-là gouvernent demain ensemble ? Vous vous rendez compte le sentiment (…) qu'éprouveraient les compatriotes juifs dans ce pays ? Enfin, réveillez-vous tout de même du côté de la gauche ! Moi, je suis sûr que tous ceux qui ont voté pour Raphaël Glucksmann, qui se sentent aujourd'hui oubliés, qui se sentent orphelins, qui se sentent floués, il y a des millions de gens qui ne se sont pas déplacés, donc, comment pourraient-ils accepter ? (…) Quand on parle de la République, de la lutte contre la haine des Juifs, de la laïcité, ni Mélenchon ni Obono ni Poutou ne partagent (…), là non, cette gauche ne porte pas ces valeurs ! ».
Malgré cette position très ferme (anti-NFP et anti-RN), Manuel Valls ne paraissait toutefois pas vraiment prêt à soutenir à fond et avec enthousiasme les candidats de la majorité présidentielle. Appelé à commenter les mesures proposées par le Premier Ministre Gabriel Attal et énoncées au journal de 20 heures ce même 15 juin 2024 sur France 2, Manuel Valls semblait craindre une surenchère démagogique : « Il faudra les chiffrer. Elles me paraissent pour la plupart intéressantes, mais je voudrais qu'on regarde le coût. J'ai en tête les mots de Bruno Le Maire il y a quelques semaines sur l'état de nos finances publiques. Ce que je sais à ce stade, c'est le coût du programme du Rassemblement national autour de 100 milliards, celui du NFP entre 200 et 300 milliards, on verra quels sont les modes de financement de ce programme plus raisonnable, ce sont les gens qui ont gouverné jusqu'à maintenant. ».
Et de rappeler aussi d'autres contraintes que les finances publiques : « On l'oublie. Il y a une guerre à quelques heures d'ici. Tous les budgets de la défense dont le nôtre augmentent. (…) Ce sont des coûts aussi. ».
D'où l'appel aux bonnes volontés : « C'est le moment de se regrouper, tous ceux qui ont une certaine idée de la responsabilité de notre pays. (…) Je vais me battre, avec d'autres, pour que, dans toutes les circonscriptions, puissent gagner ceux qui partagent cette idée, qu'ils viennent des républicains, de la social-démocratie, du centre, et au deuxième tour, encore davantage. ».
Entre un candidat RN et un candidat FI, Manuel Valls refuserait de choisir, il voterait blanc, mais il fera tout pour que ce genre de duels soit le moins nombreux possible : « Je ne choisirais pas entre le Rassemblement national et la France insoumise. (…) Pour la France insoumise, non ! Je ne voterais jamais de ma vie pour un parti qui a fait de la haine des Juifs et d'Israël, c'est-à-dire de la haine de la France, parce que ça veut dire ça, son programme ! (…) Pour capter un certain vote, notamment dans les quartiers populaires, et le vote musulman, [Jean-Luc Mélenchon] a fait de la question d'Israël un sujet majeur. (…) Quand on critique Israël avec l'idée de nazifier ce pays, qui commettrait un génocide, mot qu'on a entendu en permanence, on franchit le pas qui est celui de la négation. (…) Quand vous vous alliez à une organisation qui s'appelle le NPA qui considère que le 7 octobre est un acte de résistance, ça salit tout le monde, tous les candidats qui vont à ces élections législatives sous la bannière du NFP. (…) Dans chaque circonscription, il faut qu'il y ait un maximum de députés ni RN ni FI, pour la République. C'est ça, mon engagement ! ».
Toutes ces déclarations presque passionnées parce qu'inquiètes de Manuel Valls étaient prévisibles et il était sain qu'il s'exprimât ainsi haut et fort. Mais sa valeur ajoutée a été surtout apportée à la fin de son interview, pour répondre finalement à un argument fataliste d'électeurs pas vraiment portés sur le programme du RN mais qui considèrent la victoire de ce parti inéluctable. Certains se disent que sous la cohabitation, ils ne pourraient pas faire tout leur programme et qu'il y aurait la barrière de l'Élysée. Manuel Valls, comme ancien Premir Ministre, a rejeté ce type d'argument et a averti : « Moi, j'ai vécu la cohabitation comme conseiller de Lionel Jospin pendant quatre ans à l'époque, j'étais aussi chef du gouvernement, et le Président Hollande a pleinement respecté les prérogatives du chef du gouvernement. (…) Je vous réponds très franchement : le pouvoir sur les grandes questions intérieures, nationales, est à Matignon et à l'Assemblée. Donc, là, les choses sont très claires. ».
Ce que veut donc faire comprendre Manuel Valls, c'est que voter pour le NFP, c'est pousser la France dans les mains du RN et ce parti aura tout le pouvoir pour mettre en application son sinistre programme (sinistre pour la France). Quant à l'argument martelé ad nauseam, du : on-n'a-pas-encore-essayé, Simone Rodan-Benzaquen a tweeté, le 15 juin 2024, pour faire remarquer : « "On n'a pas essayé" n'est pas un bon argument ! Sinon j'espère pour vous que vous n'avez pas essayé de : manger de l'arsenic ; faire un feu de camp dans votre maison ; vous balader à pied sur une autoroute ; sauter d'un avion sans parachute ; prendre à main nue une ligne à haute tension, etc. »...
« Il est grand temps que ceux qui se revendiquent du camp de la raison comprennent que le temps leur est compté. S'ils ne sont pas capables de s'unir face à des extrêmes qui nagent comme des poissons dans l'eau des réseaux antisociaux, des fake news et de l'injure, il ne faudra pas qu'ils se plaignent d'une défaite qu'ils n'auront su empêcher. Il est temps que les raisonnables se rassemblent, qu'ils construisent une majorité ou des alliances, seule façon de gouverner la France avec succès. » (Claude Malhuret, le 31 janvier 2024 au Sénat).
Comme c'est triste d'avoir toujours raison trop tôt. Par exemple, le sénateur Claude Malhuret, médecin bien connu et ancien ministre, qui évoquait le risque des extrêmes dès le 31 janvier 2024 et la nécessité d'unir les forces de la raison. Il poursuivait : « Ce souhait [de l'union des forces de la raison] sera peut-être considéré aujourd'hui avec indifférence ou ironie. Dans quelques mois, lorsque s'affichera le résultat des élections européennes, ceux qui, dans la majorité comme dans les oppositions républicaines, se complaisent dans des querelles de cour d'école, comprendront, je l'espère, que le temps des anathèmes est terminé. Le général Mac Arthur disait que les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard. Réfléchissons à cette phrase tant qu'il est encore temps. ».
