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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 16:42

Discours de politique générale du Premier Ministre Édouard Philippe le 12 juin 2019 devant les députés (texte intégral)

(verbatim)


Pour en savoir :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190612-edouard-philippe.html


Discours de politique générale du Premier Ministre Édouard Philippe le 12 juin 2019 devant les députés

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les députés,

Voilà deux ans maintenant que nous gouvernons et il y a toujours urgence. Peut-être davantage encore.

Urgence économique, comme le crient les salariés des usines de Belfort, d’Amiens et d’ailleurs.

Urgence sociale, comme le crient nos concitoyens des territoires isolés, comme le disent les personnels hospitaliers.

Urgence écologique, comme le crient les jeunes Français à l’encontre des gouvernements et des entreprises qui n’en font pas assez.

Urgence politique. Le 26 mai, l’extrême droite est arrivée en tête des suffrages en France. Comme dans beaucoup de démocraties occidentales, la radicalité politique, nourrie de l’obsession du déclin et de la peur de l’autre, structure désormais une part de notre vie démocratique.

Cette urgence, elle nous rassemble : c’est elle qui a conduit à l’élection du président de la République ; c’est elle qui a donné une majorité au Président lors des élections législatives ; c’est elle qui a guidé votre vote de confiance au Gouvernement il y a deux ans, pour conduire un intense agenda de transformations. Je ne reviendrai pas ici sur la longue liste des réformes que nous avons menées. Les Français n’attendent pas un bilan, encore moins un exercice d’autosatisfaction. Je veux simplement dire au Gouvernement et à la majorité que j’en suis fier, et que je les remercie du travail accompli :
- le chômage est au plus bas depuis 10 ans ;
- l’investissement au plus haut depuis 12 ans ;
- la progression du pouvoir d’achat la plus dynamique depuis 10 ans ;
- la France bat des records d’attractivité.
 

Cela nous donne des motifs d’espoir et une légitimité pour continuer le travail.

Nous n’avons eu de cesse, ces deux années durant, de tenir le cap fixé par le président de la République. Celui que nous jugions nécessaire pour libérer les forces de notre pays et protéger ses citoyens. Quitte à prendre des décisions impopulaires. Quitte à commettre des erreurs et j’en prends évidemment ma juste part. Quelles qu’ont été les difficultés, l’essentiel des mesures annoncées dans ma précédente déclaration de politique générale est aujourd’hui engagé. Cette fidélité à la parole donnée a forgé la légitimité de notre action.

En novembre dernier, nous avons rencontré la colère. Certains diront que nous l’avons seuls créée. Je ne le crois pas. Cette colère vient de loin et bien des démocraties l’ont ressentie dans des formes variées. Mais peu importe. C’est à nous, gouvernants, parlementaires, qu’elle était en premier adressée. D’une certaine façon, elle nous rappelait à notre promesse de promouvoir le travail et de lutter contre les injustices. Nous avons décidé des mesures puissantes pour répondre aux aspirations des Français. Et pour apaiser.

De cette période, qui m’aura marqué profondément, comme je crois chacun d’entre vous, puis du Grand Débat, qui a permis à des centaines de milliers de Français de se rendre dans leur mairie ou dans des salles publiques pour dialoguer, travailler et réfléchir, le Gouvernement et la majorité entendent tirer la force d’un nouvel élan.

C’est l’« Acte 2 » du quinquennat.

Une nouvelle étape qui marque une césure, à travers un profond changement de méthode, mais qui va de pair avec deux impératifs : la constance et la cohérence, qui sont bien les seules choses que notre pays n’ait jamais tentées.

Constance et cohérence dans l’action. Notre pays a besoin de se transformer. Notre ennemi, ce n’est pas le mouvement, c’est le statu quo.

Constance et cohérence dans nos valeurs ensuite. Nos valeurs, ce sont le patriotisme, l’attachement à la République, l’affirmation de l’idéal européen.

C’est la quête de justice sociale, pas celle qui se paye de mots, mais celle qui se vit au quotidien.

C’est la valeur travail. Cette idée simple que les solutions proviendront du travail et qu’il faut donc le récompenser.

C’est le dépassement des postures et des vieux clivages.

Plus que jamais, notre pays a besoin de l’union des Françaises et des Français qui veulent agir, loin, bien loin, des logiques partisanes.

L’engagement partisan est évidemment respectable. Le Général De Gaulle, qui n’aimait guère les partis politiques, avait tenu à ce que l’article 4 de la Constitution prévoie qu’ils concourent à l’expression du suffrage universel.

Les partis demeurent donc des acteurs centraux de la démocratie. Je ne crois pas pour ma part que les cultures de gauche et de droite aient disparu. Il y a dans notre pays, une culture de gauche. Une culture de droite. Une culture du centre. Le nier, ce serait oublier deux siècles d’histoire politique. Mais ces cultures suffisent-elles à structurer le débat ? Disent-elles quoi faire sur l’Europe, sur l’écologie, sur la politique méditerranéenne, sur la décentralisation ? Je ne crois pas, Mesdames et Messieurs les députés, que le vrai sujet soit aujourd’hui, de savoir comment ressusciter la gauche ou sauver la droite.

Le but est de savoir comment, avec nos héritages, nos sensibilités, nos différences, nous dépassons nos habitudes, pour nous rassembler, pour relever les défis de notre pays et de notre planète. Les maires savent combien la logique de rassemblement est puissante et je salue tous ceux, d’où qu’ils viennent, qui sont prêts à nous rejoindre dans le soutien au président de la République.

Car nous avons beaucoup fait depuis deux ans, mais il reste tant à faire !

Au cœur de l’acte II, il y a d’abord l’ambition écologique.

Plus personne n’a aujourd’hui, le monopole du vert, et c’est aussi cela, le dépassement des anciens clivages.

Je connais les soupçons me concernant. Je viens de la droite, j’ai travaillé dans une grande entreprise française du nucléaire, je suis élu d’une ville industrielle, je ne pourrais donc ni rien comprendre, ni rien faire. Je trouve que c’est faire peu de cas de ma culture politique, de mon expérience au Havre et de ces deux années de gouvernement. Mais oui, j’ai mis du temps, comme d’autres Français, à considérer que ces enjeux étaient aussi urgents que la défense de l’emploi ou la sécurité. Les jeunes nous bousculent, partout dans le monde et en Europe. Partout nous constatons les dérèglements climatiques, la pollution de l’air, des sols et des mers qui menacent notre santé et la biodiversité.

Je ne me ferai pas passer pour un autre. Je ne suis pas un défenseur de la décroissance. Je crois dans la science, je voudrais qu’elle ait plus de place dans le débat public, que nos décisions soient davantage éclairées par elle. Je sais ce que notre pays doit à son agriculture et la chance qu’il a de pouvoir compter sur des agriculteurs exigeants et passionnés. J’aime l’industrie : j’admire ses salariés, ouvriers, techniciens et ingénieurs. Je crois en l’économie de marché régulée par le politique, en l’innovation et en la force de la croissance.

Je crois possible un nouveau modèle économique qui produise des richesses, donc de l’emploi, sans salir, sans contaminer, sans détruire, sans condamner ceux qui viendront après nous ou ceux qui vivent loin de nous. Et je crois qu’à chaque fois que nous mettons une incitation financière publique en place, il faut s’interroger sur son efficacité réelle et songer à la façon dont les acteurs privés prendront un jour le relai. Il faut inventer un modèle économique où la sobriété énergétique, les transports propres, la saine alimentation, le recyclage progressent beaucoup plus vite que le taux de croissance. C’est ma conviction et je veux être jugé sur les actes.

Car ces douze prochains mois seront ceux de l’accélération écologique.

Le premier axe de notre plan de bataille, c’est de rendre plus propre notre économie, et tout d’abord notre manière de produire notre énergie et de nous déplacer.
C’est l’objet des deux projets de loi dont vous êtes saisis, la loi d’orientation des mobilités et la loi énergie-climat. Je souhaite qu’elles puissent être votées avant l’été.

C’est ce Gouvernement qui fermera la centrale de Fessenheim - avant la fin 2020 - et qui a proposé un chemin crédible pour réduire la part du nucléaire à 50 % d’ici 2035, avec le développement massif du renouvelable et notamment de l’éolien en mer. En arrivant aux responsabilités, nous avons concrétisé et considérablement baissé les coûts de six appels d’offre qui étaient bien mal partis. Aujourd’hui, le projet au large de Dunkerque démontre que les coûts baissent encore plus vite quand les projets sont bien montés. Nous pourrons ainsi augmenter le rythme des futurs appels d’offres à un gigawatt par an. C’est une bonne chose pour le prix de l’électricité, pour notre industrie et pour notre planète !

Nous finaliserons d’ici la fin de l’année les contrats de transition écologique à Gardanne, Saint Avold, Cordemais et au Havre, où les centrales à charbon fermeront d’ici à 2022.

Le succès de la prime à la conversion pour l’achat d’un véhicule moins polluant nous permet de doubler notre objectif : nous visons désormais 1 million de familles d’ici la fin du quinquennat.

Nous donnerons une nouvelle orientation à notre politique hydroélectrique. En la matière, on ne régule pas seulement une production électrique, mais des vallées et des régions entières. Nous respecterons le droit européen, mais nous n’accepterons pas le morcellement de ce patrimoine commun des Français.

Enfin, nous négocierons avec la commission européenne une nouvelle régulation du prix de l’électricité, pour que les Français bénéficient davantage de la stabilité et de la compétitivité que nous donnent nos investissements passés.

Nous voulons donner aux Français les moyens de se chauffer sans polluer ni payer toujours plus.

Nous remettrons totalement à plat les aides existantes à la rénovation énergétique. Parce que ces aides sont d’une effroyable complexité. Qu’elles profitent en réalité aux ménages les plus riches. Nous transformerons donc le crédit d’impôt de transition énergétique en une aide plus massive, versée en faveur de ceux qui en ont le plus besoin.

Reconnaissons-le, à part dans le logement social, nous ne disposons pas aujourd’hui des leviers efficaces pour venir à bout des passoires thermiques qui plombent le climat et le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Inventons-les ensemble ! Je sais que les députés feront des propositions, et j’y suis ouvert. Nous en discutions avec Pascal Canfin : il faut sur ce sujet réussir à mobiliser les financements publics et privés, raisonner au-delà des normes et des obligations, mêmes si elles sont nécessaires, réitérer le succès qu’un Jean-Louis Borloo a pu avoir avec l’ANRU en son temps.

Le deuxième axe de notre plan de bataille, c’est de rompre avec le gaspillage. D’en finir avec un modèle de consommation dans lequel les mines sont toujours plus profondes et les montagnes de déchets toujours plus hautes.

J’ai annoncé notre volonté d’en finir avec cette pratique scandaleuse qui consiste à jeter ce qui ne peut être vendu. Cette mesure constitue une première dans le monde. Elle figurera dans le projet de loi de lutte contre le gaspillage qui sera l’une des trois priorités de la rentrée parlementaire en septembre.

Nous avons déjà acté la suppression des produits plastiques à usage unique les plus néfastes. Mais je veux que nous allions plus loin.

Parce que l’Etat se doit d’être exemplaire, tous les produits en plastique jetables seront bannis de l’administration à compter de l’année prochaine.

Je souhaite également que nous nous fixions un objectif de 100% de plastique recyclé et nous lancerons dans les prochains jours une grande concertation notamment avec les collectivités, pour étudier la mise en place d’une consigne sur certains emballages. Les collectivités d’outre-mer pourront, si elles le souhaitent, en devenir des territoires pilotes.

La loi anti-gaspillage prévoira la possibilité d’imposer l’incorporation de plastique recyclé dans toutes les bouteilles en plastique à usage unique.

Enfin, j’ai noté la volonté de beaucoup de parlementaires d’aller plus loin dans la suppression du plastique à usage unique. Un amendement avait étendu cette obligation à toutes les boîtes plastiques. Nous avions considéré ensemble qu’il déstabilisait trop nos industries et qu’il fallait le corriger. Mais son intention était bonne et je vous proposerai dans le cadre de la loi anti-gaspillage, des dispositions pour interdire progressivement les boîtes plastiques qui ne sont pas constituées de plastique recyclé.

S’agissant de l’alimentation également, nous devons produire et manger mieux.

Nous nous battrons en Europe – le président de la République l’a réaffirmé – pour garantir un budget de la PAC à la hauteur des besoins de la transition écologique. Un budget qui protège nos agriculteurs et qui leur donnent les moyens de produire autrement.

Nous réorganiserons également notre police de l’alimentation pour apporter aux Français davantage de garanties sur ce qu’ils consomment.

Nous avons lancé avec succès une démarche nationale pour améliorer l’information sur la qualité nutritionnelle des aliments et développer l’utilisation de Nutriscore dans l’étiquetage des aliments. Nous la défendrons auprès de la Commission européenne et de nos partenaires afin de rendre le Nutriscore obligatoire.

Un mot pour conclure sur ce point : en matière de prévention, le Gouvernement a un bilan que je crois solide, sur le tabac, les vaccinations, la sécurité routière. Agnès Buzyn m’a proposé d’ouvrir une nouvelle étape, pour s’attaquer à l’obésité. Il s’agira d’un objectif national, pour l’école, la santé, le sport, l’agriculture, l’industrie. Je serai heureux d’accueillir les propositions parlementaires sur ce sujet.

Avec François de Rugy, je souhaite que les Français soient les premiers acteurs de la transition écologique.

La convention citoyenne pour la transition écologique et climatique constituera un moment de démocratie participative inédit. Elle pourra proposer de nouvelles mesures ; elle pourra en définir le rythme et les financements. Elle rendra ses conclusions au début de l’année 2020. Le Gouvernement s’engage à traduire ces propositions en projets de loi, en mesures réglementaires voire, pour les plus puissantes, à les soumettre à référendum.

Le Conseil de défense écologique s’assurera pour sa part de la mobilisation au plus haut sommet de l’Etat pour faire de l’écologie une priorité de l’ensemble de nos politiques publiques. Nous devons défendre aussi bien le climat que le pouvoir d’achat, la qualité de l’air que nos industries ou nos emplois. Nous avons là un nouvel « en même temps » à construire, qui appelle les mêmes dépassements : dépassement des oppositions entre producteurs et écologistes, dépassement de nos habitudes de consommation, dépassement des postures. Il faut que nous arrivions à en faire l’affaire de tous. Et il faut que nous nous concentrions sur les résultats concrets, dans le quotidien des Français. Je ne veux pas être l’homme des effets d’annonce, mais celui des engagements tenus.

Au cœur de l’acte II, il y a l’ambition écologique et il y a la justice sociale.

La justice sociale, c’est de permettre à tous de travailler.

Le chômage baisse, il a même atteint son plus bas niveau depuis 10 ans. Avec 93 000 emplois créés au 1er trimestre, les chiffres publiés encore ce matin par l’INSEE montrent que nous sommes sur la bonne voie.

Pour autant, nous n’en avons pas fini avec un chômage de masse qui enferme dans la précarité, qui lamine des familles et des territoires. Chaque période de chômage est une épreuve, est une angoisse. C’est un combat de tous les jours pour celui qui y est confronté. C’est le combat central de mon Gouvernement. Car nous en avons fini avec la résignation et l’idée délétère que tout aurait été tenté contre lui.

Nous avons renforcé le dialogue social dans l’entreprise, pour mettre fin à la peur de l’embauche. Nous avons réformé la formation professionnelle et l’apprentissage, pour développer les bonnes compétences en face des besoins. Nous avons mis en place un plan pauvreté dont l’objectif central est la reprise d’activité. Il faut maintenant achever ce vaste mouvement de réformes et conduire, comme tous nos voisins l’ont fait, celle de notre assurance-chômage.

Avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, nous présenterons la réforme mardi prochain, le 18 juin ; nous nous fixons plusieurs objectifs.

Le premier c’est de mettre fin au recours abusif aux contrats courts.

Nous avons donné aux entreprises plus de souplesse et de sécurité grâce à la réforme du droit du travail et c’était nécessaire. La contrepartie – vous savez combien j’apprécie ce terme – c’est une responsabilité accrue dans le recours aux contrats courts qui empêchent les salariés de construire leur vie avec un minimum de sérénité.

C’est pourquoi, dans les 5 à 10 secteurs d’activité qui utilisent le plus ces contrats et qui génèrent de la précarité, nous instaurerons un principe de bonus / malus sur les cotisations d’assurance chômage.

Dans les autres secteurs, nous prendrons une mesure transversale pour décourager le recours aux CDD d’usage.

Le deuxième objectif de cette réforme, c’est de faire en sorte que le travail paye toujours plus que l’inactivité.

C’est en général le cas. Dans la majorité des situations, les règles d’indemnisation sont bien faites et elles continueront à s’appliquer.

Mais il existe des situations où le montant de l’allocation mensuelle du chômage est supérieur au salaire mensuel moyen perçu. Nous devons y mettre fin.

Le troisième objectif vise à introduire une dégressivité de l’indemnisation pour les salariés qui perçoivent les salaires les plus élevés et qui sont en mesure de retrouver un emploi plus vite que les autres.

Quatrième objectif de la réforme de l’assurance chômage : renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emplois.

Vous le savez, le Gouvernement a regretté que les partenaires sociaux n’aient pu, par le dialogue, réformer eux-mêmes le régime d’assurance chômage. Mais nous continuons à penser qu’ils ont leur place dans la mise en œuvre de cette réforme, comme ils ont leur place dans la mise en œuvre de tout l’acte II. En particulier, les nouvelles mesures d’accompagnement, pour lesquelles nous dégagerons de nouveaux moyens, ne doivent pas être pensées uniquement à Paris : les besoins ne sont pas les mêmes selon les bassins de vie et d’emploi. Les travaux que j’ai lancés autour de la mobilisation nationale et territoriale avec les partenaires sociaux devront permettre d’identifier les meilleures solutions et donner une grande marge de manœuvre aux acteurs locaux.

J’ajoute que conformément aux engagements du président de la République, cette réforme donnera accès à l’assurance chômage aux salariés démissionnaires ainsi qu’aux travailleurs indépendants.

La justice sociale, c’est de faire en sorte que le travail paye.

Avec le président de la République, nous avons reçu 5 sur 5 le message d’exaspération fiscale que les Français nous ont adressé.

Ceux-ci ne veulent plus des mots, ils veulent des actes. Nous avons donc décidé une baisse d’impôts historique : au total, les impôts des ménages baisseront durant ce quinquennat de 27 milliards d’euros.

Je vous confirme que la taxe d’habitation sur les résidences principales sera intégralement supprimée pour l’ensemble des Français.

Les 80 % de Français les plus modestes bénéficieront dès ce mois de septembre de la suppression du deuxième tiers de la Taxe d’habitation et leur taxe sera intégralement supprimée en 2020. Pour les 20 % de Français restants, la suppression se déploiera sur trois années.

Nous réformerons le financement des collectivités territoriales, en garantissant leur autonomie financière et le dynamisme de leurs ressources. Jacqueline Gourault et Gérald Darmanin reprendront les concertations avec les associations d’élus dès la semaine prochaine. Comme je m’y suis engagé, l’ensemble des mesures devra figurer dans le projet de loi de finances afin de garantir la visibilité aux maires.

Nous avons choisi de concentrer l’intégralité de la baisse de l’impôt sur le revenu annoncée par le président de la République sur les classes moyennes qui travaillent :

Le taux d’imposition de la première tranche de l’IR, qui regroupe 12 millions de foyers, sera abaissé de trois points. Cela représente un gain moyen par foyer de 350 €, soit, à ce niveau, un tiers de l’impôt en moyenne; c’est massif, c’est clair, c’est net.

Les 5 millions de foyers de la tranche suivante bénéficieront d’un gain moyen de 180€.

Ces baisses seront votées dans le projet de loi de finances pour 2020.

Soyons clairs : baisser les impôts de 5Md€, en une fois, nous obligera à faire des choix pour contenir nos dépenses publiques. Certains opposent parfois ceux qui seraient attachés aux équilibres budgétaires à ceux qui feraient vraiment de la politique. Je crois profondément le contraire. La responsabilité politique, c’est de mettre en œuvre des principes et, en même temps, de respecter le réel.

C’est le choix d’une grande nation, qui veut maîtriser son destin. C’est la marque des premiers ministres qui m’inspirent. Je pense à Pierre Mendès France et Georges Pompidou, à Michel Rocard et Alain Juppé.

Le réel, c’est souvent nos sous. Ceux des Français. Ceux que nous prenons pour financer nos politiques publiques ou la redistribution. Ceux de nos enfants, car les dettes que nous créons, ce sont nos enfants qui les rembourseront.

Le Président a dans cette perspective annoncé la révision de certaines niches fiscales et sociales. Nous nous concentrerons :

- sur les niches anti-écologiques,
- sur les niches concentrées sur les très grandes entreprises,
- ou sur les niches qui en fait réduisent les droits sociaux des salariés, comme la déduction forfaitaire spécifique.

Dans chacun de ces secteurs, la concertation a montré que le changement était possible, mais qu’il devait être progressif. Nous avons appris de la taxe carbone, et nous ferons donc ces réformes, en laissant aux entreprises le temps de s’adapter. Bruno Le Maire et Gerald Darmanin indiqueront au début du mois de juillet les choix du Gouvernement.

La justice, c’est de mieux associer les salariés aux résultats de l’entreprise, de renouer avec l’idée gaullienne de participation.

La prime exceptionnelle de fin d’année qu’avait annoncée le président de la République sera reconduite pour 1 an en 2020, avec le même régime défiscalisé dans la limite de 1 000 € par bénéficiaire. Pour que cet élan soit pérenne, les entreprises devront, pour verser la prime exceptionnelle, mettre en place un dispositif d’intéressement au profit de leurs salariés avant le 30 juin 2020. Nous les y aiderons, en simplifiant la mise en place des accords d’intéressement dans les PME, en les autorisant à tester ces accords sur un an au lieu de trois, en mettant à la disposition des PME des accords-types opposables à l’administration.

La justice sociale, c’est de renouer avec la méritocratie républicaine. Avec l’égalité des chances.

Trop souvent, notre modèle social repose sur des politiques de compensation, qui lissent les inégalités sans chercher à les réduire à la base. La France est un des pays les plus redistributifs au monde et pourtant l’un des pays où le déterminisme social est le plus élevé. Les études PISA montrent par exemple que l’influence du milieu social sur les performances scolaires est parmi les plus élevées.

A cet égard, le dédoublement des classes de CP et de CE1 de zones d’éducation prioritaires mené par Jean-Michel Blanquer restera comme l’une des grandes mesures de ce quinquennat. Nous irons encore plus loin dans le traitement des difficultés à la racine, en rendant l’école obligatoire dès 3 ans, en étendant l’effort de réduction du nombre d’élèves à la grande section de maternelle dans les zones les moins favorisées et en limitant à 24 élèves par classe sur tout le territoire les CP et CE1.

Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel ont également présenté en début de semaine, après des mois de concertation, les contours d’un nouveau service public d’accueil des enfants handicapés à l’école. Nous voulons en finir avec des systèmes qui bricolent des solutions pour les enfants en situation de handicap, qui trop souvent font leur rentrée après les autres enfants.

Nous poursuivrons la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Avec la réforme de ParcoursSup que Frédérique Vidal a conduite, les jeunes Français choisissent désormais leur voie par vocation, non plus par défaut. Cette réforme qu’on disait impossible, elle est faite, elle marche et elle est juste. On compte déjà 30% de plus de boursiers dans les classes préparatoires parisiennes et les IUT ont admis 19% de bacheliers technologiques de plus.

Renforcer notre modèle social, c’est en combler les failles. C’est l’adapter aux situations individuelles. C’est inventer de nouvelles solidarités.

