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5 février 2019 2 05 /02 /février /2019 03:36

« Une belle idée qui n’aboutit pas vaut mieux qu’une mauvaise qui voit le jour. » (Pierre Dac, 1972).



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Au fil des débats auxquels il a participé, le Président Emmanuel Macron a essayé de pourfendre quelques idées reçues, en particulier concernant sa politique engagée depuis vingt mois. Néanmoins, dans ses échanges, il est tombé aussi, parfois, dans certaines idées reçues. Je me permets ici d’en citer quatre, sans prétendre à l’exhaustivité dans ce domaine, évidemment.


Idée reçue numéro une : le chômage se résoudra par la formation professionnelle

L’une des idées d’Emmanuel Macron est de faire une grande réforme de la formation continue. C’est un serpent de mer. On en parlait déjà il y a une dizaine d’années, ce n’est pas nouveau. L’idée est de rendre plus efficace, plus "productif", l’argent dépensée en formation professionnelle : qu’elle soit directement en rapport avec les besoins du marché de l’emploi.

Emmanuel Macron, et il n’a pas été le premier à le dire depuis une dizaine d’années, s’est ainsi plu à parler (souvent à partir d’exemples concrets, réels) d’entreprises qui n’arrivaient pas à recruter les bonnes compétences, qui avaient des postes non pourvus.

Ces situations existent évidemment, et nécessitent une réponse plus adéquate qu’aujourd’hui en termes de formation ou d’immigration (effectivement, s’il n’y a pas la compétence dans la communauté nationale, il faut la recruter à l’extérieur), mais elles sont évaluées à environ 300 000 emplois non pourvus. On est bien loin des plus de 4 millions de demandeurs de "vrai" emploi, c’est-à-dire correspondant à leurs compétences et à leur projet de vie.

Cela signifie que si cette action sur l’efficacité de la formation continue est évidemment nécessaire, elle est très largement loin d’être suffisante pour atteindre le plein-emploi. C’était pourtant la seule piste qu’a donnée Emmanuel Macron à Bourg-de-Péage concernant sa politique contre le chômage.


Idée reçue numéro deux : l’investissement locatif n’est pas productif

Emmanuel Macron n’aime pas les propriétaires d’immobilier. Il pense que ce sont des rentiers d’argent dormant. J’exagère peut-être même s’il y a mille sens au verbe "aimer", mais ce qui est sûr, c’est qu’il ne considère pas que l’argent investi dans la pierre soit de l’argent utilement investi dans l’économie.

_yartiMacron2019011504

Plusieurs actes le démontrent : il veut supprimer la taxe d’habitation, et on sait bien que par effet ricochet, la taxe foncière (celle qui impose les propriétaires de logement) va forcément augmenter car elle devient l’un de derniers leviers des collectivités territoriales.

De même, la suppression de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune, basé sur le patrimoine d’un foyer fiscal) a parallèlement été l’occasion de créer un nouvel impôt, l’IFI, qui est le même ISF mais uniquement sur la base du patrimoine immobilier (c’est sûr qu’on ne peut pas délocaliser les logements acquis quelque part).

Au-delà de l’erreur politique de ne pas avoir gardé le même nom à ce nouvel impôt sur la fortune, l’idée d’Emmanuel Macron, c’est qu’il faut encourager l’investissement sur des actions, sans prendre en compte qu’un investisseur anciennement imposé à l’ISF, sauf patriotisme forcené, peut aussi bien investir en France qu’à l’étranger (au même titre que redonner du pouvoir d’achat ferait augmenter la consommation, mais pas forcément au bénéfice des entreprises françaises).

Pourtant, l’investissement locatif est évidemment un investissement utile à l’économie nationale, et il est même indispensable de l’encourager encore pour répondre à la demande de nouveaux logements et réduire aussi les prix du marché qui jouent aussi sur la rareté de l’offre. Il aurait été donc plus cohérent de supprimer vraiment, c’est-à-dire complètement, l’ISF en ne gardant pas plus sa base immobilière que mobilière (notons d’ailleurs que ce nouvel impôt sur le patrimoine immobilier touche plus les petites fortunes que les très grosses qui ont une autre puissance d’investissement que les "petits" épargnants, "petits" restant cependant très relatif puisqu’il s’agit quand même de "fortunés").


Idée reçue numéro trois : on peut distinguer les routes dangereuses et pas dangereuses

S’il y a un domaine où Emmanuel Macron est sur le point de sombrer dans la démagogie, c’est sur la sécurité routière. Grand spécialiste de l’accidentologie routière, le professeur Claude Got l’a récemment épinglé à ce sujet : « Monsieur le Président, quand vous indiquez que l’on peut trouver "une manière plus intelligente de mettre en œuvre" la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure, cette phrase sous-entend un manque d’intelligence chez ceux qui l’ont proposée et décidée. Elle dévalorise la mesure, réduit son acceptabilité et finalement son efficacité. Elle légitime l’absence de respect de cette nouvelle règle. Une caractéristique est constamment vérifiée en matière de sécurité routière : les annonces modifient les comportements avant qu’elles ne deviennent effectives. » (20 janvier 2019).

L’actuel Président serait plutôt du même avis que son lointain prédécesseur, Georges Pompidou, qu’on cite ad nauseam (en oubliant alors qu’il fut aussi employé de chez Rothschild, il n’y a pas de petite récupération ni de grande contradiction), à savoir, qu’il faudrait arrêter d’emm@rder les Français (sous la période pompidolienne, la mortalité se mesurait à plus de 15 000 personnes tuées par an, avec un réseau et un parc automobiles beaucoup moins développés), et comme Emmanuel Macron a besoin de se raccommoder avec les élus locaux, la sécurité routière serait un bon levier qui, grand avantage, n’alourdit pas le budget de l’État.

Le "deal", en effet, ce serait à la fin de donner aux présidents des conseils départementaux la responsabilité de mettre la limitation de vitesse à 80 ou à 90 kilomètres par heure sous prétexte qu’ils sont responsables de l’entretien des routes départementales. Ce serait très habile car cela flatterait les élus locaux, mais ce ne serait pas très cohérent ni très responsable.

Pas très cohérent : depuis quand les mesures de sécurité routière doivent-elles être décentralisées ? comment serait-il possible qu’il y ait des routes qui traverseraient les départements avec des limitations de vitesse différentes ? où serait la logique du conducteur de bonne volonté ?

Mais surtout, pas très responsable, car, je le répète ici encore une fois, la mortalité routière ne dépend pas de l’état de la route, mais de la densité du trafic. Les routes les plus mortelles sont les plus denses en trafic, pas les plus abîmées.

_yartiMacron2019011502

Je termine ce point par l’excellente réflexion de l’éditorialiste politique Thomas Legrand le 29 janvier 2019, lui-même sanctionné à cause d’excès de vitesse : « Quel est le chiffre, le taux, que l’on veut faire diminuer ? Celui de l’impopularité des responsables politiques ou celui des morts sur la route et de l’émission de carbone dans l’air ? Si c’est le premier, alors il faut revenir sur les 80 km/h, si c’est les seconds, alors il faut garder la mesure sur l’ensemble du réseau routier, au moins pour la tester quelques années. ».

Et d’affirmer avec force : « Les élus locaux ne sont-ils pas les mieux placés pour en juger ? Eh bien non. S’il y a un domaine où il faut faire confiance aux spécialistes (osons le gros mot, aux technocrates), c’est bien celui-là. Il n’y a rien de plus contre-intuitif que l’accidentologie. Ce sont (hors autoroutes) sur les routes droites, apparemment sûres, bref, celles sur lesquelles on s’autorise à aller vite, qu’il y a le plus de morts. Alors que sur les petites routes tortueuses, sur lesquelles on ne peut pas aller vite, on constate moins d’accidents. La mortalité dans les Alpes n’est pas plus élevée que dans la plate Beauce. (…) Mais en ces temps de "gilet-jaunisation" forcée de tous les sujets, la complexité n’est pas particulièrement de mise. ».


Idée reçue numéro quatre : le scrutin proportionnel représente mieux le peuple

Le mode de scrutin est un sujet que j’ai déjà évoqué ici (et là). C’est un sujet crucial dans la bonne marche de notre démocratie représentative et je comprends mal qu’il ne soit pas constitutionnalisé pour empêcher qu’une majorité de circonstance ne cherche à se perpétuer en changeant la règle du jeu dans son propre intérêt (ce qu’avait tenté de faire François Mitterrand pour les élections législatives du 16 mars 1986).

Emmanuel Macron a dit à Bourg-de-Péage comme si c’était une évidence que le scrutin proportionnel permettait une meilleure représentation du peuple, ce qui est faux à plusieurs titres. C’est un sujet pour lequel il n’avait pas semblé avoir beaucoup de conviction avant la campagne présidentielle de 2017 et il avait d’ailleurs accepté et ajouté cet élément de son programme pour sceller son alliance avec François Bayrou.

Parlons déjà du projet précis d’Emmanuel Macron qui est en attente au Palais-Bourbon : un rapport (mystérieux) a prouvé, par des projections reprenant les résultats des élections de juin 2017, que le projet préconisé réduirait la représentation pluraliste de groupes politiques de l’opposition actuellement présents. Au lieu de l’augmenter, comme il l’affirme.

Mais plus généralement, le scrutin proportionnel, qui veut que les partis politiques décident totalement, complètement, des noms et de l’ordre des candidats, permettrait une meilleure représentation des partis politiques, et en particulier des partis les plus établis, mais pas du tout une meilleure représentation du peuple, des citoyens.

Il y a une réelle incohérence intellectuelle et politique de la part d’une majorité des gilets jaunes qui voudraient le scrutin proportionnel alors qu’en même temps, ils dénigrent, parfois avec raison, l’ensemble des partis politiques (et des syndicats, et des institutions en général). Or, le scrutin proportionnel ne fera la part belle qu’aux partis, aux partis déjà existants, et sûrement pas au citoyen qui n’aura plus la possibilité de choisir ses candidats, qui sera bloqué de choisir entre plusieurs listes.

D’ailleurs, son "opposé", l’actuel scrutin majoritaire, est le scrutin de l’électron libre par excellence : combien de candidats, fustigés et condamnés par leur parti respectif, et donc "dissidents", ont-ils malgré tout été élus contre les candidats "officiels" de leur parti ? L’exemple le plus frappant le 17 juin 2012 fut l’élection d’Olivier Falorni (réélu en 2017), candidat dissident du PS contre Ségolène Royal (aidé d’ailleurs de Valérie Trierweiler, mais ça, c’est une autre histoire).

Enfin, comment les députés pourraient-ils mieux représenter les Français si aucune majorité n’était capable de se former, si le gouvernement redevenait aussi impuissant qye sous la Quatrième République alors qu’il y a tant défis économiques, écologiques, diplomatiques, militaires aujourd’hui ?