Faire un état des lieux de la classe politique au lendemain de la dissolution relève de la mission impossible car c'est un monde mouvant à la vitesse de la lumière. J'ai évoqué le petit monde de LR, parti qui a eu son heure de gloire, voire ses décennies de gloire et qui n'est plus qu'un groupuscule archaïque et arriviste doté d'un encore impressionnant réservoir d'élus locaux disponibles et dévoués.
Comme je l'avais indiqué, personne ne pourra reprocher au Président Emmanuel Macron de nous faire retourner aux urnes, puisque finalement, c'est ce qu'il y a de plus démocratique. Mais tous les partis politiques, y compris le RN qui n'est pas si préparé qu'il veut bien le marteler, auraient bien voulu avoir un peu plus de temps.
Maître des horloges, le chef de l'État le reste pour quelques semaines encore. Il a usé de son unique cartouche. Car on ne peut dissoudre qu'une fois par an. Il a déclaré le 11 juin 2024 dans "Le Figaro Magazine" qu'il ne démissionnerait pas « quel que soit le résultat » des élections législatives qu'il a provoquées. Sur cette pratique présidentielle, on a déjà le précédent de Jacques Chirac en 1997 qui avait inventé le septennat de deux ans. À son tour, Emmanuel Macron pourrait inventer le quinquennat de deux ans.
Néanmoins, rien n'est sous contrôle. La bourse s'affole. Ce jeudi 13 juin 2024, le CAC40 a subi la plus grande baisse de l'année 2024. L'incertitude tout autant que l'instabilité politique inquiètent les milieux économiques et la laborieuse reprise du secteur immobilier risque d'en faire les frais.
J'ai déjà évoqué la situation impossible de LR avec l'exclusion mercredi du député de Nice Éric Ciotti de son propre parti qu'il préside. Situation inextricable car les adhérents LR sont en gros 50% d'accord avec Éric Ciotti et les 50% autres considèrent qu'il a trahi leur parti. Dans sa conférence de presse (très peu suivie) du mercredi 12 juin 2024, Emmanuel Macron a ainsi expliqué que la dissolution permettrait la clarification en observant que les masques tombaient. Dos au mur, tous le candidats devront donc évidemment s'expliquer sur leur sens de l'intérêt général et avec qui ils compteraient gouverner le cas échéant. D'une très mauvaise performance en communication politique, ce qui est étonnant de sa part, Éric Ciotti a publié une vidéo de lui en train d'entrer dans son bureau, seul, avant de s'y installer, s'y asseoir, avec pour titre (stupide) : "La France au travail". Ce qu'il ressort de cette vidéo, c'est son isolement, sa solitude, alors que sans doute voulait-il souligner qu'il était encore bien le président de LR. Du reste, il s'est définitivement déconsidéré en déjeunant avec Marine Le Pen et Jordan Bardella ce jeudi 13 juin 2024.
Le même jour que l'exclusion d'Éric Ciotti, Marion Maréchal, Guillaume Peltier, Nicolas Bay et Laurence Trochu, tous les quatre élus députés européens, ont été exclus de Reconquête, le parti d'Éric Zemmour, qui ne garde comme élue européenne que Sarah Knafo, la compagne du chef (qui, jeudi, a appelé le répondeur de Jordan Bardella en direct chez Cyril Hanouna pour lui dire : « Jordan, on se connaît depuis qu'on a 17 ans ! »). La raison officielle de leur exclusion est vague, mais pour comprendre l'essentiel, c'est que les brebis égarées (Marion Maréchal, Nicolas Bay, également Guillaume Peltier) sont revenues au bercail (parfois familial). Ces exclusions ne servent pourtant pas les intérêts d'Éric Zemmour qui s'isole ainsi encore plus du monde politique, mais réjouissent les dirigeants du RN qui n'ont même pas à conclure un accord, ils n'ont qu'à débaucher les cadres zemmouriens. Du reste, la mésentente entre Marion Maréchal et Éric Zemmour n'était pas nouvelle et remplissait les chroniques pendant la campagne des européennes.
Les rares responsables RN qui s'expriment dans les médias laissent entendre, de façon très arrogante et peu respectueuse des électeurs, que leur victoire aux législatives est acquise et qu'il s'agit surtout de préparer leur gouvernement. Certains évoquent déjà la privatisation de l'audiovisuel public (qui ne trouvera pas repreneur !) comme si c'était le sujet essentiel (pour CNews, oui !). Quant à la retraite à 60 ans, Jordan Bardella a déjà botté en touche en disant qu'il y avait plus urgent, la sécurité et l'immigration ! La mélonisation de Jordan Bardella est en cours !
Dans la majorité, l'effet douche froide s'est éclipsé au profit de l'esprit de combativité. L'ancien Premier Ministre Édouard Philippe qui, visiblement, a été très surpris de cette dissolution, ne veut plus réfléchir et part au combat pour que la majorité gagne les élections malgré les récents sondages. Il a d'ailleurs conseillé au Président de la République de laisser la majorité faire campagne sans interférer même si, pour Emmanuel Macron, l'idée était d'en faire une présidentielle bis.
Aussi surpris que son prédécesseur à Matignon, Gabriel Attal est resté silencieux pendant deux jours avant de s'exprimer dans le journal de 20 heures du 11 juin 2024 sur TF1 et d'annoncer qu'il mènerait la campagne de la majorité présidentielle. Le 13 juin 2024, il était déjà sur le terrain, à Boulogne-sur-mer et a fait remarquer que la majorité sortante allait au devant des gens, du peuple, pendant que les autres partis s'enferraient dans des conciliabules pour négocier leurs bouts de gras avec les investitures. Quant à François Bayrou, il a annoncé qu'il ferait campagne tous les jours jusqu'aux élections. De tous les barons de la Macronie, François Bayrou semble être l'un des rares à avoir encourager le Président de la République à dissoudre. Souhaiterait-il devenir le Premier Ministre de la concorde d'une espèce de gouvernement d'unité nationale ?
Venons-en à la gauche. Il n'a pas fallu quarante-huit heures pour que les partis de la Nupes, un peu plus d'ailleurs, lire plus loin, se soient mis d'accord pour des candidatures uniques (au grand dam de Raphaël Glucksmann qui a été jeté à la poubelle par le PS). Avec un nom lâché le 10 juin 2024, tout un programme : Front populaire ! Comme c'est débile (il n'y a pas d'autre adjectif) de reprendre une vieillerie historique qui nous a plombés au début de la guerre. Le marketing est à revoir. Et pourquoi pas demander à LR de se transformer en RPF, tant qu'on y est ? Et le tout pour appliquer le programme du CNR, puisqu'on en parle parfois ? (Ah oui, Charles Pasqua l'a déjà fait en 1999 !).