Je pense aux familles monoparentales qui se sont beaucoup exprimées durant le grand débat. Logement, travail, fins de mois, garde d’enfants, tout est plus difficile quand on est seul. C’est pourquoi, dans le plan Pauvreté, nous avons prévu l’ouverture de 30 000 places en crèches et la formation de 600 000 professionnels. Un service unique d’information des familles sera créé en 2020 pour connaître en temps réel, les places de crèches et d’assistantes maternelles disponibles. Enfin, dès juin 2020, le Gouvernement mettra en place un nouveau système pour protéger les personnes seules contre le risque d’impayés des pensions alimentaires. Sur décision d’un juge, ou sur demande en cas d’incidents de paiement, les pensions seront automatiquement prélevées par la CAF pour être versées à leurs bénéficiaires et c’est la CAF qui déclenchera une procédure de recouvrement en cas d’impayé. Quand la vie est dure, que chaque euro compte, que chaque jour compte, il ne faut pas rajouter de l’inquiétude, de la tension, de la précarité et laisser les familles seules face à l’incertitude sur le versement des pensions.

Je pense à notre système de soins. Nous sommes tous choqués par ces images d’urgences saturées ; de brancards qui s’empilent dans les couloirs ; de professionnels qui enchaînent les heures et les patients. Agnès Buzyn a apporté des premières réponses la semaine dernière, pour mieux reconnaître l’engagement des professionnels et moderniser les locaux. Mais tout le monde sait que la situation des urgences traduit un mal plus profond. Notre ambition est de transformer le système de santé, en ville comme à l’hôpital, pour mettre un terme aux crises qui minent la confiance des soignants et des patients. La loi sera bientôt votée. C’est une grande loi de transformation. Le défi sera alors celui de l’exécution. Nous serons au rendez-vous. Pour l’heure, j’en appelle au sens des responsabilités de tous les professionnels de santé, publics et privés, pour se rassembler autour des directeurs d’ARS, afin de coordonner leur présence estivale et d’anticiper les points de tension à venir.

Je pense au combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes que mène le Gouvernement, avec Marlène Schiappa, dans les domaines de l’égalité salariale, de la lutte contre les discriminations et contre les violences.

Je pense aux millions d’aidants qui arrêtent de travailler ou qui réduisent leur activité pour s’occuper d’un proche. Nous demanderons aux partenaires sociaux de se saisir de cette question et nous examinerons comment prendre en compte ces situations dans le calcul des retraites.

Je pense à tous ceux qui sont perdus face à la complexité de notre système d’aides sociales et pour lesquels nous sommes en train de préparer le futur revenu universel d’activité. La concertation a commencé, elle conduira à la présentation d’un projet de loi en 2020.

L’acte II, c’est répondre au défi du vieillissement de la population.

C’est l’un de nos grands défis de société. Certains parlent d’une révolution de la longévité... Nous avons trop tardé pour nous y confronter, parce que les budgets en jeu sont gigantesques, mais aussi peut-être par une forme de déni. Nous le voyons tous avec nos parents ou nos grands-parents : malgré le dévouement des soignants, des familles et des aidants, nous sommes mal préparés.

C’est notre regard qui doit changer. Celui que nous portons sur la place des personnes âgées dans notre société. Le rôle qu’elles peuvent y jouer. Nous devons aussi entendre leur volonté de vieillir à domicile. Entendre les familles qui supportent une charge financière importante et qui souvent sont prises en tenaille entre leurs obligations d’enfants et celles de parents voire de grands-parents. Entendre les personnels, dont le métier doit être revalorisé.

La ministre des solidarités et de la santé présentera à la fin de l’année un projet de loi qui définira une stratégie et la programmation des moyens nécessaires pour prendre en charge la dépendance. Dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous enclencherons une première étape, avec des mesures favorisant le maintien à domicile et des investissements dans les EHPAD.

Cela fait 10 ans qu’on promet cette grande réforme de dignité et de fraternité. Nous la conduirons et ce sera un autre grand marqueur social de ce quinquennat. Peut être un des plus importants.

L’autre grand défi de notre génération, c’est la mise en place d’un système universel de retraites.

Nous avons aujourd’hui 42 régimes qui assurent globalement un bon niveau de retraite : la France est un des rares pays où le niveau de vie des retraités est supérieur à celui de la population.

Cependant, notre système n’est ni simple ni juste. Il pénalise les carrières courtes ou hachées. Ce constat est connu. S’y ajoutent des inquiétudes légitimes concernant son avenir.

Le Haut-Commissaire Jean-Paul Delevoye a mené un intense travail de concertation. Il présentera en juillet ses recommandations en faveur d’un système universel permettant à la fois de renforcer l’équité entre générations, la protection des plus fragiles et la confiance des Français.

Ce nouveau système, que nous mettrons en place de manière très progressive, reposera sur un principe simple : les règles seront les mêmes pour tous. C’est-à-dire qu’un euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous. Ce système sera aussi plus redistributif car il réduira l’écart entre les pensions des plus modestes et celles des plus aisés, entre les pensions des hommes et celles des femmes. Il garantira enfin, comme le Président l’a demandé, que les personnes qui ont travaillé toute leur vie ne gagnent pas moins que 85% du SMIC.

Nous savons tous que ces principes sont justes mais qu’ils nécessitent des évolutions profondes. S’agissant des fonctionnaires par exemple, dont les retraites sont calculées actuellement sur les six derniers mois hors primes, le nouveau mode de calcul, sur l’ensemble de la carrière et sur l’ensemble de la rémunération, devra nous conduire à revaloriser les profils de carrière de certaines professions, je pense en particulier aux enseignants.

Les mêmes règles pour tous, c’est vrai, cela signifie aussi la fin des régimes spéciaux. Cela se fera très progressivement, sans modifier les conditions de départ des personnes qui ont déjà des projets pour leur retraite et en conservant l’intégralité des droits acquis. Ce qui compte, c’est la cible vers laquelle nos régimes vont converger ; pour aller vers cette cible, il faut du temps et de la souplesse. Nous nous en donnerons pour réussir cette transformation.

Enfin, le Président l’a affirmé, nous devons travailler plus longtemps. C’est la clé de la réussite du pays. Je vois bien que cela inquiète. Mais la réalité, c’est qu’il s’agit aussi d’une question de justice. Continuer à partir à la retraite deux ans plus tôt que l’âge moyen des autres pays européens, c’est demander à nos enfants de financer cet écart. Et les Français sont lucides. Déjà, l’âge moyen de départ à la retraite est supérieur à l’âge légal, parce que nos compatriotes ont compris que grâce à leur travail, ils pouvaient bénéficier d’une meilleure pension. Et ils ont raison. Nous maintiendrons la possibilité d’un départ à 62 ans, mais nous définirons un âge d’équilibre et des incitations à travailler plus longtemps. Ainsi, chacun pourra faire son choix, en liberté et en responsabilité.

La condition pour que ce choix existe, c’est que le chômage recule, et c’est la raison pour laquelle nous lancerons un grand plan pour l’emploi des seniors.
L’acte II, c’est aussi répondre à un certain nombre de peurs. Des peurs qui se sont exprimées durant le grand débat. Qui s’expriment depuis des années dans le débat public.

Toutes reposent sur un sentiment de « perte de contrôle ». Perte de contrôle sur les évolutions du monde. Sur le progrès technologique. Sur des menaces réelles ou ressenties. Sur la violence.

Il existe plusieurs manières d’appréhender ces inquiétudes ou ces peurs. On peut les attiser pour en tirer profit. On peut les nier, pour éviter de se poser des questions difficiles. Ou alors, on peut les affronter. En montrant à nos concitoyens que sur tous les sujets, la République a les moyens de garder le contrôle.

Garder le contrôle, c’est d’abord garantir l’ordre public pour tous et sur tout le territoire.

Une de nos premières décisions a été de lancer un vaste plan de recrutement et d’équipements des forces de l’ordre et d’y accorder les moyens. Il y avait urgence. Et on partait de loin.

Une autre décision a été de concentrer les forces dans les quartiers de reconquête républicaine où la délinquance, les incivilités avaient grimpé en flèche.

Les premiers résultats sont là : en 2018, les vols avec armes ont baissé de 10% ; les cambriolages de 6% et les vols de véhicules de 8%.

Durant les douze prochains mois, notre priorité sera de combattre le trafic de stupéfiants qui gangrène des pans entiers de notre territoire. Cela implique d’harceler les points de vente, de neutraliser les échelons de distribution, de faire tomber les têtes de réseaux. Nous procèderons aux changements d’organisation nécessaires pour parvenir à ces résultats opérationnels.

J’ai également demandé à Christophe Castaner un plan pour lutter contre la violence gratuite. Les Français n’en peuvent plus des coups de couteaux donnés pour un mauvais regard ou des batailles rangées entre bandes rivales. Nous ne devons plus rien laisser passer.

Pour réussir, nous devrons finaliser les réformes que nos forces de l’ordre attendent depuis longtemps sur le temps de travail, sur les heures supplémentaires, sur la fidélisation dans les postes et les territoires.

Pour traduire ces orientations, le ministre de l’Intérieur et le Secrétaire d’Etat engageront dès cet été, la rédaction d’un livre blanc sur la sécurité intérieure ainsi que d’une future loi de programmation.

Garder le contrôle, c’est maintenir une vigilance de tous les instants contre la menace terroriste.

C’est continuer de fermer les lieux de culte radicalisés.

C’est poursuivre l’expulsion systématique des ressortissants étrangers en situation irrégulière qui figurent au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Nous en avons expulsé plus de 300 au cours des dix-huit derniers mois.

C’est poursuivre les efforts de recrutement dans le renseignement : il y en aura 1 900 d’ici la fin du quinquennat.

Garder le contrôle, c’est affirmer notre singularité et notre indépendance dans le monde.

Un monde qui est dangereux. Où la France, inlassablement, cherche à porter la voix de la paix et de la stabilité :
- en continuant de promouvoir le multilatéralisme contre la loi du plus fort ;
- en investissant dans l’aide au développement. Au-delà des moyens en hausse que nous y consacrons, pour aller jusqu’à 0,55% du PiB, c’est l’ensemble de notre dispositif qui doit être revu. Une mission est en cours et je sais que les commissions parlementaires ont fait de nombreuses propositions. Le président de la République tiendra un conseil du développement en juillet et à l’issue des rencontres du G7 cet été, Jean-Yves Le Drian préparera un projet de loi qui sera déposé au Parlement à l’automne et discuté en 2020.

La France doit également rester capable de se battre contre ses ennemis.

En Syrie où la fin du califat territorial est une victoire, mais ne marque pas la fin de la menace.

Au Mali, aux côtés de nos alliés.

Je sais que vous vous associerez tous à l’hommage que je veux rendre à celles et ceux qui risquent leur vie pour protéger la nôtre. Mes pensées vont à leurs familles, et plus particulièrement à celles qui ont été endeuillées cette année.

Conformément aux engagements du président de la République, mon Gouvernement a voulu donner les moyens à nos armées de nous défendre. Le 13 juillet dernier, le président a promulgué la loi de programmation militaire pour porter notre effort de défense à 2% du PIB.

C’est un effort massif. Mais il s’agit là aussi d’être constant et cohérent.

Combattre les peurs du pays, montrer que nous gardons le contrôle, c’est avoir le courage d’affronter sans fausse pudeur certaines réalités, notamment concernant la pression migratoire.

Cette réalité, c’est un nombre de demandeurs d’asile qui a baissé de 10% en Europe l’année dernière, mais qui continue d’augmenter en France de 22%. Si nous voulons bien accueillir et bien intégrer ceux qui rejoignent notre pays, nous devons maîtriser ces flux migratoires.

Ce combat est évidemment d’abord européen. Le président de la République l’a annoncé : la France portera dans les prochains mois avec de nombreux partenaires européens, un projet de refondation complète de Schengen.

Nous devrons également prendre nos responsabilités au niveau national. Le droit d’asile est un trésor. Nous y consacrons des moyens en forte hausse. C’est le prix de la fidélité à nos valeurs. Mais c’est aussi pour cette raison que nous devons lutter avec fermeté contre les abus.

Nous continuerons évidemment à offrir aux demandeurs d’asile des conditions d’accueil et de protection sociale conformes à nos principes. Mais nous devons nous assurer que les demandeurs d’asile choisissent la France pour son histoire, pour ses valeurs, pour sa langue, et non parce que notre système serait plus favorable que celui d’autres pays européens. Le fond de ma conviction, c’est que ces sujets devraient faire l’objet d’une harmonisation complète dans l’Union européenne.

Ces questions sont difficiles. Elles soulèvent les passions. Elles touchent aux fondements de notre souveraineté et de nos principes. Il est donc nécessaire d’en débattre de manière régulière et au grand jour avec le Parlement. C’est pourquoi, comme l’a annoncé le président de la République, le Gouvernement organisera chaque année un débat au Parlement sur les orientations de la politique d’immigration et d’asile. Le premier aura lieu au mois de septembre.

Combattre les peurs, c’est lutter contre l’islamisme et faire vivre la laïcité.

Le Gouvernement accompagnera les Musulmans dans la construction d’un islam où les croyants français exercent les responsabilités. Nous ne le ferons pas à leur place, mais nous leur donnerons les moyens.

D’abord, de combattre l’islamisme et les discours de haine sur les réseaux sociaux. Je salue la proposition de loi de Laetitia Avia, qui nous donnera les outils nécessaires.

Ensuite de réformer l’organisation du culte musulman. Des assises territoriales de l’islam de France ont eu lieu l’été dernier. Un large consensus s’est dégagé en faveur d’une structuration départementale. Il est important que des suites soient données à ces attentes.

Enfin, l’islam de France doit recruter et former des imams en France, qui parlent le français. Et mettre fin de manière progressive au système où beaucoup d’imams ou psalmodieurs sont choisis et rémunérés par des Etats étrangers.

S’il faut des dispositions législatives pour garantir le respect de l’ordre public et renforcer la transparence du financement des cultes, en particulier quand ce financement est étranger, le Gouvernement vous les proposera, sans remettre en cause la loi de 1905 ni le libre exercice des cultes.

Combattre les peurs, c’est « remettre de la conscience dans la science » pour paraphraser une formule célèbre. C’est déterminer ce qui est permis et ce qui ne l’est pas dans des domaines où tout devient techniquement possible.

Les Etats généraux de la bioéthique se sont achevés il y a un an. Le Parlement s’est également saisi de ces questions. Le projet de loi que le Gouvernement s’est engagé à préparer pour tirer les conclusions de ces travaux est prêt. Conformément aux engagements du président de la République, il autorise le recours à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes. Sur certaines questions, comme l’accès aux origines, le régime de filiation en cas de PMA avec tiers donneur, plusieurs options étaient possibles, et le Gouvernement a retenu celles qui lui semblaient les plus à même de permettre un débat apaisé.

Le projet de loi sera adopté en Conseil des ministres fin juillet et pourra être débattu au Parlement dès la fin septembre, juste avant la discussion budgétaire. J’ai la chance d’avoir dans mon Gouvernement trois ministres d’exception, une médecin, Agnès Buzyn une juriste Nicole Belloubet et une scientifique Frédérique Vidal. Les débats que vous avez eus avec elle, que j’ai eus avec elles, ont été de grande qualité. Je suis persuadé que nous pouvons atteindre une forme de consensus sur ces dossiers. C’est mon ambition en tout cas.

Combattre les peurs, enfin, c’est regarder l’avenir avec confiance, investir dans l’intelligence, renouer avec l’esprit de conquête.

L’Etat qui devrait raisonner en stratège pour le long terme, est trop souvent englué dans le court terme. Dans la gestion politique à 6 mois. Alors que des entreprises ou des collectivités territoriales déploient des plans d’action à 10 ans, investissent, motivent leurs collaborateurs, cherchent, découvrent.

Il faut, comme le Président nous y a invités, tracer une perspective collective de long terme pour notre pays, donner de la visibilité à chacun sur les objectifs de la Nation à l’horizon 2025. Bâtir un pacte productif. Rattraper notre retard en robotique, comme nous sommes en train de rattraper notre retard en numérique. Devenir le principal hub de l’intelligence artificielle en Europe. Devenir en tout point la Nation la plus attractive, pour le tourisme, la santé, l’industrie…

Offrons à la jeunesse des raisons de s’engager. Pour l’environnement. Pour le développement. Dans les territoires isolés. Via le service national universel que nous commençons à déployer cette année.

Définissons une nouvelle ambition pour la recherche et l’enseignement supérieur. Je vous saisirai d’un projet de loi de programmation et de réforme au printemps 2020.

Combattons les peurs, le repli, et défendons ce que le président de la République a appelé « l’art d’être Français », c’est-à-dire aussi l’art tout court. La culture. Nous poursuivrons le déploiement du Pass culture. Nous réaffirmerons dans le cadre du projet de loi audiovisuel, qui sera discuté au Parlement au tout début 2020, le rôle de l’audiovisuel public dans la diffusion de la culture. Nous défendrons le patrimoine national. Un patrimoine avec lequel, on l’a vu lors de la catastrophe de la cathédrale de Notre-Dame, les Français entretiennent un rapport fort et intime.

L’acte II se joue enfin dans la réforme de l’Etat. Non pas au sens bureaucratique qu’on lui donne souvent, mais au sens qu’on lui donnait en 1935, en 1958, quand déjà, la République cherchait à renouer avec le peuple.

J’ai déjà évoqué, devant vous, le « mur de défiance » qui s’est élevé, au fil des années, entre les Français et ceux qui les représentent ou qui les administrent. J’ai aussi fait le constat avec vous du besoin de proximité et de participation qui s’est exprimé lors du grand débat.

Nous ne répondrons pas à ces attentes avec de simples aménagements. C’est l’ensemble de l’action publique – « du sol au plafond » si vous me permettez l’expression – qu’il faut désormais transformer.

Il y a un an, nous avions présenté un projet de loi constitutionnelle et deux projets de loi complémentaires, organique et ordinaire.

Les circonstances n’ont pas permis leur examen. Mais les discussions se sont poursuivies, en particulier avec le Sénat et avec son président. Les événements des derniers mois nous ont confortés dans notre conviction que ces textes étaient utiles. Et le grand débat nous a permis de les enrichir.

La Garde des Sceaux est prête à présenter dès ce mois-ci trois nouveaux textes en conseil des ministres. Ces textes reprennent le cœur des engagements du président de la République, y compris l’inscription de la lutte contre le changement climatique à l’article 1er de notre Constitution. Ils sont recentrés sur 3 priorités :

- les territoires, avec l’autorisation de la différentiation, l’assouplissement du cadre relatif à la Corse ainsi qu’aux outre-mer ;

- la participation citoyenne, avec un nouveau titre dans la Constitution, la transformation du CESE en conseil de la participation citoyenne, la possibilité de former des conventions de citoyens tirés au sort, la facilitation du recours au référendum d’initiative partagée et l’extension du champ de l’article 11 ;

- la justice, avec l’indépendance du parquet et la suppression de la Cour de Justice de la République.

En parallèle, des gestes ont été faits pour parvenir à un consensus avec le Sénat.

Les dispositions relatives au fonctionnement des assemblées ont été retirées. Nous avons considéré qu’il appartenait aux assemblées elles-mêmes de décider de leurs réformes.

Les dispositions relatives au cumul des mandats dans le temps ont été assouplies pour en exclure les maires de communes de petite taille et prévoir une entrée en vigueur progressive.

Le président de la République a accepté de revoir sa proposition de baisse d’un tiers du nombre de parlementaires pour viser une réduction d’un quart, qui permet une juste représentation territoriale et l’introduction d’une dose significative de proportionnelle.

La réalité aujourd’hui, c’est que nous sommes proches d’un accord sur le projet de loi constitutionnel, mais que ce n’est pas encore le cas sur le projet de loi organique, et en particulier sur la question de la réduction du nombre de parlementaires. Et le Sénat a été très clair sur le fait qu’il n’y aurait d’accord sur rien s’il n’y avait pas accord sur tout. Nous allons donc continuer à chercher à nous rapprocher. Mais nous ne mobiliserons pas du temps parlementaire pour in fine constater le désaccord du Sénat.

Nous ne renonçons pas à nos ambitions, qui, nous le pensons, sont conformes à la demande de nos concitoyens. Nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat, qui peut être ne viendra qu’après le renouvellement de la Haute Chambre en 2020. Nous pouvons aussi voter seulement la proportionnelle à l’Assemblée, sans changer le nombre de députés. Et le président de la République a la faculté d’interroger directement les Français sur la réduction du nombre de parlementaires. Ma conviction est que nous ne devons pas résister au désir de changement exprimé par les Français.

Transformer l’action publique, c’est réformer nos administrations et notre service public, à Paris et sur le terrain.

A la suite d’un long travail préparatoire, j’ai signé deux instructions qui remodèlent nos administrations, à Paris et sur le terrain. Dès janvier prochain, 95% des décisions individuelles seront prises sur le terrain. Les services locaux seront renforcés, réorganisés pour plus de cohérence, les administrations centrales allégées et rendues plus agiles.

Dans le même temps, nous achèverons d’ici l’été l’examen de la loi de transformation de la fonction publique et nous donnons plus de pouvoir aux managers. La mission Thiriez démarre ses travaux sur la haute fonction publique, pour rénover profondément son recrutement, sa formation et la gestion des carrières. C’est un dossier déterminant pour l’Etat, parce que pouvoir bénéficier des meilleurs éléments, et des plus dévoués, a toujours été essentiel. Je m’en occuperai personnellement.

Le service public, c’est une promesse républicaine, en particulier pour les territoires isolés, la ruralité, les quartiers, l’outre-mer. Des personnes, un accueil, un conseil. Quel que soit l’endroit où l’on habite, on doit pouvoir rencontrer un de ses représentants.

C’est le sens de la création des maisons France Services que le président de la République a souhaitée. Depuis plusieurs années, les maisons de service aux publics ont tenté d’apporter une première réponse. Certaines le font déjà remarquablement. Je l’ai vu à Montmoreau en Charente. Mais reconnaissons ensemble que les maisons de service public sont très variées et proposent des niveaux de service très différents. Nous devons changer d’échelle et de logique. Partir des besoins de nos concitoyens. Dépasser les frontières des administrations, oublier que nous sommes l’Etat, le département, la CPAM ou la CAF. Cela veut dire des choses simples, comme des horaires d’ouverture élargis, des agents polyvalents, capables d’offrir immédiatement des réponses, d’accompagner vers la bonne porte d’entrée. Dès le 1er janvier 2020, je veux 300 maisons France service pleinement opérationnelles. Et d’ici la fin du quinquennat, nous en aurons une par canton.

J’aurai également le plaisir de signer avant le 14 juillet les contrats de convergence et de transformation avec les collectivités ultramarines. Des contrats qui mettent en œuvre nos objectifs de développement économique et social dans ces territoires, et qui s'inscrivent résolument dans la transition écologique. Je veux redire, comme je l’avais fait lors de ma première déclaration de politique générale, à nos compatriotes ultramarins notre volonté de faire appliquer, en toutes circonstances, ce que j’ai appelé un « réflexe outre-mer ». Nous tiendrons nos engagements.

Transformer l’action publique, enfin, c’est répondre à l’aspiration fortement exprimée dans le grand débat pour plus de simplicité et plus de proximité.
Je suis favorable, pour ma part, à un nouvel acte de décentralisation. Mais je sais que cela prend du temps et que les positions des territoires sont moins unies que nous ne le voudrions tous. C’est bien normal, d’ailleurs, car notre système est devenu compliqué.

Ma conviction, c’est qu’il faut d’abord conforter les maires, qui sont plébiscités par nos concitoyens, pour répondre au sentiment de fracture territoriale.
Je vous propose donc de procéder en deux temps :

- d’abord, en prenant des mesures pour favoriser l’engagement des maires. Elles seront rassemblées dans un projet de loi que le Gouvernement présentera dès le mois de Juillet et que je proposerai au Sénat d’examiner dès la rentrée ;

- ensuite, nous devrons nous accorder avec les élus et leurs représentants sur la meilleure méthode pour clarifier le fameux « millefeuille territorial ». Il faut aller vers des compétences clarifiées, une responsabilité accrue, des financements clairs, comme le président de la République nous y a invités.

