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9 juillet 2018 1 09 /07 /juillet /2018 16:39

(verbatim)


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180709-macron-congres.html


Discours du Président Emmanuel Macron le 9 juillet 2018 au Congrès de Versailles

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mesdames, messieurs les députés, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai rien oublié, et vous non plus, du choix que la France a fait il y a une année. D’un côté, toutes les tentations de la fermeture et du repli ; de l’autre, la promesse républicaine. D’un côté, tous les mirages du retour en arrière ; de l’autre, les yeux ouverts, le réalisme et l’espérance assumée.

Je n’ai rien oublié des peurs et des colères, accumulées pendant des années, qui ont conduit notre pays à ce choix. Elles ne disparaissent pas en un jour ; elles n’ont pas disparu en une année.

Je n’ai pas oublié la peur du déclassement pour soi-même et pour ses enfants ; la rage devant l’impuissance publique ; le pays qui se sent coupé en deux, non pas seulement entre partis opposés mais, plus grave encore, entre sa base et son prétendu sommet – à la base, les femmes et les hommes au travail ou qui cherchent du travail sans en trouver, tous ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois, et, au sommet, ceux qui sont au pouvoir, leurs discours de soi-disant puissants qui ne changent jamais rien, et auxquels, en plus, on ne comprend rien – ; l’impression du citoyen d’être ignoré, méprisé et, surtout, de ne pas voir, de ne plus voir, où nous devons et pouvons aller ensemble ; la colère, enfin, née de la fin des ambitions collectives comme des ambitions familiales et personnelles.

Je n’ai rien oublié de ces colères ni de ces peurs. Rien ! La peur aussi de l’autre, des grands changements, du fracas du monde : les tensions avec l’Iran, la guerre commerciale lancée par les États-Unis, les divisions de l’Europe. Je n’ai pas oublié, je n’oublie pas et je n’oublierai pas !

C’est pourquoi je me présente devant vous, dans ce rendez-vous que j’ai voulu annuel, humble mais résolu, porteur d’une mission dont je n’oublie à aucun moment qu’elle engage le destin de chaque Française, de chaque Français, et donc le destin national.

Humble mais résolu, ai-je dit, et je vais vous faire une confidence. Il y a une chose que tout Président de la République sait : il sait qu’il ne peut pas tout, qu’il ne réussira pas tout. Je vous le confirme, je sais que je ne peux pas tout, je sais que je ne réussis pas tout, mais mon devoir est de ne jamais m’y résoudre, et de mener inlassablement ce combat !

Tout Président de la République connaît le doute, bien sûr, et je ne fais pas exception à la règle. Mais j’ai le devoir de ne pas laisser le doute détourner ma pensée et ma volonté. C’est une fonction qui, si l’on est réaliste, porte à l’humilité, ô combien ! mais à l’humilité pour soi, pas à l’humilité pour la France. Pour la France et pour sa mission, le Président de la République a le devoir de viser haut, et je n’ai pas l’intention de manquer à ce devoir.

De ce destin national, nous sommes, vous comme parlementaires, le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, moi comme Président de la République, conjointement chargés. Vous êtes la représentation nationale. C’est une grande tâche que de représenter le peuple souverain, pas seulement un peuple de producteurs et de consommateurs, animés d’attentes économiques et sociales, non, un peuple de citoyens, des femmes et des hommes qui veulent, les yeux ouverts, façonner leur destin collectif.

Durant cette année, le Parlement a beaucoup travaillé. La mission que les Français nous ont assignée il y a un an, vous ne l’avez jamais perdue de vue : renforcer notre économie, définir un modèle social juste et équitable, conforme aux aspirations de notre siècle, restaurer l’autorité de l’État et lui donner réactivité et efficacité, relancer l’Europe. Vous avez, jour après jour, œuvré en ce sens.

Vous avez œuvré dans l’urgence pour tourner la page de politiques et de blocages qui handicapaient lourdement notre pays. Votre action a permis que l’investissement reparte ; que le scandale du tirage au sort à l’entrée à l’université prenne fin ; que l’école retrouve sa place, et la transmission, sa dignité ; que la lutte contre le terrorisme soit inscrite dans notre droit, sans avoir plus recours à l’état d’urgence ; que le travail paie davantage ; que la France se dote d’un budget sincère, efficace et ambitieux, et repasse sous les 3 % de déficit. Vous avez rendu à la France ses capacités militaires par une loi de programmation d’une ambition nouvelle et inédite ; vous avez levé les blocages du marché du travail créés par un code devenu obsolète et inadapté ; et vous avez sauvé d’une faillite certaine notre service public du transport, la SNCF, par une réforme sans précédent.

Par là, vous avez démontré qu’il n’existe pas de fatalité de l’enlisement et de l’échec, lorsque prévaut une volonté politique sans faille guidée par l’intérêt général. Vous avez engagé des chantiers d’une ampleur jamais vue, notamment le chantier de la formation professionnelle, de l’apprentissage, du logement. Sur tous ces sujets, qui peut oublier la situation dans laquelle était le pays il y a un an ? Qui peut oublier que chacune de ces réformes était réputée impossible il y a un an ?

Le chantier institutionnel a certes un peu tardé, mais nous assumons ce retard, qui n’est dû qu’au choix délibéré de donner la priorité au quotidien des Français. Le Premier ministre en présentera demain le contenu devant l’Assemblée nationale. Je sais tout le travail qui a d’ores et déjà été accompli dans cette enceinte.

Au cœur de cette réforme institutionnelle se trouve la volonté d’une liberté plus grande : liberté des collectivités territoriales, appelées à mieux exploiter leurs atouts leurs spécificités, en permettant une véritable différenciation ; liberté des citoyens, grâce à une justice indépendante ; liberté du Parlement, que je veux plus représentatif des Français, renouvelé, doté de droits supplémentaires, animé par des débats plus efficaces. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Je crois au bicamérisme, qui garantit une démocratie mieux équilibrée. Je salue ici le travail accompli cette année par le Sénat pour permettre que les transformations engagées soient adoptées rapidement. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

C’est donc une réforme de confiance, de renforcement de la représentation nationale. Le Parlement ainsi rénové aura le pouvoir de mener avec le Gouvernement des échanges plus constructifs, car l’esprit de dialogue et d’écoute nous est essentiel. C’est d’ailleurs cet esprit qui a présidé à tous vos débats et à tous vos travaux au cours de la session qui vient de s’achever. Je remercie très vivement le Premier ministre, Édouard Philippe, et son gouvernement, d’avoir inlassablement consulté, discuté, échangé, pour mener les transformations nécessaires au pays.

J’entends que l’engagement que j’ai pris devant les Français, de venir chaque année rendre compte, devant la représentation nationale, du mandat qu’ils m’ont donné, peut contrarier certains. Mais le reproche est étrange, qui me fait grief de respecter mes engagements et les termes de la Constitution !

La révision de 2008 a permis le Congrès sous sa forme actuelle, et j’entends qu’on fait les pires reproches, souvent par facilité, à cette procédure. C’est pourquoi j’ai demandé au Gouvernement de déposer, dès cette semaine, un amendement au projet de loi constitutionnelle qui permettra que, lors du prochain Congrès, je puisse rester non seulement pour vous écouter, mais pour pouvoir vous répondre. (Vifs applaudissements prolongés sur de très nombreux bancs.)

Oui, l’année écoulée aura été celle des engagements tenus. Ce que nous avons dit, nous l’avons fait, dans le dialogue, en acceptant les désaccords, mais souvent aussi dans l’unité nationale. Qui, là aussi, l’aurait parié il y a un an ?

Cette volonté d’action était au cœur de notre promesse : les Français en voient les premiers fruits à l’école, sur leur feuille de paie, sur le marché du travail… Mais ce sont seulement les premiers fruits. Je suis parfaitement conscient du décalage entre l’ampleur des réformes engagées et le résultat ressenti. Il faut du temps, et parfois un long temps, pour que la transformation initiée s’imprime dans la réalité du pays. Et je suis pleinement conscient qu’il me revient, chaque fois que nécessaire, de rappeler le cap, de le rendre plus clair pour tous, afin que se rejoignent et travaillent ensemble, autant que possible et dans la clarté, toutes les forces disponibles du pays. C’est un effort jamais achevé mais nécessaire, en particulier pour le Président de la République, que de reprendre sans cesse, reformuler sans cesse, tant le tohu-bohu de l’actualité toujours en mouvement, toujours en ébullition, fait courir le risque d’en troubler et d’en perdre le sens.

Notre action est un bloc ! Elle est une cohérence ! Il n’y a pas, d’un côté, une action intérieure, et, de l’autre, une action extérieure ; c’est la même action. S’adressant aux Français ou s’adressant au monde, c’est le même message : nous protéger et porter nos valeurs. Il n’y a pas, d’un côté, une action économique, et, de l’autre, une action sociale ; c’est le même trait, la même finalité : être plus forts pour pouvoir être plus justes. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) C’est, au fond, l’affirmation et la proposition du projet français pour le XXIe siècle.