Comme la majorité avait martelé pendant la campagne des européennes, voter PS était voter pour Jean-Luc Mélenchon, et c'est confirmé puisqu'il a déjà fait acte de candidature pour Matignon (une nouvelle fois), sans que cela n'émeuve Olivier Faure, le premier secrétaire du PS. François Ruffin aussi a fait acte de candidature à Matignon, comme Jordan Bardella auparavant. Et puis les candidatures à Matignon s'est multipliée : Laurent Berger, Fabien Roussel, Valérie Rabault, Carole Delga, Clémentine Autain, etc. Sans respect pour les électeurs qui n'ont pas encore exprimé leur vote. Mais ces opposants n'ont donc décidément rien compris à l'esprit des institutions gaulliennes ? On ne fait jamais acte de candidature à Matignon : d'abord, il faut gagner les élections législatives, ensuite, laisser au Président de la République le soin de nommer le Premier Ministre qui est une prérogative exclusivement présidentielle (l'Assemblée Nationale peut juste rejeter ce choix par le vote d'une motion de censure). Au moins, il n'y aura pas de risque de grève des Premiers Ministres, comme ce fut le cas en juin 1924 !
Toutes les déclarations de différenciation au sein de la Nupes pendant la campagne des européennes étaient donc de l'hypocrisie pure pour gagner des voix. France insoumise, le parti qui considère que la Hamas est un parti de résistance palestinienne, reste toujours leader de cette nouvelle alliance alors que ce parti représente bien moins d'électeurs que le PS. Et la répartition des investitures le 13 juin 2024 montre effectivement que FI se garde la part du lion avec 229 candidats FI contre 175 candidats PS. Et dans cette alliance de bric et de broc, il y a même le NPA ouvertement antisioniste. Il est clair que voter pour cette gauche-là, c'est voter pour le pire de l'extrémisme de gauche. Il faudra assumer au moment de compter les voix. Veulent-ils un gouvernement avec Olivier Besancenot et Philippe Poutou, dirigé par Jean-Luc Mélenchon ?
À l'évidence, Olivier Faure, qui était pourtant en situation de force avec le bon score de la liste de Raphaël Glucksmann, a, comme en mai 2022, vendu le PS (et son âme) à FI pour un plat de lentilles (pas fraîches). Il est désormais l'alter ego de l'autre ancien grand parti gouvernemental, LR, puisque, de son côté, Éric Ciotti a vendu LR au RN pour un plat de lentilles (pas fraîches non plus). Même Raphaël Glucksmann et Anne Hidalgo ont mangé leur chapeau alors qu'ils refusaient le principe d'une telle alliance que j'appellerais désormais NFP pour nouveau front populaire (Léon Blum doit se retourner dans sa tombe, à Jouy-en-Josas !).
Quant aux gauchistes qui manifestent tous les soirs depuis le 9 juin 2024 contre la possible arrivée au pouvoir du RN, avec leur violence, ils ne comprennent décidément pas que, à moins qu'au fond d'eux-mêmes, ce soit en fait ce qu'ils désirent le plus, ils font le jeu du RN et encouragent les électeurs à voter pour ce parti, face à tant de désordres et de troubles à l'ordre public, sans compter les drapeaux français qu'on fait brûler.
La situation est grave et aujourd'hui, on veut nous imposer l'unique choix entre le RN ou Mélenchon. Forces de la raison, réveillez-vous !
En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.
* Résultats provisoires - sous réserve d'éventuelles corrections et de décisions du juge de l'élection
ESTIMATIONS DU 9 JUIN 2024 À 20H30
Liste Jordan Bardella (RN) :
Liste Valérie Hayer (Renaissance) :
Liste Raphaël Glucksmann (PS) :
Liste Manon Aubry (FI) :
Liste François-Xavier Bellamy (LR) :
Liste Marion Maréchal (R!) :
Liste Marie Toussaint (EELV) :
Liste Léon Deffontaines (PCF) :
Liste Hélène Thouy (Parti animaliste) :
« La France perd un grand magistrat et la Justice un immense serviteur. » (Éric Dupond-Moretti, le 10 mai 2024 sur Twitter).
Le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a annoncé ce vendredi 10 mai 2024 la mort du juge Renaud Van Ruymbeke à l'âge de 71 ans des suites d'une sale maladie. Il devait participer à un colloque le 28 mai 2024 à Tréguier (en Bretagne) pour une table ronde le matin sur les nouvelles pratiques de la justice pénale. Né d'une famille d'énarques le 19 août 1952 à Neuilly-sur-Seine, Renaud Van Ruymbeke a été l'un des premiers juges emblématiques de la lutte contre la corruption dans le monde politique.
Il a commencé sa carrière comme juge d'instruction à Caen en 1977, puis il fut substitut au procureur de la République de Caen en 1983 (à la section financière) et retrouva ses fonctions de juge d'instruction en 1985. Nommé à la cour d'appel de Rennes en décembre 1988, il a rejoint le pôle financier du tribunal de grande instance de Paris en avril 2000.
Paradoxalement, ce furent ceux qui voulaient l'éloigner de sa fonction de juge d'instruction qui l'ont maintenu dans cette fonction plus longtemps que prévu. En effet, en 2004-2005, il avait prévu de rejoindre la coup d'appel de Paris en 2006, un poste se libérant. Mais dans la très troublante affaire Clearstream, dans une affaire dans l'affaire, en raison d'un comportement imprudent (il s'est fait instrumentaliser et a entendu un témoin en dehors des procédures), il a été lui-même mis en cause le 12 mai 2006 par le Ministre de la Justice Pascal Clément et est passé devant le conseil de discipline du Conseil Supérieur de la Magistrature. Pendant ce temps, il est resté dans ses fonctions et s'est occupé d'autres affaires politico-financières. Blanchi le 3 octobre 2012 par la Ministre de la Justice Christiane Taubira qui a demandé de renoncer à toute fonction (on lui a reproché un manque de rigueur, de prudence, de loyauté et de discrétion), il a été nommé premier vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Paris en 2013, poursuivant ainsi quelques affaires politiques. Il a pris sa retraite en 2019.
Renaud Van Ruymbeke a démarré sa carrière avec l'affaire Robert Boulin (la manière de l'avoir menée lui a été reprochée puisqu'elle finit par le supposé suicide de Robert Boulin). Mais il s'est fait vraiment connaître avec les socialistes au pouvoir. Malgré sa sensibilité de gauche, Renaud Van Ruymbeke a en effet mis à jour l'affaire Urba qui a impliqué des responsables du PS à une époque où aucune loi n'existait sur le financement de la vie politique. Tout un système de financement illégal de la vie politique a été démantelé, ce qui a abouti à la condamnation du trésorier du PS de l'époque, Henri Emmanuelli.
Sa détermination et surtout sa conscience professionnelle ont été les deux éléments majeurs qui ont permis de mener à bien l'instruction de nombreuses affaires financières impliquant des responsables politiques (de tout bord). Son indépendance et son incorruptibilité ont été très largement confirmées tout au long de sa carrière.