J’irai demain solliciter l’approbation de la politique du Gouvernement au Sénat. Mes prédécesseurs l’ont peu fait et encore, seulement lorsque le Sénat était clairement dans la majorité. Convenez avec moi que c’est loin d’être le cas en ce qui concerne mon Gouvernement... J’irai donc demain au Sénat, sans penser revenir avec une majorité. Mais ce sera l’occasion pour le Gouvernement de détailler ce chapitre territorial de l’acte II et le vote permettra à chacun de se prononcer et à nous tous d’y voir plus clair.

Monsieur le président,

Mesdames et messieurs les députés,

J’ai appelé au dépassement pour relever les défis. Mais je reconnais que le Gouvernement aussi doit dépasser ses habitudes, ses inclinations, pour changer de méthode. Le sentiment d’urgence nous a parfois conduits à prendre des décisions rapides, pas assez concertées. C’est toujours une erreur et au final, cela fait perdre du temps. Dans ma vie de maire, j’ai pu constater qu’écouter c’est toujours mieux pour se faire entendre.

En cette troisième année aux responsabilités, nous voulons faire évoluer notre manière de gouverner. Nous sommes et nous demeurerons des réformateurs. Mais nous devons davantage associer les Français à la fabrique de nos décisions. Les transformations que nous avons engagées, beaucoup de nos concitoyens ont pensé que nous les faisions sans eux ; certains ont même cru que nous les faisions contre eux. Je pense notamment aux retraités et aux Français des territoires isolés. C’est à nous de les convaincre que nous les faisons pour eux, à nous de changer de méthode pour les faire avec eux.

C’est le sens de la mobilisation nationale qui réunit sur les territoires élus, partenaires sociaux, associations, services de l’Etat, pour identifier ce qu’on doit changer au service de l’emploi et de la transition écologique. C’est le sens aussi du développement d’une forme de démocratie directe. Parce que le grand débat n’est pas une parenthèse. Mais un besoin de fond de nos démocraties. Le sens enfin de cette attention que nous devons apporter à ce « fameux dernier mètre » qui sépare parfois une décision prise dans un lointain bureau ministériel des Français, qui, seuls, comptent.

Changer de méthode, c’est aussi changer de ton. La détermination, la conviction, la passion que nous mettons à défendre nos idées ne devraient jamais nous conduire à l’arrogance, à l’agressivité, à la caricature. Regardons avec lucidité notre scène politique et nos débats médiatiques. Ils ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Je ne donne aucune leçon et je ne m’exonère d’aucune responsabilité dans ce domaine. Mais nous avons à traiter de belles questions, qui méritent mieux que des raccourcis, des outrances ou des postures. Ces belles questions méritent, elles aussi, que nous dépassions nos vieilles habitudes ; que nous nous écartions de ces partitions vieillies qui nous font jouer, mal le plus souvent, les mêmes rengaines fatiguées. Nous pouvons faire tellement mieux ! La France, qui est souvent belle dans la tradition et la permanence, n’est jamais aussi grande que dans l’effort et le dépassement.

Dans le pays des Lumières, ce n’est jamais l’argument d’autorité qui doit prévaloir ; dans le pays des Lumières, on doute et on se respecte.

Je ne me résigne pas au rétrécissement du débat public et je souhaite que nous portions ensemble l’espoir d’un ressaisissement, sans gommer nos différences. Il est un joli mot, qui vient de la rude et grave républicaine romaine, mais qui semble parfois faire défaut dans nos démocraties, c’est celui de « civilité ». Une civilité qui va au-delà de la politesse de façade, et qui concerne au fond le respect que l’on doit à tout membre d’une même communauté. Si vous le voulez bien, c’est, après le dépassement, le second terme que j’aimerais placer au cœur de notre projet. Pour marquer le respect, la considération que chacun a le droit le plus fondamental de revendiquer.

Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs les députés,

Notre feuille de route est claire pour l’année qui vient. Mais notre vision pour le pays va bien au-delà d’une année de travail, aussi intense soit-elle. Nous souhaitons réconcilier la France avec elle-même. Notre pays, qui a tout et que le monde envie, a perdu confiance. En tout cas, des millions de ses citoyens ont perdu confiance en lui.

Cette confiance, nous voulons la rebâtir.

En renouant avec l’idée de rassemblement, car notre pays a besoin d’unité et de respect.

En renouant avec l’idée de puissance, gage de notre grandeur et de nos modes de vie.

En remettant l’humain au cœur de nos préoccupations.

Une France fidèle à elle-même, puissance industrielle, militaire et culturelle, une France travailleuse, solidaire et écologique, qui puise dans ce qu’elle produit la ressource de la justice sociale et qui ne vit pas au crédit de ses enfants, ni de leur environnement.

Je me tiens devant vous pour tenir les engagements du président de la République et mettre fidèlement en œuvre l’intégralité de ce que viens de vous annoncer. Et j’ai l’honneur d’engager devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement que je dirige sur ce programme.

Édouard Philippe, le 12 juin 2019 à l'Assemblée Natonale, à Paris.


Source : www.gouvernement.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190612-discours-edouard-philippe.html


 

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14 mai 2019 2 14 /05 /mai /2019 11:33

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190510-benin-otages.html
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190514-commando-hubert-burkina-faso.html



Discours du Président Emmanuel Macron le 14 mai 2019 à Paris



Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le chef d'état-major des armées,
Monsieur le chef d'état-major de la marine,
Mesdames et Messieurs les officiers généraux, officiers, officiers mariniers, sous-officiers, quartier-maitres et matelots, soldats, aviateurs, gendarmes,

Mesdames et Messieurs,
Chères familles,

La France était encore endormie en cette nuit du 9 au 10 mai lorsqu’à plusieurs milliers de kilomètres de Paris, au nord du Burkina Faso nos forces spéciales s'engagèrent, pour neutraliser un groupe de terroristes islamistes et pour libérer deux de nos compatriotes capturés 8 jours plus tôt au Bénin. La mission était périlleuse, les ravisseurs déterminés avaient les mains encore ensanglantées de l'assassinat du guide béninois Fiacre GBÉDJI. La mission était difficile. L’immensité plate et aride du Sahel elle ne laissait à nos militaires nulle possibilité d'approcher le campement des terroristes sans se dévoiler, sans s’exposer. Mais la mission était nécessaire. Encore quelques heures et les otages seraient aux mains des terroristes maliens avec le risque de perdre complètement leurs traces. Et je pense en cet instant à Sophie PETRONIN, toujours aux mains de ces ravisseurs. Nous ne l’oublions pas, la France ne l'oublie pas. Car la France est une nation qui n'abandonne jamais ses enfants quelles que soient les circonstances et fussent à l'autre bout de la planète. Ceux qui attaquent un Français doivent savoir que jamais notre pays ne plie, que toujours ils trouveront notre armée, ces unités d’élite, nos alliés, sur leur chemin. Et nous continuerons ainsi à lutter sans relâche contre le terrorisme, au Sahel comme au Levant, et sur le sol français. L'opération fut donc décidée. Des Français étaient menacés, il fallait les secourir. En-tête de la colonne d'assaut deux hommes, deux militaires d'expérience, deux guerriers d'exception le maître Cédric DE PIERREPONT et le maître Alain BERTONCELLO. Dans la nuit, ces deux hommes et à leur suite leurs frères d'armes du Commando Hubert et du 1er régiment parachutiste d'infanterie de marine progressent sans se faire repérer de la sentinelle qui veillait. Soudain le silence absolu du désert cessa, brisé par le claquement des culasses et le fracas mécanique des armes. Après avoir neutralisé l'homme qui guettait, le groupe commando parvint au seuil du campement, les ravisseurs se tenaient là derrière la toile épaisse des tentes, prêts à en découdre, prêts à faire feu sans discernement. Alors dans l'obscurité d'un ciel sans étoile, la clarté fulgurante de l'évidence. Pour sauver la vie des otages, une seule solution mener l'assaut sans ouvrir le feu. Le maître Cédric DE PIERREPONT et le maître Alain BERTONCELLO n'hésitèrent pas un seul instant. Défiant la mort pour sauver des vies, faisant preuve d'une bravoure inouïe, ils pénétrèrent, armes tenues silencieuses, dans les tentes, pour sauver les vies des nôtres et ne prendre aucun risque pour eux. Rapidement les otages furent extraits. Mais l'ennemi tira à bout portant. Le maître Cédric DE PIERREPONT et le maître Alain BERTONCELLO tombèrent. La mission était un succès, mais nos deux soldats n'étaient plus. Ils étaient morts en héros, pour la France, morts en héros parce que pour eux rien n'est plus important que la mission rien de plus précieux que la vie des otages.

Le maître Cédric DE PIERREPONT s'était engagé dans la marine nationale dès l'âge de 18 ans. Major de son cours à l'école des fusiliers-marins de Lorient ce jeune breton avait dès ses débuts tout d'un héros de la nation. L’abnégation, débutant au sein du commando de Penfentenyo, il travailla sans relâche, suivi les entraînements les plus sélectifs pour rejoindre le Commando Hubert qu’il rallia en 2012. La bravoure, engagé au Levant, au Sahel, le maître Cédric DE PIERREPONT fit très vite de la libération des otages plus qu’un métier, sa raison d’être. Prendre tous les risques pour que ses compatriotes vivent, c’était son serment. Le goût de l’excellence. Equipier contre le terrorisme lors de l’opération Chammal en 2016, son engagement fut distingué maintes fois par de nombreuses citations valant titres de guerre et par des décorations dans la Croix de la valeur militaire et la médaille d'or de la Défense nationale. Oui, il avait l'âme d'un chef. Cette nuit de mai, dans l'obscurité du désert donc, Cédric n'était pas seul au-devant du groupe qu'il commandait. Sous l'eau les nageurs sont sanglés. Sur terre, ils sont liés. Et cette nuit de mai, au bout de ce lien se tenait Alain BERTONCELLO.

Le maître Alain BERTONCELLO rejoignit les rangs de la marine national à 20 ans. Alain BERTONCELLO avait la rigueur, celle acquise au contact de sa montagne natale. Seulement cinq années après avoir intégré le commando d’assaut Jaubert, il fut projeté au levant comme chef d’équipe Commando. Membre du Commando Hubert depuis deux ans, sa technique et son niveau opérationnel était au dire de tous, remarquable. Il avait la bravoure aussi. Également appelé au sein de l’opération Chammal, il se distingua par son engagement dans le combat contre Daesh, lequel lui valut une citation avec attribution de la médaille d’or de la Défense nationale. Enfin, la générosité. L’homme toujours disponible, le sourire toujours là qui rendait souvent service aux autres sans bien que cela ne se sache. De ces soldats qui façonnent la cohésion d’un groupe. Alain BERTONCELLO incarnait l’avenir du Commando Hubert fauché en pleine jeunesse il en sera lui aussi pour toujours un des symboles, oui, ces officiers mariniers étaient des soldats hors normes comme peu d’armée dans le monde ont la chance d’en compter.

Maître Cédric DE PIERREPONT, Maître Alain BERTONCELLO. Vous qui vous êtes entraînés ensemble, vous qui avez combattu ensemble, vous que la mort à jamais a unis. Voyez la Nation rassemblée dans cette cour des Invalides pour rendre l'hommage que vous méritez. Si nous sommes réunis aujourd'hui devant vos dépouilles drapées des couleurs de la France, c'est pour nous incliner devant la douleur digne de vos familles. Et je sais que ceux qui vous doivent la vie, nos deux compatriotes comme les ressortissantes américaine et sud-coréenne s'associent à ce geste. C'est pour dire aussi notre solidarité avec vos frères d'armes. Ceux qui, des groupes commandos comme des autres, étaient avec vous au contact de l'ennemi et à qui nous pensons, plus particulièrement ce jour. Les autres nageurs de combat d'Hubert avec qui au Cannier sur la presqu'île de Saint-Mandrier, vous avez partagé tant et tant d'épreuves, d'entraînements difficiles pour mériter cet insigne formé de deux hippocampes enlacés autour d'une ancre, le plus prestigieux de tous. Regardez, ils sont là ce matin. Et les anciens, aussi, à qui vous étiez reliés par cette longue chaîne de solidarité unissant tous ceux qui dans leur vie ont porté l'illustre béret vert. Nous pensons à tous vos camarades des forces spéciales qui exposent si souvent leur vie - ils sont venus en nombre pour ce dernier adieu. A tous ceux de l'opération Barkhane engagés dans les dunes du Sahel, comme à tous vos camarades militaires déployés partout dans le monde car ce sont les armées tout entières qui ce jour sont en deuil. Et nous sommes là pour affirmer avec toute l'énergie que donne la rage de la tristesse que nous ne céderons rien. Des combats pour lesquels vous vous êtes engagés et avez donné votre vie.

Maître Cédric DE PIERREPONT, Maître Alain BERTONCELLO, la mort ne vous faisait pas peur parce que vous aviez ancré en vous, dans le mystère insondable de vos âmes, la volonté de servir les autres y compris au prix de votre propre vie. Parce que vous aviez fait le choix intime de consacrer cette existence à une cause plus grande que vous, celle de la France, celle de la liberté. Parce que affronter le feu de l'ennemi comme un seul homme est l'ultime valeur du soldat. Surgis du ventre de la nuit, ils sont porteurs des foudres de Neptune. Ce sont les mots que de génération en génération, les membres de votre unité se transmettent avant d'engager le combat. Les mots du mystère, les mots du secret.

Une vie arrêtée n'est pas une vie perdue. Une vie arrêtée en pleine jeunesse, en pleine conscience aussi, n'est pas une vie perdue. Une vie donnée n’est pas une vie perdue. Celui qui meurt au combat, dans l'accomplissement de son devoir, n'a pas seulement accompli son devoir, il a rempli sa destinée. Ce n'est pas un sacrifice, non. C'est le sens même de l'engagement, la part tragique de la mission et vous le saviez. Et avec vous, je le savais. Cette indicible part obscure de l'engagement, celle qui fait sa force et sa clarté, celle du don que chaque soldat à chaque mission consente à la nation. Et notre pays sent bien, notre pays sait bien dans ses profondeurs que votre exemple nous sauve tous car il nous maintient à la hauteur de nous-mêmes, de ce que nous avons à être. Oui, une nation n’est libre et forte que par la fraternité et la solidarité qui l’unissent. Une nation est libre et forte que d'avoir des héros dont elle doit se montrer digne en s'élevant à leur hauteur et en restant soudés tel est le sens profond de votre combat. Aujourd'hui, par votre mort, vous entrez dans la lumière éclatante de l'histoire de notre pays. Et voilà qu'en écho, jaillit une succession de figures qui ont donné leur vie pour notre nation. Voilà, surgissant de l'eau salée de la Manche, les soldats du commandant KIEFFER et, parmi ses hommes qui débarquèrent à Ouistreham le 6 juin 1944, la silhouette du lieutenant de vaisseau Augustin HUBERT, celui-là même qui donna son nom à votre commando et se dresse les ombres du capitaine de frégate François JAUBERT de l'enseigne de vaisseau Alain DE PENFENTENYO voilà encore le capitaine de corvette Charles TREPEL, l'enseigne de Vaisseau Louis DE MONFORT et l'amiral Pierre PONCHARDIER et voilà que les rejoignent tous ceux qui ont fait don de leur jeunesse pour le pays, pour la liberté. De Valmy à Verdun, de Patay à Camerone, de Basey au maquis, ceux dont on dit qu'ils sont tombés mais qui chaque fois ont élevé la France, c'est la cohorte de cette grande histoire, cette histoire de Français qui se sont battus pour d'autres Français, cette histoire de Français qui se sont battus pour les valeurs de la France, pour la part d'universel qui tient notre pays, que vous rejoignez aujourd'hui l'un et l'autre.

Vos familles vous pleureront toujours, avec la fierté triste qui accompagne le souvenir de celui dont l'horizon fut le sacrifice suprême. Vos frères d'armes n'oublieront jamais, et ils accompagneront vos dépouilles en entonnant ce chant, loin de chez nous, en Afrique, ils pleureront aussi en regardant droit devant pour vous rendre l'honneur qui vous est dû. Et la nation tout entière qui, en ce jour, vous rend hommage, se souviendra. Vos deux noms seront gravés au monument aux morts de vos communes, et la nation saura que vous avez fait votre devoir, car pour les peuples libres, pour les grandes nations, les noms des héros ne s'effacent jamais.

Maître Cédric DE PIERREPONT, Maître Alain BERTONCELLO, au nom de la République française, je vous fais Chevaliers de la Légion d'honneur. Maître Cédric DE PIERREPONT, maître Alain BERTONCELLO, je vous fais premiers maîtres dans le corps des officiers mariniers de maistrance.

Vive la République, vive la France.

Emmanuel Macron, le 14 mai 2019 dans la cour d'honneur des Invalide, à Paris.

Source : www.elysee.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190514-discours-macron-invalides.html

 

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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 03:12

« Est-ce qu’il faudrait tout arrêter de ce qui a été fait depuis deux ans ? Je me suis posé la question : "est-ce qu’on a fait fausse route ?". Je crois tout le contraire, je crois que les transformations en cours et les transformations indispensables à faire dans notre pays ne doivent pas être arrêtées parce qu’elles répondent profondément à l’aspiration de nos concitoyens. (…) Alors la réponse n’est pas dans le reniement mais je crois dans la définition plus profonde d’une nouvelle ambition. » (Emmanuel Macron, 25 avril 2019).

 

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Le Président de la République Emmanuel Macron a tenu sa première conférence de presse ce jeudi 25 avril 2019 à 18 heures, dans les salons rénovés de l’Élysée. On peut lire le texte intégral de la partie introductive ici. Après une dizaine de jours de retard en raison de l’incendie de Notre-Dame de Paris et du week-end de Pâques, Emmanuel Macron a donné "enfin" ses conclusions de la période de trois mois du grand débat national : « Nous sommes, avant toute chose, les enfants des Lumières. ».

Inutile de dire que les réactions à cette prestation assez particulière n’ont rien d’intéressant puisqu’elles sont convenues et étaient prévisibles un mois à l’avance : ceux qui sont pour l’ont trouvé bon, ceux qui sont contre l’ont trouvé mauvais ou, au moins, feignent de s’étonner de l’accouchement d’une souris : tout cela pour ça ?

Personnellement, j’ai apprécié tant la forme que le fond, même si j’ai des réticences voire des oppositions sur certains sujets institutionnels. Globalement, j’ai apprécié pour plusieurs raisons : Emmanuel Macron cherche sans cesse à donner du sens à son action (ou inaction), ce que son prédécesseur François Hollande n’a jamais fait malgré ses conférences de presse à répétition. Emmanuel Macron reconnaît qu’il peut s’être trompé et qu’il n’a pas assez ménagé le peuple, qu’il ne l’a pas assez écouté, qu’il a été trop rude, d’où l’importance de ce grand débat qui l’aurait transformé, selon lui. Mais en même temps, Emmanuel Macron assume ce qu’il fait (ou ne fait pas) même quand ce n’est pas populaire. En ce sens, durant cette conférence de presse, il a abordé tous les sujets, soit pour dire qu’il y était favorable et qu’il fallait aller dans ce sens, soit au contraire, qu’il y était opposé, et souvent en disant : j’ai été tenté, j’y ai beaucoup réfléchi, mais j’en conclus que non.


La forme de la conférence de presse

Parlons rapidement de la forme. Quand j’ai appris qu’il s’exprimerait sous une forme de conférence de presse, je me suis tout de suite dit : il a intérêt à être assis. Pourquoi me suis-je dit cela ? Parce que les conférences de presse interminables et à répétition de François Hollande n’avaient aucun intérêt, aucun sens, sinon faire risette avec les journalistes (on a vu qu’il ne pensait qu’à sa relation avec les journalistes pendant tout son quinquennat). Assis, cela donnerait au Président de la République une stature plus …gaullienne. En tout cas, plus posée.

Je n’ai pas été déçu : non seulement Emmanuel Macron était assis derrière une belle table avec une nappe blanche, agrémentée d’un ruban tricolore (et devant des drapeaux français et européens), mais tout le gouvernement était sagement rangé sur les ailes latérales… exactement comme lors des conférences de presse du Général De Gaulle. Il m’a même semblé qu’Emmanuel Macron a tenté à trois ou quatre reprises de prendre un peu de gouaille gaullienne, mais très légèrement et sans insister, car c’est loin d’être dans son style et sa personnalité. On pourra donc plutôt comparer la prestation avec les conférences de presse de François Mitterrand, notamment par le jeu des mains sur la table. À plusieurs reprises, ses bagues ont heurté la table avec "fracas" dans le micro.

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J’ai parlé des conférences de presse interminables de François Hollande, mais Emmanuel Macron est assez doué pour faire des discussions publiques encore plus interminables (huit, neuf heures), ce qui faisait craindre le pire pour les trois cents "pauvres" journalistes accrédités par l’Élysée. Finalement, cela a duré à peine deux heures et demie, dont une heure de présentation liminaire.

Comme toujours, Emmanuel Macron est bon dans ce genre d’exercice. C’était la forme qu’il lui fallait : à la fois solennelle et longue, ce qui était impossible sous forme d’une allocution télévisée qui ne doit jamais dépasser le quart d’heure ou la vingtaine de minutes. La durée était nécessaire pour entrer plus dans les détails, et éventuellement pour mettre les points sur les i à l’occasion de certaines questions.

Immanquablement, un journaliste a posé la question de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022, puisqu’il se fixait des échéances en 2025. Emmanuel Macron a refusé sans surprise de répondre, considérant que son objectif est d’agir et réussir, pas de faire campagne, auquel cas il prendrait les mesures les plus populaires : « Je me fiche de la prochaine élection [présidentielle]. Je veux réussir furieusement, passionnément mon mandat. ». Je me demande si c’est la classe politique ou les journalistes qui sont les premiers responsables de ce décalage entre les élites et le peuple.

Emmanuel Macron a beaucoup structuré ses annonces, à la fois sur la forme et sur le fond. Cet intellectualisme de la communication présidentielle est essentiel : il est important de savoir le projet général qui s’esquisse à travers les choix pris. Il n’y a pas eu une telle structuration de la politique présidentielle depuis Valéry Giscard d’Estaing, le pire étant, je me répète, François Hollande, incapable de comprendre lui-même le pourquoi de sa propre politique.

Quelques jours avant cette conférence de presse, le journaliste Guillaume Roquette expliquait que le problème d’Emmanuel Macron, c’est qu’il a beaucoup de charisme, qu’il est un fort en thème, qu’il est excellent et brillant, mais que le fond de sa politique n’était pas à cette hauteur-là, si bien que le macronisme ne tenait pas les promesses du charisme d’Emmanuel Macron. Il a été aussi dit, lors de discussions journalistiques sur l’ENA, que sous Emmanuel Macron, la technostructure avait plus d’influence que lors des autres quinquennats, car beaucoup de projets de hauts fonctionnaires ressortent après chaque nouvelle élection, mais ils sont généralement toujours rejetés par le nouvel élu, ce qui était moins le cas avec Emmanuel Macron, à l’expérience politique plus limitée (ainsi, comme exemple, l’augmentation de l’APL).

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Cette conférence de presse, ainsi que la crise des gilets jaunes et le grand débat, marquent donc une transformation chez Emmanuel Macron : il fera plus attention aux conséquences de sa politique sur les gens. Plusieurs fois, Emmanuel Macron a répété qu’il voulait que sa politique soit plus centrée sur l’humain, qu’elle soit plus humaine : « Face au sentiment d’injustice, nous devons apporter une réponse qui place l’homme au centre de notre projet bien davantage que nous ne l’avons fait. Notre projet national doit être plus juste, plus humain, afin de rassembler et de réunir et face aux grands changements, il nous faut retrouver, par le projet national et européen, la maîtrise de notre destin et de nos vies. ». C’est une vraie preuve d’humilité, car si on essaie de bien comprendre cette intention présidentielle, cela veut dire que sa politique depuis deux ans était plutôt …inhumaine !