Ce serait la mort, assurément, de la démocratie représentative qu’on tente aujourd’hui, dans un esprit responsable, de vouloir la sauvegarder en l’améliorant. Mais il faut se garder de préconiser des remèdes qui l’achèveraient. À l’instar de Pierre Dac (cité au début de l’article), il vaut mieux ne rien entreprendre que de créer de nouveaux problèmes très graves.

Car les institutions républicaines sont aujourd’hui la seule chose de réellement efficace dans notre pays, il faut absolument les maintenir et les stabiliser si l’on veut résoudre les problèmes économiques et sociaux bien plus importants et urgents, aux yeux des Français, que de précipiter le pays dans une aventurière paralysie des institutions qui pourrait être définitive et fatale. Nous n’aurons pas de second De Gaulle


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 février 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les risques d’un référendum couplé aux européennes.
Quatre idées reçues du Président Macron.
Grand débat national : un état des lieux plutôt que des opinions.
Emmanuel Macron face aux citoyens : Marianne en gilet jaune sans filtre.
Grand débat avec Emmanuel Macron le 24 janvier 2019 à Bourg-de-Péage (vidéo intégrale).
Les leçons du Traité d’Aix-la-Chapelle.
Texte intégral du Traité franco-allemand signé le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle (Aachen).
Débat citoyen avec Emmanuel Macron et Angela Merkel le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle (vidéo intégrale).
Grand débat avec Emmanuel Macron le 18 janvier 2019 à Souillac (vidéo intégrale).
L’incroyable prestation d’Emmanuel Macron à Grand-Bourgtheroulde.
Grand débat avec Emmanuel Macron le 15 janvier 2019 à Grand-Bourgtheroulde (vidéo intégrale).
Le grand n’importe quoi national selon Emmanuel Macron.
La lettre à tous les Français d’Emmanuel Macron le 13 janvier 2019 (à télécharger).
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Les vœux du Président Emmanuel Macron pour l’année 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 31 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
L'an 2019, la peur jaune et l'urgence économique et sociale.
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
La hotte du Père MacroNoël.
Ne cassons pas nos institutions !
La Révolution en deux ans.
Ivan Tourgueniev, toujours d'actualité ?
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 11 novembre 2018 à Paris.
10 et 11 novembre 2018 : la paix, cent ans plus tard.
Emmanuel Macron et le Vel’ d’Hiv’.
Dossiers de presse à télécharger sur les célébrations de 1918.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Maréchal, vous revoilà !
Texte intégral de l’allocution du Président Emmanuel Macron le 16 octobre 2018.
Emmanuel Macron : la boussole après les horloges.
Les nouveaux ministres dans le détail (16 octobre 2018).
Les étagères de l’Élysée.
La Cinquième République.
La réforme des institutions.
L’affaire Benalla.
La démission de Gérard Collomb.
La démission de Nicolas Hulot.
La démission de François Bayrou.
Emmanuel Macron et l’État-providence.
Emmanuel Macron assume.
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Pourquoi voter Bayrou ?
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190202-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/quatre-idees-recues-du-president-212294

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/02/02/37071134.html



 

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3 février 2019 7 03 /02 /février /2019 02:24

« Afin que les espérances dominent les peurs, il est nécessaire et légitime que nous nous reposions ensemble les grandes questions de notre avenir. (…) Au moins montrerons-nous que nous sommes un peuple qui n’a pas peur de parler, d’échanger, de débattre. » (Emmanuel Macron, Lettre aux Français, 13 janvier 2019).



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Depuis trois semaines, les deux têtes de l’Exécutif ne lésinent pas sur leur énergie faire vivre ce grand débat national. Le Président de la République Emmanuel Macron a débattu avec des maires de Normandie le 15 janvier 2019 à Grand-Bourgtheroulde, avec des maires d’Occitanie le 18 janvier 2019 à Souillac, avec de "simples citoyens" (dont des gilets jaunes) le 24 janvier 2019 à Bourg-de-Péage, avec des maires de communes d’Outremer réunis le 1er février 2019 à l’Élysée, enfin, avec d’autres citoyens le 4 février 2019 à Évry. Le Premier Ministre Édouard Philippe a lui aussi débattu avec les Français le 25 janvier 2019 à Sartrouville, le 31 janvier 2019 à Juvisy-sur-Orge, et le 31 janvier 2019 à Lénax (dans l’Allier). Quasiment tous ces débats avec le pouvoir exécutif ont été retransmis en direct par les chaînes d’information continue, sauf le débat avec les maires d’Outremer (LCI a commencé à diffuser les premières minutes et s’est vite lassée, si bien que France Ô, vouée à disparaître sur le réseau national TNT, a pris la relève). Sans compter qu’Emmanuel Macron a rencontré des journalistes à l’Élysée le 31 janvier 2019 (ce qui est rare, au contraire de son prédécesseur).

Au fil des débats, les thèmes et les réponses reviennent forcément, ce qui laisse une certaine limite au principe de ces échanges. Je crois, comme je l’ai dit, que ce grand débat national, qui est un grand déballage national, a peut-être son utilité "psychologique" (le sentiment de ne pas se sentir écouté est très partagé), mais risque de mal finir "politiquement", car comment assurer qu’on écoute si l’on ne concrétise pas les propositions multiples des uns et des autres, parfois antagonistes ? Cela va forcément engendrer des frustrations et des déceptions, sans compter l’angoisse de la déstabilisation sociale, économique, fiscale, institutionnelle, de toute la société pendant cette période de grande incertitude.

_yartiMacron2019011302

Pour l’instant, la participation au grand débat national est plutôt un succès : au 2 février 2019, il y a 3 234 réunions passées ou prévues et 161 060 contributions (je ne retrouve pas le nombre de 550 000, communiqué par le gouvernement il y a quelques jours, mais je n’ai pas compté les comptes-rendus de réunions locales).

Le sociologue Bruno Latour, invité de la matinale de France Inter le 18 janvier 2019, ne trouvait pas cohérent, quand on est au pouvoir, élu sur un projet, d’inciter les citoyens à donner leurs propositions pour leur pays, car c’est le rôle d’une campagne présidentielle, mais il aurait trouvé judicieux que cette expression des citoyens fût provoquée par une autre question : pas "que proposez-vous ?" mais "quels sont les problèmes que vous rencontrez dans la vie de tous les jours ?". Cela aurait eu l’avantage de poser un audit, un diagnostic avant de chercher à proposer des solutions. On ne résout bien les problèmes qu’en les posant bien initialement.

En clair, Bruno Latour aurait préféré inciter les Français à faire un état des lieux exhaustif des difficultés rencontrées dans le pays, plutôt que leur demander leurs opinions alors que certains sujets demandent à prendre de la hauteur, nécessitent parfois des connaissances approfondies, et surtout, imposent de prendre en considération l’intérêt général et pas son propre intérêt (résoudre mes problèmes personnels) ou des intérêts catégoriels de toutes sortes.

La responsabilité d’un gouvernement, l’acte politique fort, c’est ce qu’il propose comme réponse à cet état des lieux, pas satisfaire les propositions de tout le monde. C’est le gouvernement qui est le mieux placé (et c’est son boulot d’ailleurs) de faire des propositions politiques, mais ce sont les citoyens qui sont les plus aptes à décrire la situation réelle du pays. En substance : "Il ne faut pas demander aux gens leurs opinions, il faut leur demander de décrire les situations dans lesquelles ils sont".

Ce n’est pas vers quoi l’on tend avec ce grand débat national. Cela ressemble plus à une campagne électorale où l’Exécutif veut autant écouter que se justifier, c’est-à-dire, expliquer sa propre politique. Et dans cet art, Emmanuel Macron excelle, évidemment. On aura du mal à parler d’arrogance après ces échanges. On peut parler de distance, voire de fossé (sa vie n’est pas celle que partagent la plupart des Français), mais parler d’arrogance, c’est concrètement contradictoire avec ce qu’il est en train de faire maintenant, s’asseyant humblement au milieu des autres à prendre en face, yeux dans les yeux, les critiques les plus vives et à y répondre le plus simplement possible.

Chose intéressante, Emmanuel Macron est prêt à ramer à contre-courant et à chasser les idées reçues. Dans ses échanges à Bourg-de-Péage, le 24 janvier 2019, il l’a fait plusieurs fois, notamment à propos de lui-même, de la critique d’avoir été chez Rothschild, etc.

Visiblement, il était en colère froide (« Je ne suis pas né avec une cuillère dans la bouche. », oubliant "en argent") lorsqu’il a rappelé qu’il s’est fait tout seul et grâce à l’éducation de ses parents, qu’il n’a pas été le fils d’énarque, qu’il n’a pas été le fils d’un banquier, et que toutes les responsabilités qu’il a obtenues étaient méritées. Il a même été jusqu’à dire que si son ancien employeur bancaire n’avait pas été Rothschild mais un nom plus "ordinaire", il n’y aurait pas eu toutes ces critiques, laissant entendre que l’antisémitisme était une part de la motivation de toutes ces critiques.

Notons au passage que je ne vois aucun problème à ce qu’une personne ayant travaillé pour un grand groupe privé fasse de la politique et s’investisse au service de tous les citoyens et de l’intérêt général (dès lors qu’il a quitté ses fonctions et son emploi dans ce groupe privé). Ce qui est plus douteux et critiquable, voire scandaleux, c’est plutôt l’inverse : après avoir eu de grandes responsabilités politiques (du moins publiques), ayant eu accès à des réseaux et à des informations parfois très sensibles, les utiliser pour son intérêt privé et celui d’un éventuel employeur privé (ce fut le cas de José Manuel Barroso, mais pourrait aussi l’être, dans une moindre mesure, celui d’Alexandre Benalla). Chez les hauts fonctionnaires (au service du bien public), on appelle cela d’ailleurs "pantouflage" qui est une pratique malsaine de mélange des genres.

Mais là, Rothschild, c’était personnel et pas politique. Plus intéressant, ce fut sur le (fameux) "référendum d’initiative citoyenne". Pour s’opposer au principe généralisé du référendum pour tous les sujets, Emmanuel Macron a fait un développement intéressant sur le déficit de confiance vis-à-vis d’institutions intermédiaires chargées de donner la "vérité" sur des sujets très techniques (scientifiques, médicaux, économiques, juridiques, etc.).

Or, aujourd’hui, avec ce qu’on appelle "fake news", il y a une offensive très intense pour mettre les citoyens dans l’erreur en diffusant des fausses informations, qui sont crues d’autant plus facilement qu’ils ne portent plus crédits à des organismes qui ont cette connaissance et cette compétence. Il est vrai que les communiqués optimistes sur les nuages radioactifs après la catastrophe de Tchernobyl n’ont pas aidé au maintien de cette confiance.

