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15 juillet 2020 3 15 /07 /juillet /2020 18:40

(verbatim)


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200715-castex.html



DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
DU PREMIER MINISTRE JEAN CASTEX
LE MERCREDI 15 JUILLET 2020
AU PALAIS-BOURBON (PARIS)


Assemblée nationale
XVe législature
Session extraordinaire de 2019-2020

Compte rendu
intégral


Première séance du mercredi 15 juillet 2020
Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Déclaration de politique générale du Gouvernement, débat et vote sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration de politique générale du Gouvernement faite en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent vivement.)

M. Fabien Di Filippo. Il vaut mieux l’applaudir avant !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, c’est un immense honneur pour moi d’être à cette tribune. Je me présente devant vous dans un moment bien particulier de notre histoire : la France vient de subir l’une des plus graves crises sanitaires qu’elle ait connues. J’ai avant tout une pensée pour celles et ceux qui ont été frappés par la maladie, et pour les Françaises et les Français qui ont perdu un proche. Je veux aussi saluer l’action de tous ceux qui se sont mobilisés et qui se sont battus sans relâche pour sauver des vies, protéger les plus vulnérables, assurer la continuité des services publics et la vie économique de la nation. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR – M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également) N’oublions pas ce que nous leur devons, alors même que la crise sanitaire n’est pas terminée.

La meilleure façon de nous préparer à une reprise possible de l’épidémie est de renforcer nos actions de prévention ; cela passe nécessairement par le développement du port du masque et par une intensification de notre politique de dépistage.

M. Pierre Cordier. Vous aviez dit le contraire !

M. Fabien Di Filippo. Il a regardé la télé hier !

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous devons par-dessus tout éviter un retour à des formes strictes et larges de confinement, dont nous connaissons désormais le coût humain et économique. Cela reposera sur la mobilisation de tous – et au premier rang, du Gouvernement que j’ai l’honneur de diriger.

Face à la crise, nous avons tenu bon collectivement ; vous le savez, vous y avez contribué. Je veux ici rendre hommage au travail d’Édouard Philippe et de son Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Pierre Cordier. Il était tellement bon que vous l’avez remplacé !

M. Jean Castex, Premier ministre. L’histoire se souviendra des réformes ambitieuses qu’il a menées avec le soutien sans faille de la majorité, que je salue. Les réalisations à son actif, et à celui de l’ensemble de ses ministres, sont considérables ; elles concernent tous les domaines de la vie de la nation, qu’elles ont rendu plus forte, plus juste et plus solidaire.

Je veux rappeler que lorsque la crise du coronavirus s’est abattue sur notre pays, le chômage était au plus bas depuis plus de dix ans (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM), le pouvoir d’achat connaissait sa plus forte progression depuis dix ans, et la France était devenue le pays le plus attractif d’Europe.

Je veux également souligner l’œuvre de transformation engagée dans les secteurs majeurs de l’éducation, du travail, des mobilités, du logement ou encore de la santé. L’histoire retiendra aussi le courage et le sang-froid avec lesquels Édouard Philippe a affronté la crise ; j’en ai été personnellement le témoin direct au cours des derniers mois.

À la crise sanitaire, qui n’est pas finie, succède dès maintenant une crise économique et sociale d’une ampleur probablement inégalée depuis la dernière guerre mondiale. Nous en connaissons les risques, et certains de nos compatriotes en subissent déjà les conséquences : les pertes d’emplois, les plans sociaux, les faillites d’entreprises sont malheureusement des réalités que nous constatons déjà, et qu’il nous faudra combattre ensemble. Les crises ont ceci de singulier, qu’elles jouent un rôle de révélateur ; celle que nous avons traversée a montré à quel point les Françaises et les Français ont des ressources.

M. Pierre Dharréville. Ils n’en ont pas tous !

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous avons vu des femmes et des hommes engagés, solidaires, inventifs et responsables. Mais quand la tempête souffle, les fragilités qu’on préférait ignorer éclatent aux yeux de tous. La crise a mis en lumière, de manière très crue, nos difficultés et parfois nos défaillances, y compris au sein de l’appareil d’État. Elle a aussi souligné les faiblesses de notre économie : un appareil productif incapable de pourvoir à nos besoins en biens et en ressources stratégiques. Nous avons atteint un niveau de dépendance qui n’est pas raisonnable. La crise a accentué la vulnérabilité des personnes éloignées du cœur de notre modèle économique et de protection sociale : les travailleurs précaires, les travailleurs en situation de handicap, les salariés en contrat court, les jeunes, les indépendants. Mais ce n’est pas tout : la crise est venue frapper une France en plein doute ; une France qui se divise…

M. Pierre Cordier. À cause de Macron !

M. Jean Castex, Premier ministre. …une France qui se crispe et qui, parfois, se désespère depuis bien trop longtemps ; une France qui, en partie tout au moins, se trouve gagnée par la peur du déclassement ; une France qui se sent parfois abandonnée. Vous le savez, il y a beaucoup de France qui se sentent loin et laissées pour compte : France des banlieues, France rurale, France des outre-mer, France dite périphérique (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), France de ceux qui, y compris au cœur de nos villes, n’ont pas droit à la parole.

M. Aurélien Pradié. Merci pour le constat !

M. Jean Castex, Premier ministre. Ces France-là sont notre pays, autant que la France de la réussite économique, scientifique, industrielle et culturelle dont nous sommes légitimement fiers. Notre première ambition, immense, sera de réconcilier ces France si différentes, de les souder ou de les ressouder (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM), de faire que, de part et d’autre, on s’écoute, on se reconnaisse, on se comprenne, on contribue à restaurer la valeur cardinale qui soude les sociétés : la confiance – la confiance du peuple en ses élites…

M. Sébastien Jumel. Il y a du boulot !

M. Jean Castex, Premier ministre. …la confiance entre l’État et les corps intermédiaires qui structurent la société, la confiance en l’avenir.

La France, c’est la République, et celle-ci aussi se trouve ébranlée, dans ses fondements, par la coalition de ses ennemis – terroristes, complotistes, séparatistes, communautaristes, avec les armes habituelles de la violence, dans la rue comme dans l’espace privé – et de la lâcheté, souvent garantie par l’anonymat permettant un recours dévoyé aux réseaux sociaux, qui ont pris, ces dernières années, une intensité inquiétante. (Mêmes mouvements.) Vous le savez, car vous en êtes régulièrement victimes.

Je suis, comme simple citoyen, comme maire de terrain depuis douze ans…

M. Pierre Cordier. Comme collaborateur de cabinet !

M. Jean Castex, Premier ministre. …engagé au service des autres. Je sais, pour la côtoyer tous les jours, qu’il existe une France qui ne dit rien mais qui n’en pense pas moins et qui n’accepte pas cela (Mêmes mouvements)…

M. Sébastien Jumel. La France des « gilets jaunes » !

M. Jean Castex, Premier ministre. …une France du bon sens et de la raison, une France que nous devons écouter et mieux considérer.

M. Sébastien Jumel. Ça s’appelle enfoncer des portes ouvertes !

M. Jean Castex, Premier ministre. Pour faire face à la crise, pour faire reculer les doutes, pour redonner espoir à celles et ceux qui n’en ont plus, l’ensemble des acteurs publics – au premier rang desquels l’État et le Gouvernement de la République – doivent, d’abord, faire preuve d’une très grande humilité. Ils doivent également faire évoluer profondément et rapidement leurs modes d’intervention, pour les diriger vers la vie quotidienne de nos concitoyens. Je le sais bien, dans un pays qui excelle dans le débat d’idées et dans la conjugaison de grands principes – dont votre assemblée a souvent été la scène –, parler d’exécution, de mise en œuvre et d’efficacité opérationnelle peut sembler trivial ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Toutes ces notions sont, depuis longtemps, reléguées au rang de choses subalternes.

M. Pierre Dharréville. C’est sympathique pour Édouard Philippe !

M. Jean Castex, Premier ministre. C’est une affaire entendue : l’intendance suivra ! Mais depuis longtemps, vous le savez, l’intendance ne suit plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Pierre Cordier. On ne dirait pas qu’il a travaillé avec Sarkozy !

M. Jean Castex, Premier ministre. Les lois que vous votez et les décrets que le Gouvernement promulgue se perdent dans des méandres sinueux et opaques, au point de ne toucher que de manière lointaine, incertaine, et souvent incomprise, la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Les agents publics ne sont pas en cause ; ils sont bien souvent, aussi, les victimes d’une organisation collective inadaptée, dans laquelle se consument l’intelligence et les bonnes volontés. Le règne de l’impuissance publique fait le lit du discrédit de la volonté politique ! (Mêmes mouvements.) Il est urgentissime de faire évoluer le logiciel de l’action publique. L’erreur serait de penser qu’il faudrait, en cela, remettre en cause l’État : car l’État, c’est la France.

M. Pierre Cordier. Ah !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mais l’État ne s’est pas adapté à la France. Il a parfois donné l’illusion qu’il pouvait tout régler, alors qu’il doit surtout donner à tous les acteurs de notre société les moyens d’agir et de progresser.

La France, c’est en effet celle des citoyens qui aspirent de plus en plus à participer à la chose publique, sous des formes nouvelles – et nous devons en tenir compte, comme le Président de la République l’a fait avec la convention citoyenne pour le climat, et comme nous allons le faire en transformant le Conseil économique, social et environnemental – CESE – en conseil de la participation citoyenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Christian Hutin. C’est la révolution !

M. Jean Castex, Premier ministre. Il nous appartiendra, ensemble, de trouver les modalités de conciliation entre la démocratie directe et la démocratie représentative – à laquelle je reste, comme vous, fortement attaché.

M. Fabien Di Filippo. Un quart d’heure et rien de concret !

M. Jean Castex, Premier ministre. La France, c’est aussi celle des forces vives et des partenaires sociaux qui structurent notre démocratie sociale. Le dialogue, l’écoute, la recherche du compromis, voilà les leviers d’une démocratie apaisée ! Je crois – et j’ai toujours cru – aux vertus du dialogue social ; toute ma vie publique en atteste. Vendredi, je réunirai à Matignon l’ensemble des partenaires sociaux…

M. Pierre Cordier. Ce ne sera pas la première fois !

M. Jean Castex, Premier ministre. …pour tenter de nous accorder sur une méthode et un calendrier de discussions et de concertations concernant l’ensemble des sujets qui sont sur la table pour les semaines et les mois à venir, à commencer par le plan de relance de l’économie.

La France, c’est aussi celle des territoires, avec leurs identités et leur diversité. C’est à cette France des territoires, à cette France de la proximité que nous devons impérativement faire confiance, car c’est elle qui détient, pour une large part, les leviers du sursaut collectif. Les territoires, c’est la vie des gens. Libérer les territoires, c’est libérer les énergies,…(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Pierre Dharréville. Arrêtez !

M. Jean Castex, Premier ministre. …c’est faire le pari de l’intelligence collective.

Nous devons réarmer nos territoires, nous devons investir dans nos territoires, nous devons nous appuyer sur nos territoires. Abordés d’en haut, tous les sujets deviennent des objets de posture ou de division – sur le papier, on n’en fait jamais assez –, mais s’ils sont traités depuis le bas, par les gens, en donnant à nos concitoyens, notamment aux plus jeunes, l’occasion concrète, visible et mesurable de s’impliquer, cela change tout : la confiance revient, les résultats progressent, la nation se ressoude.

La confiance dans les territoires suppose que le droit à la différenciation soit consacré dans une loi organique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et LT.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Non !

M. Jean Castex, Premier ministre. Elle passe également, comme l’a indiqué le Président de la République, par une nouvelle étape de la décentralisation. Elle repose tout autant sur une évolution profonde de l’organisation interne de l’État.

Je m’étais fait le défenseur, à l’occasion de la mission sur le déconfinement qui m’avait été confiée par le précédent gouvernement, du couple maire-préfet de département. Notre intention est de rendre rapidement plus cohérente et plus efficace l’organisation territoriale de l’État, en particulier au niveau du département.

Toutes les créations d’emplois qui seront autorisées par le projet de loi de finances pour 2021 seront affectées, sauf exception justifiée, dans les services départementaux de l’État, et aucune dans les administrations centrales (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM). C’est une révolution.

Tout en ayant le souci de l’application concrète, au plus près de nos concitoyens, l’État doit, dans le même temps, retrouver les voies de l’anticipation. L’action de l’État a été trop souvent limitée à la simple gestion des crises et des urgences. Nous avons progressivement perdu notre capacité à nous projeter dans le long terme, à planifier une politique économique (« Ah » sur les bancs du groupe SOC), à identifier les gisements de croissance future et à définir une perspective. C’est la raison pour laquelle le Président de la République souhaite la création rapide d’un commissariat général au Plan, qui aura pour mission d’incarner et d’animer une telle politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.)

C’est aussi le sens de la loi de programmation annuelle de la recherche, qui sera présenté au conseil des ministres dès la semaine prochaine, et permettra un réinvestissement massif de 25 milliards d’euros dans la recherche publique pour les dix prochaines années. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.)

C’est donc en suivant une méthode nouvelle que nous prendrons ensemble, à bras-le-corps, la crise, avec une obsession en tête : la lutte contre le chômage et la préservation de l’emploi, priorité absolue de mon gouvernement pour les prochains dix-huit mois.

La première urgence, parce que ce sont toujours les premiers touchés par la crise et parce qu’ils sont l’avenir, concerne les jeunes. 700 000 d’entre eux se présenteront bientôt sur le marché du travail, aucun d’entre eux ne doit se trouver sa solution.

M. Pierre Cordier. C’est une promesse ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Des mesures très fortes ont d’ores et déjà été annoncées pour soutenir l’apprentissage. Il faut aller plus loin. Pour ce faire, un plan pour la jeunesse sera discuté vendredi avec les partenaires sociaux.

 

Le premier impératif est de favoriser l’embauche. L’État y aidera, comme l’a annoncé le chef de l’État, par le biais d’un dispositif exceptionnel de réduction du coût du travail, à hauteur de 4 000 euros par an pour les jeunes de moins de 25 ans jusqu’à 1,6 SMIC, dans toutes les entreprises, et pour une durée d’au moins un an. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Thibault Bazin. Et les diplômés ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Le deuxième impératif tient à la lutte contre le décrochage durable des jeunes qui sont les plus éloignés de l’emploi.

Mme Virginie Duby-Muller. Et les autres ?

M. Jean Castex, Premier ministre. 300 000 parcours et contrats d’insertion seront destinés aux jeunes les plus en difficulté.

M. Christian Hutin. Il y a un an et demi, vous les avez supprimés !

M. Jean Castex, Premier ministre. 100 000 places supplémentaires en service civique sont également prévues.

Le troisième impératif est de soutenir les étudiants, notamment les plus modestes, qui se trouvent en difficulté faute d’accès aux petits boulots. Dès la rentrée, les repas dans les restaurants universitaires coûteront 1 euro pour les étudiants boursiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Au-delà des mesures d’urgence, nous devons recréer les conditions d’une croissance économique plus robuste, plus innovante, plus écologique et plus solidaire. Telle est la finalité du plan de relance que nous appliquerons dès le début du mois de septembre. Celui-ci sera doté de 100 milliards d’euros et couvrira tous les grands secteurs économiques et tous les territoires.

Le plan vise à investir d’abord dans notre atout le plus précieux : les femmes et les hommes de ce pays. D’abord, en préservant l’emploi, au travers des dispositifs d’activité partielle qui mobiliseront 30 milliards d’euros cette année, et encore 8 milliards l’année prochaine, en faveur de l’emploi et les salaires dans les entreprises confrontées à une baisse durable de leur carnet de commandes.

Mais la clé, encore et toujours, réside dans la formation. Dans une économie qui évolue très vite, le développement des compétences constitue la meilleure des protections pour garder, trouver ou retrouver un emploi. Sur ce sujet, beaucoup a été fait depuis 2017,…

M. Pierre Dharréville. Mais non !

M. Jean Castex, Premier ministre. …mais nous devons faire davantage encore en investissant 1,5 milliard supplémentaire dans la formation et en invitant les régions à amplifier leurs propres interventions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Les personnes qui s’orienteront vers les formations dans les secteurs en tension verront leur compte personnel de formation abondé. Nous nous fixons un objectif de 200 000 places supplémentaires de formation en 2021, notamment au bénéfice des jeunes et des demandeurs d’emploi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM)

Pour tenir compte du contexte, nous aménagerons la réforme de l’assurance chômage (« Ah » sur plusieurs bancs du groupe SOC). Ce sera l’un des points abordés vendredi dans le cadre de la conférence du dialogue social. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Le plan de relance sera un plan de reconquête économique et territorial. L’économie repose sur l’initiative et l’entreprise.

Dès le début de la crise sanitaire, un soutien massif, sans précédent et sans équivalent en Europe, a été apporté aux entreprises de notre pays, au travers notamment d’interventions ciblées sur les filières stratégiques, telles que l’automobile et l’aéronautique. Cette mobilisation nous a permis d’éviter le pire et d’engager maintenant un travail de reconstruction.

La crise en a, en effet, apporté une nouvelle confirmation : il faut transformer notre appareil productif. Notre industrie s’est affaiblie ; nous avons vu certains de nos fleurons industriels et technologiques passer sous pavillon étranger sans que nous puissions ou souhaitions réagir ;

Mme Emmanuelle Ménard. Et pour cause !

M. Jean Castex, Premier ministre. …nous sommes aujourd’hui trop dépendants de nos partenaires extérieurs et insuffisamment présents dans certains secteurs stratégiques. Nous consacrerons dans le plan de relance 40 milliards d’euros pour que cela change. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Nous allégerons les impôts qui pèsent sur la production en France ; nous développerons sur notre territoire les technologies d’avenir ; nous réduirons notre empreinte carbone ; nous accélérerons la numérisation des entreprises comme des administrations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Dans de nombreux domaines, notre souveraineté économique doit également se construire à l’échelle de l’Europe. Nous veillerons à une adaptation des règles de la concurrence européenne, afin de favoriser l’émergence de champions industriels européens.

L’économie repose aussi sur les territoires. Nous soutiendrons les investissements des collectivités territoriales, orientés vers le développement durable et l’aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Nous accélérerons, en particulier, tous les projets consacrés aux réseaux, qui permettent de structurer et de développer ces territoires – déploiement du très haut débit, modernisation des réseaux d’eau et d’assainissement, sauvegarde des petites lignes ferroviaires.

S’agissant du plan de rénovation urbaine, visant à restaurer la République dans les quartiers et à permettre l’émancipation de leurs habitants, d’ici à la fin de l’année prochaine, les travaux doivent avoir effectivement commencé dans 300 des 450 quartiers concernés.

M. Pierre Cordier. Cela manque de souffle !

M. Jean Castex, Premier ministre. L’agenda rural sera également accéléré en donnant notamment la priorité au déploiement du programme « petites villes de demain ».

Le plan de relance sera un accélérateur puissant de la transition écologique. Ce gouvernement veut gagner la bataille pour le climat, la protection de la nature et la biodiversité. Il compte faire de l’économie française l’économie la plus décarbonée d’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)

L’écologie n’est pas l’apanage d’une génération, d’une classe sociale, des quartiers de certaines villes ou d’un parti. L’écologie est notre affaire à tous. Elle doit être créatrice de richesses. Je crois en la croissance écologique, pas à la décroissance verte. (Mêmes mouvements.)

Le plan de relance intervient au moment où la Convention citoyenne pour le climat, vient de remettre, au terme d’un remarquable travail, ses propositions. Celles-ci doivent désormais faire l’objet de travaux associant les groupes parlementaires, les partenaires sociaux et les administrations…

Un depute du groupe LR. Usine à gaz !

M. Jean Castex, Premier ministre. …afin que, comme l’a annoncé le Président de la République, un projet de loi spécifique puisse être soumis à la concertation, au début de l’automne.

M. Erwan Balanant. Bien !

M. Jean Castex, Premier ministre. Le plan de relance proposera de mobiliser plus de 20 milliards d’euros pour mener la rénovation thermique des bâtiments, réduire les émissions des transports et de nos industries, produire une alimentation plus locale et durable, soutenir les technologies vertes de demain comme les batteries, mieux recycler et moins gaspiller.

Nos entreprises aussi doivent évoluer, et les investissements massifs du pacte productif les y aideront.

Nous pouvons redevenir une grande nation industrielle grâce et par l’écologie. Mais la transition écologique interroge aussi le quotidien de chaque citoyen, sa façon de consommer, de se déplacer, et de se loger.

Rien ne serait plus inefficace ou injuste que de demander à certains de nos concitoyens, qui n’en ont tout simplement pas les moyens, de changer brutalement leurs modes de consommation ou de déplacement. À nous de concilier transition écologique et pouvoir d’achat. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.– Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

La solution, c’est d’accompagner individuellement les Français : en matière de logement, en finançant leurs projets de rénovation thermique ; en matière de transport, grâce à la prime à la conversion, en structurant mieux le marché de l’occasion et en s’appuyant sur la location de longue durée. Tous les investissements dans les filières agricoles seront accélérés, afin de développer une alimentation de qualité, locale, accessible dans toutes les villes et tous les villages de France.

Afin de lutter contre l’artificialisation des sols, promouvoir les circuits courts et les petits commerces, nous adopterons un moratoire sur l’installation de nouveaux centres commerciaux dans les zones périphériques. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Le plan de relance prévoira des montants significatifs et inégalés en faveur d’un plan vélo très ambitieux (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM) et contractualisé avec les collectivités territoriales,…

M. Pierre Cordier. Pour l’heure, on pédale dans la choucroute !

M. Jean Castex, Premier ministre. …par l’intermédiaire d’investissements dans les infrastructures. Voilà qui touche la vie quotidienne ! Les vélos électriques vont révolutionner l’usage de ce moyen de locomotion propre et excellent pour la santé dans toutes les villes et villages de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.– Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabien Di Filippo. Lui prend l’avion tous les jours !

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous régulerons la publicité pour réduire les incitations à la surconsommation de produits polluants.

Afficher des intentions, c’est bien ; prévoir les conditions de leur mise en œuvre concrète, c’est mieux.

Plusieurs députés des groupes LR et GDR. Ça, c’est certain !

M. Jean Castex, Premier ministre. C’est donc dans les territoires que nous mettrons en application, chaque fois que cela sera possible, les mesures du plan de relance, de lutte contre le chômage et de reconquête de l’économie.

M. Fabien Di Filippo. Blabla !

M. Thibault Bazin. Il ne se passera rien !

M. Jean Castex, Premier ministre. Les collectivités locales, les partenaires sociaux, les forces vives et les citoyens seront associés, responsabilisés, impliqués, dans un cadre organisé par bassin d’emploi ou territoire pertinent.

D’ici à la fin de 2021, nous souhaitons que tous les territoires – j’y insiste – soient dotés de contrats de développement écologique avec des plans d’action concrets, chiffrés, mesurables (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM), du développement des pistes cyclables à la lutte contre l’artificialisation des sols, de l’équipement des toitures photovoltaïques à la promotion du tri sélectif, de la lutte contre les gaspillages à la promotion des énergies renouvelables, du nettoiement des rivières aux économies d’eau, d’énergie et d’éclairage public.

Un député du groupe GDR. C’est ça, la relance ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Les élus, les forces vives et les citoyens seront les acteurs de ces contrats territoriaux, dont l’État sera partenaire et financeur.

Je vous ai présenté les principaux axes du plan de relance. Son contenu précis devra être concerté, dans toutes ses dimensions, dans les prochaines semaines,…

M. Éric Diard. Que c’est soporifique !

M. Jean Castex, Premier ministre. …avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales, en particulier celles concernées par sa mise en œuvre, y compris dans l’outre-mer. Nous veillerons à soutenir les secteurs les plus touchés par la crise, notamment le tourisme, le sport et la culture. Les acteurs de ces secteurs ont, je le sais, particulièrement souffert de la crise, et ils en souffrent encore. Nous continuerons à les soutenir. C’est un enjeu non seulement économique, mais aussi, s’agissant de la culture, sociétal et démocratique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

J’invite chacun des groupes parlementaires à faire au Gouvernement des propositions (Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC et FI),…

M. Thibault Bazin et M. Christian Jacob. On ne vous a pas attendu pour en faire !

Mme Sylvie Tolmont. On n’arrête pas !

M. Jean Castex, Premier ministre. …avant que le Parlement ne soit amené à s’en saisir dans le cadre de ses prérogatives législatives.

M. Fabien Di Filippo. Nous saurons vous le rappeler !

M. Jean Castex, Premier ministre. Ces mêmes institutions seront étroitement associées à la mise en œuvre du plan de relance, afin d’en garantir la transparence et l’efficacité. Le Gouvernement présentera, tous les deux mois, un point précis de l’application de ce plan de relance, de ses impacts et de ses résultats.

Je souhaite qu’une attention particulière soit portée à l’allégement et à la simplification des procédures qui pourraient en retarder ou en contrarier l’application. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.– Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Les entreprises qui bénéficieront d’aides au titre de ce plan ou s’inscriront dans le cadre de l’activité partielle de longue durée seront invitées à une stricte modération dans la distribution des dividendes,…

M. Fabien Roussel. Quelle audace !

M. Jean Castex, Premier ministre. …comme cela a déjà été le cas pendant la crise sanitaire. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)

M. Christian Hutin. Vous avez refusé tout ce que nous vous avons proposé ! C’est lamentable !

M. Jean Castex, Premier ministre. De la même manière, nous serons très exigeants quant aux conditions de traitement des sous-traitants. Je souhaite enfin – et nous en parlerons vendredi avec les partenaires sociaux – que le dialogue social s’empare sans délai de la question du partage de la valeur dans les entreprises et prévoie les conditions d’une relance de la participation et de l’intéressement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Éric Coquerel. Quel cynisme !

M. Jean Castex, Premier ministre. Cent milliards d’euros, ce n’est pas rien, mais c’est une nécessité vitale. Bien sûr, ce plan de relance aura aussi un coût pour les finances publiques.

M. Thibault Bazin et M. Fabien Di Filippo. Eh oui ! Qui va payer ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Dans une telle situation de crise, la réponse ne saurait être l’austérité budgétaire, qui ne ferait qu’aggraver les choses. (Mme Laurence Dumont s’exclame.) Autant nous devons assumer le sérieux budgétaire en ce qui concerne nos dépenses de fonctionnement, autant nous devons ensemble assumer cet investissement massif, qui, et c’est une grande innovation par rapport à la crise de 2008, bénéficie d’un soutien exceptionnel de l’Union européenne, soutien que la France a su négocier. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.– MM. Olivier Becht et Bertrand Pancher applaudissent aussi.)

Dépenser sans transformer, c’est de la dépense courante ; dépenser en transformant, c’est de l’investissement pour l’avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La part conjoncturelle de la dette, liée à la crise, fera l’objet d’un cantonnement.

M. Thibault Bazin. C’est irresponsable !

M. Jean Castex, Premier ministre. Lutter contre la crise, c’est donc prendre sans délai les mesures vigoureuses de protection et de relance que la situation commande ; c’est également ressouder notre communauté nationale en confortant notre pacte social et républicain.

Nous ne retrouverons pas l’unité sans une attention accrue aux plus vulnérables d’entre nous.

Mme Sylvie Tolmont. Il serait temps !

M. Jean Castex, Premier ministre. Ils ont été davantage touchés par la crise sanitaire, ce qui révèle de réelles inégalités en matière de santé.

M. Sébastien Jumel. Rétablissement de l’ISF !

M. Jean Castex, Premier ministre. Ils seront également les plus fortement affectés par la crise économique.

M. Sébastien Jumel. Rétablissement de l’ISF !

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous avons pris des mesures de soutien fortes pendant le confinement : aide à 4 millions de foyers précaires, aide aux jeunes, plan d’urgence pour l’aide alimentaire.

M. Thibault Bazin. Et les classes moyennes ? Vous les avez oubliées !

M. Jean Castex, Premier ministre. La solidarité nationale doit continuer à jouer à plein, pour éviter une crise sociale majeure et des drames humains individuels désastreux. Des mesures de soutien pour nos concitoyens les plus précaires seront donc prises ; l’allocation de rentrée scolaire sera revalorisée, de façon exceptionnelle, dès la rentrée de septembre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) Le plan pauvreté lancé par le précédent gouvernement sera poursuivi et amplifié en fonction de l’évolution de la conjoncture. (Mêmes mouvements.)

Au-delà, c’est l’avenir de notre système de protection sociale qu’il nous faut consolider.

M. Pierre Cordier. Et les revenus moyens !

M. Jean Castex, Premier ministre. La crise est venue nous rappeler combien il nous est précieux, combien il est cœur du projet républicain. Ce système, ce sont nos aînés qui l’ont imaginé et bâti ; soixante-dix ans plus tard, il est toujours debout – mais il demande à être amélioré et renforcé.

C’est notamment le cas de notre système de santé, qui a été rudement mis à l’épreuve par la crise et justifie aujourd’hui un investissement inédit de la part de la nation. Lundi, nous avons signé un accord majoritaire d’une ampleur inédite, désormais entré dans l’histoire sous l’appellation de Ségur de la santé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Jean-Paul Dufrègne. Cela faisait deux ans qu’on attendait que vous réagissiez !

M. Jean Castex, Premier ministre. Un engagement portant sur la revalorisation de la rémunération des personnels et des créations d’emploi, à hauteur de 8 milliards d’euros, a été conclu. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.– MM. Jean-Luc Mélenchon et Adrien Quatennens font des signes de dénégation.) Chaque aide-soignant, chaque infirmière gagnera dès l’année prochaine au moins 200 euros nets en plus chaque mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.– Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Cela pourra même aller, pour beaucoup d’entre eux, jusqu’à 500 euros grâce à la généralisation de la prime d’engagement collectif et à la possibilité de faire des heures supplémentaires majorées – soyons-en fiers ! Ainsi les femmes et les hommes – surtout les femmes, d’ailleurs, car, dans ces métiers, elles sont les plus nombreuses – qui se sont battus en première ligne contre l’épidémie accéderont-ils enfin une rémunération à la hauteur de leur investissement quotidien. (Protestations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)

M. Christian Hutin. Oh non ! Pas à la hauteur !

M. Stéphane Peu. Cela restera en dessous de la moyenne européenne !

M. Jean Castex, Premier ministre. S’y ajouteront, dans le cadre du plan de relance, 13 milliards d’euros au titre de la reprise de la dette hospitalière et 6 milliards au titre du soutien supplémentaire aux investissements en faveur de notre système de santé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

L’objectif est de donner davantage de souplesse aux établissements, d’intégrer la qualité des soins dans les règles de financement des hôpitaux et des médecins de ville, de mettre l’accent sur la prévention, notamment en développant les actions sport-santé, et d’impliquer davantage les élus des territoires dans la gestion du système de santé. Encore et toujours l’entrée par les territoires ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Pierre Cordier. Ça existe déjà, tout ça !

M. Jean Castex, Premier ministre. C’est également en partant des territoires que nous progresserons sur le sujet de l’accès à un médecin de ville. Il faut évidemment attirer davantage de médecins dans nos territoires et, en allégeant les charges administratives qui pèsent sur eux, leur permettre de suivre davantage de patients.

Mme Sylvie Tolmont. On ne vous pas attendu pour ça !

M. Christian Hutin. Vous réinventez l’eau chaude !

M. Jean Castex, Premier ministre. Il faut aussi développer la télémédecine, qui a connu un essor spectaculaire pendant la crise du covid-19. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Boris Vallaud. La majorité manque d’enthousiasme !

M. Jean Castex, Premier ministre. En matière de retraites, la crise nous invite plus que jamais à poursuivre nos objectifs en vue d’un système plus juste et plus équitable, notamment pour les femmes et les travailleurs modestes, passant par la création d’un régime universel.

M. Pierre Dharréville. Mais non  !

M. Jean Castex, Premier ministre. Cela implique clairement la disparition à terme des régimes spéciaux (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM), mais aussi de prendre pleinement en considération la situation des bénéficiaires actuels de ces régimes. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.) Je constate que les modalités de cette réforme ont suscité de l’inquiétude et de l’incompréhension. Je proposerai donc aux partenaires sociaux comme aux parlementaires que la concertation reprenne (Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR), afin d’améliorer le contenu comme la lisibilité de cette réforme nécessaire, en la distinguant très clairement de toute mesure financière parfois qualifiée de paramétrique. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Éric Coquerel. Les syndicats ne veulent pas discuter avec vous !

M. Christian Hutin. Les avocats dans la rue !

M. Jean Castex, Premier ministre. Autre réforme qui sera mise au crédit de ce Gouvernement et d’une majorité que j’espère la plus large possible : la création du cinquième risque de la sécurité sociale pour la prise en charge de la dépendance liée au grand âge. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Vous le savez et vous le souhaitez, elle constituera une avancée historique. Je souhaite que les travaux engagés, notamment par vous, puissent se poursuivre selon des modalités que nous arrêterons en lien avec les partenaires sociaux. Cette avancée si souvent annoncée, si longtemps attendue, devra aboutir avant la fin du quinquennat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Vouloir préserver notre pacte social nous oblige aussi à en garantir la soutenabilité dans la durée. La crise économique qui nous frappe se traduira par un déficit de la sécurité sociale qui devrait dépasser 50 milliards d’euros à la fin de l’année. (M. Éric Coquerel s’exclame.) C’est évidemment considérable, même si nous devons faire la part des choses : ce qui relève d’une dégradation conjoncturelle liée aux circonstances exceptionnelles de la crise n’a pas vocation à peser sur nos niveaux de couverture sociale et sera donc financé dans le cadre de la « dette covid » ; ce qui révélerait une dégradation plus structurelle de nos comptes sociaux exigera des mesures de retour vers l’équilibre.

Nous en parlerons vendredi prochain avec les partenaires sociaux pour définir une méthode et un calendrier.

M. Maxime Minot. La journée ne sera pas assez longue !

M. Christian Hutin. Vous allez y passer la nuit !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mais je veux vous dire dès aujourd’hui ma conviction : il n’est pas envisageable, dans le contexte que nous traversons, de demander aux Français un effort fiscal supplémentaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) Il n’est pas davantage indiqué de prendre à court terme…

M. Éric Diard. À l’horizon 2022 ?

M. Jean Castex, Premier ministre. …des dispositions qui viendraient contrarier la préservation de l’emploi et la lutte contre le chômage, qui sont nos premières priorités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) C’est en favorisant le retour à une croissance riche en emplois et en travaillant davantage (Exclamations sur les bancs du groupe FI)…

Mme Laurence Dumont. Nous y voilà !

M. Jean Castex, Premier ministre. …que nous pourrons restaurer les équilibres dans la durée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Autant que notre protection sociale, notre pacte républicain constituera le plus solide des remparts contre la crise. Plus que jamais, il est de notre devoir collectif de le conforter.

Le premier rempart de notre République, c’est l’école. La France peut être fière de son corps enseignant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Depuis trois ans, une profonde refondation de l’école a été engagée. Nous la poursuivrons à la rentrée, en ciblant notre action sur les enfants qui ont décroché durant le confinement. Je veux dire ici aussi mon attachement à l’éducation artistique, au sport à l’école et enfin, j’insiste sur ce point, à l’école inclusive : je serai extrêmement vigilant concernant la scolarisation à la rentrée des élèves handicapés, qui, plus que les autres, ont été ces derniers mois touchés par la crise. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.) Trois de mes grands-parents étaient instituteurs, ma mère était institutrice. (« Bravo ! » sur les bancs des groupes SOC et FI.) Si je suis devant vous aujourd’hui, je le dois à l’école républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UDI-I, LT et Agir ens.) L’égalité des chances doit être non seulement un idéal, mais aussi une réalité.

En matière d’égalité entre les femmes et les hommes, ce quinquennat et la majorité parlementaire révèlent un bilan particulièrement positif (Exclamations sur les bancs du groupe SOC)…

M. Maxime Minot. Pipeau  !

M. Jean Castex, Premier ministre. …que nous entendons bien poursuivre et amplifier, notamment s’agissant des conditions de travail, d’activité et de rémunération.

M. Maxime Minot. Vous êtes complètement à l’ouest !

M. Jean Castex, Premier ministre. La République, c’est la laïcité comme valeur cardinale, comme fer de lance de la cohésion de la société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. François Cormier-Bouligeon. Très juste !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mon Gouvernement la défendra avec intransigeance.

Plusieurs députés du groupe LR. C’est plutôt mou !

M. Jean Castex, Premier ministre. Aucune religion, aucun courant de pensée, aucun groupe constitué ne peut s’approprier l’espace public et s’en prendre aux lois de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur certains bancs des groupes UDI-I et Agir ens.– M. Mansour Kamardine applaudit aussi.) En particulier, pour appeler les choses par leur nom, lutter contre l’islamisme radical sous toutes ses formes est et demeure l’une de nos préoccupations majeures. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur certains bancs des groupes UDI-I et Agir ens.) Tout le Gouvernement est concerné.

Il ne saurait davantage être toléré que des minorités ultra-violentes s’en prennent aux forces de sécurité et viennent désormais systématiquement ternir les manifestations sur la voie publique et leurs revendications légitimes. (Mêmes mouvements.)

M. Éric Diard. On a vu ça hier !

M. Jean Castex, Premier ministre. Les violences commises dans le quartier des Grésilles, à Dijon, où je me suis rendu, et non loin, à Chenôve, l’attaque ignoble contre un chauffeur de bus à Bayonne, les embuscades tendues aux représentants des forces de l’ordre et à nos pompiers dans certains quartiers, les trafics en bas des cages d’escalier, la banalisation de la délinquance du quotidien, sont autant de faits inacceptables qui exaspèrent à juste titre les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.– M. Olivier Becht applaudit aussi.) Ils appellent une réponse de l’État ferme et sans complaisance.

M. Éric Ciotti. Dites-le au Président de la République, il a oublié !

M. Jean Castex, Premier ministre. Il n’est pas davantage acceptable que des violences soient perpétrées sur des personnes en raison de leur pratique religieuse, de leur orientation sexuelle ou de leur couleur de peau. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.) Toutes ces formes de violence, notamment conjugales, toutes ces formes de discrimination, de racisme, d’antisémitisme, où qu’elles se nichent, seront combattues avec la dernière énergie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI, LT  et Agir ens.) Un projet de loi visant à lutter contre les séparatismes sera présenté à la rentrée en Conseil des ministres pour éviter que certains groupes ne se referment autour d’appartenances ethniques ou religieuses.

M. Éric Diard. Il est trop tard !

M. Jean Castex, Premier ministre. À nos policiers et gendarmes, à toutes les forces de sécurité et à tous les acteurs de la prévention, je souhaite exprimer ici, au nom de la nation, mon profond respect et ma gratitude. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.) Ils forment la première ligne de l’ordre républicain et exercent leur mission dans des circonstances qui sont parfois extrêmement délicates.

M. Pierre Cordier. La faute à qui ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Je veillerai à ce qu’ils puissent obtenir tous les moyens, matériels et humains, nécessaires pour conduire leur mission, à ce qu’ils puissent être là où ils sont attendus, sur le terrain, en les déchargeant de tâches administratives parfois chronophages.

Je ne peux parler de ceux qui protègent les Français sans évoquer le rôle fondamental de nos armées. Dans le combat contre les ennemis de la liberté et le terrorisme, elles portent haut les couleurs de la France. Vous le savez, mesdames et messieurs les députés, sur tous les bancs de cet hémicycle. Qu’elles soient déployées sur le sol national ou au Sahel, en Centrafrique, en Irak, elles sont l’honneur de notre patrie. Je souhaite rendre hommage à leur sens du sacrifice et à leur courage, essentiels pour assurer la paix et la sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.) Le Président de la République a engagé, avec la loi de programmation militaire, une historique remontée en puissance de nos armées.

Au cœur du pacte républicain et des responsabilités de l’État se trouve l’autorité judiciaire. L’indépendance de la justice est le socle de notre état de droit. Le respect du contradictoire et la présomption d’innocence constituent les garanties fondamentales de nos libertés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI et Agir ens.) La célérité et l’effectivité du service public de la justice sont les conditions de la paix sociale et du respect des victimes. Plus que jamais, ses moyens d’action doivent être renforcés pour la rendre accessible, compréhensible, et efficace. Des efforts importants ont d’ores et déjà été engagés par la loi de programmation et de réforme de la justice adoptée par l’actuelle majorité.

M. Stéphane Peu. Vous savez bien que ce n’est pas vrai !

M. Christian Hutin. C’est l’inverse qui s’est produit : la fin de la justice de proximité !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je demanderai au Parlement d’en accélérer la réalisation dès l’adoption du budget pour 2021.

De même que la police de sécurité du quotidien devra se déployer beaucoup plus fortement, je souhaite aussi promouvoir la justice de la vie quotidienne. Vous l’avez toutes et tous constaté : dans beaucoup de territoires, la petite délinquance, les petites incivilités, le tag, l’insulte, le petit trafic, les troubles à ce que le code communal appelle la tranquillité publique, se sont développés au point de gâcher la vie des gens. Ils se sont développés car, faute de réponse judiciaire, une forme d’impunité s’est installée.

M. Éric Ciotti et M. Christian Jacob. Depuis trois ans !

M. Jean Castex, Premier ministre. Elle s’est installée par manque de reconnaissance et de moyens accordés par l’État à l’autorité judiciaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Pierre Cordier. Que faites-vous depuis trois ans ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Entre autres renforcements que, dès 2021, je demanderai à la représentation nationale d’adopter, j’ai demandé au garde des sceaux de créer dans les territoires des juges de proximité spécialement affectés à la répression de ces incivilités du quotidien. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Cordier. Ça existe déjà !

M. Christian Hutin. Et c’est plutôt l’inverse qui se produit !

Plusieurs députés du groupe LR. Quelle tarte à la crème !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, voici donc les valeurs et les principes qui guideront l’action du Gouvernement que j’ai l’honneur de diriger sous l’autorité du Président de la République.

M. Fabien Di Filippo. Sous l’autorité, oui, c’est bien le mot !

M. Jean Castex, Premier ministre. Celui-ci a été élu en 2017 avec une ambition claire : dire la vérité, travailler avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, obtenir des résultats concrets le plus rapidement possible. Ce projet demeure plus que jamais d’actualité et je souhaite, avec vous, que nous fassions avancer la France.

Les défis qui se présentent à nous sont immenses. Mais j’ai confiance dans notre pays et dans les Français pour les relever. J’ai confiance dans notre ingéniosité collective, dans notre énergie, dans notre capacité à rebâtir un esprit de conquête.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas partagé !

M. Jean Castex, Premier ministre. J’ai confiance en notre capacité à nous unir pour faire vivre notre modèle républicain et permettre à la France de surmonter cette nouvelle épreuve. Oui, notre pays doit être uni pour affronter les temps difficiles qu’il traverse. Je tends la main aux représentants de la nation, aux partenaires sociaux, aux forces vives, aux territoires, à tous nos concitoyens, pour qu’ils puissent s’impliquer le plus largement possible dans l’œuvre de protection et de reconstruction que je vous propose d’engager aujourd’hui.

J’ai réuni autour de moi un gouvernement de combat (Exclamations sur les bancs des groupes LR. et SOC.– Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM),…

M. Pierre Cordier. Ce sont les mêmes !

M. Jean Castex, Premier ministre. …un gouvernement de femmes et d’hommes plus déterminés que jamais, au plus près du terrain, dans une logique de concertation et de proximité qui est la raison d’être de ce Gouvernement. Mesdames et messieurs les députés, nous avons 600 jours devant nous : 600 jours pour protéger les Français, leurs emplois et leur pouvoir d’achat face à la crise ; 600 jours pour réinventer nos façons de faire et mettre l’écologie au cœur de notre action et de nos territoires.

Six cents jours pour conforter l’autorité de l’État et préserver notre pacte social.

M. Boris Vallaud. Cela va être long !

M. Jean Castex, Premier ministre. Six cents jours pour bâtir les fondations de la France de demain.

Dans ces temps troublés, nous avons une boussole, mesdames et messieurs les députés : la République. Elle est notre ciment, notre espérance. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

 

C’est elle qui doit unir les Français, assurer leur protection, libérer leurs énergies, aiguiser leur sens des responsabilités et leur goût d’entreprendre, incarner les promesses de la justice et du progrès social. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

 

Conformément à l’article 49 de notre Constitution, après y avoir été autorisé par le conseil des ministres, j’engage la responsabilité de mon Gouvernement sur cette déclaration de politique générale. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, MODEM et Agir ens se lèvent et applaudissent.)

M. Pierre Cordier. C’est déjà fini ?

M. le président. La parole est à M. Gilles Le Gendre. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

S’il vous plaît, un peu de silence.

M. Pierre Cordier. Écoutez votre président !

M. Gilles Le Gendre. « Rendre la France plus forte en résolvant des problèmes que tous les gouvernements n’ont pas été capables de régler par temps calme », tel est le nouveau chemin, ambitieux, que le Président de la République a proposé hier aux Français et dont votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre, vient de poser, avec précision et détermination, tous les jalons.

M. Pierre Cordier. Vous devriez faire une note !

M. Gilles Le Gendre. Le temps calme, nos concitoyens le pressentent aussi bien que nous, ne sera pas au rendez-vous du mandat que vous a confié le chef de l’État pour réussir la reconstruction économique, écologique, sociale, culturelle et républicaine de notre pays et renforcer sa souveraineté.

M. Pierre Cordier. C’est son dernier discours !

M. Gilles Le Gendre. Il y a quatre mois, notre vie a basculé dans l’inconnu. Il n’y a pas de précédent dans l’histoire contemporaine : jamais une maladie et la peur d’en mourir ne sont devenues, en quelques heures, l’unique sujet de préoccupation et de conversation de nos compatriotes. Jamais la plupart d’entre eux n’ont été soudainement contraints de mettre leur vie à l’arrêt du fait d’une crise économique de cette gravité.

Le déconfinement et l’apparent retour à une vie insouciante créent une illusion dont nous devons prendre garde. La réouverture des restaurants et les départs en vacances ne referment pas la parenthèse d’anxiété ouverte par le covid-19 et le confinement. Si le virus semble moins menaçant, ce qui reste à confirmer, la dégradation de la situation économique et sociale, qui a entraîné faillites et hausse du chômage, hante tous les esprits. Au sein de chaque famille, dans chaque bureau, chaque atelier, chaque exploitation agricole, chaque commerce, dans tous les territoires, les Français redoutent que le pire ne soit devant nous.

Ce contexte si particulier désigne le principal défi que nous devons relever, monsieur le Premier ministre. Notre seul ennemi est le temps – ces fameux six cents jours, délai nécessaire mais trop bref ! Notre unique et solide alliée doit être la confiance. La dialectique est exigeante car, si la reconstruction du pays ne peut pas attendre, la confiance ne se reconstruira que dans la durée.