Après tant de doutes, après tant d’incertitudes, il s’agit que s’exprime le projet de la France. Le projet de la France pour les Français, femmes et hommes dans leur vie comme elle est, et souvent difficile, dans le monde comme il est, que nous voulons changer chaque fois qu’il le faut. Le projet de la France pour notre Europe en danger et pour le monde, dans lequel l’histoire a donné à notre pays des responsabilités éminentes, et désormais uniques, puisque le Royaume-Uni, qui siège avec nous au Conseil de sécurité des Nations unies, a décidé de quitter l’Union européenne.

Ce projet nous impose d’être forts. C’est pourquoi nous savons qu’il nous faut redresser notre économie, libérer et soutenir nos forces de création, qu’il nous faut la meilleure école, la meilleure université, la meilleure recherche ! C’est pourquoi il nous faut la meilleure armée, les meilleurs systèmes de défense possibles : dans un monde dangereux, la sécurité et les valeurs de civilisation doivent pouvoir se défendre lorsqu’elles sont menacées. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Ce projet nous impose d’être solidaires. Un peuple qui se défait, qui se disloque, se condamne lui-même à échouer.

Ce projet nous impose d’être justes. Justes au sein des nations, n’ayant pour nous non plus que pour notre union européenne aucun projet de domination, mais un projet d’équilibre où seront promus nos valeurs et le respect des droits – les droits humains et le droit des nations.

Cette voie française du progrès, c’est celle que nous voulons apporter car, face à la peur du déclassement économique, à la peur culturelle et civilisationnelle, nous devons répondre par un projet fort, économique, social, national et européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Mettons les choses dans l’ordre : ce projet ne peut être porté que si nous sommes forts et dotés d’une économique solide. C’est la réponse que nous devons apporter à la peur du déclassement économique et social. Or la clef d’une économie forte, c’est l’investissement.

C’est pourquoi, dès les premières semaines, nous avons revu la taxation des produits de l’épargne et réformé l’impôt sur la fortune. Non pas, comme je l’entends parfois, pour favoriser les riches, mais pour favoriser les entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Une politique pour les entreprises, ce n’est pas une politique pour les riches ! C’est une politique pour toute la nation, une politique pour l’emploi, pour les services publics, pour ceux qui restent en marge faute de travail et faute de revenus ! (Mêmes mouvements.) Sinon comment, d’un côté, dénoncer les faiblesses de notre modèle économique, le capital qui quitterait les frontières nationales, et, de l’autre, créer les conditions de l’impossibilité d’investir en France ? (Mêmes mouvements.)

L’investissement est celui de la nation, celui de l’État avec un grand plan d’investissement de 50 milliards d’euros, mais doit aussi être celui de chaque citoyen. C’est pourquoi l’épargne des Français doit se mobiliser au service de l’économie. C’est ce cadre que vous avez construit lors des dernières lois budgétaires. Les Français doivent reconquérir leur part dans le capital des sociétés françaises. L’utilisation de leur épargne, mais aussi leur association plus étroite au capital des entreprises dont ils sont salariés, sont la clef d’un capitalisme populaire retrouvé ! (Applaudissements sur quelques bancs.) Cela passe ainsi par l’implication directe des salariés dans la réussite de l’entreprise à travers un nouvel élan de la participation et de l’intéressement, préparé par le Gouvernement et qui vous sera présenté pour entrer en vigueur en 2019.

Je n’aime ni les castes, ni les rentes, ni les privilèges. Je crois qu’il existe des réussites qui ne se traduisent pas par l’enrichissement pécuniaire. Mais la création de richesses, la prospérité d’une nation sont le socle de tout projet de justice et d’équité. (Applaudissements sur quelques bancs.) Si l’on veut partager le gâteau, la première condition est qu’il y ait un gâteau… Et ce sont les entreprises, rassemblant actionnaires, dirigeants et travailleurs, ce sont les producteurs, qui font ce gâteau, et personne d’autre. Il est mensonger de défendre les salariés si on ne défend pas les entreprises. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Et il est impossible de prétendre distribuer quand on ne produit pas assez. L’argent qui s’investit, qui circule, qui crée de l’emploi n’est pas celui qu’on thésaurise jalousement. C’est pourquoi ceux qui risquent, qui osent, qui entreprennent doivent nous trouver à leurs côtés. La taxe à 75 % n’a pas créé d’emplois ni amélioré la condition de qui que ce soit en France, mais peut-être parmi les gestionnaires de fortune au Luxembourg, en Suisse ou aux Caïmans. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Libérer l’investissement en France par une fiscalité adaptée et compétitive, c’est ainsi faire revenir dans notre pays les investisseurs étrangers qui l’avaient quitté. L’État doit assumer ce choix.

L’État doit être, pour les citoyens et les entreprises, un interlocuteur de confiance qui garantit un ordre tout en facilitant l’initiative. C’est pourquoi nous avons défini des règles nouvelles qui, en cas d’erreur, offrent des chances de rattrapage et simplifient le quotidien.

Pour accompagner ces transformations économiques, libérer l’investissement, réduire la pression fiscale qui pèse sur notre économie, l’État doit, lui aussi, faire des choix. Car soyons clairs, il ne saurait y avoir de baisse de la fiscalité ou de développement de l’investissement public sans un ralentissement de la hausse continue de nos dépenses, et il ne saurait y avoir une meilleure maîtrise de celles-ci sans des choix forts et courageux.

C’est dans cet esprit que le Premier ministre présentera, dans quelques semaines, les nouvelles décisions permettant de tenir les engagements de baisse de nos dépenses publiques pris devant les Français. Cela s’accompagnera en particulier d’une réorganisation de l’État à travers plus de présence sur les territoires et plus de souplesse de gestion.

D’ici à la fin de l’année, le Premier ministre présentera l’ensemble de ses décisions pour la transformation indispensable de l’action publique. (Applaudissements sur quelques bancs.) Il s’agit, là aussi, de nous confronter collectivement à nos propres contradictions. Tout le monde souhaite la baisse des impôts – d’aucuns en proposaient de plus ample que celle qu’applique à l’heure actuelle le Gouvernement –, mais nul ne veut jamais les assumer lorsqu’elles sont décidées. Surtout, il faut enrayer un mode d’action publique qui a toujours procédé à des économies en réduisant sa présence sur les territoires. Ce que le Premier ministre présentera et qui sera mis en œuvre à partir de 2019 par son gouvernement, consistera précisément à repenser, sur tous les territoires, la présence de l’État et de ses services ainsi qu’à rouvrir de l’emprise, et à aller ce faisant en sens contraire de ce que toutes les majorités ont mis en œuvre pour la réduction des déficits publics depuis plusieurs décennies. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

En cette première année, beaucoup d’instruments ont été mis en place pour soutenir l’investissement et l’innovation à travers toute l’économie. Je pense, bien sûr, aux réformes fiscales que je viens d’évoquer, aux réformes du marché du travail qui encouragent la prise de risque en permettant de s’adapter quand un marché disparaît ou se transforme. Nous devons à présent libérer les freins à la croissance des entreprises. Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, c’est-à-dire la loi PACTE, doit faciliter la création d’entreprises, encourager l’entrepreneuriat et autoriser l’échec pour mieux réussir. Cette loi doit aussi permettre de faire grandir les entreprises en rendant notre réglementation moins contraignante et nos financements plus abondants. Il importe de poursuivre ce travail de simplification et d’ouverture de notre économie, favorisant ainsi l’initiative économique et la création d’emplois.

La France doit aussi renouer avec une politique de filières ambitieuse et choisir des secteurs clés où elle concentrera les efforts publics et privés, et ainsi créer les conditions qui feront de notre pays la terre privilégiée de l’économie de demain. C’est ce cap que nous avons commencé à fixer pour le numérique et l’intelligence artificielle, l’agriculture et l’agroalimentaire, et pour l’industrie.

Contre ceux qui pensaient qu’il fallait choisir entre emploi et innovation, nous avons décidé de ne pas manquer les prochaines révolutions technologiques. C’est pour cela que j’ai présenté, en février dernier, une stratégie nationale et européenne pour le déploiement de l’intelligence artificielle. Cette stratégie s’articule autour de la croissance, des créations d’emploi, de l’identification de nouveaux métiers, mais aussi autour des principes éthiques auxquels nous sommes attachés et que ces développements pourraient fragiliser.

Contre ceux qui pensaient que certaines filières sont condamnées au déclin, nous avons réarmé notre industrie. Grâce aux réformes de cette première année, pour la première fois depuis longtemps en France, de grands groupes étrangers ont décidé de développer dans notre pays des capacités de production, notamment dans l’énergie et dans l’aéronautique. Il nous faut poursuivre ce travail microéconomique de terrain, et poursuivre aussi notre effort pour que ce développement industriel se déploie dans un cadre européen loyal.

C’est pourquoi la France, avec nombre de ses partenaires, soutiendra la proposition de la Commission européenne de créer une taxe sur le chiffre d’affaires des géants du numérique qui aujourd’hui, ne paient pas d’impôts dans nos pays. (Vifs applaudissements sur de très nombreux bancs.)