_yartiMacron2019012403

Beaucoup d’exemples sont à l’esprit : récemment, sur le Traité d’Aix-la-Chapelle, mais aussi sur le TCE où n’importe quoi a été dit (rétablissement de la peine de mort, augmentation du temps de travail à 48 heures par semaine, etc.), ce qui a fait infléchir l’opinion de beaucoup d’hésitants.

Emmanuel Macron a donné l’exemple très instructif du Brexit : il y a trois ans, les promoteurs du "oui" (au Brexit) ont dit n’importe quoi pour faire triompher leurs vues, que les Britanniques gagneraient immédiatement 30 ou 40 milliards d’euros, que l’immigration serait stoppée, qu’il serait facile de quitter l’Union Européenne du jour au lendemain. Maintenant qu’on a du recul (et ce n’est pas terminé), on voit comment c’est compliqué de sortir de l’Union Européenne, à la suite de près de trois ans de négociations douloureuses et épuisantes, que le mur avance à vitesse rapide sans aucune solution (Brexit sans "deal"), que cela va coûter très cher aux Britanniques, que l’immigration n’est pas stoppée. Et d’ailleurs, les promoteurs démagogues du Brexit ne s’y sont pas trompés, poules mouillées, ils ont déserté les responsabilités politiques, ils se sont bien gardé de faire le service après-vente de leur victoire référendaire…

Dès lors qu’il n’y aurait plus d’institutions dignes de confiance pour délivrer une parole de vérité, scientifique, économique, etc., quand je dis "dignes de confiance", c’est-à-dire dont les informations, vérifiables, sont comprises et acceptées de tous, une campagne référendaire serait une pleine jungle sans règles où les groupes de pression les plus habiles ou les plus puissants imposeraient "leurs" vérités et influenceraient de manière déterminante la réponse des citoyens. En somme, le règne de l’ultralibéralisme si décrié, mais décliné sur le plan démocratique. Cela sert à cela, la démocratie représentative : des régulations pour que la parole du peuple ne soit pas une parole de tyrannie (je rappelle la belle définition de la démocratie par Albert Camus : « La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. »).

C’est pourquoi Emmanuel Macron considère qu’il y a un travail à faire en amont avant de verser systématiquement dans la "démocratie directe" pour que tous les citoyens puissent être éclairés convenablement de la réalité, c’est-à-dire, du point de départ, de l’existant, avant de prendre position pour l’avenir.

Cette confrontation des idées, Emmanuel Macron l’apprécie et même l’adore, et sans doute que cela l’a aidé dans sa conquête inattendue (et parfaitement démocratique) de l’Élysée. Cette capacité à tordre les idées reçues est intéressante, mais malheureusement, cela ne l’exonère pas de diffuser lui-même des idées reçues et de les prendre comme bases pour de futures propositions politiques. C’est l’objet de mon prochain article.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 février 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Quatre idées reçues du Président Macron.
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Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
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Pourquoi voter Bayrou ?
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La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.

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25 janvier 2019 5 25 /01 /janvier /2019 03:27

« Donnez-moi un pays où ces discussions entre les citoyens et le Président de la République, on peut les avoir. » (Emmanuel Macron, le 24 janvier 2019 à Bourg-le-Péage).


_yartiMacron2019012401

C’est tout le paradoxe de la démocratie et de la liberté, on peut crier librement qu’on n’est pas en démocratie et que la liberté est bafouée. Pour des nations comme la France, la démocratie et la liberté sont certes toujours à perfectionner, à améliorer, à renforcer, elles ne sont jamais acquises, mais il est faux de dire que nous ne sommes pas en démocratie et que nous ne sommes pas en liberté. Le fait de pouvoir l’exprimer publiquement infirme le propos lui-même !

Ce qu’a rappelé le Président Emmanuel Macron ce jeudi 24 janvier 2019 devant trois cents citoyens, dont des gilets jaunes, à Bourg-de-Péage (dans la Drôme), dans un échange direct qui n’était pas initialement prévu (les participants au débat animé notamment par Didier Guillaume, ancien sénateur-maire PS de Bourg-de-Péage et nouveau Ministre de l’Agriculture, ne savaient pas qu’ils auraient la visite de cet illustre débatteur). On peut regarder la vidéo de l’événement ici.

Il faut rajouter à cette phrase mise en tête d’article que c’est aussi la première fois qu’un Président de la République française se prête au jeu. Emmanuel Macron, excellent dans la confrontation directe, sans discours préalablement écrit (comme Thiers, très bon débatteur mais liseur ennuyeux de ses textes préparés), dans la spontanéité des arguments, s’est déjà prêté à ce jeu du dialogue avec les citoyens trois fois : une fois le 15 janvier 2019 à Grand-Bourgtheroulde devant six cents maires de Normandie (vidéo ici), une fois le 18 janvier 2019 à Souillac devant six cents maires d’Occitanie (vidéo là), et maintenant, sans filet, sans filtre des élus locaux, directement avec le peuple, celui des gilets jaunes mais aussi des autres, de tous les autres, le 24 janvier 2019 à Bourg-de-Péage.

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Finalement, le filtre des maires était très mince : les citoyens non élus ont respecté Emmanuel Macron autant que les maires l’ont respecté, ce qui est heureux dans une démocratie avancée où la politesse et la courtoisie sont le minimum qu’on peut attendre d’un dialogue engagé entre le peuple et le pouvoir.

C’est très nouveau en France, mais aussi partout dans le monde. En France, Nicolas Sarkozy aurait sans doute pu, moins bien sûrement, se prêter à cet exercice. Il avait fait une tentative pas très spontanée en se faisant questionner, dans plusieurs émissions de télévision, par plusieurs "citoyens" triés sur le volet (notamment le 12 mars 2012 sur TF1 dans la cadre de la précampagne présidentielle), mais le filtre était bien plus épais que celui des élus locaux. En revanche, François Hollande, trop obsédé par son dialogue avec les journalistes, en aurait été bien incapable, tout comme Valéry Giscard d’Estaing, pour une autre raison, celle de la condescendance quasi-aristocratique. Quant à François Mitterrand et Jacques Chirac, cela n’aurait été que d’éventuelles opérations de communication plus ou moins réussies. François Mitterrand avait vaguement réussi à se montrer blécâ devant Yves Mourousi le 29 avril 1985 sur TF1 alors que Jacques Chirac avait lamentablement avoué à la télévision le 14 avril 2005 à des jeunes qui participaient à l'émission qu’il ne les comprenait pas à l'occasion du débat référendaire sur le TCE.

Cela me fait d’ailleurs penser que la France, du coup, a dépassé les États-Unis dans les échanges directs, ce qui est peut-être une question de génération. Il y a un certain temps, j’ai travaillé pour un grand groupe industriel américain dont le cœur de métier est l’innovation, et je n’avais que trois liens hiérarchiques avec le CEO (l’équivalent de PDG), là où, dans une entreprise français équivalente, j’aurais eu au moins une dizaine de liens hiérarchiques, et l’étonnant, c’était que j’avais la possibilité, chaque année, de le rencontrer et de lui parler personnellement, pas seulement, comme en France, d’assister à des grand-messes avec tous les salariés du groupe, mais j’aurais eu aussi la possibilité de lui parler directement, yeux dans les yeux, si j’avais une idée à laquelle je tenais et que je voulais faire avancer, et que ma "hiérarchie" aurait refusée ou freinée.

Mais sur le plan politique, c’est beaucoup plus rare. Emmanuel Macron, on voit au contraire qu’il s’épanouit dans ce type d’échanges. Il a participé à un débat de ce genre pas plus tard que le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle (vidéo ici), en compagnie de la Chancelière Angela Merkel, en marge de la signature du Traité d’Aix-la-Chapelle, avec des étudiants d’Aix-la-Chapelle (Aachen). Il avait déjà eu ce même type d’échanges au même endroit, à Aix-la-Chapelle, le 10 mai 2018.

À Bourg-le-Péage, Emmanuel Macron a ainsi tenté d’expliquer ses positions politiques, j’y reviendrai probablement. Il avait auparavant visité une maison de jour pour personnes âgées, à la retraite donc, qui confectionnaient des décorations pour la Saint-Valentin. Le Président de la République y a passé beaucoup de temps, discutant à droite et à gauche, ses interlocuteurs semblaient à peine intimidés. Quand un retraité lui a montré sa fiche de retraite, il lui a expliqué qu’il faisait partie sans doute de la génération privilégiée du Baby Boom, à savoir, quel lorsqu’ils étaient actifs, ils finançaient la retraite de peu de personnes âgées car il y a eu beaucoup de morts lors des deux dernières guerres, et que maintenant, la natalité a baissé et il y a beaucoup plus de retraités par actif. C’est parce que les retraites sont financées par redistribution et pas par capitalisation (modèle qu’il veut conserver) que le système de retraites est perturbé par les effets démographiques.

J’ai déjà exprimé ici (et je la renouvelle) mes réticences sur ce grand débat national, parce que je le considère comme anxiogène, capable de remettre en cause beaucoup d’éléments de stabilité de la société française, et parce que l’issue de ces débats suscitera forcément beaucoup de frustration et le sentiment de ne pas avoir été écouté par le pouvoir. Par ailleurs, son champ d’application est trop vaste, trop multiple, et le temps imparti (deux mois) beaucoup trop court.

Mais il est néanmoins patent que l’initiative présidentielle est un grand succès. Pour preuve, depuis deux semaines, on ne parle plus que de cela dans les médias et pas des blocages de ronds-points des gilets jaunes. Le grand succès, il peut aussi se mesurer par l’initiative des citoyens et des élus qui ont organisé à ce jour (25 janvier 2019) déjà 1 255 rencontres (passées ou à venir) pour échanger sur les quatre thèmes proposés par le gouvernement. C’est énorme !

Et cela donne une idée du besoin d’expression. En fait, cet exercice, je le faisais au moins deux ou trois soirs par mois quand j’étais étudiant, engagé dans un mouvement politique, avec une dizaine d’autres qui voulaient, comme moi, réinventer le monde, le rendre meilleur, plus juste, plus logique, plus facile. Nos contributions, nous les faisions bien sûr remonter, jusqu’à des ministres, des candidats à la présidentielle, etc. Mais ceux qui n’ont jamais eu d’engagement politique (c’est-à-dire la très grande majorité des citoyens), ils n’ont pas eu accès à ce genre de débat sauf dans des structures de type "café du commerce" sans jamais aucune remontée vers ceux qui décidaient.

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C’est cela qu’aura réussi à enclencher Emmanuel Macron : créer du lien. Oui, aller dans une réunion de débat national, il faut être un peu fou, finalement. On peut y aller seul, parmi plein d’inconnus et les moins timides sont capables de prendre la parole, de donner leur point de vue, parfois, d’expliquer la difficulté de leur situation personnelle. Cela crée de l’empathie et cela crée du lien. Une complicité à la fois intellectuelle et affective.