Notre majorité vous accordera, à n’en pas douter, la confiance que vous venez de solliciter auprès de la représentation nationale, mais elle repose sur la conviction que vous-même et votre Gouvernement ne ménagerez pas votre peine ni n’économiserez votre savoir-faire pour donner aux Français le goût de bâtir ensemble leur futur.

Ces derniers ont fait preuve d’une résilience admirable au cours de ces trop longs mois. Personnels soignants héroïques de la première ligne, travailleurs à l’inlassable dévouement de la seconde ligne et même simples citoyens se soumettant aux indispensables mesures de restriction de leurs libertés individuelles : tous ont offert de la France son plus beau visage. Qu’hommage leur soit rendu ici, après que la République a fait de même, hier, lors de cette belle cérémonie du 14-Juillet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Par ailleurs, le travail de reconstruction que nous engagerons avec vous ne part pas de zéro. Sous l’impulsion de votre prédécesseur, Édouard Philippe, que je remercie au nom de notre groupe parlementaire pour l’action qu’il a menée au cours des trois dernières années (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), et du ministre Bruno Le Maire, avec le soutien constant de notre majorité, les réponses à la crise économique ont été rapides, fortes, appropriées.

En particulier, trois projets de loi de finances rectificative, mobilisant des ressources exceptionnellement élevées, ont jeté les premières fondations du futur édifice dont vous venez de dessiner les plans.

M. Jérôme Lambert. Encore plus sinistre que le Premier ministre !

M. Gilles Le Gendre. Monsieur le Premier ministre, les députés de La République en marche se reconnaissent largement dans votre stratégie et les projets qui lui serviront de points d’appui.

M. Patrick Hetzel. C’est vrai qu’ils ont l’air heureux !

M. Gilles Le Gendre. Nous y retrouvons une très grande part de nos propositions. Je pense notamment au travail qu’avait animé, au sein de notre groupe, notre collègue Bénédicte Peyrol ou, plus largement, celui conduit au sein de notre mouvement par notre délégué général Stanislas Guerini. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Je ne reprendrai pas dans le détail les nombreuses mesures que vous avez présentées. Je préfère insister sur trois paradoxes que nous devrons dépasser ensemble pour entraîner l’adhésion des Français et qui représentent autant de défis pour votre Gouvernement : concilier la simplicité et l’ambition, l’efficacité et le dialogue, la constance et l’urgence.

S’agissant du premier paradoxe, la conciliation de la simplicité et de l’ambition, le temps, répétons-le, demeure notre principale contrainte en ce qu’il proscrit toute forme de complexité dans l’action. Nous devrons préférer des projets peu nombreux mais que nos concitoyens pourront facilement s’approprier, du fait de leur faible incidence dans leur vie quotidienne, à une multitude de dispositifs dans lesquels ils pourraient, comme les administrations chargées de les mettre en œuvre, se disperser.

Vos propositions en faveur de l’emploi des jeunes, priorité que nous partageons pleinement, montrent le chemin à suivre : pas un jeune ne doit rester sans emploi ni formation, grâce à la mobilisation de toutes les ressources de l’apprentissage, de la formation, de l’insertion, du service civique.

Nous souhaitons qu’il en soit de même pour l’élargissement, que nous soutenons, des mécanismes de participation ou d’intéressement. Ces derniers ne fonctionneront que si leur recours ne se transforme pas en course d’obstacles. Cependant, la simplicité ne doit pas faire obstacle à la vision, ni la reconstruction à la réinvention.

Le Président de la République a affirmé hier que la France pouvait redevenir une grande nation industrielle grâce à l’écologie et par l’écologie, mais l’écologie du mieux, non l’écologie du moins.

M. Loïc Prud’homme. Ah !

M. Gilles Le Gendre. Monsieur le Premier ministre, la transition écologique dépassera largement l’horizon du plan de reconstruction que vous nous avez présenté, mais notre groupe aura à cœur d’inscrire toutes les mesures nouvelles dans une stratégie volontariste d’accélération de cette transition, qui permette de répondre à deux questions cruciales restées en suspens.

Tout d’abord, nous devrons favoriser la croissance, condition indispensable à la création de richesses et à leur redistribution, tout en protégeant le climat et la biodiversité. De ce point de vue, votre plan massif de rénovation des logements et des bâtiments prouvera que c’est possible.

Par ailleurs, l’efficacité de l’arme fiscale et de la mise sous condition des aides en matière environnementale est un point sensible, jusqu’au sein de notre majorité : nous ne pourrons pas l’ignorer plus longtemps.

La vision implique aussi le renforcement de notre souveraineté. En apparence, sa nécessité ne fait plus débat, à la lumière des premiers enseignements de la crise sanitaire et des défaillances qu’elle a mises en exergue dans notre industrie de la santé, au sens large.

Mais, comme l’a mis en évidence le colloque organisé il y a quelques semaines à l’Assemblée nationale par notre président, Richard Ferrand, la souveraineté, en ce qu’elle bouleverse les chaînes de valeur, ne résonne pas de la même tonalité à l’oreille du salarié, du consommateur et du citoyen, la plupart du temps réunis dans la même personne. Là encore, cet arbitrage devra être le fruit de réflexions et de décisions, hautement stratégiques, inscrites dans le temps long.

La conciliation de l’efficacité et du dialogue est un deuxième paradoxe. La tâche qui nous attend est immense et nous connaissons tous les risques d’enlisement qui guettent l’action publique.

La crise que nous traversons a démontré, jusqu’à la caricature, l’écart, concernant l’efficacité, entre le meilleur et le moins bon, tant pour ce qui est des mesures sanitaires qu’économiques, sociales ou éducatives. Il s’agit d’un problème d’organisation, certes, de processus également, de territoires, parfois, mais presque toujours de gestion des femmes et des hommes, quelles que soient leurs bonnes intentions ou leur bonne volonté !

Nous ne pouvons pas soumettre votre plan de reconstruction aux mêmes aléas d’exécution.

Nous avons bien noté, monsieur le Premier ministre, votre intention de ne pas engager une vaste réforme législative de l’architecture administrative et de l’organisation des pouvoirs publics, lui préférant la révolution des pratiques. Vous avez raison, nous n’en avons pas le temps.

Il pèse, par conséquent, sur votre Gouvernement, une obligation particulière d’écoute, de cohérence et de réactivité, pour que les décisions qu’il devra prendre à Paris, à effets immédiats ou presque, parviennent sans déperdition aux populations à qui elles sont destinées, avec le concours des services déconcentrés de l’État et des collectivités décentralisées, dans toute la métropole et en outre-mer.

 

Vous venez de prendre sur ce sujet des engagements qui nous rassurent. Votre expérience combinée de serviteur de l’État et d’élu local nous autorise à penser qu’ils seront tenus.

Le dialogue social est-il un frein ou un accélérateur d’efficacité ? La réponse est dans la question. Vous en avez fait votre viatique dans les premiers propos que vous avez tenus en public. Cela tombe bien : c’est aussi le nôtre, à La République en marche. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.) Mais ne nous berçons pas d’illusions : ce que nous avons appelé l’acte II du quinquennat a confirmé, à ceux qui pouvaient encore en douter, à quel point la religion du dialogue social met à l’épreuve la foi de ses pratiquants les plus fidèles.

Les négociations que vous engagez en ce moment même avec les partenaires sociaux seront décisives. Nous n’avons pas, là non plus, le temps de mener des cycles interminables sur le mode des Grenelle qui s’enchaînent les uns aux autres. Nous avons plutôt besoin d’un dialogue permanent, constructif, qui corresponde à l’obligation de réactivité inhérente à l’exercice de la reconstruction.

Utopique ? En toute autre période, sans doute. Mais, compte tenu de l’effort financier sans précédent que l’État est prêt à consentir pour protéger les Français les plus exposés à la crise, nous avons certainement une carte à jouer pour faire bouger les lignes. Le Ségur de la santé, que vous avez mené à bien en un temps record avec Olivier Véran et Nicole Notat, est d’excellent augure de ce point de vue.

Nous avons noté votre souhait d’aborder le dossier des retraites dans le même état d’esprit. Vous savez l’attachement de notre groupe à la création d’un régime universel par points et à la fin des régimes spéciaux. Cette réforme, nous avons eu l’occasion de le démontrer ici même, répond à une exigence de justice que nous devons aux Français trop longtemps laissés pour compte par la quarantaine de régimes de retraite actuels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Nous sommes donc prêts à reprendre le cours de la réforme après qu’elle sera passée entre les mains des partenaires sociaux, à votre initiative.

Troisième paradoxe, enfin : concilier constance et urgence. Nous en avons conscience : la crise sanitaire et économique bouleverse le cours du quinquennat. Elle a stoppé net la démonstration chiffrée du fait que les transformations réalisées par la majorité commençaient à porter leurs fruits. Vous avez rappelé tout à l’heure que c’était le cas, avec la croissance la plus forte d’Europe, la baisse du chômage, la renaissance d’une industrie française, l’attractivité recouvrée de notre économie auprès des investisseurs internationaux et la maîtrise progressive des finances publiques. Non seulement ce bilan n’est pas à passer par pertes et profits, mais il servira de socle à la reconstruction que nous entamons et sera la garantie de son succès.

Un exemple : le plan jeunes, qui sera déployé d’ici à la rentrée, n’aurait aucune chance de réussir si nous n’avions pas déjà réalisé la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Un autre : pourrions-nous mobiliser des moyens financiers d’urgence à un niveau exceptionnel, sans dégrader la signature de la France et en empruntant à taux bas ou négatif, si notre pays n’avait rejoint, grâce aux réformes menées depuis trois ans, le club des économies vertueuses ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Il n’empêche que la violence du choc, ainsi que la force et l’urgence de la résistance que nous devons lui opposer, agissent comme une tentation de reléguer au second plan ce qui fait l’essence de notre politique depuis trois ans. Monsieur le Premier ministre, il ne doit rien en être et nous comptons sur vous pour qu’il n’en soit rien. L’argent a beau être peu cher, nous devons nous assurer que chaque euro dépensé sera rigoureusement investi dans des politiques qui continuent de construire l’avenir de notre pays. Cette obligation s’imposera évidemment aux facultés financières qu’offre le plan de relance européen, chance historique qu’a permise l’accord passé par le Président Macron et la chancelière Merkel, qui ne doit pas être considéré comme une manne magique.

Vous avez fait le choix de ne pas augmenter les impôts pour les ménages et même de baisser certains d’entre eux pour les entreprises. Nous approuvons cette orientation qui renvoie aux vieilles lunes la controverse stérile entre politique de l’offre et soutien de la demande. Ce sont les deux qu’il nous faut, aujourd’hui comme hier.

Nous l’avons dit, la transition écologique doit s’accélérer, notamment à la faveur des propositions de la convention citoyenne pour le climat, que notre groupe a soutenue dès l’origine. Mais, là encore, nous ne partons pas de rien.

Nous avons évoqué la question des retraites, mais il est une autre réforme à laquelle, vous le savez, notre groupe est profondément attaché : celle qui engagera la prise en charge de nos aînés. La loi sur l’autonomie et le grand âge figure à votre programme ; nous sommes prêts à l’écrire avec vous sans délai (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) et à soumettre à votre gouvernement le travail de qualité réalisé depuis deux ans par nos collègues mobilisés sur le sujet.

Au-delà de ces éléments très concrets, les principes que nous défendons depuis trois ans n’ont rien perdu de leur force, eux non plus, et ils continueront de guider notre action de reconstruction. Par exemple, au moment où le pacte républicain est fragilisé par de nombreuses contestations, nous devons promouvoir plus que jamais l’émancipation des individus, conduire la lutte contre toutes les formes de communautarisme et combattre sans relâche toutes les formes de discrimination, au premier rang desquelles celle entre les femmes et les hommes. En un mot, la reconstruction ne frappe pas d’obsolescence les politiques que nous avons engagées depuis trois ans. Au contraire, elle oblige à ce que leur exécution, même rendue plus difficile ou coûteuse par la crise, ne souffre aucun relâchement.

Monsieur le Premier ministre, le groupe La République en marche votera la confiance que vous avez sollicitée. Il le fera sans hésitation, parce que les circonstances invitent plus que jamais le pays à se rassembler derrière le Gouvernement. Il le fera aussi car il est prêt à faire confiance à votre personne et à la promesse que vous avez maintes fois réitérée de travailler en étroite collaboration avec la majorité à la reconstruction de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Huées sur quelques bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Quel contraste saisissant entre l’immense drapeau tricolore déployé hier place de la Concorde en hommage aux soignants, qui faisait honneur à la France, et l’intervention bien pâle du Président de la République ensuite, qui relevait davantage d’un bavardage introspectif et ennuyeux que d’une parole républicaine et forte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Grandeur de la France d’un côté, décadence de l’État de l’autre (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe LaREM) ; émouvant hommage à la nation d’un côté, désolant exercice de contrition de l’autre ;…

M. Thibault Bazin. Il a raison !

M. Damien Abad. …solennité de l’instant d’un côté, banalisation de la parole publique de l’autre.

M. Bernard Deflesselles. Absolument !

M. Damien Abad. Plus graves encore sont les mots qui n’ont pas été prononcés par le chef de l’État. À un moment où la nation n’a jamais été autant défiée, pas un mot sur l’autorité de l’État, pas un mot sur le lien brisé entre la police et la nation, pas un mot non plus sur les violences qui ont bouleversé la société française ces derniers jours, que ce soit sur les émeutes de Dijon ou sur la mort de Mélanie Lemée, gendarme décédée lors d’un contrôle routier, ou encore sur l’agression mortelle de Philippe Monguillot, chauffeur de bus de Bayonne tué parce qu’il voulait tout simplement faire respecter la loi républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Sans oublier le pompier blessé par balle aujourd’hui à Étampes, après les policiers tabassés hier à Paris. Il faut être intraitable contre ceux qui s’en prennent aux uniformes de la République.

La maison France brûle et le chef de l’État regarde ailleurs, comme si les questions liées à l’autorité et aux troubles à l’ordre public n’étaient pas la priorité du Président de la République, alors qu’elles sont au cœur des préoccupations des Français. Ce 14-Juillet des contrastes dit clairement les choses : jamais le « en même temps » présidentiel ne sera à la hauteur des enjeux de sécurité et d’autorité dont le pays a besoin aujourd’hui. Monsieur le Premier ministre, nous avons bien compris qu’aujourd’hui était une session de rattrapage après que le chef de l’État a occulté les questions régaliennes hier.

M. Hervé Berville et M. Jean-Marc Zulesi. Oh là là !

M. Damien Abad. Vous arrivez au chevet d’une France groggy, sonnée et profondément fracturée. La France, pays aux mille fromages, est devenue le pays aux milles fractures. Qu’elles soient économiques, sociales, territoriales, politiques ou culturelles, jamais les fractures françaises n’ont autant défié le pacte républicain. J’en suis certain, elles ne peuvent échapper à l’homme de Prades que vous êtes. En trois ans, le macronisme a tourné le dos à l’audace, abandonné l’esprit de réforme et oublié la promesse de réconciliation pour devenir le berceau des illusions perdues,…

M. Jean-Marc Zulesi et M. Hervé Berville. Très beau…

M. Damien Abad. …le réceptacle d’un « en même temps » paralysant et l’épicentre de fractures exacerbées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Maxime Minot. N’êtes-vous pas d’accord, monsieur le Premier ministre ?

M. Damien Abad. Le Président de la République le reconnaît lui-même.

La question centrale, monsieur le Premier ministre, est celle-ci : comment faire en six cents jours ce que vous n’avez pas réussi à faire en trois ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Où est passée la promesse d’une société unie et d’une France réconciliée quand, trois ans plus tard, le pays n’a jamais été aussi divisé, désuni et conflictuel, à la merci des pulsions séparatistes et communautaristes ? Où est passée la promesse d’une France enfin réformée quand la réforme de l’assurance chômage est sur pause, celle des retraites est sur reset, celle sur la formation professionnelle est à l’arrêt et celle sur la décentralisation est un interminable serpent de mer ?

M. Vincent Descoeur. Très bien résumé.

M. Damien Abad. Annoncer une réforme, ce n’est pas faire la réforme. Les annonces pleuvent, les promesses fleurissent, mais les résultats font cruellement défaut. Que ce soit sur la laïcité, l’autorité de l’État, l’emploi ou encore les fractures territoriales, il est temps de remplacer les paroles par des actes, les discours par des décisions et les intentions par des réalités concrètes.

Où est passée la promesse de libérer le travail et la croissance ? Hélas, avant même que nous ne subissions la crise de plein fouet, la France enregistrait le vingt-quatrième taux de croissance sur vingt-huit au sein de la zone euro. Avant même la crise, la France était devenue la triste championne d’Europe des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques, devant les pays scandinaves. Sa dette dépassait même le seuil symbolique des 100 % de la richesse nationale. Avant même la crise, la France enregistrait l’un des pires déficits commerciaux d’Europe. La crise sanitaire n’excuse pas tout et ne doit pas faire perdre de vue la réalité de votre bilan, avant que les Français n’aient découvert l’existence du covid-19. Qui peut dire aujourd’hui que notre pays est plus prospère, plus sûr, plus fraternel et plus solidaire qu’il y a trois ans ?

Enfin, où est passée la promesse de changer notre façon de faire de la politique quand, trois ans plus tard, la défiance des Français envers les responsables politiques n’a jamais été aussi forte ? L’abstention atteint des sommets, la montée des extrêmes se poursuit dangereusement et le dépassement des clivages est une illusion d’optique qui vise à masquer la triste réalité d’une majorité La République en marche sans élus, sans racines, sans identité politique et sans troupes militantes.

Un député du groupe LR. Eh oui !

M. Damien Abad. Quant à la promesse d’une République exemplaire, elle s’est fracassée sur les scandales et les multiples démissions de ministres rattrapés par les affaires. Le nouveau monde que l’on nous avait si fièrement vendu s’est avéré souvent pire que l’ancien monde. En 2017, nous demandions à voir. En 2020, nous avons vu. L’espoir légitime et les attentes initiales du début du quinquennat, qui ont conduit la grande majorité des députés de mon groupe à s’abstenir sur le premier vote de confiance en juillet 2017 (« Ah ! » sur les bancs du groupe FI) se sont rapidement dissipés à mesure que le Président et sa majorité ont déçu en échouant à redresser le pays.

M. Bernard Deflesselles. Illusions, illusions !

M. Damien Abad. Devant un tel bilan, comment croire en votre capacité à réussir ? Monsieur le Premier ministre, nous savons que vous êtes un homme venant de la droite, respecté et respectable. Mais vous êtes un îlot de droite dans un océan de « en même temps ».

D’ailleurs, le Président de la République le reconnaît lui-même. Il est « radicalement en désaccord avec l’idée que ce gouvernement serait un gouvernement de droite ». Eh bien, il a raison. Vous n’êtes pas à la tête d’un gouvernement de droite. Alors, dites-le clairement aux Français : vous ne conduirez pas une politique de droite car vous n’êtes pas à la tête d’un gouvernement et d’une majorité de droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Quant à l’idée que votre gouvernement ne serait ni de droite ni de gauche, elle une illusion. Il n’y a là aucun dépassement politique, mais simplement de la confusion et de l’ambiguïté permanentes.

Nous savons aussi que vous êtes un homme attaché aux territoires. Mais vous êtes le chef enraciné d’une majorité hors-sol. Cette déconnexion de votre majorité avec les territoires contribue à l’affaiblissement de la démocratie parlementaire. Or ce n’est pas parce que votre majorité est hors-sol que vous devez rendre tout le Parlement hors-sol en instaurant la proportionnelle intégrale. Si vous êtes attachés à la réalité de terrain, monsieur le Premier ministre, vous devez préserver le lien entre le député et les territoires en écartant définitivement toute idée d’introduction d’une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Les parlementaires que nous sommes ne veulent ni d’une démocratie sous tutelle, ni d’une démocratie sous cloche, encore moins d’une démocratie sous surveillance. Le Parlement est le cœur battant de la France : alors respectons-le, écoutons-le, et qu’on arrête de s’essuyer allégrement les pieds sur lui matin, midi et soir ! Comment vouloir dessiner les contours d’une unité nationale quand celle-ci ne reposerait que sur une seule demeure, un seul homme et une seule feuille de route ?

Écoutons également les territoires. Engagez un nouvel acte fort de décentralisation, comme le président du Sénat Gérard Larcher vous y invite. Je ne doute pas de votre attachement aux territoires, mais c’est nous qui, depuis trois ans, relayons le message de la France des territoires à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Plusieurs députés du groupe LR. C’est la réalité !

M. Damien Abad. Vous pouvez le constater vous-même, vous qui avez été brillamment réélu à Prades sous la bannière des Républicains. Alors, faites-nous confiance, faites confiance aux forces vives de la nation et à cette France des gens modestes. N’écoutez pas la seule administration déracinée et toute puissante, qui a imposé des fermetures de centaines de classes dans les zones rurales. N’écoutez pas la seule France de la start-up nation qui peut s’offrir le luxe de se déplacer sans voiture tout en voulant réduire la vitesse à 80 ou à 110 kilomètres heure pour ceux qui n’ont d’autre choix que d’utiliser leur voiture pour se rendre à leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) N’écoutez pas non plus la seule France qui descend dans la rue. Écoutez la France qui se tait, écoutez la France qui travaille en silence, écoutez cette France des caissières, des livreurs, des infirmières, des aides à domicile, des policiers ou des pompiers : ces femmes et ces hommes grâce auxquels notre pays est encore debout.

M. Vincent Descoeur. Il a raison !

M. Damien Abad. Nous n’en pouvons plus de cette théorie du ruissellement, qui nous fait croire que c’est en s’occupant uniquement des premiers de cordée que l’on va augmenter le pouvoir d’achat de tous les Français. Nous croyons, au contraire, à la France des milieux de cordée, de ceux qui n’ont jamais droit à rien et paient toujours tout, de ceux qui sont trop riches pour être aidés et pas assez pour vivre dans les grandes villes. Nous croyons en cette France des classes moyennes, car un pays sans classe moyenne est un pays où le lien social est rompu.

Nous savons que vous êtes un serviteur de l’État. Mais vous êtes le capitaine d’un bateau France à la dérive, vous êtes à la tête d’un gouvernement quelque peu baroque, au sein duquel s’affronteront les partisans de la décroissance et ceux de la relance, ceux qui veulent réformer les retraites et les partisans du statu quo, ceux qui ne transigeront pas avec l’autorité de l’État et ceux qui resteront dans une ambiguïté coupable. La cohérence de l’action gouvernementale promet d’être souvent mise à mal.

Vous vous dites de droite : or, en même temps, vous allez devoir composer avec une bonne partie de ministres de gauche, à la tête de portefeuilles clés comme l’environnement, le travail ou la santé. Comment conduire une vraie réforme des retraites et mettre en place une mesure d’âge indispensable pour préserver les pensions de retraites des Français, quand plusieurs de vos ministres y sont ouvertement défavorables ? Comment amorcer une relance économique extrêmement puissante pour accélérer la croissance avec une ministre de l’écologie, promue numéro 2 de votre gouvernement, qui milite pour l’idéologie punitive de la décroissance – une ministre de l’écologie que Gérald Darmanin qualifiait d’ailleurs, il y a cinq ans, de « khmer verte » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Jean-Pierre Vigier. Il appuie où cela fait mal !

M. Damien Abad. Vous vous êtes distingué par votre expertise dans la préparation des Jeux olympiques de Paris en 2024. Nous connaissons votre attachement au sport français, mais comment le promouvoir et le défendre,…

M. Maxime Minot. Avec un ministère délégué !

M. Damien Abad. …quand vous gardez dans votre gouvernement une ministre des sports qui estime que « le sport n’est pas une priorité » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Maxime Minot. Oui, elle l’a dit !

M. Damien Abad. Monsieur le Premier ministre, vous êtes à la tête d’un gouvernement pétri de contradictions, prisonnier de ses incohérences et contaminé par le « en même temps » présidentiel, qui crée la confusion et le trouble. Mais vous êtes aussi le chef d’une majorité morcelée, déboussolée et dépitée, qui déçoit tellement qu’au sein du groupe La République en marche les départs, les défections et les désertions se sont multipliés depuis trois ans (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM), finissant par constituer un archipel hétérogène de petits groupes de macronistes morcelés, divisés, désorientés et désabusés aussi bien sur la méthode que sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Monsieur le Premier ministre, vous être le chef d’une majorité déracinée et déconnectée.

Ce sont d’ailleurs les Français qui l’ont jugée eux-mêmes en la sanctionnant, de manière cinglante, aux élections municipales. Non seulement La République en marche n’a pas atteint les 2 % de conseillers municipaux élus, mais les listes sur lesquelles figuraient des députés de La République en marche ont toutes, à une exception près, été battues. Même M. Guerini, le secrétaire général du parti, a été sèchement battu à Paris. Telle est la réalité du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Vous êtes également le chef d’une majorité qui vire la barre à gauche : il suffit de regarder l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour s’en rendre compte. Alors que vous nous assurez que votre priorité est la relance économique, votre majorité fait des pieds et des mains pour que le projet de loi relative à la bioéthique soit le premier texte que vous nous soumettiez en tant que Premier ministre, qui plus est, discuté en catimini fin juillet et sans vote solennel, comme si la priorité des Français était la loi relative à la bioéthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Il s’agit là d’un gage donné à votre gauche, comme si vous préfériez éviter des turbulences au sein de votre majorité plutôt que d’apaiser les tensions au sein du pays. Cette majorité qui penche à gauche sera votre talon d’Achille. Vous serez en permanence tiraillé entre vos convictions de droite…

M. Maxime Minot. A-t-il des convictions ?

M. Damien Abad. …et votre majorité de gauche.

M. Jérôme Lambert. Quelle gauche ?

M. Damien Abad. La France est à la croisée des chemins et il vous faut choisir le vôtre. On nous a promis un nouveau chemin : nous voyons surtout un épais brouillard qui masque, volontairement ou pas, le chemin que vous voulez prendre.

Un député du groupe LR. On n’y voit rien !

M. Patrick Hetzel. Et il n’y a pas de GPS !

M. Damien Abad. Ce chemin, pour le moment, est celui de la continuité et de l’immobilisme. En effet, comment incarner le changement quand trois quarts de vos ministres étaient déjà membres du précédent gouvernement ? C’est le jeu des chaises musicales : les ministres ont été contraints de changer de chaises mais ils sont tous restés à la table du conseil des ministres, ce qui donne le sentiment que, en définitive, il faut que tout change pour que rien ne change.

M. Julien Aubert. C’est Tournez manège !

M. Damien Abad. Pour Les Républicains, ce nouveau chemin doit être celui de la rupture, du changement de cap, de la modernité et de l’espoir retrouvé. Tel est celui que veulent porter les députés Les Républicains à l’Assemblée nationale. C’est un chemin de droite, clair, cohérent et ambitieux pour notre pays. Les Français ne veulent pas simplement changer de gouvernement, ils veulent changer de politique. Et je suis certain qu’ils préféreront la clarté de nos propositions à l’illusion du « en même temps ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

Notre projet de redressement de la France repose sur quatre piliers : la relance économique par le travail et l’emploi, le défi de la santé et des solidarités, le rétablissement de l’autorité de l’État et la mise en œuvre d’une écologie de droite humaine, positive et pragmatique. Monsieur le Premier ministre, au-delà des mots et des discours, nous vous jugerons sur vos actes et sur votre bilan, de manière très concrète.

La première des priorités est la relance économique et l’emploi. La relance n’est pas seulement indispensable, elle est urgente ! Le Royaume-Uni, l’Allemagne et tant d’autres pays voisins ont déjà amorcé leur plan de relance quand nous, nous attendons toujours le nôtre !

M. Thibault Bazin. Voilà une vraie déclaration de politique générale !

M. Damien Abad. Oui, la priorité doit être l’emploi, notamment l’emploi des jeunes. Mais, monsieur le Premier ministre, si l’emploi des jeunes est réellement votre priorité et celle de votre majorité, pourquoi ne pas avoir voté la proposition de loi d’Éric Woerth, de Guillaume Peltier et de l’ensemble des députés Les Républicains, visant à exonérer de toutes charges sociales patronales l’embauche d’un jeune en CDI ? Or les députés de La République en marche ont voté contre, uniquement par sectarisme et par dogmatique, alors qu’il est urgent d’agir pour les jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Comment ensuite vous croire, mes chers collègues de la majorité, quand vous parlez de dépassement politique, alors que vous n’êtes pas capables de voter une proposition de loi favorisant l’emploi des jeunes, pour le seul motif qu’elle est issue de l’opposition ?

Eh bien, je vous rassure, monsieur le Premier ministre, nous, nous voterons cette mesure parce que nous sommes cohérents et que nous pensons à nos jeunes, à cette génération covid qui ne doit pas être la génération sacrifiée sur l’autel de petits calculs politiciens. Nous la voterons et nous vous proposerons même d’aller plus loin, en l’élargissant à 4,5 SMIC alors que vous la réduisez à 1,6 SMIC. Car votre système risque d’exclure les diplômés, alors que les diplômés seront, comme les autres, touchés par la crise et auront du mal à trouver un travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Si votre politique était vraiment de droite, vous n’excluriez pas les jeunes diplômés de votre dispositif.

Si votre politique économique était vraiment de droite, vous en finiriez avec trois ans de hausses des taxes et des impôts. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) Une politique fiscale de droite ne consiste pas à augmenter massivement la CSG sur les retraités, ni les taxes sur les carburants, ni à augmenter les impôts de 20 % des Français en repoussant aux calendes grecques la suppression de la taxe d’habitation que vous leur avez pourtant promise.

M. Marc Le Fur. Très juste !

M. Damien Abad. À vous entendre, la taxe d’habitation était un impôt injuste, qu’il fallait supprimer, au lieu de quoi, vous en faites un impôt encore plus injuste en le concentrant sur les 4 millions de Français qui ont le malheur de gagner plus de 2 500 euros par mois. C’est un recul doublé d’un renoncement.

Monsieur le Premier ministre, nous vous jugerons sur votre capacité réelle à baisser les taxes et les impôts qui pèsent sur les entreprises et les familles.

M. Patrick Hetzel. C’est tout vu !

M. Damien Abad. Nous vous jugerons sur votre capacité à supprimer véritablement les impôts de production. Vous l’avez affirmé. Toutefois, nous ignorons lesquels. Nous avons besoin de connaître la feuille de route fiscale pour connaître ceux que vous envisagez de supprimer.

M. Éric Diard. Il n’y a pas de feuille de route !

M. Damien Abad. La réalité est simple : depuis trente ans, nous accumulons sur le dos de nos acteurs économiques un fardeau fiscal qui fait de la France le pays qui taxe le plus les entreprises de toute l’OCDE. En raison de cette surfiscalité, les impôts de production sont, en France, deux fois plus élevés que la moyenne européenne et sept fois plus qu’en Allemagne. Or c’est cette fiscalité anti-« made in France » qui a miné notre industrie et accéléré les délocalisations depuis plusieurs décennies. Afin de redonner de l’oxygène à nos entreprises, il faut aller plus loin dans les annulations et les exonérations de charges.

Si votre politique était réellement de droite, vous auriez le courage de baisser la TVA sur la restauration à 5,5 % : cette mesure de trésorerie permettrait de sauver un grand nombre de restaurants en France et de préserver les emplois saisonniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Si votre politique économique était réellement de droite, vous défendriez notre souveraineté économique, sanitaire, technologique et numérique. Nous vous jugerons sur votre capacité à vous opposer très clairement non seulement aux accords du Mercosur, mais aussi au CETA, l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, qui menace directement notre souveraineté alimentaire et agricole.

Nous vous jugerons sur votre capacité à stopper ce mouvement de vente à la découpe de nos fleurons industriels français, tel Alstom. La réindustrialisation est la condition de la préservation de notre pays et de notre niveau de vie.

Si votre politique économique était réellement de droite, vous vous inquiéteriez de la dérive continue des dépenses publiques et de l’envolée de notre dette. J’ai bien entendu vos propos, monsieur le Premier ministre, sur le cantonnement de la dette covid. Mais cantonner la dette covid, comme le souligne à juste titre le président de la commission des finances Éric Woerth, c’est tout simplement l’illustration du vieux réflexe visant à cacher la poussière sous le tapis. Nous devons encore et toujours lutter contre le gaspillage de l’argent public : telle est la réalité.

Le deuxième pilier de notre feuille de route est une meilleure protection des Français face à la crise sociale et une plus grande justice sociale. Que ce soit sur l’approvisionnement de la population en masques, sur le dépistage massif ou sur la prise en charge de nos aînés dans les EHPAD, force est de constater que la gestion de la crise sanitaire a été plus que chaotique. Avec son rapporteur Éric Ciotti, nous le constatons tous les jours dans les travaux de notre commission d’enquête. J’ai le souvenir des déclarations du ministre de la santé et de son directeur général qui, au mois de mars, en pleine épidémie, nous expliquaient que le port du masque était inutile pour le grand public. Comment les Français peuvent-ils avoir confiance aujourd’hui, alors que l’on a fait de la France un cluster à ciel ouvert sans masques et sans tests ?

Hier, le Président de la République et vous, aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, vous dites l’inverse et c’est tant mieux. Mais il a fallu attendre plus de trois mois pour prendre une telle décision. Et encore, elle ne s’appliquerait qu’au 1er août. Pourquoi attendre encore quinze jours, alors que la Belgique l’a imposée en quarante-huit heures et que nous avons confiné les Français en vingt-quatre heures ? Nous vous demandons de rendre cette mesure effective dès lundi, afin que le port du masque obligatoire soit généralisé dans les lieux publics clos. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Monsieur le Premier ministre, les Français sont inquiets devant le risque de recrudescence de l’épidémie. Sommes-nous aujourd’hui suffisamment armés en masques, tests ou lits de réanimation pour faire face à une deuxième vague ? La souveraineté sanitaire n’est pas du nationalisme sanitaire. Elle consiste au contraire à donner à notre nation les moyens d’être davantage autonome dans la production de masques, de tests ou de médicaments.

Le Ségur de la santé ou, plutôt, le Ségur de l’hôpital, a permis de réaliser des avancées en matière de salaires au bénéfice de notre personnel soignant. Ces avancées étaient nécessaires et nous veillerons à leur stricte application. Toutefois, l’ouverture des vannes ne fait pas une politique. Si votre politique était réellement de droite, vous engageriez une réforme structurelle de la santé. Jean-Carles Grelier, Jean-Pierre Door et l’ensemble des députés Les Républicains de la commission des affaires sociales proposent une loi de programmation pluriannuelle sur cinq ans, visant une meilleure gestion des ouvertures de lits, des crédits alloués aux hôpitaux de proximité et la refonte de la médecine de ville, qui est un élément central de la rénovation des hôpitaux publics. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

Nous devons repenser la gouvernance et l’organisation territoriale de la santé en enrayant la multiplication des tâches administratives à l’hôpital, en redonnant des marges de manœuvre aux directeurs d’hôpitaux, en plaçant les agences régionales de santé – ARS – sous l’autorité des préfets et en faisant siéger, au sein de leurs conseils d’administration, des élus départementaux et régionaux.

Il faut aussi aller plus loin dans la décentralisation de la santé, en confiant plus de responsabilités aux régions, et en donnant aux départements la responsabilité du médico-social. Il faudra également faire travailler davantage ensemble les médecins du public et du privé, mais également les médecins avec les autres professionnels de santé, comme les infirmiers, les kinés, les pharmaciens. La réforme de l’hôpital ne sera pas possible sans une refonte de la médecine de ville : l’une des grandes erreurs de la crise sanitaire que nous vivons a été de concentrer tous les appels sur le 15, excluant par là les médecins généralistes du dispositif, alors même qu’ils sont le maillon central de la santé en France.

La santé, mais aussi le chantier de la dépendance. Il ne suffit pas d’inscrire un principe dans la loi et de créer une cinquième branche de la sécurité sociale pour traiter la question de la dépendance : encore faut-il la financer ! Dans la plupart des EHPAD de France, la situation est apocalyptique et indigne de la grandeur de la France. Pendant le confinement, beaucoup de nos aînés ont connu le syndrome du glissement et sont morts de solitude et de détresse morale.

Il y a urgence : urgence à agir, à augmenter d’au moins 25 % le taux d’encadrement dans les EHPAD, mais aussi urgence à lancer un véritable plan Marshall de la dépendance visant à sauver nos EHPAD, à répondre aux attentes de notre personnel de santé et, tout simplement, à assurer le respect et la dignité que la société doit à nos aînés.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Damien Abad. La dépendance, mais aussi le handicap qui, relégué à un vague secrétariat d’État, n’est clairement plus la priorité du quinquennat.

M. Maxime Minot. S’il n’y avait que cela…

M. Damien Abad. On a le sentiment étrange que tout le monde s’en fout, que ça n’intéresse plus personne. Pourtant, des millions de personnes handicapées, des parents d’enfants autistes, attendent des résultats concrets. Le volontarisme politique en matière de handicap, c’est nous qui l’avons montré, avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Ce ne doit pas être un combat des personnes handicapées contre tous, mais le combat de tous pour les personnes handicapées.

N’oublions pas non plus les familles : si vous meniez réellement une politique de droite, monsieur le Premier ministre, vous défendriez la politique familiale, continuellement attaquée et rabotée par le Gouvernement que vous venez de rejoindre.

M. Patrick Hetzel. Très bien ! Bravo !

M. Damien Abad. Comme disait le général de Gaulle, sans natalité, « la France ne peut plus rien être qu’une grande lumière qui s’éteint. Mais, dans ce domaine, rien n’est perdu pour peu que nous sachions le vouloir. »

Puisque vous vous dites gaulliste, nous vous jugerons sur votre capacité à relancer une politique nataliste, en rehaussant les plafonds du quotient familial, en rétablissant la prestation d’accueil du jeune enfant, en soutenant les parents pour qu’ils deviennent propriétaires, et en aidant toutes les familles de France, quel que soit leur modèle, à concilier vie professionnelle et vie familiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Damien Abad. Si vous meniez réellement une politique de droite, vous défendriez la méritocratie, l’égalité des chances et une école qui sache revenir aux savoirs fondamentaux, afin de donner à chaque élève, quels que soient son milieu et ses origines, les armes pour affronter l’avenir. En effet, pour lutter contre les fractures sociales, l’enseignement est absolument fondamental.

Toujours s’agissant du deuxième pilier, celui des solidarités, comment, enfin, ne pas évoquer la réforme des retraites, qui vous collera à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock ? Cette réforme, c’est un flou vaporeux, qui traduit un manque de courage et de clarté. En fait, votre majorité ne veut pas de la réforme du système de retraite, puisqu’elle n’a jamais voulu aborder la question centrale de son financement ! Non seulement la réforme est mal emmanchée, mais en plus elle va mal finir, car vous ne dites pas la vérité aux Français. La vérité, c’est que, si nous voulons sauver notre système de retraite par répartition, nous n’avons pas d’autre choix que de le réformer : le statu quo, c’est la faillite garantie dans dix ou quinze ans, pour tout le monde – les jeunes, les actifs et les retraités ! Comme sur bien d’autres sujets, la droite républicaine a formulé des propositions fortes, justes et audacieuses pour soutenir une véritable réforme des retraites, qui soit financièrement équilibrée et socialement juste ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

M. Vincent Descoeur. Très bien !

M. Damien Abad. Le troisième pilier de notre feuille de route concerne le rétablissement de l’autorité. La politique régalienne du chef de l’État ne peut s’arrêter aux caméras-piétons des policiers. D’ailleurs, si vous meniez réellement une politique de droite, vous rétabliriez l’autorité de l’État, profondément affaiblie par le Gouvernement auquel vous appartenez. Aujourd’hui, il y a en France une barbarie devenue bien trop ordinaire. Pourtant, elle est – à juste titre – insupportable aux yeux des Français : jusqu’à quand allons-nous tolérer l’intolérable ? Jusqu’à quand la République continuera-t-elle de reculer face aux voyous et à la loi des bandes ? Combien de faits divers, de vies brisées, faudra-t-il pour que la République ne se contente plus de compassion, mais d’actes forts et courageux ?

Statues vandalisées, rues débaptisées, quartiers saccagés : il faut stopper ces activistes, tout simplement, car on ne déboulonne pas l’histoire de France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.)

Monsieur le Premier ministre, à nos yeux, la réponse pénale doit être la première des réponses : nous ne pouvons accepter que des milliers de détenus aient été libérés pendant la crise du covid-19 juste parce qu’il fallait vider les prisons. Où est passée la promesse présidentielle de construire 15 000 places de prison ? Tant qu’il n’y aura pas de nouvelles places de prison, il y aura des peines non exécutées et des détenus dangereux en liberté.

M. Erwan Balanant. Mais non, c’est tout le contraire !

M. Damien Abad. Nous devons construire des places de prison, mais aussi repenser notre politique pénale. Pendant le covid-19, les tribunaux ont été à l’arrêt. Or la justice doit être l’un des piliers de la reconquête républicaine. Monsieur le garde des sceaux, lorsqu’il s’agira de revoir le système des enquêtes préliminaires, de préserver le secret de l’instruction ou encore de réformer en profondeur, voire de supprimer, le parquet national financier, nous serons à vos côtés : comme vous, nous ne croyons ni à la République des juges, ni à la judiciarisation à l’extrême de la vie politique française.

Nous vous jugerons aussi sur votre capacité à en finir avec le désarmement pénal de la justice, notamment en supprimant l’automaticité des réductions de peine et en rétablissant les peines planchers.

Nous vous jugerons enfin sur vos actes pour restaurer la confiance des policiers et des gendarmes, qui exercent une mission particulièrement difficile. Jamais le lien entre la nation et la police n’a été aussi distendu qu’aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Mener une politique de droite, ce n’est pas lâcher les forces de l’ordre en leur interdisant une technique d’interpellation qui pourtant les protège dans les situations très tendues.

Mener une politique de droite, c’est lutter sans faiblesse contre le communautarisme et la radicalisation de notre société. Là encore, nous vous jugerons sur votre capacité à expulser les étrangers inscrits comme radicalisés, à fermer définitivement tous les lieux de culte en lien avec le terrorisme ou à interdire tout financement direct ou indirect d’une association cultuelle par des fonds étrangers. Surtout, nous vous jugerons sur votre capacité à protéger notre laïcité, car c’est le rôle de la République que de la protéger partout, dans tous les territoires, et en particulier là où la tentation communautariste est grande. La laïcité, nous ne la protégerons pas en reculant, mais en réaffirmant notre État de droit laïc, une République une et indivisible ! C’est ainsi que nous gagnerons le combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Damien Abad. Si vous êtes de droite, vous combattrez le déni et l’impuissance face à une immigration incontrôlée ; vous refuserez de vous inscrire dans la politique migratoire du Gouvernement, qui a permis l’année dernière l’entrée record de 276 000 nouveaux immigrés légaux sur le sol français, soit 49 % de plus que sous Nicolas Sarkozy ! Nous préférons l’immigration sélective à l’immigration compulsive, sans mécanisme de régulation, et nous vous demandons l’instauration d’un mécanisme de quota, voté chaque année au Parlement, afin de mieux réguler et contrôler l’immigration familiale et professionnelle.

L’écologie est un autre pilier de notre projet de redressement de la France.

M. Erwan Balanant. C’est un sujet qui t’intéresse ? (Sourires.)

M. Damien Abad. Après vous avoir écouté, monsieur le Premier ministre, je tiens à vous rappeler que personne ne vous a attendu pour procéder au nettoyage des rivières, à l’installation de panneaux photovoltaïques ou à la réduction de l’éclairage public dans les communes – les collectivités le font déjà, avec beaucoup d’envie, de talent et de détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR. – M. Christian Hutin applaudit également.)

Nous voulons une écologie positive, et non dogmatique ; une écologie du concret et de l’espoir, qui n’opposerait plus la nature et l’humain. Nous refusons une écologie de l’idéologie, fondée sur la contestation d’un système économique, de notre capacité à inventer et à produire et, au bout du compte, de la place même de l’humain dans la nature. C’est d’ailleurs le talon d’Achille de l’écologie politique, qui préfère désigner des coupables plutôt que de dessiner un avenir. L’écologie ne se résume pas à la trottinette et aux éoliennes ! Bien au contraire, nous souhaitons une écologie qui réconcilie l’homme avec la nature, pas une écologie qui les oppose.

Monsieur le Premier ministre, si votre politique écologique était réellement de droite, vous n’auriez pas oublié, aujourd’hui, de parler de la filière nucléaire alors même que vous avez abordé le sujet de l’économie et de l’énergie décarbonées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Comment entendez-vous faire de la France l’économie la plus décarbonée d’Europe si vous démantelez Fessenheim et demandez, ici et là, la sortie de la filière nucléaire ? (Mêmes mouvements.)

M. Raphaël Schellenberger. Bravo !

M. Damien Abad. Si votre politique était réellement de droite, vous soutiendriez cette filière et, surtout, vous mettriez fin à ce scandale d’État qu’est devenu l’éolien en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR.)

Être de droite, c’est réconcilier l’écologie et le pouvoir d’achat, pour répondre à une double aspiration légitime de nos concitoyens : préserver notre environnement et améliorer notre mode de vie. Être de droite, ce n’est pas pénaliser les entreprises en multipliant les taxes, les normes ou les contraintes, mais bien, au contraire, mener une politique ambitieuse d’investissements publics dans la rénovation thermique des bâtiments, dans la lutte contre le gaspillage, dans la promotion des filières de production locales, dans le soutien aux biocarburants, dans la gestion de l’eau, dans la préservation de nos forêts, ou encore pratiquer une politique d’incitation financière pérenne pour favoriser l’usage de transports peu carbonés. Monsieur le Premier ministre, vous l’aurez compris : nous préférons la croissance bleue à une décroissance verte, et nous l’assumons totalement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Telles devraient donc être les priorités de votre mandat.

Le général de Gaulle disait : « On ne gouverne pas avec des "mais". » Voilà pourquoi la feuille de route que nous vous présentons aujourd’hui est claire, cohérente et lisible. Nous avons présenté les perspectives, mais aussi les contours de l’avenir que nous voyons pour notre pays. Nous sommes dans l’opposition, car nous n’avons pas été élus sur le même programme que la majorité, et nous ne partageons pas la même vision pour la France. Nous continuerons de défendre nos valeurs et nos convictions. Il est de notre devoir de nous opposer et de chercher à infléchir votre politique quand elle ne sert ni la grandeur de la France ni le bonheur des Français.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Damien Abad. Pour autant, vous l’aurez compris, nous incarnons une opposition responsable, ni dogmatique, ni stérile, ni caricaturale. Nous ne tomberons ni dans les travers de la critique facile ni dans les méandres d’une opposition systématique.