Contre ceux qui condamnaient l’agriculture française à la mortifère fuite en avant, dans une concurrence dévorante avec les grands pays de production intensive, nous avons engagé un vaste mouvement vers les savoir-faire français, l’excellence et les productions dans leur grande variété, en particulier les plus respectueuses de l’environnement. Vous allez ainsi rebâtir une souveraineté alimentaire de qualité, pour la santé et le bien-être de nos concitoyens, mais aussi pour permettre à nos paysans de vivre dignement de leur travail. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Cette politique de filières, que nous allons structurer et amplifier dans l’année qui vient, doit permettre de retisser les réseaux économiques et les solidarités entre entreprises, qui dessinent la géographie de notre pays et que nous avons trop longtemps abandonnés au hasard et au fatalisme.

Je crois à ce volontarisme, qui n’est pas un dirigisme, mais qui consiste à rappeler aussi à nos entreprises qu’elles viennent et qu’elles sont parties de quelque part et que nos territoires sont aussi leur avenir. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Contre ceux, enfin, qui pensaient qu’il fallait choisir entre croissance et transition environnementale et climatique, nous avons décidé d’équiper nos entreprises et notre économie pour ce grand défi du siècle. C’est pour cela que vous avez voté la loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation d’hydrocarbures en France, qui a fait de notre pays un exemple pour le monde.

C’est pour cela que nous avons pris acte des préoccupations de nos concitoyens en matière de santé pour adapter notre modèle productif et le rendre exemplaire en Europe et en France. Je pense en particulière à l’arrêt progressif de l’utilisation du glyphosate. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

C’est pour cette même raison que, dans les semaines qui viennent, le Gouvernement aura à présenter une stratégie ambitieuse pour réduire la pollution de l’air et adapter nos mobilités comme la production d’énergie à nos exigences contemporaines.

Ce sont là non seulement des engagements, mais également des opportunités économiques, des filières qui se développeront, des industries qui se structurent – je pense en particulier à celles de l’économie circulaire ou de l’hydrogène –, et donc des choix que notre économie et notre société doivent dès à présent faire et que nous devons accompagner. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Je l’affirme devant vous, représentants de la nation, la force de notre économie, quand nous l’aurons pleinement retrouvée, sera le socle même de notre projet de société et du projet de justice qui est au cœur ce que je veux porter au nom de la France.

Le projet auquel je crois n’est pas un projet pour la réussite matérielle de quelques-uns, c’est un projet pour l’amélioration de la vie de tous. Car ce n’est pas le petit nombre qui m’importe, mais la communauté de nos concitoyens, de la base au sommet de l’échelle sociale. Toutes les sociétés qui ont propagé l’idée que la prospérité devait nécessairement se traduire par des inégalités croissantes le paieront, je le crois, au prix fort. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Certaines ont déjà commencé à le payer, lorsque les classes populaires et les classes moyennes se sont réveillées pour rappeler à leurs dirigeants que le compte n’y était pas.

Mais ne nous y trompons pas, nous aussi, nous avons des inégalités croissantes. Il y a une voie française vers l’inégalité, qui progresse depuis plus de trente ans. Il ne s’agit pas, comme chez nombre de nos voisins, d’une inégalité de revenus, même si elle existe. Non, ce qui s’est installé avant tout en France, ce sont les inégalités de destin. Selon l’endroit où vous êtes né, la famille dans laquelle vous avez grandi, l’école que vous avez fréquentée, votre sort est, le plus souvent, scellé. Et ces inégalités de destin, durant les trente dernières années, ont, qu’on veuille le voir ou non, progressé dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

C’est cela qui m’obsède : le modèle français de notre siècle, le réel modèle social de notre pays doit choisir de s’attaquer aux racines profondes des inégalités de destin, celles qui sont décidées avant même notre naissance, qui favorisent insidieusement les uns et défavorisent inexorablement les autres. Sans que cela se voie, sans que cela s’avoue. Le modèle français que je veux défendre exige que ce ne soient plus la naissance, la chance ou les réseaux qui commandent la situation sociale, mais les talents, l’effort et le mérite. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Oui, à mes yeux, le cœur même d’une politique sociale, celle que nous devons porter, n’est pas d’aider les gens à vivre mieux la condition dans laquelle ils sont nés et dans laquelle ils sont destinés à rester, mais de les aider à en sortir. (Mêmes mouvements.)

Le pilier premier de la politique sociale à laquelle je crois est l’émancipation de chacun, qui libère du déterminisme social et qui s’affranchit des statuts. C’est pourquoi, depuis un an, nous avons tant fait pour l’éducation. C’est le combat de notre siècle, parce qu’il est au cœur de la transformation économique de la société postindustrielle dans laquelle nous vivons. Celle-ci est faite de changements, de ruptures et de mutations qui nous obligent à mieux former au début, mais aussi tout au long, de la vie.

Depuis la naissance de la République, depuis Condorcet, l’école est la condition même d’une vie de citoyen libre et autonome. Mais alors que nous avions besoin d’elle, peut-être plus que jamais, nous avons, ces dernières décennies, brisé la dignité de la transmission, abîmé le prestige des professeurs, discrédité l’utilité du diplôme, aggravant en cela la pire des inégalités, celle dont nul n’est responsable : l’inégalité de naissance, l’inégalité de condition sociale.

C’est pourquoi des décisions radicales ont, en la matière, été prises : l’école maternelle obligatoire à trois ans fait partie de ces mesures dont nous devons être fiers. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Les enfants déscolarisés à cet âge-là ne rattrapent plus leur retard de socialisation et d’apprentissage. Or ce sont les enfants des milieux modestes qui étaient les moins scolarisés ou qui ne l’étaient pas. Cela entrera en vigueur dès la rentrée 2019.

Le dédoublement des classes de cours préparatoire et de cours élémentaire première année en zones d’éducation prioritaire – dites REP et REP + – est une mesure de justice sociale plus efficace que tous les dispositifs de redistribution. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs.) On y distribue, en effet, de façon différenciée, le savoir fondamental : lire, écrire, compter, se comporter.

La réforme de l’orientation assure des choix plus judicieux et des trajectoires plus adéquates aux talents de chacune et chacun, cependant que la réforme du baccalauréat sur trois ans recentre les compétences sur l’essentiel, si souvent perdu de vue dans les brumes d’ambitions pédagogiques peu substantielles. La mise en place de Parcoursup donne aux jeunes gens la faculté de décider plus lucidement de leur formation initiale.

En faisant, à travers ces décisions fortes, une transformation radicale de notre système éducatif, vous avez permis de former des femmes et des hommes plus sûrs de leurs compétences, mieux éduqués, et, ainsi, des citoyens plus assurés de leur place dans la société et dans la nation françaises. C’est ainsi que nous renouerons avec cet idéal français des Lumières qui place cette citoyenneté émancipée au-dessus des conditions sociales, des origines comme du genre. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

L’émancipation passe aussi par le mérite et par le travail. Il y a un an, les entreprises n’avaient pas les moyens d’embaucher ; désormais, elles les ont, mais elles peinent à recruter. Il serait absurde que nous passions d’une situation où un chômeur pouvait occuper un emploi mais que l’entreprise ne pouvait pas le lui offrir, à une situation où une entreprise peut lui offrir cet emploi mais qu’il ne peut l’occuper !

Toutes nos politiques d’insertion dans l’emploi doivent être revues à cette lumière. C’est pourquoi vous serez appelés à voter, bientôt définitivement, une réforme profonde de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Il appartiendra aux partenaires sociaux et aux entreprises de se saisir des outils nouveaux que nous leur confions. L’apprentissage et l’alternance seront cet accélérateur de mobilité sociale dont nous avons besoin. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Nous mettons ainsi au cœur du système le jeune et son maître d’apprentissage et nous reconstruisons tout autour d’eux avec un seul objectif : en finir avec les ravages du chômage de la jeunesse. Nous baissons le coût de l’apprenti pour l’employeur, rendons ces filières plus attractives pour les jeunes et simplifions les règles pour les rendre plus adaptées à la réalité du travail.

D’autres pays ont emprunté cette voie et ont réussi. Aussi demanderai-je à tous un effort collectif : aux entreprises pour prendre des apprentis, aux enseignants pour en faire la promotion et aux familles pour soutenir leurs enfants dans cette voie professionnelle épanouissante. Tous, nous devons faire de cette réforme un formidable défi collectif de la nation dans les années qui viennent. Dès cette année, les filières professionnelles et technologiques sont d’ailleurs nettement plus prisées par nos jeunes bacheliers.