Je fais ici un résumé de la déclaration introductive à la conférence de presse, en y précisant mon grain de sel, si nécessaire. Beaucoup de monde va commenter en disant qu’il n’y a rien de nouveau (le terme "déceptif" a été de nombreuses fois utilisé, mais pourquoi ne pas dire "décevant" ?). Personne n’imaginait une révolution (malgré le titre de son livre de campagne). Il y a cependant une innovation politique majeure : le quatrième (et dernier) point d’orientation (voir à ce thème).

Après avoir évoqué le grand débat, Emmanuel Macron a souhaité replacer l’humain au cœur de son projet, et a voulu décliner « l’art d’être français ». Pour cela, il a défini quatre orientations que le gouvernement devra préciser au cours d’un séminaire gouvernemental qui se tiendra le 29 avril 2019 à Matignon.


1. Démocratie, institution, administration

J’ai eu l’impression qu’Emmanuel Macron a commencé par ce thème pour ne pas insister car c’est le thème du pouvoir d’achat qui est prioritaire. Il a d’abord rappelé sa foi dans les élus : « Je crois aux élus de la République. ». Pour cela, il a proposé un véritable statut, digne de ce nom, notamment pour les maires. Concrètement, cela mériterait d’être précisé car le statut de l’élu est un serpent de mer qui a plus d’une trentaine d’années. La question n’est pas anodine : faut-il "professionnaliser" la fonction élective ?

Emmanuel Macron voudrait aussi plus d’efficacité et de contrôle pour le Parlement. Mais en ajoutant qu’il voudrait aussi des procédures plus rapides. Or, faire la loi convenablement nécessite du temps, et l’expérience a montré que toute précipitation a toujours été mauvaise dans l’élaboration de la loi.

Prétextant la crise de la représentativité, Emmanuel Macron a réitéré qu’il était favorable à une dose de proportionnelle (qu’il a évaluée à 20%), à une limitation dans le temps du nombre de mandats et à une diminution du nombre de parlementaires (qu’il a évaluée à 25%-30%). En ce sens, ces trois propositions n’ont rien de nouveau et correspondent au projet de réforme des institutions présenté en mai 2018.

J’ai déjà indiqué le danger d’introduire le scrutin proportionnel pour les élections législatives, facteur de risque qui mettra en péril la stabilité de nos institutions. La proportionnelle éloignerait au contraire les élus de leurs électeurs qui ne pourraient plus choisir leurs représentants (ce seraient alors les partis qui décideraient de ceux qui seraient élus car placés en tête de liste). Par ailleurs, la réduction du nombre de parlementaires aurait pour effet de réduire les pouvoirs du Parlement, tant l’efficacité du législateur que les capacités du contrôleur, et accroîtrait encore la distance entre élus et électeurs (qui, aujourd’hui, est capable de donner le nom d’un seul député européen de sa grande circonscription ?). J’y reviendrai probablement, mais pas ici, et je note surtout qu’il n’y a aucun changement par rapport à avant la crise des gilets jaunes.

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Emmanuel Macron a évoqué aussi le vote obligatoire qu’il a rejeté car ce n’est pas en rajoutant une contrainte qu’on réduirait la désaffection des électeurs et de toute façon, la capacité de sanction est très limitée, il suffit de voir comment cela se passe en Belgique (qui vote bientôt). Même réflexion avec le vote blanc, à quoi rimerait de prendre en compte un vote blanc qui n’aurait aucune capacité à proposer des solutions pour les Français ? Sur ces deux sujets, malgré le martèlement médiatique, Emmanuel Macron a eu raison de ne pas céder : cela n’aurait rien apporté à la démocratie.

Quant au référendum, Emmanuel Macron a souhaité sagement un abaissement du seuil à 1 million d’électeurs (au lieu de 4 actuellement), pour engager la procédure du référendum d’initiative partagée (RIP), et si le Parlement ne s’en saisit pas, le projet ira au référendum.

Reprenant déjà les idées de sa réforme des institutions, Emmanuel Macron veut impliquer plus le peuple en proposant de réduire les membres actuels du CESE (Conseil Économique, Social et Environnemental) pour laisser la place à des citoyens tirés au sort. Pourquoi pas ? Mais à mon sens, le CESE devrait plutôt être purement et clairement supprimé, car il n’est pas une chambre parlementaire et est inutile, sinon à placer certains de ses amis en échec électoral en attendant une prochaine élection (il suffit de voir le CV de nombreux responsables politiques). Sa réforme est donc salutaire, sera-t-elle utile, seul le temps et la pratique la jugeront.

Plus intéressant, Emmanuel Macron a exposé sa volonté de faire un nouvel acte de décentralisation, qu’il appellerait déconcentration « avec celui-ci, un principe : la différentiation territoriale ». D’une part, il pourrait y avoir des économies à faire, en réduisant les services de l’État correspondant aux services délégués aux collectivités territoriales, afin d’en finir avec les doublons qui, non seulement coûtent cher, mais font perdre un temps précieux. Par ailleurs, il veut que les exécutifs locaux prennent aussi la culture de la responsabilité. Emmanuel Macron a pensé notamment à des sujets comme le logement, le transport ou encore la transition écologique. Cet acte de décentralisation est prévu pour le premier trimestre de 2020. Il a décidé qu’il n’y aurait plus de fermeture d’école ni d’hôpital sans l’accord du maire.

Au-delà de l’aspect institutionnel, Emmanuel Macron a évoqué l’aspect administratif et s’est donné pour mission de créer dans chaque canton (il y en a environ deux mille) des maisons administratives qu’on appellerait "France Service" qui aideraient les citoyens dans leurs démarches administratives en y centralisant tous les services administratifs : « La simplicité, c’est la vraie protection, c’est al vraie protection et c’est le vrai service public. ». Je trouve cette idée d’autant meilleure que les préfectures ont fermé un grand nombre de guichets en dématérialisant les demandes administratives sur l’Internet.

Toujours d’un point de vue administratif, Emmanuel Macron a l’ambition de mettre fin aux grands corps de l’État, considérant qu’il n’est pas juste de permettre à des hauts diplômés d’avoir une carrière toute tracée : « Je pense que nous avons besoin de services d’excellence, de filières d’excellence. Nous n’avons plus besoin de protections à vie et elles ne correspondent plus à notre capacité à attirer les talents et même à les garder. ». Cela passerait, selon lui, par la suppression de l’ENA. C’est un sujet annexe, même s’il est important. Tout dépendra de la manière dont la réforme sera conçue puis mise en œuvre.


2. Remettre l’humain et la justice au centre du projet national

La première mesure est aussi un serpent de mer. Le consentement à l’impôt nécessite que la lutte contre l’évasion fiscale soit totale. Mais demander une étude pour savoir comment lutter efficacement n’est pas très raisonnable, puisque le sujet est loin d’être nouveau. Mesure qui semble surtout de vitrine pour rassurer les contribuables.

Emmanuel Macron a redit qu’il assumait la fin de l’ISF pour les actions économiques, tout en insistant sur le fait que cette suppression serait évaluée en 2020 et que l’ISF n’avait pas été totalement supprimé puisqu’il y a l’IFI qui impose le foncier (l’immobilier). À ce sujet, je remarque deux choses. Sur le fond, je considère qu’il y a une erreur d’appréciation en pensant que l’investissement dans l’immobilier n’est pas économique. Vu le manque de logements, c’est au contraire un investissement non seulement économiquement utile mais socialement indispensable. Vouloir dissocier les deux ne paraît pas justifié. Sur la forme, je pense qu’Emmanuel Macron a perdu beaucoup de crédit par manque d’expérience politique. Plutôt que de supprimer l’ISF et de créer l’IFI, il aurait simplement dû réformer l’ISF en lui gardant le même nom. Cela aurait politiquement beaucoup changé les choses en ce qui concerne l’impopularité de la mesure.

Emmanuel Macron assume sa politique et croit qu’elle est bonne dans l’intérêt national. L’un des signes positifs qu’il voit, c’est le retour à la création d’emplois industriels, ce qui est nouveau depuis dix ans (en tout, 500 000 créations d’emploi en deux ans). Il pense donc que sa politique en faveur de la production et de la recherche va porter ses fruits. La question sera de savoir comment la suppression de l’ISF sera évaluée, car ses opposants pourraient toujours rejeter l’étude qu’ils considéreraient alors comme partisane.

L’annonce la plus importante concerne cependant l’impôt sur le revenu. Emmanuel Macron a indiqué que le gouvernement est chargé de réfléchir à réduire l’impôt sur le revenu des classes moyennes. Il a évalué à 5 milliards d’euros la baisse "significative" possible.

Comment compenser cette baisse d’impôt d’un point de vue budgétaire ? Plusieurs pistes : supprimer des niches fiscales pour les entreprises (mais promeut-il ou pas une politique favorable aux entreprises ? En réduisant ces niches, il les plomberait, même s’il a rappelé que l’impôt sur les sociétés a baissé à 25%). Autre piste : réduire les dépenses publiques (le serpent de mer qui a noyé François Hollande !). Emmanuel Macron a suggéré de dissoudre de nombreux organismes publics inutiles (sans vouloir dire lesquels, car il veut laisser le gouvernement les identifier). En outre, Emmanuel Macron est prêt à abandonner l’idée de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires pendant son quinquennat.

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Mais la piste la plus convaincante reste quand même ce qui était dans le débat public de ces derniers jours : travailler plus.

Là encore, Emmanuel Macron a voulu rassurer. Il n’est pas question de supprimer les 35 heures qui ne sont plus que théoriques (détricotées par des accords d’entreprise). Il n’est pas question non plus de supprimer un (second) jour férié, qui ne serait pas lisible. Enfin, travailler plus, cela signifie travailler plus longtemps.

Mais Emmanuel Macron ne veut pas imposer un allongement de l’âge légal de la retraite, actuellement à 62 ans (c’était à 65 ans avant 1981 puis passé à 60 ans). Emmanuel Macron dit plusieurs choses intéressantes. Dune part, il a promis qu’il n’y toucherait pas et pour un sujet aussi sensible, trahir cet engagement serait une faute politique. D’autre part, prolonger à 64 ans par exemple cet âge serait injuste pour ceux qui ont des emplois pénibles, mais ce serait aussi hypocrite, car tant qu’il y a un fort taux de chômage, il serait illusoire de vouloir travailler jusqu’à 64 ans quand c’est déjà difficile de travailler à 55 ans. Ce que propose Emmanuel Macron, c’est de donner des incitations à partir tardivement à la retraite, dans le calcul des pensions.

Autre mesure dans cette partie : généraliser les classes en faible effectif en limitant à 24 élèves pour la grande section de la maternelle, le CP et le CE1. Cela permettra de s’occuper plus facilement des enfants en situation de handicap et des décrocheurs. Par ailleurs, il a proposé la revalorisation des salaires des enseignants qui devra être réalisée en parallèle à la réforme des retraites par points. Il a proposé aussi une augmentation du nombre des premiers cycles universitaires, et l’implication des universités dans le renforcement de la formation continue.

Dans la valeur travail/mérite, Emmanuel Macron y place également les négociations sur l’assurance-chômage, ainsi que de nouvelles relations entre Pôle Emploi et le demandeur d’emploi. Il a ainsi donné l’idée que Pôle Emploi puisse proposer des solutions en termes de logement ou de transports au demandeur d’emploi qui accepte un emploi loin de chez lui, pour qu’il y ait un meilleur accompagnement et prise en compte de ses contraintes personnelles.

Toujours dans la case mérite par le travail, Emmanuel Macron a annoncé la reconduction de la possibilité d’une prime exceptionnelle de fin d’année jusqu’à 1 000 euros sans impôts ni charges. Ainsi que la réindexation des retraites jusqu’à 2 000 euros à partir du 1er janvier 2020 et de toutes les retraites à partir de 2021.


3. Assumer la clarté dans les grandes transitions

Pour Emmanuel Macron, la première transition est écologique et elle doit être l’un des sujets essentiels dans la construction européenne. Il veut aussi donner une lisibilité sur les agendas qu’il s’est fixés. Pour lui, son point de mire est 2025.

Pour la transition écologique : confirmation des aides à l’isolation des habitations. Par ailleurs, il va créer un conseil de défense écologique dirigé par le Premier Ministre, où seront membres des citoyens tirés au sort dès juin prochain. Il sera prêt à mettre en œuvre les propositions qui en sortiraient, que ce soit dans le domaine réglementaire ou législatif, quitte à organiser un référendum si les parlementaires les refusait.

Mais il y a d’autres agendas, comme celui de la retraite par points qui serait selon lui un facteur d’égalité et de justice (je ne suis pas convaincu que les futurs retraités y trouvent leurs comptes). Il faut aussi prendre en compte la dépendance, actuellement, il y a 1,5 million de personnes dépendantes.

Enfin, il préconise pour 2025 le retour au plein emploi, après avoir promu une politique de réindustrialisation : « On a besoin de bâtir un pacte productif permettant de viser en 2025 le plan emploi. C’est à notre portée, complètement, et pour cela, il nous faut un plan clair : produire, se déplacer, se nourrir, se soigner avec des objectifs en matière d’investissements dans la recherche publique et privée, des priorités technologiques claires au niveau français comme au niveau européen. Et donc, à l’automne, nous devons finaliser ce nouveau pacte et bâtir cette nouvelle stratégie. ».


4. Réaffirmer les permanences du projet français

Cette quatrième partie est intéressante et novatrice. Emmanuel Macron veut non seulement apporter aux Français les réformes qu’il considère comme utiles au pays, mais dire aussi ce qu’il ne faut pas changer pour rester Français.

Premier thème : la famille. L’idée est de retrouver la dynamique de la natalité, de mieux accompagner les situations familiales actuelles, notamment les familles monoparentales avec la possibilité par la CAF de prélever les pensions alimentaires si elles sont impayées. De plus, Emmanuel Macron a proposé que les aidants proches aient un statut particulier, que ceux qui ont arrêté de travailler pour se consacrer à l’accompagnement d’un enfant en situation de handicap ou d’un parent dépendant puisse quand même bénéficier de cotisations retraites etc.

Deuxième thème : l’engagement. Ce principe est le fondement de la solidarité. En particulier, dans le cadre associatif. L’idée ici est surtout de promouvoir le service national universel.

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Troisième thème : la laïcité. Lutte contre les communautarismes : « Mais aujourd'hui, nous ne devons pas nous masquer : quand on parle de laïcité, on ne parle pas vraiment de laïcité. On parle du communautarisme qui s'est installé dans certains quartiers de la République. On parle d'une sécession qui fait parfois sournoisement installée parce que la République avait déserté ou n'avait pas tenu ses promesses. On parle de gens qui au nom d'une religion poursuivent un projet politique, celui d'un islam politique qui veut faire sécession avec notre république. Et là-dessus, j'ai demandé au gouvernement d'être intraitable. Nous avons commencé à le faire avec une politique ambitieuse de reconquête républicaine dans plusieurs quartiers. Je souhaite que nous allions plus loin en renforçant le contrôle sur les financements venant de l'étranger en étant beaucoup plus dure à l'égard de toutes les formes de cet islamisme politique, de ce communautarisme, de cette sécession au sein de notre République parce que c'est une menace sur la capacité à tenir la nation ensemble. ».

Quatrième thème : les frontières. Emmanuel Macron est favorable à un patriotisme ouvert, aussi à un patriotisme inclusif, mais qui rendrait nécessaires les frontières : « Pour être ouverts, il faut avoir des limites. Pour accueillir, il faut avoir une maison, et donc il faut des frontières, il faut qu’elles soient respectées. ». Il veut une renégociation des accords de Dublin pour adopter une nouvelle politique d’immigration à l’échelle européenne, quitte à réduire l’Espace de Schengen (le nombre de pays européens impliqués). L’avantage d’un tel espace, c’est la libre circulation des personnes, mais cela nécessite un devoir pour les États membres, le contrôle aux frontières de cet espace. De plus, Emmanuel Macron veut instituer un débat parlementaire chaque année sur les perspectives de l’immigration.

L’immigration est le second thème, après la transition écologique, qui doit être, selon Emmanuel Macron, une priorité de l’Union Européenne.


Que restera-t-il de cette conférence de presse ?

Emmanuel Macron a confirmé l’actuel gouvernement dans sa tâche. Édouard Philippe, les traits déjà tirés, ne va sans doute pas prendre de vacances cet été.

Le problème de ce genre d’exercice, c’est le trop grand nombre de mesures proposées. Les mesures proposées sur les élections législatives, même si elles ne sont pas nouvelles, me paraissent aller à l’opposé de la démocratie et de l’intérêt national. En revanche, les mesures économiques et sociales me paraissent aller dans le bon sens et Emmanuel Macron aurait eu intérêt à se restreindre à celles-ci seulement, pour ne pas disperser l’attention. La réduction de l’impôt sur le revenu est une bonne nouvelle. Des mesures d’accompagnement pour des situations qui demandent plus de solidarité nationale sont également les bienvenues et personne ne pourrait s’y opposer.

Très à l’aise dans le jeu des questions et réponses, Emmanuel Macron n’a donc pas hésité à faire quelques clins d’œil vers sa droite en parlant de frontières et d’immigration.

Le problème à la fois d’Emmanuel Macron et des gilets jaunes, c’est qu’il est déjà trop tard pour "capitaliser" sur ces mesures. Nous sommes à un mois des élections européennes et c’est d’Europe qu’il faut maintenant parler. C’est d’ailleurs un regret que le projet européen d’Emmanuel Macron n’ait pas été exposé au cours de cette conférence de presse.

Car l’objectif présidentiel est très ambitieux : « Ce nouveau temps, de cette mandature et de notre République, je veux lui assigner un objectif simple : redonner une espérance de progrès à chacun, en demandant à chacun le meilleur de lui-même, et c’est ainsi que nous pourrons reconstruire ensemble très profondément ce que j’appellerais l’art d’être Français qui est une manière très particulière d’être ce que nous sommes. L’art d’être Français, c’est à la fois être enraciné et universel, être attaché à notre histoire, à nos racines mais embrasser l’avenir, c’est cette capacité à débattre de tout en permanence et c’est, très profondément, décider de ne pas nous adapter au monde qui nous échappe, de ne pas céder à la loi du plus fort, mais bien de porter un projet de résistance, d’ambition pour aujourd’hui et pour demain. ».

Selon un premier sondage réalisé dans la soirée, 37% (seulement) ont été convaincus par la conférence de presse présidentielle. Cela peut paraître faible, mais en fait, à mon sens, l’objectif est atteint, c’est environ 10 points de plus que ceux qui lui font aujourd’hui confiance. Avec cette conférence de presse, le but était de bouger quelques lignes. Il semble être en bonne voie, même si je ne doute pas de la poursuite des samedis jaunes


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 avril 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron et l’art d’être Français.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron du 25 avril 2019 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président Emmanuel Macron du 16 avril 2019 (texte intégral).
Emmanuel Macron à la conquête des peuples européens.
Gilets jaunes : le syndrome du Fouquet’s.

_yartiMacron2019042507


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190425-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-et-l-art-d-etre-214623

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/04/25/37286908.html

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25 avril 2019 4 25 /04 /avril /2019 19:36

(verbatim et vidéo)


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190425-macron.html



Conférence de presse du Président Emmanuel Macron du 25 avril 2019






Conférence de presse à l’issue du Grand Débat national
Propos liminaire



Mesdames, Messieurs les membres du gouvernement, Mesdames, Messieurs.

J’ai souhaité vous rencontrer devant les Français qui nous écoutent et nous regardent pour tirer les conclusions du Grand débat national et proposer au pays les orientations du nouvel acte qu’appelle l’attente de nos concitoyens, nouvel acte de notre République. Que s'est-il passé au fond depuis le mois d'octobre dernier dans notre pays ? Un mouvement inédit, le mouvement des gilets jaunes qui a dit sa colère, son inquiétude, qui a dit aussi son impatience que les choses changent plus vite, plus radicalement et que le peuple français puisse avoir sa part de progrès dans un monde incertain et où il faut bien le dire, il a eu le sentiment durant plusieurs années de plutôt subir des reculs. Ce mouvement s'est ensuite progressivement transformé, tiraillé entre les injonctions contradictoires, la démocratie absolue et permanente d'un côté ou la fascination autoritaire de l'autre, le plus de services publics, tout à fait légitime, et le moins d'impôts, tout aussi légitime mais difficilement compatibles. Et ce mouvement a ensuite été récupéré, nous l'avons tous vu, par les violences de la société : l'antisémitisme, l'homophobie, les attaques contre les institutions, les journalistes parfois, les forces de l'ordre. Aujourd'hui, l'ordre public doit revenir avant tout et avec lui l'indispensable concorde. Mais je ne veux pas que les dérives de quelques-uns occultent les justes revendications portées à l'origine de ce mouvement et profondément soutenues.

C’est pour cela que j’ai apporté une première réponse dès le 10 décembre dernier, une réponse d’ampleur parce qu’elle me paraissait juste et qu’elle était cohérente avec les orientations que nous avions d’ailleurs retenues au début du quinquennat : donner plus de pouvoir d’achat mais plus vite aux classes moyennes et à celles et ceux qui travaillent. C’est aussi pour cela que j’ai voulu ce Grand débat national, exercice inédit dans les démocraties contemporaines, dans lequel je me suis personnellement engagé aux côtés des maires, et qui a permis à plusieurs millions de nos concitoyens de participer. Et je dois dire la grande fierté qui est la mienne d’avoir vu durant ces mois nos concitoyens prendre part à ces débats, dire leur part de vérité, proposer, réfléchir et j’ai moi-même beaucoup appris de notre pays, aux côtés des maires, sur la fonction qui est également la mienne durant ces mois. J’ai beaucoup appris et cette fierté que j’évoquais m’a convaincu d’une chose : nous sommes avant toute chose les enfants des Lumières et c’est de ce débat, de ces délibérations, de cette capacité à dire et contredire mais dans le respect de l’autre que peuvent naître les bonnes solutions pour le pays et en aucun cas dans l’obscurantisme ou le complotisme. On ne bâtit pas sur la haine de soi, la jalousie de l’autre mais bien plus dans la juste compréhension de ce que nous sommes et des défis qui sont devant nous.

Alors qu’a dit ce mouvement et qu’est-ce que j’ai saisi de ce Grand débat ? D’abord, on l’a tous entendu, un profond sentiment d’injustice : injustice fiscale, injustice territoriale, injustice sociale. Ce sentiment est là, il est installé, il faut lui apporter une réponse. Ensuite un sentiment de manque de considération : beaucoup de nos concitoyens qui ne se sentent pas respectés dans leur quotidien, dans ce qu’ils vivent par nos institutions, parfois notre organisation collective, nos manières de décider, de faire ; un manque de confiance aussi dans les élites, toutes les élites, votre serviteur au premier chef mais l’ensemble de ceux qui sont élus, exercent des responsabilités, représentent, parfois même cherchent à décrypter l’actualité. Il est difficile de construire quelque chose lorsque la confiance n’est pas rétablie à l’égard de celles et ceux qui doivent être des tiers de confiance ou qui décident dans la société. Un sentiment d’abandon. Sentiment d’abandon qui se nourrit que du fait que de plus en plus de vies de nos concitoyens sont comme oubliées ou inadaptées à l’organisation du monde tel qu’il est, tel qu’il s’est fait.

