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2 janvier 2020 4 02 /01 /janvier /2020 03:31

« Je prends ce soir devant vous l’engagement de consacrer toute mon énergie à transformer notre pays pour le rendre plus fort, plus juste, plus humain. » (Emmanuel Macron, le 31 décembre 2019).



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Il est des années où la France est en effervescence. On a parlé de mai 1968, aussi de décembre 1995, on peut citer aussi novembre 2005 (émeutes dans les "banlieues"), mars 2006 (CPE), le printemps 2013 (mariage pour tous), on peut même remonter plus loin, au printemps 1984 (projet Savary) et même jusqu’à l’été 1953 (on l’oublie trop souvent) où un mouvement de grève général a fait reculer le gouvernement de Joseph Laniel (probablement la première "reculade" significative de l’histoire politique contemporaine). La France du Président Emmanuel Macron, elle, est en plein désarroi et en pleine paralysie avec la réforme des retraites.

Ceux qui critiquent le plus les vœux qu’Emmanuel Macron a adressés aux Français le mardi 31 décembre 2019 à 20 heures (dont on peut lire le texte intégral ici) sont paradoxalement ceux qui en attendaient le moins. Ils ne devraient donc pas être déçus. D’ailleurs, l’allocution présidentielle des vœux n’a jamais été un exercice politique mais plutôt de courtoisie et de politesse, voire d’affection pour l’ensemble des Français. Heureusement qu’on puisse se souhaiter bonne année et surtout, bonne santé, même entre adversaires politiques.

Emmanuel Macron est apparu un peu crispé et debout. Il a rappelé quelques émotions fortes de l’année, l’attentat de la Préfecture de police de Paris, la mort des soldats français au Mali, les violences parallèles aux manifestations des gilets jaunes, les catastrophes naturelles qui ont secoué le pays, la mort du Président Jacques Chirac et même, deux fois, l’incendie de Notre-Dame de Paris.

Emmanuel Macron a aussi fait un bilan optimiste de son action, regardant la première moitié de son quinquennat avec une fragile satisfaction : « Avec le grand débat national (…), nous avons su instaurer un dialogue respectueux et républicain, sans précédent dans une démocratie (…). Nous avons commencé à percevoir, dans le concret de nos vies, les premiers résultats de l’effort de transformation engagé depuis deux ans et demi. Plus de 500 000 emplois ont été créés depuis mai 2017 et bénéficient souvent à des personnes éloignées du monde du travail depuis longtemps ; des créations d’entreprises toujours plus nombreuses ; des investissements internationaux dans notre économie supérieurs à ceux qu’enregistrent nos voisins ; des usines qui rouvrent et permettent à des territoires en difficulté de renouer avec l’espoir : la France n’avait pas connu un tel élan depuis des années. ».

Parmi les dossiers de l’année 2020, Emmanuel Macron en a cité notamment trois essentiels : l’aide aux personnes en situation de handicap ou de dépendance (« des décisions essentielles ») ; le "déploiement" d’un « nouveau modèle écologique ». Il faut rappeler que lors du Conseil européen à Bruxelles le 13 décembre 2019, l’Union Européenne a défini l’objectif d’être le premier continent neutre en carbone et a fait des avancées sur le Green Deal, la taxe carbone aux frontières et la solidarité européenne pour la transition écologique. Le sujet est très sensible puisqu’il a provoqué la crise des gilets jaunes en 2018. L’actualité dans ce domaine pourrait ainsi redevenir très brûlante : « Il nous reviendra au printemps prochain d’affirmer des choix nouveaux et forts, une stratégie sur plusieurs années pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi pour œuvrer en faveur de la biodiversité. Cette stratégie nationale doit être écologique et économique : c’est-à-dire que nous devons préserver la planète en créant des emplois nouveaux. ». Et troisième dossier important, « l’unité retrouvée » pour évoquer la laïcité : « Je vois trop de divisions au nom des origines, des religions, des intérêts. Je lutterai avec détermination contre les forces qui minent l’unité nationale et dans les prochaines semaines, je prendrai de nouvelles décisions sur ce sujet. ».

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Évidemment, Emmanuel Macron était le plus attendu surtout sur la réforme des retraites, et je dois reconnaître qu’il n’a exprimé aucune idée nouvelle qui aurait pu apaiser le courroux des grévistes. Certes, il a rappelé l’importance de réconciliation et de l’unité, mais il ne peut pas apaiser en disant : « L’apaisement toujours doit primer sur l’affrontement. Apaiser ne veut pas dire renoncer mais nous respecter dans nos désaccords. ».

En fait, Emmanuel Macron n’a jamais eu l’intention de céder sur la réforme des retraites : « Ce sont les troisièmes vœux que je vous adresse. D’habitude, c’est le moment du mandat où on renonce à agir avec vigueur, pour ne surtout plus mécontenter personne à l’approche des futures échéances électorales (…). Nous n’avons pas le droit de céder à cette fatalité. C’est l’inverse qui doit se produire. (…) J’ai conscience que les changements bousculent souvent. Mais les inquiétudes ne sauraient pousser à l’inaction. Car il y a trop à faire. Je mesure aussi combien les décisions prises peuvent parfois heurter, susciter des craintes et des oppositions. Faut-il pourtant renoncer à changer notre pays et notre quotidien ? Non. Car ce serait abandonner ceux que le système a déjà abandonnés, ce serait trahir nos enfants, leurs enfants après eux, qui alors auraient à payer le prix de nos renoncements. ».

Aussi : « Nous changeons les choses, mais il faut rattraper parfois beaucoup de retard. Cela ne se fait pas en un jour. Alors, à l’aube de cette nouvelle décennie, je veux assurer que je ne cèderai pas au pessimisme, ou à l’immobilisme. (…) Nous n’avons pas à nous adapter au cours des choses, ce n’est pas la France !, mais à rester fidèles à ce que nous sommes en bâtissant une société nouvelle qui répond selon nos choix aux bouleversements en cours. ».

Sa détermination sur les retraites reste donc très claire : « C’est pour cela que la réforme des retraites à laquelle je me suis engagé devant vous et qui est portée par le gouvernement sera menée à son terme. (…) Ma seule boussole est et sera l’intérêt de notre pays, notre capacité à assurer la meilleure retraite possible à nos aînés, la défense de ceux qui n’ont pas toujours la faculté de s’exprimer, c’est-à-dire nos enfants. », tout en donnant une explication des oppositions : « Ne vous y trompez pas, j’entends sur ce sujet si important, qui tient au cœur même de l’identité française, les peurs, les angoisses qui se font jour. J’entends aussi beaucoup de mensonges et de manipulations. ».

L’argument principal de ce projet de réforme des retraites est le suivant : « Il repose sur un principe de responsabilité : il s’agit de garantir l’équilibre du système par répartition qui est le nôtre depuis le Conseil National de la Résistance, et donc sa solidité à travers le temps. C’est la base de la solidarité entre générations. Cela veut dire s’assurer que ceux qui travaillent soient en mesure de payer à nos aînés leur juste retraite, dans un monde, et c’est une chance, où l’on étudie plus longtemps et où l’on voit de plus en plus longtemps. ». Cette explication justifie l’âge d’équilibre mais pas le système à points qui prend en compte l’ensemble de la carrière professionnelle et pas les vingt-cinq meilleures années.

La seule petite ouverture, probablement à destination de la CFDT, c’est de rester prêt à améliorer le projet de réforme sur la pénibilité : « Plus d‘équité : nous prendrons en compte les tâches difficiles pour permettre à ceux qui les exercent de partir plus tôt sans que pour autant cela soit lié à un statut ou une entreprise. ».

Je reviendrai bien sûr sur ce sujet "brûlant" de la réforme des retraites, mais il faut constater que dans l’allocution présidentielle, aucun argument nouveau n’a été développé pour essayer de convaincre les non convaincus. Cette situation ne peut que renforcer la détermination des grévistes. Et la paralysie de l’économie nationale au détriment d’une image internationale pourtant favorable depuis quelques années.

Je termine ce compte-rendu des vœux présidentiels par une réflexion anecdotique. Il est assez dérisoire (et risible) que les opposants à Emmanuel Macron (qui ont bien sûr le droit de s’opposer, fort heureusement) s’en prennent jusqu’à des arguments sans aucun intérêt mais comme je suis aussi pinailleur qu’eux, j’en pêche un pour le plaisir.

À plusieurs reprises, Emmanuel Macron a évoqué 2020 comme le début de "la nouvelle décennie". Par exemple : « Mes chers compatriotes, dans quelques heures, une nouvelle décennie s’ouvrira. ».

Et certains disent que non, la nouvelle décennie commencera le 1er janvier 2021 et pas le 1er janvier 2020. Certes, moi aussi, cela m’a agacé quand on disait que le 1er janvier 2000 ouvrait un nouveau siècle et un nouveau millénaire. C’est évidemment le 1er janvier 2001 qui a ouvert à la fois le XXIe siècle et le IIIe millénaire, il n’y a aucun doute sur cela et pour s’en convaincre, il suffit juste de savoir compter et de se rappeler qu’il n’y a pas d’année zéro, on passe directement de l’an 1 avant Jésus-Christ à l’an 1 après Jésus-Christ, au même titre qu’on passe du Ier siècle avant Jésus-Christ au Ier siècle après Jésus-Christ (en sachant aujourd’hui que Jésus-Christ serait en fait né plutôt à l’an 4 avant Jésus-Christ !). Ces siècles et ces millénaires sont particuliers, ils ont bien un nom, leur numéro et ils sont effectivement régis par la comptabilité voulue par le calendrier julien (puis grégorien).

Mais depuis quand les décennies ont-elles un nom ou un numéro ? Une décennie correspond à une période de dix années ("decade" en anglais, faux ami puisqu’en français, une décade est une période de dix jours et pas de dix ans), et donc, la période 2005-2014 correspond bien, elle aussi, à une décennie. Pour plus de commodité, comme on aime dire "les années 2010", ou "les années 2020", la décennie 2020-2029 garde donc toute sa rigueur dans sa définition. Définition du Petit Larousse de la décennie : « Période de dix ans. ». Définition du Petit Larousse du siècle : « Durée de cent années. Période de cent années numérotées de 1 à 100, de 101 à 200, etc., comptée à partir d’une origine chronologique appelée ère. ».

Mais après tout, à chacun son vocabulaire et bonne année à tous !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 janvier 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron et la France de 2020 en effervescence.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 31 décembre 2019 à l’Élysée (texte intégral).
L'Odyssée de l'Espoir.
Édouard Philippe sur les retraites : déterminé mais pas fermé.
Emmanuel Macron prône la société de vigilance.
Pourquoi mourir au Mali ?
Les gilets jaunes, alibi à la violence haineuse ?
G7 à Biarritz : Emmanuel Macron consacré prince du multilatéralisme.
L’ardeur diplomatique d’Emmanuel Macron.
Le Sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 24 août 2019 à Biarritz.
Union Européenne : la victoire inespérée du Président Macron.
La Simone Veil d'Emmanuel Macron ?
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et l’art d’être Français.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron du 25 avril 2019 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président Emmanuel Macron du 16 avril 2019 (texte intégral).
Emmanuel Macron à la conquête des peuples européens.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191231-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-et-la-france-de-220424

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/01/02/37907913.html


 

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31 décembre 2019 2 31 /12 /décembre /2019 03:34

« On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère. » (Jean-Jacques Rousseau, 1761).


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J’ai trouvé tout seul mon titre, mais, par précaution, je l’ai quand même "googlisé" et j’ai découvert une Association (apparemment très dynamique) de personnes atteintes de sclérose en plaques. Je n’en ai donc pas l’antériorité mais je l’ai gardé car c’est dans un domaine très différent et le nouvel an est souvent synonyme d’espoir, après tout, les vœux, ce sont des petites boules d’espoir qu’on lance par-ci par-là auprès des proches et des moins proches.

J’ai eu la chance de connaître une de mes arrière-grand-mères, et même d’avoir eu quelques discussions intéressantes avec elle. Elle était née à la fin de l’avant-dernier siècle. Quand elle me parlait de la guerre de 70 (elle était lorraine), je comprenais qu’elle parlait de 1870 même si mon esprit voyait plutôt les années 70 au XXe siècle. En revanche, j’en étais resté aux années 20 qui étaient effectivement de ce même siècle. Alors, il va falloir m’y habituer, nous y habituer : lorsqu’on parlera des années 20, on ne parlera plus de la période d’entre-deux-guerres. Les années 20, elles sont désormais devant nous, et nous sommes maintenant entrés en plein dans le XXIe siècle. La chanson de Pierre Bachelet (20 ans en l’an 2000) paraît très dépassée. 20 ans d’an 2000, plutôt.

Et pourtant, le siècle est une partition bien trop longue dans la vie politique et l’on serait plutôt adapté à l’échelle du vingtième de siècle, c’est-à-dire, du quinquennat.

En 2017, Emmanuel Macron a suscité beaucoup d’attente parce qu’il voulait créer un "nouveau monde" mais l’idée pourrait germer qu’il a passé sa première moitié de quinquennat à redécouvrir le "vieux monde" (pas celui des années 2000, mais celui des années 1970). Son élection, on ne peut plus légitime, il l’a due d’abord à une OPA de la gauche (du principal parti de gauche, le PS), et par un effet très singulier (historiquement très rare), il a perdu le soutien de ses primo-électeurs mais a gagné celui des électeurs de François Fillon, en faisant, dès son arrivée au pouvoir, une OPA de la droite (du principal parti de droite, LR).

Il y a un an, le pouvoir était dans une situation catastrophique. Le 10 décembre 2018, il avait lâché 17 milliards d’euros pour réduire l’ardeur des gilets jaunes, mais la crise ne s’est pas arrêté à cela. Toute l’année scolaire 2018-2019 fut émaillée de manifestations des gilets jaunes, dont trois samedis particulièrement violents, les 1er et 8 décembre 2018 et le 16 mars 2019. Pourtant, ce mouvement s’est dissipé par lui-même, par son manque d’organisation, ou plutôt, son refus d’organisation, son refus de dialogue, son refus d’être représenté, son incapacité à exprimer clairement ses revendications, malgré les élections européennes qui étaient justement l’échéance idéale pour ce genre de mouvement.

Et dissipé aussi par une grande habileté d’Emmanuel Macron en proposant et en organisant le grand débat. Je n’y avais pas cru et donc, je n’imaginais pas que, d’une part, cela aurait été une exceptionnelle séance de psychologie politique collective et que, d’autre part, cela aurait permis à Emmanuel Macron de redresser son image et même sa popularité.

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Cependant, un an plus tard, le pouvoir est toujours dans une situation catastrophique, mais de manière très différente. Les gilets jaunes ont quasiment disparu de la circulation, mais sont revenus en masse les corps intermédiaires, les syndicats, dans l’un des conflits sociaux les plus durs depuis vingt-cinq ans, dépassant bientôt en longévité et surtout en détermination, le conflit de l’hiver 1995-1996. Les grèves commencées le 5 décembre 2019 ont réduit massivement l’offre des transports publics, notamment la SNCF et la RATP.

Il y a d’ailleurs un véritable clivage entre les franciliens et les provinciaux en général, car les premiers sont tributaires, pour la plupart, des transports en commun de la région parisienne, alors que les seconds prennent souvent leur voiture pour leurs déplacements quotidiens. Résultat, une véritable paralysie de la région capitale, avec l’absence de métro (sauf les deux lignes automatiques, la 1 et la 14) et du RER. Le 9 décembre 2019 à 8 heures 50, il y a eu le record absolu de bouchons dans la région parisienne avec 630 kilomètres d’embouteillages (à ma connaissance, pas encore battu, mais peut-être pour la rentrée scolaire du lundi 6 janvier 2020 ?).