Car finalement, comme tous les mouvements sociaux, le mouvement des gilets jaunes, au-delà de leurs revendications, a lui aussi créé du lien, c’est pour cela qu’il est difficile de l’arrêter (il a même été à l’origine, il me semble, d’un mariage, félicitation !). Au début du mouvement, on entendait beaucoup de gilets jaunes dire qu’ils se croyaient seuls dans la situation de ne pas pouvoir joindre les deux bouts, et sur les ronds-points, ils se sont aperçus qu’ils n’étaient pas seuls, que beaucoup étaient dans ce cas. Cette prise de conscience a aussi créé des liens, des liens humains qui resteront (on peut l’espérer).

D’ailleurs, Laurent Wauquiez, président de LR et président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, a encore raté une occasion de se taire le 24 janvier 2019 lorsqu’il disait qu’Emmanuel Macron était dans une bulle (du reste, la même que la sienne), qu’il n’allait pas au contact avec le terrain, avec le peuple, puisque c’est justement ce qu’il a fait quelques heures plus tard. En disant cela, d’ailleurs, Laurent Wauquiez validait l’idée présidentielle du grand débat national, puisqu’il en demandait plus, tout comme le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a joué le jeu en annonçant que son parti organiserait lui aussi des débats.

Une France qui débat, une France qui se crée des liens, une France considérée comme une grande famille. Certes, une France qui a du temps pour s’investir dans ce type de nouvel engagement. Il est clair que le pari d’Emmanuel Macron est en passe d’être gagné. Pouvoir se redresser face à l’adversité. Même les sondages depuis deux semaines semblent le convaincre qu’il a pris la bonne voie.

Il reste que la conclusion de tous ces débats sera la clef de voûte de cette "séquence", comme on dit, mais il semble maintenant acquis que le mouvement des gilets jaunes a laissé place à ce grand débat national, d’autant plus qu’une liste de gilets jaunes commence à s’organiser pour la campagne des élections européennes du 26 mai 2019, menée par la très médiatique Ingrid Levavasseur, qui aurait un potentiel de …dix élus au Parlement Européen. C’est énorme, plus que Les Républicains et le PS réunis !

Que la violence de la Place de l’Étoile cède la place à des échanges apaisés, même si passionnés, entre citoyens est rassurant pour l’avenir de la France.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron face aux citoyens : Marianne en gilet jaune sans filtre.
Grand débat avec Emmanuel Macron le 24 janvier 2019 à Bourg-de-Péage (vidéo intégrale).
Les leçons du Traité d’Aix-la-Chapelle.
Texte intégral du Traité franco-allemand signé le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle (Aachen).
Débat citoyen avec Emmanuel Macron et Angela Merkel le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle (vidéo intégrale).
Grand débat avec Emmanuel Macron le 18 janvier 2019 à Souillac (vidéo intégrale).
L’incroyable prestation d’Emmanuel Macron à Grand-Bourgtheroulde.
Grand débat avec Emmanuel Macron le 15 janvier 2019 à Grand-Bourgtheroulde (vidéo intégrale).
Le grand n’importe quoi national selon Emmanuel Macron.
La lettre à tous les Français d’Emmanuel Macron le 13 janvier 2019 (à télécharger).
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Les vœux du Président Emmanuel Macron pour l’année 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 31 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
L'an 2019, la peur jaune et l'urgence économique et sociale.
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
La hotte du Père MacroNoël.
Ne cassons pas nos institutions !
La Révolution en deux ans.
Ivan Tourgueniev, toujours d'actualité ?
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 11 novembre 2018 à Paris.
10 et 11 novembre 2018 : la paix, cent ans plus tard.
Emmanuel Macron et le Vel’ d’Hiv’.
Dossiers de presse à télécharger sur les célébrations de 1918.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Maréchal, vous revoilà !
Texte intégral de l’allocution du Président Emmanuel Macron le 16 octobre 2018.
Emmanuel Macron : la boussole après les horloges.
Les nouveaux ministres dans le détail (16 octobre 2018).
Les étagères de l’Élysée.
La Cinquième République.
La réforme des institutions.
L’affaire Benalla.
La démission de Gérard Collomb.
La démission de Nicolas Hulot.
La démission de François Bayrou.
Emmanuel Macron et l’État-providence.
Emmanuel Macron assume.
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Pourquoi voter Bayrou ?
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190124-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/marianne-en-gilet-jaune-sans-212005

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/01/25/37047416.html





 

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24 janvier 2019 4 24 /01 /janvier /2019 21:17

(vidéo)

Le Président Emmanuel Macron a poursuivi le grand débat national avec une réunion trois heures et quart le jeudi 24 janvier 2019 à Bourg-de-Péage, dans la Drôme, rassemblant trois cents citoyens dont des gilets jaune. Cette réunion peut être revue en vidéo ici.

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190124-macron.html

La lettre aux Français d'Emmanuel Macron du 13 janvier 2019 :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190113-macron.html







Le site officiel du Grand Débat National :
https://granddebat.fr/


SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190124-video-macron-bourg-de-peage.html



 

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18 janvier 2019 5 18 /01 /janvier /2019 21:20

(vidéo)

Le Président Emmanuel Macron a poursuivi le grand débat national avec une réunion six heures et demi le vendredi 18 janvier 2019 à Souillac, dans le Lot, rassemblant plus de six cents maires d'Occitanie. Cette réunion peut être revue en vidéo ici.

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190124-macron.html

La lettre aux Français d'Emmanuel Macron du 13 janvier 2019 :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190113-macron.html







Le site officiel du Grand Débat National :
https://granddebat.fr/


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http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190118-video-macron-souillac.html


 

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18 janvier 2019 5 18 /01 /janvier /2019 03:41

« J’imagine (…) que vous ne critiquez pas ces maires, ni leurs propos, ni leur attitude vis-à-vis du Président de la République. Ils avaient la volonté d’échanger, de dire ce qu’ils sentaient de la situation de leur commune, de notre pays. Ils attendaient des réponses du Président. Je n’ai pas souvenir (…), mais peut-être que ma mémoire est défaillante, d’un tel exercice, aussi direct et "en direct". Je pense (…) que nos concitoyens ont constaté qu’il y avait un véritable échange. » (Édouard Philippe, à la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée Nationale, le 16 janvier 2019).



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Presque sept heures de discussion ininterrompue avec plus de six cents maires. Performance autant physique qu’intellectuelle. Voilà ce que fut le lancement du grand débat national ce mardi 15 janvier 2019 par le Président de la République Emmanuel Macron avec des centaines d’élus locaux de Normandie réunis dans un gymnase à Grand-Bourgtheroulde, dans l’Eure. Monsieur Loyal était l’ancien président du conseil général, l’actuel ministre Sébastien Lecornu, qui a pris la responsabilité de l’animation du grand débat national avec sa collègue Emmanuelle Wargon.

Quelle que soit sa position, pour ou contre le gouvernement, pour ou contre le principe de ce débat national, on ne peut que saluer la prestation présidentielle qui est un véritable exploit. Emmanuel Macron a été humble, à l’écoute, direct, empathique et compétent.

Alors qu’il est plutôt moyen tant dans la forme orale de l’allocution télévisée que dans la forme écrite de la très récente lettre aux Français, il est toujours particulièrement brillant dans la confrontation des idées et dans le débat contradictoire. On se rappelle l’excellente émission télévisée sur BFM-TV le 15 avril 2018 où Emmanuel Macron avait brillé face aux questions "vaches" de Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel. Non seulement il a montré un profil bas et d’écoute à Grand-Bourgtheroulde, mais il était intellectuellement solide, le contraire de Marine Le Pen lors de son duel du second tour : Emmanuel Macron sait de quoi il parle, connaît les enjeux, les dossiers, a une vision de l’avenir, connaît les différents arguments et sait argumenter et donc, peut convaincre.

C’est un constat factuel. Emmanuel Macron a été excellent. Du reste, toute la classe politique le reconnaît, même des personnalités issues de l’opposition comme au RN ou à FI. Même Daniel Schneidermann, journaliste dont on ne peut soupçonner le moindre gramme de macronmania, a bien dû le reconnaître dans sa chronique du 16 janvier 2019 : « Finement joué. (…) Endurant, respectueux, connaissant les dossiers : c’est le retour du Manu de la campagne. Fine idée, d’avoir commencé par les maires la tentative de reconquête, plutôt que par le peuple des ronds-points. Tous les Barbier de toutes les chaînes peuvent savourer, et ne s’en privent pas, ce nectar de démocratie représentative. ».

Sauf que tous ces maires, de toutes tendances confondues, qui avaient accueilli Emmanuel Macron de manière assez glaciale au début de l’exercice, lui ont fait une ovation à la fin pour avoir su les écouter et leur répondre sans fuir les questions difficiles ou délicates. Et ces maires, ils représentaient aussi cette France des ronds-points. Les sondages d’ailleurs le disent, les maires sont les mieux aimés des citoyens parce qu’ils sont proches d’eux.

Les réflexions et questions posées pendant près de sept heures par ces maires représentaient les nombreuses préoccupations des citoyens, de tous les citoyens, pas seulement des seuls élus locaux, même si les inquiétudes concernant la ruralité, l’éloignement et la désertification des territoires ont été un peu plus fortes que parmi les citoyens en général.

Beaucoup de maires ont d’ailleurs lu les cahiers de doléances déjà remplis dans leur mairie. "Doléances", mauvais souvenir de 1788. On sait ce qu’il est advenu du pouvoir à la suite de ces cahiers de doléances. C’était donc normal qu’Emmanuel Macron n’ait pas apprécié le terme qui signifierait que les citoyens viendraient quémander au pouvoir des cadeaux, alors qu’il n’est pas le roi de droit divin. Il préfère à ce terme le terme de cahiers des droits et devoirs. Pas de droit sans devoir. Pas de baisse d’impôt sans baisse de la dépense publique.

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L’expérience de communication a été exceptionnelle et sera inscrite dans la grande histoire de la communication politique. Jamais un chef d’État ne s’est mis autant en danger devant autant de questions quasiment sans aucun filtre. Le seul cadre, c’était la garantie que les échanges seraient courtois et qu’il n’y aurait aucune insulte, car le seul filtre était que les interlocuteurs étaient des maires, ce qui signifie qu’ils devaient avoir un minimum de tenue pour s’adresser au Président de la République.

L’ensemble a montré une véritable connaissance de l’ensemble des problèmes de la France de la part d’Emmanuel Macron. Connaissance, écoute, mais aussi réflexion en amont sur ce qu’il voit comme solutions, ou alors, ouverture s’il faut modifier certaines lois, notamment faites par ses prédécesseurs.