Nous vivons dans une société avec des politiques publiques qui ont largement été pensées au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. La famille a changé, la manière de travailler a changé, nos organisations ont changé et nous ne l’avons pas totalement vu. On a découvert, il faut bien le dire avec beaucoup d’humilité durant ce mouvement, ce qu’on appelle aujourd’hui les familles monoparentales, la plupart du temps ces femmes seules qui élèvent leurs enfants et travaillent. Très peu de choses sont faites dans la société pour elles, pour ne pas dire rien. On a vu s’exprimer les enfants victimes de harcèlement à l’école, les personnes vivant en situation de handicap qui ont dit aussi tout ce que la société avait de béances, celles et ceux qui travaillent dans les grandes villes où on a créé l’essentiel des emplois ces 20 dernières années mais n’ont pas les moyens d’y vivre et habitent parfois à trois-quarts d’heure ou une heure de route sans qu’il y ait de transport collectif. On n’avait pas non plus conçu de politique publique pour eux et donc il y a comme des plis de la société qui se sont en quelque sorte révélés, des angles morts, ces vies un peu oubliées de nos politiques publiques, de beaucoup de nos discours qui ont dit “moi je participe, je travaille, je vis mal malgré ce travail et je veux non seulement qu’on me reconnaisse mais qu’on apporte des solutions concrètes à ma vie.” Et évidemment je n’oublie pas parmi ces quelques portraits chinois que je viens de brosser les retraités modestes dont j’ai un moment cru moi-même que leurs protestations n’étaient pas totalement légitimes – “vous me parlez de la CSG, regardez c’est quelques euros par mois” – mais qui vivent aujourd’hui avec l’angoisse de parfois devoir aider les générations suivantes qui ne s’en sortent pas totalement, de devoir subvenir aux besoins de leurs propres aînés qui vivent encore et sont en dépendance et qui voient devant eux ce que va coûter la maison de retraite, l’EHPAD, entre 1800 et 2000 euros par mois là où leur retraite est à 1300 euros, et qu’ils ont travaillé toute leur vie. Ces cas concrets se sont dits à nous, se sont exprimés et ont nourri ce sentiment d’abandon. Enfin c’est la peur des grands changements : le climat avec son urgence mais aussi son lot d’inquiétudes parce qu’il faut changer des habitudes prises pour se déplacer, produire ; l’immigration ; le numérique ; le déclassement social ; le vieillissement que je viens rapidement d’évoquer.

Alors face à toutes ces inquiétudes qui se sont exprimées, ces sentiments que je voulais rassembler pour dire un peu ce que j’avais compris et entendu : est-ce qu’il faudrait tout arrêter de ce qui a été fait depuis 2 ans ? Je me suis posé la question : “est-ce qu’on a fait fausse route ?” Je crois tout le contraire, je crois que les transformations en cours et les transformations indispensables à faire dans notre pays ne doivent pas être arrêtées parce qu’elles répondent profondément à l’aspiration de nos concitoyens. Elles n’ont pas été suffisamment rapides à l’endroit de certains, pas suffisamment radicales, pas suffisamment humaines – je vais y revenir – mais je pense très profondément que les orientations prises durant ces deux premières années, à bien des égards, ont été justes. Mettre l’école, le mérite, le travail au cœur de notre ambition était indispensable. Décider à investir, produire davantage pour redevenir une nation forte en menant toutes les réformes nécessaires pour cela était indispensable aussi pour pouvoir financer la solidarité ensuite qu’on veut pouvoir se payer. Moderniser notre économie, réduire nos déficits publics, réarticuler une vraie ambition européenne face à toutes ces menaces étaient, je le crois très profondément, de bonnes orientations. Je crois donc que ces fondamentaux des deux premières années doivent non seulement être préservés, poursuivis et intensifiés. Et d’ailleurs les premiers résultats sont là au moment même où nous vivons cette crise : nous recréons des emplois, plus de 500 000 durant ces deux premières années y compris dans le secteur industriel où depuis plus de 10 ans nous étions en train de détruire constamment des emplois en France. Les investissements repartent et continuent de repartir et pour la première fois depuis bien longtemps en ce moment même notre croissance est supérieure à celle de bien de nos pays voisins donc les résultats commencent à être là.

Alors la réponse n’est pas dans le reniement mais je crois dans la définition plus profonde d’une nouvelle ambition, dans la réponse aux questions profondes que se pose notre pays et que se posent d’ailleurs dans nombre d’autres démocraties dans le monde qui vivent partout des crises qui se traduisent de manière différente, qui sont des crises de l’efficacité, de la représentation. D’abord face au sentiment d’injustice, nous devons apporter une réponse qui place l’homme au cœur de notre projet bien davantage que nous ne l’avons fait. Notre projet national doit être plus juste, plus humain afin de rassembler et de réunir et face aux grands changements il nous faut retrouver, par le projet national et européen, la maîtrise de notre destin et de nos vies. Je crois que ce à quoi aspire très profondément le peuple français c’est de comprendre pourquoi on décide les choses, qu’on puisse en tant que gouvernants dire à un moment “nous ne sommes pas d’accord”, de ne pas tout subir ou d’avoir le sentiment qu’on s’adapte constamment au cours du monde.

Alors ce nouveau temps, de cette mandature et de notre République, je veux lui assigner un objectif simple : redonner une espérance de progrès à chacun, en demandant à chacun le meilleur de lui-même, et c’est ainsi que nous pourrons reconstruire ensemble très profondément ce que j’appellerais l’art d’être Français qui est une manière très particulière d’être ce que nous sommes. L’art d’être Français c’est à la fois être enraciné et universel, être attaché à notre histoire, nos racines mais embrasser l’avenir, c’est cette capacité à débattre de tout en permanence et c’est, très profondément, décider de ne pas nous adapter au monde qui nous échappe, de ne pas céder à la loi du plus fort mais bien de porter un projet de résistance, d’ambition pour aujourd’hui et pour demain.

Et pour ce faire il y a quatre orientations que je voulais brosser ce soir devant vous avant de répondre à vos questions et qui sont, en quelque sorte, celles sur lesquelles  je veux construire cette nouvelle étape.

La première orientation c’est de changer, beaucoup plus en profondeur et rapidement, notre démocratie, notre organisation, notre administration. Au fond le sentiment de beaucoup de nos concitoyens, c’est comme ça que je l’ai entendu, c’est de dire “vous nous avez demandé des changements à nous mais vous avez très peu changé. Vous vous êtes toujours avec les mêmes organisés de la même manière, on n’a rien vu bouger. Ce n’est pas faux. Alors, sur le plan démocratique, les citoyens veulent être mieux représentés participer davantage, avoir au fond une organisation plus efficace. Là-dessus, on a vu fleurir beaucoup de débats et je veux dire, très franchement, après avoir beaucoup écouté et réfléchi où je me situe. Je crois aux élus. Je crois aux élus de la République parce que l’élu a une légitimité, celle que lui procure l’élection. Si on se met à dire, quand il s’agit des décisions de la cité, la vie d’un citoyen est aussi importante que celle du maire, elle l’est en tant que citoyen mais le maire est allé à l’élection. Il a obtenu une légitimité et donc je pense qu’il faut consolider cette place de nos élus dans la République sinon il n’y a plus de décision possible, plus d'arbitrage qui se forme et au premier chef, les maires qui sont le visage, le quotidien de la République à portée parfois "d'engueulades" si vous m’autorisez cette expression, de remerciements et d'attachement aussi et qui sont essentiels. Je veux conforter leur rôle par un statut digne de ce nom, simplifier les règles qu'ils ont parfois subies lorsque le pouvoir, les responsabilités se sont par trop éloignés sans qu'ils l'aient choisi. Mais la démocratie représentative est aussi essentielle et je ne veux pas que de cette crise, le rôle du Parlement ne soit, en aucun cas, fragilisé. Cependant, nous pouvons l'améliorer. Nous pouvons le rendre plus représentatif avec une part significative de proportionnelle pour que toutes les familles politiques soient représentées, toutes les sensibilités en limitant aussi le nombre de mandats dans le temps. Nous pouvons le rendre plus efficace et je fais confiance aux assemblées pour renforcer leur contrôle indispensable, pour avoir aussi des procédures plus rapides, plus adaptées aux contraintes actuelles et aux attentes de nos concitoyens. L'efficacité, c'est aussi la réduction du nombre de parlementaires, comme je m'y étais engagé et qui est beaucoup revenue dans le débat. Mais nos citoyens veulent participer davantage, au-delà de ce que je viens de dire sur les élus et de notre démocratie représentative, et plusieurs questions ont émergé qu'il faut considérer.

D'abord, la question du vote obligatoire qui est souvent revenue. Je ne retiendrai pas cette option, je ne la retiendrai pas pour deux raisons. La première, c'est que je ne crois pas qu'on répond à la crise démocratique par la contrainte. Je ne crois pas que lorsqu'il y a de la désaffection pour une élection et du désintérêt, on y répond en rendant la chose obligatoire. On y répond en redonnant du sel à la vie démocratique et à cet égard, la période que nous vivons, je le crois, est une partie de la solution. Ensuite, c'est qu'une fois qu'on a mis l'obligation quand je regarde nos voisins, il est très dur de la faire respecter. Généralement, elle n'est pas suivie. Est-ce qu'on met des amendes ? C'est très dur. Alors, certains proposent de priver leurs droits civiques ceux qui ne vont pas voter. C'est un peu étrange en tout cas ça éloigne encore davantage du civisme et de la vie politique, ce qui ne se rendrait pas à cette obligation. Je n'y crois pas.

Ensuite, il y a la question du vote blanc. C'est une question qui, depuis longtemps, on travaille notre démocratie. Elle n'est pas négligeable et à juste titre les gens qui votent blanc nous disent : “Je veux être entendu. Je veux que ce soit pris en compte”. Est-ce qu'il faut lui donner une reconnaissance particulière ? J'ai, à un moment, été tenté par cette option, j'y ai beaucoup réfléchi et je ne la retiendrai pas. Je ne la retiendrai pas parce qu’au fond la crise de notre démocratie est aussi une crise d'efficacité et de capacité à prendre les décisions. Alors, on peut avoir des projets dont aucun ne nous plaît totalement à une élection mais on doit choisir parfois le moindre mal ou le mieux possible et ce choix est important parce que dans les moments difficiles de la démocratie, il faut prendre des options et il faut choisir et je sais une chose : c'est quand on vit une période difficile, blanc ça ne décide pas. Blanc c'est l'agrégation des rejets, des refus. C'est trop facile. Moi, je veux bien être le candidat du blanc. On a toutes les voies dans la période que nous vivons mais Blanc ne résoudra aucun problème. Monsieur X, Mme Y oui ! Qu'on soit d'accord ou pas.

Enfin, il y a eu la question du référendum d'initiative citoyenne. Tel qu'il est proposé, il me semble remettre en cause la démocratie représentative mais je crois malgré tout nous devons donner plus de place à  la voie référendaire dans notre démocratie et ce que je souhaite, c'est que dans le cadre de notre réforme constitutionnelle, nous puissions aller plus loin sur le référendum d'initiative partagée qui a été créé il y a maintenant 11 ans dans notre constitution en en simplifiant les règles, en permettant que l'initiative puisse venir de citoyens, un million de citoyens qui signeraient une pétition et qu'elle puisse prospérer en projet de loi et si elle n'était pas examinée par les assemblées, aller au référendum. Je crois que c'est une bonne voie qui respecte la démocratie représentative mais qui permet à un million de citoyens qui se rassemblent de pousser le parlement à discuter d'un texte ou bien d'aller au référendum. Je souhaite ensuite qu'au niveau local on puisse renforcer le droit de pétition. Au niveau local en définissant une forme de droit d'interpellation des élus au-delà d'un certain seuil qui sera à définir les citoyens doivent pouvoir obtenir d'inscrire un sujet à l'ordre du jour d'une assemblée locale. Là aussi je pense que c'est important et ça permet d'articuler la place légitime des élus. Mais ce que les citoyens peuvent vouloir amener dans le débat public et voir pleinement reconnu.

Enfin je souhaite que cette place de nos concitoyens dans notre démocratie ainsi revitalisée puisse aussi se faire par la réforme que nous devons conduire du Conseil économique social et environnemental. Ce Conseil existe depuis la Constitution de 1958 c'est une présence qui a des antériorités pour représenter la société civile. Nous en réduirons le nombre mais à côté des grandes forces vives économiques sociales associatives qui y sont présentes et qui portent les grands sujets. Je souhaite que l'on puisse avoir des citoyens tirés au sort qui viennent compléter cette assemblée et qui ainsi permettra à celle-ci de représenter pleinement la société dans toute sa diversité et sa vitalité. Et je souhaite que ce conseil de la participation citoyenne ainsi refondé puisse reprendre l'ensemble des compétences de consultation qui sont émiettées entre plusieurs comités parfois devant lesquels nos lois doivent passer qui sont souvent peu clairs pour nos concitoyens qui créent beaucoup de complexité administrative. Je propose que cette réforme constitutionnelle ainsi simplifiée, clarifiée, repensée puisse être soumise par le gouvernement au Parlement à l'été. Je fais confiance à l'Assemblée nationale au Sénat pour qu'elle puisse dans les meilleurs délais prospérer et être pleinement effective. Mais sans attendre, dès le mois de juin nous tirons au sort 150 citoyens pour constituer ce début de conseil de la participation citoyenne. Ce sera organisé au CESE actuel avant sa réforme et nous commencerons à innover avec ce nouveau travail qui je crois répond aux aspirations profondes et permet de mobiliser l'intelligence collective de manière différente.

Nous devons ensuite changer de méthodes d'organisation de notre République. Ce qui s'est exprimé très profondément c'est un besoin de proximité d'enracinement de l'action que nous devons conduire dans beaucoup de domaines. Et j'ai pleinement conscience que la politique que nous avons parfois menée a été perçue comme lointaine parfois trop froide, venant de Paris et donc technocratique. C'est parfois injuste c'est parfois vrai. En tout cas il faut le regarder en face. Et donc je souhaite que nous puissions ouvrir un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire. Les Français ont confiance dans leurs élus locaux et ce nouvel acte de décentralisation doit porter sur des politiques de la vie quotidienne, le logement, le transport, la transition écologique, pour garantir des décisions prises au plus près du terrain. Ce nouvel acte de décentralisation devra s'appuyer sur quelques principes simples. D'abord responsabilité, lisibilité et financement. Quand je regarde nos décentralisations passées, elles sont tout sauf claires. Et elles n'ont pas permis, ni de faire de véritables économies ni d'avoir une culture de la responsabilité démocratique. On a souvent transféré des bouts de compétences avec une partie des financements qui allaient avec. L'État a gardé une partie de ses compétences ce qui crée un imbroglio absolument terrible mais surtout on n'a jamais transféré la responsabilité démocratique qui va avec jamais. Et donc on a parfois transféré des compétences mais quand les ennuis sont là c'est toujours l'état ce qui est un peu simple. Et donc une vraie république décentralisée c'est des compétences claires que l'on transfère totalement en supprimant les doublons on transfère clairement les financements et on transfère clairement la responsabilité démocratique et la question que nous devons nous poser c'est à quelle élection on vote pour quoi. Moi je suis convaincu que sur les sujets que j'évoquais, le logement quotidien, le transport beaucoup de sujets de la vie quotidienne, quand on vote pour le président de la République on ne vote pas pour cela. Quand on décide de la politique sociale de la nation ce n'est pas au moment où on vote pour le conseil départemental. Or aujourd'hui ce sont des compétences des départements. Vous voyez qu'il y a une perte de repères et de clarté démocratique dans le système tel qu'il fonctionne aujourd'hui.

Donc nous devons là-dessus profondément refonder notre modèle. Mais je souhaite qu'il puisse y avoir un geste de décentralisation extrêmement clair et avec celui-ci un principe : la différentiation territoriale. Nous avons commencé à le pratiquer avec le gouvernement en signant des contrats ad hoc collectivité par collectivité. Mais pour répondre aux défis de nos outremers, qui sont très spécifiques, pour répondre aux défis de l’insularité et la montagne que connaît la Corse mais que des régions comme la Normandie ou l’Occitanie vivent qui peuvent être différentes, on doit différencier, adapter nos règles, notre organisation, trouver plus de liberté. Nous avons commencé à le faire, nous devons aller plus loin et c’est aussi un des éléments de l’indispensable réforme constitutionnelle qui est devant nous. Cette réforme, cet acte de décentralisation devra aboutir pour le premier trimestre 2020. L'État lui-même, l'ensemble de ce qui est en quelque sorte la présence de la nation sur le terrain doit aussi savoir s'adapter dans ce contexte : recréer de la proximité, être accessible à tous dans tous les territoires qu'il s'agisse des territoires ruraux ou des quartiers "politique de la ville" comme des métropoles. Sur le terrain, on a besoin de fonctionnaires, de médecins, d'instituteurs, de professeurs, d'artistes, de toutes celles et ceux qui font vivre la nation.

J'aurai progressivement à redéfinir un nouveau pacte territorial et nous avons commencé à l’esquisser : un agenda rural arrive qui permettra de l'ancrer dans notre ruralité. Mais nous devons sur ce point remettre de la présence de services publics, assurer l'accès aux services publics à moins de 30 minutes avec un accompagnement personnalisé pour les démarches de la vie quotidienne, assurer l'accès aux soins pour tous en luttant contre les déserts médicaux, ce qui est au cœur du projet de santé qui est en cours de discussion au Parlement et ne plus avoir d'ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d'hôpitaux ni d'écoles, sans l’accord du maire. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de réorganisation. On le sait très bien. Elles sont parfois indispensables. Cela veut dire qu'il n'y aura plus de disparition comme on l'a aussi trop vécu. Mais nous devons, dans le cadre de ce nouveau projet territorial, également développer les projets patrimoniaux, culturels qui, sur le terrain, font vivre. Nombre de ces territoires sont portés par nos artistes, nos associations et sont au cœur de la vitalité de ces-derniers et ce que vivent nos concitoyens. Nous allons aussi développer des campus connectés pour les études universitaires dans les villes moyennes ce qui est au cœur de cette ambition territoriale. Et ce que je veux à travers ce nouveau projet pacte territorial, c'est réconcilier la métropole, la ville moyenne et le rural car ce sont des mêmes projets qu'il faut faire émerger dans ces espaces que l'on a trop longtemps divisés. Ce qui veut dire que l'état lui-même doit repenser son action sur le terrain. Je le disais en cessant la fermeture des services publics mais en ayant une autre approche de sa présence au territoire. Nous avons trop de monde à Paris et je l'ai souvent dit dans les débats et on le perçoit, il y a trop de monde à Paris qui prend des décisions ou décide des règles sans jamais voir les problèmes ou les gens et il n'y a plus assez de monde sur le terrain à régler les problèmes concrets de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos associations. Donc, je veux qu'on remette plus de fonctionnaires sur le terrain qui apportent des solutions contrairement à la tendance depuis plusieurs décennies et qu'on supprime plus de postes en administration centrale. Avec cela le Premier ministre dès le mois prochain aura à présenter une profonde réorganisation de notre administration qui vise à donner plus de pouvoirs et de responsabilités au terrain, à ceux qui sont au contact de ces réalités. Et je veux que dans chaque département, on ait maintenant une grande clarté autour du préfet avec tous les services de l'État ainsi coordonnés qui puissent répondre aux aspirations du territoire, des élus et je veux que dans chaque canton d'ici à la fin du quinquennat, nous ayons pour tous nos concitoyens un endroit où on puisse trouver réponse aux difficultés qu'on rencontre. On a commencé à développer ces maisons de services au public. Quand on regarde ce qui se fait ailleurs, les Canadiens sont toujours très inspirants. Je veux qu'on mette en place quelque chose qui ressemble un peu à ce qu'ils ont fait, cette maison qui s'appellerait “France Service” ou dans chaque canton, en moyenne, on pourrait avoir un lieu où sont regroupés l'accueil pour le public de services de l'État mais on propose aux collectivités locales d'y être aussi présentes et à tous les opérateurs parce que pour nos concitoyens, c'est devenu illisible quand ils ont un problème de savoir s'il faut aller à la CAF, à Pôle emploi ou si c'est la préfecture ou si c'est la mairie et la Mission locale. La simplicité, c'est la vraie protection, c'est la vraie protection et c'est le vrai service au public.

Enfin, cette transformation de ce que nous sommes de notre organisation suppose une réforme de notre haute fonction publique. J'ai vu que des rumeurs ces derniers temps avaient beaucoup animés les discussions sur ce sujet. Il ne s’agit pas de supprimer telle ou telle chose pour en faire des symboles. Non. Le gouvernement s'est engagé dans une réforme profonde des règles de la fonction publique pour le bien des fonctionnaires, c'est une très bonne chose. Mais notre haute fonction publique pourrait être tenue à l'écart d'une modernisation indispensable. Nous lui devons beaucoup. Elle a bâti ce que nous sommes, elle a pris beaucoup de responsabilités et je suis profondément attaché au modèle méritocratique, un élitisme républicain qui fait qu’on attire dans l'Etat les meilleurs pour pouvoir régler les problèmes les plus complexes. Néanmoins, des changements sont à faire. En termes de recrutement d'abord, est-ce que notre haute fonction publique ressemble à la société que nous sommes ? Non. Ce n’est pas vrai. Elle ne lui ressemble pas. Et dans notre recrutement, notre formation, nous avons plutôt reculé durant ces dernières décennies par rapport à la situation du début de la Ve République. Ce ne sont plus des filières méritocratiques où quand on vient d'une famille d'ouvriers, de paysans, d'artisans, on accède facilement à l'élite de la République, ça n'est plus si vrai. C'est vrai pour les grands-parents et arrière-grands-parents, plus si vrai pour les parents. Il faut s'interroger : le mode de recrutement crée un biais. Ensuite la formation qui y est dispensée. J'ai été touché, ému en tant qu'ancien haut fonctionnaire du soutien massif que beaucoup ont apporté. Enfin néanmoins les mêmes qui apportent le soutien disent depuis des décennies, c'est “un mot, la pensée unique et la haute fonction publique nous a parfois menés dans l'ornière, c'est terrible.” Ce n'est pas totalement faux non plus. Il se peut que j’aie cotisé moi-même. Si on veut que les hauts fonctionnaires soient formés différemment, il faut repenser la formation, qu'elle soit plus ouverte au monde académique, à la recherche, à l'international qu’il y ait dans le parcours plus d'expériences de terrain, qu’elle soit sans doute plus ouverte aussi au monde universitaire et à ce qu'il apporte, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Et enfin, il y a la gestion des carrières de notre haute fonction publique. Aujourd'hui, quand on a réussi les bons concours, on est garantie d'un succès ou d'une protection à vie. Est-ce que c'est totalement juste et est-ce que c'est totalement bénéfique ? Non. Nous devons gérer très différemment les carrières de nos hauts fonctionnaires, avoir davantage de passerelles tout au long de la vie professionnelle pour permettre, avec des règles de déontologie extrêmement strictes, à des gens qui viennent du privé et du monde associatif, d'intégrer la haute fonction publique à différents moments mais on doit aussi mettre à l'épreuve les jeunes hauts fonctionnaires, ils ne peuvent pas tout de suite accéder aux postes suprêmes et être garantie de ne jamais les quitter. Je souhaite que nous mettions fin aux grands corps. Je pense que nous avons besoin de services d'excellence, de filières d'excellence. Nous n'avons plus besoin de protections à vie et elles ne correspondent plus à notre capacité à attirer les talents et même à les garder. Sur ce sujet, nous mandaterons dès demain Monsieur THIRIEZ qui aura à proposer au gouvernement des réformes ambitieuses sur la base de ce que je viens de dire.