L’une des conséquences, au-delà de l’effet économique mécanique désastreux (baisse du chiffre d’affaires des commerçants, plus de 90% ont été impactés pour le mois qui, généralement, est le plus prospère), c’est aussi la décision des chefs d’entreprises établies à Londres qui souhaitent quitter le Royaume-Uni maintenant que le Brexit est une certitude (l’accord a été voté le 20 décembre 2019 par les députés britanniques) : on imagine mal qu’ils aillent déménager aujourd'hui à Paris, alors que cette métropole avait les plus grands atouts comme base de repli…

Mais l’essentiel est le fond : la raison de ces grèves est la réforme des retraites, annoncée le 11 décembre 2019 par le Premier Ministre Édouard Philippe, qui est en fait une réforme trois en une : uniformisation dans un système par points, suppression (théorique) des régimes spéciaux et introduction d’un âge d’équilibre à 64 ans pour avoir sa pension à taux plein (sans supprimer l’âge légal à 62 ans, dont le maintien était une promesse du candidat Emmanuel Macron).

Dans cette réforme, il y a plusieurs incohérences. D’une part, le système proposé n’est pas plus universel que le précédent puisqu’il est savamment détricoté selon les corporations qui peuvent faire le plus de dégâts en cas de grèves. D’autre part, le système n’est pas plus simple que le précédent puisqu’on le complexifie au fil et à mesure qu’on le détricote.

Enfin, il y a une grande incohérence de conception : la réduction du nombre d’actifs cotisants sur le nombre de personnes pensionnées (provenant d’un effet démographique, le baby-boom, de la croissance de l’espérance de vie, mais aussi d’un niveau toujours très élevé du chômage) impose nécessairement une adaptation paramétrique du fameux triangle de la retraite par répartition : ou l’on augmente les cotisations (des salariés), ou l’on réduit les pensions (des retraités), ou l’on augmente l’âge légal de la retraite. Or, dans cette équation, ce qui a été toujours retenu, et à mon avis, c’est le plus juste, c’est d’augmenter l’âge légal de la retraite (qui était de 65 ans avant 1982, insistons : c’est la victoire de François Mitterrand qui a plombé l’équilibre budgétaire des retraites sur plus d’une cinquantaine d’années !). Augmenter les cotisations diminuerait l’activité économique en plombant les marges des entreprises, et réduire les pensions provoquerait la révolution.

Or, le gouvernement actuel a réduit les pensions, et même deux fois. En 2018, lorsqu’il a désindexé les pensions, ce qui fut l’une des causes principales de la crise des gilets jaunes, et maintenant, lorsqu’il propose la retraite par points alors que, sauf pour les minima sociaux, il est maintenant convenu que tous les autres vont y laisser des plumes. Or, on ne peut pas à la fois vouloir augmenter l’âge légal, réduire les pensions et décréter que la réforme renforcerait la justice sociale.

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Le pire, c’est qu’il y a une différence entre âge légal et âge d’équilibre, puisque cela laisse la possibilité de ne pas partir plus tard que maintenant, ce qui a fait dire à Damien Abad, nouveau président du groupe LR à l’Assemblée Nationale, de fustiger le gouvernement dès l’annonce de la réforme en disant que l’âge pivot, c’est du pipeau (pour l’équilibre budgétaire).

De leurs côtés, les principaux éditorialistes qu’on entend à la télévision et à la radio disent qu’il faudrait que le gouvernement soit raisonnable, ce qui doit être compris par raisonner comme la CFDT, c’est-à-dire garder le système à points mais renoncer à l’âge d’équilibre. Être raisonnable, dans ce cas-là, c’est plutôt d’avoir un point de vue idéologique. Raisonner politiquement comme la CFDT n’a d’ailleurs pas beaucoup de sens en terme d’efficacité, puisque ce sont les grévistes de la CGT qui bloquent les transports en commun.

Le plus raisonnable, à mon sens, ce serait plutôt le contraire : renoncer au système à points et consolider le principe de l’âge d’équilibre. C’est-à-dire, garantir un niveau de pensions au moins équivalent à celui d’aujourd’hui, mais augmenter le temps d’activité, en sachant néanmoins qu’on ne peut pas faire l’impasse sur le chômage des seniors, en ce sens que ce dernier rend financièrement inefficace toute mesure d’augmentation de l’âge du passage à la retraite.

La CGT, semble-t-il embrayée par Ségolène Royal (le 29 décembre 2019) et Martine Aubry (le 30 décembre 2019), deux anciennes éléphantes socialistes disparues de la circulation depuis très longtemps, a décidé de réclamer le retrait pur et simple du projet gouvernemental. Ce sera difficile de dire qu’il n’y aura pas de perdants dans cette affaire, vu la détermination des deux "camps".

Dernière incompréhension gouvernementale : Élisabeth Borne (la Ministre de la Transition écologique et sociale) a estimé que les grévistes des transports n’auraient pas lu les "avancées" accordées par le gouvernement. C’est se tromper de motivation. Les grévistes de la SNCF et de la RATP ne sont pas en grève pour des raisons égoïstes de défense de leurs intérêts catégoriels, mais pour des raisons messianiques, se sentant les représentants de tous les actifs qui, eux, ne peuvent se permettre d’être en grève (surtout dans le secteur privé). C’était aussi la motivation de décembre 1995.

Par conséquent, tout maintien d’un régime "particulier" à l’une ou l’autre catégorie, toute clause du grand-père, serait sans efficacité puisque les grévistes le sont pour tous les actifs et pas seulement leur catégorie. En ce sens, il faut saluer cet acte de solidarité. Solidarité entre actifs (ceux qui ne peuvent pas empêcher l’économie de tourner n’obtiendraient rien du gouvernement puisqu’ils ne gênent pas), et solidarité entre générations (ceux qui ne sont pas concernés en raison de leur âge militent pour les plus jeunes qui seront impactés).

Enfin, dans la réflexion, il est illusoire de croire que le conflit va bientôt s’arrêter. Les dates butoirs du 22 janvier 2020 (présentation au conseil des ministres) puis de la fin du mois de février 2020 (début de l’examen au Parlement) vont au contraire renforcer le "mouvement" social, comme on dit (c’est-à-dire l’inactivité économique).

De même, il serait illusoire d’attendre de l’allocution des vœux d’Emmanuel Macron ce mardi 31 décembre 2019 à 20 heures l’annonce d’une décision importante. Jamais les vœux n’ont été l’occasion d’une annonce importante, jamais, sauf les vœux de François Hollande le 31 décembre 2013 qui avaient annoncé le CICE qui, en corollaire, signifiait également la nomination de Manuel Valls à Matignon (après la défaite des élections municipales de mars 2014, les dernières municipales avant mars 2020).

Du côté du pouvoir, il y a deux forces antagonistes : celle, de l’aile gauche, qui explique qu’il faut réduire l’ambition réformatrice sur les retraites (principalement en supprimant l’âge d’équilibre), et celle, de l’aile droite, qui explique qu’il ne faut céder sur rien, sinon, cela signifierait qu’il ne serait plus possible de réformer en France et les électeurs dits de droite quitteraient LREM pour revenir chez LR (alors que les électeurs dits de gauche auraient déjà déserté LREM).

La vie politique et le système social des Français valent cependant mieux qu’une sorte de mantra qui répète : réforme ! réforme ! réforme ! Il faut aussi être en phase avec le peuple et ce serait fou de révolutionner autant le système des retraites contre la volonté populaire.

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C’est pourquoi je forme un vœu pour 2020, un unique vœu, qui est aussi un espoir, celui de choisir la voie référendaire. Certes, le référendum est une option à risque pour le Président de la République mais personne ne lui reprocherait de prendre ce risque. Vouloir un référendum sur la réforme des retraites aurait de très nombreux avantages.

Le premier avantage, évidemment, c’est de (re)donner la parole au peuple, et (au contraire des aéroports de Paris), le système des retraites concerne tout le monde. Pour une réforme de cette importance, ce serait normal de vouloir consulter le peuple. Si, comme le répète le gouvernement, cette réforme est bonne pour le peuple, alors, il n’aura pas de mal à convaincre les électeurs que c’est une bonne réforme. L’intérêt du référendum, c’est que ce n’est pas un "grand débat", c’est un débat à véritable enjeu, les arguments des "pour", des "contre", et des "oui mais" vont s’affiner, et le peuple sera éclairé.

Le deuxième avantage, c’est de sortir de la crise sociale par le haut, c’est-à-dire par une reprise en main politique et un appel au peuple, comme De Gaulle en juin 1968 et en avril 1969. Car pour l’instant, les interlocuteurs du gouvernement sont les syndicats, très peu représentatifs du peuple français. Tournons-nous donc directement vers le peuple.

Le troisième avantage, c’est que les grèves n’auraient alors plus aucune utilité, sans pour autant renoncer à la réforme. Si les grèves perduraient encore, alors, elles seraient très contreproductives.

Le quatrième avantage, c’est qu’il n’y aura pas de gagnant, puisque le gagnant sera le peuple dans tous les cas. Si le gouvernement voulait procéder très habilement, il pourrait même proposer deux ou trois questions, sur le système par points, sur l’âge d’équilibre et sur la suppression des régimes spéciaux, par exemple. Avoir dans le total à la fois un "oui" et un "non" ne permettrait plus de désigner un gagnant ou un perdant sur le fond.

Le cinquième avantage, surtout si le référendum est positif pour la réforme, mais pas seulement, c’est de montrer une réelle méthodologie sur la réforme en France. Le grand sociologue Michel Crozier avait même consacré un livre sur le sujet, sorti en 1979 chez Grasset : "On ne change pas la société par décret" qui part de ce constat : « Nous vivons dans une crise d’affolement devant la complexité d’un système que nous ne maîtrisons plus. ». Un gouvernement, aussi intelligent et pertinent soit-il, ne peut pas faire l’impasse de l’approbation populaire des grands changements qu’il souhaite provoquer dans le pays.

Au contraire du printemps 1984 avec la contestation massive du système unique de l’enseignement voulu par François Mitterrand, les dispositions constitutionnelles actuelles permettent, par l’article 11 de la Constitution, de consulter le peuple sur les retraites : « Le Président de la République, sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. ». Cette rédaction en vigueur provient de l’article 1er de loi constitutionnelle n°95-880 du 4 août 1995 promulguée par Jacques Chirac et de l’article 4 de la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 promulguée par Nicolas Sarkozy (qui élargit à la politique environnementale). Je ne cite pas le texte sur le référendum d’initiative parlementaire, car le référendum que j’évoque, pour avoir un sens politique, doit évidemment être décidé par le pouvoir lui-même, pas par son opposition.

Alors, consultons le peuple et qu’il soit l’arbitre exigeant de cette bataille sociale qui paralyse la France depuis presque un mois !

Et puis, puisque c’est l’occasion, j’adresse à toutes et tous mes meilleurs vœux de santé, joie et sérénité pour la nouvelle 2020. Prenez soin de vous et des vôtres !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 décembre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


(Les cinq illustrations sont des pastiches de photographies tirées du fameux film "2001, l’Odyssée de l’Espace").


Pour aller plus loin :
2020.
2019.
2018.
2017.
2016.
2015.
2014.
2012.
2010.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200101-nouvel-an.html

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/2020-l-odyssee-de-l-espoir-220372

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/12/28/37897720.html



 

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11 décembre 2019 3 11 /12 /décembre /2019 12:15

« Nous proposons un nouveau pacte entre les générations, un pacte fidèle dans son esprit à ceului que le Conseil National de la Résistance a imaginé et mis en œuvre après guerre pour créer le système de retraites actuel. Il refonde profondément les règles, pour corriger les injustices, adapter aux nouvelles trajectoires de carrière (…) mais reste fidèle aux valeurs fondatrices. » (Édouard Philippe, le 11 décembre 2019 à Paris).


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Comme annoncé le 6 décembre 2019, le Premier Ministre Édouard Philippe a présenté, ce mercredi 11 décembre 2019 à midi, les détails du projet de retraite universelle par points qui sera présenté au conseil des ministres du 22 janvier 2020 et au Parlement à la fin du mois de février 2020. Ce discours (qu’on pourra lire ici) a été prononcé au Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) qu’avait présidé Jean-Paul Delevoye du 16 octobre 201 au 1er décembre 2015.

C’est assez osé, mais certainement très habile, de la part d’Édouard Philippe, de placer son projet dans le sillon des valeurs du Conseil National de la Résistance. En outre, il ne veut pas qu’il y ait des vainqueurs ou des vaincus dans la confrontation sociale actuelle : « Cette refondation n’est pas une bataille. (…) Je ne veux pas, dans la France d’aujourd’hui, fragmentée, hésitante entre optimisme et déclinisme, entrer dans la logique du rapport de force. (…) L’ambition d’universalité portée par le gouvernement est portée par la justice sociale. ».

Voici certains détails qui peuvent intéresser l’ensemble des Français sur l’application et la transition de la réforme pensée par le gouvernement pour la retraite universelle à points.

Régimes spéciaux : « Nous mettrons fin aux régimes spéciaux. Nous le ferons sans brutalité dans le respect des parcours individuel. Je le dis avec tranquillité, calme, détermination, respect pour les organisations syndicales, pour les travailleurs qui y adhèrent comme ceux qui n’y adhèrent pas. ».

Valeur du point : « Nous nous engageons à ce que la valeur du point ne soit pas fixée à la sauvette (…) mais que les partenaires sociaux le fixent sous le contrôle du gouvernement. La loi prévoira une règle d’or pour que la valeur du point ne puise pas baisser et indexera la valeur du point non sur les prix, mais sur les salaires. ».

Retraite des élus et ministres : « Universel, ça veut dire pour tout le monde. Sans exception. Dans le système universel de retraites, les élus et les ministres seront traités exactement comme tous les Français. ».

S‘adapter au monde du travail d’aujourd’hui et de demain : « Nous devons construire la protection sociale du XXIe siècle en prenant mieux en compte les nouveaux visages de la précarité. Ces nouveaux visages, ce sont la caissière à temps partiel, le livreur à vélo d’une plateforme numérique… Je ne suis pas convaincu que pour eux, nos trimestres, nos 25 meilleures années, soient vus comme le meilleur système au monde. ».

Minimum retraite : « Nous garantirons une pension minimale de 1 000 euros par mois pour une carrière complète (…). Ce sera une conquête pour les agriculteurs, les artisans, les commerçants. Le gouvernement ira même plus loin, le minimum de pension sera garanti par la loi à 85% du SMIC et évoluera comme celui-ci. Les travailleurs à temps partiel ne seront plus pénalisés. Des points seront alloués comme aujourd’hui pour compenser les périodes de chômage et de maladie. ».

Femmes : « La maternité sera compensée à 100% (…) en accordant des points supplémentaires pour chaque enfant. Cette majoration sera accordée à la mère sauf choix contraire des parents (…). Il s’agit d’un progrès majeur. 80 000 femmes sont contraintes d’attendre 67 ans pour liquider leur retraite car elles n’ont pas assez travaillé. ». 5% par enfant, il me semble.

Pensions de réversion : « Le système de réversions sera préservé et généralisé, et même amélioré en garantissant au conjoint encore vivant 70% des ressources du couple. ».