Ainsi, Renaud Van Ruymbeke a eu l'occasion d'instruire de nombreuses affaires très médiatisées dans les années 1990, 2000, 2010, en particulier : l'affaire Urba en 1992 après le juge Thierry Jean-Pierre (il a procédé à une perquisition au siège de PS, une première pour un parti politique, d'autant plus qu'il était au pouvoir), le financement du Parti républicain en 1994 (qui a provoqué la démission du ministre Gérard Longuet), le meurtre de Caroline Dickinson en 1997, l'affaire Elf en 2001 (avec Eva Joly, future candidate écologiste, et Laurence Vichnievsky, cette dernière devenue députée MoDem), l'affaire Jérôme Kerviel en 2008, l'affaire Karachi en 2010, l'affaire Bernard Madoff en 2009, l'affaire Cahuzac en 2013, l'affaire Balkany, l'affaire Richard Ferrand en 2017, etc.
Avec lui, le monde politique pouvait trembler car l'État de droit prévalait sur le cynisme politique. Par son action et son modèle, il a permis un véritable assainissement de la vie politique où les responsables politiques sont devenus des justiciables comme les autres (au point que deux anciens Présidents de la République allaient être condamnés pour des affaires politico-financières).
Avec sa retraite, Renaud Van Ruymbeke a gagné sa liberté de parler et il a sorti deux livres, ses mémoires de juge d'instruction, puis un livre de lutte contre la corruption en réclamant la fin des paradis fiscaux, des comptes offshore etc.
Au-delà de son activité éditoriale, l'ancien juge a participé à de nombreuses conférences pour expliquer les enjeux de la lutte contre la corruption, et il estimait qu'au-delà des procédures et du droit, il regardait aussi l'aspect moral qui se réduit à : y a-t-il eu enrichissement personnel des personnes impliquées ? Car il faisait la différence entre un élu corrompu qui s'est enrichi en gagnant des commissions sur des marché public attribué à des amis (dans tous les cas, il considérait qu'il fallait qu'il soit jugé publiquement et refusait le principe des transactions permises aux États-Unis) et un élu qui a fait du favoritisme pour favoriser les entreprises locales sur des grands groupes nationaux ou internationaux, sans enrichissement personnel. Les condamnations de personnes morales (entreprises) à des amendes très élevées pouvaient aussi sanctionner les salariés qui n'étaient pourtant pas les responsables d'une éventuelle malversation.
Renaud Van Ruymbeke avait d'autant plus de mérite de faire correctement son métier que, malgré sa notoriété, il a toujours refusé de s'engager politiquement, ce qu'ont pourtant fait de nombreux juges (en particulier Thierry Jean-Pierre, Eva Joly, Laurence Vichnievsky, Éric Halphen, Georges Fenech, Jean-Paul Garraud, Didier Motchane, Pierre Arpaillange, Adeline Hazan, Jean Tiberi, etc. ...et bien sûr Rachida Dati, Simone Veil et Jean-Louis Debré).
Dans ses mémoires, il définissait son métier ainsi : « Instruire, c’est d’abord écouter et dialoguer ; ce n’est pas juger, mais chercher, formuler des hypothèses tout en se méfiant de ses intuitions, remettre en question, comprendre et, enfin, démontrer et expliquer. Le dialogue est essentiel. ». C'est pour cela qu'il était très remonté contre Nicolas Sarkozy qui voulait supprimer les juges d'instruction en 2008 pour établir un système à l'anglo-saxonne : « Éliminer le juge d'instruction sans accorder l'indépendance au parquet permet au pouvoir de reprendre la main sur les enquêtes sensibles. C'est une régression de l'indépendance de la justice et des libertés. ».
« (…) Par ces motifs (…), la Cour, sur le pourvoi formé par M. I, le rejette ; sur les pourvois formés par M. et Mme N, casse et annule l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 9 mai 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées (…). » (Arrêt de la Cour de Cassation du 24 avril 2024).
C'est toujours étrange de s'apercevoir que la conclusion d'une affaire politico-judiciaire qui a hanté toute la campagne présidentielle de 2017, matin midi et soir, est si peu médiatisée sept ans plus tard, quand plus aucun enjeu électoral n'est en cours. Par son arrêt n°22-83.466 FS-B N°00382 MAS2, la Cour de Cassation a en effet confirmé le mercredi 24 avril 2024 la décision de la cour d'appel de Paris du 9 mai 2022 sur la culpabilité de François Fillon, de son épouse et de son suppléant, dans son affaire mettant en cause l'emploi de collaboratrice parlementaire de son épouse, en particulier sa condamnation pour détournement de fonds publics et complicité. Par conséquent, la condamnation de François Fillon est définitive.
Rappelons que la chambre 2-12 de la cour d'appel de Paris a condamné le 9 mai 2022 : François Fillon « pour détournement de fonds publics et complicité, complicité d’abus de biens sociaux, recels, à quatre ans d’emprisonnement dont trois ans avec sursis, 375 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité » ; son suppléant « pour détournement de fonds publics à trois ans d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’inéligibilité » ; et son épouse « pour complicité de détournements de fonds publics, complicité d’abus de biens sociaux, recels, à deux ans d’emprisonnement avec sursis, 375 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité ».
Avant de poursuivre sur le plan juridique (et judiciaire), je me permets un petit commentaire politique. En tant qu'électeur de François Fillon au premier tour de l'élection présidentielle de 2017, j'ai trouvé assez peu sain dans une démocratie que la justice soit allée aussi rapidement dans la mise en examen d'un grand candidat à l'élection présidentielle (initialement le favori, même), après seulement quelques scoops dans la presse à sensation. On pourra me répondre aujourd'hui que la justice avait raison puisque la condamnation est désormais définitive.
Je respecte bien entendu la justice de mon pays, mais je reste toujours dubitatif sur une possible politisation de la justice (dont je n'accuse absolument pas le principal bénéficiaire, à savoir Emmanuel Macron qui a profité surtout d'un contexte très favorable à plusieurs titres). Au cours de mon engagement politique qui remonte à il y a plus de trente ans, j'ai eu l'occasion de voir des "pratiques", aujourd'hui révolues, qui étaient bien plus scandaleuses que ce qui a condamné François Fillon. L'un des défauts structurels pendant longtemps a été que le parlementaire était le propre employeur de ses collaborateurs. En d'autres termes, le parlementaire recevait l'argent d'une enveloppe globale concernant le salaire de ses collaborateurs... et il en faisait ce qu'il voulait. Heureusement, cela a évolué et cela passe maintenant par une structure tiers, son assemblée d'origine. Le parlementaire doit agir dans la plus grande liberté et sans pression, mais cela n'empêche pas qu'il doit rester honnête (c'est d'ailleurs le minimum qu'on peut demander à celui qui fait la loi, celui de l'appliquer).