La deuxième orientation que je souhaite poursuivre pour les prochaines années, c'est de remettre l'humain et la justice au cœur du projet national. Nous l'avons tous entendu et je l'évoquais, il y a un sentiment d'injustice et d'abord d'injustice fiscale qui est là. Alors, il s'est exprimé face à l'évasion fiscale qui est une réalité ou l'optimisation fiscale excessive et cette réalité d'évasion de l'impôt mine l'adhésion à l'impôt. Alors, je crois très profondément que sur ce sujet le gouvernement et le Parlement ont fait beaucoup de choses : des lois très importantes permettant de revenir sur ce qu'on appelle le verrou de Bercy, introduisant des règles de déchéance civique dans certains cas ont été prises mais il faut lever toute forme de soupçons. Aussi vais-je confier à la Cour des comptes, la mission d'évaluer précisément les sommes qui échappent à l'impôt et de proposer des mesures précises pour qu'en France chacun respecte les mêmes règles. Si nous pouvons aller plus loin nous le ferons sur ce sujet.

J'ai aussi entendu combien la réforme de l'impôt sur la fortune menée au début du quinquennat était perçue comme un cadeau fait aux plus fortunés et comme une vraie injustice fiscale. C'est vrai, c'est exprimé partout et largement. Je veux d'abord dire que cette réforme n'a pas été la suppression de l'impôt sur la fortune, elle a conduit à créer un impôt sur le patrimoine immobilier qui continue, au même taux, à taxer les détentions immobilières de nos concitoyens mais elle a supprimé la partie du patrimoine qui était investie dans l'économie. Pour faire quoi ? Pour encourager l'investissement en direction de l'économie réelle, de la recherche, des usines, de la production. Parce que s'il n'y a pas d'investissement national, il n'y a pas d'économie ou alors il y a une économie qui se vend aux investisseurs étrangers et notre pays ô combien sensible. Cette partie de la réforme, je juge de mon devoir de la défendre. Et elle relève du simple pragmatisme mais comme une réforme pragmatique elle sera évaluée en 2020 et nous regarderons son efficacité, si elle n'est pas efficace, nous la corrigerons, si elle est trop large qu'elle a des effets pervers, ils seront corrigés. Mais je le dis très clairement : c'est une réforme pour produire, pas un cadeau pour les plus fortunés. Et il me semble que la meilleure orientation pour répondre au besoin de justice fiscale n’est pas d'augmenter les impôts de tel ou tel non mais plutôt de baisser les impôts du maximum de nos concitoyens, en particulier de toutes celles et ceux qui travaillent au premier chef des classes moyennes. Celles et ceux qui travaillent, qui payent l'impôt sur le revenu ont été largement mises à contribution durant les dernières décennies. Je serais donc simple, je ne veux pas de hausse d'impôts. Je veux des baisses pour ceux qui travaillent en réduisant significativement l'impôt sur le revenu. Enfin ces baisses, il faut expliquer comment on va les faire et comment les finances. J'ai donc demandé au gouvernement de mettre en œuvre cette baisse d'impôts en la finançant par la suppression de certaines niches fiscales pour les entreprises, la nécessité de travailler davantage et des réductions de notre dépense publique. Nous pouvons faire aussi bien en dépensant moins et donc supprimer nombre d'organismes inutiles. Alors nous pourrons rendre aux classes moyennes très légitimement ces parts de réformes.

Mais les inégalités, quand je regarde la situation de notre pays, les vraies inégalités ne sont pas fiscales. Nous avons un système fiscal qui corrige déjà énormément les inégalités, beaucoup plus que dans d'autres pays et que dans la plupart des autres pays. Nous avons un système fiscal qui met déjà largement à contribution les classes moyennes et les classes les plus aisées. Non. Les vraies inégalités sont les inégalités d'origine, les inégalités de destin, les inégalités à la naissance. C'est ça les vraies inégalités françaises et qui ne se sont pas améliorées quant à elles. Aussi pour traiter de ce sujet, il faut agir dès la petite enfance. Le gouvernement a commencé à apporter des réponses à travers ce qu’on a appelé le plan pauvreté. Je crois qu'il faut aller beaucoup plus loin. Certains États européens nous donnent l'exemple, je regarde la Finlande faire, elle investit massivement dans la petite enfance. Les 1000 premiers jours de vie d'un citoyen français sont décisifs, sur le plan affectif, sur le plan cognitif, c'est là qu'on construit parfois le pire et qu'on peut bâtir le meilleur. Nous devons avoir, construire, imaginer beaucoup plus loin que ce qu'on a fait jusque-là.

Ensuite c'est l'éducation. Donner à chacun les mêmes chances pour réussir et donner les moyens de mieux enseigner. Depuis 2 ans c'est ce que nous avons largement commencé à faire. Là aussi je souhaite que nous puissions aller plus loin et j'ai demandé au gouvernement d'y travailler, de pouvoir étendre le dédoublement des classes qui fonctionnent et il y a déjà de très bons résultats dans les quartiers défavorisés, de l'étendre à la grande section de maternelle mais de pouvoir dans toutes les écoles de la République, de la grande section de maternelle au CE1 avoir des classes à taille humaine c'est-à-dire qui ne dépassent jamais 24 élèves. C'est une vraie organisation, un vrai travail, une transformation en profondeur. Mais c'est le moment où on apprend à lire, à écrire, à compter, à bien se comporter, il est absolument essentiel et c'est un investissement dans nos enfants en lequel je crois profondément. Ensuite par ce biais nous devons rendre notre école plus accueillante bienveillante à l'égard de celles et ceux qui jusqu'alors trop souvent n'y avaient pas leur place. Les décrocheurs scolaires, les enfants en situation de handicap, là aussi beaucoup de choses ont été faites. On doit aller beaucoup plus loin, c'est indispensable à la fois pour ce que doit être notre République et pour la réussite de chacun. Et puis enfin cela suppose de mieux former les professeurs, de rendre leurs carrières plus attractives. Et donc dès à présent de progressivement rebâtir, revaloriser ce métier essentiel à la République et à la vie de la nation qu'est l'enseignant, le professeur, le maître. La République s'est construite comme ça. Et de toute façon en vue de la réforme des retraites que nous aurons à conduire, il faudra revoir en profondeur et revaloriser cette profession. Il faut donc que nous enclenchions cette stratégie dès à présent. Ce même investissement nous allons le poursuivre dans l'enseignement supérieur en développant massivement les formations professionnelles courtes, en donnant accès partout sur le territoire à une large offre de formation de premier cycle et en construisant un système de formation supérieure tout au long de la vie et plus simplement une formation initiale. Par les réformes que nous avons portées, par les investissements que nous sommes en train de faire souvent aux côtés des régions, des branches professionnelles. C'est un changement profond de la formation tout au long de la vie qui est en train d'être faite sur notre territoire.

Cet investissement dans l'école, dans l'université, dans le savoir c’est la première politique de lutte contre les injustices dans notre pays. La deuxième c'est le travail, le travail et le mérite. Là aussi beaucoup de choses ont été faites, je n'y reviendrai pas. Des réformes essentielles dès le début du quinquennat, un investissement massif à l'endroit des jeunes décrocheurs comme des demandeurs d'emploi peu qualifiés, 15 milliards d'euros avec des premiers résultats, comme je l'évoquais à l’instant, une politique résolue d'aide aux entreprises pour les pousser à investir et à embaucher, de simplification avec encore une loi récente. Mais là aussi nous devons aller plus loin et corriger les injustices qui existent encore au moins à deux égards, la première et j'ai demandé au gouvernement de le porter dès cet été par la réforme la plus ambitieuse possible de notre système d'assurance chômage. C'est un devoir, c'est une justice, c'est bâtir les droits et devoirs pour les entreprises et les demandeurs d'emploi. Et c’est un levier profond de retour à l'emploi et de lutte contre les injustices qui parfois existent dans notre pays. Ensuite c'est en luttant de manière beaucoup plus efficace contre les injustices qui parfois existent encore dans l'accession à l'emploi. Et ça rejoint ce que je vous disais tout à l'heure sur ces vies oubliées ou ces sentiments d'oubli que beaucoup de nos concitoyens ont exprimé. Quand on est jeune et qu'on vit dans une famille modeste et une petite ville de province, il est parfois très dur d'obtenir un contrat en apprentissage de son premier emploi parce qu'il n'est bien souvent pas proposé dans la ville où on est et nous n'avons pas pensé les politiques pour accompagner ce jeune soit pour se loger soit pour se déplacer là où il obtient un emploi. On doit le faire et le systématiser. Lorsqu'on est une mère seule qui élève ses enfants, que Pôle emploi vous trouve un travail bien souvent le frein, je dis bien souvent c’est parfaitement mesuré, c'est la garde des enfants. Et là aussi les réponses elles sont incertaines, elles sont au gré de l'entreprise. Dans les grandes entreprises souvent on propose des solutions, dans beaucoup d'autres ce n'est pas le cas. On doit là aussi à Pôle emploi comme dans les conventions que les partenaires sociaux ont à bâtir trouver des solutions pour corriger cette injustice. Et enfin il y a les déplacements : lorsqu'on travaille à une heure de l'endroit où on habite, lorsqu'on propose un emploi à une heure de l'endroit où on habite, bien souvent c'est un frein et c'est un frein parce qu'on doit se déplacer à ses frais et parce que ni Pôle emploi ni l'employeur n'ont apporté des solutions concrètes pour vous accompagner au quotidien. Il faut que nous répondions à ces sujets très concrets. Et pour ce faire je souhaite que nous travaillions de manière large.

Je souhaite que les partenaires sociaux, les associations les élus puissent travailler ensemble avec le gouvernement sous l'autorité du Premier ministre et puissent proposer d'ici à septembre des solutions concrètes. Le Premier ministre réunira dans les prochains jours l'ensemble de ses parties prenantes pour cette mobilisation générale pour le travail, l'emploi et ses grandes transitions. Et bien entendu, il faut aussi si on veut corriger ces injustices que le travail paye. C'est ce qui est attendu et nous l'avons beaucoup entendu. Là-dessus, nous avons aussi fait beaucoup : les baisses de cotisations, la défiscalisation des heures supplémentaires, la prime d'activité largement augmentée. Il nous faut aller plus loin avec les baisses d'impôt sur le revenu que j'évoquais à l’instant, avec aussi une meilleure association des salariés aux résultats de l'entreprise par la réforme de l'intéressement et de la participation qui vient d'être conduite, par la répétition cette année de la prime exceptionnelle sans charges ni impôts décidée l'année dernière dans le cadre de l'intéressement des entreprises si elle décide d'apporter 1000 euros de plus. C'est aussi par le revenu universel d'activité que nous devons créer dans les prochains mois pour tourner vraiment nos prestations sociales vers l'incitation à la reprise d'un emploi. Puis dire que le travail paye c’est aussi dire que le travail qui a été fait doit payer. Et là-dessus je dois dire que les décisions que nous avons prises à l'automne non seulement ont été mal comprises, elles ont été bien comprises mais mal vécues, elles ont été vues comme injustes et elles doivent donc être corrigées.

C'est pourquoi au 1er janvier prochain je souhaite que nous réindexions les retraites de moins de 2000 euros et qu'il n'y ait plus de sous indexation de quelque retraite que ce soit à partir de l'année 2021. Je pense qu'il faut rebâtir cette clarté, cette lisibilité pour nos retraités.

La troisième orientation que je souhaite donner c'est face aux peurs que j'évoquais tout à l'heure, d'assumer la clarté, la force d'un investissement dans les grandes transitions pour bâtir la confiance. Nous sommes face à des défis, des grands changements et ils suscitent de la crainte parce que nous sommes comme un “miguet” (phon.) on prend beaucoup de décisions mais elles ne sont pas suffisamment lisibles.

La première de ces transitions, la plus urgente, la plus impérieuse c'est évidemment le climat. Le climat doit être au cœur du projet national et européen. L’état d’urgence climatique il est là, notre jeunesse nous le dit à chaque instant et nos concitoyens veulent agir. Ils agissent déjà au quotidien, ils veulent qu’on les aide à aller plus loin, qu’on les accompagne, qu’on les aide à trouver des solutions concrètes mais il y a une conscience citoyenne sur ces sujets qui s’est profondément transformée ces dernières années et qui va beaucoup plus vite que nombre de politiques publiques. Alors beaucoup a été fait ces deux dernières années, je pourrai y revenir en répondant  à vos questions. Dès la semaine prochaine nous irons plus loin en matière de politique énergétique puis dans les semaines à venir en matière d’économie circulaire pour lutter contre toutes les formes de gaspillage. Mais je veux qu’on puisse changer plus fortement de méthode pour répondre plus concrètement et de manière plus radicale aux attentes. Changer de méthode c’est d’abord utiliser davantage l’intelligence collective sur ce sujet. On a beaucoup de solutions, je l’ai souvent dit, mais elles sont souvent trop complexes pour nos concitoyens, pas utilisées, peu connues, peu adaptées, qu’il s’agisse des aides pour changer la chaudière, pour changer de véhicule, c’est en train de s’améliorer m’enfin il y a beaucoup à faire. C’est pourquoi la convention citoyenne, 150 citoyens tirés au sort dès le mois de juin, aura pour première mission de travailler sur ce sujet, de redessiner toutes les mesures concrètes d’aides aux citoyens sur la transition climatique dans le domaine des transports, de la rénovation des logements (qu’il s’agisse de l’isolation ou du chauffage) pour les rendre plus efficace, de définir si besoin était d’autres mesures incitatives ou contraignantes et, si besoin était, de définir aussi des ressources supplémentaires et de proposer des financements pour se faire. Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du parlement soit à référendum soit à application réglementaire directe. Et puis le deuxième changement de méthode c’est que je veux que nous mettions en place un Conseil de défense écologique qui réunira le Premier ministre, les principaux ministres chargés de cette transition, les grands opérateurs de l’Etat que je présiderai de manière régulière pour à la fois prendre les choix stratégiques et mettre au cœur de toutes nos politiques cette urgence climatique et m’assurer du suivi dans tous les changements ministériels lorsqu’une orientation est prise. Enfin la réussite de cette transition elle passe par notre ambition européenne, c’est-à-dire notre capacité à défendre au niveau européen enfin, à obtenir un prix minimum du carbone, une taxe carbone aux frontières et une finance verte plus ambitieuse. Là aussi je pourrai y revenir si vous avez des questions.

Mais au-delà du sujet climatique, sur toutes les grandes transformations que j’évoquais au fond il nous faut bâtir – et c’est la tâche que j’assigne au gouvernement – un agenda 2025 pour donner de la visibilité à chacun. Depuis deux ans énormément de choses ont été faites : pour notre agriculture après des états généraux nourris et pour avoir une stratégie alimentaire et agricole ; pour définir notre ambition en matière numérique ou d’intelligence artificielle ; pour réindustrialiser notre pays. Mais parfois ces stratégies parce qu’elles se multiplient sont devenues illisibles pour beaucoup de nos concitoyens, nos artisans, nos agriculteurs, nos industriels, nos entrepreneurs ont besoin d’y voir clair et l’esprit français a besoin que tout ça soit ramassé dans une forme de stratégie collective de la nation. Et nous avons besoin, je crois, de bâtir une ambition à 2025 où on se donne des objectifs clairs et on mobilise en fonction de ces moyens.

Face au vieillissement nous devons rebâtir un système de retraite juste par point. C’est l’engagement que j’ai pris pendant la campagne présidentielle, c’est ce à quoi travaille, auprès de la Ministre des Solidarités et de la Santé, Jean-Paul DELEVOYE depuis le début du quinquennat. Cette refondation profonde elle sera présentée à l’été, elle se fera sur plusieurs années mais c’est une transformation radicale qui doit remettre de la confiance, de la justice, de l’efficacité dans notre système de retraite. Ensuite face au grand âge nous devons là aussi assumer, donner de la visibilité. Depuis des années on fait comme semblant que ça n’existe pas totalement, il y a près d’un million et demi de nos concitoyens qui sont en situation de dépendance ce qui est une charge énorme pour leur famille. C’est un système qui est peu structuré, où on a du mal à recruter parce que les emplois y sont difficiles et mal payés. Aussi finaliserons-nous pour cet automne une stratégie c’est-à-dire la définition des moyens publics qu’on met pour financer ce nouveau risque, de la réorganisation d’une filière qui va permettre de créer des emplois peu qualifiés et qualifiés, de toute une filière industrielle qui va avec et de la réduction du reste à charge pour les familles avec une ambition qu’on doit se donner et qui montera progressivement en charge pour qu’à horizon 2025 cette politique soit pleinement déployée.

Et face au numérique, au changement climatique, tout ce qu’on a commencé à faire, on a besoin de bâtir un pacte productif permettant de viser en 2025 le plein emploi. C’est à notre portée, complètement, et pour cela il nous faut un plan clair : produire, se déplacer, se nourrir, se soigner avec des objectifs en matière d’investissements dans notre recherche publique et privée, des priorités technologiques claires au niveau français comme au niveau européen. Et donc à l’automne nous devons finaliser ce nouveau pacte et bâtir cette nouvelle stratégie. Je crois que nos concitoyens dans tous les secteurs ont besoin de cet agenda des transitions qui donnera de la clarté avec des objectifs, des normes, des accompagnements financiers et une mobilisation des acteurs publics et privés qui va avec.

Enfin la quatrième orientation que je souhaite donner aux années qui viennent pour faire face à ce doute, cette colère, que nous voyons dans notre société et pour retrouver l’indispensable contrôle que j’évoquais tout à l’heure, c’est aussi en quelque sorte de savoir défendre, réaffirmer les permanences du projet français, de ce qui est la trame de notre nation. Il y a beaucoup de changements auxquels nos concitoyens sont confrontés et il y a beaucoup de transformations que nous sommes en train de faire, parfois qu’on aurait dû faire depuis longtemps et donc il faut aussi savoir dire ce qu’on veut préserver, ce qu’on veut garder, ce qu’on veut consolider dans une nation. Sinon, je l’ai bien senti, nos concitoyens ont l’impression que, en quelque sorte, tout est cul par-dessus tête et que plus rien ne tient. Cet art d’être français que j’évoquais c’est un attachement particulier à notre langue, à notre culture et à quelques permanences : la famille d’abord.

Je veux que dans les prochains temps nous puissions redéfinir une véritable ambition et la force d’une politique familiale pour accompagner nos familles qui se sont profondément transformées ces dernières années – ce n’est pas le visage des familles françaises d’il y a 20 ans – mais qu’on doit accompagner pour retrouver une dynamique de notre natalité qui commençait à baisser ces derniers temps et aussi pour accompagner bien mieux qu’on ne le fait des situations familiales particulières. Je veux juste en citer deux : ces fameuses familles monoparentales, souvent ces mères vivant seules, je veux que nous mettions en place de manière très rapide un système où on donnera la prérogative de puissance publique à la Caisse d’allocation familiale pour qu’elle puisse aller prélever directement les pensions alimentaires dues quand elles ne sont pas versées. On ne peut pas faire reposer sur les mères seules qui élèvent leurs enfants et ce faisant qui construisent la république de demain, l’incivisme de leurs anciens conjoints or aujourd’hui c’est ce qui se passe.

Ensuite je veux ici parler des aidants familiaux parce qu’il y a des millions de nos concitoyens qui sont là aussi comme oubliés, ce sont celles et ceux – et là aussi ce sont souvent les femmes – qui ont mis entre parenthèses ou sacrifié leur vie professionnelle pour s’occuper d’un enfant en situation de handicap, d’un proche, une personne de la famille devenue dépendante. Nous devons d’abord les reconnaître, les nommer mais aussi dans nos politiques publiques leur bâtir une place, dans notre réforme des retraites leur construire des droits, c’est indispensable. Ensuite une des permanences à laquelle je crois très profondément et qu’il faut même raviver c’est l’engagement. Nous ne sommes pas nous Français une société d’individus, nous sommes une nation de citoyens. Ça veut dire des solidarités particulières, ça veut dire un engagement dans la société qui fait d’ailleurs que parfois quand tout a disparu quelque chose est encore là qui tient. Je crois dans notre tissu associatif, il joue un rôle formidable, dans notre ruralité comme dans les quartiers les plus en difficulté. Je veux que le gouvernement bâtisse une politique beaucoup plus ambitieuse pour accompagner nos associations, en particulier les plus petites associations, dans le travail formidable qu’elles font. Et puis l’engagement c’est le service national universel, je l’ai voulu, il est en train de commencer, c’est la matrice indispensable au cœur de notre école d’abord mais qui va irriguer des vocations, l’engagement soit vers le service civique soit vers le bénévolat, vers ce qui fait très profondément cette nation de citoyens que j’évoquais et je souhaite qu’on accélère le déploiement de cette initiative, elle est indispensable et notre nation en a besoin.

Ensuite une de ces permanences c’est la laïcité. J’avais posé la question aux Français, elle est revenue dans quelques débats, moi j’en ai entendu à plusieurs reprises parler. La laïcité c’est la possibilité de croire en Dieu ou de ne pas y croire, de pouvoir vivre ensemble dans la concorde, le respect et de respecter absolument les règles de la République, de n’être jamais ennuyé par ce que l’on croit mais de ne jamais imposer à la société sa religion ou déroger aux règles de la République pour se faire. A ce titre, la loi de 1905 est notre pilier. Elle est pertinente, elle est le fruit de bataille, elle doit être réaffirmé et pleinement appliqué et je dis ici avec force. Et d’ailleurs, nous avons renforcé son application ces derniers temps. Nous l’avons renforcé en fermant des écoles lorsqu’elles ne respectaient pas les lois de la République, en fermant davantage d'associations ou d'établissements culturels lorsqu'ils ne respectent pas les règles de la République au titre même de ce principe de l'ordre public ou de la lutte contre le terrorisme. Mais aujourd'hui, nous ne devons pas nous masquer : quand on parle de laïcité, on ne parle pas vraiment de laïcité. On parle du communautarisme qui s'est installé dans certains quartiers de la République. On parle d'une sécession qui fait parfois sournoisement installée parce que la République avait déserté ou n'avait pas tenu ses promesses. On parle de gens qui au nom d'une religion poursuivent un projet politique, celui d'un islam politique qui veut faire sécession avec notre république. Et là-dessus, j'ai demandé au gouvernement d'être intraitable. Nous avons commencé à le faire avec une politique ambitieuse de reconquête républicaine dans plusieurs quartiers. Je souhaite que nous allions plus loin en renforçant le contrôle sur les financements venant de l'étranger en étant beaucoup plus dure à l'égard de toutes les formes de cet islamisme politique, de ce communautarisme, de cette sécession au sein de notre République parce que c'est une menace sur la capacité à tenir la nation ensemble.

Enfin une nation, elle se tient aussi par ses limites et ses frontières. Je crois très profondément dans un patriotisme ouvert, dans une France qui rayonne à l'international qui est conquérante mais pour être ouverts, il faut avoir des limites. Pour accueillir il faut avoir une maison donc il faut des frontières, il faut qu'elles soient respectées, il faut des règles. Et aujourd'hui force est de constater que les choses ne tiennent pas comme elle devrait. D'abord au niveau européen, nous avons décidé d'avoir des frontières communes, c’est le fameux espace Schengen avec les règles des accords de Dublin. Cela ne marche plus. Et pour moi, c'est le deuxième grand combat européen avec le climat, c'est le combat en matière de migration. Nous devons profondément refonder notre politique de développement et notre politique migratoire. L'Europe à laquelle je crois, l'Europe souveraine forte, c'est une Europe qui repense une ambition de coopération de développement à l'égard de l'Afrique et de toutes celles et ceux qui en ont besoin pour éviter l'émigration subie mais c'est aussi une Europe qui tient ses frontières, qui les protège. C'est une Europe qui a un droit d'asile refondé et commun et où la responsabilité va avec la solidarité. C'est sur ces bases qu'on doit refonder Schengen quitte à ce que ce soit un Schengen avec moins d'Etat. Je ne veux plus avoir dans l'espace Schengen des États qui vous disent j'en suis quand c'est pour la liberté de circulation mais moi je ne veux pas en être quand il s'agit de répartir la charge. Pas de solidarité chez moi. Qu'est-ce que c'est que cette affaire ? Je ne veux plus non plus des gens qui ne veulent pas tenir la frontière commune et sont dans le laxisme. Cette refondation est indispensable. De même qu'au niveau national, nous avons commencé à mener beaucoup de réformes et le gouvernement a fait un très gros travail sur ce point mais nous sommes aujourd'hui confrontés à des détournements, très profonds du regroupement familial comme des migrations liées à l'asile. Je crois très profondément à l'asile. C'est un devoir, c'est dans notre Constitution. Mais pour bien accueillir ceux qui y ont droit, on doit lutter plus efficacement contre ceux qui en abusent, contre les filières de passeurs qui utilisent ce droit. Et donc poursuivre le travail qui a été commencé en la matière mais avoir aussi une politique d'accueil, d'intégration de celles et ceux qui ont droit à l'asile ou qui veulent rejoindre la vie de la nation. Et c'est pour ça que ce contrôle, cette reprise en main doit aussi passer par les nouveaux choix que j'ai demandés au gouvernement en la matière et je souhaite que nous puissions instaurer chaque année au Parlement, un débat sur la politique migratoire. Je pense que c'est une bonne discipline et ce sera une bonne règle nouvelle.