Cotisation spéciale pour les plus riches : « Un système universel est fondé sur la solidarité nationale. D’une certaine façon, il est la solidarité nationale. Jusqu’aux 120 000 euros de revenus annuels, tout le monde cotisera au même taux pour ouvrir des droits. Au-delà de ce montant, les plus riches payeront une cotisation de solidarité plus élevée pour financer des mesures de solidarité pour tout le monde. C’est un effort juste, le reste n’est que littérature, fût-elle tristement erronée. ».

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Âge pivot : « La seule solution, c’est de travailler progressivement un peu plus longtemps, comme c’est le cas partout en Europe. Nous maintiendrons l’âge minimal de départ à la retraite à 62 ans. C’est un principe de liberté auquel nous voulons rester fidèles. (…) Mais sans forcer, il faut inciter les Français  travailler plus longtemps (…). Le gouvernement compte reprendre la proposition du Haut-commissaire de mettre en place un âge d’équilibre avec un système de bonus-malus. Le COR nous dit qu’il faudrait fixer à 64 ans en 2025 pour atteindre l’équilibre. (…) Je voudrais faire observer que 64 ans, ce sera, selon les projections, l’âge moyen auquel les salariés partiront à la retraite dans cinq ans. Je fais état de projections. Cela veut dire que cette date est déjà un horizon raisonnable pour la grande majorité des Français. ».

Pénibilité : « Je suis favorable à l’idée de déplafonner les droits liés à la pénibilité pour les utiliser pour se former ou effectuer la fin de sa carrière à temps partiel. ».

Activité durant la retraite : « Il faut aussi améliorer les transitions entre activité et retraite, il faut pouvoir continuer à accumuler des points, tout en cumulant retraite et activité. ».

Générations concernées : « Nous avons conçu ce système pour les jeunes générations, ceux qui vont être confrontés à ces mobilités professionnelles, géographiques et ces carrières heurtées. Elles doivent en bénéficier sans attendre. (…) Ceux qui entreront sur le marché du travail en 2022 intégreront directement le nouveau système. Plus précisément, la génération de 2004 sera la première à intégrer le système universel de retraite. (…) Nous avons choisi de ne rien changer pour celles qui sont aujourd’hui à moins de 17 ans de la retraite, c’est-à-dire les personnes nées avant 1975, qui auront 50 ans en 2025. (…) Quant aux personnes qui rejoignent le nouveau régime, je voudrais les rassurer. La première partie de carrière, jusqu’en 2025, sera calculée sur l’ancien système. ». Il faut noter que le seuil (naissance en 1975) fait que le Président Emmanuel Macron sera amené à voir sa retraite calculée dans le nouveau système.

Enseignants : « Il serait inacceptable que les enseignants perdent le moindre euro de pension compte tenu de cette réforme et cela ne se produira pas. Nous écrirons dans la loi que le niveau des retraites des enseignants sera comparable aux métiers équivalents dans la fonction publique. ». La revalorisation des salaires des enseignants sera faite à partir de 2021.

Métiers à missions dangereuses : « Comme l’a dit le Président de la République, un système universel ne signifie pas négation de toute spécificité. C’est ce qui en fera sa force et sa capacité à durer. Ceux qui sont exposés à des missions dangereuses (pompiers, policiers, militaires, gendarmes) conserveront leur bénéfice de dérogation d’âge. Les gains représentés seront préservés dans le futur système pour maintenir un niveau de retraites comparables. ».

Le discours d’Édouard Philippe s’est voulu rassurant et consensuel. Il a cherché à lisser les aspérités de l’incertitude et donner le maximum de garantis, notamment à certaines professions inquiètes : les enseignants, les soignants et les infirmiers (possibilité de finir sa carrière en temps partiel, etc.), les policiers, les militaires, les professions libérales (dont la caisse de retraite excédentaire restera pour eux), etc.

D’un point de vue politique, il y a la volonté de n’appliquer cette réforme qu’aux plus jeunes, c’est-à-dire ceux qui ont moins de 44 ans (nés en 1975 ou après). Pourquoi cet âge ? Si le seuil de 1977 avait été choisi, aurait-on pu reprocher à Emmanuel Macron de s’exclure personnellement de la réforme ?

Le gouvernement a choisi aussi de créer une nouvelle taxe de solidarité pour les ménages dits riches, c’est-à-dire, qui ont un revenu supérieur à 120 000 euros. Peu de monde avouera que c’est une somme qui n’est pas de l’ultrariche mais de la classe moyenne supérieure (en gros, en moyenne pour un couple, cela correspond à une rémunération individuelle mensuelle autour de 5 000 euros ; on n’est pas loin des 4 000 euros pensés par François Hollande il y a presque dix ans). Ainsi, personne ne pourra véritablement dire que les riches ne paieront pas plus pour ce nouveau système de retraite. C’est la principale mesure de justice sociale pleinement assumée et surtout compréhensible et peu contestable.

Comme prévu, Philippe Martinez a rejeté ce projet et la CGT organise deux "journées d’action" le jeudi 12 décembre 2019 et le mardi 17 décembre 2019. Il a notamment fustigé la revalorisation des enseignants qui se ferait en dix ans, ce qui serait beaucoup trop long pour eux.

Pour Laurent Berger, la situation est moins claire mais la CFDT devrait, elle aussi, continuer les grèves. Le point de rupture concerne la pénibilité qui n’a pas été assez prise en compte dans le projet : « La ligne rouge a été franchie. ».

Les grèves continueront, mais le gouvernement va maintenant tenter de convaincre l’insondable et diffuse "opinion publique", celle qui font ou défont les réformes. Édouard Philippe aura au moins le bénéfice de la bonne foi.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 décembre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les détails du projet de retraite universelle par points annoncé par Édouard Philippe le 11 décembre 2019.
Discours d’Édouard Philippe le 11 décembre 2019 au CESE (texte intégral).
Discours d’Édouard Philippe le 12 septembre 2019 au CESE (texte intégral).
Rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) du 21 novembre 2019 (à télécharger).
La retraite, comme l’emploi, source d’anxiété extrême.
Grèves contre la réforme des retraites : le début de l’hallali ?
Rapport de Jean-Paul Delevoye sur la réforme des retraites remis le 18 juillet 2019 : "création d’un système universel de retraite" (à télécharger).
Faut-il encore toucher aux retraites ?
Le statut de la SNCF.
Programme du candidat Emmanuel Macron présenté le 2 mars 2017 (à télécharger).
La génération du baby-boom.
Bayrou et la retraite à la carte.
Préliminaire pour les retraites.
Peut-on dire n’importe quoi ?
La colère des Français.
Le livre blanc des retraites publié le 24 avril 1991.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191211-edouard-philippe-retraites.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-details-du-projet-de-retraite-219891

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/12/11/37857618.html




 

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10 décembre 2019 2 10 /12 /décembre /2019 03:38

« Face au vieillissement, nous devons rebâtir un système de retraite juste par points. C’est l’engagement que j’ai pris pendant la campagne présidentielle, c’est ce à quoi travaille (…) Jean-Paul Delevoye depuis le début du quinquennat. Cette refondation profonde (…), elle se fera sur plusieurs années, mais c’est une transformation radicale qui doit remettre de la confiance, de la justice, de l’efficacité dans notre système de retraite. » (Emmanuel Macron, conférence de presse du 25 avril 2019).


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Comme il est loin, le temps où la réforme des retraites était placée dans un (plus ou moins) lointain horizon ! La formulation du Président Emmanuel Macron, lors de son unique conférence de presse le 25 avril 2019 (texte intégral ici), visant à conclure définitivement la période du grand débat, fut en elle-même un oxymore. Comment pouvait-il croire remettre de la confiance dans un projet de "transformation radicale" (qui concerne donc tout le monde) et déjà rendre brumeux la motivation première d’une telle réforme.

Car comme présentée à cette conférence de presse (il y a seulement six mois et demi), cette réforme était nécessaire pour équilibrer les comptes publics, puisqu’il a abordé ce sujet en parlant du vieillissement. Un peu plus loin, d’ailleurs, il a confirmé la motivation première de la réforme : son équilibre budgétaire. À partir du moment où la population vieillit, où il y a plus de retraités et moins d’actifs, le nombre d’actifs par retraité s’effondre et il faut bien travailler plus. L’idée n’est pas choquante et finalement, on est encore loin de la situation d’avant 1982, avec un âge légal de 65 ans, à une époque où l’espérance de vie avait environ dix années de moins.

Pourtant, c’est tout le contraire qui est présenté aujourd’hui : la réforme de la retraite par points n’a aucun rapport avec une quelconque opération de réajustement budgétaire. Certes …mais dès lors qu’il est convenu que le système actuel sera déficitaire à brève échéance, ne serait-il pas plus judicieux de se préoccuper de le rééquilibrer avant d’imaginer toute révolution systémique qui mettrait la France dans une paralysie économique de plusieurs semaines voire plusieurs mois ? Dans le rapport Delevoye (qu’on peut télécharger et lire ici), il est pourtant indiqué que pour "démarrer" l’application du nouveau système, il faudrait qu’il soit équilibré au temps zéro.

Rien que ce seul sujet rend déjà flou toute le projet gouvernemental et opaques les intentions réelles ou supposées, arrière-pensées honteuses ou assumées. Puisque la réforme des retraites est considérée comme l’une des promesses électorales symptomatiques d’Emmanuel Macron, revenons à l’origine.

Dans son projet présidentiel publié le 2 mars 2017, il a été indiqué effectivement : « Nous mettrons fin aux injustices de notre système de retraites. » et on oublie peut-être de rappeler la deuxième promesse qui est collée à la première : « Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite, ni au niveau des pensions. ».

Promettre de ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite était particulièrement casse-cou, c’est comme promettre de baisser les impôts sans savoir qu’en cours de mandat, une crise financière, une catastrophe écologique ou d’autres événements imprévus pourraient alourdir les budgets. L’astuce, la créativité des théoriciens est sans limites, c’est d’introduire un "âge pivot" qui permet de ne pas toucher à l’âge de départ tout en touchant à l’âge de départ effectif.

Mais cette seconde promesse était double : pas de modification de l’âge de départ à la retraite, mais non plus, on ne touche pas au niveau des pensions. Or, toutes les réflexions actuelles sur la réforme des retraites laisse entendre qu’une très large majorité de citoyens va y perdre (c’est le cas des Suédois qui ont mis en œuvre la retraite par points en 2001). Ou alors, la promesse voulait dire : on ne touche pas au niveau des pensions actuelles, celles de ceux qui sont actuellement à la retraite (ce qui, d’ailleurs, est inexact en raison de leur désindexation et la hausse de la CSG, mais là, on pourrait interpréter : on ne touche pas au niveau des pensions …brut).

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L’imprudence des promesses électorales, surtout lorsqu’elles sont démagogiques, peut faire des dégâts. Rappelons aussi la promesse de réduire voire de supprimer la taxe d’habitation : comment un contribuable peut-il considérer que ce serait positif s’il sait que les collectivités territoriales devront bien, d’une manière ou d’une autre, retrouver une marge de manœuvre fiscale (par exemple, en considérant les propriétaires de biens immobiliers comme les nouvelles vaches à lait, ou moutons à tondre ?).

Revenons plutôt à l’actualité. Ce lundi 9 décembre 2019, la région parisienne a connu à 8 heures 50 un nouveau record de bouchons : 630 kilomètres ! C’était prévisible. Le jeudi 5 voire le vendredi 6 décembre 2019, beaucoup, en prévisions des grèves, s’étaient préparés, avaient pris des congés, ou essayé de faire du télétravail. Mais il arrive bien un jour où il faut quand même se rendre à son lieu de travail.

La grève du 5 décembre 2019 a été beaucoup plus suivie qu’en 1995, et le nombre de manifestants a été nettement supérieur à celui des premières manifestations en 1995. De quoi réjouir en particulier Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, surplombant de sa moustache reconnaissable les autres centrales, en particulier la CFDT, pourtant premier syndicat de France, déconsidéré depuis toujours par Emmanuel Macron (déjà à l’époque où ce dernier était le Secrétaire Général adjoint de l’Élysée auprès de François Hollande) et pourtant toujours prêt à négocier pour le principe du système à points.

Si Jean-Paul Delevoye est une personne à la fois sincère, scrupuleuse dans la concertation et honnête (son oubli dans sa déclaration d’intérêts l’a fait immédiatement démissionner, le 9 décembre 2019, d’un conseil d’administration d’une organisation en rapport avec des assureurs et donc, ayant un vague lien potentiel avec les retraites), le projet de réforme des retraites pêche par son côté brouillon, son illisibilité, les hésitations, les injonctions contradictoires provenant même du gouvernement ainsi que par un véritable amateurisme.

Une illustration parmi d’autres : un des conseillers d’un cabinet ministériel (il me semble) a confié, à un journaliste de la chaîne LCI, ceci : « On voit Jean-Paul Delevoye quasiment toutes les semaines depuis dix-huit mois et pourtant, je ne comprends toujours rien à ce qu’il raconte. ».

En mélangeant toutes les considérations, on noie le poisson, le pêcheur, le cuisinier et celui qui le mange. On est très loin de la simplification. Au contraire, on instaure un climat anxiogène durable et l’on encourage même la multiplication des désinformations (qu’on nomme maintenant "fake news").


L’équilibre budgétaire ?

L’équilibre budgétaire des retraites ? Quel que soit le système adopté, ancien, nouveau, imaginaire, etc., la pérennité financière d’une retraite par répartition (heureusement que ce principe reste à peu près unanime) signifie que les pensions des retraités actuels sont payées par les actifs actuels (par capitalisation, c’est très différent : les pensions des retraités actuels seraient payées par ces mêmes retraités lorsqu’ils étaient actifs et les actifs actuels cotiseraient pour leur propre retraite à venir).

Pour que le système par répartition tienne debout, il faut que le rapport actifs sur retraités tienne lui aussi debout. Il était de quatre actifs pour un retraité il y a une cinquantaine d’années, il est actuellement de 1,6 actif pour un retraité aujourd’hui et demain, le risque est clairement qu’il y ait plus de retraités que d’actifs capables de cotiser (actifs ayant vraiment un emploi). C’est mathématique et incompressible. C’est provisoire car dans une génération (trente ans), avec la baisse de la natalité des années 1980, le ratio pourrait se redresser (à condition d’encourager la natalité par des incitations fortes).

Et le seul moyen d’améliorer le ratio actifs sur retraités, c’est de faire travailler plus longtemps les actifs. Ce n’est pas choquant si on prend la précaution de différencier les professions épuisantes des professions qui peuvent allègrement franchir les soubresauts de l’âge (il suffit de compter chez les journalistes le nombre de septuagénaires voire d’octogénaires pour s’en rendre compte).

Cette considération budgétaire doit être prise en compte par une réforme paramétrique mais certainement pas systémique, sinon, il n’y a plus aucune capacité de comparaison pour tous les futurs retraités que nous, les actifs, serons un jour.


L’injustice des régimes spéciaux ?

Franchement, ce n’est pas le sujet de vouloir bouleverser tout le système pour "fondre" les régimes spéciaux. D’une part, il restera toujours des régimes spéciaux, à moins de demander aux militaires de faire le parcours du combattant encore à 62 ans. D’autre part, c’est une conception de justice (la suppression des régimes spéciaux) qui s’apparente au sentiment de jalousie. Il y a eu beaucoup de causes et de raisons pour tels ou tels régimes spéciaux des retraites. Que l’État, et donc le contribuable, y compris celui qui ne bénéficiera pas des régimes spéciaux, souhaite modifier ces régimes parce que leurs caisses sont déficitaires, est évidemment raisonnable.