S’agissant de la réforme des retraites, comme du plan de déconfinement, de la relance économique et de l’ensemble des sujets majeurs pour nos compatriotes, nous avons défendu des mesures auxquelles nous croyons. Vous avez d’ailleurs bien souvent été à la remorque de nos propositions, les reprenant régulièrement à votre compte, mais trop partiellement et avec bien du retard. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Chaque fois que l’intérêt de notre nation et des Français sera en jeu, nous prendrons nos responsabilités, comme nous n’avons eu de cesse de le faire, et nous voterons sans états d’âme les projets de loi qui iront dans le bon sens. Mais nous attendons de vous, monsieur le Premier ministre, que vous preniez les vôtres, et que vous ne fassiez pas le choix des chemins faciles, comme celui de l’impôt, de la dette, de l’immobilisme ou encore du renoncement. La droite parlementaire sera plus que jamais une force de propositions ; elle sera au rendez-vous des idées et à la hauteur des enjeux de notre pays, car nous sommes un groupe uni, soudé et déterminé à contribuer à sa réussite.

Mais, pour cela, il faut rétablir un climat de confiance. Dans l’attente, nous ne pouvons pas vous accorder la confiance que vous réclamez,…

M. Bruno Millienne. Cela ne commence pas très bien !

M. Damien Abad. …une confiance rompue par trois ans de bilans décevants, par les incohérences de la politique du « en même temps » et par les nombreux doutes que nous avons quant à la capacité de votre Gouvernement à redresser notre pays.

Nous voterons contre, car nous faisons le pari du changement plutôt que de la continuité, le pari de la clarté plutôt que de la confusion, le pari des convictions plutôt que du « en même temps », le pari de la cohérence plutôt que de la contradiction, le pari de la réforme, enfin, plutôt que de l’immobilisme. Nous faisons tout simplement le pari de l’alternance, plutôt que de la reconduction.

Nous voterons contre, car la confiance ne se décrète pas, elle se construit et se gagne.

M. Christian Hutin. Il ferait un bon ministre de droite ! (Sourires.)

M. Damien Abad. Si la France est à droite, prenez garde : elle préférera toujours l’original à la copie. Elle préférera toujours la droite républicaine à l’illusion du « en même temps », les actes aux paroles, l’alternance à l’immobilisme. Il est donc temps que la France redevienne une République, une puissance et une espérance : telle sera l’ambition de la droite pour la France d’aujourd’hui et de demain ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Patrick Mignola.

M. Patrick Mignola. Quand la covid-19 a infesté la France, nous avions tout à craindre de cette nouvelle épreuve s’abattant sur un pays convalescent. Une croissance en hausse et un chômage en baisse n’avaient pas vaincu la défiance d’un peuple traversé par les crises sociales et morales qui rongent toutes les démocraties modernes, divisé par des réflexes de repli sur soi et par leur expression parfois violente. Et pourtant, le pays s’est retrouvé et il a résisté. La France a fait face.

La première ligne, qui a soigné, a fait face. Que gratitude publique, pérenne et budgétaire leur soit adressée : merci à nos soignants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM, SOC, GDR et EDS.)

La deuxième ligne, qui a travaillé, a fait face. La troisième, civiquement confinée, a fait face. Et l’État a fait face. Nos remerciements et nos applaudissements doivent aussi aller à nos services publics, à nos élus locaux, aux parlementaires qui ont assuré la continuité démocratique et au gouvernement d’Édouard Philippe qui a géré cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Ils doivent aussi vous être adressés, monsieur le Premier ministre, vous qui aviez la charge du déconfinement et qui l’avez réussi, dans un délicat mélange d’autorité et d’humanité, d’accent et d’accents toniques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Au moment où vous passez de responsable du déconfinement à chef du Gouvernement, nous tenions à vous en remercier aussi.

C’est de ce pays qui fait face, même s’il est divers et parfois querelleur, même s’il aime tant se dénigrer, c’est de ce pays qui resserre ses liens devant l’épreuve que nous avons besoin pour affronter les nouvelles épreuves qui viennent. Pour cela, nous devons rappeler la raison d’être en société, ce que nous nous apportons les uns aux autres, ce que nous nous devons.

Ce que nous attendons du Gouvernement, monsieur le Premier ministre, c’est l’autorité pour lutter contre les divisions, c’est l’efficacité dans l’application des décisions. C’est de réunir le pays autour de ce que les Français ont à partager en société. Et nous avons tant à partager : partager la richesse, partager les pouvoirs, partager les ressources, partager la représentation politique !

Nous avons d’abord sauvegardé l’économie. Nous avons su protéger les salariés, les indépendants et les entreprises mieux que la plupart des autres pays. Ce qui est devant nous désormais, c’est la relance. La prolongation d’un système d’activité partielle, l’effacement des charges sociales et fiscales de certains secteurs d’activité, l’intégration des prêts en quasi-fonds propres, le soutien à l’activité par la commande publique nationale et locale sont de puissants leviers dont nous soutiendrons la mise en œuvre.

Mais je voudrais souligner trois des points que vous avez formulés tout à l’heure. D’abord, les solutions ne pourront pas être uniques et générales quel que soit le secteur d’activité et le territoire. Au contraire, cette relance sera réussie si elle est définie par branche et au plus près des réalités. Dans ce cas, le rôle des fédérations professionnelles, des partenaires sociaux, des élus locaux et des parlementaires, qui ont travaillé d’arrache-pied pendant la crise auprès des entreprises, sera majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et plusieurs bancs du groupe LaREM.) Il faut territorialiser l’action pour en démultiplier les effets, en métropole comme en outre-mer – je pense à nos compatriotes d’outre-mer dans leurs territoires ainsi qu’aux ultramarins qui travaillent et étudient en métropole.

Ensuite, nous devons une priorité à la génération qui entre sur le marché du travail à partir de septembre. Ce sont les bébés de l’an 2000 : rappelons-nous, mes chers collègues, qu’au tournant du siècle, la France avait fait beaucoup d’enfants ; aujourd’hui, ces enfants ont 20 ans et cherchent un emploi. Nous leur devons d’investir massivement dans les contrats d’apprentissage, dans la formation professionnelle, dans la réduction des charges pour le premier emploi. Cette génération nous demande souvent à quoi sert l’État, à quoi sert la politique. Eh bien à cela : à répondre présent en les accompagnant quand ils traversent une difficulté, a fortiori quand ils n’y sont pour rien. C’est ça la France ! Celle de l’égalité des chances et celle des nouvelles chances. Et pour cette génération, la France devra être encore plus la France car une famille s’occupe d’abord de ses membres les moins chanceux.

Enfin, il faut de la justice dans le partage de la richesse. Il faut en organiser un meilleur partage entre le capital et le travail. Comme vous l’avez dit tout à l’heure, à travers la généralisation de la participation et de l’intéressement, nous devons assurer aux Français qu’à chaque point de croissance ou de productivité retrouvé, leur travail sera équitablement reconnu. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Erwan Balanant. Pourquoi les communistes n’applaudissent-ils pas ?

M. Patrick Mignola. Décidons ici que la bonne répartition d’un bénéfice, c’est un tiers pour le salarié, un tiers pour l’actionnaire et un tiers pour l’investissement, prioritairement écologique, dans l’entreprise.

M. Jérôme Lambert. Sarkozy l’avait dit !

M. Patrick Mignola. Bien sûr, les règles d’application seront définies avec les branches et les partenaires sociaux, mais quelle ambition ce serait, quel signal pour tout le pays ! Tenons la promesse que celui qui fait ne peut pas valoir moins que celui qui a – même s’il accepte de risquer ce qu’il a. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)

M. Erwan Balanant. Bravo !

M. Patrick Mignola. L’entreprise est le premier acteur de la transition écologique : il faut que le travail, le capital et l’avenir soient considérés à parts égales dans la richesse créée. Au sortir de cette crise, la France pourra ainsi proposer au monde un nouveau modèle, un capitalisme à visage humain – après l’économie sociale de marché à l’allemande, une écologie sociale de marché à la française !

Un partage de la richesse est nécessaire, mais aussi un partage des pouvoirs, notamment avec les collectivités locales. Attention : en matière de décentralisation, il faut des actes mais pas de nouvel acte. Changer les règles trop souvent donne plus sûrement la migraine aux élus locaux que de l’efficience à l’action publique… Veillons plutôt à ce que dans chaque territoire, les élus s’accordent sur des transferts de compétences et sur leur répartition entre leurs différentes collectivités. Et acceptons que, selon les territoires, cette libre organisation des pouvoirs puisse être différente, comme le président Ferrand l’a écrit dans un récent recueil de lieux pas si communs…

M. Paul Christophe. Belle référence !

M. Patrick Mignola. C’est l’objet de la loi organique que vous avez annoncée tout à l’heure, qui permettra la différenciation territoriale, ainsi que de la loi dite 3D de Jacqueline Gourault : décentralisation, déconcentration, différenciation. Il y a même un quatrième D qui serait la condition des trois premiers : le dialogue. Que les collectivités se parlent – elles ne le font pas assez – pour décider de l’échelon le plus pertinent pour agir efficacement, plutôt que tout le monde se marche sur les pieds et intervienne partout, avec des formulaires variables et des critères parfois contradictoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et plusieurs bancs du groupe LaREM.) Les élus locaux et les acteurs de terrain ont une indigestion de millefeuille ! L’ancien maire de Prades doit bien voir ce que l’ancien maire de La Ravoire veut dire…

Repensons la fiscalité locale pour baisser – cher président Abad, qui nous rejoindrez bientôt – les impôts de production.

M. Erwan Balanant. Il n’est pas là ! C’est dommage, il apprendrait des choses.

M. Patrick Mignola. Je sais les collectivités locales très attachées à leur liberté fiscale mais il faut choisir : si l’on souhaite la relocalisation industrielle, ou tout simplement l’investissement industriel, convenons que CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises –, CFE – cotisation foncière des entreprises – et C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés – sont des obstacles parfois rédhibitoires.

L’État a baissé l’impôt sur les sociétés et je suis certain que, dans les temps que nous traversons, les collectivités peuvent accepter de se mettre autour de la table pour repenser ces impôts locaux qui pèsent deux fois plus lourd que l’impôt sur les sociétés. J’ai constaté, en entendant leur président Abad tout à l’heure, que les Républicains étaient désormais d’accord : monsieur le Premier ministre, si vous meniez une politique de droite, vous auriez combattu il y a deux mois l’idée de baisser les impôts de production, et vous seriez désormais d’accord pour finalement les baisser… Les Républicains sont en fait les plus grands « en-même-tempistes » de la vie politique française ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Maxime Minot. Et vous ? Au niveau régional, vous êtes allié avec M. Wauquiez !

M. Patrick Mignola. Mais restez plutôt à la tête d’un gouvernement de dépassement et oublions ces débats stériles entre la droite et la gauche !

Enfin, bâtissons les prochains contrats de plan État-région sur des objectifs de développement durable, votés au Parlement et dans les assemblées locales – j’insiste sur ce point car les parlementaires ne sont plus élus locaux mais s’avèrent souvent des facilitateurs et des arbitres impartiaux lorsque nécessaire. Ces contrats incluront obligatoirement des stratégies de transition énergétique et de ménagement du territoire : zéro artificialisation nette, préservation des espaces, mixité des usages, préservation de l’agriculture périurbaine, protection de la ressource en eau, stratégie pour l’air extérieur et intérieur. C’est aussi et surtout par l’action locale que nous réussirons la transition écologique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et quelques bancs du groupe LaREM.)

Justement, après le partage de la richesse et des pouvoirs, partageons aussi les ressources. J’ai déjà formulé des propositions concrètes auparavant sur la transition écologique tant ce sujet est transverse, mais il semble nécessaire que nous portions aussi un débat sur le fond, quant à la compatibilité – ou la non-compatibilité – de l’écologie avec la croissance.

Nous croyons au progrès, qui est une aspiration si profondément humaine que nous avons, je crois, le devoir d’être toujours dans son camp.

Nous avons essayé la décroissance récemment : cela s’appelait le confinement. L’État a dû supporter les salaires, prêter de l’argent aux entreprises – et le chômage, qui était au plus bas, remonte dangereusement.

Néanmoins, le progrès fabriqué par nos pères sur des critères exclusivement financiers éventre la planète et ne rend pas, au fond, les sociétés plus heureuses. Nous devons inventer un progrès différemment évalué, dans un schéma où la trace sur les ressources est décomptée, où le carbone a un prix et où les émissions de gaz à effet de serre sont un violent correctif à la baisse.

Mais pensons une écologie qui construise sans ostraciser. Lançons une transition énergétique qui privilégie massivement le renouvelable mais n’ostracise pas le nucléaire ou les barrages hydroélectriques, sans rien ignorer de leur coût à long terme. Décrétons que les villes doivent être respirables mais n’ostracisons pas la reconstruction de la ville sur la ville ni la densité, si elle est végétalisée. Sinon, nous ne parviendrons jamais au zéro artificialisation nette – sauf à décréter qu’il faut faire moins d’enfants, mais je ne me résoudrai jamais à dire aux miens qu’ils ne devront pas faire d’enfants.

Déclarons la guerre à la pollution mais n’ostracisons pas les ouvrages comme le canal Seine-Nord Europe ou comme la liaison Lyon-Turin, dans sa dimension de fret ferroviaire (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM et quelques bancs du groupe LaREM), qui seuls nous permettront de réduire le nombre de camions qui saturent nos villes et nos vallées. Construisons ensemble un écoloptimisme plutôt qu’un écolostracisme, fondé sur des victoires de tous les jours plutôt qu’une intransigeance sans conséquence. Je sais que c’est ce que va faire ce gouvernement, et c’est ce dont nous avons besoin. Seuls le soleil ou la mort ne se regardent pas en face – l’écologie on peut, si on le fait ensemble. (Mêmes mouvements.)

M. Bruno Millienne. Bravo !

M. Patrick Mignola. Pour terminer, je crois que nous devons aussi partager la représentation politique. Nous avons besoin de revitaliser la démocratie. L’abstention municipale n’était pas due qu’au covid-19. Nous vivons une profonde crise de la représentation. Les Français pensent que leur bulletin de vote ne sert à rien ou, au mieux, qu’ils signent un chèque en blanc à des élus qui ne les associeront guère à la décision. Pour revitaliser la démocratie représentative, sans laquelle ce sont la rue, les réseaux sociaux, les lobbies ou les minorités agissantes qui décident à notre place, nous avons besoin de démocratie participative et de démocratie délibérative.

Je suis d’ailleurs heureux de retrouver, dans les attributions du ministre chargé des relations avec le Parlement, la participation citoyenne. Car, outre le fait que le Mouvement démocrate – mais pas seulement – apprécie que ce soit Marc Fesneau qui ait cette charge (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et quelques bancs du groupe LaREM), nous pensons que démocratie parlementaire et participation citoyenne vont de pair.

Toutefois, mes chers collègues, la démocratie représentative doit aussi renforcer sa propre représentativité. Regardons cet hémicycle : des forces politiques sont quasi absentes ou sous-représentées, alors qu’elles pèsent des millions de voix. Où pouvons-nous débattre avec le Parti écologiste ? Même si parfois nos analyses diffèrent, je voudrais que ce soit ici. Où pouvons-nous débattre avec le Rassemblement national, que je voudrais combattre, mais qui est plus souvent sur les plateaux de télévision qu’ici, dans ce lieu central de la démocratie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM et quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Maxime Minot. À qui la faute ?

M. Patrick Mignola. Un président de groupe de la majorité ne devrait pas dire cela car, même quand on est proportionnaliste, on l’oublie vite si l’on devient majoritaire à l’Assemblée. Mais je le dis au nom de mon groupe, je le dis pour beaucoup d’autres ici qui pensent la même chose, et pour l’immense foule des électeurs qui ne vont plus voter : nous devons évidemment réfléchir à une évolution de nos modes de scrutin. (Mêmes mouvements.)

M. Éric Straumann. C’est le retour à la IVe République !

M. Patrick Mignola. Être démocrate, c’est aussi accepter que notre société n’est pas assez démocratique. Adoptons la proportionnelle, départementale ou bi-départementale, pour être toujours arrimés au terrain – avec une prime majoritaire, pour que le pays soit gouvernable mais que soit néanmoins incitée la culture de majorités de projet. Donnons un coup de neuf, et de conforme aux courants de pensée du pays, à notre démocratie. C’est ainsi que nous la défendrons.

J’ai entendu les préventions du président du groupe LR à cet égard. Je ferai simplement observer à cette noble assemblée que les conseils municipaux, les conseils régionaux et le Sénat sont principalement élus à la proportionnelle : leurs chefs ne me semblent pas illégitimes pour autant, ni leurs assemblées ingouvernables. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)

M. Éric Straumann. Vous voulez sauver les meubles !

M. Patrick Mignola. Monsieur le Premier ministre, vous sollicitez notre confiance. Les députés du groupe du mouvement démocrate et bien au-delà, dans cette majorité centrale, sont des femmes et des hommes qui ont choisi l’engagement parce qu’ils croyaient que  progrès économique et progrès social n’étaient pas incompatibles, que promouvoir le premier sans le second est cupidité et que réclamer le second sans le premier est vanité.

Cette majorité centrale croit dans un même élan que le progrès écologique est aussi compatible avec le progrès économique et le progrès social. Les seconds sans le premier seraient une irresponsabilité ; les trois ensemble peuvent être pour notre pays mieux qu’une réussite, plus qu’un devoir, une nouvelle identité.

Cette majorité centrale mesure aussi sa responsabilité vis-à-vis du pays. Elle peut parfois s’agiter, voire céder à la scissiparité, mais elle sait aussi se réunir quand l’intérêt général est en jeu.

Elle sait aussi, et elle doit le faire plus encore, tendre la main. À maintes reprises, nous avons pu conduire avec les groupes d’opposition des débats constructifs, trouvé des voies d’accord, et je suis sûr que d’autres sont à venir. Sans renier ce que nous sommes et ce que nous pensons, nous pouvons travailler ensemble pour le pays. Notre République a besoin de débats politiques contradictoires, même vifs ; elle a aussi besoin de ce courant démocrate qui surmonte les divisions et rassemble au centre de la vie politique et au cœur du pays. Je suis sûr que demain, les familles de ce grand courant humaniste sauront, tout en restant elles-mêmes, se retrouver dans une grande famille des Démocrates, un grand Centre pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et quelques bancs du groupe LaREM.)

Monsieur le Premier ministre, vous sollicitez notre confiance : les députés du groupe MODEM vous l’accorderont. Je ne doute pas que vous travaillerez en confiance avec le Parlement, car il n’y a pas de démocratie forte ni de gouvernement fort sans parlement puissant. Nous voterons la confiance parce qu’ensemble, nous rendrons aux Français cette confiance sans laquelle rien n’est possible. Qu’ils aient confiance en eux-mêmes, en leur avenir et en leur pays. (Les députés du groupe MODEM et de nombreux députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent.)

(...)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y a trois ans, le groupe UDI et indépendants a fait le choix de représenter une opposition constructive. En effet, nous avions été élus contre des candidats de La République en marche, mais pas contre la France, et il nous semblait que la nouvelle majorité et le nouveau gouvernement voulaient changer les codes politiques. Trois ans plus tard, bien que regrettant de ne pas avoir été souvent entendus, nous n’avons pas changé.

La crise sanitaire demeure, et on n’entend pas assez la communication du Gouvernement ; celle-ci devrait être plus ferme pour que nos concitoyens deviennent raisonnables et adoptent vraiment les mesures de précaution. On ne comprend pas l’annonce selon laquelle le port du masque sera obligatoire dans quinze jours, alors qu’il a suffi de quarante-huit heures pour confiner les Français !

Dans ce contexte de crise sanitaire et de début de crise économique, nous continuons à espérer que l’effort soit national, sans que cela gomme nos différences. Fidèles à ce que nous avons peu ou prou toujours déclaré dans cet hémicycle, nous restons prêts à y contribuer par nos idées et nos propositions, à aider le Gouvernement à trouver le bon chemin et le bon rythme pour la France.

Vous venez de nous dire, monsieur le Premier ministre, que vous souhaitez travailler avec les corps intermédiaires – c’est, depuis toujours, l’une de nos exigences –, que vous êtes ouvert aux idées des autres et que vous attendez la même attitude de la part de vos ministres comme de votre majorité.

À l’heure où vous demandez la confiance de l’Assemblée nationale, nous avions envie de vous dire « chiche ! » Je me disais, en vous écoutant, que nous n’avions aucun préjugé, ni favorable ni défavorable. Mais, si nous ne rejetons pas la confiance de façon automatique, nous considérons qu’elle ne se décrète pas a priori. Non, la confiance se gagne, elle se construit, monsieur le Premier ministre.

M. Meyer Habib. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Comme vous aimez à le dire, c’est désormais à vous et à votre majorité que revient la charge de la preuve : vous devez prouver votre volonté de construire cette confiance, votre capacité à écouter, à construire en commun, à rassembler les forces vives du pays et à dégager un consensus. C’est à cette aune que notre groupe jugera votre gouvernement, sur les actes, et pas seulement sur les paroles.

Face aux crises que notre pays affronte, nous avons besoin de trois éléments essentiels : une stratégie, une cohérence et du concret. Or, hier, nous n’avons rien entendu de tel dans le discours du Président de la République.

La stratégie doit reposer sur deux piliers majeurs ou deux grands principes. Le premier est la planification de l’indépendance de notre pays dans cinq domaines : l’alimentation – donc l’agriculture –, le médicament, le numérique – car nous sommes en train de devenir des colonies numériques des États-Unis d’Amérique et de la Chine –, l’industrie et l’énergie propre.

À cet égard, nous pouvons être favorables à la création d’un commissariat général au plan, que vous avez annoncée, mais à condition que tout le monde y participe, et pas seulement la haute fonction publique. Car je pense que même les partenaires sociaux sont à même de s’accorder sur les activités qu’il est nécessaire de relocaliser et sur les adaptations qu’il convient d’apporter à la réglementation ou à la fiscalité.

Le second principe est la décentralisation. À ce sujet, je reste sur ma faim après vous avoir entendu. La crise sanitaire vient encore de le prouver, l’État français se caractérise par sa volonté de toujours tout faire, même ce que d’autres pourraient faire à sa place. Dès lors, il fait mal, et de plus en plus mal, ce qu’il est le seul à pouvoir faire : je pense à la police, à la justice, à la santé, à l’éducation et à la défense. Notre vision est plutôt celle d’un État très décentralisé, d’un État chef d’orchestre qui fournit des partitions et des instruments mais laisse chaque collectivité s’organiser pour atteindre les objectifs fixés en commun.

Le plan de relance doit favoriser notre indépendance, c’est-à-dire notre capacité à produire ce dont nous avons le plus essentiellement besoin, et les emplois non délocalisables. Voilà la stratégie que notre groupe souhaiterait voir mise en œuvre par votre gouvernement.

Toute stratégie doit s’accompagner d’une cohérence. Or on ne perçoit pas toujours de cohérence dans la succession des annonces que nous avons entendues ces derniers jours. Notre pays a besoin, par exemple, d’un grand plan d’isolation énergétique des bâtiments, non seulement pour conduire la transition environnementale, mais aussi pour créer des emplois non délocalisables. Mais cela suppose, monsieur le Premier ministre, que l’État lutte véritablement contre les fraudes au travail détaché. (M. Jimmy Pahun applaudit.) À défaut, nous allons nourrir des entreprises étrangères en faisant venir des gens d’autres pays de l’Union européenne, et nous ne parviendrons pas à sauver le secteur français du bâtiment et des travaux publics.

M. Jean-Luc Mélenchon. Il faut changer la loi !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous proposons ainsi qu’un plan français et un plan européen – j’ai eu l’occasion de défendre cette idée l’an dernier – permettent de fibrer jusqu’à la dernière ferme de France. Cela présenterait plusieurs avantages. Tout d’abord, ce serait créateur d’emplois non délocalisables. Surtout, la numérisation de l’intégralité de l’économie de notre pays améliorerait la résilience – on l’a vu dans la période que nous venons de traverser – et de booster l’aménagement du territoire. Cette planification pourrait même être conjuguée avec une fiscalité modulée qui permettrait à des entreprises de se délocaliser à l’intérieur de notre pays, depuis les grandes métropoles vers des territoires plus vivables et plus agréables.

Nous avons besoin d’autres efforts européens, en particulier de l’instauration d’une taxe carbone à nos frontières. L’Europe est en train d’accepter pour la première fois une mutualisation des dépenses d’emprunt – et il est exact que la France a joué un grand rôle en la matière. Mais il faut qu’elle accepte aussi une mutualisation des recettes et que ces recettes ne soient pas exclusivement des contributions nationales. Or c’est par la taxe carbone que nous pouvons y parvenir, chers collègues, car nous ferions ainsi payer ceux qui produisent loin de chez nous les produits que nous consommons, tout en alimentant le budget européen.

Par ailleurs, il convient de réformer les marchés publics pour permettre aux collectivités locales et à l’État d’être plus agiles dans leurs commandes en tenant compte de l’éloignement – parfois excessif –, du coût environnemental ou du coût social. Si vous ne le faites pas, monsieur le Premier ministre, les collectivités désireuses de favoriser l’emploi local et la production agricole locale ne pourront le faire sans s’exposer aux foudres de la justice.

Enfin, il ne faut pas sombrer dans l’incohérence en proposant une grande politique en faveur de la propulsion à hydrogène – j’y suis moi aussi favorable, car cela permettra de décarboner nos déplacements en avion, en bateau, en train, en voiture, en bus – tout en se réjouissant de la fermeture de centrales nucléaires. Contrairement à ce qu’affirme un mythe écologiste en train de se répandre, si nous fermons les centrales, l’électricité nécessaire à la production d’hydrogène proviendra du charbon et du pétrole, et il ne pourra y avoir, dès lors, de plan hydrogène – même le GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le reconnaît très clairement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

Enfin, nous voulons du concret pour faire face à trois urgences : l’urgence éducative – dont on a peu parlé – l’urgence économique et l’urgence sociale.

L’urgence éducative, d’abord. D’une part, comment rattraper, à partir de la rentrée prochaine, le temps perdu par les élèves pendant les trois derniers mois ? Il ne faut pas qu’une génération soit confrontée à des troubles d’apprentissage, qu’elle soit handicapée toute sa vie par la crise que nous venons de vivre. D’autre part, quel serait le plan B pour la rentrée si, malheureusement, l’épidémie repartait ? Nous n’en avons pas entendu parler hier, et j’aimerais que le ministre de l’éducation nationale apporte des précisions à ce sujet, aux parents comme aux enseignants.

L’urgence économique, ensuite. Les plans de redressement et les mises en liquidation judiciaire vont se multiplier. Nous avons déposé une proposition de loi visant à casser les chaînes de contamination économique en permettant à l’État de modifier l’ordre de priorité des créanciers d’une entreprise en difficulté : les salaires seraient évidemment payés en priorité comme aujourd’hui, mais les fournisseurs passeraient avant l’État et la sécurité sociale. Ainsi, les difficultés d’une entreprise n’en mettraient pas cinq autres en difficulté, et l’on endiguerait la contamination économique en cours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-I.)

De même, nous proposons que les prêts garantis par l’État deviennent de quasi-fonds propres : leur remboursement par les entreprises commencerait non pas dès janvier prochain mais seulement à partir de juillet 2022 et serait étalé sur les cinq ou six ans suivants.

Nous vous proposons en outre de booster l’investissement des collectivités locales : chaque fois qu’elles mettent 2 euros dans un secteur où l’emploi est non délocalisable, l’État ajouterait 1 euro afin de relancer la commande publique et le travail local.

Nous demandons aussi que soient accélérées les commandes liées à la loi de programmation militaire pour préserver notre tissu industriel de défense et que la TVA passe à 5,5 % dans la restauration, le tourisme et l’hôtellerie tant que ces secteurs seront contraints par la situation sanitaire.

L’urgence sociale, enfin. Le premier axe doit être la jeunesse, et je dois dire que les mesures que vous venez d’annoncer semblent à la hauteur des enjeux.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous devons aussi prendre en considération celles et ceux qui risquent d’être privés d’emploi pendant plusieurs années. Cette crise annonce une révolution numérique qui rendra inemployables des centaines de milliers de Français. Nous proposons de créer une indemnité de préparation au choc numérique, afin qu’ils puissent s’adapter dès maintenant.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je conclus, monsieur le président, en appelant l’attention sur la nécessité d’aider les locataires qui vont avoir beaucoup de difficultés à payer leur loyer.

Vous le voyez, monsieur le Premier ministre : nous avons des idées et des propositions à revendre pour aider notre pays.

M. Thierry Benoit. Et elles ne coûtent pas cher !

M. Jean-Christophe Lagarde. À vous de prouver votre capacité d’écoute et de débat utile. La grande majorité du groupe UDI et indépendants s’abstiendra aujourd’hui, en espérant que vous saurez construire la confiance demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

(...)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Cet après-midi, ni la solennité du lieu ni celle des circonstances ne devraient effacer le cocasse de la situation.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes nommé depuis douze jours, mais vous avez été aussitôt condamné au pain sec du silence politique. Vous avez occupé le temps en faisant une tournée des commissariats. Il fallait vous taire, parce que Jupiter allait tonner. Il l’a fait, le 14 juillet, mais il n’a rien dit, sinon son acte de contrition.

Et vous voici, monsieur Castex ! Douze jours après votre nomination, vous assumez enfin la responsabilité minimale qu’on attend d’un Premier ministre dans une démocratie parlementaire : vous sollicitez un vote de confiance pour être autorisé à rester à votre banc – car c’est nous qui en décidons. (Sourires.) Cela se fera sans doute, mais sans nous !

Ce n’est pas votre personne, monsieur Castex, qui est en cause : sachez que nous la respecterons toujours. Mais pourquoi vous ferions-nous confiance politiquement ? La Constitution dispose, en son article 20, que le Premier ministre « détermine et conduit la politique de la nation ». Vous n’êtes pas concerné : il n’y a pas une personne en France pour croire que vous déterminerez quoi que ce soit s’agissant de la politique de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Jérôme Lambert applaudit également.)

Jupiter nous a déjà rappelé bien des fois qu’il s’occupait de tout, et même du reste – du montant des primes pour les voitures au nombre de contrats d’apprentissage. Tout est déjà dit. De toute façon, le monarque présidentiel ne supporte pas que le Premier ministre fasse mieux que lui, raison pour laquelle votre prédécesseur a été renvoyé – nous n’en voyons pas d’autre, puisqu’il s’agit de faire dorénavant comme auparavant. Vous êtes donc condamné à faire moins bien que le monarque. Cela vous laisse, finalement, peu d’espace. (Sourires.)

Personne ne croit non plus que vous conduirez la politique de la nation, monsieur Castex ! Comme nous, vous seriez déjà bien heureux de parvenir à la suivre ! Car souvent Jupiter varie, et bien fol qui s’y fie. Ordres et contre-ordres sont devenus la règle. Le masque, par exemple, hier inutile pendant la crise sanitaire, sera désormais obligatoire – mais pas tout de suite, seulement dans un mois ! Le covid-19 est prié de rester confiné. (Sourires.)

Macronie et absurdie sont limitrophes, comme le sont, le long du fleuve Oyapock, où vous êtes allé récemment, le Brésil et la Guyane – laquelle ne parvient pas à devenir une île, même après que Jupiter et vous l’avez proclamée telle. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) La Guyane est abandonnée ; la Guyane demande des moyens et du respect ; la Guyane, toutes tendances confondues, réclame désormais l’arrivée des médecins cubains, puisque la patrie ne lui répond pas ! (Murmures sur les bancs du groupe LaREM.)

Bref, le Président de la République vous demande de réparer en 600 jours les dégâts qu’il a occasionnés en trois ans. C’est votre feuille de route. Nous ne pouvons y croire. Nous ne pouvons avoir confiance.

Comptez-vous rétablir les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui protégeraient la santé des salariés menacés par le covid-19 sur leur lieu de travail ? Non. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

Allez-vous enfin nationaliser l’usine française de Luxfer pour qu’elle produise les bouteilles d’oxygène de nos hôpitaux ? Non.

Le glyphosate sera-t-il finalement interdit à la fin de l’année 2020 ? Non.

Préparez-vous la sortie des accords de libre-échange CETA – avec le Canada – et JEFTA – avec le Japon – acceptés par le Président ? Non. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)

Après avoir prolongé l’activité de dix réacteurs nucléaires, déciderez-vous de leur fermeture ? Non. Comment, au reste, l’organiseriez-vous ?

Rétablirez-vous la ligne de fret Perpignan-Rungis ? Non. Le monopole de la SNCF ? Non. Où est d’ailleurs l’argent pour le rail ?

Comptez-vous reprendre la part qui revient au bien commun et à tous les Français dans les poches de tous les nouveaux millionnaires qui se sont gavés sur la spoliation du peuple ? Non ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Jean Lassalle applaudit également. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

L’impôt sur la fortune ne sera pas rétabli. Les 3 milliards qu’il permettrait de collecter suffiraient pourtant pour payer les 60 000 soignants supplémentaires dont nous avons besoin dans nos hôpitaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Jean Lassalle applaudit également.)

Avez-vous enfin compris que l’eau allait devenir une ressource rare et qu’il convenait d’engager dès maintenant, avec fermeté, la rénovation de nos canalisations en ruine ? Car 20 % de l’eau se perd en France, ce qui crée des situations indignes. Rendrons-nous aux populations de Mayotte, de la Guadeloupe, de la Guyane – et j’en oublie sans doute –…

M. Serge Letchimy. Et de la Martinique !

M. Jean-Luc Mélenchon. …l’accès à l’eau courante ? Non. (M. Jean Lassalle applaudit.)

Allez-vous réparer les dégâts infligés à la santé publique depuis le ministère de Xavier Bertrand – vous étiez alors son directeur de cabinet ? Non. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Car le premier acte de votre gouvernement, les accords du Ségur, vont aggraver le désordre à l’hôpital. Quelle sottise de penser que l’annualisation du temps de travail peut améliorer d’une quelconque manière l’organisation des services !

Mme Caroline Fiat. Bravo !

M. Jean-Luc Mélenchon. Le Ségur ne revient pas sur les fermetures de lits et de services, ni sur le manque de moyens humains. Il renforce le modèle de gestion d’hôpitaux considérés comme des entreprises à but lucratif. (M. Jean Lassalle applaudit.)

Avons-nous définitivement pris conscience, tous autant que nous sommes, du mascaret social qui s’avance vers nous ? La France connaîtra une récession de 11 % cette année. Pour y faire face, le gouvernement précédent n’a injecté que l’équivalent de 2 % du PIB dans l’économie. L’Allemagne, dont le PIB n’a reculé que de 6 points, injecte, elle, 20 % de sa richesse pour son redémarrage. Oublions un instant tout ce qui peut nous séparer, monsieur le Premier ministre  : si vous ne faites rien contre ce décalage, la zone euro explosera. En toute hypothèse, la France est menacée de déclassement. Il faut intervenir massivement de manière organisée, c’est-à-dire planifiée. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – MM. Jérôme Lambert et Jean Lassalle applaudissent aussi.)

Le saupoudrage d’argent public sans contrepartie sociale, écologique ou en matière d’emploi va-t-il cesser ? Sept milliards ici, quinze milliards là… Tout cet argent est inutile si l’on compte sur la magie du marché pour qu’il soit investi au bon endroit. L’État doit assumer la planification, non la manier comme un gadget pour faire taire les insoumis et les communistes, qui en sont d’ardents partisans. Il doit la considérer comme un moyen qui, résolument, donne au pays et aux citoyens la propriété collective du temps long, là où le marché ne peut gérer que le temps court. Il faut planifier pour que nous redevenions les meilleurs.

L’État doit organiser l’ancrage de cette nouvelle planification, qui ne doit pas ressembler à celle d’avant,…

M. Guy Teissier. Ça vaut mieux !

M. Jean-Luc Mélenchon. …dans la vie des communes, qui sont la structure de base de la démocratie française et de la République depuis sa naissance. Le plan doit être l’instrument d’une démocratie participative telle qu’on peut l’imaginer et la vouloir au XXIe siècle. Comment, sinon, réaliser la bifurcation écologique ? C’est impossible ! Comment, sinon, respecter la règle verte et éradiquer la précarité ? C’est impossible ! Le plan constitue la solution. Or vous en êtes loin. Vous ne ferez rien de tel : vous ne disposez ni du programme ni des moyens politiques adéquats.

Car voici le sommet du cocasse de notre séance du jour : conformément à la pratique de la Ve République – que je n’aurai pas l’insolence de vouloir vous enseigner, monsieur Castex, puisque vous êtes issu d’un parti politique pour qui elle est très familière –, vous êtes le nouveau chef de la majorité parlementaire. Je constate d’ailleurs que vous m’approuvez. Or, la veille de votre nomination, cette majorité ne vous connaissait pas.

Plusieurs députés du groupe LaREM. C’est faux !

M. Jean-Luc Mélenchon. Ne criez pas, chers collègues ! Elle a une excuse : la veille, vous étiez encore membre d’un parti d’opposition, qui compte ici même cent députés.

M. Pierre Cordier. Cent quatre ! Et vous, vous êtes dix-sept !

M. Jean-Luc Mélenchon. Finalement, le président du groupe LaREM, notre estimé collègue Gilles Le Gendre, avait bien raison lorsqu’il a lui-même reconnu que, parmi les quelque 315 membres que comptait son groupe, pas un n’était capable, après trois ans de présence dans cet hémicycle, d’exercer la fonction de Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur quelques bancs des groupes LR et SOC.) Quel genre de parti de gouvernement êtes-vous donc ? Je vous assure que, parmi les dix-sept députés insoumis ici présents, il y a plusieurs premiers ministres possibles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Meyer Habib. Mais aucun président de la République, c’est certain !

M. Jean-Luc Mélenchon. Nous ne serons pas confrontés à un manque de candidats le moment venu !

Monsieur Castex, vous comptez sur une majorité qui s’est déjà divisée en trois groupes sans que l’on sache pourquoi ces gens ne se supportaient plus. Ils s’ajoutent à deux autres groupes qui soutenaient déjà le Président de la République, quoi qu’il dise. Il y a donc à présent dix groupes à l’Assemblée nationale, soit autant que sous la IVe République – la longévité des ministres n’est d’ailleurs guère meilleure qu’alors. (Sourires.)

Vingt-quatre fois réformée, cette Constitution est à bout de souffle. C’est le palais constitutionnel du Facteur Cheval ! Le peuple doit en redevenir le propriétaire. Cependant, rien ne vous aura convaincu : ni l’abstention suffocante constatée aux municipales, ni l’insurrection morale contre l’accumulation des richesses dans quelques mains, ni l’indignation du pays devant les violences policières, ni la révolte des féministes face à l’indifférence ou au mépris de leur vigilance quant aux violences faites aux femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Il me faut conclure. Vous devez organiser un référendum et une réforme des retraites, le premier « dans les meilleurs délais », la seconde « ni maintenant ni aux calendes grecques » – comprenne qui pourra !

Monsieur Castex, méditez cette phrase du philosophe Sénèque et dites-en un mot de notre part à M. Macron : « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va. » (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)

(...)
 


M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, merci pour la richesse de vos interventions. Cela renforce ma conviction que, dans les circonstances que traverse aujourd’hui notre pays, nous devons rechercher l’unité la plus large possible des Françaises et des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Fabien Di Filippo. Écoutez aussi l’opposition !

M. Jean Castex, Premier ministre. Oui, nous avons un cap. Ce cap…

M. Fabien Di Filippo. Vous mène dans le mur !

M. Jean Castex, Premier ministre. …est simple et clair : il faut faire face à la crise, c’est-à-dire protéger les Français et transformer la France en la rendant plus forte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Pierre Cordier. Ça, j’aurais pu le dire !

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous conduirons une relance reconstructive nous permettant de retrouver les voies de la souveraineté économique et de réussir l’indispensable transition écologique, tout en préservant la solidarité nationale.

Vous avez raison, les uns et les autres : cette relance est urgente. D’ailleurs, la France l’a déjà engagée, elle compte parmi les pays européens qui ont déployé les moyens les plus puissants pour soutenir l’économie qui s’effondrait. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Pour protéger les plus vulnérables, l’activité partielle a été mobilisée, vous le savez toutes et tous, à un niveau quasiment inégalé en Europe.

M. Loïc Prud’homme. Dans l’univers ! Et au-delà !

M. Jean Castex, Premier ministre. Avant même le plan global de relance, nous avons engagé des plans sectoriels dans l’automobile, l’aéronautique et d’autres domaines, sans commune mesure avec ce qui se fait ailleurs. Le cap consiste donc à consolider notre économie, notre agriculture et notre industrie.

Il vise aussi à renforcer notre pacte républicain,…

M. Loïc Prud’homme. Bla-bla-bla !

M. Jean Castex, Premier ministre. …à conforter notre protection sociale et à lutter sans faille contre toutes les atteintes à l’autorité de l’État et les morsures à la laïcité républicaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Notre cap est clair et notre méthode l’est tout autant. Le dialogue apparaît aujourd’hui plus indispensable que jamais. Les territoires sont également essentiels, car c’est là que s’ancre la vie de nos concitoyens. C’est en s’appuyant sur eux que nous atteindrons notre objectif : l’efficacité. J’invite la représentation nationale comme les forces vives du pays à faire des propositions et à suivre la réalisation du plan de relance ambitieux que nous vous soumettons.

Enfin, je sais que je disposerai d’une majorité.

M. Pierre Cordier. Ça, c’est certain !

M. Fabien Di Filippo. Mais elle se disloque !

M. Jean Castex, Premier ministre. J’ai entendu vos observations, mais il me plaît de m’appuyer sur une majorité qui débat, qui a des idées, qui n’est pas monocolore. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Je sais qu’elle s’engagera, avec son cœur et son énergie, derrière le Premier ministre…

M. Fabien Di Filippo. On verra les amendements qu’ils déposeront !

M. Jean Castex, Premier ministre. …qui en est le chef institutionnel. J’assumerai cette fonction avec beaucoup d’enthousiasme, car je respecte les institutions de la République, en particulier de la Cinquième.

M. Pierre Cordier. Il ne suffit pas de le dire, il faut le faire !

M. Jean Castex, Premier ministre. Parce que la France nous regarde, parce que les Françaises et les Français nous attendent, je souhaite que cette majorité soit la plus large possible.

M. Fabien Di Filippo. Elle se rétrécit de jour en jour !

M. Jean Castex, Premier ministre. C’est le service du pays qui est en jeu, dans des circonstances dont vous avez toutes et tous souligné le caractère exceptionnel. Dans ce moment difficile, il faut unir cette France et cette République que, j’en suis sûr, nous tous, quelle que soit notre place dans l’hémicycle, aimons tant. (Mmes et MM. les députés membres des groupes LaREM, MODEM et Agir ens se lèvent et applaudissent.)

M. le président. Le débat est clos.
Vote en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution

M. le président. Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.

Le vote se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances. Des bulletins de vote ont été placés dans vos pupitres.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de trente minutes. Il sera donc clos à dix-neuf heures trente-six.
Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du Gouvernement :

        Nombre de votants : 565
        Nombre de suffrages exprimés : 522

        Majorité absolue des suffrages exprimés : 262
                Pour l’approbation : 345
                Contre : 177

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement.

(Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent longuement.)

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi, non sans émotion, entouré du Gouvernement, de vous adresser tous mes remerciements, toute ma reconnaissance pour la confiance que vous venez de nous accorder.

Comme beaucoup d’orateurs l’ont dit, cette confiance nous oblige. Pour conclure mon propos, la meilleure parole d’espoir que je pourrais vous dire, chers amis, est celle-ci : maintenant, pour la France, au travail ! (Mêmes mouvements.)

(...)

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)



Source : www.assemblee-nationale.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20200715-discours-castex.html

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15 juillet 2020 3 15 /07 /juillet /2020 03:11

« Qu’est-ce qui se passe dans notre pays ? (…) En constatant ce qui n’a pas fonctionné, notre pays au fond a peur, il y a une crise de confiance, confiance à l’égard de lui-même. Regardez même la période récente que nous venons de franchir. Si nous nous écoutions nous-mêmes tous les jours, on faisait moins bien que les voisins, nous étions les pires. Quand on commence à regarder le bilan, non ! Il y a une épidémie (…). On est loin d’être les pires. Mais nous avons en quelque sorte un doute permanent sur nous-mêmes en tant que pays. Et nous avons en notre sein des, ce que j’ai parfois appelé, passions tristes, c’est-à-dire des forces de division. » (Emmanuel Macron, le 14 juillet 2020).



_yartiMacron2020071401

La crise sanitaire, la réponse à la crise économique, la relance de l’emploi, la réforme des retraites, le référendum sur la transition écologique… Le Président de la République Emmanuel Macron a été interviewé à l’Élysée par les journalistes Léa Salamé (France 2 et France Inter) et Gilles Bouleau (TF1) ce mardi 14 juillet 2020 à l’issue de la cérémonie de la fête nationale (sa retranscription peut être lue ici dans son intégralité). Étrange évolution, une sorte de chiraquisation ? Alors qu’Emmanuel Macron se voulait volontaire et directif, au point d’utiliser le nouveau droit du Président de la République à s’exprimer devant les parlementaires réunis en Congrès chaque année en juillet (il l’a fait le 3 juillet 2017 et le 9 juillet 2018), il en est revenu à la "traditionnelle" interview du 14 juillet depuis une trentaine voire une quarantaine d’années (à l’exception de Nicolas Sarkozy). En revanche, Emmanuel Macron a pris la parole la veille de la déclaration de politique générale de son nouveau Premier Ministre Jean Castex, ce qui a une signification politique.

Mais autant dire tout de suite que si l’objectif était d’expliquer pourquoi il avait changé de Premier Ministre, il est loin d’être atteint. Il a certes redonné d’autres priorités (l’emploi et l’écologie), mais l’idée reste la même : continuer à appliquer la politique pour laquelle il a été élu (mais ce concept n’est pas vraiment clair, surtout lorsque l’élection se base sur un choix par défaut et pas par adhésion).


Un mea culpa ?