Voilà, au fond, ce qu'il nous faut faire c'est rebâtir un patriotisme inclusif où chacun prend sa part, où l'intérêt général français et européen est, au fond, réaffirmé mais n'est pas simplement l'addition des intérêts particuliers. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais ici d'abord vous dire. Je crois que nous devons absolument continuer de transformer le pays car les résultats sont là. Mais la nouvelle étape, le nouvel acte passe à mes yeux par les 4 orientations que je viens d'évoquer. Et c'est cela ce que je demande au gouvernement, aux assemblées, aux partenaires sociaux, aux élus : de replacer l'humain au centre, de rebâtir une nation de citoyens libres dans une Europe plus forte parce que je crois que c'est ainsi que nous pourrons véritablement retrouver cet art si particulier d'être Français auquel nous sommes attachés. Je vais maintenant répondre à toutes vos questions.


Emmanuel Macron, le jeudi 25 avril 2019 à 18 heures, à Paris.

Source : www.elysee.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190425-conference-presse-macron.html




 

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16 avril 2019 2 16 /04 /avril /2019 19:36

(verbatim et deux vidéos)


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190418-notre-dame-de-paris.html
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190415-notre-dame-de-paris.html



Déclaration du Président Emmanuel Macron du 15 avril 2019



Emmanuel Macron, le 15 avril 2019 à minuit  à Paris.



Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron du 16 avril 2019




Françaises, Français,

Mes chers compatriotes, l’incendie de Notre-Dame de Paris a profondément atteint dans leur esprit, dans leur cœur les Parisiens, les Français et le monde entier.

Cette nuit, nous sommes entrés dans cette cathédrale qui est celle de tout un peuple et de son histoire millénaire. Le feu venait d’être vaincu à peine. Les pompiers avaient arrêté l’incendie en prenant les risques les plus extrêmes et ils étaient là, autour de nous, avec leurs chefs, explorant les toitures dévastées. Ils avaient 20 ou 25 ans et venaient de tous les endroits de France, de tous les milieux mais ce que nous avons vu cette nuit ensemble à Paris c’est cette capacité de nous mobiliser, nous unir pour vaincre. Au cours de notre histoire, nous avons bâti des villes, des ports, des églises. Beaucoup ont brûlé ou ont été détruites par les guerres, les révolutions ou les fautes des hommes. A chaque fois, à chaque fois, nous les avons reconstruites.

L’incendie de Notre-Dame nous rappelle que notre histoire ne s’arrête jamais, jamais et que nous aurons toujours des épreuves à surmonter et que ce que nous croyons, en quelque sorte, indestructible peut aussi être atteint. Tout ce qui fait la France matérielle et spirituelle est vivant et, pour cette raison même, est fragile et nous ne devons pas l’oublier. Et c’est à nous les Françaises et les Français d’aujourd’hui qu’il revient d’assurer au long du temps cette grande continuité qui fait la nation française et c’est pour cela que ce soir je voulais de manière directe m’adresser à vous parce que c’est notre devoir aujourd’hui et c’est celui qu’il nous faut avoir en tête, rien de moins.

Je reviendrai vers vous comme je m’y étais engagé dans les jours prochains pour que nous puissions agir collectivement suite à notre grand débat mais ça n’est pas le temps aujourd’hui. Demain la politique et ses tumultes reprendront leur droit, nous le savons tous, mais le moment n’est pas encore venu. Souvenons-nous plutôt de ces dernières heures. Hier soir, cette nuit, ce matin, chacun a donné ce qu’il avait. Les pompiers ont combattu au péril de leur vie avec héroïsme. Les policiers, les soignants étaient là, comme à chaque fois. Les Parisiens se sont réconfortés. Les Français ont tremblé, émus. Les étrangers ont pleuré. Les journalistes ont écrit, les écrivains ont rêvé, les photographes ont montré au monde ces images terribles. Des riches comme des moins riches ont donné de l’argent. Au fond, chacun a donné ce qu’il a pu, chacun à sa place, chacun dans son rôle, et je vous le dis ce soir avec force nous sommes ce peuple de bâtisseurs. Nous avons tant à reconstruire. Alors oui, nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame plus belle encore, et je veux que cela soit achevé d’ici 5 années. Nous le pouvons, et là aussi, nous mobiliserons. Après le temps de l’épreuve viendra celui de la réflexion, puis celui de l’action, mais ne les mélangeons pas.

Ne nous laissons pas prendre au piège de la hâte.

J’entends, comme vous, je sais toutes les pressions. Je sais, en quelque sorte, l’espèce de fausse impatience qui voudrait qu’il faille réagir à chaque instant, pouvoir dire les annonces qui étaient prévues à telle date, comme si être à la tête d’un pays n’était qu’administrer des choses, et pas être conscient de notre histoire, du temps des femmes et des hommes. Je crois très profondément qu’il nous revient de changer cette catastrophe en occasion de devenir tous ensemble, en ayant profondément réfléchi à ce que nous avons été et à ce que nous avons à être, devenir meilleurs que nous ne le sommes. Il nous revient de retrouver le fil de notre projet national, celui qui nous a fait, qui nous unit, un projet humain, passionnément français.

Françaises, Français et vous tous, étrangers qui aimez la France et qui aimez Paris, je veux vous dire ce soir que je partage votre douleur, mais je partage aussi votre espérance. Nous avons maintenant à faire. Nous agirons et nous réussirons.

Vive la République et vive la France.

Emmanuel Macron, le 16 avril 2019 à 20h00 à Paris.


Source : www.elysee.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190416-allocution-macron.html


 

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19 mars 2019 2 19 /03 /mars /2019 03:22

« Il y a trois sortes d’hommes politiques : ceux qui troublent l’eau ; ceux qui pêchent en eau trouble ; et ceux, plus doués, qui troublent l’eau pour pêcher en eau trouble. » (Arthur Schnitzler, 1987 posthume).



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En feu. Le fameux restaurant où Nicolas Sarkozy avait passé sa soirée d’élection le 6 mai 2007 en bonne compagnie. Un symbole pour certains extrémistes de ce qu’ils haïssent le plus et qui, pourtant, n’est qu’un restaurant comme les autres, avec sa clientèle qui existe et qu’il sert, et qui fait vivre de nombreuses familles. Au moins, un restaurant ne vend pas d’armes.

C’est sûr que deux images se sont télescopées avec le très violent acte 18 des gilets jaunes de ce samedi 16 mars 2019. D’une part, la présence du très léger Ministre de l’Intérieur Christophe Castaner dans une boîte de nuit dans la nuit du 9 au 10 mars 2019 (quelques heures après l’acte 17), et, d’autre part, la journée de ski du Président Emmanuel Macron à La Mongie le 15 mars 2019, à la veille d’une journée qui était annoncée comme très difficile et violente. Personne ne devrait reprocher aux responsables de l’État de se détendre entre deux stress, mais les images font mal et la moindre des décences reste qu’il leur aurait fallu se détendre avec discrétion et pas en fanfaronnant, volontairement ou pas.

C’est peut-être ce qui est reproché le plus à Emmanuel Macron, sa trop grande confiance en lui, penser que la résolution de la crise des gilets jaunes va passer par le grand débat national dont on ne sait pas vraiment s’il est déjà clos ou s’il joue aux prolongations. Déjà, ceux qui ont participé n’ont pas le même profil sociologique que ceux qui manifestaient au début sur les ronds-points. Ensuite, si la participation a été très élevée, et il faut le saluer, ceux qui ont participé n’ont aucune représentativité du peuple français, en tout cas, pas plus, mais pas moins non plus, que les gilets jaunes. Les sondages peuvent être trompeurs. Ils ne sont jamais faux, mais ils ne révèlent qu’une photographie instantanée d’un état d’opinion très versatile, très volatile, qui se périme très vite.

Le gouvernement a limogé le 18 mars 2019 le préfet de police de Paris. Il était déjà dans le viseur du gouvernement lors de l'affaire Benalla. Christophe Castaner a annoncé le même jour des sanctions dans la hiérarchie policière ; pense-t-il à lui-même ?

Samedi 16 mars 2019, les Parisiens ont vécu la même ultra-violence que le samedi 1er décembre 2018. Des actes honteux. Mise à sac. Vandalisme, notamment sur une plaque commémorative honorant la mémoire d’un policier victime de l’attentat du 20 avril 2017 aux Champs-Élysées, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle (probablement par homophobie). Le pire fut l’incendie d’un bâtiment en présence, au deuxième étage, d’une mère et son enfant, particulièrement éprouvés mais heureusement sauvés. Ce n’est rien d’autre qu’une double tentative d’assassinat, ou même, car c’est bien le but, un acte terroriste. Le but de ces groupes violents d’extrême gauche qui ne représentent qu’eux, c’est de terroriser les Français, les dirigeants politiques, les institutionnels.

Ne parlons pas de l’image déplorable de la France à l’étranger ni même des effets économiques de la crise des gilets jaunes (au moins 70 000 pertes d’emploi en quatre mois). Car c’est trop tôt pour en parler, il faut d’abord arrêter cette hémorragie de l’intelligence collective de toute urgence. Le seul bilan qu’il faut réduire au maximum, c’est le nombre des personnes blessées ou tuées. Le bilan humain était déjà désastreux. Le bilan politique est autre chose, mais ce qu’on peut imaginer sans trop se tromper, c’est que, quelles que soient les mesures prises à l’issue du grand débat national, rien n’arrêtera ces manifestations de la violence tous les samedis dans les centres-villes, d’autant plus que le printemps apporte un temps plus clément qu’en hiver.

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Je reviens au bilan humain. Il n’y a eu, à ce jour, heureusment aucun "Malik Oussékine", mais les provocateurs cherchent à ce qu’il y en est. C’est tout l’enjeu de la politique de sécurité que le gouvernement essaie de mettre en place. Il peut se rassurer sur les critiques qui lui sont adressées : si à gauche, pendant ces dernières semaines, on lui a reproché d’être trop violent, trop répressif, de blesser trop de manifestants avec des séquelles parfois irréversibles, à droite, on lui a reproché exactement l’inverse, de ne pas avoir assez riposté, d’avoir laissé faire les casseurs, d’être trop mou.

La vérité, c’est qu’aucun de ceux qui font ce genre de reproches ne ferait mieux que le gouvernement, même si le gouvernement pourrait sans doute mieux faire, et c’est ce qu’essaie de faire le Premier Ministre Édouard Philippe ce lundi 18 mars 2019 (notons qu’Édouard Philippe semble être redevenu le Ministre de l’Intérieur effectif, et qu’il semble compétent à ce poste).

Pourquoi ai-je écrit cela ? Parce qu’il n’y a pas à se voiler la face : ou les forces de l’ordre empêchent réellement les casseurs de casser, au point d’avoir contact et donc, confrontation physique, ou elle laisse faire. Dans la première hypothèse, il n’est pas exclu qu’il puisse y avoir des morts. D’où, pour l’instant, la seconde hypothèse qui a prévalu jusqu’à maintenant.

Dans sa chronique du 18 mars 2019, Laurent Joffrin explique assez clairement cette dualité : « Le gouvernement se pose en défenseur de l’ordre : il apporte donc une réponse avant tout répressive. Avec cette hantise compréhensible, qui est à son honneur : s’il provoque la mort d’un manifestant, il portera ce décès comme une croix et la situation risque de lui échapper encore plus. D’où les consignes contradictoires données aux forces de l’ordre : réprimez, mais pas trop. » ("Libération").

Il faudra aussi que les gilets jaunes prennent leurs responsabilités. C’est évident qu’il ne faut pas confondre gilets jaunes et casseurs, mais il est aussi clair que certains gilets jaunes sont des casseurs, et même, que beaucoup de gilets jaunes laissent faire d’un œil bienveillant. Sans gilets jaunes qui entourent les casseurs, les casseurs seraient plus facilement appréhendables.

On entend d’ailleurs beaucoup de gilets jaunes "pacifiques" dire qu’ils sont contre la violence, mais… : "c’est déplorable, mais la violence est le seul moyen de se faire entendre". "Se faire entendre" ? Mais que disent-ils vraiment ? Pour l’instant, on n’a toujours pas la réalité de "se faire entendre", quelles sont les revendications concrètes et explicites des gilets jaunes, à part être contre les institutions démocratiques ? Et vu comment les 15 milliards d’euros alloués le 10 décembre 2018 ont été accueillis, il est difficile de savoir ce qui satisferait réellement tous les gilets jaunes (en sachant en plus que les caisses de l’État sont complètement vides). J’écris bien "tous les gilets jaunes", car sinon, la crise se poursuivrait.

C’est cela aussi le terrorisme : face à des terroristes, un gouvernement même lâche ne pourra jamais leur montrer qu’il les a entendus. On frappe, on casse, on détruit, on tue seulement pour montrer qu’on peut le faire, certainement pas pour se faire entendre. Heureusement, on n’est pas encore au stade de tuer, mais les discours belliqueux de certains sur les réseaux sociaux peuvent faire craindre le pire.

Peut-être que c’est différent en termes d’échos : les médias sont plus friands d’actes violents que d’actes pacifistes, il suffit de voir comment la manifestation "pour le climat" (?) a été couverte en comparaison, alors qu’il y avait dix fois plus de participants.

Quatre-vingt-onze boutiques ont été détruites. S’en prendre aux boutiques et restaurants de luxe des Champs-Élysées (et même aux kiosques à journaux !), serait-ce vraiment le meilleur moyen de se faire entendre ? Au-delà des clichés habituellement entendus à cette occasion ("la plus belle avenue du monde") qu’on peut conjuguer simultanément avec des néologismes dont l’auteure est friande ("ensauvagement" selon Ségolène Royal le 17 mars 2019, mot qui existe déjà mais est très nouveau dans le vocabulaire politique, qui rappelle les "sauvageons" évoqués par Jean-Pierre Chevènement), ces dégradations s’en prennent autant aux riches qu’aux pauvres (au point d’avoir mis en danger la vie d’une famille), mais aussi révèlent l’archéo-idéologie de certains commentateurs.

Par exemple, comment peut-on parler de "lutte des classes" alors que ce sont des groupuscules extrémistes très violents qui ne représentent rien en termes démographiques ou sociologiques ? La grande délinquance et le crime organisé seraient-ils aussi l’illustration d’une "lutte des classes" ? À part le jeu d’enfants du gendarme et des voleurs, je ne vois pas où se situe la lutte des classes. Mais elle peut se révéler effectivement dans les commentaires de certains gilets jaunes disant en substance qu’ils ne vont pas pleurer le sort du propriétaire du Fouquet’s. C’est à cela qu’on perçoit les germes de totalitarisme et du terrorisme : quand la jalousie l’emporte sur l’État de droit.

Le gouvernement semble aujourd’hui changer de doctrine et le nouveau préfet de police de Paris va sans doute donner des consignes de confrontation directe avec les casseurs. Il y a un réel danger de bain de sang. Les responsables ne seront pas le gouvernement mais ceux qui, en actes ou seulement en paroles, prêchent depuis quatre mois la violence contre les institutions.

On a souvent moqué le "pas d’amalgame" entre terroristes islamistes et musulmans pacifiques. Pour éviter l’amalgame entre casseurs et gilets jaunes, il est temps que chaque gilet jaune dise clairement dans quel camp où il veut se placer : celui du droit ou celui du sang.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 mars 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gilets jaunes : le syndrome du Fouquet’s.
Le vandalisme des radars par les gilets jaunes coûte cher en vies humaines.
Alain Finkielkraut, l’antisémitisme et la bêtise.
Gilets jaunes : les gros sabots de François Berléand.
Les risques d’un référendum couplé aux européennes.
Quatre idées reçues du Président Macron.
Grand débat national : un état des lieux plutôt que des opinions.
Marianne en gilet jaune sans filtre : Emmanuel Macron face aux citoyens.
L’incroyable prestation d’Emmanuel Macron à Grand-Bourgtheroulde.
Le grand n’importe quoi national selon Emmanuel Macron.
80 km/h : 116 vies humaines sauvées en 6 mois.
Vers la suppression de la limitation à 80 km/h ?
Rosa Luxemburg aurait-elle été gilet jaune ?
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Les vœux du Président Emmanuel Macron pour l’année 2019.
L’an 2019, la peur jaune et l’état d’urgence économique et sociale.
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
La hotte du Père MacroNoël.
Ne cassons pas nos institutions !
Vive la Cinquième République !
La réforme Macron des institutions.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Gilets jaunes : angoisse versus raison.
Allocution du Premier Ministre Édouard Philippe le 4 décembre 2018 à Matignon (texte intégral).
Gilets jaunes : est-ce un soulèvement ?
La Révolution en deux ans.
Discours du Président Emmanuel Macron le 27 novembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
Gilets jaunes : Emmanuel Macron explique sa transition écologique.
Christophe Castaner, à l’épreuve du feu avec les "gilets jaunes".
L’irresponsabilité majeure des "gilets jaunes".
Gilets jaunes : démocratie des urnes et grognement des rues.
Les taxes sur les carburants compenseraient-elles la baisse de la taxe d'habitation ?
Le bilan humain très lourd de la journée des "gilets jaunes" du 17 novembre 2018.
Gilets jaunes, au moins un mort et plusieurs blessés : arrêtez le massacre !
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Le Mouvement du 17-novembre.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190316-gilets-jaunes-syndrome-fouquets.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gilets-jaunes-le-syndrome-du-213605

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/03/18/37188737.html



 

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26 février 2019 2 26 /02 /février /2019 17:51

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190226-assurance-chomage.html


Discours du Premier Ministre Édouard Philippe sur l'assurance-chômage le 26 février 2019 à Matignon


La lutte contre le chômage reste notre premier objectif. La tendance que nous connaissons est meilleure : le taux de chômage est passé à la fin de l’année 2018 en dessous de 9% pour la première fois depuis 10 ans. On peut donc saluer ce résultat, mais il faut également constater que ce niveau reste trop élevé avec le 4ème plus fort taux de chômage européen, la France est l’un des seuls pays développés à ne pas avoir su apporter une réponse durable à cette question du chômage de masse.

Nous avons eu l’occasion de dire, avec Muriel Pénicaud, très tôt après la désignation du Gouvernement, qu’il n’existait pas un seul instrument qui permettrait d’avoir des résultats significatifs contre ce chômage de masse, et que nous allions devoir conjuguer différentes réformes pour obtenir des résultats.

Nous avons engagé ces réformes en commençant par refonder le cadre de notre droit du travail. Ça a été l’objectif des ordonnances de 2017 en donnant un espace sans précédent au dialogue social au plus près du terrain et en offrant plus de sécurité aux entreprises en matière de rupture du contrat de travail. Les premiers effets sont là, avec une baisse des contentieux et une hausse du nombre d’accords signés notamment dans les TPE : pour vous donner une illustration, dans une région comme la Bretagne, on a 15% d’accords de plus en un an à un niveau de 5400 accords et un quasi-doublement dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Nous avons en 2018 engagé une réforme en profondeur de notre système d’apprentissage et de formation professionnelle avec le choix de privilégier enfin l’alternance en levant les blocages à son développement, et le choix de privilégier la formation des demandeurs d’emploi plutôt que les emplois aidés, avec le plan d’investissement pour les compétences qui engage des moyens financiers sans précédent pour la formation des demandeurs d’emplois.
Là aussi, les premiers résultats sont là : une hausse sans précédent depuis 1996 des contrats d’apprentissage et une baisse du chômage qui se confirme avec un taux de chômage de 8,8%.

La modification des règles de l’indemnisation du chômage constitue le troisième levier pour transformer notre marché du travail. Je voudrais commencer par dire ce qui semble évident mais ce qui doit néanmoins être dit : le principe d’une indemnisation chômage est un des fondements de notre modèle social. Il est bon, il est sain que nous ayons un système permettant de ne pas laisser seul et sans indemnisation, ceux qui, dans leur vie professionnelle, connaissent une interruption liée à l’activité économique. Il ne s’agit donc pas de revenir sur ce principe, mais bien au contraire de faire en sorte que ce principe puisse trouver une application efficace et durable. Car le système tel qu’il fonctionne aujourd’hui, qui s’est composé par une addition de règles, par une sédimentation de règles, pose un certain nombre de problèmes ou connait un certain nombre de dysfonctionnements.

D’abord, il ne permet pas de lutter efficacement contre le recours abusif aux contrats courts. Je voudrais donner quelques chiffres pour que chacun ait bien à l’esprit l’ampleur du sujet. En 15 ans, le recours au CDD de moins d’un mois a été multiplié par 3. 70% des embauches se font aujourd’hui en contrats de moins d’un mois et, c’est peut-être le chiffre qu’il faut le plus significativement soulever, dans 8 cas sur 10 c’est la même personne que l’on réembauche. Autrement dit, l’addition des règles telles qu’elles existent aujourd’hui - qui résultent de choix qui ont été faits bien avant ce Gouvernement - a conduit à une multiplication des contrats très courts qui concernent les mêmes personnes. Les salariés subissent des mois, voire des années une précarité continue, sans perspective d’évolution.

Ce statu quo n’est pas tenable et nous considérons que les entreprises doivent être beaucoup plus responsabilisées dans leur choix de recourir aux contrats courts. C’est d’autant plus nécessaire que les entreprises ont acquis plus de souplesses et de sécurité depuis la réforme du droit du travail. La contrepartie – vous avez noté que j’apprécie ce terme -, c’est une responsabilité accrue dans le recours aux contrats courts.

Recruter en contrat de chantier ou en CDI intérimaire, aménager le temps de travail pour gérer les périodes de creux d’activité, c’est possible, et c’est possible dans une atmosphère et dans un dialogue social renouvelé au sein de l’entreprise. C’est une vraie alternative à l’usage de contrats très courts. Vous comprenez bien qu’ayant libéré les entreprises des règles qui créaient des incertitudes défavorables à l’embauche, nous pouvons désormais refaire du CDI et des contrats longs la norme à l’embauche.

Deuxième sujet : il faut que le travail paye toujours plus que le chômage. Evidemment dans la plupart des cas, les règles d’indemnisation sont bien faites, elles sont justes et nous n’allons pas chercher à les remettre en cause. Mais il y existe des cas où le montant de l’allocation chômage mensuelle est plus élevé que le salaire mensuel moyen perçu antérieurement. Ce n’est pas la majorité des cas, mais ça existe. Et ce système a évidemment pour conséquence de maintenir les chômeurs dans une forme de précarité. Il est faussement à leur avantage puisqu’il permet aux entreprises de faire payer par la collectivité cette précarité, et qu’il installe les chômeurs dans une alternance entre le travail et le chômage. Or tout ceci existe à un moment où les entreprises expriment le fait, partout en France, et dans tous les secteurs, qu’elles ne parviennent pas à recruter durablement dans leur secteur. C’est quelque chose que nous ne pouvons plus accepter.