Mais comme pour l’équilibre budgétaire, il s’agit de régler ce sujet spécifiquement. D’ailleurs, il m’avait semblé que le projet de la SNCF du printemps 2018 s’y était déjà (un peu) attelé (pour la seule SNCF, évidemment). En outre, certaines caisses sont forcément déficitaires pour des raisons démographiques : on emploie beaucoup moins de cheminots qu’il y a cinquante ans, donc le ratio actifs sur retraités est forcément en baisse. L’une des convergence naturelle, c’est d’augmenter l’âge légal de départ à la retraite, lorsque la réalité du métier ne correspond plus à la pénibilité dont il était question au moment de la création de ces régimes.

De plus, de tous les régimes spéciaux, seulement quelques-uns sont déficitaires. D’autres, au contraire, sont bénéficiaires et ceux qui sont concernés commencent à protester car ils ne veulent pas qu’on leur dérobe leur "cagnotte" accumulée par leurs propres cotisations et la rigueur de leur gestion.

Là encore, cette réforme des régimes spéciaux pourrait et devrait être seulement une réforme périphérique n’impactant pas sur le régime général.

Venons-en au cœur de la réforme systémique.


La retraite par points

Les arguments utilisés pour soutenir cette réforme systémique qui impacterait tout le monde sont : la justice (ou plutôt l’égalité), la simplicité et la confiance. La confiance, c’est clair qu’elle n’est pas au rendez-vous, la confiance ne se décrète pas, elle est ou elle n’est pas, et il est clair qu’elle n’est pas là. Les raisons ont déjà été partiellement précisées : illisibilité, anxiété, complexité et incrédulité.

Incrédulité car on soupçonne le gouvernement des pires arrière-pensées, et si c’est à tort (à mon avis), cette réforme ouvre la brèche à un champ des possibles dangereux pour l’avenir (quand on aura oublié depuis longtemps le gouvernement actuel).

L’égalité est un slogan vide de sens concret et entièrement idéologique, ce qui est étonnant pour un quinquennat Macron en principe pragmatique.

Trois avantages sont avancés pour cette réforme.

Premièrement, lorsqu’on travaille au cours de sa carrière sous différents statuts, on n’a pas la pension espérée car chaque statut est différent. En n’ayant qu’une seule règle universelle, cela permet de cotiser malgré les changements de carrière. Corollaire : ce n’est plus le nombre de trimestres qui compte mais le nombre de points. Même quelques heures en intérim seraient prises en compte dans le calcul de la retraite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Deuxièmement, l’effet de simplicité par son universalité : un euro cotisé correspond à la même pension à la fin. Cette simplicité me paraît cependant d’autant plus intrigante que la situation de l’emploi est complexe, diversifiée et très inégale.

Troisièmement, l’effet d’égalité ou de justice, qui, je le répète, ne répond pas à un besoin sinon de jalousie du voisin. Je me moque bien du montant de la retraite des voisins, et si on fait un nivellement par le bas, tout le monde sera "égal" mais personne ne sera content. L’argument ne me paraît pas recevable, et cela dans l’hypothèse théorique haute, puisqu’en pratique, il restera (heureusement) des spécificités pour de nombreuses professions.

Ces avantages, ils me paraissent bien maigres par rapport aux grands inconvénients d’une telle réforme.


Inconvénient majeur n°1 : la transition

Elle sera longue et compliquée. Le seuil à partir duquel cette réforme sera appliquée sera complètement arbitraire. On a d’abord parlé des personnes nées en 1963, certains imaginent de le repousser aux personnes nées en 1978 (cela fait quinze de différence !). Dès lors que ce seuil est arbitraire, il est injuste. L’arbitraire secrète l’injustice. Que dire lorsque le voisin a six mois de plus ou de moins et que le nouveau système s’applique ou ne s’applique pas à lui ? La clause du grand-père qui vise à ne faire appliquer la réforme qu’à ceux qui entrent sur le marché du travail ferait de la réforme une réforme purement virtuelle. Et cela n’empêcherait pas les grands-parents de s’inquiéter de la future retraite de leurs petits-enfants.

Cet inconvénient est majeur car dans tous les cas, le mode de transition, sa méthode, ses objectifs, seraient en fait la réforme elle-même. Et une telle transition est extrêmement complexe et anxiogène. Or, pour l’instant, rien n’a été donné comme éléments concrets pouvant rassurer sur ce point-là.


Inconvénient majeur n°2 : les carrières chaotiques

Bizarrement, ce point a été très peu abordé jusqu’à maintenant, mais il est désormais l’un des arguments forts de la CGT pour demander le retrait pur et simple de la réforme systémique. Le gouvernement estime que la retraite par points permettrait  de "lisser" une carrière avec différents statuts. Certes, parce qu’il n’y aurait plus à "traverser" plusieurs régimes différents (avec des seuils jamais atteints). Mais cela ne prend pas en compte les carrières réellement chaotiques, et celles-ci sont maintenant très nombreuses, c’est-à-dire, lorsqu’il y a des "trous" dans la carrière, qui peuvent être volontaires et surtout involontaires : périodes de chômage, de formation pour une reconversion, de congé maternité (ou paternité), de congé de proche aidant (pour accompagner une personne en perte d’autonomie), etc.

Tous ces "accidents" de carrière vont être considérablement impactés par la retraite par points car la traduction, finalement, de ce système avec le langage du système actuel (régime général), c’est que le montant de la pension ne serait plus calculé à partir des vingt-cinq meilleures années (ce qui est déjà désavantageant), mais à partir des quarante-deux années de carrière (voire plus), donc, y compris les trous (où l’on cotise a minima ou pas du tout).

Mais les syndicats mettent plutôt la focalisation sur le troisième inconvénient majeur.


Inconvénient majeur n°3 : la valeur du point

D’après ce que j’ai compris, on pourrait obtenir un point dès qu’on a cotisé 10 euros. Et que ce point vaudrait …1 euro pour le montant de la pension. En fait, aujourd’hui aussi il n’y a pas corrélation entre le montant effectivement payé en cotisations (et lesquelles, pourquoi seulement salariales et pas patronales ?) et le montant de la pension. Bref, cela ne me choquerait pas qu’un calcul avec un taux soit fixé ainsi.

En revanche, ce qui serait impactant, ce serait l’évolution de la valeur du point au fil de temps. Il devrait nécessairement suivre le coût de la vie, sinon, les retraités s’appauvriraient.

Ce qui resterait, dans tous les cas, anxiogène (et pas seulement pendant la durée de l’adoption, éventuelle, de la réforme), ce serait la possibilité de diminuer la valeur du point (ou de seulement la laisser stagner malgré l’inflation). Or, jusqu’à maintenant, une fois que la retraite est commencée, le retraité est fixé jusqu’à la fin de sa vie sur ses rémunérations.

Le gouvernement actuel aura beau garantir que la valeur du point sera indexé, on sait très bien, et ce gouvernement l’a même déjà prouvé pour les pensions en 2018, que ce qu’un gouvernement fait, un autre peut le défaire. Dans dix ans, dans vingt ans, un gouvernement, pour une raison nécessairement honorable, pourra faire baisser la valeur du point. On aura oublié Emmanuel Macron, Édouard Philippe, Jean-Paul Delevoye, mais certainement pas le système à points qui aura été imposé. Je dis "imposé" puisque, à ce jour, un sondage indiquait que 68% des sondés étaient opposés à la réforme et soutenaient le mouvement de grève même si ce mouvement les pénalisait.

On peut se rappeler les précédents. Par exemple, la CSG, impôt très créatif, subtilement imaginé par le gouvernement de Michel Rocard. À l’origine, en 1991, seulement 1% (environ), aujourd’hui, combien ?

Certains systèmes adoptés sont devenus irréversibles. Par exemple, la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. Actuellement, c’est la plus grande réforme concrète du quinquennat, et pourtant, elle a été décidée par le quinquennat précédent. Cette retenue à la source permettra d’autres évolutions, comme intégrer la CSG en impôt progressif ou alors, au contraire, créer (pour simplifier) une sorte de taxe universelle sur le revenu (ce qui serait fiscalement très rentable même si elle paraîtrait moins "juste").

Faire une retraite par points, c’est donner aux gouvernements futurs un outil particulièrement performant et puissant qui pourrait menacer le devenir des pensions de retraite à long terme. Au même titre que plafonner les dépenses des retraites en % du PIB n’a pas plus de sens que de plafonner les dépenses de santé, sauf à vouloir mutualiser la précarité.


Inconvénient majeur n°4 : la déresponsabilisation des prochains gouvernements

Ce que j’ai compris de la réforme, c’est qu’un organisme (paritaire) serait créé qui gérerait les différents "paramètres" du nouveau système, et en particulier, de la valeur du point avec des règles précises. Il pourrait aussi être chargé d’allonger l’âge légal de la retraite.

Si c’était le cas, ce serait une grave déresponsabilisation des futurs gouvernements qui seraient ainsi exonérés de leur responsabilité dans leur politique sociale. Ce serait très habile puisque l’idée serait de faire adopter par ceux qui, justement, y seraient opposés, toutes les mesures "paramétriques" que la conjoncture imposerait plus ou moins.

Là aussi, il y a des précédents. Celui qui me vient en tête est la fixation du taux d’intérêt pour le Livret A de la Caisse d’Épargne. Chaque fois que le gouvernement devait le changer, c’est-à-dire, le baisser, il devait assumer, expliquer et c’était évidemment très impopulaire. En rationalisant l’évolution du taux, le gouvernement du moment se déresponsabilise par la même occasion (règlement du Comité de la réglementation bancaire n°86-13 du 14 mai 1986). Inversement, cela n’empêche pas le gouvernement d’assumer les mesures populaires, comme le gel du taux du Livre A (au lieu d’une baisse) entre le 1er février 2018 au 31 janvier 2020, ce qu’a fait l’arrêté du 27 novembre 2017 signé par le Ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire.

C’est beaucoup plus facile de prendre des décisions impopulaires lorsque cela émane d’un comité Théodule à partir de règles technocratiques complexes que lorsque c’est une décision clairement assumée par un gouvernement. Faire cela pour les paramètres du système des retraites serait une grossière erreur car le réglage des paramètres relève avant tout d’un choix politique et le gouvernement, issu démocratiquement d’élections libres et sincères, est le seul organe à avoir la légitimité pour faire de tels choix politiques.


Et maintenant ?

Le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé le 6 décembre 2019 à Matignon qu’il allait présenter le projet du gouvernement « dans son intégralité » ce mercredi 11 décembre 2019 à 12 heures au Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), instance qu’avait présidée Jean-Paul Delevoye. Édouard Philippe y avait déjà prononcé un discours le 12 septembre 2019 sur le thème : "Bâtir ensemble un système universel de retraite".

Il est fort probable que les grèves ne s’arrêteront pas à ce stade. La CGT est partie pour arrêter seulement après le retrait du projet et le pouvoir exécutif fait de ce projet un symbole de sa capacité à réformer. Il est donc probable qu’il y aura peu de trains pour les vacances de Noël. L’affrontement social risque d’être durable.

Réformer de façon aussi massive sans le consentement populaire serait une erreur stratégique. Comme si la leçon des gilets jaunes avait déjà été oubliée ! La seule solution vraiment correcte et honorable pour sortir de l’impasse, ce serait ce que François Mitterrand n’avait pas eu la possibilité constitutionnelle de faire en juillet 1984 avec sa réforme de l’école : soumettre le projet de réforme universel de retraite du gouvernement au référendum. Ainsi, la campagne référendaire permettra un réel débat et ce sera au peuple d’être le véritable arbitre, ce qui, finalement, serait normal pour une réforme de cette envergure.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 décembre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La retraite, comme l’emploi, source d’anxiété extrême.
Grèves contre la réforme des retraites : le début de l’hallali ?
Rapport de Jean-Paul Delevoye sur la réforme des retraites remis le 18 juillet 2019 : "création d’un système universel de retraite" (à télécharger).
Faut-il encore toucher aux retraites ?
Le statut de la SNCF.
Programme du candidat Emmanuel Macron présenté le 2 mars 2017 (à télécharger).
La génération du baby-boom.
Bayrou et la retraite à la carte.
Préliminaire pour les retraites.
Peut-on dire n’importe quoi ?
La colère des Français.
Le livre blanc des retraites publié le 24 avril 1991.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191209-greves-retraites.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-retraite-comme-l-emploi-source-219850

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/12/09/37853201.html


 

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5 décembre 2019 4 05 /12 /décembre /2019 03:05

« On s’étonne après que les intéressés protestent. On fustige des syndicats "conservateurs", "arc-boutés sur des avantages d’une autre époque". Alors qu’ils protestent contre un projet plus compliqué qu’on le dit, injuste dans son uniformité, et qui réduit de manière tangible le temps de retraite en bonne santé. » (Laurent Joffrin, "Libération", 28 novembre 2019).


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À la veille de la Saint-Nicolas, qui dans le rôle du Père Fouettard ? Il semble déjà acté que ce jeudi 5 décembre 2019, toute la France va être paralysée. Et même, jusqu’à la fin du week-end. Tout le monde cherche à se prémunir contre l’ouragan qui se lève. Mais pour combien de temps ? Car c’est là la véritable inconnue.

Certains n’hésitent pas à se lâcher dans l’excès d’amalgames. Ainsi, pour Julien Dray, ancien conseiller politique de François Hollande, c’est carrément la révolution de la libération, mélangeant allègrement des luttes pour la liberté au risque de la vie et des considérations plus confortables : « Après le Liban, le Chili, Hongkong, l’Algérie… et tant et tant d’autres pays, à partir du 5 décembre, serait-ce le tour de la France ? La solidarité, la fraternité, la dignité ont rendez-vous dans la rue ! » (4 décembre 2019). Les réflexes gauchistes ont la vie dure.

La grève du 5 décembre 2019 sera plus sévère que celle de 1995. À cette affirmation prémonitoire, le gouvernement a de quoi s’effrayer. Je prétends que 1995 n’est pas la bonne référence de comparaison. La réforme de la sécurité sociale du Premier Ministre de l’époque, Alain Juppé (dont le fils spirituel est désormais à Matignon), était nécessaire et d’ailleurs, elle est quand même passée dans son élément le plus important qui est en train d’être voté actuellement au parlement : le budget de la sécurité sociale, qui correspond à peu près (voire plus) au budget de l’État, est désormais sous contrôle parlementaire. Eh oui, avant la réforme Juppé, ce budget restait à la discrétion des partenaires sociaux (syndicats et patronat), alors qu’il s’agit évidemment de l’argent des Français (pas leurs impôts, mais leurs charges salariales).

Enfin, il me semble plus pertinent de comparer 2019 à …1984. Oui, 1984, rappelez-vous le printemps 1984 où plus d’un million de personnes sont sorties dans les rues pour protester contre la réforme Savary. La réforme Savary ne visait pas à rendre plus efficace l’enseignement scolaire, elle ne répondait qu’à un impératif idéologique, celui de l’égalité. Alain Savary, un peu débordé par des militants d’extrême gauche, devait défendre en effet un système unique, laïque, unifié de l’éducation nationale. C’était d’ailleurs l’une des 110 propositions du candidat François Mitterrand pendant la campagne présidentielle de 1981, on ne pouvait pas donc protester sur son caractère soudain, elle avait été annoncée.