Les premières questions ont porté sur la persistance des divisions en France alors que l’une des missions du candidat Emmanuel Macron était de rassembler les Français. Son échec est personnel mais pas seulement : « J’ai sans doute fait des erreurs qui ne m’ont pas permis d’y parvenir et nous avons vécu le chaos, si je puis dire, et le grand fracas du monde. Depuis plusieurs années, ce que vit notre pays le traumatise profondément. L’histoire est revenue : l’histoire la plus tragique. Nous nous parlons aujourd’hui, mais je n’oublie pas qu’il y a quatre ans, le même jour, à Nice, les attentats frappaient notre pays à nouveau. Et j’ai une pensée pour évidemment la ville de Nice et toutes les familles de victimes. Mais nous avons vécu le terrorisme. Nous avons vécu au fond des crises économiques à répétition et le chômage de masse qui affaiblit des familles, fait douter. La crise d’un modèle méritocratique républicain qui est pour moi, presque le plus important de nos problèmes, au fond. Nous avons vécu une crise sociale sans précédent avec les gilets jaunes qui a été la colère d’une partie du peuple français, qui, pour la plupart du temps, travaillait en vivant mal et s’est dit : "Ce monde n’est pas fait pour nous. Les réformes qu’ils font, ce qu’ils nous demandent de faire, n’est pas fait pour nous". Et en demandant du pouvoir d’achat, mais au-delà de cela, d’être rassuré sur, au fond, un projet de société. Nous vivons une crise internationale du multilatéralisme. Un ami américain qui doute quand il ne se retire pas, des grandes puissances qui reviennent dans notre voisinage… Et là, nous venons de vivre une grande pandémie. Et donc, face à tout cela, tout ça n’est pas, vous en conviendrez, un grand accélérateur de confiance. ».

Sans oublier sa propre responsabilité : « Mais j’ai donné le sentiment à nos concitoyens qu’au fond, je réformais pour eux ou malgré eux, comme pour adapter le pays à quelque chose qu’ils n’aimaient pas tellement et dont on n’était pas sûr de la destination, mais qui n’était pas juste. Or, ce pourquoi je me suis engagé en politique, ce pourquoi j’ai voulu à un moment devenir Président, ce pourquoi nous avons construit ce pacte, c’est pour rendre une France plus forte et plus indépendante. ».

Avec une motivation récurrente : « Je le fais aussi pour que chacun retrouve la maîtrise de sa vie, de son destin et qui est un chemin de justice, et ça, je ne l’ai pas assez montré. Parce que nous n’avons pas produit assez de résultats, parce qu’on n’a pas été assez vite, je ne l’ai peut-être pas assez dit. Moi, c’est pour ça que je me suis engagé, pour que ce chemin qu’il y a dans la République, qui fait que, quel que soit son prénom, quel que soit la famille d’où on est né, sa religion, sa couleur de peau, il y a un chemin qui permet d’arriver à l’excellence. ».

Mon commentaire : Il est assez convenu qu’un Président explique que si sa politique n’a pas convaincu les Français, c’est à cause d’un problème d’explication. Et que la conséquence est de continuer encore plus dans la voie engagée par sa politique parce qu’elle ne produit pas encore assez ses effets. Le problème, c’est que ce genre de discours ne peut pas convaincre les Français parce qu’il a été proposé depuis plus d’une trentaine d’années. Or, Emmanuel Macron semble redécouvrir l’histoire politique et tombe dans les mêmes pièges que ses prédécesseurs. Il voulait du nouveau, et il ressort plutôt de vieilles sauces.


Une seconde vague du coronavirus en France ?

J’y reviendrai plus spécifiquement plus tard : beaucoup de signes laissent entendre que la crise épidémique est loin d’être terminée en France. Emmanuel Macron n’en sait pas plus que les scientifiques qui ne sont pas toujours d’accord entre eux : « Nous avons des signes que ça repart quand même. Face à cela, nous devons prévenir et nous préparer. (…) La meilleure prévention, ce sont ce qu’on appelle les gestes barrières contre le virus. Les masques, se tenir à distance et le gel hydroalcoolique. (…) Là-dessus, on voit des faiblesses. Donc, j’ai demandé à ce qu’on passe une étape au gouvernement et je souhaite que dans les prochaines semaines, on rende obligatoire le masque dans tous les lieux publics clos. (…) Et nous allons observer la situation, mais nous mettre en situation de pouvoir, par exemple à partir du 1er août, le rendre totalement obligatoire. ».

Mon commentaire : Ce genre de discours est paradoxal et donc, n’a aucune efficacité. S’il y a vraiment un risque de remontée de l’épidémie comme cela semble hélas s’observer, il ne faut pas attendre le 1er août mais rendre obligatoire dès maintenant le port du masque dans les lieux publics clos. En disant dans deux semaines, on conforte les Français que cette nécessité n’en est pas une. Un peu comme lors du préconfinement (entre le 13 et 16 mars 2020), où l’on a dit aux Français : les magasins sont fermés, restez chez vous mais allez voter…


La réponse à la crise économique majeure

Emmanuel Macron a d’abord rappelé les premières mesures au moment du confinement : « Il était légitime parce qu’il y avait le feu à la maison et donc, on n’allait pas compter les seaux. Et ce "quoi qu’il en coûte", il était légitime parce qu’il évitait une casse sociale, économique, avec les drames qui l’accompagnent, que nous aurions payés hier ou demain, et donc, cet effort se poursuit. (…) Dès le mois de mars, nous avons décidé à un niveau qu’aucun autre pays au monde n’a décidé. Je le dis parce qu’on peut être fier de la France parfois, et en l’espèce, je crois qu’on le doit. Nous avons accompagné les salariés avec un dispositif de chômage partiel qui n’a pas d’équivalent. Qui est le plus généreux en Europe, l’Europe est le continent le plus protecteur au monde. (…) On a fait en sorte qu’il n’y ait pas de licenciements à cause du covid dans cette période-là et donc que les gens puissent rester dans l’entreprise en étant payés en chômage ou en étant payés à moins travailler. Donc, c’est vrai qu’on a distribué énormément de chômage partiel, et on a eu plus de 40% des salariés de notre pays qui ont été concernés par cette mesure avec 84% de remplacement de salaire, parfois complété par les entreprises. ».

_yartiMacron2020071402

Et aujourd’hui : « On va continuer d’investir pour préserver les emplois et les compétences parce qu’on a appris de la crise d’il y a dix ans que si on licenciait trop vite dans ces périodes, on détruisait des compétences pour l’entreprise et on mettait des gens dans le désarroi économique. (…) Nous avons décidé pour le pays d’un dispositif inédit, d’activité partielle de longue durée, qui permet de garder dans l’entreprise les salariés, de les payer parfois les uns en acceptant de travail un peu moins, en allant vers des formations, et d’avoir l’État qui abonde ces dispositifs. Et donc, c’est un plan, si je puis dire, anti-licenciements. (…) Pour notre pays, je préfère au maximum qu’il y ait (…) des salaires qu’on accepte de baisser momentanément plutôt que des licenciements parce qu’après, parfois, on met des années à revenir à vers un emploi. Mais ça doit passer par le dialogue social, c’est-à-dire qu’on a conçu, ce à quoi je tiens et qui contribue aussi d’une conviction que j’ai conçue et forgée à l’expérience, c’est quand il y a de la peur, de la conflictualité dans notre pays, que le dialogue social à l’échelle de la branche et de l’entreprise a une valeur inouïe. (…) En faisant quoi ? En disant "on accepte de la modération salariale pour un temps". Moi, je souhaite qu’elle s’accompagne (…) d’intéressements et de participation. Pourquoi ? Parce qu’il faut que le salarié qui accepte dans cette période de faire un effort, le jour où ça va mieux, il ait droit aussi à sa part du mieux. Cela doit s’accompagner d’une modération des dividendes (…). On va mettre sur ce dispositif 30 milliards d’euros pour compléter parfois les salaires, pour financer des formations, pour permettre là soit d’être le jour d’après, un salarié mieux formé, mieux qualifié, qui gagnera mieux sa vie, soit d‘aller vers des secteurs d’activité où il y a des opportunités parce qu’on sait que certains secteurs vont détruire de l’emploi. ».

Mon commentaire : C’est probablement le point le plus positif de l’action d’Emmanuel Macron de ces derniers mois. Son intuition économique l’a encouragé à investir massivement dans le soutien à l’emploi en pleine crise sanitaire. On ne pourra vraiment plus qualifier sa politique de libérale, elle est au contraire étatique, et c’est à mon sens positif si elle est faite sur une courte période. C’est ce qui avait manqué aux États-Unis juste après la crise de 1929 avec la volonté de laisser l’économie s’effondrer seule sans secours de l’État, ce qui a coûté très cher aux Américains (et aux Européens par voie de conséquence). C’était ce qu’a voulu éviter Nicolas Sarkozy pour la crise de 2008, mais on lui a reproché un surcroît d’endettement, après lui avoir reproché de ne pas en avoir fait assez ! Emmanuel Macron aura probablement ces deux reproches contradictoires en 2022…


Des emplois aidés ?

Parmi les mesures présentées par Emmanuel Macron : « On va créer des mécanismes nouveaux. 300 000 projets et contrats d’insertion qui permettent d’aller chercher les jeunes qui sont parfois les plus loin de l’emploi, qui n’ont pas réussi à trouver justement l’entreprise qui leur signe leur contrat d’apprentissage ou leur alternance. Et donc, ceux-là, on va les chercher avec des contrats d’insertion. ».

Mon commentaire : Je doute que cette mesure soit efficace. Certes, elle peut être nécessaire pour aider les jeunes les plus en difficulté, mais elle n’est certainement pas un moyen de leur faire acquérir un emploi de manière durable et pérenne. Cette idée a été mise en œuvre depuis plus de trente-cinq ans avec des appellations diverses (les premiers contrats de ce type ont été appelés TUC par le décret n°84-919 du 16 octobre 1984 !) et souvent des destins similaires.

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La réforme des retraites

Emmanuel Macron a refusé d’enterrer sa réforme des retraites : « Elle ne peut pas se faire comme elle était emmanchée avant la crise du covid. Est-ce que c’est une bonne idée de l’abandonner totalement ? Je ne crois pas. La remettre en question, à la concertation. Et pourquoi ? D’abord parce qu’il y a deux choses dans cette réforme. Il y a la réforme du système universel par points. Je pense que cette réforme est juste et elle est faite pour celles et ceux qu’on a appelés les premiers de corvée, les femmes et les hommes qui ont été en première ligne, caissières, livreurs, métiers modestes, souvent avec du temps partiel subi, cette réforme des retraites, ils en sont les grands gagnants. (…) Je crois que cette réforme est juste. Il faut peut-être lui donner un peu plus de temps, mieux la concerter. On doit la remettre sur l’ouvrage. À côté de ça, il y avait l’aspect financier de la réforme. (…) Nous devons regarder notre système de retraite en face. (…) Mais je vais être clair : la priorité de cet été et de la rentrée prochaine, c’est l’emploi. C’est la lutte pour que nos jeunes puissent avoir ou une formation ou un emploi, et que personne ne soit sans solution, c’est la bataille pour préserver tous les emplois que nous pourrons préserver et pour créer tous les nouveaux emplois possibles. Cela, c’est la priorité. ».

Mon commentaire : Là encore, le discours présidentiel est très anxiogène et contreproductif. Pour une raison que le sens politique ignore, Emmanuel Macron voudrait absolument se présenter devant les Français en 2022 avec une réforme des retraites dans son bilan, car elle faisait partie de ses engagements en 2017. Il est clair que le système à points prévu en 2019 a vécu. L’urgence, pour les retraites, est de trouver de nouveaux financements. Le "problème" est passé de 4 milliards à 30 milliards d’euros de déficit, avec la crise sanitaire, ce qui fait que la seule solution ne pourra être qu’un allongement de la durée de la carrière. En clair, la réforme en vue est une réforme "classique", changeant juste un curseur (le nombre d’annuités de cotisation, c’est-à-dire, accélérer la réforme déjà mise en œuvre par Marisol Touraine). Or, comme l’a très bien fait remarquer le politologue Olivier Duhamel la semaine dernière, sur le plan de la communication, au lieu de dire : "je continue à faire la réforme des retraites pour résoudre le problème du financement", il aurait plutôt fallu dire : "je renonce à la réforme des retraites, mais je dois prendre une mesure pour le financement". Le résultat aurait été le même, mais avec un emballage psychologique très différent. C’est une faute de vouloir dire "je persiste" alors que tous les partenaires sociaux, des syndicats les plus révolutionnaires jusqu’au Medef, tous lui disent que ce n’est pas la priorité et qu’il faut se focaliser sur l’emploi (comme pourtant Emmanuel Macron l’assure lui-même dans les mots).


Un référendum sur la lutte contre le réchauffement climatique ?

Emmanuel Macron a annoncé un possible référendum issu de la réflexion de la Convention citoyenne : « La seule question sur laquelle il peut y avoir un référendum, compte tenu des demandes qui ont été faites par les citoyens de la Convention citoyenne, est une réforme constitutionnelle, celle de l’article 1er qui place l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et aussi, le respect de la biodiversité dans notre texte constitutionnel. J’y suis favorable. Je pense que c’est une avancée majeure et je pense que c’est une avancée qui permettra de créer du droit, et donc, des contraintes, et d’aider à transformer le pays. La Constitution ne me permet pas aujourd’hui de décider d’un référendum demain matin sur cette base. Il faut d’abord qu’il y ait un vote par l’Assemblée puis le Sénat dans des termes conformes, et selon les termes de notre Constitution, à ce moment-là, il peut y avoir ou un Congrès ou un référendum. ».

Mon commentaire : Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Emmanuel Macron ne se mouille pas beaucoup pour un référendum sur l’écologie. Si organiser un référendum, dans la forme, est une bonne chose, et si vouloir augmenter les contraintes pour assurer la transition écologique n’est pas non plus une mauvaise chose, inscrire dans notre texte fondamental l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique me paraît particulièrement dangereux pour l’avenir du pays. La crise du covid permet justement de donner un exemple très parlant : avec l’épidémie, on a remisé les carafes d’eau et l’on a repris la vieille et mauvaise habitude de bouteille d’eau individuelle en plastique pour les conférences, réunions de travail, etc. pour des raisons sanitaires évidentes. De même, les emballages individuels sous plastique de part de gâteau, par exemple, sont les bienvenus en période d’épidémie. Si la mesure proposée était en application, ces écarts avec le respect de la nature (pour respecter l’humain, sa santé) seraient alors… anticonstitutionnels ! Dans tous les cas, il faut faire prévaloir la sauvegarde de l’humain sur le climat, cela paraît un enjeu constitutionnel qui pourrait s’avérer essentiel dans les mois à venir.


Encore quatre citations

Pour terminer, voici quatre autres extraits de l’interview concernant des personnalités très médiatisées ces derniers temps…

Sur Édouard Philippe : « C’est une page politique et de la vie du pays qui se tourne. (…) Vous savez, en 2017, lorsque j’ai été élu, j’ai fait le choix pour diriger le gouvernement de nommer un responsable politique qui était peu connu des Françaises et des Français, et qui n’avait pas fait ma campagne, qui ne venait pas de ma formation politique et de celles qui m’avaient conduite au pouvoir. C’est inédit dans la Cinquième République, il n’y a pas d’autre exemple. (…) Et donc, changer de Premier Ministre aujourd’hui ne signifie pas ne pas reconnaître tout ce travail qui a été fait parce qu’il est important pour moi. (…) Et il est légitime dans la vie démocratique, politique, de notre pays que, après trois années passées, quand on dit il y a un nouveau chemin, une nouvelle méthode… ».

Sur Jean Castex : « C’est quelqu’un qui a une culture du dialogue social et qui, pendant plusieurs années, dans des fonctions d’administration, y compris sur le terrain, comme à Paris, s’est battu pour accompagner notre pays et qui connaissait très bien ce qu’est la vie des élus locaux de nos collectivités, notre proximité dont on a besoin, les partenaires sociaux, la santé et les arcanes, si je puis dire, de notre modèle social. Et donc, tout ça, et son style, sa personnalité parce que derrière, il y a la patte humaine, si je puis dire, ont conduit à dire : il peut être celui qui va diriger cette nouvelle équipe gouvernementale en étant justement plus à l’écoute, en associant davantage les élus de terrain pour la relance dans laquelle nous devons entrer, en bâtissant des solutions pour lutter contre le chômage, pour relancer notre économie, pour défendre notre modèle social avec les partenaires sociaux. ».

Sur Gérald Darmanin : « Aussi vrai que je crois à la force des causes justes, je pense qu’aucune cause n’est défendue justement si on le fait en bafouant les principes fondamentaux de notre démocratie. ».

Sur Didier Raoult : « Vous savez, nous sommes le pays des Lumières. Dans le pays des Lumières, moi, je crois à la rationalité et donc, à la rationalité scientifique. Le professeur Raoult, puisque vous l’évoquez, est un grand scientifique, j’ai été le voir pour me rendre compte, et donc, il était normal et légitime, de mon point de vue, qu’il participe du débat scientifique. Mais ce n’est pas au Président de la République ou à un politique de trancher un débat scientifique avec des critères politiques. Ce n’est pas plus à un homme scientifique, quand bien même il devient une personnalité publique, d’acter des croyances scientifiques. La science a ses processus de vérification et c’est comme ça qu’on se porte mieux, je crois. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 juillet 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours du Premier Ministre Jean Castex le 15 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale.
La déclaration de politique générale de Jean Castex le 15 juillet 2020.
Interview du Président Emmanuel Macron le 14 juillet 2020 par Léa Salamé et Gilles Bouleau (retranscription intégrale).
Emmanuel Macron face aux passions tristes.
Gérald Darmanin.
Composition du gouvernement Castex I.
Le gouvernement Castex I nommé le 6 juillet 2020.
Jean Castex, le Premier Ministre du déconfinement d’Emmanuel Macron.
Discours du Président Emmanuel Macron devant la Convention citoyenne pour le climat le 29 juin 2020 à l’Élysée (texte intégral).
Après-covid-19 : écologie citoyenne, retraites, PMA, assurance-chômage ?
Édouard Philippe, le grand atout d’Emmanuel Macron.
Municipales 2020 (5) : la prime aux… écolos ?
Convention citoyenne pour le climat : le danger du tirage au sort.
Les vrais patriotes français sont fiers de leur pays, la France !
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
Retraites : Discours de la non-méthode.
La réforme de l’assurance-chômage.
Emmanuel Macron explique sa transition écologique.

_yartiMacron2020071404



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200714-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-face-aux-passions-225764

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/07/14/38430452.html




 

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14 juillet 2020 2 14 /07 /juillet /2020 14:38

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200714-macron.html








INTERVIEW DU PRÉSIDENT EMMANUEL MACRON
PAR LÉA SALAMÉ ET GILLES BOULEAU
LE MARDI 14 JUILLET 2020 À L'ÉLYSÉE


Léa SALAMÉ, France 2
Bonjour à tous et bonjour Monsieur le Président.

Emmanuel MACRON
Bonjour.

Gilles BOULEAU, TF1
Bonjour Monsieur le Président. Bonjour Léa.

Emmanuel MACRON
Bonjour à tous.

Léa SALAMÉ
Bonjour Gilles. Merci de nous recevoir à l’Élysée, ici dans la salle des fêtes. Monsieur le Président, vous aviez dit en arrivant au pouvoir que vous ne feriez plus d’interview du 14 juillet, que c’était terminé. Pourquoi avoir changé d’avis ? Pourquoi vouloir parler aujourd’hui ? Pourquoi renouer ainsi avec la tradition ?

Emmanuel MACRON
Renouer voudrait dire que ça serait à nouveau tous les 14 juillet, je ne sais pas vous le dire. Ce que je sais, c’est que ce 14 juillet est un peu particulier et nous l’avons vécu ce matin avec beaucoup d’émotion et de fierté. C’est un 14 juillet qui consacre la fierté d’être français, notre fête nationale, dans laquelle nous célébrons nos armées. Nous l'avons encore fait ce matin, auquel nous devons tant, leurs familles, leurs blessés. Mais ce 14 juillet, nos armées ont accepté d'offrir un peu la vedette aux soignants, à ces femmes et ces hommes qui pendant des mois, comme ils le font tout au long de l'année, mais cette fois-ci tout particulièrement, nous ont protégés, se sont battus pour nous face à ce Covid-19. Et c'est vrai que nous sortons de cette phase aiguë de l'épidémie. Nous n’en sommes pas débarrassés. On y reviendra sans doute. Le pays a été profondément bouleversé et traumatisé. Et je crois que ce 14 juillet avait un ton particulier qui justifie cet échange libre, ouvert, contradictoire, revenant sur la période qui vient de s'écouler, sur aussi les 3 ans qui viennent de s'écouler et puis nous conduisant tous à regarder la suite de la crise sanitaire, la crise économique, sociale devant nous, les défis de notre pays, et ses forces. Parce que je disais que nous étions émus ce matin face à ces soignants qui dépliaient le drapeau français avec les militaires, mais aussi face aux familles des victimes. Et donc je crois que notre pays est dans un moment un peu particulier de son histoire et nous devons aussi en mesurer la gravité.

Léa SALAMÉ
Et c'est pour ça que vous aviez envie de parler aujourd’hui ?

Emmanuel MACRON
Oui.

Gilles BOULEAU
Monsieur le Président, nous allons bien évidemment vous poser des questions sur l'épidémie de coronavirus qui n'est pas terminée, sur la crise économique qui est terrible. D'abord, en quelques mots sur vous et sur le bilan. Depuis 3 ans, il y a eu de nombreuses manifestations : les gilets jaunes, la réforme de la SNCF, des retraites... On a vu les slogans, on a entendu des manifestants, on a entendu des Français exprimer à votre endroit de l'hostilité et parfois de la détestation. Est-ce que vous comprenez pourquoi ?

Emmanuel MACRON
Oui, je peux le comprendre.

Gilles BOULEAU
Ça va au-delà de l'opposition politique, c'est ça que je voulais vous dire.

Emmanuel MACRON
Je peux le comprendre parce que d'abord, nous sommes dans un pays qui a ça, dans son histoire, dans ses tripes, parce que aussi j'ai sans doute laissé paraître quelque chose que je ne crois pas être profondément, mais que les gens se sont mis à détester, ce Président qui voudrait tout réformer pour que ce ne soit que les meilleurs qui puissent réussir, que notre pays, finalement, s'adapte à la mondialisation. Ça n'est pas mon projet. Mais le jeu des maladresses, parfois des phrases sorties de leur contexte d'autres fois, de l'opposition, de la vie politique a fait que cette détestation a pu être alimentée. Donc je le constate comme vous, je le regarde en face.

Léa SALAMÉ
Les critiques sont injustes ? Vous les avez trouvées injustes ?

Emmanuel MACRON
Ce n'est pas à moi d'en juger. Je crois que la haine n'est pas acceptable en démocratie. On peut critiquer. Moi, je suis pour le débat. Notre pays est une grande démocratie. Mais la démocratie à cela, parce qu'il y a des élections libres, parce qu'il y a une liberté d'expression.  La haine dans le discours et la violence dans les manifestations ne peuvent être acceptées. Parce qu'à ce moment-là, si on les accepte, elles détruisent la liberté, en quelque sorte qu'on avait constituée. Donc, les critiques, même si, in petto, je peux considérer qu'elles sont injustes, elles font partie du jeu démocratique. Elles sont normales et j'aime d'ailleurs plutôt rentrer dans la contradiction et je l'ai fait à plusieurs reprises. La haine, le discours radical, la brutalité, je crois que ça ne fait pas partie de la vie démocratique et que ça affaiblit plutôt une démocratie. Donc, j'ai vu comme vous, en effet, durant ces 3 années, les choses parfois, se faire comme cela avec des pics.

Gilles BOULEAU
Des piques au sens, pardonnez-moi, au sens figuré du terme, c'est-à-dire que ce n’est pas « Macron démission ». C'était ce qui dans le jeu démocratique. C'est arrivé à vos prédécesseurs. C'est « mort à Macron » avec votre effigie au bout d'une pique.

Emmanuel MACRON
C’est ce que je disais à l'instant, cela ne me semble pas, pour le coup, être dans le champ du registre démocratique. Mais qu'est-ce qui se passe dans notre pays ? Et pourquoi je crois que la promesse, le pacte démocratique que j'ai fait avec les Françaises et les Français sur la base duquel ils m'ont élu, est toujours valable. En constatant ce qui n'a pas fonctionné, notre pays au fond a peur, il y a une crise de confiance, confiance à l'égard de lui-même. Regardez même la période récente que nous venons de franchir. Si nous nous écoutions nous-mêmes tous les jours, on faisait moins bien que les voisins, nous étions les pires. Quand on commence à regarder le bilan, non ! Il y a une épidémie, on y reviendra. On est loin d'être les pires. Mais nous avons en quelque sorte un doute permanent sur nous-mêmes en tant que pays. Et nous avons en notre sein des, ce que j'ai parfois appelé, passions tristes, c'est-à-dire des forces de division, on lisait ce matin un texte du général DE GAULLE qui en parlait lui-même, qui parfois nous conduisent à ne plus vouloir avancer parce qu'on ne pense qu’à ces divisions-là. C'était vrai quand je suis arrivé.

Léa SALAMÉ
Mais justement, c'est ce que j'allais vous dire. Vous parlez des passions tristes. C'était une de vos grandes promesses de campagne. Vous disiez, je serai le Président qui va réconcilier les Français, qui va en finir avec les passions tristes, avec le ressentiment, avec l'esprit de défaite. Trois ans après, les Français sont divisés, peut-être plus que jamais. Pourquoi vous n'y êtes pas parvenu ?

Emmanuel MACRON
Vous avez raison d'abord. Je n'y suis pas parvenu. Est-ce que ça veut dire que je vais arrêter de me battre, d'essayer de convaincre, de porter un tel projet ? Non. Mais j'ai sans doute fait des erreurs qui ne m'ont pas permis d'y parvenir et nous avons vécu le chaos, si je puis dire, et le grand fracas du monde. Depuis plusieurs années, ce que vit notre pays le traumatise profondément. L'histoire est revenue : l'histoire la plus tragique. Nous nous parlons aujourd'hui. Mais je n'oublie pas qu'il y a 4 ans, le même jour, à Nice, les attentats frappaient notre pays à nouveau. Et j'ai une pensée pour évidemment la ville de Nice et toutes les familles de victimes. Mais nous avons vécu le terrorisme. Nous avons vécu au fond des crises économiques à répétition et le chômage de masse qui affaibli des familles, fait douter. La crise d'un modèle méritocratique républicain qui est pour moi, presque le plus important de nos problèmes, au fond. Nous avons vécu une crise sociale sans précédent avec les gilets jaunes qui a été la colère d'une partie du peuple français, qui, pour la plupart du temps, travaillait en vivant mal et s'est dit “ce monde n'est pas fait pour nous. Les réformes qu'ils font, ce qu'ils nous demandent de faire n'est pas fait pour nous.” Et en demandant du pouvoir d'achat, mais au-delà de cela, d'être rassuré sur, au fond, un projet de société. Nous vivons une crise internationale du multilatéralisme. Un ami américain qui doute quand il ne se retire pas, des grandes puissances qui reviennent dans notre voisinage…

Léa SALAMÉ
Mais votre responsabilité à vous dans…

Emmanuel MACRON
Et là, nous venons de vivre une grande pandémie. Et donc, face à tout cela, tout ça n’est pas, vous en conviendrez, un grand accélérateur de confiance. Moi, j'ai mené au début de ce quinquennat avec le gouvernement d'Édouard PHILIPPE des réformes tambour battant. Parce que je considérais que c'était sur ce pacte que les Françaises et les Français m'avaient élu. Moderniser le pays, avancer sur le marché du travail, la SNCF, la réforme des retraites, mais également l'école pour permettre justement de mieux éduquer, apprendre à nos enfants, en particulier ceux venant des milieux les plus modestes. Nous avons lancé une très grande réforme de la santé, avant même la crise. Mais j'ai donné le sentiment à nos concitoyens qu'au fond, je réformais pour eux ou malgré eux, comme pour adapter le pays à quelque chose qu'ils n'aimaient pas tellement et dont on n'était pas sûr de la destination, mais qui n'était pas juste. Or, ce pourquoi je me suis engagé en politique, ce pourquoi j'ai voulu à un moment devenir Président, ce pourquoi nous avons construit ce pacte, c'est pour rendre une France plus forte et plus indépendante. Et je crois que c'est par le travail, par l'économie, mais aussi par son modèle social. Et tout cela, on a contribué à le faire, mais peut-être en ne l'expliquant pas assez, mais je le fais aussi pour que chacun retrouve la maîtrise de sa vie, de son destin et qui est un chemin de justice et ça, je ne l'ai pas assez montré. Parce que nous n'avons pas produit assez de résultats, parce qu'on n'a pas été assez vite, je ne l'ai peut-être pas assez dit. Moi c'est pour ça que je me suis engagé, pour que ce chemin qu'il y a dans la République qui fait que, quel que soit son prénom, quel que soit la famille d’où on est né, sa religion, sa couleur de peau, il y a un chemin qui permet d'arriver à l'excellence.

Gilles BOULEAU
Précisément, il y a quelques semaines, vous dites aux Français “Sachons nous réinventer. Moi le premier. Moi, Emmanuel MACRON, le premier.” Comment avez-vous changé ? En quoi avez-vous changé ?

Emmanuel MACRON
C’est ce que je suis en train de vous dire. D'abord reconnaître le… Non.

Gilles BOULEAU
Est-ce que ça veut dire que le cap de 2017 n'était pas le bon ? Changer veut dire changer.

Emmanuel MACRON
Non, ça veut dire que la méthode utilisée durant les trois premières années du quinquennat a permis de faire des réformes inédites. On a fait des réformes et je rends hommage là à Édouard PHILIPPE et ses gouvernements, qu'on pensait impossibles, elles ont été faites et elles étaient nécessaires parce qu'elles ont redonné aussi de la force au pays qui lui a permis de traverser la crise actuelle. Elles lui ont donné de la crédibilité internationale. Nous sommes repassés sous la barre des 8 % de chômage, nous avons commencé à conjurer.

Léa SALAMÉ
Oui, bien sûr.

Emmanuel MACRON
Je veux dire que les résultats sont là et ils sont le fruit d’un travail de toute la Nation. On était en train de gagner la bataille contre le chômage de masse, on était en train de baisser les impôts et on les a largement baissés en même temps qu’on réduisait les déficits courants et nous étions en train de moderniser le pays. Et donc tout cela est positif. Par contre, la confiance n’avait pas retrouvé le pays. Et là, vous avez raison. Et donc quand je fais le constat de ce que j’ai réussi et de ce que je n’ai pas réussi, je suis obligé de faire ce constat parce que le moment que nous vivons est plus historique et plus profond. Et donc ce que vous m’avez sans doute vu infléchir durant la période de la crise que nous venons de vivre et ce que j’ai souhaité déployer avec un nouveau Premier ministre, une nouvelle équipe, mais plus profondément dans le projet pour le pays ce n’est pas changer de cap, de destination finale qui est d’avoir une France forte, indépendante, dans une Europe autonome et au fond que chacun puisse vivre mieux. C’est de changer de chemin pour y arriver, c’est d’associer davantage, c’est de passer davantage par le dialogue social, par l’association des élus et c’est peut-être de bâtir plus fortement une confiance.

Gilles BOULEAU
Et tous les Français, de quelque bord politique qu’ils soient, ont reconnu que le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, avait fait un bon job, cela avait été un bon capitaine dans cette terrible tempête sanitaire. Pourquoi l’avez-vous remercié, tout de suite, maintenant ?

Emmanuel MACRON
Parce que c’est une page politique et de la vie du pays qui se tourne. Parce qu’on ne peut pas dire on emploie un nouveau chemin, une nouvelle méthode, un nouveau temps du quinquennat et le faire avec la même équipe. Vous m’auriez à ce moment-là posé à juste titre la question exactement contraire : pourquoi, comment pouvez-vous nous dire que vous allez changer de chemin et de méthode alors que vous avez les mêmes ?

Gilles BOULEAU
Sauf qu’il n’a pas démérité, aux yeux mêmes des Français.

Emmanuel MACRON
Bien sûr, et à mes yeux au premier chef, si je puis dire. Vous savez, en 2017, lorsque j’ai été élu, j’ai fait le choix pour diriger le Gouvernement de nommer un responsable politique qui était peu connu des Françaises et des Français et qui n’avait pas fait ma campagne, qui ne venait pas de ma formation politique et de celles qui m’avaient conduite au pouvoir. C’est inédit dans la 5ème République, il n’y a pas d’autres exemple. Et pendant 3 années à mes côtés, il a dirigé avec beaucoup de courage, de loyauté, de détermination le Gouvernement pour agir et faire ce sur quoi je m’étais engagé vis-à-vis des Françaises et des Français. Et donc changer de Premier ministre aujourd’hui ne signifie pas ne pas reconnaître tout ce travail qui a été fait parce qu’il est important pour moi. J’ai fait, et ça je crois que les Françaises et les Français peuvent me le reconnaître, j’ai fait ce que j’avais dit que je ferai. Et souvent, au premier à coup, on tourne casaque, on décide de faire un tournant, un virage ou autre. Je ne l’ai pas fait. J’ai expliqué, continué, complété mais nous avons tenu ce cap, nous avons tenu ce chemin. Et il est légitime dans la vie démocratique, politique de notre pays que, après 3 années passées, quand on dit il y a un nouveau chemin, une nouvelle méthode.

Léa SALAMÉ
Justement.

Emmanuel MACRON
On veut plus associer les gens, on décide d’avoir une nouvelle équipe.

Léa SALAMÉ
Vous dites une nouvelle équipe, un nouveau chemin. Mais finalement quand on regarde, vous avez remplacé un haut fonctionnaire de droite, énarque, par un haut fonctionnaire de droite, énarque, à peu près du même âge. Franchement, où est la différence ? Mise à part l’accent du sud-ouest, si vous me permettez, où est la différence ? En quoi Jean CASTEX incarne-t-il mieux votre nouveau chemin que Edouard PHILIPPE ?

Emmanuel MACRON
D’abord je le disais, mon projet pour la France, ce à quoi je crois vraiment c’est ce chemin, cette capacité de choisir sa vie et de se libérer de ces cases où on nous met. Donc j’ai le droit de ne pas être d’accord avec les cases dans lesquelles vous mettez et Edouard PHILIPPE et Jean CASTEX.

Léa SALAMÉ   
Ils ne sont pas énarques, ils ne sont pas de droite ?

Emmanuel MACRON
Si, l’ENA ça reste une école de la République et on passe des concours pour l’obtenir mais ils ne sont pas non plus que cela. Ils ont des histoires différentes. Ce qui est vrai, c’est que Jean CASTEX — et c’est pour ça que je l’ai choisi — je l’ai vu faire durant le confinement. Nous l’avons choisi pour diriger cette mission, pour préparer l’après 11 mai donc j’ai vu sa méthode, je l’ai regardé pendant plusieurs semaines agir, procéder. C’est un élu de terrain, pas d’une grande ville non, une ville de taille plus réduite, Prades, depuis plusieurs années. C’est quelqu’un qui a une culture du dialogue social et qui, pendant plusieurs années, dans des fonctions d’administration, y compris sur le terrain, comme à Paris, s’est battu pour accompagner notre pays et qui connaissait très bien ce qu’est la vie des élus locaux de nos collectivités, notre proximité dont on a besoin, les partenaires sociaux, la santé et les arcanes, si je puis dire, de notre modèle social. Et donc tout ça, et son style, sa personnalité parce que derrière, il y a la patte humaine, si je puis dire, ont conduit à dire il peut être celui qui va diriger cette nouvelle équipe gouvernementale en étant justement plus à l'écoute, en associant davantage les élus de terrain pour la relance dans laquelle nous devons entrer, en bâtissant des solutions pour lutter contre le chômage, pour relancer notre économie, pour défendre notre modèle social avec les partenaires sociaux.

Gilles BOULEAU
Est-ce que vous êtes d'accord pour constater que ce Gouvernement — ce n'est ni un jugement ni une tare, comme vous le disiez — est un Gouvernement de droite et que votre nouveau chemin tourne vers la droite ?

Emmanuel MACRON
Je suis radicalement en désaccord. J'ai le droit. D'abord parce que je crois au dépassement politique. Les Françaises et des Français, quand il y a la crise du covid, ils nous demandent de les soigner bien et que ça fonctionne. Ils ne se posent pas la question de savoir si le soin est de gauche ou de droite. Quand la relance arrive, ils demandent qu'elle soit efficace et juste, ils ne demandent pas qu'elle soit de gauche ou de droite. Le Gouvernement qui est aujourd'hui constitué, qui sera complété dans quelques jours, sans doute par des secrétaires d'Etat et hauts commissaires, est un Gouvernement qui, quand je le regarde, qui a des femmes et des hommes qui viennent de ce qu'était la droite de notre champ politique ou tout ce qu'elle peut encore être comme de la gauche, et à peu près autant d'un côté que de l'autre. Il doit y avoir quatorze personnalités qui ont eu des mandats politiques à gauche ou qui ont eu des engagements en soutien à gauche. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Léa SALAMÉ
Donc vous revendiquez toujours le “et en même temps” ?

Emmanuel MACRON
Je revendique précisément le dépassement politique parce que nos concitoyens m'ont élu là-dessus. Le dépassement politique c'est de dire je prends les meilleurs, ceux qui sont capables de porter ce projet. Et donc j’ai un Premier ministre qui a cette histoire d'élu local, de haut fonctionnaire que vous avez rappelée et que j'ai essayée de compléter, et une équipe avec des gens compétents qui sont dans la politique parfois depuis des décennies, pour d'autres qui y sont depuis 3 ans, qui sont arrivés à mes côtés, pour quelques autres qui ont eu essentiellement une carrière locale. Et puis des personnalités de la société civile, comme on dit, qui ne connaissaient pas la vie politique. C'est ça la force de notre pays. C'est la promesse sur laquelle j'ai été élu, que je continue de mettre en œuvre.

Léa SALAMÉ
Monsieur le Président, vous avez érigé la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause nationale. Alors, bien sûr, il y a la présomption d'innocence, mais comprenez-vous que la nomination d'un homme visé par une enquête pour viol à la tête du ministère de l'Intérieur, un ministère précisément très important quand il s'agit de lutter contre la violence faite aux femmes, que cette nomination provoque émoi et colère.

Emmanuel MACRON
D'abord, je respecte toujours l'émoi et la colère des causes justes. Et donc la cause féministe, je la partage. J'en ai fait un fil rouge de ce quinquennat et lutter contre les violences faites aux femmes, lutter pour l'égalité réelle, effective entre les femmes et les hommes est un combat sur lequel je ne céderai rien. Nous avons d'ailleurs fait plusieurs avancées, voté des lois importantes en reconnaissant de nouveaux délits. Nous avons commencé à déployer des moyens. Ça ne va pas assez vite, je sais les attentes des associations. Depuis le début de cette année, 1 000 places ont été libérées pour protéger. On va commencer en septembre, enfin, et je sais que c'est trop lent pour beaucoup, à déployer les bracelets électroniques qui permettent là aussi de mieux protéger, les téléphones grande détresse ont commencé d'être déployés eux aussi. Donc on va continuer d'accélérer

Léa SALAMÉ
Cette nomination..

Emmanuel MACRON
Je parle déjà du fond parce que mon combat de chaque jour et ce sur lequel je veux qu'on soit au rendez-vous de l'exigence des associations, c'est d'avoir encore plus de places d'hébergement, c'est de déployer plus vite ces bracelets, c'est d'avoir le 39 19 disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Donc ça, nous serons au rendez-vous des faits. Ensuite, vous avez un responsable politique qui a fait l'objet d'une accusation, grave.

Gilles BOULEAU
Gérald DARMANIN.

Emmanuel MACRON
Le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN.. il y a de cela plusieurs années puisque c'était au début de ce quinquennat, sur des faits qui remontent à beaucoup plus loin. Il y a comme vous l'avez dit la présomption d'innocence. Sous votre contrôle, cette affaire a déjà fait l'objet de plusieurs enquêtes, et à plusieurs reprises a été classée ou a donné lieu à une absence de suites.

Léa SALAMÉ
Oui, mais là il y a les deux plus grandes juridictions.

Emmanuel MACRON
Il y a une procédure qui pour des raisons de forme qui revient.

Léa SALAMÉ
La Cour de cassation et la Cour d’appel.

Emmanuel MACRON
Il ne m’appartient pas — je dis juste quels sont les faits.

Léa SALAMÉ
Oui.

Emmanuel MACRON
Il ne m'appartient pas d'en juger. Je sais des choses très simples. Aussi vrai que je crois à la force des causes justes, je pense qu’aucune cause n'est défendue justement si on le fait en bafouant les principes fondamentaux de notre démocratie. Et je le dis pour un ministre comme je le dirais pour quelque citoyen que ce soit. Je suis aussi de là où je me place le garant de cette présomption d'innocence. Et je le dis dans les rapports aussi que notre vie démocratique pourrait avoir avec notre vie judiciaire. Si, à partir du moment où quelqu'un est accusé ne peut pas avoir de responsabilité politique, notre démocratie change de nature. Elle devient une démocratie d'opinion. Moi, vous savez, pour la France, je veux le meilleur de notre pays. Je ne veux pas le pire des sociétés anglo-saxonnes.

Gilles BOULEAU
Mais dans le cas de monsieur DARMANIN, vous n'avez pas hésité une seconde avant de le nommer à ce poste-là.
 
Emmanuel MACRON
Mais j'ai eu une discussion avec lui parce que c'est un responsable politique qui est intelligent, engagé, qui a été aussi blessé par ces attaques. Donc, il y a aussi une relation de confiance d'homme à homme, si je puis dire. Le président de la République et un ministre nommé sur la réalité de ces faits et leurs suites. Je sais que lui-même d'ailleurs est sensible à cela pour pouvoir exercer dignement ses fonctions. Mais ce que je dis là est important parce que je chéris cette cause juste de la lutte contre les violences et de l'égalité effective entre les sexes. Mais je chéris ce qui peut faire de notre démocratie, une démocratie plus forte encore, celle de ne pas céder à l'émotion constante.

Gilles BOULEAU
Monsieur le Président, la France sort d'une épreuve terrible. L'épidémie, le confinement. Certains évoquent déjà une deuxième vague. Est-ce que vous avez des informations venues des experts, des épidémiologistes, des EHPAD, des hôpitaux ? Est-ce que ces informations que vous avez sont préoccupantes ou pas ?
 
Emmanuel MACRON
D'abord, toutes les informations dont je dispose, vous les avez aussi. Elles sont partagées. Et depuis le premier jour, c'est d'ailleurs ce à quoi nous nous sommes astreints, c'est une transparence quotidienne, au moins quotidienne, pour dire où nous en sommes et comment les choses évoluent. Nous sommes sortis du premier pic qui nous a conduit à ce confinement, à cette décision si c'est difficile avec évidemment ces décès que nous avons eu à vivre, plus de 30 000 de nos concitoyens sont aujourd'hui décédés de ce virus, et un combat âpre mené par nos soignants, mais avec eux aussi, les élus, les fonctionnaires de l'Etat. Ce que j'ai appelé ces premières, deuxième et troisième ligne. Tout le pays s'est mobilisé et nous avons des résultats puisque l'on a réussi à endiguer le virus et retrouvé presque une vie normale. Je le dis parce que ça, c'est la Nation tout entière qui a réussi. Et regardez certains autres pays, ce n'était pas une évidence et ce n'est pas donné. Et donc, les Françaises et les Français peuvent-être fiers d'eux.

Léa SALAMÉ
C’est vrai mais…

Emmanuel MACRON
Aujourd'hui nous avons des incertitudes. Toutes les difficultés de cette période que nous avons vécu, c'est qu'on doit décider par gros temps sans tout savoir. Et nous avons tous vécu ce que peuvent être aussi les controverses entre les scientifiques. Il n'y a pas une ligne ou une doctrine. Il y a ceux qui vous disent ferme : il n'y aura pas de deuxième vague. Il y a ceux qui vous disent : elle est pour bientôt et c'est sûr. Ce que je vois…

Léa SALAMÉ
Là, vous ne savez pas ?

Emmanuel MACRON
Ce qu'on voit, c'est qu'il y a des pays où ça repart très fort. Les Etats-Unis d'Amérique, par exemple. Il y a dans beaucoup de pays voisins des indices, une remontée et nous-mêmes, nous avons certains indicateurs que nous suivons, le R effectif qui est en train de réaugmenter, qui est passé un peu au-dessus de 1. Ce qui veut dire qu'une personne qui a le virus transmet au moins à une personne le virus.

Gilles BOULEAU
Et les médecins voient revenir des malades...

Emmanuel MACRON
Ça veut dire que ça se réaccélère. Et vous avez raison, les appels des débuts aux urgences. Donc nous avons des signes que ça repart quand même. Face à cela, nous devons prévenir et nous préparer. Prévenir, qu’est-ce que c’est ? Nous avons appris pendant cette période et nous avons appris comment se transmettait ce virus, mieux qu'au début. La meilleure prévention, ce sont ce qu'on appelle les gestes barrières contre le virus. Les masques, se tenir à distance et le gel hydroalcoolique. Et donc, il faut continuer d'appliquer ces gestes barrières. Là-dessus, on voit des faiblesses. Donc, j'ai demandé à ce qu'on passe une étape au Gouvernement et je souhaite que dans les prochaines semaines, on rende obligatoire le masque dans tous les lieux publics clos. On le fait dans les transports, ça marche très bien, mais c'est un peu erratique dans les lieux publics clos. Les protocoles, par exemple, le restaurant fonctionne très bien, doivent être respectés, mais…

Léa SALAMÉ
Dans les magasins.

Emmanuel MACRON
Dans les magasins, etc.

Gilles BOULEAU
A quelle date Monsieur le Président ?

Emmanuel MACRON
Ça veut dire qu'il faut que les choses s'organisent. On ne va pas le faire du jour au lendemain mais je recommande à tous nos concitoyens qui nous écoutent de porter le masque au maximum quand ils sont dehors et a fortiori quand ils sont dans un lieu clos. Et nous allons observer la situation, mais nous mettre en situation de pouvoir, par exemple à partir du 1er août, le rendre totalement obligatoire.

Gilles BOULEAU
Donc, les centres commerciaux dans lesquels, à droite, un magasin est interdit aux personnes non masquées et à côté, à 10 mètres de là, est ouvert aux personnes masquées, c'est terminé le 1er août ?

Emmanuel MACRON
Le charme de la France. On dit les règles uniformes…

Gilles BOULEAU
C'est quand même la société publique qui est en jeu.