Je peux citer beaucoup de choses, car beaucoup de choses ont été dites durant ces sept heures (j’encourage à écouter la vidéo visible ici). Prenons quelques éléments, parfois des détails par rapport aux principales préoccupations des Français.

Par exemple, demander une carte grise ou renouveler sa carte d’identité ou son passeport. Avec la numérisation, cela devient un vrai problème. Emmanuel Macron estime qu’on avait pensé que la numérisation permettait de ne plus immobiliser des fonctionnaires derrière des guichets et les affecter sur le terrain. Mais c’était sans comprendre que tout le monde ne s’adapte pas forcément bien à l’informatique, en particulier les plus âgés. Ainsi, il n’est pas contre l’idée d’une relocalisation dans toutes les mairies des demandes de ces papiers administratifs.

Plus généralement, Emmanuel Macron est un correcteur. Il est pour corriger les bonnes idées générales qui peuvent entraîner des aberrations particulières. Ainsi, il explique que simplifier la bureaucratie n’est pas facile à faire et peut même risquer de compliquer. Sur les normes, il a donné une règle aux hauts fonctionnaires des ministères de ne créer une nouvelle norme que dans le cas où, simultanément, ils supprimeraient deux anciennes normes. Du coup, en 2018, il y a eu beaucoup moins de décrets sur de nouvelles normes que précédemment. De même, il souhaite que les parlementaires légifèrent moins (il y a trop de lois) et contrôlent plus, tant l’exécutif que l’application des lois (avec une évaluation des lois). Dans certains pays, quand les décrets d’application ne sont pas publiés au bout d’un délai, les lois sont annulées automatiquement car cela veut dire qu’elles sont inutiles puisque pas applicables. Si j’ai bien entendu, Emmanuel Macron a donné le nombre de 96% de décrets d’application publiés depuis le début de son mandat.

La fermeture de la maternité de Bernay a été évoquée. Emmanuel Macron a expliqué que c’est l’ARS (une autorité indépendante) qui a considéré que cette maternité était dangereuse. Il a fait état du décès d’une mère et de son bébé dans une maternité dans le Sud de la France. S’il y avait un accident dans la maternité à Bernay, on s’en prendrait aussi à lui, surtout s’il avait voulu maintenir la maternité contre l’avis de l’ARS.

Même sur la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure (j’y reviendrai certainement), Emmanuel Macron a voulu être accommodant au risque de donner un mauvais signal, prêt à chercher des nouvelles solutions pour mettre tout le monde d’accord, mais, toujours dans sa politique du "en même temps", il a assuré qu’il ne voulait pas remettre en cause cette règle car il n’oserait plus regarder en face les familles des victimes de la violence routière.

Notons à cet égard, et il faut vraiment insister, que la presque totalité des éditorialistes qui parlent beaucoup sans connaître grand-chose du sujet de discussion, ont proposé que la limitation de vitesse soit faite au cas par cas, dans chaque commune, chaque département, en concertation avec les élus locaux, et que la décision n’aurait pas dû être prise "d’en haut". Alors, précisons les choses : la route ne tue pas parce qu’elle est dans un sale état, ou parce que c’est une petite route sinueuse de montagne. En général, dans ces deux cas, les gens font attention. La route tue parce que la densité est forte : plus il y a de circulation, plus il y a de morts par 100 kilomètres. Et généralement, ces routes à forte circulation sont souvent refaites, nécessairement, et sont donc dans un bon état. Mais ce sont les routes les moins sûres, en termes de sécurité routière. Répétons et diffusons donc ce qui est une règle élémentaire pour toute personne qui s’intéresse un peu à l’accidentologie routière.

J’ai évoqué seulement très peu de sujets abordés. Même l’interdiction du cumul des mandats a été abordée par les élus… et Emmanuel Macron resterait ouvert pour "assouplir"la règle qui interdit aux parlementaires tout mandat local. Il a mis juste une limitation en disant que les indemnités cumulées devraient être plafonnées (c’était le cas depuis …trente ans !).

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L’intérêt du débat national, selon l’esprit d’Emmanuel Macron, c’est de faire émerger de bonnes idées que n’aurait pas eues le gouvernement. Pourquoi pas ? Le problème, c’est qu’au-delà de ce brillant exercice, les difficultés ne sont pas levées.

Ainsi, le risque est que le gouvernement profite de ce grand déballage national pour faire passer l’abandon de certaines réformes, comme la suppression pour tout le monde de la taxe d’habitation et pas seulement à 80% des personnes qui la paient.

Rappelons que le seuil pour être classé parmi les 20% des ménages payant l’impôt est très bas et n’est pas un seuil de ceux qui sont riches et aisés. C’est le seuil de la classe moyenne. Cela concerne 6 millions de foyers, qui ont des revenus supérieurs à 2 500 euros par mois pour un célibataire ou 4 000 euros par mois pour un couple, cela signifie qu’un couple d’enseignants, qui ne roule donc pas sur l’or, est concerné par la mesure de suppression totale de la taxe d’habitation. Le passage de 80% à 100% coûte 7 milliards d’euros, on comprend que le gouvernement cherche par tous les moyens d’éviter de perdre des milliards. Mais à condition que ce soit juste et que la classe moyenne, la véritable vache à lait des gouvernements depuis plus de trente ans, puisse un peu souffler, fiscalement parlant.

Comme aussi la réforme des institutions. Là, j’ai déjà évoqué plusieurs fois le sujet, je ne suis pas plus rassuré, même si j’ai entendu une excellente députée LREM, Marie Lebec (Yvelines) dire le 15 janvier 2019 sur LCP qu’elle veut préserver nos institutions et le bicaméralisme.

La manière dont le Sénat a été remis en cause par la lettre aux Français par Emmanuel Macron a été d’autant plus scandaleuse que le Président du Sénat, Gérard Larcher, n’a même pas été averti de cette insertion. C’est ce qu’il a dit dans sa conférence de presse de rentrée ce jeudi 17 janvier 2019, et cela l’a profondément agacé, rappelant au Président de la République qu’aucune révision de la Constitution ne pourrait de toute façon se faire sans l’accord du Sénat, car c’est l’obligation de la loi fondamentale. D’ailleurs, tous les sénateurs questionnés, quel que soit leur bord, ont été sérieusement agacés par ce populisme écrit d’Emmanuel Macron. Cela dans un contexte particulier : de nouvelles auditions par le Sénat dans l’affaire Benalla, le 16 janvier 2019, sans lesquelles Alexandre Benalla n’aurait jamais été placé en garde-à-vue ce 17 janvier 2019 pour utilisation illégale de passeports diplomatiques. C’est clair que l’Assemblée Nationale n’aurait jamais atteint un tel résultat.

J’en viens maintenant à cette dichotomie élyséenne qui a permis la victoire à l’élection présidentielle mais qui pourrait aussi fédérer tous les mécontents.

J’ai considéré que la lettre aux Français du 13 janvier 2019 était profondément anxiogène. En considérant que tout pouvait être remis en cause, cela pouvait susciter une forte angoisse chez tout le monde. La société française est complexe et a besoin de stabilité.

Le sujet des institutions est une tarte à la crème profondément scandaleuse et dangereuse à utiliser : tout le monde sait bien que le problème actuel n’est pas un problème d’institutions mais d’acteurs dans ces institutions. On peut toujours perfectionner les institutions, les adapter aux époques, et l’on peut même imaginer un mécanisme de débat national permanent, ou à mi-mandat présidentiel, pour avoir toujours une idée du sentiment populaire (mais on l’a déjà par le biais des sondages), mais la France serait encore dans une situation moins favorable s’il n’y avait pas la Cinquième République. Imaginez un parlement comme en Italie, en Espagne, ou même en Allemagne. Imaginez la situation politique américaine actuelle dans l’autre sens, où l’État est paralysé depuis plus de deux semaines (shutdown) parce que parlementaires et Président ne sont pas parvenus à un accord sur le budget 2019 !

Les institutions françaises actuelles sont excellentes non pas parce qu’elles étaient taillées pour De Gaulle (au contraire, De Gaulle se disait qu’il n’avait pas besoin de ces institutions pour avoir la légitimité historique), mais pour ses successeurs justement, une onction du suffrage universel. Il faut voir comment les enfants des opposants au référendum du 28 octobre 1962 ont repris de la vigueur pour dénoncer injustement ce principe du suffrage universel direct. Ils voudraient le retour à l’immobilisme de la Quatrième République en rétablissant un régime d’assemblée élue à la proportionnelle et donc forcément paralysée car aujourd’hui, aucun parti ni coalition n’est susceptible d’atteindre la majorité absolue des voix. Veillons donc à ne pas casser nos si précieuses institutions !

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Si la lettre était très anxiogène le 13 janvier 2019, les propos présidentiels à Grand-Bourgtheroulde le 15 janvier 2019 étaient en revanche très rassurants. Et c’est là que le problème se pose : le grand débat national ne serait-il qu’un débat, sans conséquence, ou tout serait-il quand même réellement remis à plat ? Les partisans du changement comme les partisans de la stabilité risquent, les uns comme les autres, de s’inquiéter soit d’une démarche sincère de "révolution" dans le sens du titre du livre de campagne du candidat Macron, soit d’une entourloupe qui laisse croire qu’on écoute les Français mais qu’on les oublierait une fois les élections européennes passées.

Je reste convaincu que le champ d’application de ce grand débat national est beaucoup trop étendu pour être utile et efficace. Il fallait au contraire restreindre à un ou deux sujets déjà très compliqués en eux-mêmes, comme la fiscalité et le pouvoir d’achat, premiers éléments de revendication des gilets jaunes, pour qu’il puisse en sortir de réelles avancées.

Cela dit, une nation qui débat au lieu de s’entredéchirer donne toujours une image plus rassurante que la violence des casseurs. L’image d’un peuple qui, bien que rebelle et râleur, a su aussi toujours choisir le courage et l’ambition dans son histoire récente lorsqu’il le fallait. C’est sans doute le défi actuel d’Emmanuel Macron, celui d’incarner cette nation-là, l’ambitieuse et l’humble "en même temps".


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’incroyable prestation d’Emmanuel Macron à Grand-Bourgtheroulde.
Grand débat avec Emmanuel Macron à Grand-Bourgtheroulde (vidéo intégrale).
Le grand n’importe quoi national selon Emmanuel Macron.
La lettre à tous les Français d’Emmanuel Macron le 13 janvier 2019 (à télécharger).
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Les vœux du Président Emmanuel Macron pour l’année 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 31 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
L'an 2019, la peur jaune et l'urgence économique et sociale.
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
La hotte du Père MacroNoël.
Ne cassons pas nos institutions !
La Révolution en deux ans.
Ivan Tourgueniev, toujours d'actualité ?
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 11 novembre 2018 à Paris.
10 et 11 novembre 2018 : la paix, cent ans plus tard.
Emmanuel Macron et le Vel’ d’Hiv’.
Dossiers de presse à télécharger sur les célébrations de 1918.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Maréchal, vous revoilà !
Texte intégral de l’allocution du Président Emmanuel Macron le 16 octobre 2018.
Emmanuel Macron : la boussole après les horloges.
Les nouveaux ministres dans le détail (16 octobre 2018).
Les étagères de l’Élysée.
La Cinquième République.
La réforme des institutions.
L’affaire Benalla.
La démission de Gérard Collomb.
La démission de Nicolas Hulot.
La démission de François Bayrou.
Emmanuel Macron et l’État-providence.
Emmanuel Macron assume.
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Pourquoi voter Bayrou ?
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.