Au contraire de la réforme Juppé (changement de cap au bout du sixième mois du premier mandat du Président Jacques Chirac, mais annoncée comme justement la réforme des retraites par points proposée par le gouvernement et évoquée dès la campagne présidentielle du candidat Emmanuel Macron en 2017. Là encore, personne n’a été trompé sur l’existence de ce projet.

On se souvient de ce qu’il est advenu de la réforme Savary : après une cuisante défaite électorale aux élections européennes de 1984 (Lionel Jospin tête de liste nationale des socialistes, en tant que premier secrétaire du PS), François Mitterrand a balayé la réforme, allumé un feu de diversion qui n’a pas fait …long feu (le référendum sur le référendum) ; Alain Savary, désavoué, a jeté l’éponge ; Pierre Mauroy, épuisé, l’a suivi ; et Laurent Fabius, jeune dauphin, fut promu le plus jeune Premier Ministre que la France n’ait jamais connu (37 ans et 11 mois), plus jeune de quelques jours que Félix Gaillard ! Cela dit, cela n'a pas empêché François Mitterrand de rester Président de la République ...encore onze années !

Si l’on reste dans la comparaison "commune" des journaux, la différence entre 1995 et 2019, c’est aussi que la CFDT soutenait la réforme Juppé en 1995, alors qu’en 2019, depuis deux ans, cette centrale syndicale (devenue la première en France) semble avoir été écartée des négociations par l’Élysée.

Je suis proche des positions européennes et du volontarisme économique et diplomatique d’Emmanuel Macron et du gouvernement actuel, mais je ne suis pas du tout convaincu de la nécessité, de l’utilité, ni surtout de l’intérêt de bouleverser l’ensemble du système des retraites.

Passons rapidement sur la forme : Emmanuel Macron dit avoir entendu les gilets jaunes et il balance une réforme systémique qui révolutionne trois quarts de siècle de protection sociale ! Le pire, à mon sens, c’est l’absence d’affirmation, les contradictions à l’intérieur même du gouvernement, les hésitations, les démentis, les interrogations, en clair, l’absence d’une véritable ligne fondée sur une cohérence et une vision claire du système de retraites futur. Tout doute provenant du gouvernement renforce l’angoisse des Français. Pire, elle alimente toutes les oppositions, ceux qui sont pour la réforme comme ceux qui sont contre la réforme. Pour la réforme : le gouvernement finalement ne sera pas "cap" ! Contre la réforme : voyez comment ils veulent manger notre retraite !

Laissons aussi de côté cet argument passablement stupide : pas question de céder sinon, cela signifierait qu’il serait impossible de faire des réformes en France.

D’abord, arrêtons de généraliser sur le mot "réformes". Il y a des réformes intelligentes et consolidées, durables, et elles furent nombreuses, au point qu’elles ne trouvent plus de détracteurs ayant pignon sur rue. Lesquelles ? Plein : la légalisation de l’IVG, l’abolition de la peine de mort, le mariage pour tous, mais aussi la loi Pécresse sur l’autonomie des universités (lorsque les enseignants-chercheurs ont compris qu’ils pouvaient y trouver des financements, d’origine privée, que l’État, endetté, ne leur apporterait de toute façon plus, ils y ont compris un vif intérêt, au-delà de toute idéologie). Rappelons bien que toutes ces réformes ont trouvé de sérieux opposants à l’époque de leur adoption (pour certaines, j’aurais pu en être, seul l’âge m’aura évité de me fourvoyer peut-être).

Ensuite, évitons de croire que toutes les réformes sont utiles et durables. Au nom de quoi veut-on révolutionner le modèle social des Français ? La seule chose qui s’impose est d’avoir un minimum d’adhésion desdits Français. Peut-être pas un référendum (au gouvernement aussi de prendre ses responsabilités), mais une méthode qui permette d’avoir l’adhésion d’une partie significative des Français, par la pédagogie ou la souplesse. En d’autres termes, on ne réforme pas contre la volonté du peuple, sauf à vouloir l’infantiliser : c’est pour ton bien !

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Pour moi, il y a véritablement deux sujets en un dans la réforme des retraites.

Le premier sujet est un problème de financement, qui est forcément récurrent dès lors que l’espérance de vie, heureusement, continue sa lente progression et que le nombre d’actifs, malheureusement, diminue (à cause d’une natalité en berne, mais aussi d’un chômage durable). Résultat, il y a de moins en moins d’actifs pour payer de plus en plus de retraités. A priori, la réforme de la retraite par points devait se faire à financement constant, ce qui signifiait que la réforme systémique ne règlerait pas ce problème de déficit.

Il n’y a pas trente-six solutions pour résoudre cette quadrature du cercle, en fait, c’est plutôt un triangle : cotisations sociales, pensions de retraite, temps de travail (âge légal de départ à la retraite, durée de cotisation, etc.). On ne va pas baisser les pensions (voir les gilets jaunes l’an dernier avec l’augmentation de la CSG sur les pensions). On ne va pas augmenter les cotisations (les entreprises sont déjà surchargées de taxes et impôts). Il n’y a donc que l’âge de départ à la retraite ou la durée de cotisation. Rappelons quand même qu’avant 1982, l’âge légal était de 65 ans pour une espérance de vie de dix ans inférieure.

Je ne verrais donc rien de scandaleux qu’on travaille plus longtemps, c’est-à-dire comme avant 1982, pour assurer la pérennité financière du système de retraites. Surtout que 60-65 ans reste aujourd’hui un âge relativement "jeune" (il suffit d’observer les jeunes retraités), encore en possession, pour la plupart, de tous les moyens. On peut imaginer un système dérogatoire pour les professions où, effectivement, "l’âge" serait très élevé, par exemple, pour les travaux manuels, les travaux à forte pénibilité, etc. Je rappelle que la loi actuelle permet au salarié de rester à son poste de travail jusqu’à 70 ans, et si l’employeur ne le veut pas, il doit le licencier selon les procédures habituelles, ce qui n’est pas facile.

Le second sujet est la réforme (initiale) du gouvernement, la retraite par points (issue des réflexions et des concertations menées par Jean-Paul Delevoye). Rappelons aussi que ce système est déjà appliqué pour les retraites complémentaires. Mais pas pour la retraite du régime général. Elle implique la fusion des quarante-deux régimes spéciaux pour un certain nombre de professions (et pas seulement les cheminots, les électriciens, etc.).

Les arguments sont principalement au nombre de deux : la simplicité et l’égalité. La simplicité, c’est un leurre puisqu’il est question de mettre plein d’exceptions pour diverses professions. L’égalité, c’est purement de l’idéologie. L’égalité ne sera jamais réelle car certaines professions ont des espérances de vie plus faibles que d’autres. C’est aussi un leurre et une idéologie quasi-totalitaire. Ils joueraient sur le ressentiment actuel selon lequel les retraités trouveraient que les pensions de leurs voisins seraient meilleures que les leurs. Je m’étonne que des ministres comme Édouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, plutôt d’inspiration libérale, soient promoteurs de ce type d’idéologie.

Ce qui est terrible, c’est que je ne vois aucun avantage pratique à cette réforme par points (qui ne résout en rien les problèmes de déficit qui se règlent de manière pratique par une réforme dite paramétrique), et je ne vois que des inconvénients, sans même prendre en considération les conséquences sur le climat social et le risque de désastre économique qui en serait la suite logique.

Le principal inconvénient, c’est que cela ne prend pas en compte les éventuels "accidents" de la vie professionnelle, et ils sont hélas nombreux aujourd’hui. J’écris "accidents" mais je devrais plutôt évoquer des interruptions temporaires d’une vie professionnelle : une période de chômage, un congé pour accompagner une personne en perte d’autonomie, mais aussi une reconversion professionnelle (avec formation), un congé parental pour élever les enfants en bas âge (ce qui n’est pas un "accident" !), etc.

Or, aujourd’hui, le régime général reprend les vingt-cinq meilleures années de sa vie professionnelle. C’était beaucoup d’années, mais c’est mieux que la réforme proposée. Car avec la retraite par points, la seule traduction pratique, c’est que le calcul de la pension se ferait désormais par les …quarante-deux meilleures années de sa vie professionnelle, bref, par toute sa vie professionnelle, y compris les "trous", accidents de la vie, interruptions plus ou moins volontaires.

Le système actuel permet, lui, d’avoir dix-sept années de "mauvaises" années professionnelles (débutant, chômage, congé de maternité, reconversion, etc.) si l’on prend une durée de cotisation de quarante-deux années (42 années – 25 années). Le système par points ne laisse échapper aucune "mauvaise" année dans le calcul de la pension.

C’est là la véritable faille du système proposé : au lieu de prendre en compte justement notre époque où le travailleur est moins à 100% au travail et cherche à avoir un équilibre avec sa vie affective ou familiale, la réforme sanctionnerait justement toute interruption professionnelle.

Je n’évoque pas le régime des fonctionnaires, supposé privilégié par la prise en compte seulement des six meilleurs mois de sa carrière (dans la pratique, c’est nécessaire pour avoir un montant sensiblement équivalent aux retraites du régime général, dans le privé).

Et encore moins le cas particulier des enseignants qui sont, insistons vraiment là-dessus, qu’on les aime ou pas (même si c’est stupide d’aimer ou pas une profession, à la rigueur des individus particuliers, mais de manière générique, cela n’a pas de sens), les enseignants qui ne sont payés que sur dix mois répartis sur douze mois (en clair, ils ne sont pas payés pendant les grandes vacances scolaires ; ils ont plus de vacances, ils gagnent moins d’argent).

Là encore, cette réforme de retraite par points serait catastrophique pour toutes ces personnes. Il y avait alors l’idée de revaloriser tous les traitements pour obtenir des montant de pension équivalent à aujourd’hui, mais cela coûterait alors …13 milliards d’euros par an ! C’est cela, une démarche idéologique : refuser de voir toutes les conséquences de la retraite par points et être prêt à augmenter la dépense publique pour multiplier les rustines, sans voir d’autre forme d’intérêt que la réforme pour la réforme.

Cependant, citons le ministre Jean-Michel Blanquer le 4 décembre 2019 : « Cette réforme, nous ne la ferons pas au détriment de nos enseignants. Contrairement à certaines fausses informations qui circulent, leurs pensions ne baisseront pas. (…) Le futur système universel de retraite s’accompagnera d’une revalorisation salariale pour les enseignants. L’objectif de cette revalorisation sera de garantir le même niveau de retraite entre les enseignants et les fonctionnaires de niveau équivalent. Ce sont les règles du système actuel qui s’appliqueront pour toutes les années travaillées jusqu’en 2025 et donc, la règle des six derniers mois. 100% des droits acquis dans le système actuel seront donc conservés et calculés selon les règles des anciens régimes. ».

Pourtant, il semblerait que quasiment tout le monde, ou les trois quarts des salariés, serait perdants avec ce nouveau système par points. Il y a donc un loup. Ou, plus concrètement, sait-on au moins qui va y gagner avec ce nouveau système ? Quel intérêt y a-t-il à saboter un système de retraites qui, s’il n’est pas parfait, peut quand même assurer un minimum à vivre ? Au profit d’un système pour lequel tout le monde serait perdant ? À moins de dire clairement que, dans le triangle paramétrique, on veuille en fait raboter les pensions. Ce serait plus clair.

Alors, l’illisibilité de la réforme du gouvernement, particulièrement anxiogène (incertitude, brouillard, ou certitude d’y perdre des plumes dans tous les cas), ajoutée à l’absence d’arguments autres que purement idéologiques (égalité, simplicité) qui sont de faux arguments (rappelons-nous les arguments invoqués pour justifier la fusion des grandes régions), font que la journée du 5 décembre 2019, préparée depuis deux mois au moins, va être un succès au sens où la grève va être particulièrement suivie. Qu’importe le nombre de manifestants (et qui pourra se déplacer pour aller manifester ?), qu’importe s’il y a ou non des casseurs. Le critère sera si les consignes de grève sont ou pas suivies.

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Les prévisions sur le transport parisien (RATP), les trains (SNCF), l’éducation nationale, etc. sont inespérées pour les syndicats : 90% pour la SNCF, ce qui veut dire que dans de nombreux endroits, c’est carrément 100% de grève prévue. Petit sourire qui laisse entrevoir qu’à termes, les "usagers" seront moins bousculés dans un futur lointain : la ligne 1 et la ligne 14 du métro parisien n’auront aucune perturbation… puisqu’elles fonctionnent sans conducteur !

Depuis plusieurs semaines, le gouvernement essaie toutefois de trouver une voie de sortie (avant d’entrer) pour reculer sans perdre la face. La "clause grand-père" (drôle d’expression) pouvait faire partie de ces outils de recul : on fait quand même la réforme, mais uniquement pour les nouveaux entrants du marché du travail. Outre que c’est particulièrement injuste pour les plus jeunes (même si, finalement, quand on paie des cotisations sociales, c’est aussi un contrat clair qu’on a avec l’État sur un système social identifié), c’est aussi faire injure aux organisateurs des grèves (c’est-à-dire aux syndicats) de croire que, puisque cela ne s’appliquerait pas à leur situation personnelle, ils accepteraient la réforme. Heureusement, leur action reste dans un cadre collectif et social et pas seulement individuel et égoïste (c’est plutôt rassurant d’ailleurs).

Quant aux grèves, elles semblent aujourd’hui, malgré tous les problèmes que cela va entraîner dans la vie quotidienne des gens, plutôt approuvées (selon les enquêtes des sondeurs) par une grande partie de l’indéfinissable "opinion publique" dont une partie va aussi en profiter pour faire de l’antimacronisme primaire (pourquoi se gêner ?). À la différence de 1995, la société de 2019 est aujourd’hui branchée sur l’Internet, avec des applications smarphone qui permettent de faire facilement du covoiturage, du télétravail, avec d’autres outils pour réduire les perturbations.

Vouloir unifier, uniformiser tous les systèmes de retraite dans une société qui, pourtant, se complexifie de plus en plus, ne va pas dans le sens de l’histoire. L’époque est à la différenciation et pas à la caporalisation. En maintenant coûte que coûte la réforme de la retraite universelle par points, le gouvernement prend le risque qu’avait pris le gouvernement Mauroy avec son système unique de l’éducation nationale : voir se dresser devant lui une France qui rappellera que la diversité est aussi une des valeurs de l’esprit républicain. Alors, négocier, réformer, oui, mais pas bouleverser, pas uniformiser. Comme la devise de l’Europe : uni dans la diversité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Grèves contre la réforme des retraites : le début de l’hallali ?
Rapport de Jean-Paul Delevoye sur la réforme des retraites remis le 18 juillet 2019 : "création d’un système universel de retraite" (à télécharger).
Faut-il encore toucher aux retraites ?
Le statut de la SNCF.
Programme du candidat Emmanuel Macron présenté le 2 mars 2017 (à télécharger).
La génération du baby-boom.
Bayrou et la retraite à la carte.
Préliminaire pour les retraites.
Peut-on dire n’importe quoi ?
La colère des Français.
Le livre blanc des retraites publié le 24 avril 1991.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191204-greves-retraites.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/greves-contre-la-reforme-des-219720

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/12/04/37839019.html



 

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17 novembre 2019 7 17 /11 /novembre /2019 01:40

« On gagne plus par l’amitié et la modération que par la crainte. La violence peut avoir de l’effet sur les natures serviles, mais non sur les esprits indépendants. » (Ben Jonson, dramaturge anglais, 1598).