Emmanuel MACRON
Je suis d'accord. Mais pourquoi je dis ça en plaisantant ? C’est que vous me dites : ce n'est pas cohérent. Le charme de la France, c'est qu’on est contre les règles uniformes en disant :  c'est totalement absurde. Et dès qu'il n'y a pas de règles uniformes, on les demande. Donc oui, je pense qu'il faut passer une étape. Mais le plus important, c'est ma recommandation, c'est d'en mettre. Ensuite, dans les événements à l'extérieur, quand on a une bonne distance, on n'est pas forcément tenu. Là aussi, c'est plus prudent. On a vu.

Gilles BOULEAU
Le Teknival.

Emmanuel MACRON
On a vu des évènements récents, mettez des masques, mettez des masques.

Léa SALAMÉ
Ou certains de vos ministres qui se sont fait des bises sans masques lors de la passation de pouvoir.

Emmanuel MACRON
C’était les émotions de passation de pouvoirs. Le Premier ministre leur a dit, et vous avez constaté qu'après les règles ont été strictement observées. Je dis ça et je le dis aussi pour nos jeunes parce qu’on a demandé des efforts énormes à notre jeunesse dans cette période. Et j'espère qu'on y reviendra parce que pour moi, c’est …

Léa SALAMÉ
On va en parler évidemment. On va en parler.

Emmanuel MACRON
… l'un des fils rouges des prochains mois, des prochaines années. Mais, nos jeunes ont souvent des formes légères. Et quand on regarde la mortalité, c'est de manière écrasante les plus âgés qui décèdent. Et donc, ils pourraient penser, parce qu'ils ont des formes qu'on appelle asymptomatiques, que ce n'est pas grave, que eux peuvent prendre tous les risques. Simplement, quand ils prennent ces risques, ils accélèrent la propagation du virus et ils peuvent le transmettre à d'autres, à des ainés. Donc, voilà le masque et on protège. Ça, c'est la première... Le premier pilier de la stratégie. Le deuxième, c'est les tests. On les a largement déployés. On doit être à près de 370 000 tests par semaine au moment où je vous parle.

Gilles BOULEAU
Ça devait-être 700 000.

Emmanuel MACRON
Pardon ?

Gilles BOULEAU
Votre ministre de la Santé, Olivier VÉRAN disait : ce serait 700 000 par semaine.

Emmanuel MACRON
On a la capacité. Simplement, la demande aujourd'hui n'est pas là. Donc ce que nous allons faire, ce que j'ai demandé au Gouvernement, c'est d'ouvrir. On a largement la capacité, on a la capacité de les faire. On a la capacité des principes et des réactifs pour les déployer. Simplement, ce qu'on va encourager, c'est de permettre à toutes personnes, sans prescription médicale, même quand elle n'a pas de symptômes, si elle a un doute, une crainte de pouvoir aller se faire tester. Parce que c'est une bonne manière, ensuite, une fois qu'on est testé, d'être isolé et de réduire la diffusion. Et puis, la troisième chose, c'est se préparer au pic, s'il y en avait un vraiment.

Léa SALAMÉ
Alors justement, monsieur le Président, pour être clair, il faut qu'on avance parce qu'il faut absolument qu’on vous entende sur la relance économique. Mais encore une ou deux questions sur le covid pour être très clair. Vous aviez admis dans votre allocution d'avril dernier qu'il y avait eu des failles et des insuffisances. S'il y a une deuxième vague qui arrive, est-ce que cette fois-ci, nous serons prêts ? Est-ce qu'il y aura suffisamment de masques, de gel, de tests, de respirateurs, de médicaments ? Ou est-ce qu'on risque une nouvelle pénurie ?
 
Emmanuel MACRON
Oui, nous serons prêts. Nous serons prêts et cela a été préparé sous l'autorité du Premier ministre, avec le ministre de la Santé, mais tous les ministères compétents, les services compétents, pour qu'on ait les bons stocks en bonne quantité, parce que maintenant aussi on voit en période, si je puis dire, de crise extrême, quelle est la quantité qu'on consomme ?  Ça a été beaucoup plus que ce qui était dans toutes les projections, plus de 10 fois plus. Et donc, maintenant, on sait ce qu'on consomme : de masques, de respirateurs, en effet, de curares, de médicaments. Et nous avons à la fois les stocks et les approvisionnements qui sont sécurisés. Et nous avons l'organisation au plus près du terrain qui permettrait de faire face à une recrudescence si elle était là.

Léa SALAMÉ
Donc, plus d'erreurs.

Emmanuel MACRON
En tout cas, tout ce que nous avons appris, tout ce que nous savons projeter, modéliser, nous a permis de nous organiser.

Gilles BOULEAU
Question qui intéresse tous les Français. S’il y a reconfinement, ce qui n'est pas une hypothèse d'école, est-ce que ce sera un reconfinement global ? 60 millions de Français. Un reconfinement par canton, par ville ? On a vu plusieurs quartiers de Lisbonne. On a vu Melbourne, 5 millions d'habitants. Est-ce que ce serait comme ça ou est-ce que ce serait, par exemple, un confinement des personnes dont vous disiez qu'elles étaient les plus fragiles ? Les plus de 70 ans, on les isole, quitte à les déprimer et les déprécier. Qu’est-ce que vous allez faire ?

Emmanuel MACRON
Alors d’abord, on a pris la mesure la plus radicale, la plus dure, qui était le confinement. C'est aussi la plus basique, si je puis dire, avec des tas de conséquences. Vous l'avez rappelé en creux sur les autres maladies, avec des gens qui ne sont pas allés se faire soigner. Sur le plan psychologique et psychiatrique, avec beaucoup de gens qui ont souffert. Sur le plan des injustices sociales parce qu'être confiné dans une maison où on a un jardin, ce n'est pas pareil qu'être confiné dans un appartement à plusieurs. Être confiné dans une maison où il n'y a pas Internet, ce n'est pas pareil que d'être connecté en permanence. Et donc, le confinement a été un révélateur d'inégalités. Je ne veux pas de cela à nouveau pour le pays. Et donc nous sommes en train de tout faire pour éviter une nouvelle vague et pour avoir une approche différenciée si elle apparaissait. Les masques, les tests et ensuite, si une nouvelle vague arrivait, d'isoler le plus localement possible et donc le plus vite possible. C'est pour cela qu'il faut tester.

Gilles BOULEAU
Mais on peut, on peut réisoler la Mayenne. Je dis la Mayenne parce que …

Emmanuel MACRON
On peut. Ce sont les autorités de santé qui savent quelle est la bonne maille. Mais rappelez-vous ce que nous avons fait au début, au début de la crise dans l'Oise, nous avons su isoler, au niveau parfois d'une ville de quelques écoles, parce qu'on savait remonter sur les personnes qui étaient contaminées, celles et ceux qui les avaient approchés. Et donc, c'est ça ce que nous referons s’il y avait à nouveau une accélération.
La clé, c'est d'être en vigilance partout dans le pays. Et je le dis pour tous nos concitoyens : nous sommes les acteurs de la lutte contre le virus. Si on ne veut pas de deuxième vague, ça dépend de nous, nous protéger, nous tester, nous organiser.

Léa SALAMÉ
Le 1er septembre, rentrée des classes, est-ce que vous savez aujourd'hui, 14 juillet, comment ça va se passer ? Est-ce que les 12 millions d'élèves de la maternelle à la terminale feront une rentrée des classes normale ?

Emmanuel MACRON
Elle sera la plus normale possible. Il y a une circulaire sortie il y a quelques jours qui a été préparée par le ministre. Nous nous sommes mis en capacité de pouvoir accueillir tous les élèves avec la bonne organisation. Nous avons beaucoup appris. L'école, nos enseignants ont beaucoup appris aussi, et je veux saluer leur engagement et leur travail durant cette période. On a développé un enseignement en ligne. On a développé une nouvelle manière d'apprendre aux élèves. Là, on a un défi. Durant l'été à la rentrée, il va falloir aller chercher les enfants qui ont le plus souffert du confinement, ce qu'on appelle parfois les décrocheurs. Je n'aime pas tellement ce terme. On peut appeler ça les accrocheurs, parce qu'on aura besoin de leur vitalité, de leur force et on devra les aider. Le ministre prépare une rentrée où les enseignants seront à la fois bien protégés, où on aura la bonne organisation avec, si des pics revenaient, la possibilité de s'adapter. Mais je peux dire aujourd'hui aux familles que nous nous sommes mis en situation d'avoir une rentrée des classes quasi-normale, de continuer à vivre avec le virus s'il reste à ce niveau-là. Evidemment, s'il y avait une accélération pendant le mois d'août, on sera amené à revoir cette rentrée. Ça n'est pas ce que je souhaite. Si on fait bien les choses, nous aurons une rentrée des classes un peu différente, encore plus exigeante parce qu'il nous faudra rattraper les mois passés.

Gilles BOULEAU
Monsieur le Président, si vous étiez testé positif au coronavirus, si vous aviez des symptômes, est-ce que vous prendriez de la chloroquine ?

Emmanuel MACRON
Non.

Gilles BOULEAU
Vous l'avez dit au professeur RAOULT quand vous l'avez vu il y a quelques semaines ?

Emmanuel MACRON
Non parce que d'abord, je ne…

Gilles BOULEAU
Vous lui avez dit que vous ne croyez pas à sa méthode ?

Emmanuel MACRON
Il se trouve que sur des pathologies que j'ai parfois ou autre chose, il m'arrive de m'automédiquer, parce que si mon épouse m'entend, j'allais dire "je ne m'automédique pas", elle vous dirait que j'ai menti. Mais en l'espèce, vu notre degré de connaissances, de ce que j'ai compris quand même de la science, c'est qu'il n'y avait pas de traitement stabilisé. Donc s'il n'y a pas de traitement, je ne vais pas en prendre, donc je m'en remettrais aux médecins qui me suivent qui, je crois, suivraient l'évolution pour voir comment on accompagne les jours les plus décisifs pour éviter que ça ne dégénère. Mais non, vous savez, nous sommes le pays des Lumières. Dans le pays des Lumières, moi, je crois à la rationalité et donc à la rationalité scientifique. Le professeur RAOULT, puisque vous l'évoquez, est un grand scientifique, j'ai été le voir pour me rendre compte, et donc il était normal et légitime, de mon point de vue, qu'il participe du débat scientifique. Mais ce n'est pas au président de la République ou à un politique de trancher un débat scientifique avec des critères politiques. Ce n'est pas plus à un homme scientifique, quand bien même il devient une personnalité publique, d'acter des croyances scientifiques. La science a ses processus de vérification et c'est comme ça qu'on se porte mieux, je crois.

Gilles BOULEAU
Donc pas de chloroquine.

Léa SALAMÉ
Pas de chloroquine, on a compris.

Emmanuel MACRON
Peut-être que dans quelques mois, on verra que c'était le bon traitement, mais aujourd'hui, personne n'a prouvé que c'était le bon.

Léa SALAMÉ
Aujourd'hui, pas de chloroquine et pas d'automédication.

Léa SALAMÉ
Dernière question rapidement : si Sanofi, entreprise française, trouvait le vaccin demain, dans 6 mois, est-ce que vous garantissez que la France serait le premier pays servi ?

Emmanuel MACRON
La France sera servie parmi les premiers pays.

Léa SALAMÉ
Parmi ?

Emmanuel MACRON
Oui, parce que Sanofi s'est mise, comme nous l'avons fait d'ailleurs avec tous les groupes… Je ne vais pas faire avec les groupes français ce que je ne veux pas que les autres fassent avec leur propre groupe. Aujourd'hui, plusieurs groupes pharmaceutiques recherchent des vaccins, Sanofi dont le siège est en France, grand groupe européen, mais vous avez des groupes qui sont britanniques, d'autres Allemands, d'autres Américains ou Canadiens. Ce qui est absurde, c'est de dire : "On va faire du nationalisme sanitaire. Si c'est mon entreprise qui trouve les vaccins iront d'abord chez moi." Ce qu'on a construit, la France en a pris l'initiative avec l'Organisation mondiale de la santé, c'est de dire : qui que ce soit qui trouve un vaccin, on se met en situation d'organiser sa production partout dans nos pays, pour nous tout de suite mais aussi pour les pays en voie de développement ou les pays les plus pauvres. Parce qu'imaginez une seule seconde qu'on trouve un vaccin qui fonctionne, que nous, on sait le diffuser 15 jours, trois semaines après parce qu'on produit très vite et qu'on a un pic en Afrique, en Amérique du Sud. Vous me direz : est-ce que vous savez le produire pour ces pays aussi ? C'est ce qu'on a appelé l'accès mondial aux vaccins. Et donc Sanofi rentre dans ce programme. Donc Sanofi, il y a eu beaucoup de polémiques, est rentré dans un programme américain. Mais en parallèle, nous avons engagé Sanofi dans une discussion avec la France et avec l'Europe, pour sécuriser la production des médicaments sur le sol européen pour les Européens en même temps, là aussi, mais également pour sécuriser les principes actifs parce que quand on trouve un vaccin, on oublie, nous l'avons appris dans cette période, qu'il y a des choses qui sont parfois de peu de valeurs, des principes actifs, certains ingrédients, qui ne sont pas produits chez nous. Et si on vient à manquer, on crée la dépendance. Et donc là, on a des discussions avec les Japonais, avec d'autres Européens pour sécuriser cela. Donc oui, je vous le garantis, mais ce qu'on a travaillé, c'est d'avoir véritablement un accès international aux vaccins. C'est ça la coopération sanitaire à laquelle je crois. Il ne faut pas qu'il y ait un nationalisme. On peut avoir un patriotisme industriel, j'y crois, mais le patriotisme, c'est l'amour des siens, pas la haine des autres. Il ne devrait pas y avoir de nationalisme sanitaire au mauvais sens du terme.

Gilles BOULEAU
Monsieur le Président, cette crise a aussi fait plonger notre économie. L'Insee prévoit, pour la fin de cette année 2020, 900 000 chômeurs de plus. C'est vertigineux. Est-ce qu'il faut s'attendre à ça, ou à moins ou à plus ?

Emmanuel MACRON
Il est impossible de dire aujourd'hui le chiffre.

Gilles BOULEAU
Mais il vous paraît réaliste ?

Emmanuel MACRON
Oui. Quand je regarde l'Insee, la Banque de France, tous les instituts qui font référence écrivent qu'il y aura entre 800 000 et 1 million de chômeurs de plus à l'horizon du printemps 2021. Pourquoi ? Parce que nous avons mis d'abord notre économie à l'arrêt pendant deux mois et le redémarrage est ensuite très difficile dans plusieurs secteurs. Le secteur de la culture a été durement frappé et continue de l'être, ce qui est un drame pour notre art de vivre à la française, c'est aussi pour cela que le plan de relance doit être un plan culturel, mais ce qui est un drame pour des centaines de milliers, des millions de nos concitoyens qui vivent en travaillant à l'occasion de ces festivals, l'événementiel, les hôtels, cafés, restaurants, le tourisme, une bonne partie du commerce, les travaux publics, le bâtiment. Beaucoup de secteurs ont été impactés, d'autres qui sont en crise parce qu'il y a les conséquences mondiales de cette crise qui a touché tout le monde : l'aéronautique, l'automobile, etc. Et donc nous allons avoir des plans sociaux, ils ont commencé, et nous allons avoir une augmentation du chômage massive. Alors ce qu'il faut faire, c'est nous préparer collectivement, agir pour défendre les emplois existants et en créer au plus vite dans les secteurs qui sont en expansion, et donc soutenir l'activité, soutenir les salariés et se préparer à la suite. Et ça, c'est ce qu'on a fait du premier jour. Le fameux "quoi qu'il en coûte" que j'ai prononcé au mois de mars, c'était la première réponse contre le chômage parce que…

Léa SALAMÉ
Est-ce qu'il est toujours valable, le "quoi qu'il en coûte", aujourd'hui ?

Emmanuel MACRON
La vérité, c'est qu'il est en train de continuer à se déployer, mais nous allons maintenant… Il était légitime, une fois encore, il était légitime parce qu'il y avait le feu à la maison et donc on n'allait pas compter les seaux. Et ce quoi qu'il en coûte, il était légitime parce qu'il évitait une casse sociale, économique, avec les drames qui l'accompagnent, que nous aurions payé hier ou demain, et donc cet effort se poursuit. Mais comment les choses se font dans le temps ? Dès le mois de mars, nous avons décidé à un niveau qu'aucun autre pays au monde n'a décidé. Je le dis parce qu'on peut être fiers de la France parfois, et en l'espèce, je crois qu'on le doit. Nous avons accompagné les salariés avec un dispositif de chômage partiel qui n'a pas d'équivalent.

Gilles BOULEAU
Qui est le plus généreux en Europe,

Emmanuel MACRON
Qui est le plus généreux en Europe, l'Europe est le continent le plus protecteur au monde.

Gilles BOULEAU
Et le plus coûteux en Europe également.

Emmanuel MACRON
C'est vrai que c'est plus coûteux, mais pourquoi ? Parce qu'on a fait en sorte qu'il n'y ait pas de licenciements à cause du Covid dans cette période-là et donc que les gens puissent rester dans l'entreprise en étant payés en chômage ou en étant payés à moins travailler. Donc c'est vrai qu'on a distribué énormément de chômage partiel, et on a eu plus de 40 % des salariés de notre pays qui ont été concernés par cette mesure avec 84 % de remplacement de salaire, parfois complété par les entreprises. On a fait le prêt garanti aux entreprises, ce qui a permis aux indépendants, aux commerçants, aux petites entreprises mais parfois aussi aux plus grandes d'avoir des aides en trésorerie. On a fait des reports de charges, on a même fait ce qui n'avait jamais été fait dans notre Histoire, des exonérations de charges, c'est-à-dire que dans certains secteurs : hôtels, cafés, restaurants, culture, sports, événementiel, on a dit : "on annule les charges". Tout ça nous a permis de tenir et d'éviter de trop détruire d'emplois. Là, on rentre dans une phase où l'activité n'est pas tout à fait normale. Qu'est-ce qu'on fait ? On va continuer d'investir pour préserver les emplois et les compétences parce qu'on a appris de la crise d'il y a 10 ans que si on licenciait trop vite dans ces périodes, on détruisait des compétences pour l'entreprise et on mettait des gens dans le désarroi économique. J'ai réuni dans cette salle ici, il y a un mois et 15 jours, à deux reprises, l'ensemble des partenaires sociaux. Nous avons eu une discussion extrêmement intense, nourrie, puis ils ont eux-mêmes travaillé entre eux, et nous avons décidé pour le pays d’un dispositif inédit, d’activité partielle de longue durée, qui permet de garder dans l’entreprise les salariés, de les payer parfois les uns en acceptant de travailler un peu moins, en allant vers des formations et d’avoir l’État qui abonde ces dispositifs. Et donc c’est un plan, si je puis dire, anti-licenciements.

Léa SALAMÉ
Mais à quel coût Monsieur le Président ? Quand on voit ...

Emmanuel MACRON
À un coût très important.

Léa SALAMÉ
Oui, mais à quel coût aussi pour les salariés ? Monsieur le Président quand on voit dans certaines entreprises comme Derichebourg, filiale d’Airbus, on demande aux salariés de baisser de 20 % leur salaire pour pouvoir les garder. Vous, si vous étiez salarié, si votre patron venait vous dire “soit vous baissez votre salaire de 20 %, soit je ne peux pas vous garder.” Vous, vous feriez quoi ? Vous acceptez le deal ou vous vous dites c'est du chantage inacceptable ?

Emmanuel MACRON
D'abord, ça ne doit pas être du chantage, ça doit être le dialogue social. Et c'est comme ça qu'on l'a conçu avec les partenaires sociaux.

Gilles BOULEAU
Le choix n'était pas immense, en l'occurrence et...

Emmanuel MACRON
Non, mais, c'est pour ça que ce n'est...

Gilles BOULEAU
Du licenciement ou la perte de 20 %.

Emmanuel MACRON
Pour notre pays, je préfère au maximum qu'il y ait, et je vais y revenir parce que ce n'est pas seulement le salaire qu'on doit baisser. Qu'il y ait des salaires qu'on accepte de baisser momentanément plutôt que des licenciements parce qu’après parfois, on met des années à revenir vers un emploi. Mais ça doit passer par le dialogue social, c'est-à-dire que ce qu'on a conçu, ce à quoi je tiens et qui contribue aussi d'une conviction que j'ai conçue et forgée à l'expérience c’est quand il y a de la peur, de la conflictualité dans notre pays, le dialogue social à l'échelle de la branche et de l'entreprise a une valeur inouïe. Il a une valeur inouïe parce qu'il permet de mettre les gens autour d'une table. Et quand on se parle pour dire les choses, pour partager ses contraintes, aucun patron ne veut que ses salariés travaillent moins, aucun, je vais dire, ils partagent le même risque. Le patron prend souvent même plus de risques. Et un patron, il veut plutôt embaucher davantage et avoir plus d'activité. Mais parfois, on ne sait pas assez se mettre autour de la table. Ça a été mon défaut aussi. Et donc là, ça n'existe dispositif qu'en mettant autour de la table que par du dialogue social dans la branche, dans l'entreprise. Et en faisant quoi ? En disant “on accepte de la modération salariale pour un temps.” Moi, je souhaite qu'elle s'accompagne et on a mis en place ces dispositifs, d'intéressement et de participation. Pourquoi ? Parce qu'il faut que le salarié qui accepte dans cette période de faire un effort, le jour où ça va mieux, il ait droit aussi à sa part du mieux. Ça doit s'accompagner d'une modération des dividendes et c'est ce qu'on a demandé aux entreprises auxquelles on abonde. C'est-à-dire que si on dit aux salariés de faire un effort, l'actionnaire doit faire un effort aussi. Et nous, nous allons faire un effort avec l'argent public. Vous savez, on va mettre sur ce dispositif 30 milliards d'euros pour compléter parfois les salaires, pour financer des formations, pour permettre là soit d'être le jour d'après, un salarié mieux formé, mieux qualifié qui gagnera mieux sa vie, soit d'aller vers des secteurs d'activité où il y a des opportunités parce qu'on sait que certains secteurs vont détruire de l'emploi. Et donc il faut qu'on utilise cette période, y compris d'activité partielle, pour former, pour permettre aux salariés d'acquérir des compétences sans être au chômage, pour aller vers des secteurs qui vont créer de l'emploi : la rénovation thermique des bâtiments, la filière hydrogène…

Léa SALAMÉ
Attendez, on y vient…

Gilles BOULEAU
On y vient, mais je veux qu’on parle des jeunes.

Emmanuel MACRON
Vous avez raison parce que c’est notre défi.

Gilles BOULEAU
Dans les semaines qui vont venir, il y a un 700 000 jeunes du CAP, BEP, jusqu'au bac +5, qui vont arriver sur le marché du travail, sans compter les autres jeunes de 18 à 23 ans qui sont aujourd'hui, pour un grand nombre, au chômage. Qu'est-ce que vous allez faire pour que les entreprises les embauchent ? Est-ce que vous allez baisser les charges ? Est-ce que vous allez faire des emplois avec zéro charge sociale ? Est-ce que vous allez donner des primes à ces entreprises ?

Emmanuel MACRON
Alors vous avez raison, notre jeunesse, ça doit être la priorité de cette relance. Je dis la priorité parce que c'est à notre jeunesse qu'on a demandé le plus gros effort. Ne pas sortir. Ne pas aller faire la fête. Ne pas pouvoir passer ses examens. Parfois devoir renoncer à sa première embauche. Et elle vit dans l'angoisse qu'on connaît tous à cet âge-là, qui est un âge de transition. Qu'est-ce qu'on a déjà fait ? Un de dire “On ne doit pas perdre la bataille de l'apprentissage, de l'alternance, de tous les contrats professionnalisants.” C'est une des grandes victoires des 3 premières années. Dans notre pays, on disait toujours “Il faut faire de l'apprentissage, etc.” On n'y arrivait pas. On a simplifié les règles, simplifier les financements. C'était en train de décoller. Et donc là, on a mis sur la table un dispositif où on paye massivement la première année.

Gilles BOULEAU
Vous allez aller au-delà ?

Emmanuel MACRON
Là, on va au-delà de tout ce qui avait été fait jusqu'alors. Et donc, on accompagne les entreprises jusqu'à 250 salariés sans aucune condition et au-dessus des 250 salariés, on leur dit “Faites votre 5 % d'apprentis.” Et là, je le dis en responsabilité parce qu'on a tous une responsabilité dans ces moments, quand je vois des entreprises, des grandes entreprises qui préfèrent prendre des stagiaires et de la précarité plutôt que signer un contrat pro ou signer avec un alternant, c'est irresponsable.

Léa SALAMÉ
Non mais vous allez les contraindre par la loi ?

Emmanuel MACRON
On les incite. Alors, il faut faire très attention en cette matière parce qu'avec des bonnes intentions, on finit avec le pire, si on les contraint par la loi. On va les suivre, on va les inciter, on va là aussi par le dialogue et la construction.

Léa SALAMÉ
Si on leur dit, “Ça suffit, les stagiaires”, d’abord ils vous diront “Oui, oui”…

Emmanuel MACRON
D'abord on vous dit “Regardez.” Mais on suit les choses quand on les dit et j'ai demandé au ministère du Travail de se focaliser sur ce dispositif. Mais je ne vais pas vous dire “On va passer une loi pour interdire les stages” parce que les stages ont aussi leur mérite. Mais je dis là, il y a un effet de bord et donc l'apprentissage, les contrats professionnalisants, une aide inédite pour qu'on ait des embauches en cette première année. Ensuite, nous allons avoir un dispositif exceptionnel d'exonération des charges pour les jeunes, en particulier pour les faibles qualifications et les emplois jusqu'à 1,6 SMIC, exceptionnel parce qu'il durera 1 à 2 ans, on va l'évaluer. Mais il faut qu'il y ait cet élément d'accélération. Et surtout, on va créer des mécanismes nouveaux. 300 000 projets et contrats d'insertion qui permettent d'aller chercher les jeunes qui sont parfois les plus loin de l'emploi, qui n'ont pas réussi à trouver justement l'entreprise qui leur signent leur contrat d'apprentissage ou leur alternance. Et donc ceux-là, on va aller les chercher avec des contrats d'insertion. On en crée 300 000. On va créer un formidable accélérateur sur le service civique qui fonctionne, dont nous avons vu la qualité. On a 140 000 à peu près contrats en service civique aujourd'hui. Nous allons en créer 100 000 dans les 6 mois qui viennent. 100 000. Donc presque un doublement. Là aussi, parce que c'est une solution qu'on donne aux jeunes. Et enfin, on va permettre à des jeunes qui devaient rentrer sur le marché du travail de peut-être compléter leur formation, d'avoir un semestre ou une année d'études en plus. Et donc, on va ouvrir 200 000 places dans des formations qualifiantes supérieures pour permettre à un jeune qui n’a absolument aucune issue, aucune perspective d'embauche de poursuivre un peu ses études, avec un accompagnement social.

Léa SALAMÉ
Monsieur le Président, il y a encore beaucoup de questions. On a connu en décembre et en janvier la grève, sans doute la plus longue qu'ait connu la France depuis 100 ans, contre votre réforme des retraites. Aujourd'hui, tous les syndicats, de la CGT au Medef, vous disent “Surtout ne nous remettez pas la réforme des retraites sur la table. Ce n'est pas le moment, ce n'est pas le moment.” Pourquoi vous obstinez-vous à faire absolument cette réforme des retraites là, tout de suite, alors que nous sommes dans une crise économique majeure ?

Emmanuel MACRON
Mais je ne m’obstine pas à la faire là tout de suite, je vous rassure.

Léa SALAMÉ
Alors vous ne la faites pas ?

Emmanuel MACRON
Non, non. Alors vous voyez tout de suite, vous transformez, vous... Elle ne peut pas se faire comme elle était emmanchée avant la crise du Covid. Est-ce que c'est une bonne idée de l'abandonner totalement ? Je ne crois pas.

Gilles BOULEAU
L’amender, oui.

Emmanuel MACRON
La remettre à la discussion, à la concertation. Et pourquoi ? D'abord parce qu'il y a deux choses dans cette réforme. Il y a la réforme du système universel par points. Je pense que cette réforme est juste et elle est faite pour celles et ceux qu'on a appelé les premiers de corvée, les femmes et les hommes qui ont été en première ligne, caissières, livreurs, métiers modestes, souvent avec du temps partiel subi, cette réforme des retraites, ils en sont les grands gagnants. Parce que je vous rappelle que dans cette réforme, il y a aussi la meilleure prise en compte de leurs périodes d'activité. Il y a également une avancée sociale inédite qu'est la retraite à 1 000 euros pour tout le monde, le minimum contributif à 1 000 euros.

Gilles BOULEAU
Si on a contribué toute sa vie ?

Emmanuel MACRON
Minimum contributif, c'est-à-dire pas le dispositif qui est le minimum vieillesse non contributif. Et donc, ce sont des avancées sociales pour ces personnes. C'est vrai que dans la réforme du système par points, on revenait sur des avantages qui avaient été acquis dans le temps par d'autres régimes, par exemple, les régimes spéciaux. Je crois que cette réforme est juste. Il faut peut-être lui donner un peu plus de temps, mieux la concerter. On doit la remettre sur l'ouvrage. À côté de ça, il y avait l'aspect financier de la réforme. J'ai été élu à un moment donné où le comité d'orientation des retraites disait “Il n'y a pas de problème de financement.” J'ai moi-même assumé devant les Français de dire “Il n'y aura pas de mesures d'âge parce qu’il n'y a pas de problème de financement.” Six mois après mon élection, le même comité a commencé à dire “Il y a un problème de financement.” Et ce problème s'est aggravé. Est-ce qu'il est plus grave ? Il va falloir leur demander maintenant.

Gilles BOULEAU
Ben là, il est gravissime. 30 milliards. On est passé de 4 milliards à 30 milliards, c’est grave.

Emmanuel MACRON
Donc vous voyez bien que nous avons devant nous deux devoirs et je le dis parce que ce n'est pas dans la main du Gouvernement, la retraite, c'est le patrimoine de ceux qui n'en n'ont pas. Dire “On fait comme s'il n'y avait pas de problème”, c'est dire “Je sacrifie le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.” C'est de dire “Je prends le risque de ne pas pouvoir payer la retraite demain.” Donc, nous devons regarder notre système de retraite en face, comme l'ensemble de ce que nous sommes en train de faire.

Gilles BOULEAU
Et comment vous le financez ? Et donc l’âge pivot c’est fini, l’âge pivot d’Edouard PHILIPPE c’est fini ?

Emmanuel MACRON
En méthode, non, on va justement faire de la méthode.

Gilles BOULEAU
Donc augmenter le nombre de trimestres travaillés ?

Emmanuel MACRON
J’ai déjà montré mon ouverture sur tous ces sujets

Léa SALAMÉ
Votre préférence.

Emmanuel MACRON
Mon ouverture. Je dis ce n’est pas au président de la République d’asséner un 14 Juillet ce que va être la réforme des retraites.

Gilles BOULEAU
Non mais il peut avoir une préférence.

Emmanuel MACRON
Je suis en train de vous expliquer que la réforme universelle est une réforme juste et bonne et que nous ne ferons pas l’économie d’une réforme de notre système de retraite pour qu’il soit viable. Et donc le Premier ministre

Gilles BOULEAU
Mais tout de suite

Emmanuel MACRON
Non mais on va le faire avec méthode. C’est au Gouvernement d’y procéder. Le Premier ministre, Jean CASTEX, va réunir en fin de semaine, vendredi, l’ensemble des partenaires sociaux pour tout mettre sur la table, tout : ce qu’on fait pour la santé, ce qu’on fait pour la dépendance. Nous sommes en train de créer un nouveau risque, avec un financement là aussi où jusqu’à présent tout le monde avait toujours reculé, c’est-à-dire on va financer le grand âge. Il faut qu’on explique les uns les autres comment on le finance. La retraite, le travail, donc mettre tous les sujets sur la table. Et donner, entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, un calendrier partagé. Mais je vais être clair : la priorité de cet été et de la rentrée prochaine c’est l’emploi. C’est la lutte pour que nos jeunes puissent avoir ou une formation ou un emploi et que personne ne soit sans solution, c’est la bataille pour préserver tous les emplois que nous pourrons préserver et pour créer tous les nouveaux emplois possibles. Ça c’est la priorité.

Léa SALAMÉ
Donc si vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord sur la réforme des retraites avec les partenaires sociaux, vous dites “on attend” ?

Emmanuel MACRON
Non. Je dis, ce que le Premier ministre va devoir faire avec les membres de son Gouvernement compétent et les partenaires sociaux c’est de définir le calendrier pertinent qui permet d’être lucide. Nous savons tous ce qu’il en est de la réalité.

Gilles BOULEAU
Enfin, c’est quelque part, ce n’est ni maintenant ni les calendes grecques, c’est quelque part.

Emmanuel MACRON
J’aime bien cet esprit de synthèse. C’est ça. A un moment, et dans un processus dans lequel il faudra s’engager

Gilles BOULEAU
Il faudra y passer, vous étant président, c’est ça que je veux dire. Ce n’est pas pour le successeur de votre successeur ?

Léa SALAMÉ
Oui c’est ça, est-ce qu’à la fin de votre quinquennat vous la faites cette réforme des retraites ?

Emmanuel MACRON
Il est évident que de toutes façons dans les années qui viennent, et je ne veux pas mettre une référence politique là-dessus, mais dans les années qui viennent il faudra procéder à une réforme des retraites. Je suis favorable à une réforme d’ampleur qui rende en plus le système plus juste. Mais c’est évident et on mentirait à nos concitoyens à dire qu’on peut en faire l’économie.

Léa SALAMÉ
Monsieur le Président, tout l’argent que vous avez mis sur la table, vous venez de le préciser, pour amortir le choc économique de l’épidémie il va falloir le trouver. Est-ce que vous prenez aujourd’hui officiellement l’engagement devant les Français que vous n’augmenterez aucun impôt, aucune taxe jusqu’à la fin du quinquennat ?

Emmanuel MACRON
Il y a une trajectoire fiscale qui a été décidée, votée par la représentation nationale, c’est celle qui sera tenue. Elle correspond aux engagements que j’avais pris. Il y a par exemple une trajectoire fiscale pour certains impôts pour financer la dépendance, il y a aussi des baisses d’impôts sur le revenu (la taxe d’habitation). Je pense qu’on ne résoudra pas une crise comme celle-ci en augmentant les impôts. Pourquoi ? D’abord parce qu’on l’a fait à chaque fois. Si on dit on va augmenter les impôts, les gens ne consomment pas, le doute s’installe et le pays ne repart pas. Nous avons massivement dépensé : 460 milliards d’euros d’engagements publics pendant cette phase, à ce stade, à ce jour. Ces 460 milliards c’est une large part de garanties qui à un moment donné normalement devront revenir dans nos caisses, ce sont des avances en trésorerie mais c’est aussi du vrai budgétaire, du vrai argent. On aura à le compléter par un plan de relance massif sur des secteurs d’avenir et sur les compétences parce que je veux que ce soit un plan de relance industriel pour bâtir notre souveraineté industrielle et donc faire relocaliser certaines industries ; écologique, et donc je l’ai dit ce nouveau chemin ne passe que par la capacité à développer la filière hydrogène, les nouveaux moteurs, à développer massivement la rénovation thermique des bâtiments, à équiper beaucoup mieux le pays, par exemple dans ses approvisionnements en eau. Et donc ça — je finis juste — ça ce sont des investissements. Ces investissements ils sont légitimes et je peux les assumer devant la Nation en disant ils font partie de cette dette covid que nous allons mettre de côté et amortir sur le très long terme. Et ces investissements je vais les financer comment ? D’abord parce que nous sommes en train de nous battre à l’Europe pour avoir justement des financements européens, parce que nous avons obtenu durant cette crise l’une des plus grandes avancées européennes des dernières décennies : l’accord franco-allemand du 17 mai dernier. Il a été fondamental. Ensuite — le 18 mai dernier, pardon, entre la chancelière et moi-même. Ensuite, nous allons avoir une dette que nous allons amortir sur le très long terme. Et puis ce sont des investissements. Et donc on aura un retour sur ces investissements dans la nation. Je peux dire légitimement aux plus jeunes “On est en train de vous bâtir une filière hydrogène, vous pourrez vous déplacer moins cher avec des véhicules adaptés”, “on vous crée des filières industrielles qui vont faire de l’emploi chez nous”. Quand je finance de la rénovation thermique des bâtiments, on baisse la facture et donc on a un retour sur investissement.

Léa SALAMÉ
On va y venir

Emmanuel MACRON
A côté de cela, vous avez des dépenses de fonctionnement.

Léa SALAMÉ
J’entends bien, non alors, mais juste peut-être une question.

Gilles BOULEAU
Elle est assez obstinée sur les impôts Léa.

Emmanuel MACRON
Sur les impôts j’ai été très clair.

Léa SALAMÉ
Sur les impôts vous dite pas d’impôt, on est d’accord.

Emmanuel MACRON
Pas d’impôt.

Léa SALAMÉ
Même pour les plus riches, pas de tranche supplémentaire, pas de retour de l’ISF ? La taxe d’habitation à la fin de la 2023 ils ne payeront pas comme les autres, les très riches, la taxe d’habitation ? Eux ne font pas plus d’effort que les autres ?

Emmanuel MACRON
Alors je vais répondre point à point, vous avez des questions précises.

Gilles BOULEAU
L’ISF.

Emmanuel MACRON
L’ISF, nous n’avons pas supprimé l’ISF, nous avons transformé l’ISF en impôt sur la fortune immobilière conformément à mon engagement. C’est-à-dire que nous avons supprimé l’impôt sur le capital qui est réinvesti dans les entreprises et l’action. Je ne vais pas...

Gilles BOULEAU
Ce faisant, vous vous privez de 3 milliards de recettes fiscales chaque année.

Emmanuel MACRON
Regardez les chiffres, vous pouvez vérifier, ils sont beaucoup moins importants. Pourquoi ? Parce qu’on fait revenir des gens qui du coup vont réinvestir. Et c’est cohérent, nous avons d’ailleurs les résultats de cette politique puisque nous avons obtenu le rang de numéro 1 en termes d’attractivité en Europe. Ce qui n’était jamais arrivé à la France ces dernières décennies.

Léa SALAMÉ
Donc on ne revient pas sur l’ISF.

Emmanuel MACRON
Donc on ne va pas revenir sur la partie où on taxe l’entrepreneur qui réinvestit dans l’économie, elle est absurde. Et au moment où on relance, on a besoin d’investisseurs, de gens qui travaillent. Ensuite, la contribution spéciale etc., nous sommes l’un des pays où la fiscalité sur le revenu est la plus importante. On a baissé. La baisse d’ailleurs s’est plutôt faite sur les premières tranches de l’impôt sur le revenu. Est-ce que je vais dire les yeux dans les yeux en sortie de crise, la priorité c’est de remonter l’impôt sur les revenus de ceux qui gagnent le plus ? Non. Ça ne réglera rien, ça découragera plutôt un enrichissement par le travail. Or moi j’ai besoin de femmes et d’hommes qui s’engagent, ont envie de tirer leurs familles, leurs proches etc. Que notre pays assume la justice sociale et l’esprit de conquête. Il y a une option qui est possible, c’est à la main du Gouvernement, qui serait de décaler un peu pour les plus fortunés d’entre nous, la suppression de la taxe d’habitation, ce qui est peut-être en période de crise quelque chose de légitime. Et j’entends ce que vous dites, moi je partage cela aussi. L’esprit de justice, sans envoyer un signal désastreux, pourrait être de dire “Ceux qui payent aujourd’hui la taxe d’habitation pour lesquels on n’avait pas encore baisser, on peut peut-être attendre un peu plus d’années pour le faire parce qu’on est à un moment exceptionnel, parce que c’est assez légitime et que c’est au fond du bon sens.” Voilà.

Gilles BOULEAU
Il y a 3 semaines, les Français ont élu dans de nombreuses villes, dans de grandes villes (Strasbourg, Bordeaux, ailleurs) des maires écologistes. Vous avez vous-même invité, convoqué une Convention dite citoyenne et vous vous êtes engagé à soumettre un certain nombre de questions à référendum. Combien de référendums, quand et sur quelles questions précises et concrètes ?

Emmanuel MACRON
Alors la seule question sur laquelle il peut y avoir un référendum, compte tenu des demandes qui ont été faites par les citoyens de la Convention citoyenne, est une réforme constitutionnelle, celle de l’article 1er qui place l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et aussi le respect de la biodiversité dans notre texte constitutionnel. J’y suis favorable. Je pense que c’est une avancée majeure et je pense que c’est une avancée qui permettra de créer du droit et donc des contraintes et d’aider à transformer notre pays. La Constitution ne me permet pas aujourd’hui de décider d’un référendum demain matin sur cette base. Il faut d’abord qu’il y ait un vote par l’Assemblée puis le Sénat dans des terme conformes, et selon les termes de notre Constitution à ce moment-là il peut y avoir ou un Congrès ou un référendum.

Léa SALAMÉ
Ce sera quand ?

Emmanuel MACRON
Et donc — ça dépend du cheminement mais le plus vite possible.

Léa SALAMÉ
Le plus vite possible, à la fin de cette année où ?

Emmanuel MACRON
Je souhaite en tout cas l’engager dans les meilleurs délais. Ensuite, il y a énormément de propositions, 146, qui ont été faites par nos concitoyens. Et je veux ici souligner l’innovation dont la France a été capable. Aucun pays au monde n’a procédé à une telle convention sur des sujets aussi compliqués. Et moi j’en ai acquis la conviction après la crise des gilets jaunes, à un moment d’ailleurs où beaucoup de nos concitoyens avec sincérité, force ont dit “Nous on ne veut pas choisir entre la fin du mois et la fin du monde. On croit dans la cause écologique mais simplement vous ne nous donnez pas de solution.” Et c’est vrai que cela a souvent été le malentendu dans notre pays. On a en quelque sorte stigmatisé une partie de nos concitoyens, on a culpabilisé une partie de nos concitoyens, par exemple quand ils étaient agriculteurs, quand ils utilisaient des véhicules diesel, quand ils avaient tel ou tel mode de vie en disant ça ce n’est pas bon pour le climat. Nous sommes un grand peuple de 66 millions d’habitants, on doit trouver un chemin commun pour bâtir un nouveau modèle écologique et productif.

Léa SALAMÉ
Monsieur le Président, en quelques mots, parce que reprendre 146 mesures, tout cela est très flou et abstrait, si vous me permettez. Concrètement, dans la vie des Français, dans 6 mois, qu'est-ce qui changera pour eux ? Qu'est-ce qui sera plus écologique dans leur vie, dans leurs maisons, dans leurs bâtiments, dans leurs écoles ? Comment on verra les choses et à quelle échéance, si vous êtes concret ?

Emmanuel MACRON
On va déployer massivement, on a commencé à la mettre en œuvre au début de cette année, une prime pour rénover son logement. Beaucoup plus fort. Elle est en train de décoller, si je puis m'exprimer ainsi. On va y mettre beaucoup plus d'argent pour que les ménages les plus modestes, en particulier, et les autres puissent procéder aux rénovations pour dépenser moins d'énergie dans la maison et en même temps préserver notre climat. C'est écologique et social. Nous avons commencé à mettre en place des mécanismes d'accompagnement, cette prime à la conversion. 800 000 Françaises et Français ont changé de véhicule. Ils ont changé d'un vieux véhicule polluant pour prendre un véhicule de dernier modèle, ou hybride ou électrique ou essence ou diesel, mais beaucoup moins polluant. Je veux qu'on ait un très large programme, beaucoup plus simple encore, qui est en quelque sorte : je roule écologique et modeste. Troisième sujet : nous allons, nous, rénover massivement les bâtiments. Et donc je veux qu'on se lance dans un grand programme de rénovation de nos écoles et de nos EHPAD, pour commencer, en lien avec les collectivités publiques qui sont derrière ces bâtiments. Mais nous pouvons faire des économies d'énergie massives, avoir nos enfants et nos aînés qui vivent beaucoup mieux, produire de l'emploi pour faire ces rénovations et faire cette transition. Autre exemple très concret : aller beaucoup plus vite et fort sur la réduction du trafic dans les zones à fortes émissions. Quand on respire mal, qu'on a ses enfants qui respirent mal, des enfants qui ne peuvent pas aller à la récréation comme les autres enfants parce qu'il y a trop d'émissions, nous allons accélérer les mécanismes de transition. Ce qui est important, c'est qu’on doit rentrer, et ce plan de relance en est l'opportunité, dans la construction d'un modèle qui est à la fois écologique, industriel et environnemental.  On ne va pas recréer l'industrie d’hier, mais on peut, en France, redevenir une grande nation industrielle grâce et par l'écologie. Pourquoi ? Parce qu'on ne va pas importer des matériaux de l'autre bout du monde, dont le bilan carbone est absolument abominable. On va reproduire dans nos régions parce que le numérique va nous permettre aussi de produire des plus petites quantités plus vite grâce à l'impression 3D, parce qu'on va aider nos entreprises petites, moyennes et grandes à investir pour passer à ce modèle écologique. Moi, je crois à cette écologie du mieux, pas à cette écologie du moins.

Gilles BOULEAU
Est-ce que vous croyez aussi aux mesures concrètes ? Vous avez dit, et plusieurs membres de votre Gouvernement ont dit : « à la fin de ce quinquennat plus aucun trajet pour les Français en France métropolitaine qui puisse être fait en deux heures et demi en train ne sera fait en avion. Je crois que le 1er octobre prochain, vous irez faire une réunion publique, un meeting, que sais-je, en train, comme l'a fait votre prédécesseur François HOLLANDE qui, pendant quelques mois, l’a fait, et qui s’est aperçu que c’était très compliqué pour un chef de l'Etat de se déplacer en train.

Emmanuel MACRON
Un chef de l'Etat peut avoir des contraintes en termes de sécurité. C'est tout à fait vrai. C'est ce qui avait conduit François HOLLANDE à changer parce que quand vous le faites en train mais qu'il vous faut trois wagons pour sécuriser, avoir une solution de repli… Donc il y a d'autres contraintes que nous devons...

Gilles BOULEAU
Donc vous ne le ferez sans doute pas vous-même.