_yartiMacron2019011505



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190115-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-incroyable-prestation-d-emmanuel-211755

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/01/16/37021528.html




 

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15 janvier 2019 2 15 /01 /janvier /2019 22:18

(vidéo)

Le Président Emmanuel Macron a lancé le grand débat national avec une réunion de près de sept heures le mardi 15 janvier 2019 à Grand-Bourgtheroulde, en Normandie, rassemblant plus de six cents maires. Cette réunion peut être revue en vidéo ici.

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190115-macron.html

La lettre aux Français d'Emmanuel Macron du 13 janvier 2019 :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190113-macron.html







Le site officiel du Grand Débat National :
https://granddebat.fr/


SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190115-video-macron-grand-bourgtheroulde.html











 

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14 janvier 2019 1 14 /01 /janvier /2019 04:57

« Chacun partage le destin des autres et chacun est appelé à décider du destin de tous : c’est tout cela, la Nation française. » (Emmanuel Macron, le 13 janvier 2019).



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Ah, ça y est, la "lettre aux Français" du Président Emmanuel Macron a été publiée dans la soirée du dimanche 13 janvier 2019. Elle donne un cadre général sur le grand débat national qui devrait se tenir en France du 15 janvier 2019 au 15 mars 2019.

Passons très vite sur la forme, une lettre plutôt qu’un discours. Deux prédécesseurs ont déjà utilisé ce mode de communication avec les Français, François Mitterrand en 1988 et Nicolas Sarkozy en 2012, et pour ces deux cas, il s’agissait en fait d’une "propagande" électorale en vue de leur réélection : bilan et perspectives. Pour Emmanuel Macron, rien de tel. Presque un mode d’emploi, voire une notice d’utilisation pour le grand débat national. Et encore, sur les modalités pratiques et surtout, l’engagement du gouvernement, il n’y a que du flou.

Venons-en au sujet lui-même, le grand débat national. Dès le départ, c’est-à-dire dès son annonce dans son allocution du 10 décembre 2018, j’ai eu des doutes.

Quel est l’objectif politique d’Emmanuel Macron et du gouvernement ? Clairement, sortir de la crise des gilets jaunes. Y arriveront-ils ? Franchement, j’en doute ! La seule sortie par le haut, c’est le recours au suffrage universel, et comme une dissolution de l’Assemblée Nationale paraît aussi improbable que suicidaire, le seul outil de recours au peuple qui reste, c’est le référendum sur un sujet qui devrait être la première préoccupation des gilets jaunes, à savoir la fiscalité.

Pour s’exonérer d’un recours au peuple, Emmanuel Macron pense habile d’organiser un débat national. Quand on lit la lettre qu’il a écrite (et que les Français ne recevront pas par courrier postal, ils devront la lire dans les journaux et sur Internet, on peut la télécharger ici), on a de quoi être inquiet sur le fossé entre l’Élysée et le peuple.

Rappelons déjà un précédent. Le Président Nicolas Sarkozy (encore lui ! on croirait vraiment qu’il conseille l’Élysée, actuellement !!) avait organisé il y a une dizaine d’années un grand débat national sur l’identité nationale. Là encore, l’idée et l’intention étaient intéressantes. La crise morale que traverse depuis plusieurs décennies la France pouvait légitimement poser la question de l’identité nationale. Néanmoins, personne n’était dupe puisque l’arrière-pensée politicienne était de récupérer les votes populistes voire extrémistes. Organisé par les préfets, ce débat a été vite conclu après le déversement de la bile des citoyens qui était du même acabit que ce qu’on peut trouver souvent sur Internet, à savoir, un défouloir.

Le risque est donc grand pour que ce grand débat national organisé par Emmanuel Macron soit le lieu d’un défouloir. Le problème, c’est comment tenir compte des aspirations du peuple avec un simple débat national ? Pourquoi seraient-ce seulement ceux qui ont du temps, des capacités d’expression, des idées (oui, il en faut) qui seraient écoutés et pas les autres ? Ceux qui n’ont pas le temps, ceux qui n’ont pas compris, ceux pour qui la vie est déjà bien assez compliquée ? Quelle représentativité chaque parole de citoyen pourrait avoir dans ce genre de débat ?

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J’ai parlé d’un fossé entre l’Élysée et le peuple. Pourquoi ? Parce que tout simplement Emmanuel Macron n’a absolument aucune idée de la manière dont vivent la plupart des gens. Sans capacité de prendre du temps, toujours pressé, et si ce n’est pas par le travail, c’est par les loisirs, ou par les factures, par plein de choses… Je doute que les Français s’ennuient aujourd’hui.

Par conséquent, les bras m’en tombent quand je lis la lettre. Emmanuel Macron voudrait que chaque Français donne son avis sur de très nombreux sujets très compliqués. C’est une véritable liste à la Prévert.

Je cite pêle-mêle les quatre énormes sujets hyper-importants et sensibles sur lesquels le pouvoir croit pouvoir débattre en deux mois top chrono !

1. La fiscalité (comment la rendre plus juste), quels impôts baisser en priorité ? et la contrepartie : « Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? » (Attention citoyens, il y a un piège !). Aussi cette question qui mériterait une dissertation d’étudiant : « Comment mieux organiser notre pacte social ? » (vous pouvez répéter la question ?).

2. L’organisation de l’État. Là, c’est un cours de finances locales qu’il faudrait avec la connaissance aiguë des différents échelons territoriaux et probablement les dernières heures du département, pourtant l’échelon idéal pour les missions d’aides sociales des pouvoirs publics. « Faut-il revoir le fonctionnement de l’administration et comment ? ». Comment un citoyen qui n’a pas le temps peut-il répondre à une telle question ? Le Président de la République confond citoyens et étudiants en première année à l’ENA.

3. La transition écologique. Ah, au-delà des connaissances juridiques, il faudra aussi que les citoyens se forment pour avoir des connaissances scientifiques. Car on ne peut débattre que si l’on est informé voire formé aux notions que recouvrent ces domaines. Énergie, transports, logement, mobilité, biodiversité, agro-alimentaire… Là encore, on n’encadre rien, on noie simplement le citoyen dans un océan technocratique. Trop de questions tuent les questions.

4. La démocratie et la citoyenneté. Selon la lettre, cela passerait par des mesures d’apothicaire inefficaces et néfastes (bizarrement, reprenant exactement les contours de la réforme des institutions voulues en mai 2018), mais en y ajoutant un zeste d’antiparlementarisme en voulant détruire le Sénat alors que c’est sans doute l’instance parlementaire qui a montré le plus son utilité (au contraire de l’Assemblée Nationale aux ordres du gouvernement, on l’a vu par exemple pour la commission d’enquête sur l’affaire Benalla). Vieille lunes populistes que sont le vote blanc (on imagine monsieur vote blanc siéger dans l’hémicycle) et le vote obligatoire (encore une stupidité reprise ; comment peut-on être pour la liberté et faire une démocratie de contrainte ?), etc. Seule, l’idée d’un référendum émanant des citoyens pourrait avoir une réelle utilité dans ce grand débat nationale.

Dans ce quatrième sujet, je ne comprends même pas pourquoi, Emmanuel Macron a aussi proposé le thème de l’immigration, sujet ultra-sensible, et aussi celui de la laïcité, également ultra-sensible (il n’a peur de rien) : « Notre communauté nationale s’est (…) toujours ouverte à ceux qui, nés ailleurs, ont fait le choix de la France (…). Or, cette tradition est aujourd’hui bousculée par des tensions et des doutes liés à l’immigration et aux défaillances de notre système d’intégration. ». Que veut-on ? Un grand déballage comme pour le débat sur l’identité nationale sous Nicolas Sarkozy ?

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C’est le problème de ceux qui n’ont aucune expérience politique : il redécouvre le monde, il réinvente les hypocrisies des années 1970 que la classe politique tant honnie n’osait plus reformuler quarante ans plus tard…

Bref, à la lecture de ce "cadrage" du grand n’importe quoi national, on s’aperçoit que le Président de la République, dans une sorte de positivisme délirant, prend les Français pour des fiscalistes, experts en collectivités territoriales, énarques, constitutionnalistes, physiciens, biologistes… et j’en passe.

Qu’on ne se méprenne pas. Je trouve que donner l’occasion aux Français de s’exprimer me paraît très pertinente, en tout cas séduisante. Je ne veux pas non sous-estimer les Français ni leurs capacités à formuler des idées intéressantes sur des sujets compliqués même s’ils ne maîtrisent pas totalement le sujet (après tout, on vote bien et on maîtrise rarement les candidats).

Mais il faut être réaliste : on ne peut pas demander à un citoyen ordinaire d’exprimer sa pensée si rapidement sur un champ si étendu de sujets, qui, en plus, sont très importants pour l’avenir du pays. S’il y avait une idée à garder, ce serait de faire ce que certaines entreprises font, c’est-à-dire instaurer une "boîte à idées" ou l’équivalent, dans un endroit qui remonterait automatiquement au niveau national (dans les ministères, chez les parlementaires), c’est assez facile d’imaginer un tel outil sur Internet, mais ce lieu de débat serait alors permanent, pas seulement deux petits mois, qui seront beaucoup trop courts pour des gens qui n’ont pas que cela à penser ou faire.

C’est clair, c’est quasiment un projet présidentiel qu’il faudrait rédiger… que chaque Français devrait rédiger. C’est concrètement mission impossible, mais c’est aussi malsain. Le grand débat national, il a déjà eu lieu durant la campagne présidentielle en 2017. D’ailleurs, Emmanuel Macron ne dit pas autre chose en disant qu’il veut le débat mais c’est son programme présidentiel qui a été choisi le 7 mai 2017, et le progamme de nul autre candidat.