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Le mouvement des gilets jaunes, l’année d’après : le 17 novembre 2018, les gilets jaunes avaient investi les ronds-points pour protester contre la hausse des taxes sur les carburants. D’un mouvement quasi-poujadiste (anti-impôts) visant à bloquer la circulation sur des ronds-points stratégiques le samedi, le phénomène était devenu violent, au fil des semaines et des samedis, notamment au centre-ville des grandes agglomérations, Bordeaux, Toulouse, etc. et surtout Paris, et les Champs-Élysées.

Ce samedi 16 novembre 2019, il y a très peu de gilets jaunes mobilisés (28 000) pour célébrer le premier anniversaire de ce qui avait déjà disparu au printemps. Encore une fois, la violence haineuse s’est activée en plein centre de Paris, cette fois-ci à la Place d’Italie. Investie par des casseurs, la place fut rapidement prise sous le contrôle de la police grâce à un changement de tactique par le préfet de police Didier Lallement considéré comme un homme à poigne.

Effectivement, la police a assiégé les casseurs en fermant les accès de la place, ce qui lui a permis de faire des contrôles d’identité et éventuellement, des interpellations (124 personnes interpellées à Paris le samedi 16 au soir). Il faut bien rappeler qu’en masquant leurs visages, ces casseurs sont de la même graine que les islamistes qui veulent imposer la burqa à leur épouse. Des casseurs et des pilleurs ont aussi investi, le samedi 16 novembre 2019 en fin d’après-midi, les Halles, quartier très vivant du Paris nocturne.

Évidemment, le politiquement correct vise à bien différencier les gilets jaunes (les "gentils") des "méchants" casseurs… sauf qu’au bout de la énième semaine, s’il reste encore des gilets jaunes à manifester avec les casseurs, si ces gilets jaunes ne se différencient pas vraiment de ces casseurs, si même ils semblent heureux de détruire du mobilier urbain (qui n’aura comme seule conséquence que de la dépense d’argent public supplémentaire, et donc, d’une manière ou d’une autre, des impôts supplémentaires pour ceux-là même qui protestaient initialement contre le trop d’impôts), il faut malheureusement se résoudre à dire qu’au mieux, les gilets jaunes sont les complices tacites de ces casseurs. Casseurs de la République. Cela explique d’ailleurs la faible mobilisation.

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Sur les ronds-points, il n’y a jamais eu plus de 300 000 gilets jaunes mobilisés un même samedi, ce qui, il faut en convenir, ne représente pas beaucoup de personnes pour un pays de 67 millions d’habitants et seulement 0,06% des 47 345 328 électeurs inscrits que comptait la France lors des élections européennes du 26 mai 2019.

Au-delà des personnes blessées de part et d’autres (policiers et manifestants), que tout le monde, sauf les violents et les haineux, regrette vivement, le bilan économique est très élevé. Il a été évalué à 2,5 milliards d’euros de pertes économiques dues aux manifestations des gilets jaunes, entre dégradations et pertes de chiffre d’affaires voire dépôt de bilan de certaines entreprises (commerçants essentiellement). Mais pour l’État, et donc, il faut vraiment insister, pour l’argent des contribuables, il y a eu 17 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, annoncées le 10 décembre 2018 par Emmanuel Macron.

Et il faut le répéter inlassablement : si le Président de la République a lâché du lest le 10 décembre 2018, ce n’était pas sous contrainte pour réagir aux violences du 1er décembre 2018 à l’Arc-de-Triomphe. Non, c’est avant tout parce que ce mouvement était soutenu par l’invisible "opinion publique" selon les nombreux sondages. Au contraire, la violence pendant les manifestations des gilets jaunes ne peuvent faire que le jeu du pouvoir exécutif qui en appelle à l’ordre public.

Pourquoi brûler la voiture d’un simple citoyen qui n’a rien fait à personne, ou même la bicyclette d’un jeune étudiant qui n’aura même pas les moyens de s’en racheter une autre ? Injustice bête et méchante, gratuite et stupide. Bêtise, haine, violence, le trio de ce qui restera, en une année, des gilets jaunes qui méritaient pourtant mieux.

Car les gilets jaunes sont un mouvement nouveau, et sociologiquement et politiquement intéressant voire passionnant à étudier, et on l’étudiera pendant des années encore… Au contraire de mouvements de protestation très éphémères, comme Nuit debout, ou les bonnets rouges (agriculteurs bretons), les gilets jaunes ont réussi à fédérer un malaise presque indicible de l’ensemble de la société française, indicible et jamais vraiment dit car s’il y a bien une chose qui est caractéristique et durable avec ce mouvement, c’est que c’est un mouvement revendicatif sans revendications.

À part la fin des hausses des taxes sur les carburants, aucune mesure concrète n’a été vraiment revendiquée spécialement. Les sondages disent que globalement, les gilets jaunes demandent la démission d’Emmanuel Macron (anticonstitutionnelle), la restauration de l’ISF, des référendums d’initiative dite citoyenne (citoyen n’est pourtant pas un adjectif), etc. mais chaque gilet jaune a sa liste de revendications et elles ne sont pas les mêmes que celles du voisin, d’où une certaine illisibilité politique et même une certaine confusion sociale.

En somme, les gilets jaunes étaient l’étendard des mécontents de tous bords. Mécontents de tout le pays, portez un gilet jaune, en gros, ce serait la devise. Il ne faut pas se leurrer : quand on n’exprime pas clairement ce qu’on veut, on est rarement écouté puisqu’on est inaudible.

L’autre caractéristique flagrante du mouvement des gilets jaunes et qui, comme l’absence de revendications communes, l’a passablement handicapé, c’est l’absence de structuration et l’absence de leadership. Quel que soit le mouvement, s’il veut être écouté, voire entendu, il faut des personnes humaines qui puissent l’incarner, exprimer ce qu’il veut et, dans l’hypothèse haute, négocier avec le pouvoir susceptible de les satisfaire.

Or, les seuls leaders qui ont pu émerger l’ont été grâce aux médias, oui, ces médias tant détestés, et en premier lieu, les chaînes info qui, se nourrissant chaque samedi de cette nouvelle actualité et ravivant leur audience (une aubaine), n’hésitaient pas à complaisamment inviter des gilets jaunes sur leur plateau de télévision. On ne peut pas dire que les médias ont ignoré les gilets jaunes, et l’on pourrait même dire le contraire, alors qu’ils ne représentaient plus grand-chose comme mobilisation (surtout par rapport à d’autres manifestations avec plus de mobilisation, comme sur le climat), il faut reconnaître que parfois, les gilets jaunes ont été surmédiatisés, ce qui d’ailleurs a contribué à leur grande durabilité.

Certains leaders étaient d’ailleurs très charismatiques, et sans doute la plus charismatique fut Ingrid Levavasseur, dont la vie (difficile), le talent pour parler, la sincérité et un indéniable …oserais-je dire sans être taxé de sexiste ? un indéniable "charme" (on remarque que des syndicats de policiers ont, eux aussi, des porte-parole "charmantes"), elle avait tout pour pouvoir transformer une incontestable sympathie de "l’opinion publique" pour les gilets jaunes par un engagement électoral, et le hasard faisait bien les choses puisque six mois après le début du mouvement, il y avait des élections européens dont le scrutin proportionnel permettait justement l’éclosion de listes hors du système politique classique. La haine l’a emporté sur l’intérêt politique (et peut-être le machisme l’a-t-il emporté aussi ?). Résultat, parce qu’elle n’avait plus le cuir d’être le centre d’une haine collective qui s’est acharnée sur elle, elle a préféré y renoncer.

Systématiquement, dès qu’une personnalité commençait à se faire connaître, à devenir un référent reconnu des gilets jaunes, elle se faisait descendre par les mêmes gilets jaunes. Avec cette situation, il n’y a eu aucun leader, aucune expression incarnant le mouvement, qui n’est donc jamais resté que muet et diffus, une sorte de fantôme qui hantait tous les samedis.

Les gilets jaunes n’ont jamais que prôné des meilleures conditions de vie, mais leur mouvement était diffus et insaisissable. Les gilets jaunes sont devenus une marque commerciale sans contrôle, et n’importe qui, de lui-même, pouvait se réclamer des gilets jaunes et agir en leur nom, ce qui, à la fin, rendait le mouvement complètement confus et désordonné. Les gilets jaunes sont donc devenus une sorte de boîte universelle de revendications multiples.

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En refusant le système représentatif pour leur propre mouvement, les gilets jaunes ont refusé aussi le jeu de la démocratie lors des élections européennes, et à ce titre, ils ont commis la même erreur que les manifestants de mai 68 qui ont considéré que les élections étaient un piège à c… Évidemment, avec cette considération, il ne faut pas s’étonner que les seules listes qui se réclamaient des gilets jaunes, dont une avec Francis Cabrel, n’aient reçu aucun écho auprès des électeurs. Comme j’ai écrit plus haut, ils avaient pourtant les moyens humains de faire une véritable liste de gilets jaunes, audible, cohérente, structurée, avec un potentiel électoral que les sondages avaient crédité en février 2019 d’environ 10 à 15% d’intentions de vote, ce qui est énorme pour une organisation politique nouvelle.

Et rappelons, qu'on l'apprécie ou pas, que l’élection d’Emmanuel Macron est la preuve même de la puissance démocratique de nos institutions puisqu’il s’est présenté hors de tout parti constitué, et contre tous les candidats du système (y compris la candidate du FN). Cela signifie qu’un nouveau venu sur la scène électorale a toutes ses chances d’être au pouvoir s’il est capable de convaincre les électeurs, il n’y a en tout cas pas d’obstacles institutionnels.

Dans l’analyse du mouvement des gilets jaunes, il faut aussi prendre en compte deux différences de taille, ce qui en a fait justement sa spécificité et même sa nouveauté historique.

D’une part, ce n’est pas un mouvement social "classique" comme le sont les syndicats lorsqu’ils font grève. D’ailleurs, pendant deux ans, beaucoup de leaders syndicaux (notamment celui de la CGT) ont cherché le "grand soir" lors de la réforme du code du travail, lors de la réforme de la SNCF, même lors de la réforme de l’assurance-chômage, et aucune mobilisation probante ne s’est manifestée. La réforme des retraites, parce qu’elle touche tout le monde, semble en revanche un sujet assez mobilisateur et très sensible. Ce serait une erreur de croire qu’en voulant impliquer les gilets jaunes, la journée du jeudi 5 décembre 2019 bénéficierait de plus de mobilisation, car les gilets jaunes ne sont pas des militants syndiqués.

En général, les gilets jaunes rejettent les institutions, et donc autant les syndicats que les partis politiques. Ils font partie de la classe moyenne, celle qui n’est pas assez pauvre pour avoir des aides sociales, mais pas assez riche pour boucler les fins de mois sans stress ou sueurs froides. Ce sont des travailleurs et ils ne veulent pas perdre un jour de travail, c’est pourquoi ils manifestent le samedi, jour de congé pour eux en général. Au contraire des militants syndiqués qui choisissent les jours les plus travaillés, les mardis et les jeudis, pour organiser leur "mouvement" (comprendre : leur non-travail, leur grève). La date du 5 décembre 2019 n’a aucun sens symbolique pour les gilets jaunes pour qui le 17 novembre a une vraie signification. 5 décembre car le 5 décembre 1995, c’était le début du "mouvement" qui a été la dernière grande grève des transports publics jusqu’à Noël qui a paralysé la France et son économie.

D’autre part, et je pense qu’on en reparlera longuement, les gilets jaunes sont des "rebelles" qui n’ont rien à voir avec les protestataires des "banlieues" et des "quartiers dits sensibles". Ce sont deux mondes différents qu’on pourrait caricaturer (trop simplement) par celui du "Français moyen" et celui de "l’écorché" des banlieues. En clair, cela fait plus de trente ans que les "banlieues" sont en état de protestation durable contre toute autorité institutionnelle, et l’un des exemples révolutionnaires les plus marquants fut les émeutes pendant plusieurs semaines en octobre-novembre 2005.

C’est en ce sens que le mouvement des gilets jaunes est nouveau, c’est en quelques sortes un troisième front social de contestation, et cela, les responsables politiques de l’ultragauche ne l’ont pas du tout compris et encore moins admis. Si l’on regarde bien le type de revendications à l’origine, ce mouvement était assez semblable du mouvement poujadiste qui protestait en janvier 1956 contre la vie trop chère et contre le surpoids fiscal. Or, les leaders de l’ultragauche, et en premier lieu, Jean-Luc Mélenchon (qui a scandaleusement confondu "milice" et "police" dans un tweet le 16 novembre 2019, ce qui a de quoi choquer les familles de toutes victimes des miliciens en 1944, à Annecy ou ailleurs), déprimé de n’avoir pas pu, pendant un an et demi, déclencher le "grand soir" contre Emmanuel Macron, a vu dans les gilets jaunes le mouvement providentiel pour enfin avoir raison avec la rue.

Mais c’était peine perdue. Si l’on regarde les rares gilets jaunes qui se sont engagés politiquement, peu l’ont fait du côté de FI. Par exemple, Benjamin Cauchy hésitait entre la liste de Nicolas Dupont-Aignan et celle de François-Xavier Bellamy (Nicolas Dupont-Aignan l’a finalement placé dans une position éligible, mais la liste n’a pas eu de sièges). Jean-Luc Mélenchon a politiquement cassé le mouvement des gilets jaunes en voulant à tout prix le récupérer à son compte. Sa seule "action" est d’avoir pu inoculer le virus du RIC dans les esprits.

C’est en voulant mettre systématiquement des thèmes gauchistes, anticapitalistes, qu’il a écarté de nombreux gilets jaunes d’origine refusant toute compromission avec un leader dépassé et passéiste. Il faut d’ailleurs souligner la grande habileté politique de Marine Le Pen qui, très déconsidérée par son débat du second tour, était sur le point de renoncer au combat politique et les gilets jaunes l’ont remise en bonne position alors qu’elle n’a rien eu à faire. Son habileté, c’était justement de rester plutôt silencieuse, de ne pas essayer d’en profiter, ni d’en abuser, ni de récupérer le mouvement mais plutôt, de l’accompagner, de le soutenir souterrainement. Cela l’a remise en position de chef de l’opposition, notamment aux élections européennes.

Dans la nouveauté du phénomène des gilets jaunes, il faut aussi ajouter qu’à son début, il fut soutenu pratiquement par tous les partis de l’opposition (multiple), non seulement les extrêmes à droite ou à gauche, mais aussi chez LR heureux de voir des gens qui protestaient contre le gouvernement et sa politique écolo-fiscale, et aussi au PS. Et cette situation était très nouvelle : en général, seulement un "camp" se reconnaît dans un mouvement de protestation, pas les deux camps opposés. Le problème pour LR et le PS, c’est qu’à l’intérieur de ces partis, il y a eu des lignes de division, car les plus "raisonnables", ceux qui restaient dans l’objectif de gouverner un jour le pays, se sont plutôt rapprocher du pouvoir tandis que les autres, plus populistes, se sont plus rapprochés des extrêmes, ce qui a rendu assez illisible le positionnement de ces deux partis, et singulièrement de LR (d’où l’échec des européennes).