Emmanuel MACRON
Non mais je ne ferai pas de gadget, et donc je le ferai à chaque fois que c'est possible, dans des conditions qui sont réalistes. Ça, vous avez ma garantie. Mais plus important, je souhaite que, et nous avons fait cette demande, plutôt nous avons mis cette condition pour la compagnie Air France, partout où nous avons déployé du TGV dans notre pays et où telle ou telle ville est à deux heures de Paris, deux heures et quart, est-ce que les lignes intérieures qui sont d’une heure, 1h10 se justifient encore ? Non. Et donc là, on doit rationaliser notre modèle, et donc ça, c'est très concret, vous avez raison. Par contre, quand vous avez le train qui met 3, 4, 5, 6 heures, est-ce que le vol domestique, la ligne d'avion se justifie ? Oui parce qu’on a besoin d'aller à Brive. On a besoin de continuer à développer à Toulouse, à Pau, de l'industrie. On a besoin de continuer à aller dans des villes qui sont des chefs-lieux de département, elles-mêmes des métropoles, où l'industrie a commencé à se développer. On ne va pas, du jour au lendemain, dire : "on ne fait plus d’avion". Donc il faut le faire là aussi avec du bon sens. Mais ce sont des choses très concrètes, la transition écologique. On va redévelopper le fret ferroviaire massivement. On va redévelopper les trains de nuit, là aussi, on va redévelopper les petites lignes de trains parce que tout ça, ça permet de faire des économies et ça permet de réduire nos émissions.

Gilles BOULEAU
En vous écoutant avec Léa, quelque chose nous est venu à l'esprit. Vous annoncez tellement de choses à venir, tellement de réformes. On se dit qu'il vous reste 600 jours, 2 ans, c'est très court. Ça ne vous invite pas à aller au-delà ? Vous ne pensez pas qu’il vous faudrait 5 ans de plus ?

Emmanuel MACRON
Je pense que le moment dans lequel nous sommes peut-être une opportunité si chacune et chacun d'entre nous en prend la mesure et se dit : "je bâtis la France de dans 10 ans". Et donc moi, j'ai un objectif à 6 mois : tout faire pour éviter le maximum de plans sociaux, réduire leur importance avec les mesures d'urgence qu'on a pu prendre, faire que la rentrée pour nos plus jeunes se passe dans de bonnes conditions, protéger. C'est un objectif à 6 mois. J'ai un objectif à 18-24 mois, évidemment, qui est d'essayer d’avoir un plan de relance qui a au maximum déployé les choses et commencé cette transformation.

Léa SALAMÉ
Oui et après ?

Emmanuel MACRON
Mais l'objectif, nous devons l'avoir pour le pays à 10 ans parce que ce que nous sommes, ce que cette crise peut nous apporter, c'est au fond la possibilité de rendre la France plus forte en répondant à des problèmes qu'elle n'avait pas su traiter par temps calmes. Nos divisions, nous ne savons pas les traiter par temps calmes. Tout à l'heure étaient évoqués des textes du général DE GAULLE. La France de 1940, il y a 80 ans, elle s'effondrait. Elle s'effondrait parce qu'elle avait vécu, elle sortait d'une décennie où elle n'avait pas su régler beaucoup de ses problèmes. Elle s'était divisée. Elle avait été de politique en politique. Elle n'avait pas su regarder le temps long. Elle a résisté. Elle s'est relevée avec l'aide de ses alliés, de l'Europe. Et ensuite, en quelques années, nous sommes redevenus une grande puissance internationale. Nous nous sommes dotés de l'arme nucléaire. Nous nous sommes dotés de l'énergie nucléaire. Nous avons rebâti notre pays en quelques années. Nous en tirons encore aujourd'hui des bénéfices. Ce que nous n'avons pas su faire durant ces 30 dernières années, et j'en prends ma part, parce qu'on était dans les divisions, parce qu'on était peut-être dans des politiques qui souvent étaient trop lentes, dont on ne percevait pas les résultats, parce que nous vivons une crise inédite, parce qu'on mobilise des financements inédits, parce qu'on a une Europe qui est en train de changer, parce que nous, on met avec ce plan de relance, en plus de cet argent déjà mis, au moins 100 milliards d'euros pour faire la relance industrielle, écologique, locale, culturelle et éducative, je suis convaincu qu'on peut bâtir un pays différent d'ici à 10 ans. Et quand je dis ça, quel est mon objectif ? De revenir à ce qu'on disait au début de notre entretien. La seule possibilité de répondre aux peurs de nos concitoyens, c'est de leur donner un monde à voir. C'est de dire : quand vous êtes agriculteurs, non, vous n'êtes pas foutus. Non, vous n'êtes pas l'ennemi du bien-être animal et de l'agriculture, de l'alimentation saine. Ce n'est pas vrai. D’abord, notre alimentation est saine et la France est dans l'excellence du modèle agricole. Mais oui, en vous aidant, en investissant, on va bâtir une souveraineté agricole qui n'existe pas. Aujourd'hui, j’importe la plupart de mes protéines. Je peux les produire en France, en Europe.

Léa SALAMÉ
Monsieur le Président, dans les 10 prochaines années, ça veut dire avec vous dans les 10 prochaines années ?

Emmanuel MACRON
Il y a des choses sur lesquelles le peuple français est souverain et c'est bien ainsi. Mais on a le droit de voir loin et grand, y compris quand il ne reste que 600 jours. Ce que j'ai demandé au Gouvernement, c’est ce que je m'applique à moi-même.

Gilles BOULEAU
Vous êtes candidat à un deuxième mandat ? Vous avez songé à être candidat ?

Emmanuel MACRON
Mais cette question est intempestive.

Léa SALAMÉ
Elle se pose, quand même.

Gilles BOULEAU
Elle n'est pas prématurée. Nous sommes de l'autre côté du versant du quinquennat.

Emmanuel MACRON
Vous avez raison de me rappeler que j'ai passé l’hémistiche et que je suis sur une pente descendante du quinquennat.

Gilles BOULEAU
Pas descendante, de l'autre côté.

Emmanuel MACRON
Mon devoir, là où je suis, c’est de ne pas faire de calculs. C’est de se dire : notre pays, parce qu'il y a cette crise, peut sortir plus fort.

Léa SALAMÉ
Mais votre décision, vous la prendrez quand ? Est-ce que vous vous êtes donné…

Emmanuel MACRON
Quand je vous le dirai.

Léa SALAMÉ
Oui, d'accord, mais est-ce que vous avez un calendrier ?

Emmanuel MACRON
Non. Pourquoi voudriez-vous que je décide aujourd'hui de m'enfermer dans un autre calendrier que le calendrier démocratique ?

Léa SALAMÉ
Vous parlez de vous projeter sur dix ans, Monsieur le Président. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que la Cinquième République est à bout de souffle, qu’il faut… Vous aviez pensé la changer. Vous aviez pensé faire une réforme constitutionnelle. Vous ne l'avez pas fait. Est-ce que ce ne serait pas le moment ?

Emmanuel MACRON
On a été empêché quand même.

Léa SALAMÉ
Peut-être pour un deuxième mandat, de faire une réforme constitutionnelle, de peut-être revenir au septennat, peut-être faire la proportionnelle, tout ce que vous aviez promis et que vous n'avez pas fait ?

Emmanuel MACRON
Je ne m'étais jamais engagé sur le septennat. La proportionnelle est en effet un de mes engagements et après, j'avais souhaité, je souhaite toujours réduire en particulier le nombre de parlementaires. Il y a un chemin que la Constitution impose et pour lequel les données politiques, les contraintes politiques ne me permettent pas de le faire. Je pense que nous vivons une crise démocratique profonde. On ne peut pas avoir le niveau d'abstention que nous avons vécu à des élections municipales sans nous dire que quelque chose ne va pas. Et pour moi, ça procède de plus loin, c'est que s'est installer l'idée que les gouvernants ne pourraient rien changer et à côté de ça, de colère absolue. A quoi bon, se disent les uns, et plutôt tout abattre se disent les autres, au risque d’ailleurs de faire bousculer ce que nous avons conquis de haute lutte par notre histoire. Je crois que notre pays a la ressource. Mais c’est à nous de faire aussi notre part, d’avoir un État bienveillant, qui accompagne, qui facilite, qui va plus vite, mais de retrouver ce chemin dont je parlais tout à l’heure. Dans notre République, quand on essaie dans une famille, on se disait : j’irai dans l’usine, l’entreprise ou la Mairie où travaille mes parents. Quand on réussissait bien à l’école, parce qu'un instituteur vous avait repéré, on savait quel était le chemin, parce qu'on réussissait bien à l'école, qui permettrait de gravir les échelons dans la société. Moi, je suis l'enfant de cette République. Moi, il n’y a rien dans mon histoire familiale qui justifiait que je me retrouve avec vous aujourd'hui. Je le mesure des jours comme le 14 juillet. Moi, je l'ai fait parce que sans doute, des femmes et des hommes ont eu la chance de croiser des instituteurs de la République qui ont dit à leurs familles un peu incrédules : Il peut continuer, il va continuer. Ils ont fait un chemin et ce chemin, ils l'ont fait faire à leurs enfants. Et ce chemin, il n'est plus perceptible par nos concitoyens.

Gilles BOULEAU
C'est parce qu'ils sont réfractaires ?

Emmanuel MACRON
Non.

Gilles BOULEAU
Ou Gaulois ?

Emmanuel MACRON
Non, je suis Gaulois, moi aussi réfractaire, mais je l'ai dit en m’incluant. Non. Ça l’est parce que nous avons progressivement construit des corporatismes. On a oublié cette promesse.

Léa SALAMÉ
Et ça aussi…

Emmanuel MACRON
Parce que qu'aujourd'hui, oui, c’est ça …

Léa SALAMÉ
Mais vous aviez dit : « Mon ennemi, c'est l'assignation à résidence ». Vous vouliez casser ça.

Emmanuel MACRON
Mais je veux encore.

Léa SALAMÉ
Vous êtes parvenu ?

Emmanuel MACRON
… et je continue. Je pense qu'on a fait des choses très fortes. L'obligation scolaire à 3 ans est une décision très forte. On n'avait pas changé l'obligation.

Léa SALAMÉ
Mais aujourd'hui, vous trouvez que c'est l'égalité des chances, quelle que soit votre couleur.

Emmanuel MACRON
Je vais y venir. Ce qu'on a fait pour l'école avec les dédoublements des classes, pour l'orientation, pour le supérieur, c'est un début. On doit aller beaucoup plus loin, beaucoup plus fort. Aujourd'hui, vous avez raison, il y a encore de la discrimination dans notre pays. Il y en a pour les diplômes, il y en a pour l'accès à la haute fonction publique. Trop. Il y en a…

Gilles BOULEAU
Pour la couleur de peau.

Emmanuel MACRON
Et il y en a pour la représentation. Il y en a pour les contrôles.

Gilles BOULEAU
Si semblez être noirs ou Arabes, dit le défenseur des droits, vous avez 20 fois plus de chances d'être contrôlé au faciès. C'est un fait.

Emmanuel MACRON
Vous avez beaucoup moins de chance.

Gilles BOULEAU
Il ne vous est pas imputable, mais c'est un fait.

Emmanuel MACRON
Non, mais ce chemin, quand on parle de la défiance démocratique qu'il y a dans notre pays, c'est ça. Et quel que soit votre couleur de peau, c'est ça. Et je veux avec beaucoup plus de force m'attaquer à cela. Donc oui, on va le continuer sur l'école, donc parler du contrôle au faciès. C’est dédié au Premier ministre et au ministre de l'Intérieur. Ça fait trop longtemps qu'on parle de cela. Nous allons tout reprendre et généraliser avant la fin du quinquennat, toutes les caméras piétons qui permettent sur ces sujets comme sur celui ensuite des modes opératoires, de rétablir la confiance entre la population et la police.

Léa SALAMÉ
Donc, il y aura des caméras partout ?

Emmanuel MACRON
Des caméras qui sont justement portées dans chaque brigade qui intervient et qui permettent de retracer la vérité des faits et qui permettent de protéger et de rétablir cette confiance. Le Gouvernement y reviendra, mais c'est pour moi un élément essentiel de ce patriotisme républicain auquel je crois. Et donc, oui, notre 5ème République traverse des doutes, des crises. Est-ce que je cède à la fatalité ? Non. Je pense que nous avons devant nous, des mois qui seront durs. Moi, je ferai tout pour protéger les Françaises et les Français, mais nous avons des défis qu’il nous appartient de relever. Et ça dépend de chacune et chacun d'entre nous, ça ne dépend pas que du Gouvernement, ça dépend de toutes les Françaises et de tous les Français. J'essaierai de conduire ce chemin, celui qui consiste à ce que chaque Français, chaque Française puisse trouver, choisir sa vie dignement dans la République et que nous rebâtissons à nouveau une Nation de citoyens forte, c’est mon seul objectif.

Gilles BOULEAU
Merci. Merci, monsieur le Président, d'avoir répondu à nos questions. Merci beaucoup Léa.

Léa SALAMÉ
Merci Gilles. Merci monsieur le Président.

Emmanuel MACRON
Merci à vous et bon 14 juillet à vous et à tous nos compatriotes.

Gilles BOULEAU
Très bon 14 juillet à tous. Merci beaucoup.

Emmanuel Macron, à Paris le 14 juillet 2020, interviewé par Léa Salamé et Gilles Bouleau


Source : www.elysee.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20200714-interview-macron.html

 

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30 juin 2020 2 30 /06 /juin /2020 03:44

« Alors lorsque nous nous sommes vus en janvier, je vous avais dit : toutes les propositions qui seront abouties et précises seront transmises sans filtre soit au gouvernement pour ce qui relève du domaine réglementaire, soit pour ce qui relève de la loi, au Parlement, ou directement au peuple français. Et donc notre échange d’aujourd’hui n’est pas un grand discours sur des principes abstraits, c’est la réponse à laquelle je m’étais engagé et le lancement d’un nouveau processus. Et je vous confirme ce matin que j’irai au bout de ce contrat moral qui nous lie en transmettant effectivement la totalité de vos propositions à l’exception de trois d’entre elles, les trois jokers dont nous avions parlé en janvier, sur 149. » (Emmanuel Macron, le 29 juin 2020).



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Une fois les élections municipales passées, et on les a senties passer, avec ces conquêtes des écologistes dans les grandes métropoles françaises, le Président de la République Emmanuel Macron a reçu dans le parc de l’Élysée ce lundi 29 juin 2020 la Convention citoyenne pour le climat qu’il avait mise en place par tirage au sort à la suite des gilets jaunes (on peut lire son discours ici). Un "bon" moyen de transformer une défaite électorale en succès gouvernemental ?

En fait, c’est toute la politique nationale qui est réorientée depuis la crise sanitaire. Tout devait être différent… mais en fait, rien ne change. J’ai souvent entendu Emmanuel Macron parler de "lancement d’un nouveau processus" mais j’ai rarement vu son aboutissement (peut-être tant mieux).

Par exemple, qui se rappelle qu’Emmanuel Macron a prononcé un grand discours sur sa vision de la transition écologique le 27 novembre 2018, à la suite des premiers soubresauts des gilets jaunes ? Il avait alors tenu un discours raisonnable et cohérent et mit 8 milliards d’euros. Ce 29 juin 2020, Emmanuel Macron a mis 15 milliards d’euros (en plus ? en tout ?) mais a semble-t-il complètement oublié son discours du 27 novembre 2018.

Pour lui, c’est une expérience heureuse de faire travailler 150 citoyens tirés au sort supposés être représentatifs de la population française. Oui, ces citoyens ont beaucoup travaillé avec ardeur et sincérité, mais que représentent-ils vraiment face aux centaines d’experts qui les ont "à peine" aiguillés ? Comme je l’ai déjà écrit, comment peut-on être représentatif de la population française avec seulement 150 personnes alors que le moindre sondage nécessite au moins un échantillon de 1 000 personnes ?

Tiens, un exemple simple : la suppression des vols aériens des lignes intérieures. À première vue, avec le TGV qui arrive au centre-ville, cela peut paraître une bonne mesure. La Convention citoyenne avait mis comme limite une absence de solution ferroviaire de moins de 4 heures. Emmanuel Macron a bougé le curseur jusqu’à 2 heures 30 (c’est déjà un peu mieux). Mais dans tous les cas, c’est oublier complètement le modèle économique des aéroports régionaux. Je donne un exemple au hasard : la ligne Louvigny-Paris (Louvigny est l’aéroport de Lorraine situé entre Nancy et Metz) serait donc supprimée à cause du TGV Est, mais pas la ligne (par exemple) Louvigny-Nice, par exemple (qui a aussi son équivalent TGV). Mais on sait bien que dans les villes de province, ce sont les liaisons avec Paris qui sont les plus nombreuses et aussi les plus rentables. Ne limiter l’activité des aéroports régionaux qu’à des liaisons peu fréquentées, c’est assurément tuer économiquement ces aéroports. Il ne m’a pas semblé que cette viabilité économique ait été prise en compte.

Cette évolution de la démocratie m’inquiète car le fait de transmettre "sans filtre" des propositions émanant d’une assemblée certes honorable mais qui n’a aucune légitimité, j’insiste sur l’absence totale de légitimité, montre une absence totale de vision présidentielle du sujet (ici la transition écologique).

Ce serait un gouvernement des sondages : dites-moi ce que vous voulez, je le soumets aux parlementaires (on reste quand même dans une structure parlementaire), et on choisit, on pioche, on peut même faire des référendums multiquestions comme pour déterminer les options de sa prochaine voiture. Où est la politique ? La politique, c’est prendre des risques, c’est avoir une vision cohérente, c’est guider la nation et éventuellement, cela peut aussi se planter (personne n’a la science infuse), mais ce n’est pas se laisser faire par la "démocratie participative" qui n’a rien d’une démocratie (150 personnes sur une population de 67 millions d’habitants, avec un tirage au sort forcément biaisé, même supervisé par des huissiers de justice !).

Si j’avais voulu un "gouvernement d’assemblées citoyennes" (à une autre époque dans un autre pays, on appelait cela des "soviets" !), j’aurais voté pour Jean-Luc Mélenchon en 2017, voire pour Ségolène Royal en 2007. Ce n’a pas été le cas et, fort heureusement, non plus pour une majorité de mes compatriotes. Pourquoi alors faire le programme d’un candidat qui a perdu à la dernière élection présidentielle ? À quoi rime ce suivisme ?

Ah, j’imagine bien que la forte vague écologiste aux municipales y est aussi pour quelque chose même si je veux bien croire que les deux événements sont indépendants. Disons que l’un renforce l’autre. Je l’ai écrit à propos des municipales, par électoralisme, François Mitterrand avait "verdi" sa politique en mars 1992 à la suite d’une montée écologiste lors des élections régionales. L’objectif était électoral, et cela n’a pas empêché l’année suivante, aux élections législatives de mars 1993, un désastre électoral pour son parti.

C’est une erreur de suivre à la lettre les propositions de cette Convention citoyenne fortement teintée d’une idéologie gaucho-décroissante. On taxe, on oblige, on interdit, on contraint. C’est le principe d’une écologie punitive, celle qui a justement fait sortir sur les ronds-points la France des gilets jaunes.

Est-ce une vision politique ? Assurément non, sauf si, je n’ose l’imaginer, ce n’était qu’une vaste manipulation pour prendre des décisions impopulaires sans vouloir en assumer la responsabilité ou la paternité ? C’est une erreur de vouloir légiférer hors de toute structure parlementaire. Il y a une véritable dérive démocratique.

Qu’en est-il des réformes en cours d’avant la crise sanitaire ? On avait dit que tout serait différent, que rien ne serait comme avant, et les désillusions vont arriver.

C’est vrai que la situation budgétaire est différente de la situation du début de l’année. Une crise sans précédent (j’ai lu que pour retrouver une telle situation hors période de guerre, il faut remonter à …1848 !), un chômage terrible, et surtout, des finances publiques en déshérence. Attention, je ne critique pas l’injection de centaines de milliards d’euros dans l’économie française : au contraire, j’ai déjà eu l’occasion de saluer la grande réactivité du gouvernement et aussi son côté très singulier.

Car Emmanuel Macron est sans arrêt "accusé" (comme si c’était un crime) d’être un libéral alors qu’il a fait de la France un pays communiste, puisque c’est l’État qui a financé 18 millions de salariés du privé en chômage partiel. C’était une mesure très forte, que j’approuve mais qui est typiquement le contraire du libéralisme (je rappelle que le libéralisme est inversement proportionnel à l’intervention de l’État). Pour une situation exceptionnelle, il fallait cette aide de l’État. Et je rappelle aussi que la plupart des mesures qu’il a approuvées de la Convention citoyenne pour le climat sont antilibérales en ce sens qu’elles taxent, obligent, interdisent, réglementent encore plus qu’auparavant.

Mais justement, l’état des dépenses publiques est tellement catastrophique que, paradoxalement, on n’est plus à un ou deux milliards d’euros près. Ou à dix ou vingt milliards d’euros près ! On a dit il y a quelques semaines qu’Emmanuel Macron restait toujours partisan de faire aboutir sa vaste réforme des retraites. Politiquement, je pense que cette idée est complètement absurde car la situation de crise actuelle nécessite au contraire d’enterrer tous les sujets de discorde nationale, de clivage extrême. La réforme des retraites en est un. Et l’argument financier n’a plus d’efficacité : il manque 30 milliards d’euros pour financer les retraites ? On n’a qu’à les budgétiser et basta ! Puisqu’on l’a déjà fait pour des centaines de milliards en réponse à la crise économique.

Et contrairement à ce qu’Emmanuel Macron peut croire, les "mesures citoyennes" (je vais les appeler comme cela) pour le climat sont loin d’être consensuelles. Les gens vont en avoir ras-le-bol de ne plus pouvoir se déplacer, de plus pouvoir aller au centre-ville, de devoir payer des milliers d’euros pour mettre aux normes d’isolation thermique leur appartement, et évidemment, ils n’auront pas (beaucoup) d’aide car ils seront considérés comme trop riches. C’est n’est pas anodin qu’il ait supprimé la limitation à 110 kilomètres par heure sur les autoroutes, car la mesure était trop grosse pour qu’elle puisse passer.

De la même manière, en raison de la forte augmentation du chômage, la réforme de l’assurance-chômage n’a pas été appliquée et a été repoussée. Mais jusqu’à quand ? Il est essentiel de communiquer sur ces questions très anxiogènes. Comment le Président de la République peut-il vouloir tourner la page et commencer une nouvelle phase s’il reste encore des anciennes réformes fortement contestées à repasser ?

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Parmi les autres réformes qui sont loin d’être consensuelles, il y en a une où au moins c’est clair : le projet de PMA pour toutes va passer en force cet été. Oui, poussée par son aile gauche, la majorité présidentielle a imposé la rapide adoption de cette mesure symbolique. C’est vérifiable, ce 29 juin 2020, on peut lire sur l’agenda des députés que le projet de loi bioéthique sera en discussion à partir du lundi 6 juillet 2020. Comme la situation est exceptionnelle, l’agenda pourrait toujours être bousculé, mais il y a une évidente volonté de passage en force pendant que les Français partent en vacances.

Ce qui m’inquiète, c’est moins la PMA que les mesures qui n’ont rien à y voir et qui sont contenues également dans le projet de loi qui a été fortement retoqué par les sénateurs (mais pas forcément dans le bon sens pour les mesures hors PMA) : en effet, le sujet est techniquement complexe et peu médiatique, mais il s’agit tout simple de savoir si l’être humain est un "bien meuble" susceptible d’être un matériau d’expérimentation ou pas.

J’ai écrit "bien meuble" par provocation pour faire référence au Code noir qui organisait l’esclavage (j’y reviendrai très prochainement). Il y a plus de dignité humaine à contester la mesure qui permet d’utiliser des embryons humains, c’est-à-dire des personnes en devenir, comme matériaux d’expérimentation (complètement dépassés sur le plan scientifique depuis 2012), qu’à vouloir vandaliser les statues de personnages morts depuis plusieurs siècles et qui n’influencent plus la vie sociale actuelle depuis des lustres.

Je pense qu’Emmanuel Macron aurait tort de vouloir s’accrocher à des réformes de discorde nationale. Il devrait mettre toutes les forces politiques sur l’unique mission de retrouver une souveraineté économique : réindustrialiser la France, multiplier les emplois et colmater les brèches financières de la crise post-covid-19. Pour cela, il faut une France unie. Avec la PMA, avec les mesures de transition écologique, avec peut-être le retour de la réforme des retraites, c’est une France éclatée vers laquelle nous marchons…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 juin 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours du Président Emmanuel Macron devant la Convention citoyenne pour le climat le 29 juin 2020 à l’Élysée (texte intégral).
Après-covid-19 : écologie citoyenne, retraites, PMA, assurance-chômage ?
Édouard Philippe, le grand atout d’Emmanuel Macron.
Municipales 2020 (5) : la prime aux… écolos ?
Convention citoyenne pour le climat : le danger du tirage au sort.
Les vrais patriotes français sont fiers de leur pays, la France !
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
Retraites : Discours de la non-méthode.
La réforme de l’assurance-chômage.
Emmanuel Macron explique sa transition écologique.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200629-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/apres-covid-19-ecologie-citoyenne-225465

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/06/29/38401651.html



 

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15 juin 2020 1 15 /06 /juin /2020 03:45

« Le 16 mars, nous avons fait le choix humaniste de placer la santé au-dessus de l’économie en vous demandant de rester chez vous. Vous avez alors fait preuve d’un sens des responsabilités admirable. Et grâce à l’engagement exceptionnel de nos soignants et de toutes les équipes, l’ensemble des malades qui en avaient besoin ont pu être pris en charge à l’hôpital ou dans la médecine de ville. » (Emmanuel Macron, le 14 juin 2020).



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Il a fallu attendre deux mois avant d’avoir la parole présidentielle, c’était un peu long en pleine crise sanitaire. Le Président de la République Emmanuel Macron s’est adressé à la nation ce dimanche 14 juin 2020 à 20 heures au cours d’une allocution télévisée (qu’on peut lire ou regarder dans son intégralité ici).

Comme prévu, toutes les oppositions lui sont tombées dessus en réaction. Dans les premières réactions, il apparaîtrait que seuls, les restaurateurs et les hôteliers l’ont applaudi !

Il était temps qu’il parle, car en deux mois, il s’est passé beaucoup de choses en France et dans le monde. Nous sommes heureusement arrivés plutôt à contrôler l’épidémie en France, et à prendre des mesures de déconfinement depuis le 11 mai 2020, enfin, la crise économique et les soubresauts des ligues antiracistes ont monopolisé l’actualité des dernières semaines dans un pays à la cohésion sociale fragile. Cela faisait ainsi une allocution de vingt minutes assez bien structurée en quatre parties : la crise sanitaire, la crise économique, la lutte contre le racisme et les coups portés aux valeurs républicaines par le communautarisme (Emmanuel Macron appelle ce phénomène "les séparatistes") et enfin, l’avenir, et les projets qu’il compte soumettre aux Français d’ici au 14 juillet 2020.


1. La crise sanitaire et le déconfinement

Emmanuel Macron a pris le beau rôle : il a annoncé une accélération du déconfinement avec un retour à la normale dès le lendemain, le 15 juin 2020 dans de nombreux domaines : (à l’exception de la Guyane et de Mayotte), « tout le territoire donc passera dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler la "zone verte", ce qui permettra notamment une reprise plus forte du travail, et la réouverture des cafés et restaurants en Île-de-France. Dès demain, il sera à nouveau possible de se déplacer entre les pays européens. ».

Le 22 juin 2020, retour obligatoire de tous les élèves des écoles et des collèges, pour les deux dernières semaines de cours avant l’été. Le 28 juin 2020, confirmation du second tour des élections municipales. Autorisation des visites dans les EHPAD. Bref : « Nous allons donc pouvoir retrouver le plaisir d’être ensemble, de reprendre pleinement le travail mais aussi de nous divertir, de nous cultiver. Nous allons retrouver pour partie notre art de vivre, notre goût de la liberté. En somme, nous allons retrouver pleinement la France. » (on se souvient qu’au moment des attentats du 13 novembre 2015, passer une soirée douce à la terrasse d’un restaurant parisien était devenu l’un des symboles de l’art de vivre français). Avec cependant une limitation : « Il faudra continuer d’éviter au maximum les rassemblements car nous savons qu’ils sont les principales occasions de propagation du virus : ils resteront donc très encadrés. ».

Seul flou dans les annonces : « À partir du 1er juillet, nous pourrons nous rendre dans les États hors d’Europe où l’épidémie sera maîtrisée. ». En oubliant de préciser : à condition que ces États acceptent des ressortissants européens ou français !

Emmanuel Macron a donc repris le beau rôle face à son Premier Ministre Édouard Philippe qu’il n’a pas cité et qu’il n’a pas félicité, si ce n’est de manière très impersonnelle : « Si nous pouvons rouvrir le pays, c’est parce qu’à chaque étape de l’épidémie, chacun a pris sa part. Le Premier Ministre et le gouvernement ont travaillé d’arrache-pied, le Parlement s’est réuni, l’État a tenu, les élus de terrain se sont engagés. ». La raison de la réussite du déconfinement, c’est-à-dire, de l’absence de deuxième vague : « Nous avons collectivement et méthodiquement préparé ce qu’on a appelé le déconfinement. Là encore, tout le monde a travaillé d’arrache-pied, nous avons surmonté les craintes, les angoisses. Et vous êtes ressortis à nouveau et avez repris le travail. Nous avons bien fait. Nos usines, nos commerces, nos entreprises ont pu redémarrer. ».

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Le Président a en effet savouré sa décision du 13 avril 2020 de déconfiner à partir du 11 mai 2020, qui avait été très critiquée : « Je sais que beaucoup alors le déconseillaient, il n’y avait pas de consensus. », histoire de rappeler qu’il a eu raison de prendre le risque de déconfiner dès le 11 mai 2020, on lui reprochait alors d’aller trop vite, maintenant, on lui reprocherait d’aller trop lentement.

Le gouvernement, ces derniers jours, était resté sourd aux injonctions du professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, pour accélérer le déconfinement. Emmanuel Macron, en revanche, y répond favorablement.

S’il a évoqué le personnel soignant, Emmanuel Macron n’a pas évoqué le dévouement ni des enseignants ni des forces de l’ordre ; ces deux corps ayant été vivement critiquées ces dernières semaines s’attendaient à recevoir un soutien de l’Élysée. Emmanuel Macron a en revanche eu une pensée pour toutes les victimes du covid-19 ainsi que leurs familles en deuil : « Je veux ce soir penser avec émotion à nos morts, à leurs familles, dont le deuil a été rendu plus cruel encore en raison des contraintes de cette période. ». Il faudrait imaginer une manière d’honorer ces victimes.

Ce que critiquent les oppositions en réaction à cette allocution, c’est en particulier ce passage qui pourrait s’apparenter à de l’autosatisfaction présidentielle : « Nous n’avons pas à rougir, mes chers compatriotes, de notre bilan. Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées par nos choix, par nos actions. Nous avons su doubler en quelques jours nos capacités de réanimation, organiser les transports de centaines de patients entre régions et avec les pays voisins, approvisionner les commerces, réorienter notre production industrielle, inventer des solidarités nouvelles. La période a montré que nous avions du ressort, de la ressource. Que, face à un virus qui nous a frappés plus tôt et plus fort que beaucoup d’autres, nous étions capables d’être inventifs, réactifs, solides. Nous pouvons être fiers de ce qui a été fait et de notre pays. ».

On aura beau critiquer ce passage, l’histoire en confirmera sa pertinence. Oui, il y a de quoi être fier de la France. La situation était difficile dans tous les États, que ce soit pour la fourniture de masques et d’autres équipements de protection, ou pour la capacité à faire massivement des tests virologiques dont nous avions aucun stock puisque le virus n’était pas connu. Seuls, les États de grande industrie, notamment Chine, Allemagne, États-Unis, Russie, etc., pouvaient assurer cette capacité en un temps court. Il suffit de regarder les autres États européens, à l’exception de l’Allemagne (j’y reviendrai), pour voir que la France n’a pas démérité dans la gestion de la crise. En Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, on manquait de lits pour accueillir les patients à l’hôpital, pas en France.

D’ailleurs, très lucide, Emmanuel Macron n’a pas caché la face obscure de cette gestion de crise, que les oppositions ont dû oublier d’entendre : « Cette épreuve a aussi révélé des failles, des fragilités : notre dépendance à d’autres continents pour nous procurer certains produits, nos lourdeurs d’organisation, nos inégalités sociales et territoriales. Je veux que nous tirions toutes les leçons de ce que nous avons vécu et avec vous comprendre ce que nous avons mieux réussi ou moins bien réussi que nos voisins. Nos forces, nous les conforterons, nos faiblesses, nous les corrigerons vite et fort. ». Il faudra en particulier mener une réflexion très lucide sur la mortalité dans les EHPAD pendant cette crise sanitaire.

Et puis, il y a une chose que je ne comprends pas de la part de personnes qui prétendent être des patriotes et qui crachent matin, midi et soir sur leur pays que, visiblement, ils détestent pour autant le fustiger. Un vrai patriote est fier de son pays et si le pays est dans les difficultés, il l’aide, il propose activement une aide constructive, il ne reste pas dans la posture négativiste d’enfoncer un pays qu’ils devraient soutenir. Il n’y a qu’en France qu’on trouve ces pseudo-patriotes antifrançais : ni en Allemagne, ni aux États-Unis, et je ne parle même pas de la Russie, de la Chine, on ne trouve des ressortissants de ces pays à casser systématiquement leur patrie. Il n’y a qu’en France, et pourtant, la France n’a pas démérité dans cette crise. Les enquêtes le prouveront (et j’y reviendrai plus précisément).


2. Le "service après-vente" et la crise économique

Autre sujet de fierté, l’accompagnement économique du confinement. La France est le pays qui a apporté le plus d’aide de soutien aux activités économiques, en particulier en finançant le chômage partiel d’une dizaine de millions de salariés, en proposant des prêts aux entreprises, etc. C’est un fait exceptionnel, unique dans le monde dans cette ampleur. Au point que les syndicats étaient bien en peine de critiquer le gouvernement, si ce n’est lorsqu’il a décidé de suspendre les aides après deux ou trois mois.

Le chef de l’État a rappelé son expression du 16 mars 2020 : "Quoi qu’il en coûte" (avec une grosse faute d’orthographe dans la transcription sur le site de l’Élysée !) : « Au total, nous avons mobilisé près de 500 milliards d’euros pour notre économie, pour les travailleurs, pour les entrepreneurs, mais aussi pour les plus précaires. C’est inédit. Et je veux ce soir que vous le mesuriez aussi pleinement. Dans combien de pays tout cela a-t-il été fait ? C’est une chance et cela montre la force de notre État et de notre modèle social. ». Que les gauchistes en finissent de dire qu’Emmanuel Macron est le représentant du libéralisme ! De toute l’histoire de la France des deux derniers siècles, il n’y a pas eu plus d’intervention de l’État dans l’économie nationale que maintenant ! Et c’est tant mieux, car la situation en a besoin : « Ces dépenses se justifiaient, et se justifient en raison des circonstances exceptionnelles. ».

Le maître mot des deux prochaines années du quinquennat est l’indépendance : « Retrouver notre indépendance pour vivre heureux et vivre mieux. (…) Notre première priorité est donc d‘abord de reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire. ». Cela ressemble à un slogan électoral, peut-être celui de 2022. Cela se décline par un "pacte productif" : « Il nous faut créer de nouveaux emplois en investissant dans notre indépendance technologique, numérique, industrielle et agricole. Par la recherche, la consolidation des filières, l’attractivité et les relocalisations lorsque cela se justifie. ». Ce genre de phrase, je l’ai entendu depuis au moins vingt-cinq ans. Concrètement, que cela signifie-t-elle ?

Et pas de souveraineté nationale sans coopération européenne. L’exemple marquant par le plan de relance européenne (j’y reviendrai aussi) : « L’accord franco-allemand autour d’un endettement conjoint et d’un plan d’investissement pour redresser l’économie du continent est un tournant historique. En empruntant pour la première fois ensemble, avec la Chancelière d’Allemagne, nous proposons aux autres États européens de dire "nous" plutôt qu’une addition de "je". C’est le résultat d’un travail acharné, initié par la France, et que nous menons depuis trois ans. Ce peut être là une étape inédite de notre aventure européenne et la consolidation d’une Europe indépendante qui se donne les moyens d’affirmer son identité, sa culture, sa singularité face à la Chine, aux États-Unis et dans le désordre mondial que nous connaissons. Une Europe plus forte, plus solidaire, plus souveraine. ». Là aussi, un beau slogan en début de chapitre.


3. Les valeurs républicaines : « La République ne déboulonnera pas de statue ! »

Il vaut mieux tard que jamais. Je regrette qu’Emmanuel Macron ait tant tardé, quinze jours de retard, mais il s’est rattrapé sur le communautarisme. Évidemment qu’il faut lutter contre le racisme (« Nous serons intraitables face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations. »), mais il n’a pas pu être plus clair sur le combat dangereux des ligues antiracistes qui dénaturent les valeurs républicaines : « Ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme, en réécriture haineuse ou fausse du passé. Ce combat est inacceptable lorsqu’ils est récupéré par les séparatistes. ».

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Non seulement Emmanuel Macron a raison de mettre en garde contre les "séparatistes", mais il a enfoncé les clous en disant : pas question de déboulonner nos statues, en particulier Colbert ! Honte à l’ancien Premier Ministre Jean-Marc Ayrault qui veut débaptiser les salles Colbert à l’Assemblée Nationale (j’y suis déjà allé) et à Bercy. Honte à lui de remettre en cause notre histoire commune et d’être stupidement à la remorque des extrémistes du communautarisme !


4. Le mystérieux projet d’avenir

Emmanuel Macron a terminé son allocution en évoquant un projet qu’il présenterait avant la fête nationale, dans un mois. Il a insisté sur le fait qu’il consulterait les « Présidents des deux chambres parlementaires et du Conseil Économique, Social et Environnemental » pour « proposer quelques priorités susceptibles de rassembler le plus grand nombre ». Insistons, car ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron associe le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) au Parlement, que le CESE n’est pas une assemblée parlementaire et n’a aucune légitimité populaire.

L’objectif est le suivant : « Il me reviendra avec vous de bâtir de nouveaux équilibres dans les pouvoirs et les responsabilités. (…) J’en ai la conviction profonde : l’organisation de l’État et de notre action doit profondément changer. (…) Face à l’épidémie, les citoyens, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités locales, les agents de l’État dans les territoires ont su faire preuve d’ingéniosité, d’efficacité, de solidarité. Faisons-leur davantage confiance. Libérons la créativité et l’énergie du terrain. ».

Comment cette idée va-t-elle se traduire concrètement ? Mystère et boule de gomme ! S’il s’agit d’une simplification administrative, ou plus généralement d’une réforme administrative, cela fait plus d’un quart de siècle que les gouvernements successifs se sont cassé le nez à vouloir simplifier, le résultat fut d’ailleurs souvent une complexification supplémentaire. Pourtant, oui, il y a des améliorations à imaginer, pour éviter ce qu’il appelait des "lourdeurs d’organisation".

En revanche, s’il s’agit de ressortir sa réforme des institutions que je croyais heureusement enterrrée, qu’Emmanuel Macron se méfie, je doute que Gérard Larcher (le Président du Sénat) se laisserait intimider par un Président de la République qui a montré que dans ce domaine, il n’était pas un spécialiste très pertinent…


« Je m’adresserai à vous en juillet pour préciser ce nouveau chemin. »

Globalement, j’ai donc apprécié la tonalité de cette allocution dont l’objctif est de mettre du sens et des perspectives à l’action gouvernementale. Elle vient certes très tard, surtout sur les manifestations contre les violences policières. Elle a été incomplète, j’aurais préféré un remerciement plus audible et un hommage appuyé aux enseignants lâchés seuls dans la nature du télétravail, et aux forces de l’ordre fustigées dans leur globalité par des groupuscules qui ont monopolisé le débat public, mais le principal a été dit tant sur les valeurs de la République que sur la fierté à vivre en France même en pleine crise sanitaire et sur l’importance de la coopération européenne dans la volonté d’être souverain.

Contrairement à son prédécesseur direct, Emmanuel Macron cherche toujours à s’inscrire dans une perspective historique, c’est ce qui fait sa force : « Pour relever [les défis historiques], n’oublions jamais nos forces : notre histoire, notre jeunesse, notre sens du travail et de l’engagement, notre volonté de justice, notre capacité de créer pour dire et changer le monde, notre bienveillance. ».

Qu’importent les réactions hostiles des oppositions incapables de proposer mieux que celui qu’elles critiquent. Qu’importent même le risque d’impopularité, sans audace, sans choix, pas de mécontents mais pas de contents non plus. Que reste-t-il des gouvernements populaires ? Ceux de Lionel Jospin et Édouard Balladur ? Plus grand-chose au regard de l’histoire. C’est par des choix courageux et audacieux que l’on marque son histoire et qu’on fait avancer son pays. Nécessairement, cela provoque des mécontentements, soit par postures politiciennes, soit par courtes vues idéologiques. Après tout, De Gaulle l’a expérimenté dans une situation bien plus grave qu’aujourd’hui, puisque l’existence même de la France était en jeu…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 juin 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les vrais patriotes français sont fiers de leur pays, la France !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 14 juin 2020 à la télévision (texte intégral).
Édouard Philippe, le grand atout d’Emmanuel Macron.
Coronavirus : bravo au gouvernement français pour sa réactivité économique et sociale !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 13 avril 2020 à la télévision (texte intégral).
Emmanuel Macron : plus humain et plus humble.
Confinement 2.0.
Le coronavirus Covid-19 expliqué aux enfants (plaquette à télécharger).
Allocution du Président Emmanuel Macron le 16 mars 2020 à la télévision (texte intégral).
Allocution du Président Emmanuel Macron le 12 mars 2020 au Palais de l’Élysée (texte intégral).
Les institutions à l’épreuve du coronavirus Covid-19.
La guerre contre le séparatisme islamiste engagée par Emmanuel Macron.
La 5e Conférence nationale du handicap le 11 février 2020 à Paris.
Emmanuel Macron et la France de 2020 en effervescence.

_yartiMacron2020061404



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200614-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-vrais-patriotes-francais-sont-225152

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7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 03:38

« Je vous comprends, c’est vrai, d’être tentés de voter contre la crise. Et d’ailleurs, si c’était si simple et si on pouvait s’en débarrasser par un vote, pourquoi ne pas le faire ? Malheureusement, il n’est pas plus efficace de voter contre la crise que de voter contre la maladie. La crise se moque des bulletins de vote. La crise est comme l’épidémie, elle nous vient du dehors. Si nous voulons la guérir, il faut bien choisir le médecin. Et si nous pensons nous en débarrasser par la facilité, l’économie se vengera, et elle se vengera sur vous. » (Valéry Giscard d’Estaing, le 27 janvier 1978 à Verdun-sur-le-Doubs).



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Quand on relit ce discours d’il y a plus de quarante-deux ans, quelques semaines avant des élections législatives très serrées, d’un des premiers de la classe de la France d’avant-hier, on se surprend à y voir quelques clefs d’actualité. On ne peut pas voter contre la maladie, on ne peut pas voter contre la crise. Il était très rigoureux dans le choix des mots et quand il disait : « L’application d’un programme collectiviste aggraverait la coupure de la France, en déclenchant de profondes divisions et en suscitant de rancunes durables », on a presque l’impression qu’il utilisait le mot "application" dans le sens moderne du terme, application de smartphone (StopProgrammeCommun).

Ce fort en thème, Valéry Giscard d’Estaing, aurait été consulté par son lointain successeur Emmanuel Macron sur la suite à donner à son quinquennat à l’issue de la grave crise sanitaire qui a bouleversé la planète entière. Il semblerait que Valéry Giscard d’Estaing (94 ans) colle au mimétisme politique du sage Antoine Pinay jusque dans ces consultations discrètes. Nicolas Sarkozy aurait aussi été consulté et ne se serait pas privé de lui donner quelques conseils et même quelques retours d’expérience comme celui-ci : « Quand tu nommes ton Premier Ministre, il te déteste au bout de six mois. Si tu le vires, il te déteste encore plus. Et le nouveau te déteste au bout de six mois aussi ! ».

C’était une indiscrétion publiée dans l’article de Nathalie Schuck dans "Le Point" le 15 mai 2020 qui a aussi cité un proche de l’Élysée qui aurait dit : « Le Président est décidé à se séparer d’Édouard Philippe, et ça se passera très bien. Il vise la première quinzaine de juillet, de façon à avoir le nouveau Premier Ministre à ses côtés à la tribune du défilé du 14 juillet, avant un grand discours au Congrès. ». Il m’avait semblé que le défilé était justement annulé pour cause de crise sanitaire.

Se séparer du Premier Ministre Édouard Philippe entre le 28 juin 2020 (second tour les élections municipales) et le 14 juillet 2020, serait ainsi "acté", afin d’amorcer son "acte III" du quinquennat, le dernier. C’est un vocabulaire très "journaliste", comme le mot "séquence" (à l’évidence, on a quitté la séquence du conoravirus et on est à la séquence terrasses et vacances afin d’encourager la consommation).

L’idée de changer de Premier Ministre est tellement dans les esprits depuis plusieurs semaines que l’information selon laquelle la cote de popularité d’Édouard Philippe grimpe alors que celle d’Emmanuel Macron stagne serait une raison supplémentaire pour changer le locataire de Matignon. Je dirais précisément l’inverse, que ce serait justement une raison pour le garder.

Je ne sais pas qui, des journalistes "au courant" ou des conseillers à l’Élysée (prêts à tester, à sonder des hypothèses), sont à l’origine de cette idée, mais elle me paraît très loufoque et peu caractéristique d’un sens politique. Au contraire, le fait d’avoir un Premier Ministre populaire est un atout exceptionnel dans la situation actuelle, de crise économique profonde et de dépassement massif des objectifs budgétaires, de crise sociale, etc. Et pour ainsi dire, c’est même son seul atout.

En effet, le problème d’Emmanuel Macron est d’avoir eu derrière lui trop peu de poids lourds politiques et trop de "société civile" (comme on dit). En situation normale et calme, cela aurait pu "tenir", mais en période de tempête voire de crise grave, cela ne pouvait pas tenir. On l’a vu pour la crise des gilets jaunes, on le voit encore pour la crise sanitaire : seuls, les ministres politiques ont tenu la route. Ainsi, au-delà d’Édouard Philippe, pour la crise sanitaire actuelle, Olivier Véran, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Marc Fesneau, et même Christophe Castaner ont tenu la route. En revanche, c’était beaucoup moins le cas avec Florence Parly (la gestion du "Charles-De Gaulle"), Nicole Belloubet, Élisabeth Borne, etc.