C’est aussi pour cela que nous avons lancé, à destination notamment des chômeurs de longue durée et des jeunes décrocheurs, un plan d’investissement dans les compétences d’une ampleur inédite : 15 milliards d’euros sur cinq ans pour former un million de jeunes et un million de demandeurs d’emploi de longue durée. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

L’émancipation par le travail suppose, en effet, cet investissement dans les compétences. Encore faut-il savoir de quels emplois nous parlons. Là aussi, les inégalités sont profondes. À côté de ceux qui bénéficient de contrats stables, une part croissante de nos concitoyens, souvent moins qualifiés et plus fragiles, est de plus en plus condamnée à enchaîner des emplois toujours plus précaires, de toujours plus courte durée. Comment peut-on se loger, élever une famille quand on enchaîne perpétuellement des contrats de quelques jours ? Les règles de l’assurance chômage ont pu involontairement encourager le développement de ce que l’on appelle la permittence et de la précarité. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Or je crois qu’il y a, là aussi, une voie française : celle qui permet de conjuguer en même temps le progrès économique et le progrès social. (Mêmes mouvements.) C’est pourquoi je souhaite que les partenaires sociaux révisent les règles de l’assurance chômage afin que, dans cette période de reprise économique, nous puissions non seulement nous assurer qu’elles récompensent bien davantage la reprise d’activité, mais aussi qu’elles incitent à la création d’emplois de qualité. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel sera modifié en ce sens dans les prochains jours, et ces règles seront négociées dans les prochains mois par les partenaires sociaux afin qu’une telle réforme puisse entrer en vigueur au printemps 2019. Ce sont ces transformations et, plus largement, l’agenda des réformes attendues que je souhaite pouvoir partager avec les partenaires sociaux, que je recevrai le 17 juillet prochain. Le Premier ministre structurera ces discussions dès la rentrée.

Mais je veux, dans cette deuxième année qui s’ouvre, redonner corps à la République contractuelle à laquelle je crois, celle qui permettra de jeter les bases d’un nouveau contrat social pour ce siècle, par une discussion avec l’ensemble des partenaires sociaux mais aussi des élus. C’est à son élaboration comme au détail de sa mise en œuvre que je veux les inviter, dès le 17 juillet prochain, pour discuter des transformations de l’assurance chômage, comme je viens de le dire, mais également de la santé au travail et de tous les sujets indispensables à ces transformations, discuter dans l’esprit constructif avec lequel nous avons su mener, ces derniers mois, le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous voulons renouer avec une croissance durable, mais aussi promouvoir une croissance partagée. C’est pourquoi je recevrai, dans le courant du mois, les cent premières entreprises françaises, afin de solliciter leur engagement en vue de relever les défis qui nous attendent. J’attends d’elles qu’elles s’engagent en matière d’apprentissage, d’emploi dans les quartiers difficiles ou les zones économiques en souffrance, car il n’y aura pas de dynamisme économique sans mobilisation sociale de toutes les parties prenantes. Je leur demanderai non un engagement inscrit dans la loi, mais un engagement actif, immédiat, l’engagement de créer des emplois, d’embaucher des apprentis – un engagement visible, un engagement sur nos territoires. Je souhaite poursuivre ainsi dans les prochains mois cette nouvelle phase de mobilisation en faveur de nos territoires, avec l’ensemble des élus concernés, les principales entreprises et les investisseurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Nous avons besoin d’un nouvel aménagement économique, qui soit un aménagement de projets – vous le savez bien, vous qui êtes ici présents.

Je ne reviendrai pas sur les réformes territoriales ; le Premier ministre le fera dès demain et la Conférence nationale des territoires va se réunir dans les prochains jours. La politique territoriale à laquelle je crois, ce n’est pas une politique qui défendrait des intérêts particuliers ou des catégories, dans le cadre de laquelle il faudrait jouer telle collectivité contre l’État. C’est une politique au service de nos concitoyens, une politique qui vous évitera de perdre des mois, comme on l’a fait constamment au cours des dernières décennies, à délibérer des compétences qu’il faudrait transférer à l’un plutôt qu’à l’autre, pour revenir dessus lors du mandat suivant.

La réforme constitutionnelle qui vous est soumise promeut une décentralisation de projets par la différenciation. L’aménagement auquel je crois vise au lancement de nouveaux projets et à un rééquilibrage des territoires par l’installation d’activités économiques conçues en liaison avec l’ensemble des élus locaux et accompagnées par le Gouvernement et par les services de l’État dans le cadre de ces projets. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Là aussi, nous avons le droit de proposer à nos concitoyens mieux que le bégaiement de querelles que nous ne connaissons que trop. (Mêmes mouvements.)

Le progrès social, s’il découle de l’émancipation individuelle et de la capacité de chacun à se hisser au sein de la société grâce à l’école, au mérite et au travail, passe aussi par un élan collectif qui vise à assurer la dignité de chacun. C’est cela, la solidarité nationale. Telle est l’intuition fondamentale qui a présidé, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à la création de notre sécurité sociale.

Soixante-dix ans plus tard, nous pouvons en être fiers, mais nous devons aussi regarder en face les échecs et les insuffisances, et examiner avec lucidité ce qu’il faudrait améliorer. La Sécurité sociale devait être universelle, et nous voyons partout des pans entiers de notre population trop peu ou trop mal couverts, qui renoncent aux soins ou qui n’y ont pas accès. Elle devait répondre aux angoisses les plus profondes de l’existence, et nous sommes aujourd’hui laissés seuls, ou presque, face à des risques majeurs, comme celui de la perte d’autonomie, et des retraites incertaines. Elle devait susciter la confiance, et nous voyons, au contraire, complaisamment agitée par ceux qui n’ont que le mot « assistanat » à la bouche, la défiance la ronger.

La priorité de l’année qui vient est simple : nous devons construire l’État providence du XXIe siècle. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Ce sera un État providence émancipateur, universel, efficace, responsabilisant, c’est-à-dire couvrant davantage, protégeant mieux et s’appuyant sur les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous.
 


Un État providence universel, d’abord. L’État providence du XXe siècle était conçu pour une société du plein-emploi. La détention d’un travail – et d’un travail continu, permanent, pérenne – est ainsi devenue le sésame pour accéder à la solidarité nationale. Dans une société frappée par le chômage de masse et par l’intermittence des parcours professionnels, ce sésame a perdu de sa valeur ; il est devenu une redoutable barrière. Notre solidarité, dans son fonctionnement, est devenue statutaire. Elle s’est attachée aux carrières, aux secteurs d’activité. Elle ne répond plus aux règles d’une économie de l’innovation et de la compétence. (Applaudissements sur quelques bancs.) Nous devons protéger nos concitoyens non selon leur statut ou leur secteur d’activité, mais de manière plus juste, plus universelle.

Dès cette année, nous avons étendu l’assurance chômage aux travailleurs indépendants et aux démissionnaires, selon des modalités préalablement négociées par les partenaires sociaux.

En 2019, nous refonderons notre régime de retraite, pour mieux protéger ceux dont les carrières sont hachées, instables, atypiques – bien souvent des femmes, d’ailleurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) À cet égard, faire croire que nous voudrions supprimer les pensions de réversion est une rumeur malsaine qui ne vise qu’à faire peur. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs.) Je le dis clairement : rien ne changera pour les retraités d’aujourd’hui. (Exclamations sur plusieurs bancs.– Vifs applaudissements sur plusieurs autres.) Rien ! Et cela, pour une raison simple : pour la première fois, on n’a pas choisi de réaliser des économies sur le dos des retraités d’aujourd’hui ou de ceux qui s’apprêtent à partir à la retraite, on a choisi de refonder un système de retraite, un système qui soit juste, unique, transparent, un système qui viendra progressivement remplacer la quarantaine de régimes existants. (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs.)

Qui ne croit plus au système de retraite aujourd’hui ? Ce sont les jeunes, parce qu’ils pensent que ce système ne permettra pas de financer leur propre retraite. Tout le monde semble oublier que notre système de retraite, auquel je tiens profondément et qui sera au cœur de cette réforme, est un système par redistribution, c’est-à-dire qui repose sur la solidarité entre les générations. La retraite n’est pas un droit pour lequel on a cotisé toute sa vie ; la retraite est ce que les actifs paient pour les retraités. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs.) C’est sur la mise en place de ce système unique, transparent et juste que vous aurez à discuter, travailler et voter au cours de la prochaine année.

L’État providence du XXIe siècle devra aussi être efficace. Ce devra tout particulièrement être le cas en matière de santé ; les premières réformes que nous avons engagées sur le reste à charge zéro ou sur la prévention seront complétées par la présentation, à l’automne, d’une transformation en profondeur de notre organisation de soins sur le territoire national, en vue de répondre aux nouveaux risques, aux nouvelles pathologies et aux transformations de notre santé dans une société qui vieillit et où les maladies chroniques sont beaucoup plus nombreuses. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Cet État providence devra, enfin, être plus civique et responsabilisant. La solidarité nationale est financée de plus en plus par l’impôt. Les dispositions que vous avez votées en matière d’assurance chômage ont ainsi supprimé toutes les cotisations salariales, qui ont été remplacées par la contribution sociale généralisée, la CSG. Mais il faut envisager la réforme dans son ensemble et ne pas considérer que l’augmentation de la CSG, en oubliant qu’il y a, de l’autre côté, une baisse de toutes les cotisations sociales salariales. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Cette réforme a permis d’accroître le pouvoir d’achat des travailleurs, tout en préservant la compétitivité et en garantissant le maintien des droits.