La justice n'a pas condamné François Fillon d'avoir recruté son épouse comme collaboratrice parlementaire car ce n'était pas interdit à l'époque (maintenant, si), mais parce que ladite collaboratrice n'aurait rien fait malgré sa rémunération. Comme elle a travaillé jusqu'en 2013, il est toujours difficile de montrer qu'elle a travaillé ou même qu'elle n'a pas travaillé. Beaucoup de documents peuvent avoir été jetés,. perdus, détruits. Et les oublis arriver.
L'autre côté malsain, c'est la volonté de la justice de vouloir savoir et même juger de la manière de travailler des parlementaires. Or, la démocratie impose la séparation des pouvoirs et les parlementaires, dont la légitimité (au contraire des juges) est absolue puisqu'elle vient du peuple, n'a ni leçon à prendre ni compte à rendre à la justice sur sa manière de travailler qui doit d'ailleurs rester parfois confidentielle. Il en est de même pour des ministres sur la gestion de la crise du covid-19 : la justice n'a pas à se substituer au peuple ou aux parlementaires dans l'appréciation de la politique menée par un gouvernement.
Ces considérations politiques étant écrites, j'en reviens aux considérations juridiques, car un arrêt de la Cour de Cassation, c'est d'abord la procédure et pas le fond (même si cela peut l'être parfois). Car dans son malheur, François Fillon peut quand même avoir une petite satisfaction.
En effet, si la décision de la cour d'appel sur la culpabilité de François Fillon, de son épouse et de son suppléant (qui, lorsque François Fillon était ministre ou Premier Ministre, avait continué à rémunérer Pénélope Fillon comme collaboratrice parlementaire) a été validée, ce qui rend cette reconnaissance de culpabilité définitive (on va dire quasiment définitive, car il y a encore un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui serait étonnant car certains élus du même parti voulaient que la France se désengage de la CEDH), la Cour de Cassation a néanmoins cassé la décision de la cour d'appel concernant les peines prononcées à l'égard de François Fillon et les dommages et intérêts à verser. En revanche, les peines prononcées à l'égard de l'épouse et du suppléant ont été validées et sont donc définitives (car aucun des deux n'a été condamné à une peine de prison ferme).
Maître Éric Landot, avocat brillant qui tient de manière très assidue un blog très instructif, a ainsi fait une petite note de synthèse au lendemain de la décision de la Cour de Cassation. On y apprend ainsi quelques éléments intéressants du droit et de la politique.
Par exemple, les élus n'ont pas le droit, depuis longtemps, de recruter un membre de leur famille au titre d'un emploi public : c'est « une prise illégale d'intérêts au pénal et une illégalité en droit administratif ». C'est l'article 432-12 du code pénal qui régit cette infraction. Même un lien d'amitié établi suffit à constituer la prise illégale d'intérêts. Le blog propose plusieurs affaires dont le cas d'un élu qui a recruté sa sœur comme directrice générale des services (DGS), numéro une de l'administration de la collectivité locale en question (arrêt du 4 mars 2020).
En revanche, les parlementaires, avec leurs collaborateurs parlementaires, ne sont pas dans la même situation que les élus d'une collectivité avec leur administration. C'est pour cela que les poursuites n'ont pas été fondées sur la prise illégale d'intérêts mais sur le détournement de fonds publics, l'abus de biens sociaux et leurs recels. Comme je l'ai écrit plus haut, on n'a donc pas reproché Pénélope Fillon d'être l'épouse du député qui l'a recrutée mais de n'avoir rien fait en tant que collaboratrice parlementaire.
Maître Éric Landot insiste sur la validation de la cour d'appel par la Cour de Cassation : « Elle juge notamment que le principe de séparation des pouvoirs n’interdit pas au juge judiciaire de vérifier qu’un contrat de travail conclu entre un parlementaire et un de ses collaborateurs a réellement été exécuté, dès lors qu’il s’agit d’un contrat de droit privé. Le député, son épouse et le suppléant sont donc définitivement déclarés coupables, notamment de "détournements de fonds publics par personne chargée de mission de service public" et complicité de cette infraction. ».
En revanche, François Fillon repassera devant un tribunal (sa condamnation sera rejugée par la cour d'appel), non pas pour être jugé sur sa culpabilité (elle est définitivement établie) mais pour redéfinir sa peine. En effet, il a été condamné le 9 mai 2022 à quatre d'emprisonnement dont trois avec sursis, donc à un an de prison ferme.
Le blog du juriste explique simplement la raison de cette invalidation partielle : « Cette cour n’avait pas pris soin de justifier des raisons pour lesquelles elle avait prononcé une peine partiellement ferme (même si une peine d’un an ne conduit en pratique qu’au bracelet électronique), alors que c’est obligatoire de le faire (en se fondant sur la gravité de l’infraction, la personnalité de son auteur et l’existence ou non de sanction alternative adéquate). Or, en condamnant le député, le juge d’appel n’a pas expliqué en quoi une autre sanction que la peine d’emprisonnement sans sursis aurait été manifestement inadéquate. D’où une censure de la Cour de Cassation. ».
Le montant des dommages et intérêts que François Fillon et son épouse devront verser à l'Assemblée Nationale sera également rejugé par la cour d'appel. L'explication d'Éric Landot : « La Cour de Cassation casse la décision de la cour d’appel en ce qu’elle condamne le député et son épouse à rembourser à l’Assemblée Nationale l’intégralité des salaires versés. En effet, les juges ont constaté que si les rémunérations versées étaient manifestement disproportionnées au regard du travail fourni, elles n’étaient pas dénuées de toute contrepartie. ».
Concrètement, une peine de prison ferme ne se justifie pas pour François Fillon. Ce nouveau procès un peu particulier pourra-t-il redorer son honneur ? Certainement pas, car la reconnaissance de sa culpabilité est définitive. Il a été piégé par une trop grande confiance en lui. Et surtout une arrogance politique pour écraser ses deux adversaires de son parti, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Des trois, c'est celui qui a le mieux réussi à tourner la page de la vie politique pour aller quérir d'autres fortunes dans d'autres contrées. C'est peut-être cela le plus tragique pour lui : que sa condamnation définitive n'a même pas fait les grands titres des journaux. Lui qui était promis à devenir Président de la République.
« La France échappe encore à la vague de populisme qui frappe les démocraties. Si le populisme n'est ailleurs que d'extrême droite, chez nous, où l'on apprend dès l'école qu'il faut préférer Robespierre à Tocqueville, il est coupé en deux. La fin de cette exception est proche. » (Claude Malhuret, le 31 janvier 2024 au Sénat).