Il peut y avoir une secrète jalousie d’être tiré dans les sondages par un Premier Ministre populaire mais en fait, pour le Président de la République, c’est plutôt une grande chance, car cela lui permet de proposer un plan de relance et de reconstruction plus crédible et plus apprécié. Ce n’est pas nouveau que le Premier Ministre soit plus populaire que le Président de la République. Et c’est normal quand on considère que le chef de l’État est le seul responsable devant les Français (hors cohabitation). Ainsi, Manuel Valls avec François Hollande, François Fillon avec Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin avec Jacques Chirac, Michel Rocard et Laurent Fabius avec François Mitterrand

En vérité, renvoyer Édouard Philippe serait une grande injustice pour lui qui a géré avec dynamisme et sérieux la crise sanitaire et économique. Il a fallu penser à toute la vie sociale et économique du pays pour faire le confinement, puis, plus dur, le déconfinement, accompagner par des mesures économiques et sociales pour éviter que des pans entiers de la société ne s’effondre. Par exemple, la prise en charge du chômage partiel est absolument unique au monde et a fait, provisoirement, de la France le premier employeur au monde, on est loin du supposé libéralisme ! Sur tous les fronts, Édouard Philippe est présent et déjà que la fonction de Premier Ministre était épuisante en période ordinaire, elle doit être, en ce moment, archihyperépuisante. On doute qu’une personnalité, aussi valable que Jean-Yves Le Drian, à son âge, ait pu agir avec une même efficacité pendant cette crise et, dans un futur proche, dans un plan de relance qui sera également difficile à négocier. L’hypothèse Le Drian donnerait une ambiance de fin de règne comme ce fut le cas avec la nomination de Maurice Couve de Murville à Matignon en juillet 1968.

Certes, il n’y a jamais eu de justice pour le Premier Ministre sous la Cinquième République, emploi particulièrement éphémère (au statut d’intermittent du spectacle !). Georges Pompidou, à l’origine de la grande victoire gaulliste aux élections législatives de juin 1968, a été remercié quelques jours plus tard. Jacques Chaban-Delmas également alors qu’il venait de recueillir la confiance des députés. Michel Rocard, au sommet de sa popularité, a été également renvoyé comme un vulgaire domestique.

Le problème de l’Élysée, c’est qu’il y a peu de remplaçants vraiment crédibles qui serviraient ce fameux troisième acte du quinquennat. Bien sûr, le premier auquel on pense est Bruno Le Maire qui a beaucoup bossé pour rendre le confinement le plus économiquement viable possible. Mais ce serait faire entrer le loup dans la bergerie, un peu comme nommer Manuel Valls en avril 2014, ce qui a abouti à l’incapacité du Président à se représenter une nouvelle fois. Ce précédent doit évident servir de leçon. Faut-il mettre à Matignon un homme qui ne pense qu’à être candidat à l’élection présidentielle depuis dix ans ?

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Édouard Philippe a l’avantage de la loyauté et de l’absence d’ambition présidentielle, un peu comme Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai, les ambitions présidentielles naissent beaucoup à Matignon (Georges Pompidou, Pierre Messmer, Raymond Barre, Édouard Balladur), mais qui, des Premiers Ministres ou anciens Premiers Ministres, ont été élus Présidents ? À part Georges Pompidou (la succession de De Gaulle était exceptionnelle) et Jacques Chirac (animal politique fait pour être candidat), personne, tous les autres ont échoué. Bruno Le Maire existait politiquement avant Emmanuel Macron, la preuve, c’était qu’il était même candidat à la candidature à l’élection présidentielle, tandis qu’Édouard Philippe, bien que présent dans la vie politique depuis une vingtaine d’années, n’a été connu du grand public et donc, n’existe politiquement que par la grâce d’Emmanuel Macron. Cela donne un lien plus fort de loyauté.

Ce serait une erreur de se débarrasser d’Édouard Philippe car il est l’homme idéal pour gérer la crise sociale grave qui va probablement arriver à la rentrée 2020. Au-delà de son intelligence vive et de sa combativité, il a la rigueur de choisir ses mots avec beaucoup de précaution pour éviter toute polémique inutile. Son expérience confortée par sa popularité en fait un homme incontournable pour Emmanuel Macron.

Le plus amusant, c’est évidemment la publication, par l’hebdomadaire "Marianne", le 5 juin 2020, d’une note confidentielle de Gilles Le Gendre, président du groupe LREM à l’Assemblée Nationale. On savait que Gilles Le Gendre n’était pas un grand politique, mais on peut s’étonner quand même d’une si grande naïveté, ne serait-ce que d’avoir couché par écrit des réflexions qui n’auraient jamais dû être que prononcer entre quatre yeux un soir après le travail.

Et que dit cette note ? D’abord, il a tiré sur Édouard Philippe dont le tort serait de ne pas avoir fait son boulot de président du groupe majoritaire, à savoir, faire la discipline dans ses rangs. On se demande d’ailleurs comment Gilles Le Gendre pourrait rester à son poste, car il a écrit qu’aucun membre de son groupe n’était capable d’occuper Matignon, les députés apprécieront ! Il a prévu son issue de secours puisqu’il s’est lui-même proposé (on n’est jamais mieux servi que par soi-même) pour le Ministère des Relations avec le Parlement. Que son titulaire actuel, Marc Fesneau, qui n’a pas démérité, ne s’inquiète pas puisqu’il l’a proposé au Ministère de l’Agriculture après l’avoir évoqué comme hypothèse à Matignon au même titre que Jean-Yves Le Drian, Olivier Véran, Didier Guillaume et même Jean Rottner, médecin urgentiste qui est président du conseil régional du Grand-Est et qui était sur le pont pendant la crise du coronavirus. François Bayrou et Richard Ferrand sont aussi évoqués pour Matignon (mais pas dans cette note du chef des députés LREM), mais leur mise en examen respective les empêche de réellement concourir.

Mais la seule hypothèse vraiment soutenue par Gilles Le Genre pour succéder à Édouard Philippe est Bruno Le Maire malgré, selon lui, son manque de charisme. Apparemment, et cela n’apparaît pas dans la note du député de Paris, l’une des hypothèse pour nommer une femme à Matignon serait …Nathalie Kosciusko-Morizet, très appréciée par les députés LREM et qui a fait un petit retour en février 2020 à l’Assemblée Nationale. Il faut rappeler que NKM a été battue aux législatives de juin 2017 à Paris par un certain …Gilles Le Gendre !

Ce dernier a plus d’un tour dans son sac et même s’il ne se voit pas à Matignon, il est prêt à proposer tout un gouvernement : Manuel Valls aux Affaires étrangères, Christophe Castaner aux Armées, Jean-Yves Le Drian à l’Intérieur, Anne Pannier-Runacher au Budget, Florence Parly au Travail, Gérard Darmanin aux Affaires sociales, etc.

Ce qui est troublant et très significatif, c’est que, dans cette note, Gilles Le Gendre ne s’occupe que de politique politicienne, du choix des hommes, et rien sur le choix de la politique suivie, de l’orientation économique, sociale et fiscale du troisième acte du quinquennat. En général, on choisit les hommes après les orientations politiques. Dans tous les cas, la position de Gilles Le Gendre, déjà contestée comme président de groupe parmi les députés LREM, va être difficile à tenir tant il a envoyé de scuds à ses nombreux petits camarades de parti.

À moins, bien sûr, que cette fuite n’ait été programmée par l’Élysée pour tester les différentes options et en particulier, l’éviction d’Édouard Philippe qui pourrait avoir comme point de chute et lot de consolation "sa" mairie du Havre. Et pourtant, sa victoire au Havre est loin d’être garantie.

En effet, au soir du premier tour du 15 mars 2020, la liste menée par Édouard Philippe n’a obtenu que 43,6% des voix (en mars 2014, il avait gagné dès le premier tour avec 52,0% des voix), et s’il n’aura qu’un seul adversaire, la liste de gauche menée par le député communiste Jean-Paul Lecoq qui a eu 35,9% des voix, le Premier Ministre n’a aucune réserve de voix alors que son concurrent pourrait récupérer les électeurs de la liste écologiste menée par Alexis Deck (8,3% des voix). Les électeurs de RN (seulement 7,3%) seront peut-être les arbitres… mais comme dans toutes les grandes villes, si le taux d’abstention au second tour est nettement moindre qu’au premier tour (il était alors très élevé avec 60,4% au Havre), toutes les cartes seront redistribuées et aucune surprise ne sera à exclure…

En tout cas, se séparer d’Édouard Philippe, ce serait surtout le jeter dans une démarche de candidature à l’élection présidentielle en 2022 qui pourrait être l’option rêvée pour le courant européen, social et démocrate, bref, anti-populiste, capable de rassembler au-delà de la majorité présidentielle jusque dans les rangs de LR dont il est issu. Le 7 juin 2020, le maire LR de Troyes et ancien ministre François Baroin, présidentiable, a d’ailleurs indiqué qu’il dirait cet automne s’il comptait "y aller" ou pas, à l’élection présidentielle de 2022. Nul doute que l’automne 2020 va cristalliser le paysage de la prochaine élection présidentielle, et probablement aussi le paysage sociale de la France d’après-coronavirus.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 juin 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Édouard Philippe, le grand atout d’Emmanuel Macron.
Annonce du second tour des élections municipales pour le 28 jun 2020 (22 mai 2020).
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le 28 avril 2020 à l’Assemblée Nationale (texte intégral).
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Coronavirus : bravo au gouvernement français pour sa réactivité économique et sociale !
Vous avez dit motion de censure ?
Article 49 alinéa 3 : le coronavirus avant la réforme des retraites ?
Retraites : Discours de la non-méthode.
Les deux projets de loi (ordinaire et organique) sur la réforme des retraites publiés le 24 janvier 2020 et leur étude d’impact (à télécharger).
Avis du Conseil d’État sur la réforme des retraites publié le 24 janvier 2020 (à télécharger).
Retraites : semaine de Sisyphe !
Édouard Philippe sur les retraites : déterminé mais pas fermé.
Les détails du projet de retraite universelle par points annoncé par Édouard Philippe le 11 décembre 2019.
Discours d’Édouard Philippe le 11 décembre 2019 au CESE (texte intégral).
Discours d’Édouard Philippe le 12 septembre 2019 au CESE (texte intégral).
Édouard Philippe, vainqueur par défaut des gilets jaunes et des européennes ?
Séance de l’Assemblée Nationale du 12 juin 2019 : vote de confiance (texte intégral).
Discours de politique générale d’Édouard Philippe le 12 juin 2019 (texte intégral).
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et l’art d’être Français.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron du 25 avril 2019 (vidéo et texte intégral).
Édouard Philippe, l’étoffe d’un homme d’État ?
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 28 septembre 2017.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200607-edouard-philippe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/edouard-philippe-le-grand-atout-d-224991

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10 mai 2020 7 10 /05 /mai /2020 19:46

Le plan de déconfinement permet de se déplacer normalement sans attestation, à l'exception de deux types de déplacement : le déplacement à plus de 100 kilomètres de son domicile et le déplacement dans les transports en commun en région parisienne entre 06h30 et 09h30 et entre 16h00 et 19h00. Les voici en téléchargement.

Cliquer sur le lien pour télécharger l'attestation correspondante (fichier .pdf).

Attestation de déplacement de plus de 100 kilomètres du domicile :
https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/11-05-2020-declaration-deplacement-fr-pdf.pdf

Attestation de déplacement professionnel en région parisienne à faire remplir par l'employeur :
https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/content/download/69388/451303/file/attestation%20professionnelle-PDF_VF.pdf

Attestation de déplacement personnel en région personnel pendant les heures de pointe :
https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/content/download/69382/451279/file/Auto-attestation_VF.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200511-covid-19.html

SR
http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20200511-attestations-deplacement.html


Précisions complémentaires...


Déplacements de plus de 100 kilomètres.

À partir du 11 mai 2020, la France rentre dans une période de déconfinement progressif. Celui-ci implique une modification des restrictions de déplacement en vigueur depuis le 17 mars.

La déclaration est exigée lorsque le déplacement conduit à la fois à sortir :
- d’un périmètre défini par un cercle d’un rayon de 100 km autour du lieu de résidence (la distance de 100 km est donc calculée «à vol d’oiseau»),
- du département.

Il n'est pas nécessaire de se munir de la déclaration :
- pour les déplacements de plus de 100 km effectués au sein de son département de résidence,
- pour les déplacements en dehors du département de résidence, dans la limite de 100km.


Déplacements en transports en communs dans la région parisienne pendant les heures de pointe.

À partir du 11 mai 2020 et dans le cadre du déconfinement, une réglementation spécifique est prévue pour l’accès aux transports publics collectifs de la région Île-de-France et à leurs espaces attenants.

Compte tenu des conditions d’affluence constatées ou prévisibles aux heures de pointe, cette réglementation vise à faire respecter les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites mesures barrières.

Ainsi, entre 6h30 et 9h30 et entre 16h00 et 19h00, cet accès est réservé aux personnes se déplaçant pour l’un des motifs suivants :

    1 - trajets entre le lieu de résidence et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle, et déplacements professionnels insusceptibles d’être différés;
    2 - trajets entre le lieu de résidence et l’établissement scolaire effectué par une personne qui y est scolarisée ou qui accompagne une personne scolarisée et trajets nécessaires pour se rendre à des examens ou des concours ;
    3 - déplacements pour consultations et soins spécialisés ne pouvant être assurés à distance ou à proximité du domicile ;
    4 - déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance des personnes vulnérables et pour la garde d’enfants ;
    5 - déplacements résultant d’une obligation de présentation aux services de police ou de gendarmerie nationales ou à tout autre service ou professionnel, imposée par l’autorité de police administrative ou l’autorité judiciaire ;
    6 - déplacements résultant d’une convocation émanant d’une juridiction administrative ou de l’autorité judiciaire ;
    7 - déplacements aux seules fins de participer à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative et dans les conditions qu’elle précise.

L’accès n’est pas réglementé pour les agents des exploitants des services de transports ou mandatés par lui et aux agents chargés de contrôler le respect des règles qui s’y appliquent.

Les personnes souhaitant se déplacer au cours de ces tranches horaires pour les motifs 2 à 7 ci-dessus doivent se munir d’une attestation leur permettant de justifier leur déplacement.

Cette attestation est également utilisable pour les déplacements professionnels relevant du motif 1 ci-dessus, dès lors que vous n’êtes pas salarié (statut d'auto-entrepreneur par exemple).

En revanche si vous êtes salarié, le justificatif pour les déplacements professionnels relevant du motif 1 ci-dessus doit être établie par votre employeur.

Pour les déplacements récurrents répondant aux motifs 1 et 2 (déplacements professionnels et scolaires), les attestations peuvent être définies pour la durée d’état d’urgence sanitaire, sauf évolution de la situation sanitaire.

A défaut de présentation de ces justificatifs, l’accès est refusé et les personnes sont reconduites à l’extérieur des espaces de transports publics collectifs concernés. Ces personnes s’exposent également à une contravention dont les modalités sont fixées par le code de la santé publique.

Les 11 et 12 mai, les contrôles de ces justificatifs sont effectués à titre pédagogique, afin de permettre l’appropriation de ces nouvelles règles par les usagers des transports et les employeurs.


 

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7 mai 2020 4 07 /05 /mai /2020 17:30

(verbatim)


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200511-covid-19.html



Conférence de presse du Premier Ministre Édouard Philippe
le jeudi 7 mai 2020 à 16 heures à Matignon

Mesdames et Messieurs,

Ce matin, lors du Conseil de Défense, le Président de la République l’a confirmé, au vu des résultats sanitaires enregistrés ces derniers jours, la levée progressive du confinement peut être engagée ce lundi 11 mai. C’est une nouvelle étape dans la lutte contre l’épidémie, une bonne nouvelle pour la France et les Français.

Nous allons donc débuter lundi prochain un processus très progressif, au minimum sur plusieurs semaines, qui va permettre au pays de sortir doucement mais sûrement du confinement que nous connaissons, en France comme d’ailleurs dans une très grande partie des pays du monde, depuis le 17 mars.

L’esprit dans lequel nous travaillons, vous le connaissez : nous cherchons en permanence le bon équilibre entre l’indispensable reprise de la vie normale, familiale, économique, culturelle, sanitaire et sociale, et l’indispensable respect de toutes les précautions qui empêchent l’épidémie de repartir et qui protègent les Français. C’est un équilibre qu’il nous faut tenir. Ce n’est pas une des priorités qui doit prévaloir sur l’autre, c’est un équilibre. C’est donc un chemin de crête.

Notre méthode, vous la connaissez également. J’ai demandé à M. Jean Castex, qui est à la fois un haut fonctionnaire et le maire d’une commune qui se trouve dans les Pyrénées-Orientales, d’élaborer une stratégie, très concrète, en associant tous les acteurs, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les scientifiques. Son rapport définitif a été validé ce matin par le Président de la République en Conseil de Défense. Il sera rendu public dans les jours qui viennent. Il est fondé sur une stratégie que j’ai présentée dès le 28 avril dernier à l’Assemblée nationale. D’abord parce qu’il était nécessaire de prendre l’avis du Parlement. Ensuite, parce que présenter tôt cette stratégie permettait de la confronter aux réalités de terrain et aussi de laisser aux acteurs locaux le temps de se préparer au déconfinement.

Nous y sommes. Il y a aujourd’hui une bonne nouvelle et une moins bonne nouvelle. La bonne nouvelle, c’est que nous sommes en mesure de valider le déconfinement sur l’ensemble du territoire métropolitain. La moins bonne nouvelle, c’est que certains départements ont des résultats moins bons qu’espérés.

La carte de France que va vous présenter le ministre des Solidarités et de la Santé dans quelques instants est très claire : le pays est divisé en deux. Dans la majeure partie du pays, nous avons réussi à freiner la vague épidémique, nous avons retrouvé des marges de manœuvre à l’hôpital et nous sommes prêts pour les tests. C’est ce qu’on appelle les départements verts. S’ils se maintiennent en vert les trois prochaines semaines, nous pourrons, au tout début du mois de juin, envisager une nouvelle étape de déconfinement, avec peut-être l’ouverture des lycées, des cafés, des restaurants, bien sûr dans la mesure où les conditions sanitaires le permettraient.

Dans d’autres départements, le virus circule encore activement, ou l’hôpital reste en forte tension. C’est ce qu’on appelle les départements rouges. Le déconfinement y est possible, avec certaines restrictions : pas d’ouverture des collèges, pas d’ouverture des parcs et jardins.

Dans ces départements rouges, il faut faire mention de deux situations particulières : Mayotte et la région Ile-de-France. À Mayotte, le nombre de cas est faible, mais il est en augmentation. En Ile-de-France, le nombre de cas baisse sûrement, lentement, mais il reste élevé, plus élevé que ce que nous espérions. Voilà pourquoi, dans ces deux territoires, nous allons devoir faire preuve d’une vigilance particulière.

À Mayotte, nous avons décidé de retarder le déconfinement, pour nous donner tous les moyens de maîtriser l’épidémie. En Ile-de-France, compte tenu de la tendance qui reste bien orientée, nous pouvons déconfiner. Mais le fait qu’il reste du virus en circulation, que cette région évidemment est très dense, très peuplée, que les échanges y sont nombreux, nous impose une discipline renforcée. Les ministres vont détailler cette discipline. Je veux pour ma part insister sur deux points.

Dans cette épidémie, nous faisons tout pour protéger les plus vulnérables : les personnes âgées, les personnes malades de pathologies comme l’obésité, le diabète, les insuffisances respiratoires. Nous l’avons dit, le Président de la République l’a précisé, et nous ne reviendrons pas là-dessus : il n’y a aura pas de confinement obligatoire pour les personnes vulnérables après le 11 mai, même en Ile-de-France. Mais je veux dire à toutes les personnes qui se savent vulnérables – soit par raison de leur âge, soit à raison des pathologies que je viens d’indiquer, soit parce qu’ils sont âgés et en plus souffrent de ces pathologies : continuez, pour votre sécurité et celle des autres, à observer dans toute la mesure du possible, de façon volontaire, les règles de prudence très strictes qui ressemblent à celles des deux derniers mois. Nous faisons confiance aux personnes qui se savent vulnérables pour se protéger. Il ne s’agit pas d’ordonner, il s’agit de leur dire, de vous dire qu’il vous revient d’être prudents lorsque vous sortez, ou lorsque vous recevez chez vous votre famille ou vos amis, prenez les précautions qui sont nécessaires pour faire en sorte de vous protéger et de protéger les autres.

Le deuxième point important en Ile-de-France sur lequel je veux insister concerne les transports, et notamment les transports en commun. Ils sont essentiels et ils ne seront pas fermés, ils n’ont d’ailleurs jamais fermé. Mais nous allons, au moins les trois premières semaines, imposer des règles très strictes pour éviter qu’ils ne se transforment en vecteur de diffusion de l’épidémie. Je n’exclus pas d’ailleurs que nous décidions des mesures supplémentaires si les mesures de distanciation physique n’étaient pas suffisamment respectées et si la situation ne s’améliorait pas.

Je vous l’ai dit à plusieurs reprises, l’objectif, pas seulement celui du Gouvernement, mais de tous les Français est de faire en sorte que nous puissions vivre avec ce virus. Apprendre à nous en protéger parce que aussi longtemps que nous n’aurons ni vaccins, ni traitements, ni immunité collective, la seule façon de vivre est de nous en protéger, en respectant scrupuleusement l’ensemble des mesures de distanciation physique, d’hygiène, de protection qui sont en permanence rappelées.

Je vais maintenant passer la parole aux membres du Gouvernement qui m’entourent et qui sont en première ligne dans la préparation et la mise en œuvre de notre stratégie pour qu’ils puissent, chacun dans leur domaine, préciser un certain nombre d’éléments.

(MINISTRES)

Nous sommes le 7 mai. Il nous reste un peu plus de trois jours pour arriver au 11 mai et continuer à nous préparer.

Lundi prochain sera le premier jour d’une phase nouvelle, d’un redémarrage de notre vie sociale. Ce ne sera pas une vie totalement normale – l’ensemble des membres du Gouvernement qui s’est exprimé aujourd’hui l’a dit clairement – mais ce sera le début de cette nouvelle phase. Elle demandera de la part de chacun des Françaises et des Français de la discipline et de la responsabilité, le 11 mai, mais aussi le 12, le 13 et tous les jours suivants… C’est dans la durée que nous réussirons à maîtriser la circulation du virus et l’épidémie.

Je suis confiant sur le fait que nous saurons faire preuve collectivement de cette discipline et de cette responsabilité. Le déconfinement progressif ne doit pas être le signe ou la marque du relâchement de notre vigilance. Nous allons aborder les jours et les semaines qui viennent avec pragmatisme, en continuant tout au long du mois de mai à adapter notre plan aux retours du terrain, à poursuivre le dialogue avec les élus locaux, à apprendre d’éventuelles difficultés qui se feraient sentir.

Je voudrais remercier très chaleureusement très chaleureusement tous ceux qui contribuent à préparer cette journée du 11 mai et cette phase qui va débuter lundi prochain : les maires, bien entendu puisque nous les avons placés au cœur des opérations de déconfinement, les préfets, les entreprises, l’ensemble des élus locaux, les Agences régionales de Santé, les fonctionnaires de l’État : tous ceux qui, à leur place, en fonction de leurs responsabilités, contribuent à nous préparer et à permettre ce déconfinement.

Dans trois semaines, à la fin du mois de mai, nous saurons précisément où nous en sommes. Nous saurons si oui ou non nous avons réussi à contenir l’épidémie. Nous saurons tout cela au rythme des contaminations et des entrées à l’hôpital et en réanimation que nous allons évidemment surveiller avec une immense attention. Si ces chiffres restent bas, nous pourrons nous en féliciter et passer à une nouvelle phase, élargissant nos espaces de liberté dans de nombreux domaines particulièrement importants pour l’été qui vient. Si cela n’est pas le cas, nous en tirerons les conséquences et nous nous adapterons. Je souhaite évidemment à tout prix éviter cette hypothèse mais il ne serait pas sérieux et raisonnable de ne pas l’évoquer.

Lundi je pense que beaucoup de Françaises et de Français serons heureux de retrouver un peu de la liberté qui leur a tant manquée pendant ces longues semaines de confinement, un peu de l’espace qui leur a manqué, un peu de la nature qui leur a manqué lorsqu’ils étaient confinés dans des appartements des grands centres urbains. Je pense que beaucoup de nos concitoyens auront à cœur d’utiliser cette liberté tout en ayant conscience de la nécessité de faire preuve d’une grande vigilance.

L’ensemble des mesures qui ont été présentées, qui seront rappelées dans le plan que j’évoquais tout l’heure et qui sera publié sont des mesures parfois très directives et parfois appellent, dans l'hypothèse où elles ne seraient pas respectées, des sanctions.

Mais comme j’ai eu l'occasion de le dire plusieurs fois, beaucoup plus que la règle, que la possibilité de sanctionner le non-respect à cette règle, c’est l'esprit de la règle qui compte. C’est le fait que nous devons en permanence pour l’équilibre entre la sécurité sanitaire qui est importante et décisive, et la reprise de notre vie. Cet équilibre ne peut être atteint qui si nous nous faisons confiance les uns les autres, si nous avons tous compris ce dont il s’agissait et je veux dire qu’en la matière j’ai confiance.

Je vous remercie.

Édouard Philippe, le 7 mai 2020 à Paris.


Source : gouvernement.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20200507-discours-edouard-philippe.html

 

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28 avril 2020 2 28 /04 /avril /2020 17:29

« J’ai été frappé, depuis le début de cette crise, par le nombre de commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire selon eux à chaque instant. La modernité les a souvent fait passer du café du commerce à certains plateaux de télévision. Les courbes d’audience y gagnent ce que la convivialité des bistrots y perd, mais cela ne grandit pas, je le crains, le débat public. » (Édouard Philippe, le 28 avril 2020 devant l’hémicycle de l’Assemblée Nationale).



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Le calendrier public est désormais suspendu à quelques déclarations très importantes du Président de la République et du Premier Ministre. Celle du Premier Ministre Édouard Philippe qu’il a prononcée devant les députés ce mardi 28 avril 2020 (lire le texte intégral ici) était très attendue, attendue depuis l’allocution télévisée du Président Emmanuel Macron du 13 avril 2020, puisqu’il s’agissait de donner le cadre de la stratégie de déconfinement du gouvernement, ou plutôt, soyons précis, de la levée du confinement.

Ce discours d’environ une heure a donné un cadre général pour reprendre progressivement les activités normales de la nation. On pourra toujours contester beaucoup de choses au gouvernement mais certainement pas sa bonne volonté. Il a dû prendre des décisions qui, de toute façon, n’ont jamais été simples puisqu’il fallait trouver le juste équilibre entre la sécurité sanitaire des Français (insistons : préserver la vie des Français et en particulier, des plus faibles, ceux qui peuvent mourir du covid-19) et le maintien de l’activité économique (protéger la vie sociale et économique, et en particulier celle des moins favorisés) : « La France traverse un de ces moments où ceux qui l’aiment et la servent doivent être à la hauteur. Nous devons protéger les Français sans immobiliser la France au point qu’elle s’effondrerait. C’est une ligne de crête délicate qu’il nous faut suivre. Un peu trop d’insouciance et c’est l’épidémie qui repart ; un peu trop de prudence et c’est l’ensemble du pays qui s’enfonce. ».

La décision de la levée du confinement, sa date, le 11 mai 2020 (qui pourrait être remise en cause le cas échéant), c’est une décision foncièrement politique. Ce n’est ni sanitaire, ni économique, elle est politique. Parce que le sanitaire pourrait proposer de maintenir la France sous confinement jusqu’en septembre, mais ce serait l’asphyxie. Et les acteurs économiques pourraient au contraire se moquer des considérations sanitaires, du moment que les affaires reprennent. Le politique, le politique au sens le plus noble du terme, c’est de prendre une décision dans l’intérêt général. J’aurais personnellement trouvé que le 11 mai 2020 était trop tôt, vu le plateau dans lequel la France se trouve, mais il faut être clair, le 11 juin 2020 aurait été aussi difficile pour lever le confinement. Il n’y a pas de mesure simple dans cette situation. Du reste, les autres pays européens qui se sont retrouvés au même niveau de l’épidémie prennent des dispositions similaires aux mêmes dates.

La date du 11 mai 2020 peut, en effet, être remise en cause : « Nous préparons le 11 mai en surveillant tous les indicateurs pour nous assurer, département par département, que les opérations pourront bien être lancées à cette date. (…) Je le dis aux Français : si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai ou nous le ferons plus strictement. (…) Je le dis avec solennité devant la représentation nationale : ces incertitudes doivent inciter les Français à la plus grande discipline d’ici le 11 mai et à la lutte contre les risques de relâchement que nous sentons parfois monter dans le pays. ».

Décision politique, donc. Le plan du gouvernement a été de l’annoncer aux parlementaires, à l’Assemblée Nationale le 28 avril 2020 et au Sénat le 29 avril 2020. Qui s’en plaindrait ? Selon l’article 50-1 de la Constitution, cette déclaration est suivie d’un vote. Mais le plan de levée du confinement est presque entièrement d’ordre réglementaire et ne nécessite pas une loi. Édouard Philippe a ainsi insisté : il aurait pu présenter son plan à la télévision, directement aux Français. Mais il a voulu impliquer les parlementaires, et leur vote les oblige aussi. Il ne s’agit pas de commenter, mais d’agir, de prendre part à la décision, que le parlementaire soit pour, contre ou s’abstienne, ce vote est, lui aussi, foncièrement politique.

Ne pas laisser les réseaux sociaux s’emparer du débat public et redonner l’initiative aux parlementaires, c’est le but, également, de cette déclaration du Premier Ministre : « En ces temps de démocratie médiatique, de réseaux pas très sociaux mais très colériques, d’immédiateté nerveuse, il est sans aucun doute utile de rappeler que les représentants du peuple siègent, délibèrent et se prononcent sur toutes les questions d’intérêt national. (…) Dire ici plutôt qu’ailleurs ce que je viens de dire répond à la volonté du gouvernement de montrer qu’en dépit de l’état d’urgence sanitaire, en dépit des difficultés évidentes à exercer ses mandats dans une période de confinement, la démocratie parlementaire reste vivante, exigeante, parfois bruyante, mais indispensable toujours. (…) Les députés ne commentent pas, ils votent et, ce faisant, ils prennent des positions politiques. C’est votre honneur, c’est votre mission. ».

Je rappelle que le confinement, qui a été adopté dans la moitié de la population mondiale (ce n’est donc pas une spécificité franco-française), avait pour but de freiner l’épidémie et d’éviter la saturation des services de réanimation. En ce sens, cette stratégie a atteint son objectif en France puisque le pic du 8 avril 2020 dans les services de réanimation a eu lieu sans saturation complète.

La levée du confinement est donc la suite logique, avec cette difficulté qu’il ne s’agit pas de réamorcer l’épidémie à un niveau tel que les services de réanimation, encore sous tension bien que non saturés, ne puissent pas absorber une éventuelle seconde vague : « Le risque d’une seconde vague, qui viendrait frapper un tissu hospitalier fragilisé, qui imposerait un re-confinement, lequel ruinerait les efforts et les sacrifices consentis au cours de ces huit semaines, est un risque sérieux, un risque qu’il faut prendre au sérieux. Ce risque impose de procéder avec prudence, progressivement, sûrement, en reprenant notre vie selon des modalités qui permettent, semaine après semaine, de vérifier que nous maîtrisons le rythme de circulation du virus. ».

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Sur le fond du plan, il m’a semblé qu’il était particulièrement réfléchi et reprend en fait la philosophie générale du président du conseil scientifique Jean-François Delfraissy : c’est la responsabilité individuelle qui, ici, est l’essentiel. Chaque acte de chaque citoyen aura une conséquence sur l’ensemble de la collectivité. C’est donc un appel au civisme.

Rétablissons d’abord une vérité. Contrairement à ce qu’on a voulu faire croire, Emmanuel Macron n’a jamais voulu obliger le maintien du confinement des personnes âgées après le 11 mai 2020. Dans son allocution télévisée du 13 avril 2020, il ne faisait que répéter celle du 12 mars 2020, c’était une recommandation, pas une obligation : « Pour leur protection, nous demanderons aux personnes les plus vulnérables, aux personnes âgées, en situation de handicap sévère, aux personnes atteintes de maladies chroniques, de rester même après le 11 mai confinées, tout au moins dans un premier temps. ». Deux jours plus tard, l’Élysée a fait un communiqué pour clarifier cet aspect de l’allocution : il ne s’agissait pas d’une obligation mais d’une recommandation. Du reste, d’un point de vue constitutionnel, il aurait été juridiquement impossible de confiner une population en raison de son âge ou de sa situation de santé, cela serait une discrimination parfaitement interdite par la Constitution et le bloc de constitutionnalité. En outre, l’application d’une telle mesure aurait été impossible : aurait-il fallu appliquer une sorte de macaron sur la figure pour savoir si on pouvait sortir ou pas ?

Le discours d’Édouard Philippe s’est divisé en deux parties : la première sur les mesures sanitaires, la seconde sur la manière de lever le confinement.

Dans la première partie, trois sous-parties, les plus attendues d’un point de vue politique : les masques, les tests virologiques et l’isolement des porteurs du virus et des personnes contacts.

Il n’est pas un secret que la France a manqué de masques et de tests et Édouard Philippe a rappelé l’humilité à garder sur le sujet, tant sur la capacité d’acquérir ce matériel (production et importation) que sur les doctrines les concernant. On reparlera sans doute après la crise sanitaire de l’urgence à réindustrialiser la France. Mais pour le moment, il faut bien agir avec la réalité de la situation. La pénurie s’explique du reste par la très forte demande des 185 pays touchés par la pandémie. Édouard Philippe assume donc ses décisions précédentes qui ont visé à réserver tous les masques chirurgicaux et FPP2 aux personnels soignants. En revanche, il a annoncé que des masques "grand public" seront disponibles lors de la levée du confinement.

À ma connaissance, à part les transports en commun, le masque ne sera pas obligatoire pour le grand public. Il le sera pour ceux qui seront amenés à reprendre leur travail soit au contact avec du grand public (ou des élèves pour les enseignants) soit dans l’impossibilité de maintenir une distanciation physique (exemple, les coiffeurs). En revanche, les magasins pourront refuser l’entrée des clients qui ne porteraient pas de masque.

Les tests virologiques est le point sanitaire stratégique pour une levée de confinement. Édouard Philippe table sur une augmentation quotidienne maximale de 3 000 cas de contamination. L’idée est de tester tout l’entourage des personnes contaminées ainsi que les personnes à risques. Cela signifie un besoin de 700 000 tests sérologiques par semaine. C’est probablement cette force de frappe sur laquelle sera jugé le gouvernement le 11 mai 2020. Il a affirmé que la France sera prête avec cet objectif.

Enfin, le troisième volet sanitaire, c’est de demander aux personnes contaminées l’isolement pendant la durée de leur contamination (deux semaines). Soit en restant chez elles, et dans ce cas, les personnes qui vivent avec elles devront elles aussi être isolées, soit, solution plus efficace, en s’isolant dans des hôtels réquisitionnés par l’État. Là encore, il s’agit de responsabilité individuelle. En Chine, les personnes contaminées étaient isolées de force, on ne leur demandait pas leur avis.

Le retour progressif d’activité a été exposé pour trois grands domaines.

Le domaine scolaire : d’abord, crèches et écoles maternelles et élémentaires, avec aménagement pour qu’il n’y ait pas plus de 15 élèves en même temps dans la salle de classe, distanciation physique, pas de masque pour les élèves (cela peut même être dangereux pour les tout-petits), ensuite, rentrée progressive dans les collèges et les lycées (avec masque obligatoire pour les élèves et les enseignants). Les crèches seront limitées à 10 enfants, et dans les critères de priorité, outre la situation sociale, le fait d’être enfant de soignant ou d’enseignant, mais là encore, le gouvernement laissera gérer ces priorités par ceux qui ont à les gérer d’habitude.

Le deuxième point est le retour à l’activité professionnelle avec un encouragement à rester en télétravail quand c’est possible (cela concerne 7 millions d’employés). Dans ce point, le point le plus problématique est le transport en commun, avec masque obligatoire et obligation de distanciation physique (une place sur deux occupée). Ce qui laisse très dubitatif quand on connaît les rames bondées du métro parisien par exemple. Sont encouragés aussi les décalages des horaires pour ne pas engorger les transports, etc. Tous les commerces pourront rouvrir, sauf les restaurants, bistrots, etc. dont l’ouverture sera étudiée à la fin du mois de mai 2020. Les marchés sont tous autorisés à rouvrir sauf s’ils ne respectent pas les consignes de distanciation physique.

Enfin, le troisième point, crucial aussi, concerne plus généralement la vie sociale. Il est question d’autoriser les rassemblements de moins de 10 personnes. Les petits musées pourront rouvrir mais pas les gros. Les cinémas, théâtres, salles des fêtes, gros musées, etc. resteront fermés, ainsi que les églises, temples, synagogues, mosquées, etc. Les festivals et salons ne pourront pas rouvrir avant septembre, le sport collectif interdit jusqu’en septembre. Les plages resteront fermées jusqu’au 15 juin 2020. Les parcs et jardins publics seront ouverts seulement dans les départements où le virus a peu circulé.

Enfin, la seule mesure contraignante sera de ne pas se déplacer à plus de 100 kilomètres du domicile sauf pour raison professionnelle ou d’urgence familiale.

L’une des premières critiques de la classe politique à ce discours, c’est que le gouvernement ferait reposer toute la responsabilité sur les élus locaux. Mais il faut savoir : les élus locaux doivent-ils être impliqués ou pas ? À mon sens, leur connaissance du terrain est sans égal.

Édouard Philippe en appelle surtout à la responsabilité individuelle. Par exemple, il demande que le pont de l’Ascension (21 au 24 mai 2020) ne soit pas l’occasion d’un départ en week-end dans une destination éloignée. Cet appel est un pari sur l’intelligence des Français. Et une grande marque de confiance. Certains ont critiqué le gouvernement parce qu’il verbalisait ceux qui, en période de confinement, ne respectaient pas les consignes. A priori, à part probablement les déplacements de plus de 100 kilomètres, il n’y aura plus de contrôle mais il faudra rester "raisonnable". Faut-il être pessimiste ? Hélas, en Allemagne, le début de la levée du confinement a déjà abouti à quelques excès qui font redémarrer l’épidémie. Angela Merkel a demandé plus de responsabilité.

De toute façon, il n’y a pas d’autre option que de faire confiance aux citoyens, car dans tous les cas, si les citoyens n’adhéraient pas à ce plan de levée de confinement, ce plan échouerait. Tout va donc porter sur la capacité de la France à faire des tests virologiques en grand nombre. Et à pouvoir isoler les nouveaux porteurs du virus.

Épilogue : les députés ont approuvé le plan de levée du confinement présenté par Édouard Philippe par 368 voix contre 100, et 103 abstentions.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 avril 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le 28 avril 2020 à l’Assemblée Nationale (texte intégral).
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Coronavirus : bravo au gouvernement français pour sa réactivité économique et sociale !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 13 avril 2020 à la télévision (texte intégral).
Emmanuel Macron : plus humain et plus humble.
Confinement 2.0.
Attestation de déplacement dérogatoire obligatoire à chaque déplacement en France (à télécharger).
Le coronavirus Covid-19 expliqué aux enfants (plaquette à télécharger).
Tout savoir sur le covid-19 et les mesures de confinement en France (mis à jour).
Allocution du Président Emmanuel Macron le 16 mars 2020 à la télévision (texte intégral).
Toutes les mesures de restriction pour réduire la propagation du coronavirus en France (14 mars 2020).
Allocution du Président Emmanuel Macron le 12 mars 2020 au Palais de l’Élysée (texte intégral).
Les institutions à l’épreuve du coronavirus Covid-19.
La guerre contre le séparatisme islamiste engagée par Emmanuel Macron.
La 5e Conférence nationale du handicap le 11 février 2020 à Paris.
Emmanuel Macron et la France de 2020 en effervescence.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200428-deconfinement.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/le-deconfinement-selon-edouard-223749

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/04/27/38238290.html



 

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28 avril 2020 2 28 /04 /avril /2020 15:30

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200428-deconfinement.html





Séance du mardi 28 avril 2020
Présidence de M. Richard Ferrand


Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, suivie d’un débat et d’un vote

M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues (M. le président s’exprime debout. – Mmes et MM. les députés et membres du Gouvernement se lèvent pour l’écouter), prononçant ces mots : « La séance est ouverte », je dis aussi que la séance de ce jour est ouverte aux espoirs que nous partageons avec nos compatriotes et qu’elle est résolument tournée vers les lendemains heureux que chacun d’entre nous appelle de ses vœux.

Mes chers collègues, l’heure n’est pas en ces instants aux considérations secondaires, tant nous sentons, au plus profond de nous-mêmes, avec le peuple français, que nous traversons une épreuve qui marquera l’histoire de notre pays, l’histoire de l’Europe et celle du monde, avec son cortège de peurs, d’incertitudes et de doutes. En ces lieux empreints de l’histoire féconde et tourmentée de notre démocratie, nous savons tous combien nos valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité ont pu être à plusieurs reprises mises à rude épreuve. Cet hémicycle, où la nation est représentée, a vécu des guerres, des drames, des pandémies, des catastrophes naturelles, autant de moments saisissants qui obscurcissent l’horizon. Parfois, cette noirceur colore de nombreuses existences, face à la menace sournoise d’un virus silencieux qui a déjà arraché à la vie tant de femmes et d’hommes, de pères et de mères, de frères et de sœurs, d’amis et de camarades. Le doute et la peur viennent ébranler nos rationalités, tandis que l’optimisme, consubstantiel à la vie, conduit à s’accrocher à chaque espérance naissante. Dans ce moment où l’impatience est la traduction du désir de vivre, il nous faut admettre une part d’ignorance et de tâtonnements, il nous faut reconnaître que les plaies de cette crise s’annoncent profondes et que les mots ne suffiront pas pour les panser.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, vous savez que vous ne gouvernez pas un phénomène qui nous domine et nous savons, mes chers collègues, que la pandémie est plus forte que n’importe laquelle de nos lois. Nulle manifestation d’impuissance, disant cela, seulement la conscience d’être rappelé au tragique de toute histoire individuelle ou collective, qui rend dérisoire toute vanité.

Puisse, mes chers collègues, cet ébranlement général nous apprendre à aborder les sujets dans toute leur profonde complexité, et non dans leur apparente simplicité. Cette responsabilité, nous la devons aux Français, puisque nous sommes la représentation nationale. Vous n’êtes pas seulement soixante-quinze députés dans cet hémicycle – un effectif exceptionnellement réduit afin de respecter les recommandations sanitaires. Je salue, bien entendu, tous nos collègues dont l’absence physique ne doit pas masquer le travail actif et la présence à distance. Vous n’êtes pas seulement soixante-quinze députés, vous représentez la République, dans sa riche diversité, avec ses sensibilités et ses conceptions politiques différentes. Vous n’êtes pas seulement soixante-quinze députés, vous portez l’attente et l’espérance de millions de Français qui nous regardent aujourd’hui, car l’histoire qui nous convoque est celle de la vie quotidienne de chacun et de notre destin collectif. Cette responsabilité, nous la devons aussi à tous ceux dont l’énergie et le courage forcent notre admiration : les soignants, les forces de sécurité et de secours, les fonctionnaires, les paysans, les ouvriers, les salariés, les parents, ainsi que les élus de tous les territoires, qui nous rappellent chaque jour que la France est diverse et que de généreuses initiatives solidaires font de la fraternité un ciment national face à la tempête et donne corps à ce mot de notre devise nationale.

Monsieur le Premier ministre, vous témoignez à l’Assemblée nationale un profond respect en choisissant de vous exprimer d’abord depuis cette tribune. Vous recevrez l’écoute attentive d’une assemblée habitée certes par l’esprit de concorde qu’impose le contexte national, mais aussi par la différence qui fonde notre démocratie. Nul doute que le riche débat qui va s’engager et le vote qui le clôturera permettront à chacun de s’exprimer et de s’engager devant les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et LT.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez la parole.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, voici donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre. Depuis le 17 mars, notre pays vit confiné. Qui aurait imaginé, il y a seulement trois mois, la place que ce mot allait prendre dans notre débat public ? Qui aurait pu envisager une France dans laquelle, subitement, les écoles, les universités, les cafés, les restaurants, une majorité d’entreprises, les bibliothèques, les librairies, les églises, les temples, les synagogues et les mosquées, les jardins publics et les plages, les théâtres, les stades, tous ces lieux communs – pour utiliser une formule qu’affectionne le président de l’Assemblée nationale – auraient été fermés ?

Jamais dans l’histoire de notre pays, nous n’avions connu une telle situation : ni pendant les guerres, ni pendant l’Occupation, ni pendant les précédentes épidémies. Jamais le pays n’avait été confiné, comme il l’est aujourd’hui. De toute évidence, il ne peut l’être durablement, car si le confinement a constitué une étape nécessaire, il pourrait, s’il durait trop longtemps, avoir des effets délétères.

Le confinement a été un instrument efficace pour lutter contre le virus, pour contenir la progression de l’épidémie, pour éviter la saturation des capacités hospitalières et, ce faisant, pour protéger les Français les plus fragiles. Depuis le 14 avril dernier, le nombre de cas de Covid-19 hospitalisés diminue : de plus de 32 000 patients hospitalisés, il est descendu à environ 28 000. Depuis le 8 avril, le nombre de cas en réanimation diminue : il dépassait 7 100 ; il est désormais de 4 600. La décrue est engagée. Elle est régulière – lente, j’y reviendrai, mais régulière. Selon une étude de l’École des hautes études en santé publique, le confinement aura permis d’éviter au moins 62 000 décès en un mois et 105 000 lits de réanimation auraient manqué en l’absence de confinement. Je ne crois pas que notre pays aurait supporté cela.

Toutefois, un instrument ne vaut que si ses effets positifs ne sont pas, dans la durée, dépassés par ses conséquences négatives. Or nous savons, par l’intuition ou par l’expérience, qu’un confinement prolongé au-delà du strict nécessaire aurait pour la nation des conséquences gravissimes. Nous sentons que l’arrêt prolongé de la production de pans entiers de notre économie, que la perturbation durable de la scolarisation d’un grand nombre d’enfants et d’adolescents, que l’interruption des investissements, publics ou privés, que la fermeture prolongée des frontières, que l’extrême limitation de la liberté d’aller et venir, de se réunir, de rendre visite à ses proches, à ses parents présenteraient pour le pays, non pas seulement l’inconvénient pénible du confinement, mais en vérité celui bien plus terrible du risque de l’écroulement.

Je n’emploie pas ce terme au hasard. On me reproche plus souvent d’user de la litote que de l’exagération. Il nous faut donc, progressivement, prudemment, mais résolument, procéder à un déconfinement aussi attendu que risqué et redouté. L’objectif du Gouvernement est de présenter à l’Assemblée nationale et, grâce à elle, aux Français, notre stratégie nationale, c’est-à-dire les objectifs que nous visons et la façon dont nous allons procéder pour les atteindre à compter du 11 mai prochain.