Cela a rendu la réaction du gouvernement très délicate à construire. D’une part, que répondre à des gens qui râlent parce qu’il y a trop d’impôts et en même temps, qui réclament un renforcement des services publics ? Il faut être clair : Emmanuel Macron n’a pas compris immédiatement l’étendue du mouvement pendant les premières semaines et a fait ce qu’un pouvoir sûr de lui fait en général, il ne l’a pas pris en compte dans son action (la pire incompréhension ici). L’adhésion de "l’opinion publique" l’a convaincue de changer de comportement, en lâchant du lest, je l’ai écrit plus haut, pour 17 milliards d’euros. Il a mal lâché le lest puisque, encore aujourd’hui, des gilets jaunes disent qu’ils n’ont pas été entendus. En clair, les concessions qu’il a faites sur le pouvoir d’achat ne lui ont pas été créditées.

L’inconvénient de ne pas être du sérail politique et de ne pas avoir un grand parti structuré et implanté, trop nouveau pour avoir des relais partout dans les forces vives du pays, c’est de ne pas avoir de vecteurs de défense du pouvoir. L’avantage, c’est de pouvoir imaginer des réponses nouvelles. Or, l’idée du grand débat, à laquelle je ne croyais pas, a été géniale. Géniale pour le peuple, car ce grand débat a permis à des millions de personnes de s’exprimer, d’être enfin écoutées (et ce n’était pas qu’un grand déballage), et géniale évidemment pour Emmanuel Macron dont les prestations ont été excellentes. Débattre, confronter les idées, expliquer sa politique, c’est sans doute ce qu’Emmanuel Macron préfère dans son job présidentiel. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, sa cote de popularité est remontée par voie de conséquence.

En quelques sortes, le mouvement des gilets jaunes a consolidé le clivage entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, clivage qui s’est réalisé furtivement à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle mais qui pouvait rapidement s’effacer au cours du quinquennat. L’habileté des deux anciens candidats au second tour lors de la crise des gilets jaunes leur a apporté, chacun dans son camp, une nouvelle légitimité, confirmée d’ailleurs par les élections européennes.

Ce premier anniversaire des gilets jaunes se déroule aussi exactement, à deux ou trois jours près, à mi-mandat présidentiel. C’est une évidence qu’Emmanuel Macron a beaucoup changé à cause des gilets jaunes et lui-même le reconnaît volontiers, en disant qu’il a appris. C’est dommage de ne pas avoir élu un Président opérationnel immédiatement. À son actif, il est prêt à changer d’idée, si on lui fournit des arguments convaincants, ce n’est pas un idéologue, il est prêt à s’amender, à s’améliorer, c’est très rare pour un chef de l’État.

Prendre le pouvoir, c’est toutefois prendre la responsabilité des décisions, avoir le courage de celles-ci. Dire : "je n’ai pas d’opinion sur tel sujet, quel est votre avis ?" paraît assez inquiétant. Un Président de la République doit, oui, avoir un avis sur tout. Un avis éclairé, avec des bases solides, des collaborateurs compétents, mais un avis. Cet avis est ensuite regardé par rapport à l’idée majoritaire d’une "opinion publique" vouée à changer d’avis assez souvent (voir le nombre d’alternances politiques en quarante ans).

Or, depuis un an, la mécanique Macron est beaucoup plus lente.

D’une part, d’un point de vue institutionnel, il a laissé beaucoup plus de marge d’action à son Premier Ministre Édouard Philippe dont l’influence depuis le printemps a grandi. Il faut notamment remarquer qu’Emmanuel Macron a renoncé à son discours devant le Congrès de Versailles, qu’il voulait prononcer tous les ans, un peu à l’instar du discours de l’état de l’Union du Président américain ou du Président de la Commission Européen (ou du discours du trône de la reine du Royaume-Uni). Et cela au bénéfice d’Édouard Philippe qui a prononcé un nouveau discours de politique générale soumis à un nouveau vote de confiance (là encore, d’un point de vue parlementaire, c’était astucieux).

D’autre part, il y a les réformes. Emmanuel Macron ne veut pas être taxé de roi fainéant ou d’immobilisme, donc, il veut continuer ses réformes, mais il sait aussi qu’il faut un minimum d’adhésion populaire pour les réussir et éviter une paralysie générale du pays comme ce fut le cas en 1995. C’est pourquoi l’élection d’un Alain Juppé aurait été cohérente en 2017 : Alain Juppé a considérablement réfléchi sur son échec de 1995-1996 et a étudié la méthode des réformes plus que le fond des réformes.  Pour réussir les réformes, il faut la concertation.

Bien sûr, le sujet qui brûle les lèvres est la réforme des retraites. Rappelons que Michel Rocard avait prédit la chute d’une dizaine de gouvernements sur ce dossier. Beaucoup de Premiers Ministres ont fait des réformes : Édouard Balladur, puis Jean-Pierre Raffarin, puis François Fillon. Sans ces réformes, le système aurait été en faillite. Ce que propose Emmanuel Macron est différent : il assure que sa réforme n’a aucun objectif financier (mais concrètement, on sait bien que c’est inexact), et qu’elle n’est motivée que par plus d’égalité : tout le monde au même régime !

Pourtant, dans une société de plus en plus complexe, est-il judicieux de vouloir un système plus simple, qui soit unique, qui rejette tous les particularismes historiques mais aussi fonctionnels, professionnels ? Je n’en suis pas sûr. Ensuite, quand les premières projections font état qu’une grande proportion des futurs retraités vont y perdre, comment imaginer qu’une telle réforme puisse passer ? Le vrai problème du gouvernement actuel, c’est qu’il fallait un système actuel de financement des retraités équilibré pour pouvoir s’atteler à une réforme structurelle, systémique, afin que l’aspect financier ne pollue pas la philosophie de la réforme (qui reste elle-même discutable).

Les hésitations nombreuses du pouvoir sur sa détermination à mener la réforme des retraites renforcent évidemment la motivation des grévistes du 5 décembre 2019. Le risque pour Emmanuel Macron est qu’il y ait à la fois une grève longue et pénible (et l’on sait ce que cela signifie) et un retrait du projet. Dans tous les cas, il est absolument nécessaire que le gouvernement soit convaincu d’un axiome de base : on ne réforme jamais durablement contre le peuple. Emmanuel Macron, qui avait basé sa campagne présidentielle sur la bienveillance, aurait donc tout intérêt à revenir aux fondamentaux : celui qui écoute le peuple et qui veut son bien en dehors de toutes autres considérations. Ce serait en plus dans son intérêt électoral…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 novembre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


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Le Mouvement du 17-novembre.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191117-gilets-jaunes.html

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31 juillet 2019 3 31 /07 /juillet /2019 03:48

« L’engagement du gouvernement, celui du Ministre de l’Intérieur, mon engagement personnel, c’est de faire toute la lumière sur les causes de ce drame, et d’en tirer toutes les conséquences. » (Édouard Philippe, le 30 juillet 2019).


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Quelle tragédie, quelle double voire triple tragédie ! Comme on pouvait le craindre, le corps retrouvé sans vie dans la Loire la veille par un bateau Navibus a été identifié par autopsie ce mardi 30 juillet 2019, et la réalité a fait l’effet d’un choc terrible. Steve Maia Caniço, le jeune homme disparu lors de la fête de la musique à Nantes le 22 juin 2019 vers 4 heures du matin, n’est plus disparu mais hélas décédé.

L’heure est bien sûr au recueillement et pas à la polémique. Et d’ailleurs polémiquer pour quoi faire ? Pour s’opposer au gouvernement ? Toujours très réactif lorsqu’il y a des sujets importants, le Premier Ministre Édouard Philippe a changé son emploi du temps pour communiquer dès 16 heures 20 sur ce sujet qui oscille entre le fait-divers terrible et l’affaire d’État.

Encore une fois, Édouard Philippe a revêtu sa casquette de Ministre de l’Intérieur. Ce n’est pas nouveau. Lors de la démission de Gérard Collomb, il avait assuré avec brio l’intérim de cette fonction qui n’est décidément pas faite pour Christophe Castaner, convoqué à Matignon comme le fut il y a à peine trois semaines François de Rugy… sauf que, ici, le sujet est autrement plus grave que du homard.

Le sujet est essentiel, puisque la vie d’un homme est en cause. La question est évidemment : comment est-il tombé dans la Loire ? Beaucoup de ses amis ont déjà répondu en disant que la police avait chargé sur leur groupe et que certains étaient tombés dans l’eau.

Le rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui a été remis au Premier Ministre le 16 juillet 2019 et rendu public ce 30 juillet 2019 dit le contraire : « [Ce rapport] indique qu’à la lumière des faits connus à la date de sa rédaction, "il ne peut être établi de lien entre l’intervention de forces de police et la disparition de M. Steve Maia Caniço". Ce rapport met en évidence des difficultés liées à l’intervention, consécutive à des jets de projectiles en direction des policiers et menée dans un rapport de forces défavorable qui a conduit à l’emploi des moyens lacrymogènes. Il met également en évidence des interrogations sur la préparation de cet événement. ».

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Édouard Philippe a bien compris qu’un rapport de la police des polices ne suffirait pas à convaincre ceux qui croient, à tort ou à raison (je n’étais pas là, je n’en sais rien), à la responsabilité de la police.

En ce sens, tous les citoyens devraient se féliciter de la réaction sincère et rapide d’Édouard Philippe. Il veut toute la transparence (il a parlé d’une « volonté de transparence totale »). Bien sûr que la famille et les amis sont plus choqués, car plus touchés, que le gouvernement, mais Édouard Philippe, dont les valeurs humanistes ne peuvent être remises en cause, a été lui aussi touché par cette découverte macabre.

Parallèlement à l’ouverture le 30 juillet 2019 d’une information judiciaire pour homicide involontaire (la justice est indépendante), ce qui pourrait empêcher la création d’une commission d’enquête parlementaire (au nom de la séparation des pouvoirs), Édouard Philippe a commandé une enquête administrative par l’Inspection générale de l’administration (IGA) pour savoir avec précision, d’ici à un mois, les responsabilités, celles de la police, mais aussi des organisateurs, la mairie de Nantes, la préfecture de Loire-Atlantique, et éventuellement les organisateurs privés qui étaient associés à cette fête de la musique. Le rapport de l’IGPN aurait tendance à charger la mairie et la préfecture et à dédouaner la police. Notamment sur l’installation d’un lieu de musique proche du fleuve sans barrière pour protéger le public dans un contexte de fête nocturne.

Pour Édouard Philippe, rien n’est clair dans ce qu’il s’est passé cette triste nuit d’été : « Plus de cinq semaines après les faits, le déroulement de cette soirée, l’enchaînement des faits restent confus. Je ne peux évidemment pas m’en satisfaire. ».

Si le rapport de l’IGPN a été commandé dès le 24 juin 2019, il y a cependant un autre scandale qui, à mon sens, pourrait mettre le Ministre de l’Intérieur en difficulté : pourquoi les pouvoirs publics ont-ils mis si longtemps à prendre la mesure de la gravité de la disparition d’un homme, surtout si celui-ci est supposé être tombé dans la Loire ? Quand j’écris "pouvoirs publics", c’est aussi pour ne pas me focaliser sur la seule action du gouvernement. Même la maire de Nantes (candidate à sa réélection en mars prochain) a réagi assez tardivement, le 20 juillet 2019, en adressant un courrier au ministre.

Il y a donc l’éventuelle responsabilité dans la mort de Steve, et l’on espère que la vérité sortira de l’enquête judiciaire et du rapport de l’IGA. Steve a aussi pu être victime d’un malheureux accident comme cela peut, hélas, arriver, surtout un jour de fête et d’excitation. Mais il y a aussi la "disparition". On imagine la peine de la famille et des amis s’ils avaient appris dès la fin de la nuit le décès de leur proche. Mais devoir attendre une quarantaine de jours avant de savoir ce qu’est devenu Steve, cela a dû être une période d’angoisse atroce.

Pourquoi les pouvoirs publics ne se sont pas préoccupés plus tôt de cette disparition ? Ou plutôt, pourquoi n’ont-ils pas mis immédiatement tous les moyens possibles pour le retrouver ? Pourquoi ont-ils attendu si longtemps ? Parce que la victime était majeure et libre de tout mouvement, qu’il pouvait rejoindre la cohorte des personnes adultes disparues dont on n’a plus aucune trace pendant des années ? Dans les valeurs de la République, il y a ce rapport à l’humain, cette fraternité et cette solidarité. On a mis quarante jours pour retrouver le corps sans vie de Steve. On aurait peut-être pu réduire ce temps.

Il y a eu cette impression, que j’espère fausse, que pendant plusieurs semaines, se préoccuper du sort de Steve, c’était comme accuser la police de violences disproportionnées sur des fêtards. Édouard Philippe, reprenant en main un sujet qu’il n’aurait jamais dû laisser à son ministre, a remis les valeurs en avant en certifiant qu’il recherchait la vérité autant que les proches de Steve. Ce besoin de transparence est d’autant plus important que l’État n’a aucune raison d’empêcher que la vérité fasse surface. Sa seule raison, dans l’affaire, c’est la protection de tous les citoyens. Et s’il y a eu des failles, il faudra qu’il corrige et, le cas échéant, qu’il sanctionne.

Steve Maia Caniço avait 24 ans et était animateur périscolaire. Pensée sincère à tous ceux pour qui le monde vient de (terminer de) s’effondrer.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 juillet 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La disparition de Steve Maia Caniço.
Édouard Philippe.
Christophe Castaner.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190730-steve-maia-canico.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/steve-confusion-et-etat-de-choc-216976

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/07/30/37531753.html


 

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18 juillet 2019 4 18 /07 /juillet /2019 19:23

Depuis 2009, la Cour des Comptes se penche chaque année sur les dépenses de la Présidence de la République. Le rapport concernant l'année 2018 a été publié le 18 juillet 2019 et peut être lu sur l'Internet.

Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport (fichier .pdf) :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-07/20190718-rapport-gestion-presidence-republique-2018-2.pdf

SR
http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190718-rapport-cour-comptes-elysee.html


 

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18 juillet 2019 4 18 /07 /juillet /2019 07:30

Le Premier Ministre Édouard Philippe a reçu le matin du jeudi 18 juillet 2019, en présence de la Ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye pour la remise de son rapport portant sur la création d’un système universel de retraite. Ce rapport est publié et peut donc être lu dans sa version originale.

Cliquer sur le lien correspondant pour télécharger le document souhaité (fichier .pdf).

Rapport Delevoye du 18 juillet 2019 :
https://www.reforme-retraite.gouv.fr/IMG/pdf/retraite_01-09_leger.pdf

Annexes du Rapport Delevoye du 18 juillet 2019 :
https://www.reforme-retraite.gouv.fr/IMG/pdf/retraite_annexes_leger.pdf

Communiqué de presse de Matignon sur le Rapport Delevoye du 18 juillet 2019 :
https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2019/07/communique_de_presse_de_m._edouard_philippe_premier_ministre_-_remise_des_preconisations_de_m._jean-paul_delevoye_haut-commissaire_a_la_reforme_des_retraites_18.07.19.pdf

Dossier de presse sur un bilan d'étape le 10 octobre 2018 :
https://reforme-retraite.gouv.fr/IMG/pdf/dp_multi_oct_2018_v19.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180601-reforme-retraites.html

SR
http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190718-rapport-delevoye-retraites.html




 

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13 juin 2019 4 13 /06 /juin /2019 03:42

« L’acte II que je vous ai présenté repose, je l’ai dit, sur un changement de méthode et sur le traitement de trois enjeux prioritaires : l’écologie, la justice sociale et un fonctionnement démocratique, non seulement pour ce qui concerne nos institutions, mais aussi dans le fonctionnement de l’État et de notre capacité à faire vivre et rendre dynamique nos territoires, dans le cadre d’une décentralisation bien plus claire. » (Édouard Philippe, le 12 avril 2019 dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale).