Le sénateur Claude Malhuret n'est peut-être pas l'un des responsables politiques les plus charismatiques de France, probablement parce qu'il lit de manière trop monotone ses textes ; en revanche, il les rédige excellemment et son sens de la formule fait merveille. Bien sûr, il ne plaira pas à ses opposants, qui sont souvent habitués à des simplifications politiques. Aussi, le médecin et ancien ministre, ancien président de Médecins sans frontières, qui va avoir 74 ans dans un mois, est souvent attendu pour ses tirades savoureuses.
Ses collègues sénateurs n'ont donc pas été déçus ce mercredi 31 janvier 2024 dans l'hémicycle du Sénat. Cette après-midi-là, le nouveau Premier Ministre Gabriel Attal se donnait au Sénat pour sa déclaration de politique générale. Il l'avait prononcée la veille devant les députés, texte lu par Bruno Le Maire simultanément devant les sénateurs, et le lendemain, le Premier Ministre venait s'exprimer spécifiquement devant les sénateurs, avec une déclaration un peu modifiée.
Comme à l'Assemblée Nationale, cette déclaration a été conclue par les déclarations de chaque groupe politique du Sénat. Claude Malhuret a ainsi participé au débat public, en sa qualité de président du groupe Les Indépendants, République et Territoires (LIRT), qui rassemble des sénateurs anciennement de LR, proches de l'ancien Premier Ministre Édouard Philippe et faisant partie de la majorité présidentielle. Inutile de dire que ceux qui détestent Emmanuel Macron ne vont pas apprécier les propos de Claude Malhuret !
Dans son intervention d'environ huit minutes à la tribune du Sénat, Claude Malhuret a fait ce qu'on appelle de la politique politicienne en donnant un aperçu général de la situation. Il a d'abord fustigé les deux extrémismes qui sévissent dans la politique française, en prenant acte, en premier lieu, de la mort de la Nupes.
Il a expliqué en effet que l'exception française allait s'achever, cette exception qui voudrait que le pays soit la proie de deux extrémismes, un de droite et un de gauche (dans les autres pays, sauf en Grèce, ils sont tous de droite), car il pressent la fin prochaine du mélenchonisme : « Parce qu'il faisait le plus de bruit, parce qu'il avait réussi à embrigader une gauche en perdition, parce qu'il transformait l'Assemblée en zone à délirer, le danger d'extrême gauche paraissait le plus dangereux, exacerbé par une caisse de résonance médiatique qui confirme que rien n'est plus sonore que ce qui est creux. La Nupes, attelage improbable de la gauche woke, de la gauche Vélib', de la gauche caviar, de la gauche stalinienne, de la gauche trotskiste et de la gauche Hamas, s'est effondrée sous le poids de ses incohérences. Le Che Guevara des calanques, en cédant la direction des Insoumis et la présidence du groupe parlementaire à des comparses, choisis non pas en dépit, mais en raison de leurs insuffisances, a compris tardivement qu'il avait pris le train dans la mauvaise direction. Il court depuis en sens inverse dans le couloir, à grands gestes des bras et du menton, lançant ses imprécations à ses alliés comme à ses ennemis, mais ne parvenant qu'à démontrer que sa vie est devenue une interminable rage de dents. La France insoumise, c'était une surprise-partie. La surprise, c'est qu'il n'y avait pas de parti, pas de statuts, pas de vote, pas d'élections : juste une secte gérée par un couple omnipotent, comme les Thénardier tenaient le bouge de Montfermeil… Le mouvement s'est fait hara-kiri le 7 octobre dernier, avec l'ignominie de trop : le refus de condamner le massacre du Hamas, ce dernier étant qualifié de mouvement de résistance. Les partenaires enrôlés dans cette pantalonnade en ont profité pour filer à l'anglaise, après que tout le monde eut dessaoulé. Ils resteront dans la postérité comme ceux qui ont bradé à un apprenti dictateur les valeurs de la gauche, qu'ils ont fracturée pour un plat de lentilles électoral… ».
Mais Claude Malhuret ne s'est pas, pour autant, réjoui de la fin de la Nupes : « Cet échec n'est pas qu'une bonne nouvelle. Le danger s'est déplacé vers une extrême droite qui se renforce en proportion du déclin de son rival, porosité qui prouve que ce qui les rapproche est infiniment plus fort que ce qui les sépare. ».
D'où ce portrait caustique de l'extrême droite brossé par le patron des sénateurs indépendants : « Comme Orban est devenu l'ami de Poutine, comme l'extrême gauche italienne vote pour Meloni, le Rassemblement national fait ses meilleurs scores aussi bien dans les anciens bastions du parti communiste que dans ceux de la droite. Les gauchistes sont bruyants, débraillés et réclament tout, tout de suite. Les marinistes, quant à eux, sont silencieux, cravatés et attendent leur heure. Ils savent que, face aux Insoumis, il suffit de se taire pour paraître intelligents. Ils n'ont aucun programme. Ils affichent des convictions absolues, mais n'ont aucun problème pour en changer si elles ne plaisent pas, comme on l'a constaté sur la sortie de l'euro ou sur le Frexit. Ils affirment que nous dansons sur le pont du Titanic, mais l'iceberg, c'est eux ! Ils ont enfourché tous les délires complotistes. Ils ont été antivax et VRP de l'hydroxychloroquine ; ils font aujourd'hui le sale boulot de chiens de garde de Poutine, et ils le font salement, ce qui n'est pas étonnant dans ce parti fondé largement par d'anciens collabos. Ils dénoncent la corruption, mais leurs parlementaires européens sont mis en examen pour avoir détourné des millions d'euros. Ce parti opaque est une sorte de traboule, ces arrière-cours obscures des immeubles lyonnais à la façade bien propre. Les anciens du GUD sont toujours là, dans l'ombre, tout comme les comptes racistes anonymes sur les réseaux sociaux. Les deux campagnes présidentielles de "Marine Poutine", arrivée à son poste par népotisme, comme Kim Jong-Un, ont fourni la preuve de sa parfaite inaptitude à la fonction. Pourtant, le reflux du populisme d'extrême gauche lui ouvre un boulevard. La photo, en 2027, d'un Emmanuel Macron raccompagné par elle sur le perron de l'Élysée comme Obama avait cédé sa place à Trump, n'est plus invraisemblable. La fonction que vous exercez aujourd'hui, monsieur le Premier Ministre, vous a aussi été confiée pour faire obstacle à la réalisation de cette hypothèse lugubre. ».
Cette mission, confiée à Gabriel Attal par Emmanuel Macron, celle d'empêcher l'élection de Marine Le Pen à l'Élysée en 2027, requiert deux conditions, selon l'ancien maire de Vichy, pour être menée à bien.
La première condition, c'est de « réussir les douze travaux d'Hercule », selon une sémantique rocardienne, à savoir, l'école, la santé, l'emploi, la transition écologique, etc., mais c'était le contenu des interventions du Premier Ministre et de ses contradicteurs.