Elle conduit aussi à modifier la philosophie même de notre solidarité nationale, afin, en quelque sorte, d’en retrouver le sel. Cette solidarité est de moins en moins une assurance individuelle assortie d’un droit de tirage. Financée par l’ensemble des contribuables, elle implique des droits et des devoirs, car chacun est comptable de tous et tous de chacun. Par suite de la réforme que vous avez votée, l’assurance chômage n’est plus du tout financée par les cotisations des salariés, elle est financée par les cotisations des employeurs et par la CSG. De cette transformation il faut évaluer toutes les conséquences. Il n’y a plus un droit au chômage, au sens où on l’entendait classiquement, il y a un droit qui est offert par la société, mais dont on ne s’est pas garanti l’accès à titre individuel, puisque tous les contribuables l’ont financé. C’est là que se joue la véritable transformation, et c’est là que réside la véritable dignité : tout le monde doit être protégé, mais chacun a sa part de responsabilité dans la société. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) C’est en contribuant, chacun selon ses possibilités, que l’on devient citoyen.

C’est pourquoi nous allons transformer notre système de solidarité pour le rendre tout à la fois plus universel et plus responsabilisant, en accompagnant toute personne qui le peut vers une activité professionnelle, même à temps partiel, et en exigeant de chacun qu’il prenne sa part dans le fonctionnement de la société, à sa mesure. C’est ce système de droits et de devoirs qui est au cœur du pacte républicain, et non la stigmatisation odieuse selon laquelle certains bénéficieraient d’assistanat. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) C’est cette philosophie qui sera mise en œuvre dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage et de la réforme des minima sociaux.

La solidarité nationale se traduit, enfin, dans l’aide que nous devons, de manière inconditionnelle, aux plus fragiles.

Les plus fragiles, ce sont d’abord les enfants. Quelle gloire peut-on tirer de politiques sociales qui ont condamné à la pauvreté un enfant sur cinq dans notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Nous investirons pour sortir les enfants de la pauvreté et de ses conséquences dramatiques. Nous déploierons en particulier une action à l’endroit des enfants en danger ou maltraités, si nombreux dans notre pays. Ces initiatives interviendront dès l’automne.

Les plus fragiles, ce sont aussi nos concitoyens qui sont en situation de handicap. Pour ces derniers, vous avez décidé une augmentation de cent euros de l’allocation aux adultes handicapés. La politique de réinsertion dans l’école et dans le travail sera poursuivie, avec des choix budgétaires clairs et un accompagnement renforcé. Nous engagerons aussi une politique de retour vers la citoyenneté pleine et entière, incluant un retour au droit de vote pour ces personnes, y compris pour celles sous tutelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Les plus fragiles, ce sont encore nos concitoyens qui vivent en situation de pauvreté. La stratégie de lutte contre la pauvreté sera présentée en septembre et mise en œuvre en 2019. Construite avec l’ensemble des acteurs, elle ne se contentera pas de proposer une politique de redistribution classique, elle engagera une politique d’investissement et d’accompagnement social. Ce ne seront pas de nouvelles aides pour solde de tout compte, ce sera un accompagnement réel vers l’activité, le travail, l’effectivité des droits fondamentaux : la santé, le logement, l’éducation. Je veux que cette action engage toutes les forces vives de la société, au premier chef celles et ceux qui vivent dans la pauvreté. Je ne veux pas d’une stratégie qui s’imposerait d’en haut, dans la torpeur de l’été, afin de régler un problème ou cocher une case. Je veux une stratégie qui sorte enfin de l’état de minorité civique ceux de nos concitoyens qui vivent en situation de pauvreté et qui veulent être les acteurs de leur propre vie et de ce changement. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Je veux une stratégie de lutte contre la pauvreté qui ne permette pas à nos concitoyens pauvres de vivre mieux, mais bien de sortir de la pauvreté, une bonne fois pour toutes !(Mêmes mouvements.)

Les plus fragiles, ce sont enfin les plus âgés, vivant en situation de dépendance. Là se niche l’angoisse des personnes âgées et de leurs familles. Nous l’avons laissée s’installer et nous avons permis que les familles trouvent par elles-mêmes les réponses, en dehors de tout cadre officiel, faisant de la dépendance une détresse inouïe : détresse des personnes qui vivent cette situation durant les derniers mois de leur vie ; détresse de leurs familles qui vivent dans l’angoisse, celle, souvent, de ne pas leur offrir la vie qu’elles leur devaient ; détresse des personnels soignants qui font face à une transformation, là aussi, de ce qu’est la dépendance. On entre dans les établissements de plus en plus tard et dans des situations de plus en plus difficiles ; et nous y laissons des personnels remarquables, mais avec des équipements et un taux d’encadrement qui ne permettent pas de faire face à une dépendance de plus en plus médicalisée et à une transformation du grand âge. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Ce que nous avons vu émerger ces dernières années, c’est un nouveau risque social, auquel nous serons tous et toutes confrontés. Une partie de l’angoisse que j’entends nos concitoyens les plus âgés exprimer n’est pas seulement de l’angoisse pour eux-mêmes et leur retraite, elle concerne aussi ce qu’ils vont devenir ou ceux dont ils ont souvent la charge.

Il nous faut donc construire pleinement le financement et l’organisation de ce nouveau risque social. Nous ne pouvons plus longtemps l’ignorer, faire semblant ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Nous devons venir au secours des familles, organiser les choses différemment, répondre aussi aux besoins des personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui font le travail admirable que je décrivais. (Mêmes mouvements.) L’année 2019 y sera consacrée, et je souhaite que soit votée durant cette année une loi qui le permette. (Mêmes mouvements.)

Il est cependant certain que répondre aux peurs contemporaines n’impose pas seulement une action économique et sociale. Nous vivons dans un pays qui ressent sourdement la peur d’un effacement culturel, d’un déclin lent de ses propres repères, des repères historiques qui ont forgé notre nation. Le terrorisme, le fracas du monde, l’immigration, nos échecs en matière d’intégration, les tensions de notre société depuis plusieurs décennies s’entrechoquent, bien souvent dans la confusion, et font germer une peur culturelle, civilisationnelle, le sentiment sourd que ce monde qui advient imposerait de renoncer à celui d’où nous venons, avec ses fondamentaux et ses valeurs. (Applaudissements sur quelques bancs.)

C’est pourquoi il nous faut restaurer l’ordre et le respect républicains (Mêmes mouvements), c’est-à-dire restaurer cette idée que la démocratie n’est pas un espace neutre ouvert à tous les relativismes, mais d’abord la reconnaissance partagée des droits et des devoirs qui fondent la République même.

De cet ordre républicain, la sécurité est le premier pilier. Car l’insécurité frappe avant tout les plus modestes, les quartiers les plus populaires, les classes populaires et moyennes qui n’ont pas forcément choisi l’endroit où elles habitent et en subissent toutes les conséquences. La police de sécurité du quotidien reconstitue cette proximité de la population et de la police qui donne un visage à l’autorité et conjure le sentiment d’abandon ou d’oubli de populations livrées à des lois qui ne sont plus celles de la République. Ainsi avez-vous commencé à donner de nouveaux moyens à nos forces de l’ordre, et je vous en remercie. (Applaudissements sur quelques bancs.)

La réforme de la procédure pénale permettra d’aller plus loin, et d’alléger les charges inutiles pour nos policiers et nos gendarmes comme pour nos magistrats. Vous aurez ce texte important à discuter et à voter afin qu’il puisse entrer en vigueur au premier trimestre 2019.

Nous redéfinirons aussi le sens de la peine, car ce que nous voulons, c’est une autorité de la République qui fasse respecter les règles avec discernement et équité, afin que la prison, en particulier, retrouve toute sa signification en termes de punition, mais aussi de réinsertion. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Pendant ces derniers mois, nous avons aussi mis fin aux occupations illégales du domaine public auxquelles nous nous étions trop habitués depuis des années, à Notre-Dame-des-Landes comme à Bure, et qui laissaient les habitants dans le désarroi. (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs.)

La sécurité recouvre également la lutte contre le terrorisme. Sur ce point, nous avons poursuivi les transformations indispensables et réarmé notre organisation à tous les niveaux, en particulier grâce à la loi de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme, qui a permis de sortir de l’état d’urgence et d’instituer dans notre droit les instruments indispensables pour lutter contre le terrorisme contemporain.

Nous avons eu, à Marseille, à Trèbes, à Paris, à subir de nouvelles attaques d’un terrorisme islamiste dont les formes ont changé, qui ne s’appuie plus sur des organisations internationales fortement structurées, mais se love dans nos sociétés elles-mêmes et utilise tous les moyens contemporains. De nouvelles décisions seront prises et le travail doit se poursuivre, sans fébrilité, mais sans relâche. C’est celui d’une génération.

Sur ces sujets, le temps est à l’action déterminée, et je veux ici rendre hommage à l’ensemble de nos soldats qui combattent au Levant et en Afrique l’ennemi djihadiste (Mmes et MM. les membres du Congrès, hormis quelques-uns, ainsi que plusieurs membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement), comme à nos forces de sécurité intérieure qui, avec courage et calme, assurent la protection de nos concitoyens. (Mêmes mouvements.)