Contradiction ou entourloupe ? Réponse : « Pour moi, il n’y a pas de questions interdites. Nous ne serons pas d’accord sur tout, c’est normal, c’est la démocratie. Mais au moins, montrerons-nous que nous sommes un peuple qui n’a pas peur de parler, d’échanger, de débattre. ». Mais une phrase plus loin : « Je n’ai pas oublié que j’ai été élu sur un projet, sur de grandes orientations auxquelles je demeure fidèle. (…) Sur ces grandes orientations, ma détermination n’a pas changé. ». C’est clair, passez votre chemin, si vous ne pensez pas comme moi, je ne vous écouterai pas. Alain Juppé, version 1995, paraissait un peu plus sincère dans la méthode…

On soupçonnait Emmanuel Macron de nourrir quelques tentations populistes durant la campagne présidentielle. Maintenant, le doute n’est plus permis. Toutes les questions qu’il a proposées sont d’essence populiste, reprenant souvent des idées reçues.

Même dans la manière de s’exprimer. Pendant sa campagne présidentielle de 1988, Jean-Marie Le Pen avait mis sur ses affiches, en gros : "Mon programme, c’est le vôtre !". On ne sait pas lequel, mais c’est fédérateur. Emmanuel Macron dit à peu près la même chose : vous êtes impatients ? Je partage votre impatience. Vous êtes en colère contre les inégalités ? Je partage votre colère. Et ainsi de suite.

Exemple dans le texte : « Tous voudraient un pays plus prospère et une société plus juste. Cette ambition, je la partage. La société que nous voulons est une société dans laquelle pour réussir, on ne devrait pas avoir besoin de relation ou de fortune, mais d’effort et de travail. ».

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Emmanuel Macron conclut sa lettre ainsi : « Ce débat est une initiative inédite dont j’ai la ferme volonté de tirer toutes les conclusions. Ce n’est ni une élection, ni un référendum. C’est votre expression personnelle (…) qui est ici attendue (…). C’est ainsi que j’entends transformer avec vous les colères en solutions. ».

Rien n’est cohérent dans cette démarche présidentielle : ni le réalisme de tels débats (puisque les sujets sont multiples) en si peu de temps, ni l’intérêt que les citoyens ont à prendre du temps sur eux, à s’investir pour élaborer une pensée construite qui pourrait s’avérer inutile. Sans enjeu, à quoi bon s’investir ?

J’en viens donc à rejoindre, pour une fois, Nicolas Dupont-Aignan lorsqu’il a réagi à cette lettre en disant avec bon sens sur Twitter : « Le seul grand débat, c’est un référendum sur des décisions concrètes. Assez de bla-bla ! » (13 janvier 2019).

Comme pour le moratoire sur la taxe carbone, l’organisation de ce débat national ressemble fort à un moyen de faire un coup politique sans engagement. Tant que le soupçon de condescendance n’est pas levé, aucun débat ne pourra être valable. C’est à cet égard très instructif de voir comment certains (journalistes, responsables politiques, etc.) s’engouffrent dans cette voie du grand n’importe quoi national qui ne peut être qu’une impasse.

Gérard Longuet, interrogé par Public Sénat le 9 janvier 2019, rappelait que la première instance du débat national, c’était le Parlement, et la manière dont le Président de la République écoutait les parlementaires donnait une idée sur la manière dont il écouterait les simples citoyens.

La seule chose qui vaille aujourd’hui, ce n’est pas que le Président de la République se déresponsabilise pour faire croire que ce sont les citoyens qui auront proposé les futures décisions qu’il prendra dans les mois et années à venir, mais de prendre un sujet très spécifique, qui soit l’un des éléments fédérateurs de la colère des gilets jaunes et d’organiser un référendum sur le sujet. Sans cet enjeu décisionnel, comme le dit Nicolas Dupont-Aignan, cela ne restera que du pipeau pour citoyens sages et oisifs (oisifs, car je ne vois pas comment un citoyen bien occupé de ses journées peut avoir le temps de participer à un débat intellectuellement si ambitieux et à finalité si incertaine).

Emmanuel Macron avait habitué les Français à plus d’intuition de sa part…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


(Les photographies proviennent des allocutions du 16 octobre 2018 et du 10 décembre 2018).


Pour aller plus loin :
Le grand n’importe quoi national selon Emmanuel Macron.
La lettre à tous les Français d’Emmanuel Macron le 13 janvier 2019 (à télécharger).
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Les vœux du Président Emmanuel Macron pour l’année 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 31 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
L'an 2019, la peur jaune et l'urgence économique et sociale.
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
La hotte du Père MacroNoël.
Ne cassons pas nos institutions !
La Révolution en deux ans.
Ivan Tourgueniev, toujours d'actualité ?
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 11 novembre 2018 à Paris.
10 et 11 novembre 2018 : la paix, cent ans plus tard.
Emmanuel Macron et le Vel’ d’Hiv’.
Dossiers de presse à télécharger sur les célébrations de 1918.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Maréchal, vous revoilà !
Texte intégral de l’allocution du Président Emmanuel Macron le 16 octobre 2018.
Emmanuel Macron : la boussole après les horloges.
Les nouveaux ministres dans le détail (16 octobre 2018).
Les étagères de l’Élysée.
La Cinquième République.
La réforme des institutions.
L’affaire Benalla.
La démission de Gérard Collomb.
La démission de Nicolas Hulot.
La démission de François Bayrou.
Emmanuel Macron et l’État-providence.
Emmanuel Macron assume.
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Pourquoi voter Bayrou ?
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.

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13 janvier 2019 7 13 /01 /janvier /2019 19:18

Promis le 10 décembre 2018, le grand débat national vient d'être encadré par une lettre publiée à l'adresse de tous les Français par le Président de la République Emmanuel Macron dans la soirée du dimanche 13 janvier 2019.

Cliquer sur le lien pour télécharger la lettre (fichier .pdf) :
https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/03/0090173c1bc9aaa87f21995ae3b88a55f1fda3d0.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190113-macron.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190113-lettre-macron.html


 

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11 janvier 2019 5 11 /01 /janvier /2019 03:07

« Celui qui veut faire de l’État une école de vertu ne sait pas quel grand péché il commet. D’ailleurs, ce qui a transformé l’État en enfer, c’est que l’homme a voulu en faire un paradis. » (Friedrich Hölderlin, 1799).



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Depuis le 1er janvier 2019, la France perçoit désormais l’impôt sur le revenu des particuliers par un prélèvement à la source. Seul et unique avantage : on paie l’impôt sur le revenu en temps réel. Quand on gagne de l’argent, on paie l’impôt ; quand on ne gagne plus d’argent, on ne paie plus d’impôt. Un retournement de conjoncture se fera donc immédiatement ressentir sur les recettes de l’État.

Cette mesure est dite "populaire" car les sondages laisseraient entendre une majorité en sa faveur : par exemple, Elabe a évalué que 68% des sondés seraient favorables au prélèvement à la source, mais il n’est pas précisé si ces sondés payaient ou pas l’impôt sur le revenu, car seulement un Français sur deux en paie aujourd’hui (ce qui est beaucoup trop faible d’ailleurs).

Pour ceux qui ont une situation fiscale simple, très simple, à savoir qui ne sont que salariés, "que" pas dans le sens minimaliste mais fiscal du terme, c’est-à-dire qui n’ont aucune autre raison d’être impactés sur leur impôt sur le revenu (ni adhésion à un syndicat ou parti, ni don à des associations, ni emploi de nourrice, etc.), le prélèvement à la source ne va pas changer énormément de choses. Si en plus, ils avaient choisi la mensualisation (comme les trois quarts des contribuables), ils pourraient même s’apercevoir de deux bonnes nouvelles : le prélèvement sera réduit (car étalé sur douze mois au lieu de dix) et aura lieu dix jours plus tard (au moment de recevoir le salaire au lieu du 17 du mois).

Dans les communications du gouvernement, il y a deux idées reçues qui y sont développées et qui sont particulièrement inexactes. D’une part, que le prélèvement à la source n’est qu’un changement technique et qu’il n’impactera pas sur le montant de l’impôt ni sur le pouvoir d’achat des ménages. D’autre part, que ce changement a pour ambition une simplification de l’impôt sur le revenu.

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Comme je l’ai écrit en introduction (et aussi ici), la simplification n’est possible que lorsque sa situation fiscale est simple. Dès qu’elle se complique, c’est autre chose et le dispositif du prélèvement à la source devient une véritable usine à gaz. Qui dit complexité dit nécessairement surcoût : ceux qui ont une situation fiscale un peu compliquée vont devoir nécessairement prendre conseil auprès de fiscalistes ou d’experts-comptables, et ces consultations vont avoir un coût, à seule charge du contribuable. Dans tous les cas, situation simple ou situation compliquée, les contribuables devront toujours remplir leur déclaration de revenus chaque année. C’est le seul acte administratif "compliqué" ou "ennuyeux", celui-ci n’est pas épargné par le prélèvement à la source.

Les nouveaux percepteurs vont devoir assurer le travail de l’État. Ce sont les employeurs, en particulier les entreprises (aussi des associations, des centres sociaux, etc.), qui non seulement doivent être au point "techniquement" mais doivent payer cette nouvelle charge imposée aux entreprises : coût de sous-traitance ou de ressources internes, achat de logiciel, etc. C’est évalué globalement à environ un milliard d’euros, ce n’est pas rien. La seule compensation des entreprises reste la trésorerie puisqu’au lieu de verser au salarié à la fin du mois la partie "impôt sur le revenu", elles le verseront à l’État entre quinze jours et trois mois plus tard (pour les petites entreprises). Mais attention à elles en cas de négligence, de bug, d’erreur logiciel, etc. : elles seront redevables à l’État. Quelles vont être les sanctions ?

Pourquoi faire simple alors qu’on peut faire compliqué ? C’est l’une des devises des adorables Shadoks (créés par Jacques Rouxel). C’est aussi la devise des fonctionnaires de Bercy dirigés par le ministre Gérald Darmanin qui s’est approprié cette réforme pourtant votée à l’époque de François Hollande, Manuel Valls et Michel Sapin pour faire bonne figure face aux "frondeurs" lors du congrès du PS à Poitiers en juin 2015.

À quoi sert cette réforme ? Quelle est son objectif ? Si l’on croit les arguments proposés par le gouvernement, cela servirait à simplifier. Pourtant, ce n’est pas vraiment le cas (voir plus loin).

La seule raison qu’on aurait pu imaginer, c’était d’améliorer le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu. Or, avec le système sortant, il était de plus de 95%, peut-être même 96-97%. C’est l’un des meilleurs taux de recouvrement au monde (pensons par exemple aux Grecs dont le faible taux mine leurs finances publiques). Cela devrait même être une fierté nationale. Un taux élevé signifie une démocratie apaisée, mature. Il y a d’ailleurs peu de chance que la crise des gilets jaunes, dont l’un des symptômes fut un doute sur le consentement à l’impôt, puisse bouleverser ce taux.

La loi de finances 2019 prévoit 73 milliards d’euros comme recettes de l’impôt sur le revenu, le même montant que pour la loi de finances 2018. Sur environ 300 milliards d’euros de recettes au total et 400 milliards d’euros de dépenses.