Il n'en a énuméré en fait que onze, car il a réservé le douzième pour le développer : « Le douzième est capital, mais c'est le moins compris. Le chef de l'État a évoqué le réarmement moral, économique, civique ; il reste le réarmement au sens propre, car nous sommes en guerre. Voilà une très mauvaise idée européenne que d'affirmer chaque jour que l'on ne veut pas la guerre, que l'on n'est pas en guerre, lorsque nos ennemis le sont. L'internationale des dictateurs ne s'en cache pas : Russie, Chine, Iran, Corée du Nord proclament qu'ils veulent abattre l'Otan, l'Europe et l'Occident, et ils font ce qu'ils disent. La guerre en Ukraine se voit à cause des tanks et des missiles, mais celle qu'ils nous livrent, cyberattaques, désinformation, création de milliers de comptes sur les réseaux antisociaux pour fausser les élections ou abrutissement de nos enfants sur TikTok pendant que la Chine protège les siens, est tout aussi violente. Elle mine nos démocraties de l'intérieur. La Russie s'est mise en économie de guerre. Notre Président parle d'économie de guerre, mais aucun pays d'Europe n'est capable, deux ans après le 24 février 2022, de livrer à l'Ukraine ne serait-ce que les munitions promises. Si l'Ukraine perd la guerre, c'est l'Europe qui la perd. Par peur d'annoncer de mauvaises nouvelles, les gouvernements démocratiques ne préparent pas leurs opinions publiques à cette réalité. Lorsque j'écoute certains d'entre eux, j'ai l'impression d'entendre le toc-toc du parapluie de Daladier sur les pavés de Munich. Monsieur le Premier Ministre, vous serez certes jugé sur vos résultats dans notre pays, mais à l'échelle de l'histoire, votre gouvernement et tous les gouvernements d'Europe seront jugés à l'aune de la victoire ou de la défaite des démocraties face à l'internationale reconstituée des dictateurs. ».
La seconde condition, qui n'est pas de la seule responsabilité du gouvernement de Gabriel Attal, c'est le rassemblement de toutes les forces raisonnables du pays : « La deuxième condition pour qu'en 2027, au soir de l'élection présidentielle, le visage qui apparaîtra sur nos écrans à vingt heures ne nous fasse pas honte comme ceux de Trump, d'Orban ou de Bolsonaro, ne dépend pas seulement de vous. Il est grand temps que ceux qui se revendiquent du camp de la raison comprennent que le temps leur est compté. S'ils ne sont pas capables de s'unir face à des extrêmes qui nagent comme des poissons dans l'eau des réseaux antisociaux, des fake news et de l'injure, il ne faudra pas qu'ils se plaignent d'une défaite qu'ils n'auront su empêcher. Il est temps que les raisonnables se rassemblent, qu'ils construisent une majorité ou des alliances, seule façon de gouverner la France avec succès. Ce souhait sera peut-être considéré aujourd'hui avec indifférence ou ironie. Dans quelques mois, lorsque s'affichera le résultat des élections européennes, ceux qui, dans la majorité comme dans les oppositions républicaines, se complaisent dans des querelles de cour d'école, comprendront, je l'espère, que le temps des anathèmes est terminé. Le général Mac Arthur disait que les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard. Réfléchissons à cette phrase tant qu'il est encore temps. ».
Comme on le voit, ce court texte de Claude Malhuret, très dense et bien léché, n'hésite pas à égratigner l'opposition mais aussi une partie de la majorité. Il s'adresse très vivement à ses collègues socialistes et à ses collègues LR, pour qu'ils se rassemblent autour de la majorité afin de construire la France de manière adulte et responsable. Sans quoi, c'est laisser négligemment les clefs à un mouvement d'extrême droite qui serait une catastrophe morale mais aussi économique, politique et diplomatique pour les Français. En ce sens, Claude Malhuret joue le rôle de Cassandre, et, à l'instar d'Edgar Faure qui avait publié en 1982 ses mémoires sous le titre "Avoir toujours raison, c'est un grand tort" (éd. Plon), il espère ne pas être le seul à avoir raison trop tôt.
« Je veux faire aimer le risque. Je veux faire aimer les gens qui se dépassent. Et évidemment, qui se cassent la gueule, parce que tu ne peux pas tout réussir ! » (Jacques Séguéla, le 19 janvier 2021).
Eh oui ! Tout le monde peut se casser la gueule, même dans son domaine d'expertise. Jacques Séguéla, qui fête son 90e anniversaire ce vendredi 23 février 2024, avait beau être un marquis de la communication politique, il s'est tiré une balle au pied en disant imprudemment le 13 février 2009 sur France 2 ce qui deviendra les propos les plus associés à sa personne : « Comment peut-on reprocher à un Président d'avoir une Rolex. Enfin... tout le monde a une Rolex. Si à 50 ans, on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie ! ».
Évidemment, c'était une boulette de la part de ce grand communicateur. C'est ne pas comprendre la vie des gens en général, qui sont loin d'avoir les moyens d'acheter une montre Rolex, même à 90 ans. C'était juste une boutade pour l'ami du Président de la République d'alors, Nicolas Sarkozy à qui on reprochait le côté bling-bling. Jacques Séguéla a eu beau regretter cette parole maladroite, présenter ses excuses et même acheter une montre Rolex et la revendre aux enchères (à l'homme d'affaires Jean-Claude Darmon pour 8 000 euros, soit environ six fois le SMIC) pour une œuvre caritative, le mal était fait et pour beaucoup, il a été classé comme un riche cynique arrogant.
Pourtant, Jacques Séguéla est bien plus intéressant que cette caricature un peu triomphaliste. Et d'abord, il faut rappeler qu'issu d'une famille de médecins, il a fait des études scientifiques et est devenu pharmacien (pour faire plaisir à ses parents), métier qu'il a abonné rapidement : le doctorat de pharmacie en poche, il a décidé de faire un tour du monde en 2 CV avec un ami sous un prétexte vaguement scientifique. Ils ont récupéré des financements d'un sponsor renommé, Citroën, et, à leur retour, les deux globe-trotters ont sorti un livre "La Terre est ronde" en 1960 (chez Flammarion) devenu un best-seller avec 150 000 exemplaires vendus ! Un documentaire d'un format classique est sorti au même moment pour retracer leur expédition. C'est le premier ouvrage des trente-trois que le futur publicitaire allait sortir, avec des fortunes diverses mais souvent best-sellers grâce au sens de la formule de leur auteur.