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Drôle de situation politique : alors que le gouvernement a été fortement contesté et l’est encore contesté depuis presque sept mois avec la crise des gilets jaunes, alors que le parti présidentiel n’est pas parvenu à atteindre son objectif d’être la première force politique du pays au lendemain des élections européennes, le Premier Ministre Édouard Philippe semble être le grand gagnant de ce premier semestre de 2019. Gagnant par défaut, certes, mais gagnant, car il est ressorti politiquement renforcé de ces épreuves.

En effet, tout laissait entendre qu’Édouard Philippe allait être noyé par la vague des gilets jaunes, et cela dès le début. Quand le Président Emmanuel Macron a décidé, le 10 décembre 2018, de redonner 15 milliards d’euros de pouvoir d’achat, Édouard Philippe, fidèle à la rigueur des comptes publics, a failli s’étrangler et démissionner. Même si ce fut d’une courte tête, la défaite aux élections européennes aurait également dû y avoir une conséquence sur le gouvernement. Or, rien, aucun remaniement (si ce n’était technique).

Pourtant, deux ans d’exercice du pouvoir, c’est déjà long pour un Premier Ministre sous la Cinquième République, une fonction qui use et épuise, et qui rend généralement impopulaire. Édouard Philippe a déjà dépassé de nombreux prédécesseurs, en longévité : Bernard Cazeneuve, Jean-Marc Ayrault, Dominique de Villepin, Alain Juppé, Pierre Bérégovoy, Édith Cresson, Laurent Fabius, Pierre Messmer et Maurice Couve de Murville. Édouard Philippe a dépassé de quelques jours la longévité de son mentor, Alain Juppé, et dans deux semaines, il va dépasser celle du Premier Ministre Édouard Balladur.

Dépassé : c’est l’un des mots fétiches du Premier Ministre pour sa seconde déclaration de politique générale qu’il a prononcée pendant une heure ce mercredi 12 juin 2019 à 15 heures (on peut lire sa déclaration dans son intégralité ici). Le vote de confiance qui a suivi était sans surprise : peu avant 19 heures, 363 députés ont accordé leur confiance au gouvernement, contre 163, sur 526 exprimés et 573 votants. Très peu de députés LR se sont abstenus, au contraire du 4 juillet 2017, lors du premier vote de confiance.

Les mots fétiches d’Édouard Philippe étaient en effet : "dépassement", "civilité", "équilibre" et même, "inénervable" ! Il faut dire qu’Édouard Philippe est un homme courtois, calme et respectueux de ses opposants, et son éventuelle arrogance intellectuelle est compensée par une réelle et sincère humilité : « Bien évidemment, je respecte profondément leur qualité d’élu, et (…) je respecte chacun d’entre eux. Je crois qu’ils le savent et si par extraordinaire, ils ne le savaient pas assez, je m’appliquerais à moi-même la consigne relative au dépassement que je proposais tout à l’heure, afin que ce soit dit encore plus clairement. ».

Ou encore : « Changer de méthode, c’est changer de ton. La détermination, la conviction, la passion que nous mettons à défendre nos idées (…) ne devraient jamais nous conduire à l’arrogance, à l’agressivité, à la caricature. Regardons avec lucidité notre scène politique et nos débats médiatiques : ils ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Je ne donne aucune leçon et je ne m’exonère d’aucune responsabilité dans ce domaine, mais nous avons de belles et vraies questions à traiter, qui méritent mieux que des raccourcis, des outrances et des postures. ».

Peu de Premiers Ministres ont été nommés à Matignon sans avoir jamais été ministres auparavant : avant Édouard Philippe, on ne peut citer que Georges Pompidou, Pierre Mauroy et Jean-Marc Ayrault. Pour des plus anciens, on peut aussi citer Léon Blum. Ce type de "noviciat", on peut le comprendre, surtout face à des parlementaires et anciens ministres chevronnés, cela a pu déstabiliser ou faire perdre quelques assurances.

Édouard Philippe semble désormais épanoui et a pris toute la mesure de son autorité de chef du gouvernement. Après le style Louis-Philippe, il va y avoir le style Édouard Philippe ! L’idée présidentielle du grand débat a permis au pouvoir de se rétablir, et cela par le haut, par l’écoute du peuple. Pour Emmanuel Macron, ce fut une épreuve d’humilité qu’il a franchie en laissant à son Premier Ministre une plus grande marge de manœuvre, ce qui s’est traduit par l’abandon de son discours solennel devant les parlementaires lors d’un Congrès à Versailles, alors qu’il souhaitait en prononcer un, chaque année.

Ce rétablissement ne se fait pas seulement sur des impressions mais avec une véritable feuille de route pour les prochains mois et même années. S’inspirant des points évoqués par la conférence de presse d’Emmanuel Macron le 25 avril 2019, Édouard Philippe a voulu souligner le virage écologique du gouvernement, virage qui s’explique par la bonne performance électorale de la liste menée par Yannick Jadot aux élections européennes (j’y reviendrai probablement) : « Parce que l’État se doit d’être exemplaire, tous les produits en plastique jetable seront bannis de l’administration dès l’année prochaine. ». Avis aux industriels !

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Les mesures sont donc concrètes, comme également l’interdiction des matières plastiques si elles ne sont pas 100% recyclées. Le "100%" est une aberration scientifique : même dans les processus les mieux maîtrisés, le 100% n’est jamais atteint, parce qu’il y a toujours des loupés, fautes humaines, erreurs techniques, fraudes, etc. Mais il donne la mesure de l’ambition. J’insiste sur l’intérêt d’une telle mesure : même si le plastique est une matière polluante (notamment pour nos océans), l’élément clef me paraît plutôt l’avenir des biens industriels : en panne de pétrole, finies les matières plastiques. Il est donc indispensable de songer rapidement à leur remplacement dans les procédés industriels pour leurs propriétés physico-chimiques.

Édouard Philippe a été même très engagé dans cette ambition écologique en voulant désamorcer les critiques sur sa propre personne : « Plus personne, aujourd’hui, n’a le monopole du vert ; c’est aussi cela, le dépassement des anciens clivages. Je connais les soupçons me concernant. Je viens de la droite, j’ai travaillé dans une grande entreprise française du nucléaire et je suis élu d’une ville industrielle : je ne pourrais donc ni rien comprendre, ni rien faire. C’est faire peu de cas de ma culture politique, de mon expérience au Havre et de ces deux années de gouvernement. ».

Quant à a justice sociale, elle s’articule par une baisse massive des impôts. Pour Édouard Philippe, cela signifierait une baisse de 27 milliards d’euros pour les ménages. La baisse de l’impôt sur le revenu se fera dès l’année 2020 pour la première tranche (12 millions de foyers) et partiellement, la deuxième tranche (5 millions de foyers). Rien au-delà, le rien étant exprimé par le mot "neutralisé" : « L’effet de cette réforme pour les tranches suivantes sera neutralisé. ». La taxe d’habitation sera définitivement supprimée en 2023 (donc, après la fin du mandat présidentiel !).

Et les déficits ? Là aussi, il est sensiblement évident qu’il y a eu un assouplissement de la rigueur budgétaire, et on peut le regretter. La baisse des dépenses publiques n’atteindra jamais la baisse des impôts (à moins d’un effet de prestidigitateur). Édouard Philippe a définitivement abandonné sa lutte contre les déficits avec ces propos : « Certains opposent parfois ceux qui seraient attachés aux équilibres budgétaires à ceux qui feraient vraiment de la politique. Je crois profondément le contraire. La responsabilité politique impose d’appliquer des principes, de faire des choix tout en respectant le réel. C’est le choix d’une grande nation, qui veut maîtriser son destin. C’est la marque des Premiers Ministres qui m’inspirent. Je pense à Pierre Mendès France et Georges Pompidou, à Michel Rocard et Alain Juppé. Le réel, c’est souvent nos sous. Ceux des Français. Ceux que nous prenons pour financer nos politiques publiques ou la redistribution. Ceux de nos enfants, car les dettes que nous créons, ce sont nos enfants qui les rembourseront. ».

Édouard Philippe a voulu aussi insister sur la notion de sécurité : sécurité alimentaire, mais aussi sécurité pour l’ordre public. Lutte contre le terrorisme, également, et révision des règles de Schengen, pour mieux contrôler l’immigration. Il a constaté que le nombre de demandeurs d’asile a diminué dans toute l’Europe mais augmenté en France. Il veut aussi réorganiser le culte musulman, en maintenant le cadre de la loi du 9 décembre 1905. Il souhaite ainsi, sans s’ingérer dans le culte musulman, que les imams soient recrutés parmi des Français et qu’ils parlent français dans leurs prêches.

La sécurité sociale dans son ensemble est mise en priorité principale de son gouvernement. Sécurité sociale dans le sens large. La réforme de l’assurance-chômage sera présentée dès mardi 18 juin 2019 par la ministre Muriel Pénicaud, et la réforme des retraites est en cours de discussion avec les partenaires sociaux sous la houlette du haut commissaire (et ancien ministre RPR) Jean-Paul Delevoye. Édouard Philippe a confirmé que l’âge légal de la retraite resterait 62 ans mais il a défini un "âge d’équilibre" qui devrait être à 64 ans en dessous duquel des pénalités seraient appliquées dans le calcul des pensions (traduction des incitations à partir plus tard).

Édouard Philippe, non seulement veut sauver le modèle social français, mais il veut même le renforcer et l’améliorer par une mesure qui est attendue depuis au moins 2010. L’objectif (urgent) est en effet de financer la dépendance : « La Ministre des Solidarités et de la Santé présentera à la fin de l’année un projet de loi qui définira une stratégie et la programmation des moyens nécessaires pour prendre en charge la dépendance. Dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous enclencherons une première étape, avec des mesures favorisant le maintien à domicile et des investissements dans les EHPAD. Cela fait dix ans qu’on promet cette grande réforme de dignité et de fraternité : nous la conduirons et ce sera un autre grand marqueur social de ce quinquennat, peut-être un des plus importants. ». Je m’en réjouis : il est indispensable de créer ce cinquième pilier de la sécurité sociale pour accompagner ceux, de nos aînés, qui ont besoin d’aide pour poursuivre et terminer leur vie dans les meilleures conditions.

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Je termine ce compte-rendu par deux mesures importantes.

Je me réjouis de l’arrêt provisoire de la réforme des institutions. Édouard Philippe est sage lorsqu’il ne souhaite pas « [mobiliser] du temps parlementaire pour, in fine, constater le désaccord du Sénat ». Le gouvernement était pourtant prêt à présenter ses trois projets de loi, corrigeant les projets de loi de l’année 2018. Je m’en réjouis car je considère que cette réforme ne va pas dans le bon sens. Édouard Philippe préfère se concentrer sur les enjeux sociaux et écologiques et il a raison.

Son constat, c’est le rejet du Sénat : « La réalité, aujourd’hui, c’est que nous sommes proches d’un accord (…). [Mais] le Sénat a été très clair sur le fait qu’il n’y aurait d’accord sur rien s’il n’y avait pas accord sur tout. Nous allons donc continuer à nous rapprocher. ». Ce n’est pas anodin qu’Édouard Philippe ait demandé aussi la confiance des sénateurs (qui vont s’exprimer ce jeudi 13 juin 2019). Cette confiance sénatoriale n’engage pas le gouvernement (pas de renversement possible) mais elle permettra de compter, des sénateurs de la majorité sénatoriale, lesquels sont macron-compatibles dans la perspective des élections municipales de mars 2020.

Car c’est un enjeu essentiel pour Emmanuel Macron et Édouard Philippe, puisque des résultats des élections municipales de mars 2020 dépendra la future configuration du Sénat après son renouvellement de moitié en septembre 2020. À termes à peine voilés, Édouard Philippe a ainsi mis en garde le Président du Sénat Gérard Larcher : « Nous ne renonçons pas à nos ambitions (…). Nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat, qui, peut-être, ne viendra qu’après le renouvellement de la Haute Chambre, en 2020. Nous pouvons aussi voter seulement la proportionnelle à l’Assemblée, sans changer le nombre de députés, et le Président de la République a la faculté d’interroger directement les Français sur la réduction du nombre des parlementaires. ». J’ai déjà donné mon avis sur la proportionnelle et la réduction du nombre des parlementaires (mesure particulièrement soutenue par les courants antiparlementaires).

Si le gouvernement s’est retiré une grosse épine du pied en retirant temporairement sa réforme des institutions, il s’en est mis une autre, peut-être encore plus piquante. En effet, peut-être "marqueur de gauche", Édouard Philippe a annoncé le dépôt rapide d’un projet de loi sur la bioéthique avec en particulier cette mesure phare, la PMA (procréation médicalement assistée) pour toutes les femmes. Quand il l’a annoncé, les députés de la majorité ont applaudi et se sont levés. L’idée du gouvernement est d’aller vite, au contraire de François Hollande avec le mariage pour tous : le projet de loi passera au conseil des ministres à la fin de juillet 2019 et son examen à l’Assemblée Nationale à la fin de septembre 2019, juste avant l’examen du projet de loi de finances : « Combattre les peurs, c’est remettre de la conscience dans la science, pour paraphraser une formule célèbre. C’est déterminer ce qui est permis et ce qui ne l’est pas dans des domaines où tout devient techniquement possible. ».

Édouard Philippe a, à cet égard, félicité trois membres de son gouvernement : « J’ai la chance d’avoir, dans mon gouvernement, trois ministres d’exception : une médecin, Agnès Buzyn ; une juriste, Nicole Belloubet ; une scientifique, Frédérique Vidal. Les débats que vous avez eus avec elles, que j’ai eus avec elles, ont été de grande qualité. Je suis persuadé que nous pouvons atteindre une forme de débat serein, profond, sérieux, à la hauteur des exigences de notre pays. C’est mon ambition, en tout cas. ».

La PMA est un sujet très particulier qui n’a aucune raison d’être politisé. J’y reviendrai dans quelque temps. Le risque que ressentent beaucoup de citoyens est qu’une loi permettant la PMA pour toutes les femmes conduise à une loi autorisant la GPA (gestation pour autrui). Chaque fois qu’une "étape" a été franchie, les promoteurs de celle-ci juraient les grands dieux que jamais la suivante ne surviendrait et pourtant, ce fut le cas : le PACS en 1999, le mariage pour tous en 2013 et la PMA probablement pour 2019 ou 2020.

Édouard Philippe a conclu son intervention à l’hémicycle en résumant ainsi la France qu’il défend : « Une France fidèle à elle-même, puissance industrielle, militaire et culturelle, une France travailleuse, solidaire et écologique, qui puise dans ce qu’elle produit la ressource de la justice sociale et qui ne vit pas au crédit de ses enfants ni de leur environnement. ». Qui donc pourrait s’opposer à ce but à atteindre ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 juin 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Édouard Philippe, vainqueur par défaut des gilets jaunes et des européennes ?
Séance de l’Assemblée Nationale du 12 juin 2019 : vote de confiance (texte intégral).
Discours de politique générale d’Édouard Philippe le 12 juin 2019 (texte intégral).
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et l’art d’être Français.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron du 25 avril 2019 (vidéo et texte intégral).
Édouard Philippe, l’étoffe d’un homme d’État ?
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 28 septembre 2017.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.

_yartiPhilippeEdouardE04



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190612-edouard-philippe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/edouard-philippe-vainqueur-par-215859

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/06/12/37423334.html




 

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