Toute stratégie repose sur des constats. Le premier est médical. Il tient en quelques mots simples, que tous les Français doivent avoir en tête : nous allons devoir vivre avec le virus. Dès lors qu’aucun vaccin n’est disponible à court terme, qu’aucun traitement n’a à ce jour démontré son efficacité et que nous sommes loin d’avoir atteint la fameuse immunité de groupe, le virus va continuer à circuler parmi nous. Ce n’est pas réjouissant, mais c’est un fait.

On peut espérer que le virus disparaisse de lui-même. Les spécialistes des épidémies s’accordent – du moins, certains d’entre eux – pour reconnaître que cela arrive, que les épidémies s’arrêtent parfois sans que l’on sache très bien pourquoi. On peut espérer que l’incroyable effort de recherche engagé dans le monde entier permettra de trouver sous peu un traitement et, d’ici douze à vingt-quatre mois, un vaccin, qui renverrait ce virus au rang des questions de santé résolues par l’intelligence et la technologie humaines.

On peut tout à fait espérer tout cela, mais fonder une politique publique et organiser la vie des Français autour d’hypothèses aussi incertaines n’est pas envisageable. Il nous faut donc apprendre à vivre avec le Covid-19 et à nous en protéger. Voilà la première contrainte – et le premier axe de notre stratégie.

Le deuxième constat est à la fois médical et politique. Il tient au risque de voir repartir l’épidémie.

La décision de confiner notre pays a permis de ralentir la circulation du virus. Elle a permis que jamais nos services de réanimation ou de soins intensifs ne soient saturés au point qu’ils n’auraient pu admettre de nouveaux patients. Elle a permis à l’engagement des soignants, à l’imagination des équipes hospitalières, à l’organisation logistique des soins de tenir, en dépit d’une pression considérable, jamais vue. Je le répète : notre système hospitalier a tenu – mais il l’a fait au prix d’une fatigue bien compréhensible des femmes et des hommes, au prix d’une consommation de médicaments de réanimation et de consommables jamais constatée jusqu’alors, au prix d’une déprogrammation des opérations chirurgicales non nécessaires à court terme, mais qui finiront par l’être.

Le risque d’une seconde vague, qui viendrait frapper un tissu hospitalier fragilisé, qui imposerait un re-confinement, lequel ruinerait les efforts et les sacrifices consentis au cours de ces huit semaines, est un risque sérieux – un risque qu’il faut prendre au sérieux. Ce risque impose de procéder avec prudence, progressivement, sûrement, en reprenant notre vie selon des modalités qui permettent, semaine après semaine, de vérifier que nous maîtrisons le rythme de circulation du virus.

Le deuxième axe de notre stratégie sera donc la progressivité.

Le troisième facteur à prendre en considération est géographique. Il tient là aussi en quelques mots : la circulation du virus n’est pas uniforme dans le pays. Certaines parties ont été durement touchées, certains territoires enregistrent encore, après six semaines de confinement, un nombre élevé de nouveaux cas quotidiens, mais dans d’autres, le virus est quasi absent.

Cette circulation hétérogène du virus crée, de fait, des différences entre les territoires. Pour tous ceux qui, comme moi, croient au bon sens, il n’est pas inutile – il paraît même nécessaire – de tenir compte de ces différences dans la façon dont le déconfinement doit être organisé. Il s’agit non seulement de ne pas appliquer le même schéma dans des endroits où la situation n’est objectivement pas la même, mais aussi de laisser aux autorités locales, notamment aux maires et aux préfets, la possibilité d’adapter la stratégie nationale en fonction des circonstances.

C’est d’ailleurs pour cela que le Président de la République et moi-même avons décidé de dire rapidement quelle était notre stratégie nationale, afin que ceux qui vont participer à sa mise en œuvre puissent prendre au plus tôt leurs dispositions. Avec plusieurs membres du Gouvernement, avec le coordinateur interministériel Jean Castex, je rencontrerai demain les associations d’élus locaux et les préfets, jeudi les partenaires sociaux, pour engager ce travail de concertation et d’adaptation du plan aux réalités de terrain.

Vivre avec le virus, agir progressivement, adapter localement : voilà les trois principes de notre stratégie nationale. À partir du 11 mai, sa mise en œuvre va reposer sur le triptyque « protéger, tester, isoler ».

Protéger, c’est éviter d’être infecté par le virus ou d’infecter les autres. Les médecins nous disent que la contagiosité de la maladie apparaît deux jours avant les premiers symptômes et disparaît plusieurs jours après. Ils disent également que des porteurs du virus en proportion non négligeable ne présentent aucun symptôme et ne savent pas qu’ils peuvent le transmettre. Dès lors, il est impératif que chacun puisse adopter les comportements qui permettent d’éviter la contamination. À partir du moment où nous ne serons plus en situation de confinement, où les occasions de contact augmenteront à nouveau – il faudra les limiter, mais elles resteront plus importantes qu’aujourd’hui –, le respect des gestes barrières et des mesures de distanciation sociale prendra encore plus d’importance.

Ces gestes barrières, tout le monde les connaît désormais : la distanciation physique et le lavage régulier des mains. À cela, il conviendra d’ajouter – je dis bien d’ajouter – le port du masque dans certaines situations. Je souhaite précisément revenir sur ce sujet, car cette question des masques a suscité l’incompréhension et la colère de nombreux Français : pourquoi n’y en avait-il pas pour tout le monde, fallait-il en porter, où les trouver ? Lorsque la crise a commencé, nous disposions d’un stock important de masques chirurgicaux – important au sens où il permettait de répondre à plus de vingt semaines de consommation normale des services hospitaliers. La production nationale était inférieure à cette consommation normale, mais complétée par des importations régulières. Avec l’apparition de l’épidémie en Chine, puis son arrivée en Italie, l’importation est devenue momentanément impossible et la consommation a augmenté dans des proportions incroyables.

Comme tous les pays européens, comme les États-Unis d’Amérique, la France a dû gérer le risque d’une pénurie de masques. Trois décisions ont donc été prises. D’abord, augmenter la production nationale de masques chirurgicaux, autant que faire se peut. Ce n’est pas simple, mais nous sommes en train d’y parvenir, en la doublant pour commencer, et en atteignant bientôt cinq fois son volume initial. Ensuite, réserver le stock existant aux personnels hospitaliers, pour garantir la fourniture de ces masques à ceux qui, en première ligne, auraient à soigner les malades. Il est arrivé que nous doutions de notre capacité à garantir cet approvisionnement dans la durée. Réserver les masques aux soignants, c’était, mécaniquement, refuser de les distribuer à d’autres : c’est un choix difficile ; c’est un choix contesté ; c’est un choix que j’ai estimé nécessaire. Enfin, nous avons lancé la production de masques en tissu pour compléter l’offre et ne pas dépendre des importations, dont nous ne savions pas si elles pourraient reprendre et, si elles reprenaient, pour combien de temps.

Les scientifiques eux-mêmes ont évolué. Au début, beaucoup nous disaient que le port général du masque n’était pas nécessaire, que le risque du mauvais usage était supérieur aux avantages espérés. Nous l’avons répété ; moi-même, je l’ai dit. Ils nous disent aujourd’hui – ce sont parfois les mêmes – qu’il est préférable, dans de nombreuses circonstances, de porter un masque plutôt que de ne pas en porter : il me revient donc de le dire, et de faire en sorte que cela soit possible. Pendant la phase de pénurie, l’outil des réquisitions a été fort utile. Depuis maintenant plusieurs semaines, depuis que nous sommes rassurés quant à notre capacité à fournir en masques les soignants, au sens large, nous incitons l’ensemble des acteurs à se procurer des masques. Les données des douanes le montrent d’ailleurs assez clairement : il entre dans notre pays bien plus de masques que n’en commande le Gouvernement. Et croyez-moi, il en commande ! Nous recevons désormais près de 100 millions de masques chirurgicaux par semaine ; nous recevrons près de 20 millions de masques grand public lavables à compter du mois de mai.

Nous avons incité les entreprises et les collectivités à se procurer également des masques ; certaines, d’ailleurs, n’avaient pas attendu que nous les y incitions. Nous soutiendrons financièrement les collectivités locales qui achètent à compter de ce jour des masques grand public, en prenant en charge 50 % du coût de ces masques dans la limite d’un prix de référence.

M. Maxime Minot. Et avant ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous l’avez probablement remarqué, nous avons récemment rouvert les boutiques de tissus et les ateliers de couture, et diffusé des guides pratiques de confection de masques, afin que chacun se mobilise pour en produire. Grâce à cette mobilisation de tous, il y aura assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai. Mais l’enjeu, la responsabilité des pouvoirs publics, notre responsabilité collective, c’est d’arriver, dans les prochaines semaines, à organiser cet effort pour éviter que certains n’aient en quelque sorte trop de masques, quand d’autres n’en auraient pas. Progressivement, nous parviendrons à une situation classique où les Français pourront, sans risque de pénurie, se procurer des masques grand public dans tous les commerces. En attendant, il faut que l’État, les collectivités territoriales, les entreprises, l’initiative privée, soient complémentaires et non concurrents. Le Président de la République l’a dit : nous nous appuierons sur les maires et sur les préfets, avec le concours de tous.

J’invite toutes les entreprises, quand leurs moyens le leur permettent, à veiller à équiper leurs salariés. C’est une condition de la reprise : elles le savent, elles le disent. Les régions et l’État mettront en place un appui aux très petites entreprises, les TPE, et aux travailleurs indépendants, au-delà des initiatives déjà prises par un certain nombre de branches ou d’organisations professionnelles. Une plateforme de e-commerce sera ouverte par la Poste à compter du 30 avril et distribuera chaque semaine à ceux qui en ont besoin plusieurs millions de masques grand public.

L’État et les collectivités locales assureront la protection de leurs personnels, en particulier ceux qui sont en contact avec le public. Les préfets disposeront d’une enveloppe locale pour soutenir, avec les départements et les régions, les plus petites collectivités. Les personnels de l’éducation et les élèves des collèges recevront également des masques. Les pharmacies et la grande distribution seront invitées à vendre, dans des conditions que nous définirons avec elles pour éviter les phénomènes de pénurie, des masques jetables ou lavables. Les particuliers sont bien sûr invités à se confectionner eux-mêmes des masques dans les conditions recommandées par l’AFNOR, l’Association française de la normalisation, et l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Enfin, nous réserverons une enveloppe hebdomadaire de 5 millions de masques lavables pour que les préfets organisent, avec les maires et les présidents de conseil départemental, la distribution à ceux de nos concitoyens qui se trouvent dans la plus grande précarité, par l’intermédiaire des centres communaux d’action sociale — CCAS — et des acteurs associatifs.

Protéger, donc. Tester, ensuite. Là encore, les recommandations scientifiques ont évolué. Après tout, sans doute est-ce normal face à un virus inconnu. Cette crise sanitaire renvoie décidément tout le monde à un devoir d’humilité.

La doctrine initiale consistait, dans ce que nous appelions la phase 1, à tester au maximum. Nous avons d’ailleurs beaucoup testé en phase 1. Lorsqu’un cas est apparu aux Contamines-Montjoie, et qu’il a fallu le circonscrire, nous avons testé massivement ceux qui s’étaient approchés, de près ou de loin, des malades identifiés. Mais la doctrine voulait qu’une fois l’épidémie passée en phase 3, on ne teste plus que les malades hospitalisés pour suspicion de Covid, les soignants symptomatiques et les premiers cas dans les établissements accueillant des publics fragiles. C’est ce que nous avons fait. Les temps ont changé ; la doctrine de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, aussi.

À la sortie du confinement, nous serons en mesure de massifier nos tests. Nous nous sommes fixés l’objectif de réaliser au moins 700 000 tests virologiques par semaine à dater du 11 mai.

M. Patrick Hetzel. Les Allemands sont à 3 millions ! Quatre fois plus !

M. Maxime Minot. C’est hallucinant !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pourquoi ce chiffre ? Parce que le Conseil scientifique nous dit qu’à ce stade, les modèles épidémiologiques prévoient entre 1 000 et 3 000 nouveaux cas par jour à partir du 11 mai. Parce qu’à chaque nouveau cas correspondra, en moyenne, le test d’au moins 20 à 25 personnes l’ayant croisé dans les jours précédents ; 3 000 fois 25 fois 7, cela donne 525 000 tests par semaine ; 700 000 nous procure la marge qui nous permettra, en plus de ces tests des chaînes de contamination, de mener des campagnes de dépistage, comme nous en avons déjà engagé notamment pour les EHPAD.

Pour atteindre cette cible, nous avons fait sauter les verrous qui empêchaient la participation des laboratoires de recherche et des laboratoires vétérinaires à cet effort collectif. La capacité à faire sauter ces verrous sur le terrain, pas seulement dans les discours, est un exercice qui incite aussi, je peux vous le dire, à une grande humilité. Nous avons engagé la mobilisation conjointe des laboratoires publics et privés, qui peuvent aujourd’hui monter en charge très rapidement. Cette mobilisation permettra de garantir dans tout le territoire un accès de proximité aux prélèvements. Nous allons enfin faire passer à 100 % la prise en charge de ces tests par l’assurance maladie. En un mot, tout doit être fait pour rendre la réalisation du test facile et rapide.

Dès lors que le résultat du test sera positif, nous engagerons un travail d’identification de tous ceux, symptomatiques ou non, qui auront été en contact rapproché avec la personne contaminée. Tous ces cas contacts seront testés et invités à s’isoler, compte tenu des incertitudes sur la durée d’incubation. Cette règle est simple à formuler. Mais elle exige, pour être appliquée de façon systématique partout en France, des moyens considérables. Nous ne pourrons réussir que grâce à la mobilisation des professionnels de santé libéraux, notamment des médecins généralistes et des infirmiers libéraux. Ils constitueront d’une certaine manière la première ligne dans cette recherche des cas contacts pour tout ce qui concerne la cellule familiale. Je sais qu’ils peuvent se mobiliser pour cette mission, et nous les accompagnerons. En appui, les équipes de l’assurance maladie s’occuperont de la démultiplication de cette démarche d’identification des cas contacts au-delà de la cellule familiale. Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent lieu à l’application correcte de la doctrine nationale.

Protéger d’abord, tester ensuite, isoler enfin. L’objectif final de cette politique ambitieuse de tests, c’est de permettre d’isoler au plus vite les porteurs du virus afin de casser les chaînes de transmission. Ll’isolement n’est pas une punition ni une sanction ; l’isolement est une mesure de précaution collective, une mise à l’abri. L’isolement doit être expliqué, consenti et accompagné. Notre politique repose, à cet égard, sur la responsabilité individuelle et sur la conscience que chacun doit avoir de ses devoirs à l’égard des autres. Nous prévoirons des dispositifs de contrôle, au cas où ils seraient nécessaires, mais notre objectif est de nous reposer largement sur le civisme de chacun. On observe d’ailleurs – les médecins le disent, ceux qui ont dû gérer des épidémies le disent – que la conscience individuelle, le respect civique des règles, lorsque l’on est déclaré positif, est souvent presque absolu.

Il reviendra aux préfets et aux collectivités territoriales de définir ensemble, avec les acteurs associatifs, les professionnels de santé, les acteurs de la prise en charge à domicile, le plan d’accompagnement des personnes placées dans cette situation d’isolement. Nous laisserons le choix à la personne contaminée de s’isoler chez elle, ce qui entraînera pour des raisons évidentes le confinement de tout le foyer pendant quatorze jours, ou dans un lieu mis à sa disposition, notamment dans des hôtels réquisitionnés.

Un mot encore sur ce sujet, mais un mot important. Pourrons-nous ou devrons-nous, afin d’être plus efficaces, nous appuyer sur les ressources extraordinaires des outils numériques ? Un consortium européen a lancé un travail devant permettre la création de l’application Stop Covid, dont l’utilité ne peut s’envisager qu’en complément des mesures que je viens de décrire. En complément, parce que les enquêtes sanitaires que j’ai évoquées, qu’elles soient physiques ou téléphoniques, sont vitales, mais présentent une faiblesse. Elles se heurtent parfois, dans les centres urbains, à l’impossibilité de reconstituer les chaînes de transmission dans les lieux les plus fréquentés, notamment dans les transports en commun. Difficile de prévenir celui qui a partagé votre rame de métro à sept heures quarante-six sur la ligne 12. Vous ne le connaissez pas, il ne vous connaît pas, et la RATP ne vous connaît ni l’un ni l’autre. C’est l’objet du projet Stop Covid, qui permettrait à ceux qui ont croisé une personne contaminée d’intégrer un parcours sanitaire, sans bien entendu avoir aucune information sur l’identité de la personne concernée.

De nombreux responsables politiques, de tous les partis, jusqu’au président de l’Assemblée nationale, m’ont fait part de leurs interrogations concernant cet outil, en particulier dans le domaine des libertés publiques et des libertés individuelles. Ces questions, légitimes, doivent être posées et débattues. Je pense même qu’elles devront donner lieu à un vote.

Pour l’heure, en raison des incertitudes qui entourent cette application, je serais bien en peine de vous dire si elle fonctionnera et de quelle manière. Je ne doute pas que nous parviendrons à mener à bien ce projet grâce aux  ingénieurs qui y travailleront d’arrache-pied.

Nous n’en sommes pas là pour le moment aussi me semble-t-il prématuré d’engager le débat.

M. le président. Ce n’est pas qu’un débat technique !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je le répète : je m’engage à ce qu’un débat spécifique suivi d’un vote spécifique ait lieu une fois l’application opérationnelle et avant sa mise en œuvre.

M. Philippe Gosselin. C’est une bonne nouvelle.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le déconfinement s’accompagnera de mesures de protection. En particulier, nous allons tester et isoler. Nous agirons progressivement et en différenciant selon les territoires.

Nous devons procéder progressivement pour éviter une deuxième vague en ne laissant pas repartir l’épidémie. Nous préférons tous, ici, qu’un nouveau confinement généralisé ne suive pas le déconfinement.

Nous préparons le 11 mai en surveillant tous les indicateurs pour nous assurer, département par département, que les opérations pourront bien être lancées à cette date.

Voici un exemple pour illustrer ma prudence. J’ai indiqué que nous fondions notre stratégie de tests sur une hypothèse de 3 000 cas nouveaux par jour autour du 11 mai. Si le confinement se relâchait d’ici là et qu’à l’approche du 11 mai, disons jeudi 7 mai, le nombre de nouveaux cas journaliers n’était pas dans la fourchette prévue et que les nombreuses chaînes de contamination n’avaient pu être brisées, nous devrions en tirer les conséquences. Je le dis aux Français : si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai ou nous le ferons plus strictement.

Je préférerais, croyez-moi, que les hypothèses émises par les modélisateurs et les épidémiologistes, de 3 000 cas par jour au 11 mai, se vérifient. Si ce n’est pas le cas, je suis très clair, nous en tirerons les conséquences.

J’ai reçu hier du directeur général de la santé des modélisations moins favorables, qui pourraient être dues au relâchement des comportements, à une baisse insuffisante du nombre d’hospitalisations ou à l’inexactitude des hypothèses sur lesquelles les modélisateurs se fondent.

Je le dis avec solennité devant la représentation nationale : ces incertitudes doivent inciter tous les Français à la plus grande discipline d’ici le 11 mai et à la lutte contre les risques de relâchement que nous sentons parfois monter dans le pays.

Si tout est prêt le 11 mai, comme nous le pensons, commencera alors une phase qui durera jusqu’au 2 juin et au cours de laquelle nous vérifierons que les mesures prises permettent de maîtriser l’épidémie. Son évolution déterminera les dispositions que nous devrons prendre pour la phase suivante qui s’étendra du 2 juin jusqu’à l’été. Fin mai, nous verrons si nous pouvons rouvrir les cafés et les restaurants.

C’est donc par paliers de trois semaines que nous avancerons, en restant attentifs à l’effet de nos décisions et au comportement de nos concitoyens.

La progressivité s’accompagne d’une différenciation selon les territoires.

En effet, tous les territoires n’ont pas été touchés de la même manière par l’épidémie. Nous espérons tous que le 11 mai, si le virus continue à circuler dans certains départements, il en épargne d’autres ou les touche peu.

Il est donc logique que, tout en gardant la plus extrême prudence, nous proposions un cadre de déconfinement adapté aux réalités locales de l’hexagone comme de l’outre-mer.

La direction générale de la santé et Santé publique France ont établi trois ensembles de critères permettant d’identifier les départements où le déconfinement devra être plus strict : soit le taux de cas nouveaux dans la population, durant une période de sept jours, est élevé, ce qui signifierait que la circulation du virus reste active, soit les capacités hospitalières régionales en réanimation restent tendues, soit le système local de tests et de détection des chaînes de contamination ne sont pas prêts.

Ces indicateurs seront analysés le 7 mai, afin de déterminer quels départements basculent le 11 mai dans la catégorie « rouge »…

M. Jean-Luc Mélenchon. Rouges ? Parlerait-il de nous ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …si la circulation du virus reste élevée ou « verte » si elle est limitée.

À partir de jeudi, le directeur général de la santé présentera tous les soirs la carte des résultats, département par département.

Les départements s’en serviront pour préparer le 11 mai, en gardant à l’esprit que le confinement strict permet de ralentir la circulation du virus et de remettre sur pied le système hospitalier et qu’il est nécessaire d’instaurer un système de tests et de détection des cas contacts efficace.

Je vous ai exposé les constats qui ont fondé la stratégie nationale de déconfinement ainsi que les outils de santé publique. Je souhaite désormais vous présenter l’organisation de la vie quotidienne des Français à partir du 11 mai.

Notre stratégie nationale de déconfinement fixe les règles nationales pour quelques enjeux prioritaires : l’école, les entreprises, les commerces, les  transports, la vie sociale.

Commençons par l’école. Le Président de la République l’a rappelé : le retour de nos enfants sur le chemin des écoles est un impératif pédagogique, un impératif de justice sociale, en particulier pour ceux qui peuvent difficilement suivre l’enseignement à distance. Nous voulons concilier ce retour avec nos objectifs de santé publique.

Ainsi, nous proposons une réouverture très progressive des maternelles et de l’école élémentaire à partir du 11 mai, partout dans le territoire et sur la base du volontariat. Ensuite, à partir du 18 mai, seulement dans les départements où la circulation du virus est très faible, nous pourrons envisager d’ouvrir les collèges, en commençant par les classes de 6ème et de 5ème. Nous déciderons fin mai si nous pouvons rouvrir les lycées, en commençant par les lycées professionnels, début juin.

Cette décision n’a pas été prise à la légère. Nous avons pesé le pour et le contre après avoir consulté les spécialistes et étudié les mesures prises par d’autres pays. La réouverture des écoles est nécessaire pour garantir la réussite éducative des élèves, notamment les plus vulnérables d’entre eux, dont la scolarité souffre terriblement du confinement.

Les classes rouvriront dans des conditions sanitaires strictes : pas plus de quinze élèves par classe, une vie scolaire organisée autour du respect des gestes barrières, des mesures d’hygiène strictes et la distribution de gel hydroalcoolique. Tous les enseignants et les encadrants des établissements scolaires recevront des masques qu’ils devront porter quand ils ne pourront pas respecter les règles de distanciation.

Concernant le port des masques par les enfants, les avis scientifiques nous ont conduits à prendre les décisions suivantes. Le port du masque est prohibé pour les élèves de maternelle. Il n’est pas recommandé, compte tenu des risques de mauvais usage, à l’école élémentaire, mais le ministère de l’éducation nationale mettra des masques pédiatriques à la disposition des directeurs d’école, pour les cas particuliers – par exemple, pour un enfant qui présenterait des symptômes en cours de journée, le temps que ses parents viennent le chercher.

Enfin, nous fournirons des masques aux collégiens qui peuvent en porter et qui n’auraient pas réussi à s’en procurer, car le port du masque sera obligatoire pour eux.

Un intense travail de préparation doit avoir lieu dans chaque académie, afin que nous puissions préparer cette rentrée très particulière.

Les enfants devront pouvoir suivre une scolarité, soit au sein de leur établissement scolaire, dans la limite de quinze élèves par classe, soit  chez eux, grâce à un enseignement à distance qui restera gratuit, soit en étude si les locaux scolaires le permettent ou dans des locaux périscolaires mis à disposition par les collectivités territoriales, si elles le souhaitent, pour des activités sportives, culturelles, civiques ou liées à la santé.

J’ai admiré la mobilisation des fonctionnaires de l’éducation nationale pendant le confinement, le dévouement des milliers d’enseignants qui se sont impliqués pour accueillir les enfants de soignants – lesquels  resteront accueillis bien entendu –, l’ingéniosité de tous ceux qui ont réinventé leur méthode d’enseignement pour offrir à leurs élèves des modalités originales d’enseignement à distance.

Nous avons tous, autour de nous, des exemples extraordinaires d’inventivité, d’engagement, d’imagination, pour maintenir le lien essentiel entre le maître et l’élève, en dépit du confinement.

Je veux laisser le maximum de souplesse aux acteurs de terrain en la matière. C’est ainsi que les directeurs d’école, les parents d’élève, les collectivités locales trouveront ensemble, avec pragmatisme, les meilleures solutions. Nous les soutiendrons et je leur fais confiance.

M. Maxime Minot. Vous vous déchargez…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Les crèches seront également rouvertes.

L’accueil par groupes de dix enfants maximum sera possible, avec la possibilité d’accueillir plusieurs groupes de dix enfants si l’espace le permet et si les conditions sont réunies pour que les groupes ne se croisent pas.

Cette réduction des capacités posera, au moins dans un premier temps, la question des priorités d’accueil. Les crèches accueillent déjà les enfants selon des critères économiques et sociaux, qu’il n’appartient pas à l’État de définir à la place des gestionnaires. Il me semble néanmoins que l’impossibilité de télétravail pour un couple d’actifs ou les difficultés rencontrées par les familles monoparentales devront être prises en compte. Les enfants des soignants et des professeurs devront également être prioritaires.

Le port du masque grand public sera obligatoire pour les professionnels de la petite enfance, puisque les règles de distanciation physique ne peuvent pas être appliquées. Bien sûr, les enfants de moins de trois ans ne devront pas porter de masque.

Le déconfinement doit aussi permettre la reprise de la vie économique.

Pour cela, nous devons réorganiser la vie au travail. Le télétravail doit être maintenu partout où c’est possible, au moins dans les trois prochaines semaines. Je le demande avec insistance aux entreprises. Nous en avons mesuré, depuis mi-mars, le déploiement massif. Personne n’en ignore les contraintes mais il doit se poursuivre afin de limiter le nombre d’usagers des transports publics ainsi que les contacts. Il n’y a pas, à ce sujet, un avant et un après 11 mai.

Pour les personnes qui ne pourront pas télétravailler, la pratique des horaires décalés dans l’entreprise doit être encouragée. Elle étalera les flux de salariés dans les transports et diminuera la présence simultanée des salariés dans un même espace de travail.

S’agissant des conditions de travail, nous devons amplifier la démarche engagée par les fédérations professionnelles et le ministère du travail pour réaliser des guides et des fiches métiers qui accompagnent les réorganisations nécessaires au sein des entreprises. Trente-trois guides sont aujourd’hui disponibles. Il en faut environ soixante pour couvrir tous les secteurs. J’ai demandé à Mme la ministre du travail qu’ils soient prêts pour le 11 mai.

Cette démarche est intéressante parce qu’elle est très concrète et associe les partenaires sociaux. Elle doit s’appliquer dans chaque entreprise, sous la forme de nouveaux plans d’organisation du travail, avec une attention particulière aux emplois du temps, aux gestes barrières, à l’aménagement des espaces de travail. Le port du masque devra être respecté dès lors que les règles de distanciation ne pourront être garanties.

M. Patrick Hetzel. Et les tests ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’échangerai jeudi avec les syndicats de salariés et les représentants des employeurs à ce sujet. Le dialogue social à tous les niveaux doit être mobilisé pour permettre le retour au travail dans un cadre qui garantisse la santé et la sécurité des salariés. C’est une condition impérative.

Nous échangerons également à propos des mesures d’accompagnement des entreprises qui rencontrent des difficultés. Le dispositif d’activité partielle, l’un des plus généreux d’Europe, restera en place jusqu’au 1er juin. Nous devrons ensuite l’adapter progressivement, afin d’accompagner la reprise d’activité si l’épidémie est maîtrisée.

Bien sûr, nous continuerons à protéger les personnes vulnérables et les secteurs professionnels qui demeureraient fermés.

Les commerces rouvriront également à compter du 11 mai. Actuellement, seuls certains commerces essentiels sont ouverts ; à partir de cette date, tous, sauf les cafés et restaurants, pourront ouvrir. Les marchés, pour lesquels l’interdiction est aujourd’hui la règle et l’autorisation l’exception, seront en général autorisés, sauf si les maires ou les préfets estiment qu’ils ne peuvent être organisés dans des conditions permettant de respecter les gestes barrières et la distanciation physique.

En effet, si les commerces pourront rouvrir, chacun d’entre eux devra respecter un cahier des charges strict, limitant le nombre de personnes présentes en même temps dans le magasin et organisant les flux, afin de faire respecter la distance minimale d’un mètre sans contact autour de chaque personne. Il devra bien évidemment veiller à la protection de son personnel. Le port du masque grand public sera recommandé pour le personnel et les clients lorsque les mesures de distanciation physique ne peuvent être garanties. Un commerçant pourra subordonner l’accès de son magasin au port du masque.

J’ajoute que l’ouverture des commerces comprendra une exception pour les centres commerciaux dont la zone de chalandise dépasse le bassin de vie, entraînant des déplacements et des contacts que nous ne voulons pas encourager. Les préfets pourront décider de ne pas laisser ouvrir, hormis les sections alimentaires déjà ouvertes, les centres commerciaux de plus de 40 000 mètres carrés qui risquent de susciter de tels mouvements de population.

Enfin, nous déciderons fin mai si les bars, cafés et restaurants peuvent ouvrir après le 2 juin.

Les décisions relatives aux transports sont particulièrement ardues. Les transports urbains sont un dispositif clé de la reprise économique, mais le respect de la distanciation physique et des gestes barrières y est très difficile. Je mesure l’appréhension de bon nombre de nos concitoyens avant de prendre un métro, un train, un bus, un tramway, lesquels sont parfois fort densément occupés.

M. Stéphane Peu. Je confirme  !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous prendrons deux séries de décisions. Il faut d’abord faire remonter au maximum l’offre de transports urbains : 70 % de l’offre de la RATP sera disponible le 11 mai et nous devrons remonter rapidement à l’offre nominale. Ensuite, il convient de faire baisser la demande, en favorisant le télétravail, en étalant les horaires – je l’ai déjà dit – et en demandant aux Français de considérer que les transports aux heures de pointe doivent être réservés à ceux qui travaillent.

Je souhaite que, dans chaque région, dans chaque agglomération, une concertation s’engage très rapidement entre les autorités organisatrices de transports, les usagers et les opérateurs de transport pour arrêter les conditions précises de mise en œuvre de ces objectifs. L’État y apportera bien sûr son concours. S’il faut organiser les flux, réserver les transports à certaines heures à certaines populations, nous accompagnerons les autorités organisatrices. Nous essaierons d’y arriver ensemble.

 

Mais il est certain que les trois semaines à venir seront difficiles et que nous devons rester vigilants. Le port du masque sera rendu obligatoire dans tous les transports, métros comme bus. Et les opérateurs devront, au moins pour les trois semaines à venir, s’organiser pour permettre, même dans le métro, de respecter les gestes barrières.

Cela veut dire, par exemple, que la capacité du métro parisien sera réduite par rapport à sa capacité nominale, et extrêmement réduite par rapport à sa fréquentation normale. Il faudra condamner un siège sur deux, favoriser, par des marquages au sol, la bonne répartition sur les quais, et se préparer à limiter les flux en cas d’affluence.

Les bus scolaires pourront circuler, mais avec la même règle du un sur deux, avec obligation de port du masque pour les chauffeurs et pour les écoliers, à partir du collège. Le port du masque sera également obligatoire dans les taxis et les VTC qui ne disposent pas d’un système de protection en plexiglas.

S’agissant des déplacements inter-régionaux ou interdépartementaux, la logique sera inversée : nous voulons réduire ces déplacements aux seuls motifs professionnels ou familiaux impérieux, pour des raisons évidentes de limitation de la circulation du virus. Nous allons donc continuer à réduire l’offre, à exiger la réservation obligatoire dans tous les trains, TGV ou non, et à décourager les déplacements entre départements. Le jeudi de l’Ascension sera bien férié, mais je le dis clairement aux Français : ce n’est pas le moment de quitter son département pour partir en week-end.

Enfin, le déconfinement, c’est le retour de la vie sociale. L’impatience de nos concitoyens à retrouver une vie sociale, nous la partageons tous.

J’ai d’abord une pensée pour tous nos aînés, qui, outre le confinement, subissent la solitude à domicile ou l’isolement dans les EHPAD – établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes –, privés pendant de longues semaines de toute visite de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Vous le savez, nous leur demanderons de continuer à se protéger. Ils devront respecter des règles similaires à la période de confinement, en se protégeant, en limitant leurs contacts, donc leurs sorties ; tout cela suivant les principes de confiance et de responsabilité, comme l’a annoncé le Président de la République. Il n’y aura pas de contrôle, pas d’attestation de sortie, mais je demande aux personnes les plus âgées et les plus fragiles de la patience. Les visites privées, quand elles reprendront, devront être entourées de précaution, comme les sorties. En vous protégeant, vous protégez le système hospitalier et les plus fragiles d’entre nous.

La vie sociale reprendra donc, elle aussi, progressivement. Citons d’abord ce qu’il sera possible de faire : il sera de nouveau possible de circuler librement, sans attestation, sauf, comme je l’ai dit, pour les déplacements à plus de 100 kilomètres du domicile, qui ne seront possibles que pour un motif impérieux, familial ou professionnel. 

Il sera possible, les beaux jours aidant, de pratiquer une activité sportive individuelle en plein air, en dépassant évidemment la barrière actuelle du kilomètre et en respectant les règles de distanciation physique. Il ne sera possible, ni de pratiquer du sport dans des lieux couverts, ni de pratiquer des sports collectifs ou de contact.

Les parcs et jardins, si essentiels à l’équilibre de vie en ville, ne pourront ouvrir que dans les départements où le virus ne circule pas de façon active, les fameux « départements verts ». Par mesure de précaution, les plages resteront inaccessibles au public, au moins jusqu’au 1er juin.

S’agissant des activités culturelles, parce qu’ils peuvent fonctionner plus facilement en respectant les règles sanitaires, les médiathèques, les bibliothèques et les petits musées, si importants pour la vie culturelle de nos territoires, pourront rouvrir leurs portes dès le 11 mai.

M. Maxime Minot. Et les petits cafés ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. A contrario, les grands musées, qui attirent un nombre important de visiteurs hors de leur bassin de vie, les cinémas, les théâtres et les salles de concert, où l’on reste à la même place dans un milieu fermé, ne pourront pas rouvrir. Les salles des fêtes et les salles polyvalentes resteront également fermées jusqu’au 2 juin.

Pour donner de la visibilité aux organisateurs d’événements, je précise que les grandes manifestations sportives ou culturelles – notamment les festivals –, les grands salons professionnels et tous les événements qui regroupent plus de 5 000 participants et font à ce titre l’objet d’une déclaration en préfecture, événements qui doivent être organisés longtemps à l’avance, ne pourront se tenir avant le mois de septembre. La saison 2019-2020 de sport professionnel, notamment celle de football, ne pourra pas reprendre.

Quant aux lieux de culte, je sais l’impatience des communautés religieuses et les lieux de culte pourront rester ouverts. Mais je crois qu’il est légitime de leur demander de ne pas organiser de cérémonie avant la barrière du 2 juin. Les cérémonies funéraires resteront évidemment autorisées, comme aujourd’hui, dans la limite de vingt personnes. J’ai parfaitement conscience de la charge que cela représente et de la difficulté d’appliquer cette règle pour les décès, mais elle est formulée, en France comme dans d’autres pays, afin de protéger les vivants. Les cimetières seront de nouveau ouverts au public dès le 11 mai.

En attendant des jours meilleurs, les mairies continueront à proposer, sauf urgence, le report des mariages.

D’une façon générale, il nous faut éviter les rassemblements qui sont autant d’occasions de propagation du virus. Les rassemblements organisés sur la voie publique ou dans des lieux privés seront donc limités à dix personnes.

Ces règles de vie sociale peuvent paraître compliquées. Elles sembleront sans doute sévères à certains, et trop laxistes à d’autres. Au fond, ce que je vous propose de rétablir, c’est un régime de liberté dans lequel nous devons fixer des exceptions. Ces règles sont contraignantes, il est vrai, mais je compte sur le civisme de nos compatriotes pour les appliquer avec rigueur. Il y va de notre santé à tous.

Nous avons certainement oublié certains points, formulé de façon incertaine certaines règles, omis de prévoir, dans tel ou tel territoire, une adaptation possible. C’est tout l’intérêt de la phase qui s’ouvre. Il s’agit d’enrichir ce plan tous ensemble, avec les élus, avec les administrations de terrain, avec les partenaires sociaux, avec tous les Français, pour être prêts le 11 mai.

M. Patrick Hetzel. Peut-être avec les parlementaires aussi, non ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ces efforts ne sont pas vains, et ils nous permettront, je l’espère, d’envisager la période estivale sous de meilleurs auspices. Je donne d’ores et déjà rendez-vous aux Français à la fin du mois de mai pour évaluer les conditions dans lesquelles nous organiserons la nouvelle phase de déconfinement et prendrons, en particulier, des décisions concernant l’organisation des cafés, des restaurants, des vacances. Il est trop tôt pour le faire.

La stratégie que je viens de présenter, ce plan de déconfinement dont l’architecture générale a été approuvée en conseil de défense sous la présidence du chef de l’Etat, n’est pas un texte législatif. Elle exigera des décisions réglementaires ou individuelles, prises par les ministres, les préfets ou les présidents d’exécutifs locaux dans le champ de leurs compétences.

Sur quelques sujets, elle devra être accompagnée de dispositions législatives qui n’existent pas aujourd’hui, et qui vont manquer. Je prendrai deux exemples.

Pour tracer les contacts, pour remonter jusqu’à ceux qui ont croisé le chemin d’un malade, il faudra sans doute faire appel à des effectifs supplémentaires pour renforcer les équipes de médecins – je dis « sans doute », mais c’est certain. J’évoquais tout à l’heure l’appui des personnes de l’assurance maladie ; on pourra sans doute, dans ces brigades, accueillir du personnel des CCAS – centres communaux d’action sociale –, des mairies, des départements, ou du personnel mis à disposition par des associations comme la Croix-Rouge. Encore une fois, c’est aux équipes locales qu’il reviendra de constituer ces brigades, mais il est certain qu’elles ne seront pas uniquement composées de médecins. Il faudra donc que la loi autorise ces personnes à participer à des enquêtes épidémiologiques pour lesquelles l’accès à des données médicales est nécessaire. 

Autre exemple : la limitation des déplacements entre régions ou entre départements. Dans la période de confinement, il était possible de limiter ces déplacements dans le cadre général de la loi du 23 mars. Cela ne sera plus possible une fois le confinement levé. Si nous voulons éviter que la circulation du virus ne s’accélère dans des zones jusque-là préservées, il faudra limiter la possibilité de se déplacer, au moins dans un premier temps. 

Sur ces deux sujets, et sur quelques autres, il conviendra donc de légiférer. Je proposerai prochainement au Parlement d’adopter une loi qui, en plus de proroger l’état d’urgence sanitaire au-delà du 23 mai – peut-être jusqu’au 23 juillet –, autorisera les mesures nécessaires à l’accompagnement du déconfinement. Ce projet sera soumis à l’examen du conseil des ministres samedi prochain et  au Sénat et à l’Assemblée nationale la semaine prochaine.

Pour exposer cette stratégie nationale, le Gouvernement a choisi d’avoir recours aux dispositions de l’article 50-1 de la Constitution. Rien, dans notre Constitution, n’imposait au Gouvernement de présenter à l’Assemblée nationale la stratégie que je viens d’exposer. On peut – et on devrait – le déplorer, et se dire qu’il faudra, demain peut-être, corriger ce défaut. Mais nos institutions sont ainsi faites : il aurait été possible, pour le Gouvernement, de procéder à cette présentation au cours d’un journal télévisé ou d’une conférence de presse. (Murmures.) Et reconnaissons que cela s’est déjà fait,…
 

M. Éric Ciotti. Oui !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …de très nombreuses fois, et sous tous les gouvernements de la Cinquième République. 

Nous avons choisi de réserver à l’Assemblée nationale ces annonces (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) et, au-delà de ces annonces, la capacité de réagir, de critiquer bien sûr, d’interroger aussi le Gouvernement sur ce plan, qui, comme je l’ai déjà indiqué, a vocation à être complété par les autorités locales et les organisations syndicales et patronales. Enfin, chaque député aura la possibilité, par le vote, de dire sa position sur la stratégie que je viens d’exposer.

Ce choix repose sur plusieurs raisons. La première est la place évidemment éminente de cette assemblée dans notre démocratie. Inutile d’en dire beaucoup sur une conviction que nous partageons tous : en ces temps de démocratie médiatique, de réseaux pas très sociaux mais très colériques, d’immédiateté nerveuse, il est sans aucun doute utile de rappeler que les représentants du peuple siègent, délibèrent et se prononcent sur toutes les questions d’intérêt national. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Je souligne – et, ce faisant, je considère qu’il n’y a là que l’expression d’un devoir et, en aucune façon, celle d’une faveur –, que le gouvernement que j’ai l’honneur de diriger a systématiquement et évidemment répondu présent à toutes les demandes des députés et de leurs commissions, sur la crise que nous connaissons. Pendant le confinement, la mission d’information, les commissions permanentes et les questions au Gouvernement se sont poursuivies, et c’est tant mieux, car le Gouvernement en avait besoin.

Comme nous nous y sommes engagés, nous communiquons toutes les semaines à l’Assemblée et au Sénat l’ensemble des décisions qui sont prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, y compris celles qui ne relèvent en rien du domaine législatif. Face aux décisions que nous avions à prendre et que nous aurons encore à prendre, le contrôle du Parlement n’est pas un poids, c’est une chance.

Dire ici plutôt qu’ailleurs ce que je viens de dire répond à la volonté du Gouvernement de montrer qu’en dépit de l’état d’urgence sanitaire, en dépit des difficultés évidentes à exercer ses mandats dans une période de confinement, la démocratie parlementaire reste vivante, exigeante, parfois bruyante, mais indispensable toujours.

La seconde raison est qu’il nous paraît nécessaire de permettre à chaque député, qu’il soit présent dans l’hémicycle ou qu’il suive les débats à distance, de se prononcer sur cette stratégie, de dire s’il l’approuve et la soutient, de dire s’il la conteste et la rejette, ou de dire s’il s’abstient ; mais de prendre position, en responsabilité, comme il revient aux représentants de la nation qui ne peuvent pas, qui ne veulent pas et qui ne doivent pas être relégués au rang de commentateurs de la vie politique.

J’ai été frappé, depuis le début de cette crise, par le nombre de commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire selon eux à chaque instant. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La modernité les a souvent fait passer du café du commerce à certains plateaux de télévision. (Rires.) Les courbes d’audience y gagnent ce que la convivialité des bistrots y perd, mais cela ne grandit pas, je le crains, le débat public. (Sourires.)

Non, les députés ne commentent pas, ils votent et, ce faisant, ils prennent des positions politiques. C’est votre honneur, c’est votre mission et c’est ce que je vous invite à faire après le débat qui suivra cette déclaration.

Mesdames et messieurs les députés, la France traverse un de ces moments où ceux qui l’aiment et la servent doivent être à la hauteur. Nous devons protéger les Français sans immobiliser la France au point qu’elle s’effondrerait. C’est une ligne de crête délicate qu’il nous faut suivre. Un peu trop d’insouciance et c’est l’épidémie qui repart ; un peu trop de prudence et c’est l’ensemble du pays qui s’enfonce.

La stratégie que je viens d’énoncer a pour objet de nous permettre de tenir cette ligne de crête. Elle repose sur des choix que je viens de présenter. Elle repose sur l’action déterminée du Gouvernement et de l’État, sous l’autorité du Président de la République. Elle repose sur la confiance que nous plaçons dans les collectivités territoriales, les acteurs du monde économique et social et les associations. Elle repose aussi, et, au fond, avant tout, sur les Français, sur nos concitoyens, sur leur civisme et leur discipline.

M. Jean-Luc Mélenchon. C’est exact !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Aucun plan, aucune mesure aussi ambitieuse soit elle, ne permettra d’endiguer cette épidémie si les Français n’y croient pas ou ne les appliquent pas, si la chaîne virale n’est pas remplacée par une chaîne de solidarité. À partir du 11 mai, le succès reposera non pas sur la seule autorité de l’État mais sur le civisme des Français.

M. Jean-Luc Mélenchon. Eh oui ! Cela s’appelle le consentement démocratique.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. En juillet 2017, dans des circonstances bien différentes mais à cette même tribune, à l’occasion de ma première déclaration de politique générale, j’avais évoqué cette antique qualité dans laquelle les Romains puisaient leur force : la vertu, qui mêle la rectitude, l’honnêteté et le courage. J’étais loin d’imaginer alors combien cette qualité serait essentielle dans les semaines à venir pour préparer notre avenir, l’avenir de nos enfants, l’avenir de la France. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent longuement. – Mme Sophie Auconie et Mme Laure de La Raudière applaudissent également.)
Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

(...)

Vote en application de l’article 50-1 de la Constitution

M. le président. Je vais mettre aux voix la déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Je vous rappelle que les représentants des groupes sont porteurs des voix des membres de leur groupe et que les positions différentes communiquées préalablement seront évidemment prises en compte dans l’analyse du scrutin. J’invite donc les représentants des groupes à voter.

Compte tenu des positions de vote qui ont été transmises au service de la séance, voici le résultat du scrutin sur la déclaration du Gouvernement :

        Nombre de votants                        571

        Nombre de suffrages exprimés                468

        Majorité absolue des suffrages exprimés                        235

                Pour l’approbation                368

                Contre                100

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir. – Plusieurs députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent pour applaudir.)


Édouard Philippe, Premier Ministre, le mardi 28 avril 2020 à l'hémicycle.


Source : Assemblée Nationale.

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20200428-discours-edouard-philippe.html

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