À partir de là, Jacques Séguéla a tout fait sauf pharmacie : d'abord journaliste chez "Paris Match" puis "France-Soir" (dont il est devenu rédacteur en chef), une époque où l'ont coaché Roger Thérond et Pierre Lazareff. Mais avant, en 1961, il était parti au service militaire (comme rédacteur en chef d'une revue militaire), qu'il a passé aux côtés de Francis Veber et Philippe Labro. C'est Pierre Lazareff qui lui a conseillé de faire de la publicité, secteur encore peu exploité.
Après une expérience dans quelques années comme employé d'une agence qui l'a viré pour avoir demandé une augmentation, Jacques Séguéla (S) a créé en 1970 la future agence de publicité Euro-RSCG avec Bernard Roux (R), et un peu plus tard, Alain Cayzac (C) et Jean-Michel Goudard (G). Cette agence, rivale de l'agence Havas fut ensuite rachetée par Havas en 1996, dont il allait devenir vice-président.
Ce fut un grand succès pour Jacques Séguéla, tant dans le domaine économique que politique. Le publicitaire a revendiqué quelque 1 500 campagnes publicitaires et une vingtaine de campagnes présidentielles au cours d'une cinquantaine d'années de carrière. Il a ainsi conseillé de grandes marques comme Citroën (pour l'AX), Carte Noire, Louis Vuitton, Évian, Decathlon, etc. Son idée majeure, c'est d'oser, d'être créatif, de ne pas renoncer parce que son idée est folle. Il a même emprunté un porte-avion pour réaliser une de ses campagnes de pub !
En politique, même s'il a des opinions personnelles, il sait distiller ses conseils à tout le échiquier politique (sauf aux extrêmes). Ainsi, il a commencé à travailler pour le PS aux élections municipales de 1977, mais aussi pour Jacques Chirac et Jean-Pierre Soisson (alors ministre). En 1981, ce fut la consécration avec la victoire de François Mitterrand bien servi par son slogan "La Force tranquille" et sa photo de l'affiche sur fond de village rural. Si Jacques Séguéla n'a pas trouvé lui-même le slogan (ce serait une stagiaire de son agence, reprenant un discours de Léon Blum prononcé le 5 juin 1936, son jour d'investiture, sur une idée de Jean Jaurès), il a été considéré par la classe politique comme un "faiseur de roi".
Il a même avoué par la suite avoir profité de l'affaire des diamants de Bokassa pour faire coller en toute illégalité des petits autocollants représentant des diamants à la place des yeux des affiches du candidat Valéry Giscard d'Estaing, un dénigrement assez simpliste mais très efficace : « Les gens ont applaudi mais c'était mafieux. Après coup, je m'en suis beaucoup voulu. Je n'ai pas été poursuivi pour autant. » ("Le Point" le 25 mai 2021).
C'est le problème des conseillers en communications politiques, et à partir des années 1980, il y en a eu plusieurs "historiques", comme, outre Jacques Séguéla, Michel Bongrand, Jacques Pilhan, Gérard Colé, Thierry Saussez, Patrick Buisson, Stéphane Fouks et Anne Méaux (entre autres), dont l'arrogance se jauge par l'idée qu'ils se font de la personnalité politique qu'ils conseillent (en particulier, ceux qui laissent de côté les convictions et ne font que de la communication).
Le succès de 1981 a pu se renouveler en 1988 avec ce slogan très efficace malgré sa vacuité programmatique : "Génération Mitterrand". Pour lui, d'ailleurs, il y a eu deux grands slogans dans les campagnes présidentielles françaises, il l'a dit à Adrien Voyer le 25 mai 2021 pour "Le Point" : « L'histoire retiendra qu'il y a eu deux très beaux slogans : "La Force tranquille" de Mitterrand et "En marche !" de Macron. Vous savez, les images sont les sous-titres des mots ; ce sont les mots que les gens retiennent, mais si vous avez les mots, l'image vous rentre aussitôt dans la tête. "Le poids des mots, le choc des photos" fonctionnera toujours ! ».
On n'étonnera donc personne si on indique que Jacques Séguéla a voté pour Emmanuel Macron en 2017. Il était de gauche, mitterrandiste dans les années 1980, il a fait la campagne de Lionel Jospin en 2002, mais ce fut un échec : « Il n'a pas joué le jeu de la communication par vertu. Jospin est un homme intransigeant. Il ne voulait pas utiliser les fourches caudines de la communication pour communiquer. » ("Le Point").
Puis il a soutenu Ségolène Royal au premier tour de l'élection présidentielle de 2007, mais l'a trouvée insupportable : « Les bourdes qui embourbaient Ségolène Royal, ses sautes d'humeur alignées comme des sauts d'obstacles, ses volte-face à faire perdre la face me désarçonnaient. ». Du coup, il a soutenu Nicolas Sarkozy pour le second tour et le nouveau Président était devenu un ami, tellement proche que c'est lors d'un dîner au domicile du publicitaire le 13 novembre 2007 que l'ex-mari de Cécilia a rencontré pour la première fois Carla Bruni. Coup de foudre.
Jacques Séguéla a eu aussi plusieurs clients politiques à l'étranger, des hautes pointures attirés par la réussi de 1981 : Paul Biya (Cameroun), Omar Bongo (Gabon), Abou Diouf (Sénégal), Aleksander Kwasniewski (Pologne), Ehud Barak (Israël), Richardo Lagos (Chili), etc.
En 2020, Jacques Séguéla, voyant le vent venir, a surpris son petit monde en sortant un livre résolument écologiste "Ne dites pas à mes filles que je suis devenu écolo... elles me croient publicitaire", reprenant un titre qui avait bien marché en 1979 à l'époque où il fallait se distinguer du concurrent Havas, "Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité… elle me croit pianiste dans un bordel" (chez Flammarion). Le pire est évidemment que ce livre s'est mieux vendu que des livres scientifiques rédigés par des experts sur le climat et la biodiversité. On n'est pas publicitaire pour rien. C'est l'avantage du faire-savoir sur le savoir-faire.
Dans sa chronique du 15 octobre 2020 sur France Culture, le journaliste Hervé Gardette a évoqué ce livre du publicitaire en ces termes : « L’homme le plus bronzé qu’il m’ait été donné de voir depuis que je suis né venait donc à son tour de prendre le train de l’écologie en marche ! Ce qui à vrai dire n’a rien d’étonnant. Il n’y a pas mieux qu’un publicitaire pour recycler les idées à la mode (quitte à se renier lui-même), et il suffit de faire un bref séjour devant un écran de télé pour mesurer à quel point c’est déjà le cas : le culte de la performance et l’accessibilité du prix y ont été remplacés, dans les slogans, par le made in France, le terroir, le recyclable, l’écoresponsable, le bio, le 100% naturel, le bon pour la planète… bref toute la panoplie du greenwashing. ».
Et de conclure sur le même ton : « Ne dites surtout pas à ma mère que j’ai fait une chronique sur le dernier livre de Jacques Séguéla, elle me croit journaliste à France Culture ! ».