Enfin, c’est le troisième point, nous devons revoir notre système qui permet d’obtenir des niveaux d’indemnisation, pour les salaires élevés, qui sont 3 fois supérieurs à ce qui se passe chez nos voisins. La ministre du Travail donnera un certain nombre de chiffres en la matière. Il est clair que les règles d’assurance-chômage, qui ne protègent pas suffisamment contre la précarité, indemnisent dans le même temps à un niveau dépassant de très loin ce qui existe ailleurs en Europe, alors même que le marché du travail des cadres est au plein emploi.

J’ajouterai à ces objectifs, à ces trois dysfonctionnements qu’il nous faut corriger, un quatrième qui est celui d’un accompagnement plus efficace des chômeurs. Si nous formulons des règles plus exigeantes, ces règles doivent aller de pair avec une meilleure prise en charge des demandeurs d’emploi.

Nous devons donc agir. Tous ces constats, toute la nécessité d’y répondre, nous les avons formalisés dès septembre dernier, dans un document de cadrage qui a été transmis aux partenaires sociaux.

Nous avons laissé toutes ses chances à la négociation. Nous avons rédigé le document qui leur a été adressé après les avoir consultés et après avoir tenu compte de leur avis pour en élaborer le contenu. En affirmant le nécessaire désendettement de l’Unedic, nous avons pris soin de mentionner non pas un objectif budgétaire mais une fourchette d’économies suffisamment large pour que l’espace de discussion soit réel. Et nous avions indiqué aux partenaires sociaux que dès lors qu’ils atteindraient une cible à l’intérieur de cette fourchette, nous pourrions suivre leurs recommandations.

Je regrette évidemment très profondément qu’un accord n’ait pu être trouvé. J’ai parfaitement confiance qu’il n’était pas facile d’obtenir cet accord, parce que c’est toujours difficile de remettre à l’endroit un système qui s’est constitué par une sédimentation de règles année après année.

Nous allons donc reprendre ce dossier. La ministre du Travail va dès cette semaine engager de très larges consultations auprès des différents acteurs du marché du travail. Les partenaires sociaux seront évidemment consultés dans ce cadre, mais nous irons au-delà. Elle vous dira comment et autour de quels axes ces consultations vont être organisées.

A l’issue de cette phase de quelques semaines, j’indiquerai au printemps les paramètres et les mesures que nous retiendrons. Le décret sera ensuite élaboré afin d’être mis en œuvre pendant l’été 2019.

Édouard Philippe, Paris le 26 février 2019

Source : gouvernement.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190226-discours-edouard-philippe.html

 

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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 03:27

« Et s’ils cherchent un responsable, dites-leur, dites-leur chaque jour, vous l’avez devant vous ! Le seul responsable de cette affaire, c’est moi et moi seul ! (…) Celui qui a fait confiance à Alexandre Benalla, c’est moi, le Président de la République. Celui qui a été au courant et qui a validé l’ordre, la sanction de mes subordonnés, c’est moi et personne d’autres ! (…) S’ils veulent un responsable, qu’ils viennent le chercher ! » (Emmanuel Macron, le 24 juillet 2018 à Paris).


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Fanfaronnade présidentielle ? Quelle imprudence, quelle témérité, ou, à choisir, quel sentiment de toute-puissance a donc piqué le Président Emmanuel Macron quelques jours après l’éclatement de l’affaire Benalla ? C’était le 24 juillet 2018, à la Maison de l’Amérique latine à Paris où le Président de la République était venu à l’improviste parler devant son gouvernement et l’ensemble des députés LREM réunis avant le début de la pause estivale. Une déclaration dont il ne pouvait pas ignorer l’écho médiatique dévastateur à court et long termes. Cette dernière phrase ("Qu’ils viennent me chercher !") fut même reprise ad nauseam par les gilets jaunes comme motif de son arrogance et de leur colère.

Sentiment de toute-puissance ou sentiment d’impunité ? Non, un Président de la République n’a pas de sentiment d’impunité. À la rigueur, il a une immunité qui le protège pour pouvoir exercer son mandat sans querelles judiciaires qui mettraient la parole de la France en péril dans un monde en grande transformation. Non, ce n’est pas le Président de la République qui peut avoir ce sentiment d’impunité, mais tout son entourage, son aréopage, petits ou importants, qui gravite autour de lui. Cocarde, gyrophare, passeport diplomatique, et même arme illégalement portée en présence du Président de la République. Un proche du Président de la République, on ne le contredit pas, on ne le vexe pas, on ne l’empêche pas d’aller là où il veut aller, d’obtenir les papiers administratifs qu’il veut. Au-delà de toutes les procédures.

C’est un peu cela que les sénateurs, lentement mais sûrement, ont voulu pointer en présentant ce mercredi 20 février 2019 le rapport de la commission des lois concernant l’affaire Benalla, le rapport, pour être plus exact, de la "mission d’information sur les conditions dans lesquelles des personnes n’appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de protection de hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements", ayant les prérogatives d’une commission d’enquête selon l’article 5 ter de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et conformément à l’article 51-2 de la Constitution (depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008). Cette commission, présidée par Philippe Bas, ancien ministre et actuel président de la commission des lois, a été créée le 23 juillet 2018 pour une période de six mois (jusqu’au 23 janvier 2019) et a pour corapporteurs une représentante de la majorité sénatoriale, Muriel Jourda, et un représentant de l’opposition sénatoriale, Jean-Pierre Sueur (lui-même ancien ministre et ancien président de la commission des lois). Le rapport a été publié le 20 février 2019 et peut être lu ici.

L’affaire Benalla n’est pas une simple péripétie individuelle d’un collaborateur de l’Élysée qui s’est pris un peu trop pour Dieu et qui a fait n’importe quoi. Il s’agit du fonctionnement du cœur de nos institutions, et en ce sens, les sénateurs estiment que c’est une affaire très grave : « Le Président de la République française a donc des responsabilités particulières. Il peut engager de lui-même la force armée. La dissuasion nucléaire repose sur lui. Dans un monde où la compétition entre les nations s’accélère et où le terrorisme peut à tout instant se manifester par de nouvelles actions criminelles, la sécurité du Président français n’est donc pas seulement importante pour sa personne, sa famille et ses proches, elle est vitale pour la continuité de la Nation et pour la défense de nos idéaux et de nos intérêts dans le monde. Elle concerne la République tout entière. Elle ne peut donc être traitée comme étant l’affaire du seul chef de l’État. ».

Philippe Bas a voulu que les auditions fussent filmées et retransmises en direct à la télévision dans un souci de transparence et de démocratie. En tout, la commission a rassemblé 30 documents complémentaires correspondant à plus de 500 pages et a organisé 34 auditions pendant plus de 44 heures. Elle a entendu en tout 48 personnes, en particulier : Alexis Kohler, Patrick Strzoda, François-Xavier Lauch, général Éric Bio Farina, Alexandre Benalla, Vincent Crase, Jacques Toubon, Jean-Yves Le Drian, Gérard Collomb, Christophe Castaner, Michel Delpuech, Alain Bauer, etc.

Philippe Bas a aussi affirmé une chose très grave à propos d’Alexandre Benalla : « Ayant minutieusement examiné les déclarations de M. Benalla, sans même qu’il soit nécessaire de s’interroger par ailleurs sur l’infraction qu’il a pu commettre aussi en refusant de répondre à des questions qui lui étaient posées, [le président et les rapporteurs de la commission] ont estimé que celui-ci avait fait sous serment des réponses mensongères sur plusieurs points : les motifs de sa demande de permis de port d’arme à la préfecture de police, la restitution des passeports diplomatiques qui lui avaient été attribués et sa participation à un contrat de protection conclu entre la société Mars et les représentants d’un chef d’entreprise russe, sans préjudice d’autres mensonges susceptibles d’être mis en évidence par une enquête judiciaire. Ils ont donc décidé de demander au bureau du Sénat de saisir le procureur de la République de Paris pour que des poursuites puissent être engagées à l’encontre de M. Benalla, mais aussi de M. Crase, en raison des contradictions apparues entre les dépositions sous serment et les informations crédibles publiées au cours des dernières semaines des travaux de la commission par plusieurs médias. ».

Les deux hommes risquent cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour un témoignage mensonger sous serment. Alexandre Benalla avait aussi refusé de répondre à certaines questions lors de sa seconde audition pour éviter, selon lui, de s’auto-incriminer.

Par ailleurs, Patrick Strzoda et d’autres proches collaborateurs d’Emmanuel Macron pourraient être, eux aussi, inquiétés pour faux témoignage : « Si les plus proches collaborateurs du chef de l’État, et en particulier M. Strzoda, directeur de cabinet, ont utilement contribuer à la recherche de la vérité sur de nombreux points, la présentation qu’ils ont faite des missions exercées par M. Benalla était contredite par les éléments de fait réunis au cours des travaux de la commission, qui témoignent d’une implication réelle de l’intéressé dans la mise en œuvre de la sécurité du Président de la République. Le procureur de la République de Paris devrait donc se prononcer sur ce point. ».

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Mais le plus grave pour la sûreté de l’État, c’est ce "contrat de sécurité privée d’un oligarque russe" : « De telles relations d’affaires ont pu faire de MM. Benalla et Crase les maillons faibles de la sécurité du chef de l’État en les plaçant sous la dépendance d’intérêts étrangers. ». Cette réflexion peut faire froid dans le dos : si Alexandre Benalla n’avait pas violenté un manifestant le 1er mai 2018, probablement que ce genre de contrat serait passé totalement inaperçu et qu’Alexandre Benalla serait toujours en service à l’Élysée !

Rappelons enfin que les sénateurs n’étaient pas en rivalité avec la justice : « La commission n’a pas empiété sur les prérogatives de l’autorité judiciaire : bien au contraire, quand la Justice a reçu la demande de communication du dossier de permis de port d’arme d’Alexandre Benalla qu’elle avait saisi, elle a admis la compatibilité de cette demande avec l’instruction en cours et levé les scellés, afin de permettre aux rapporteurs de la commission d’obtenir la copie que le gouvernement refusait de leur adresser. ».

Le rapport s’est focalisé sur quatre points :

1. Les sanctions pour Alexandre Benalla après le 1er mai 2018 : la commission « regrette l’incompréhensible indulgence de la hiérarchie ». Avec cette interrogation : « Ce qui frappe, ce n’est pas la sanction infligée en mai, mais bien la confiance maintenue jusqu’en juillet. ». En clair, la commission estime que les sanctions n’étaient pas réelles.

2. La nature de l’activité réelle d’Alexandre Benalla à l’Élysée : ce point reste toujours aussi obscur à la fin des auditions. Le rapport pointe les contradictions entre la hiérarchie d’Alexandre Benalla qui a toujours affirmé que son rôle était mineur et les grands avantages (rémunération, voiture et appartement de fonction, arme, passeports diplomatiques, etc.) dont il bénéficiait (l’appartement étant réservé à ceux qui ont une "mission exceptionnelle").

3. Les graves défaillances des autorités compétentes pour s’assurer du retrait effectif d’Alexandre Benalla après son licenciement : passeports, téléphone secret, etc. sont restés en possession d’Alexandre Benalla jusqu’en décembre 2018 voire janvier 2019, une fois seulement le fait connu dans les médias.

4. Enfin, avec l’affaire dans l’affaire, probablement la plus grave, cette histoire des contrats russes qui révèle l’insuffisance des contrôles lors du recrutement des collaborateurs de l’Exécutif : « Les révélations sur "l’affaire des contrats russes" tendent à établir l’existence de conflits d’intérêts majeurs. ». Si cette existence était confirmée, cela « constituerait non seulement une faute déontologique majeure pour les intéressés, mais également un risque pour la Présidence de la République et, à travers elle, pour l’État. ». En résumé, par ces recrutements un peu "légers" : « Il est certain que la Présidence de la République a pêché par manque de précaution, en ne prenant pas toutes les mesures qui paraissaient nécessaires pour s’assurer que les intérêts privés de certains e ses collaborateurs n’interféreraient pas avec l’exercice de leurs fonctions et ne compromettaient pas leur indépendance. ».

L’objectif d’un tel rapport n’est pas de critiquer le pouvoir exécutif (il n’y a donc aucune "manœuvre politique" comme voudrait le faire croire l’Élysée), mais de formuler des propositions ou recommandations pour éviter, à l’avenir, la répétition des dysfonctionnements constatés. Le rapport en précise ainsi treize dans trois domaines : la sécurité du Président de la République, la transparence dans le fonctionnement de l’Exécutif (notamment la fin des collaborateurs "officieux" et la fin des conseillers communs au Président de la République et au Premier Ministre « pour respecter la distinction constitutionnelle des fonctions présidentielles et gouvernementales ») et, enfin, les pouvoirs de contrôle renforcés du Parlement.

Malgré la sévérité du rapport, il faut aussi savoir le mettre en perspective : c’est la première fois qu’une assemblée parlementaire critique ouvertement la gestion de l’Élysée. Ce n’est pas forcément parce que, auparavant, l’Élysée était irréprochable. Au contraire, jusqu’à une période récente, ce qu’il se passait à l’intérieur de l’Élysée était complètement opaque et aucune enquête ni parlementaire ni judiciaire n’était même envisageable.

Il faut se rappeler les écoutes téléphoniques massives organisées depuis l’Élysée sous François Mitterrand pour éviter que ne fût ébruitée l’existence de Mazarine. Il faut se rappeler les activités opaques puis le suicide suspect le 7 avril 1994 de François de Grossouvre, chargé justement de gérer l’existence de cette famille parallèle et ayant eu aussi de nombreuses relations diplomatiques secrètes, à l’intérieur même des locaux de l’Élysée et qui ne firent l’objet d’aucune enquête sérieuse et approfondie (alors qu’il bénéficiait toujours d’un bureau à l’Élysée, d’une voiture avec chauffeur et d’un garde du corps, François de Grossouvre n’avait plus aucune fonction officielle depuis 1985 !).

Il faut aussi se rappeler qu’il n’y a un budget de l’Élysée que depuis 2005 (grâce à la LOLF, loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances). Avant, il y avait de l’argent, mais toujours opaque, sans que les parlementaires ne pussent contrôler la manière dont il était dépensé à la Présidence de la République.

On revient donc de loin, mais la transparence fait maintenant partie des demandes légitimes des citoyens pour respecter leurs élus. À l’évidence, la publication de ce rapport sénatorial est une nouvelle étape dans la démocratisation de nos institutions, dans le fait que le chef de l’État ne peut pas tout chez lui, qu’il est aussi astreint aux règles classiques de l’État de droit. C’est l’honneur des sénateurs d’avoir su le faire de manière très courtoise et dépassionnée.

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Car c’est aussi la leçon de cette "séquence" : Jacqueline Laffont, l’avocate d’Alexandre Benalla, a eu tort, à mon avis, de répandre sur les plateaux de télévision le 20 février 2019 le fait que les sénateurs seraient tombés dans la passion des circonstances et dans la vague médiatique contre Alexandre Benalla, voire contre Emmanuel Macron. La réalité, c’est que les sénateurs ont, au contraire, refusé d’être influencés par les pressions médiatiques et qu’ils ont pris leur temps (sept mois !), qu’il n’ont jamais voulu juger Alexandre Benalla mais simplement le fonctionnement de l’État, des différentes administrations, qu’ils ont voulu écouter le point de vue de tout le monde, mais il fallait bien admettre, et constater publiquement, que certains ont pris les sénateurs de la mission d’enquête pour des imbéciles.

La commission d’enquête de l’Assemblée Nationale s’est auto-dissoute dès le 26 juillet 2019 (après seulement sept jours d’existence), la majorité refusant d’interroger des membres du cabinet présidentiel. Au contraire, la commission d’enquête du Sénat a été beaucoup plus perspicace et tenace, a su faire son travail malgré des pressions (le corapporteur Jean-Pierre Sueur a parlé de pressions exercées par la Ministre de la Justice Nicole Belloubet sur leurs travaux), et a fait un travail de recherche des faits, donc d’éléments indiscutables.

À ceux qui n’en seraient pas convaincus, le Sénat a montré son utilité, sa précieuse utilité : par son mode d’élection, les sénateurs ne subissent pas les pressions politiciennes et partisanes que subissent nécessairement les députés. Ils ont pu donc enquêter dans le calme pour chercher finalement l’intérêt national (cette recherche est constructive puisqu’ils ont proposé treize mesures pour améliorer le fonctionnement de l’État).

À cela, il faut ajouter un dernier point : la remise en cause de l’existence même du Sénat par le Président Emmanuel Macron dans sa lettre aux Français du 13 janvier 2019, alors qu’Emmanuel Macron n’avait même pas prévenu le Président du Sénat Gérard Larcher, a sans doute renforcé les sénateurs dans leur détermination, dans leur soif d’indépendance pour mener leur enquête le plus loin possible, sans concession et hors de toute pression.

Non seulement le Sénat est utile aux institutions, mais probablement qu’il est leur salut pour que la Cinquième République retrouve sa pleine respectabilité. C’est d’ailleurs dans la tradition républicaine depuis 1958 que le Sénat s’est  toujours retrouvé en opposition avec le Président de la République, courtoisement mais fermement. Que les sénateurs ici en soient vivement remerciés et encouragés à rester aussi indépendants du pouvoir exécutif !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 février 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Affaire Benalla : l’attaque frontale des sénateurs.
Rapport de la mission sénatoriale sur l’affaire Benalla le 20 février 2019 (à télécharger).
Benalla en prison : vers la fin de l’impunité ?
Alexandre Benalla dans les traces de Jérôme Cahuzac.
Jérôme Cahuzac.
Audition de Jérôme Cahuzac le 26 juin 2013 (texte intégral).
Audition d’Alexandre Benalla au Sénat le 21 janvier 2019 (vidéo à télécharger).
Audition d'Alexandre Benalla au Sénat le 19 septembre 2018 (vidéo à télécharger).
Benalla vs Sénat : 1 partout.
Audition de Patrick Strzoda au Sénat le 25 juillet 2018 (vidéo à télécharger).
Patrick Strzoda et le code du travail à la sauce Benalla.
Exemplaire et inaltérable la République ?
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190220-benalla.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/affaire-benalla-l-attaque-frontale-212847

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/02/20/37117227.html


 

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20 février 2019 3 20 /02 /février /2019 14:42

La commission des lois du Sénat a examiné le mercredi 20 février 2019 dans la matinée le rapport réalisé par la mission d'enquête sur l'affaire Benalla. On peut désormais lire ce rapport.

Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport sénatorial (fichier .pdf) :
http://www.senat.fr/rap/r18-324-1/r18-324-11.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190219-benalla.html
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190220-benalla.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190220-rapport-senat-benalla.html


 

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20 février 2019 3 20 /02 /février /2019 03:18

« Fondez une Société des honnêtes gens, tous les voleurs en seront. » (Alain, 1914).


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Personne ne se réjouira de la mise en détention d’une personne, surtout si elle n’est pas une criminelle. Mais il est probable que l'arrestation et la mise en détention provisoire de l’individu Alexandre Benalla le mardi 19 février 2019 dans la soirée, à la veille de la publication du rapport sénatorial sur l’affaire qui porte son nom, n’attristeront pas ceux qui pensent que l’ancien collaborateur de l’Élysée doit être traité de la même manière que n’importe quel justiciable.

Alexandre Benalla était sous contrôle judiciaire mais selon les derniers rebondissements, il n’aurait pas respecté les conditions de celui-ci, ce qui expliquerait cette détention provisoire (qui ne l’empêche pas de bénéficier de la présomption d’innocence).

Depuis décembre 2018, Alexandre Benalla est "rejeté" par ses anciens employeurs, et en particulier par le Président Emmanuel Macron, mais ce qui était absolument incompréhensible, c’est qu’aucun collaborateur du chef de l’État (dont certains quittent aujourd’hui l’Élysée) n’ait su protéger le Président de la République en installant un cordon sanitaire étanche dès le 2 mai 2018, c’est-à-dire, dès que les faits reprochés à Alexandre Benalla ont été connus des services de l’Élysée.

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Après une première audition plus ou moins convaincante (plutôt plus que moins d’ailleurs) le 19 septembre 2018, les sénateurs de la commission des lois du Sénat se sont vraiment senti pris pour des imbéciles lors de sa seconde audition le 21 janvier 2019, car Alexandre Benalla a refusé de répondre à des questions précises et même, peut-être, leur a menti sous serment.

Les révélations des semaines qui ont suivi laissent entendre qu’Alexandre Benalla, plus ou moins en accord avec l’Élysée (plutôt moins, ou même pas du tout, si l’on en croit le directeur de cabinet Patrick Strzoda), aurait servi d’intermédiaire entre des chefs d’État africains et la France. Le dossier le plus explosif est toutefois la négociation d’un contrat privé alors qu’il était encore salarié de l’Élysée avec un oligarque russe proche de Vladimir Poutine. Il y a dans ces révélations (dont la justice devra démêler le vrai du faux) une impression de mélange des genres qui ne sent pas très bon.

Ce qui est troublant, c’est que cette affaire Benalla est comme des cellules cancéreuses, chaque fois qu’un sujet d’interrogation éclate, il se multiplie et fait plusieurs autres sujets annexes, et ainsi de suite. Il est probable qu’Alexandre Benalla ne sera plus que son affaire pendant au moins plusieurs années.

L’a-t-il cherché ? ou l’a-il mérité ? Je ne le sais pas. Ce qui en revanche paraît certain, c’est que son insolence et sa légèreté face aux institutions de la République, et en particulier au Sénat qui, à cet égard, a de quoi s’enorgueillir pour avoir su gratter là où cela faisait mal tout en respectant scrupuleusement tant sa mission juridique (qui concerne l’organisation des pouvoirs publics), la justice (il n’y a pas rivalité mais complémentarité) que la personne même d’Alexandre Benalla (qui a toujours été respecté et dont la présomption d’innocence a toujours été respectée), ont installé une impression d’impunité dont les gilets jaunes qu’on dira "violents" n’ont pas bénéficié (et cela à juste titre).

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C’était l’histoire d’un type qui côtoyait les puissants, et en particulier les deux derniers Présidents de la République, et qui se croyait puissant lui-même. Le voici en prison pour l’aider à réfléchir sur la légalité de ses actes. L’affaire judiciaire ne fait que commencer.

Quant aux sénateurs de la commission des lois du Sénat, ils se réunissent ce mercredi 20 février 2019 à 8 heures à la Salle n°216 du Palais du Luxembourg pour examiner le rapport de la "mission d’information sur les conditions dans lesquelles des personnes n’appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de protection de hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements", dont les rapporteurs sont Muriel Jourda (LR) et Jean-Pierre Sueur (PS), ancien président de la commission des lois (2011-2014). Ils devraient notamment demander des poursuites pour faux témoignages. Dès sa publication, ce rapport sera lisible ici.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 février 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rapport de la mission sénatoriale sur l’affaire Benalla le 20 février 2019 (à télécharger quand il sera publié).
Benalla en prison : vers la fin de l’impunité ?
Alexandre Benalla dans les traces de Jérôme Cahuzac.
Jérôme Cahuzac.
Audition de Jérôme Cahuzac le 26 juin 2013 (texte intégral).
Audition d’Alexandre Benalla au Sénat le 21 janvier 2019 (vidéo à télécharger).
Audition d'Alexandre Benalla au Sénat le 19 septembre 2018 (vidéo à télécharger).
Benalla vs Sénat : 1 partout.
Audition de Patrick Strzoda au Sénat le 25 juillet 2018 (vidéo à télécharger).
Patrick Strzoda et le code du travail à la sauce Benalla.
Exemplaire et inaltérable la République ?
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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190219-benalla.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/benalla-en-prison-vers-la-fin-de-l-212820

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/02/20/37115361.html


 

 





 

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