Au-delà de la sécurité, l’ordre républicain est fondé sur un système de droits et de devoirs dont chaque citoyen est le dépositaire et que nous devons réactiver. Les droits et les devoirs, c’est bien entendu à l’école que nous les enseignons de façon plus systématique. C’est pour cela que nous poursuivrons la formation et l’accompagnement des maîtres, en particulier sur la laïcité. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs.)

Mais nous le ferons aussi par le service national universel, qui sera précisé d’ici à la fin de l’année, à l’issue d’une nécessaire consultation. Depuis quand n’avait-on pas ainsi sondé la jeunesse sur ses aspirations ? Je crois profondément dans ce service universel, car c’est en connaissant mieux son compatriote, que jamais peut-être on n’aurait croisé autrement, que l’on se met en mesure de le comprendre mieux, de le respecter et de sentir ce lien invisible qui fait la communauté de destin d’une nation. C’est aussi le moyen de comprendre ce qu’est l’engagement, le cœur de notre République, et je sais que notre jeunesse saura s’en saisir. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

La société républicaine que nous voulons est une société du respect et de la considération. Nous l’avons constaté pendant la campagne présidentielle, une forme d’irrespect, voire de violence, s’était banalisée à l’égard d’une catégorie de Français : les femmes. Qui aurait cru qu’en ce début de XXIe siècle, l’État devrait encore se battre pour que cessent le harcèlement du quotidien, l’inégalité des salaires, la violence physique et morale dont les femmes sont victimes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Ce combat, souvenez-vous, a d’abord surpris. À certains, il avait même pu paraître dérisoire lorsque, dès avant mon élection, je m’étais engagé à en faire la grande cause du quinquennat. Une loi importante en ce domaine sera votée prochainement, et la mobilisation en matière de droits comme d’égalité salariale se poursuivra dans les mois et les années qui viennent. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Mais nous avons, ce faisant, précédé un mouvement mondial. La France, lorsque ce mouvement a surgi chez nous, était prête et consciente. De cela, nous devons être fiers. Nous n’avons pas suivi le mouvement : nous l’avons anticipé, parce que le respect et la considération ne se négocient pas dans une société républicaine ; et lorsqu’ils reculent, c’est toute la société qui recule. (Mêmes mouvements.)

C’est, du reste, ce qui s’est aussi produit dans des territoires entiers, enfermés dans le mépris et la condescendance. Notre politique pour les quartiers s’est ainsi fondée sur le retour de la considération et sur cette conviction que naître et vivre dans un quartier ne saurait être un stigmate. Les emplois francs, la généralisation des stages en entreprise, le retour des services publics, des programmes de rénovation urbaine accélérée, des réponses pragmatiques bâties avec les citoyens, une école adaptée permettront de sceller dans des territoires oubliés le retour d’une considération nationale qui, trop souvent, s’est confondue avec l’indifférenciation de plans dispendieux. (Applaudissements sur quelques bancs.)

L’ordre républicain, c’est aussi cette nécessité de ramener dans le giron de la République des pans de la société qui s’en sont éloignés.

La République n’a aucune raison d’être en difficulté avec l’islam, pas davantage qu’avec aucune religion. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) La laïcité, du reste, commande qu’elle n’ait pas à en connaître et veut simplement que soit garantie à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire. (Mêmes mouvements.)

Mais il y a une lecture radicale et agressive de l’islam, qui se fixe pour but de mettre en cause nos règles et nos lois de pays libre et de société libre, dont les principes n’obéissent pas à des mots d’ordre religieux. Il faut que tout le monde sache qu’en France, la liberté individuelle, la liberté de penser, la liberté de critiquer, l’égalité des femmes et des hommes, le respect des choix individuels, tant qu’ils n’attentent pas aux droits des concitoyens, sont des principes intangibles. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Il faut que tout le monde sache que nulle mise en cause de ces principes ne peut être acceptée sur le fondement d’un dogme religieux. (Mêmes mouvements.) La laïcité, c’est le respect réciproque : respect de la société et de l’État à l’égard des croyants ; respect des croyants à l’égard de la société et des principes d’un État qui appartient à tous. (Mêmes mouvements.) Je sais que l’immense majorité de nos concitoyens musulmans le savent, le partagent, l’approuvent et sont prêts à participer à cette affirmation de notre République.

C’est pourquoi, dès l’automne, nous clarifierons cette situation, en donnant à l’islam un cadre et des règles garantissant qu’il s’exercera partout de manière conforme aux lois de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Nous le ferons avec les Français dont c’est la confession et avec leurs représentants. L’ordre public, la civilité ordinaire, l’indépendance des esprits et des individus à l’égard de la religion ne sont pas de vaines paroles en France, et cela impose un cadre rénové, une concorde retrouvée. (Mêmes mouvements.)

Cette démarche avait été différée au nom de cette idée que tout se vaut et qu’au fond, notre pays n’est qu’un assemblage chaotique de traditions et de cultures. Sur ce terrain n’ont grandi que l’insécurité morale et l’extrémisme politique. Il est temps pour la République de se ressaisir de la question culturelle et de considérer de nouveau comme de son devoir de faire émerger non une culture officielle, mais une culture partagée.

Si l’école est le creuset de cette culture commune, la société en est la caisse de résonance, et nous devons œuvrer ensemble à rendre à la France cette voix, ce timbre, ce regard qui toujours ont fait sa singularité, qui sont la confluence de mille rivières, mais qu’on reconnaît au premier coup d’œil. C’est pourquoi nous faisons tant d’efforts pour le patrimoine. C’est pourquoi nous nous battons pour la langue française partout à travers le monde. C’est pourquoi nous voulons une politique culturelle qui ose dire qu’il est des expressions plus belles, plus profondes, plus riches que d’autres, et que notre devoir est de donner le meilleur à tous nos compatriotes – cette politique de l’accès à la culture par l’école, tout au long de la vie et sur l’ensemble de nos territoires. C’est pourquoi, enfin, nous devons prendre soin de nos auteurs, faire qu’ils soient rémunérés de manière adaptée et défendre leur situation en Europe, où des victoires ont été remportées, mais où le combat continue. Nous ne voulons pas une culture officielle, mais une culture française plurielle et vivante, qui puisse continuer à s’épanouir et à rayonner. Nous voulons continuer à produire un imaginaire français. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Cet ordre républicain, enfin, se construit dans la cohésion nationale et donc dans le rapport à l’autre : l’étranger. La peur que nous devons entendre, c’est bien celle-là. Je sais combien ces débats vous ont vous-mêmes préoccupés. Je pense que ce sujet ne peut être réglé ni dans l’émotion, qui crée la confusion, ni dans la fermeture et le repli nationaliste, qui ne permettent de régler durablement aucun problème. Nous devons, sur ce sujet encore, nous montrer fidèles à notre Constitution, qui protège de manière inconditionnelle ceux qui demandent l’asile, mais impose des règles précises à ceux qui, pour des raisons économiques, quittent leur pays pour rejoindre le nôtre.

L’ordre républicain exige le respect des frontières, des règles pour rejoindre ce qu’est la nation – c’est le principe même de la souveraineté – et un devoir d’humanité que notre Constitution prévoit. C’est en respectant cette grammaire que nous devons faire face à nos défis contemporains. Il n’y a aucune solution de court terme, facile : ni celle de l’émotion, ni celle de la colère. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Il n’y a qu’une voix exigeante, celle de la République et de la coopération en Europe. Elle passe par une politique que nous devons repenser, à laquelle nous devons redonner de l’ambition : un partenariat refondé avec l’Afrique. (Mêmes mouvements.) Cette jeunesse qui quitte l’Afrique aujourd’hui pour prendre tous les risques et qui n’a pas droit, dans une large majorité, à l’asile, c’est la jeunesse du désespoir, la jeunesse à qui on n’a plus donné de projet, qu’elle vienne du Golfe de Guinée ou d’une bonne partie du Sahel. La France et avec elle l’Europe doivent rebâtir les termes d’un partenariat, car l’histoire contemporaine ne nous rappelle qu’une chose : nous ne sommes pas une île et nous avons destins liés. (Mêmes mouvements.)

La deuxième de nos réponses passera par un renforcement de nos frontières communes en Europe – un investissement assumé que la France porte, un investissement voulu, cohérent – et par une politique de responsabilité et de solidarité au sein de l’Europe. Aucune politique nationaliste de court terme ne réglera en rien la situation migratoire (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs) ; elle sèmera la division en Europe. Toute politique qui voudrait mélanger toutes les situations et ne pas voir qu’il en existe aujourd’hui de différentes, selon que l’on vient d’un pays en guerre ou selon que l’on n’en vient pas, oublie aussi cette cohésion nationale indispensable que nous devons préserver. Mais jamais la France n’acceptera les solutions de facilité que d’aucuns proposent, qui consisteraient à organiser des déportations à travers l’Europe, pour aller mettre dans je ne sais quels camps, à ses frontières, en son sein ou ailleurs, les étrangers qu’on ne voudrait pas. (Mêmes mouvements.)