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Il paraît donc qu’une réforme du prélèvement de l’impôt sur le revenu est plutôt inutile puisqu’elle ne changera aucune règle fiscale (donc n’est pas plus "juste"), elle n’améliorera pas le taux de recouvrement, et surtout, contrairement à ce qui est clamé, elle ne simplifiera pas du tout la situation d’une grande partie des contribuables. En plus, elle conduit à plomber les entreprises de charges supplémentaires qui ne correspondent en rien à leur cœur de métier, ce qui va disperser encore une fois leur énergie.

Pourquoi la simplification ne serait-elle pas au rendez-vous ? Parce que l’impôt sur le revenu ne correspond pas à une simple "flat tax", c’est-à-dire à un taux unique de prélèvement. Le système français a un impôt progressif, c’est-à-dire que le taux est variable selon le niveau des revenus (système plus "juste" socialement que la "flat tax"). Mais ce n’est pas tout, puisque le système français se caractérise aussi par de très nombreuses "niches", là encore qui sont un levier de politique nationale pour encourager certains comportements comme déclarer un emploi familial (pour lutter contre le travail clandestin), comme encourager l’investissement locatif (pour réduire la surenchère sur les logements), comme faire des travaux pour améliorer l’isolation thermique (pour passer à la transition énergétique), comme faire des dons à des associations caritatives (pour suppléer aux carences de l’État protecteur), etc.

La plupart de ces "niches" fiscales permettent ainsi des "crédits d’impôt" qui sont à soustraire du montant annuel de l’impôt (un peu comme une carte de fidélité dans un magasin). Or, le problème est que pour définir le prélèvement de chaque salarié, l’employeur doit donc disposer du taux moyen qui est celui qu’on peut lire sur son dernier avis d’imposition qui est généralement communiqué au début du mois de septembre (correspondant à la déclaration des revenus de l’année précédente).

Ce seul taux est communiqué à l’employeur et ce dernier est censé en préserver la confidentialité tant en interne qu’en externe (ce qu’il sait faire puisqu’il le fait déjà avec le montant des salaires). Le problème est que le salarié n’est pas forcément d’accord pour que ce taux moyen correspondant à la situation fiscale de sa famille soit connu de son employeur, ne serait-ce que pour d’évidentes raisons de négociation d’une augmentation.

Pour préserver au mieux la confidentialité des salariés, les services fiscaux proposent alors la possibilité de déclarer un taux neutre pour les revenus de chaque membre du foyer fiscal. Ce taux, calculé également par l’État, permet de faire payer comme si chaque membre du foyer était célibataire et n’avait à déclarer que son seul salaire. Ainsi, dans un couple, si l’un des conjoints gagne plus que l’autre, son taux neutre sera supérieur à celui de son conjoint (alors que les deux ont le même taux neutre). À la fin, cela reviendra au même, le foyer fiscal paiera la même somme globale. Mais c’est simplement réparti différent.

J’ai entendu un journaliste le 2 janvier 2019 dire que finalement, très peu de contribuables français avaient opté pour le taux neutre et donc, la grande majorité d’entre eux n’était pas gênée de "révéler" leur taux moyen à leur employeur. Sauf que cette analyse est erronée. Interprétation hautement hâtive. Petit sondage : qui, en lisant ces lignes, savait qu’on pouvait choisir entre taux moyen et taux neutre …avant le 15 septembre 2018 ? Je l’avais indiqué quelques semaines avant l’échéance mais en interrogeant récemment des proches, visiblement, cette information leur avait totalement échappé. Pas étonnant qu’ils se retrouvent donc, par défaut, au taux moyen. Cela pourrait d’ailleurs créer quelques mauvaises surprises au sein des familles dans quelques semaines ou mois.

Au-delà de la confidentialité (lorsqu’on travaille, on peut au moins faire confiance à la bonne volonté de son employeur ; une collaboration, c’est d’abord une confiance mutuelle), le taux du prélèvement à la source pose problème aussi parce qu’il est calculé par l’État avant la soustraction du crédit d’impôt éventuellement accordé, selon les raisons évoquées plus haut.

Cela concernerait environ 8 à 9 millions de foyers fiscaux. Ce n’est donc pas négligeable ni une mince affaire. Or, le crédit d’impôt le plus fréquent concerne l’emploi d’une nourrice qui bénéfice normalement d’une réduction d’impôt. Or, comme ce n’est pas pris en compte dans le taux fourni à l’employeur, cela signifie que le contribuable doit l’avancer, ce crédit, jusqu’au remboursement au mois de septembre avec son (nouvel) avis d’imposition (une fois les revenus déclarés). Pour des ménages à situation modeste, il y avait un risque très important de nouvel étranglement financier.

Pour limiter la casse, le gouvernement a donc décidé de verser le 15 janvier 2019 un acompte de 60% du crédit d’impôt reversé par l’État, montant indiqué du dernier avis d’imposition, à savoir celui de septembre 2018 (revenus de l’année 2017). Quand les situations ne changent pas (de 2017 à 2019), ce sera une bulle d’oxygène qui sera complétée exactement après l’avis d’imposition en septembre 2019. Encore que… rien que cela, c’est délicat à comprendre : le crédit d’impôt va se faire sur des revenus de 2018 pour l’impôt payé sur des revenus de 2019. Techniquement, il est impossible de faire mieux, mais en gros, il reste toujours, dans les crédits d’impôt, un décalage d’un an. Du reste, c’est le même problème que la définition du taux moyen, il est celui des revenus n-2 appliqué aux revenus n ! (n étant l’année, 2017 et 2019 par exemple).

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Comme l’État n’a pas non plus une trésorerie illimitée, il a réduit cet acompte à des dispositions fiscales qu’il a jugées prioritaires, à savoir, entre autres, les emplois familiaux (nourrice, etc.), les dons aux associations, …mais pas (par exemple) ceux dû par l’investissement locatif (qui est la bête noire du Président Emmanuel Macron au point d’avoir conservé l’ISF pour le seul patrimoine immobilier). En tout, l’acompte du 15 janvier 2019 a pour montant 5 milliards d’euros.

Attention en cas de changement de situation. Si le crédit d’impôt obtenu l’année précédente n’est plus valable cette année (parce que contribuable n’emploie plus de nourrice ou ne donne plus à des associations, etc.), il faudra rembourser en septembre une partie ou la totalité de l’acompte versé le 15 janvier.

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Il faut insister sur l’extrême complexité des particuliers qui emploient une personne dans le cadre d’un emploi familial (le ciblage de l’acompte). Non seulement c’est compliqué pour le crédit d’impôt auquel ils ont droit, mais c’est compliqué aussi en tant qu’employeurs. A priori, ils devraient reverser à l’État la part d’impôt sur le revenu du salaire versé par exemple à la nourrice. Or, un particulier n’est pas une entreprise ni une association qui sont déjà habituées à verser les charges sociales de leurs salariés. Résultat, le gouvernement a décidé de retarder l’application du prélèvement à la source d’une année pour que les particuliers employeurs puissent se préparer plus "sereinement". Ils n’auront pas fini d’en baver et ce sera à les dégoûter d’avoir des enfants à garder…

Mais le plus important, ce n’est pas la complexité des situations car je ne doute pas qu’après une petite période de transition (certainement agaçante pour le contribuable) où l’administration fiscale devrait faire preuve de souplesse et d’indulgence, tout sera techniquement sur les rails.

Ce qui est important, c’est de revenir à la motivation première du gouvernement. Pourquoi avoir fait cette réforme alors que la France a déjà un excellent taux de recouvrement et que cela risque de compliquer les choses pour les contribuables et plomber l’économie nationale en surajoutant des charges nouvelles aux employeurs ?

Car cette réforme n’est pas technique, elle est au contraire hautement politique. Le dossier était dans les tiroirs depuis une bonne vingtaine d’années au Ministère des Finances et si François Hollande a cédé aux fonctionnaires de Bercy, c’était d’abord dans un but purement politicien dans ses relations avec le parti socialiste.

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La motivation est pourtant bien plus profonde qu’un simple "coup de politique politicienne" qui aurait dû, en toute logique, entraîner l’abandon de la réforme après la fin du quinquennat de François Hollande (Emmanuel Macron se moque d’avoir de bonnes relations avec le parti socialiste).

La motivation profonde, c’est qu’avec le prélèvement à la source, un gouvernement, probablement pas celui d’aujourd’hui, mais un prochain, probablement après ce quinquennat, plus tard, aura gagné une très grande marge de manœuvre technique pour pouvoir prendre deux mesures qui seraient dans la logique du prélèvement à la source et qui vont nécessairement alourdir la charge fiscale des ménages.

La première suite serait la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. À partir du moment où, comme la CSG, l’impôt sur le revenu ne serait plus qu’une ligne sur le bulletin de paie, il serait plus aisé de les fusionner en un seul impôt, dans le but d’une progressivité de la CSG. Je doute que les contribuables s’y retrouvent dans ces conditions.

La seconde suite me paraît encore plus perverse. Il s’agirait tout "simplement" d’individualiser l’impôt sur le revenu. Ainsi, il n’y aurait plus de "taux moyen" pour un couple ou une famille, et, à terme, il n’y aurait plus de crédits d’impôt. Beaucoup de responsables politiques dénoncent les "niches fiscales", mais chacune a sa raison d’être. L’individualisation de l’impôt sur le revenu serait redoutable sur la politique familiale (la France est l’une des seules nations européennes à avoir adopté une politique familiale qui encourage la natalité, il s’agirait de ne pas l’oublier), mais aussi sur toute une série de politiques publiques, en particulier sur l’encouragement aux dons pour les associations caritatives.

Voilà. On peut avoir la réponse à la question : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? ou plutôt, pourquoi faire compliqué quand on faisait simple ? Parce que le prélèvement à la source n’est qu’une étape, et que le chemin, le but, ce sont ces deux mesures hautement sensibles que sont la fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG et l’individualisation de l’impôt sur le revenu. Pour ces changements si importants, il serait assez pertinent qu’en dernier ressort, ce soit le peuple lui-même qui décide de son avenir. Après tout, c’est la condition indispensable au fameux consentement à l’impôt…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


(Première illustration provenant de Jacques Rouxel, les Shadoks).

Pour aller plus loin :
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
La ponction fiscale sera-t-elle plus douloureuse ?
Mode d’emploi du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
Documentation de l’État sur la mise en place du prélèvement à la source (à télécharger).
Prélèvement à la source : qui va y perdre ?
Attention : déclarer ses revenus peut tuer !
Les contribuables, otages d’un congrès du parti socialiste.
Retenue à la source ?
La réforme fiscale de Jean-Marc Ayrault.
La "flat tax" à la française ?

_yartiPrelevementSourceC08



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190101-prelevement-impot-source.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/prelevement-a-la-source-pourquoi-211423

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/01/02/36986759.html



 

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