Cet ordre républicain auquel nous croyons est le fondement d’une nation d’hommes et de femmes libres. Il repose sur une tension éthique permanente, celle même de la République, qui nous impose de ne céder à aucune facilité contemporaine. C’est cela aussi, une puissance du XXIesiècle, et c’est la vocation de la France d’enraciner sa force dans cette liberté civique, quand trop d’observateurs voudraient nous faire croire qu’il n’est de puissance que par la sujétion des individus, par le recul des libertés et par l’affaiblissement des droits.

Pour faire face à la peur de l’effacement, à cette insécurité culturelle et civilisationnelle que j’évoquais, nous avons aussi besoin de porter le projet français pour l’Europe, qui est de retrouver le sens et la substance de notre coopération face à tous les défis que nous pouvons relever uniquement ensemble, en tant qu’Européens. Cet engagement, ce projet français a d’ores et déjà permis des avancées réelles que d’aucuns pensaient impossibles jusqu’alors. Nous avons progressé vers une Europe qui protège davantage : par une politique de défense, dont l’idée même était abandonnée depuis soixante-dix ans ; par une meilleure régulation du travail détaché assurant la protection des salariés européens ; par la défense de nos intérêts communs sur le plan commercial ; par la conclusion, voilà quelques semaines, d’un accord franco-allemand de moyen terme, qui n’avait pas été fait depuis plus de vingt ans et qui a permis de jeter les bases d’un budget de la zone euro. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Depuis quand n’avions-nous pas attendu les crises pour avancer concrètement ? Cette Europe-là n’est pas incantatoire ni éloignée. Elle prend en charge le quotidien des Européens et leurs intérêts vitaux.

Toutefois, ces avancées réelles pour lesquelles la France s’est battue ne doivent pas faire oublier les doutes et les divisions. L’Europe est encore trop lente, trop bureaucratique, trop divisée pour affronter la brutalité des changements politiques, sécuritaires, migratoires et technologiques. Notre plus grande erreur serait cependant de brandir les spectres du passé et de redouter la répétition de l’histoire ou je ne sais quelle fatalité européenne du conflit. Ce n’est pas cela qui nous menace. La vérité est que nos combats d’aujourd’hui requièrent l’Europe, car nous ne pourrons être à la hauteur des enjeux contemporains qu’en unissant nos forces avec les nations dont l’histoire a fait nos partenaires naturels. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Ni les défis commerciaux, ni les défis du climat, ni les défis de la défense, ni les défis économiques et monétaires ne peuvent se relever dans l’isolement, et encore moins le défi migratoire que j’évoquais à l’instant. En ces matières, la solution véritable ne peut être que dans la coopération européenne. (Mêmes mouvements.)

C’est au cœur de ces interrogations que se joue l’Europe de demain. Elle sera nécessairement une Europe des peuples. Peut-être les vingt-huit peuples qui composent l’Union n’avanceront-ils pas tous au même rang, au même pas, mais ils se montreront capables d’agir ensemble dans des circonstances exceptionnelles face à des défis qui nous confrontent au plus vif de ce que nous sommes. Au sein de cette Europe, la France fait entendre sa voix, avec un projet clair, celui que j’ai présenté en octobre dernier à la Sorbonne, celui d’une Europe plus souveraine, plus unie, plus démocratique, celui d’une Europe qui sera portée par une coalition de volontés et d’ambitions, et non plus paralysée par l’unanimisme et capturée par quelques-uns. Mais il faut aussi le dire clairement, la frontière véritable qui traverse l’Europe est celle aujourd’hui qui sépare les progressistes des nationalistes. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Nous en avons pour au moins une décennie. Ce sera difficile, mais le combat est clairement posé. Il sera au cœur des enjeux des élections européennes de 2019, qui appartiennent à ces scrutins qui sont aussi des tournants.

Et comme au cœur de toute menace naît une grande opportunité, c’est sur cette crise que nous fonderons les clés de la puissance européenne, de l’indépendance européenne, de la conscience européenne de demain, après soixante-dix ans de paix qui nous ont trop souvent conduits à perdre de vue le sens même de l’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) La crise que nous traversons nous dit une chose : l’Europe des assis, l’Europe des assoupis est terminée. (Mêmes mouvements.) Un combat est en train de se livrer, qui définira le projet de l’Europe à venir : celui d’un repli nationaliste ou celui d’un progressisme contemporain.

La France porte sa voix. Elle est écoutée, parce que c’est une voix forte. C’est la voix de la raison, mais aussi, parfois, la voix de ceux qui n’en ont pas ou qui n’en ont plus, qui parle pour la défense des biens communs. Je m’attacherai à ce combat. C’est à ce titre que nous nous sommes engagés dans d’autres luttes et que la France a fait entendre sa voix, lorsque les États-Unis se sont retirés de l’accord de Paris. C’est pour cela que nous sommes intervenus sur le nucléaire iranien ou dans la crise syrienne. C’est pour cela que la France aujourd’hui est à l’initiative pour réinventer un multilatéralisme fort, dont le monde contemporain a besoin. La France, de nouveau, est cette médiatrice, ce tiers de confiance qui tente de tenir ensemble les équilibres du monde et de trouver les voies d’avenir. C’est ce rôle nécessaire, tout à la fois pour notre sécurité et la défense de nos valeurs, qu’aujourd’hui nous menons. Je crois dans la possibilité de défendre une démocratie forte et respectée. Je crois dans la possibilité de défendre une Europe forte et souveraine. Je crois dans la possibilité de défendre les valeurs universelles qui nous ont faits à travers ce multilatéralisme fort contemporain. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Tel est, mesdames et messieurs, le cap que je fixe à la France. Vous l’aurez compris, je souhaite renouer avec ce projet français que nous avons perdu de vue trop longtemps par frilosité ou par confort intellectuel. Il suppose, je l’accorde, de vouloir s’affranchir des querelles où nous nous sommes, en quelque sorte, confondus ou auxquelles nous nous sommes longtemps habitués. Ce projet ne peut se déployer que si nous en finissons avec ce renoncement où nous nous sommes enfermés depuis quarante ans, qui voudrait que la France ne soit qu’une puissance moyenne. Cette idée nous a étouffés et meurtris. Je crois, moi, que la France a les moyens de devenir de nouveau une puissance du XXIe siècle. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Pour mener ce projet, nous partons du réel. Nous ne nous alourdirons pas d’idées préconçues, de clivages recuits, d’idées surannées. Le progrès, la dignité de l’individu, la force juste de la République sont nos boussoles et nous suffisent. (Applaudissements sur quelques bancs.) Notre seule idéologie, c’est la grandeur de la France, n’en déplaise à certains (Mêmes mouvements) et ce que nous construisons, n’en déplaise aux adeptes de l’immédiat, nous le faisons pour aujourd’hui, mais aussi pour demain, c’est-à-dire pour la jeunesse (Applaudissements sur de nombreux bancs), pour qu’elle grandisse dans un pays où elle puisse choisir sa vie, ressentir pleinement cette appartenance qui fait la force d’un peuple et contribuer librement à ce projet qu’on appelle une nation. C’est en somme un patriotisme nouveau, réinventé, vivifié que nous sommes en train de construire. Il ne se fait pas en un jour, ni en un an, mais c’est à cela, mesdames et messieurs, que je vous appelle. Vive la République, vive la France ! (De très nombreux membres du Congrès et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

Emmanuel Macron, le 9 juillet 2018 à Versailles.

Source : www.assemblee-nationale.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180709-discours-macron-versailles.html

 

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26 juin 2018 2 26 /06 /juin /2018 22:28

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Discours du Président Emmanuel Macron le 26 juin 2018 à Saint-Jean-de-Latran, au Vatican

C’est extrêmement intimidant, merci... merci chers amis pour votre accueil. Et je suis très heureux que nous nous retrouvions dans ce lieu un peu particulier. Me trouver devant vous aujourd’hui, c’est acter un moment un peu à part et une visite un peu à part. Et pouvoir retrouver la communauté ecclésiastique française présente ici, au Vatican, c'est aussi partager un peu de cette singularité. Et je le fais à un moment, à l’issue de ce voyage, qui est peut-être – je ne le sous-estime pas – une torture pour quelques-uns d’entre vous puisque nous sommes au début du match de l’équipe de France dans ce Mondial, au moment où je commence à m’exprimer devant vous, la 19èmeminute était à peu près en train de s’ouvrir, il y avait toujours 0 à 0, et des mauvaises langues étaient en train de me dire « avec une légère domination danoise ». Sur ce sujet, il est permis d’avoir de la mauvaise foi. Nous serons donc qualifiés, mais, j’espère, dans les meilleures conditions, et dès après cette cérémonie, nous pourrons voir au moins la deuxième mi-temps.

Je vous remercie en tout cas d’avoir été présents pour cette cérémonie, et d’être dans cette basilique dont les premières fondations remontent au IVème siècle, dont nous avons rappelé à l’instant, avec Son Excellence et le chanoine qui nous a fait l’amitié de ce tour, l’importance et le statut un peu à part dans l’Eglise.

Et c’était aussi l’occasion de rappeler le statut un peu à part, ou le lien un peu à part de la France avec l’Eglise catholique. Et je remercie l’ensemble de la délégation qui m’a accompagné, évidemment le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, et donc en charge des Cultes, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, nos parlementaires et l’ensemble de la délégation qui ont accepté, depuis ce matin, d’être à mes côtés.

Je tiens à ce lien un peu particulier. Et ce lien un peu particulier et tout à la fois le fruit de notre histoire, que nous avons eu l’occasion de rappeler tout à l’heure, est parfaitement compatible avec la France contemporaine que nous connaissons. Parce que l’histoire de la France fait que la République a construit son aventure un peu particulière avec l’ensemble des religions, mais je dirais, tout spécifiquement avec l’Eglise catholique. La séparation de l’Eglise et de l’Etat, c’est la reconnaissance d’un ordre temporel et d’un ordre spirituel. C’est la reconnaissance qu’il y a sur les affaires politiques, une spécificité complète, que l’ordre politique s’établit, que les lois ne sont décidées que par ceux qui représentent et ont la souveraineté du peuple ; mais c'est permettre à chacun, au sein de la Nation, de croire et de ne pas croire. Et donc c’est donner aussi la possibilité à chacun, en respectant les règles de la République dans sa vie de tous les jours, d’avoir ce rapport à la spiritualité.

Et donc la laïcité française, qui parfois, est un mystère – nous en avons longuement parlé ce matin avec Sa Sainteté le pape François – ça n'est pas la lutte contre une religion ! C’est un contresens ! C'est une loi de liberté, la laïcité. C'est la liberté de croire et de ne pas croire, et c'est donc la possibilité pour chaque individu de croire résolument, absolument et je n’ai pas à la qualifier ni à en connaître, en tant que chef d’Etat. C’est d’être dans sa religion, à la condition que chacune et chacun, quelle que soit sa religion, sa conviction philosophique – ou pas – soit pleinement dans la République pour ce qui est des affaires de celle-ci. Et c'est pourquoi, je crois très profondément que ce lien particulier qu’a la France avec l’Eglise catholique est compatible, y compris la cérémonie que nous venons de vivre, avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

La laïcité, ce ne serait pas une pudibonderie contemporaine qui consisterait à dire « ne me parlez pas de religion » ! « Cachez cette religion », ou « cette croyance que je ne saurais voir » ! Elle est partout dans la société ! Et nous en avons anthropologiquement, ontologiquement, métaphysiquement besoin. Certains comblent ce besoin dans des convictions philosophiques, d’autres, dans un agnosticisme revendiqué. Mais cela est là. Et donc la présence, ma présence ici avec l’ensemble des membres de la délégation, et le fait d’être présent à cette cérémonie et dans ce lieu multiséculaire avec vous témoigne de ce « en même temps revendiqué ».

La deuxième chose qui fait ma satisfaction de vous avoir à mes côtés et de m’exprimer devant vous aujourd’hui, c’est que je crois qu’on ne construit rien de solide dans un monde en bouleversement profond, où les changements sont radicaux, quels que soient les sujets, qu’ils soient technologiques, économiques, sociétaux, géopolitiques - regardez le monde dans lequel nous vivons : tout est bousculé , tout, les repères dans lesquels nous pensions vivre et que nous croyions intangibles sont profondément percutés -, nous ne pouvons pas avancer si nous ne savons pas d’où nous venons et quelles sont nos racines profondes, nos traditions, avec leurs histoires ! Et donc le lien particulier qu’il y a aussi entre la République française et le Vatican, c’est une part de cette histoire. C’est une part de l’histoire de la France, de ce qui l’a faite, de son socle, de ses origines, elle n’est pas exclusive ! Elle s’est modifiée à travers le temps, y compris à travers les combats politiques, les lois, celles que je rappelais à l’instant. Mais oublier ses racines ou ne pas vouloir les voir, c’est en tout cas s’assurer à peu près qu’on ne peut pas regarder le présent et ses tourments avec la force de ce qui nous a faits.

On peut accepter beaucoup de choses, on peut penser beaucoup de choses et avoir une action courageuse, à condition de savoir d’où l’on vient et ce qui nous a faits ; quels sont les fondements philosophiques, religieux de nos sociétés. Ils sont là. C’est une réalité. Des luttes et des histoires ont fait qu’on s’en est émancipé, et que le lien entre l’Etat français, la République et la religion catholique n’est pas celui qu’il fut il y a deux cents ou trois cents ans. Mais ces racines sont là. Et ne pas vouloir voir ces racines, les penser, les intégrer, pas simplement pour regarder un héritage, mais pour comprendre ce que nous sommes, c’est se priver de pouvoir, avec beaucoup de force et de calme, saisir les défis contemporains.

Et lorsqu’on parle de tous les sujets qui fâchent – ce que nous avons fait, ce matin, avec Sa Sainteté le pape, des lois bioéthiques qui arrivent en France, des relations entre les religions, du sujet des migrants, des sujets géopolitiques qui nous préoccupent -, il faut à chaque fois le faire en tenant cette tension entre notre histoire contemporaine et nos traditions, en sachant aussi ce qui nous a constitués, en connaissant nos accords et nos désaccords, mais en cherchant ce qu’il y a de non-négociable dans ce qui nous faits. Et ce qui est non-négociable nous est commun : la considération pour la personne et la dignité de chacun, la volonté de respecter les droits comme un absolu, et un certain goût de l’universel.

Il y a peu de lieux comme le Vatican où on pense le monde et où tout le monde est convoqué. Mais il y a peu de pays comme la France où on prétend penser le monde entier, et où le monde entier est aussi convoqué. Nous avons en commun ces quelques principes, et dans des moments où tout pourrait nous faire basculer vers le repli, le doute, le retranchement et le ressentiment, savoir ce qu’il y a de non-négociable dans nos principes est je crois essentiel. Et je dis ça sans naïveté aucune et en connaissant le quotidien du pays que j’ai aujourd’hui à présider, et que le gouvernement administre. Sa Sainteté le pape François, à plusieurs reprises, a d’ailleurs reconnu ce chemin difficultueux. Nous ne parlons pas de ces principes comme étant dans des éthers ! Non ! Ils sont évidemment difficiles chaque jour, parce qu’ils sont bousculés chaque jour par les violences contemporaines, les inégalités que nous vivons et c'est tout cet art de la précaution qui va avec l’art de gouverner.

L’art de la précaution dont il a parlé à plusieurs reprises, la prudence, ce n’est pas se calfeutrer dans le refus du monde, ou la volonté de ne pas voir ou de ne pas toucher : c’est l’inverse. C'est l’humilité qui consiste à savoir que, tout en étant profondément attachés à ses principes, nous savons qu’il faut accepter la part de réel, les peurs, les imperfections, les chemins plus difficultueux. Mais une chose est de vouloir et d’agir avec humilité en sachant que ça ne satisfait pas tout à fait tout le monde, mais en en connaissant le cap, une autre est de vouloir revenir sur ces principes. C’est aujourd’hui ce combat qui parcourt notre Europe.

Et donc en étant présent devant vous aujourd’hui, j’ai conscience d’être dans ce dialogue un peu... singulier qui a fait notre histoire et que nous avons eu ce matin avec Sa Sainteté le pape François, celui qui est le fruit d’une série de tensions fécondes, d’un dialogue libre, franc que nous avons eu, et d’une amitié profonde. Cette tension entre la tradition et la modernité contemporaine, cette tension entre les principes auxquels nous croyons, et sur lesquels nous ne composerons jamais, qui unissent la France et le Vatican, et les difficultés contemporaines, les doutes, les peurs qui étreignent nos peuples.

Dans le moment que nous vivons, ne pas maintenir ces tensions, c’est commettre une erreur. Et c'est pourquoi ce dialogue est à mes yeux si important. C’est choisir les principes sans mains, la petite morale, ou c'est choisir la renonciation à nos valeurs, le cynisme ou la violence. Je crois qu’il y a un chemin qui, fort de nos valeurs, est celui qui consiste à embrasser le réel, le saisir, essayer de corriger chaque jour un peu, en étant conscient que cette correction de chaque jour n’est jamais suffisante, mais qu’il y a un chemin.

Et dans ce dialogue unique qu’il y a entre la République française, la France et le Vatican, c'est aussi le dialogue qu’il y a entre les imperfections quotidiennes de l’art de gouverner, et une spiritualité qui accompagne chaque catholique. Et nous avons besoin de ce dialogue-là ; qui n’est pas un dialogue de leçon de l’un à l’autre, qui ne doit jamais être un dialogue d’incompréhension ou de non-dits, mais qui impose en permanence l’échange, la compréhension, ce qui a fait notre histoire commune.

Nous sommes ici dans un lieu, et nous avons vu il y a quelques instants la statue d’Henri IV, qui a reconnu la conversion d’un roi et sa volonté de réconciliation à un moment où tout était fracturé en Europe, et en France tout particulièrement. Tout le monde en doutait, on lui disait que c’était impossible, ses plus proches conseillers lui disaient que c’était une imbécilité de le faire. Il l’a fait et au cœur même – au cœur même ! – de l’Eglise. Au cœur du cœur, dans non seulement la plus vieille mais la plus grande des églises d’Europe, on lui a donné ce titre, j’en ai rappelé l’histoire. Et on lui a donné ce titre à lui, qui n’était pas le meilleur des catholiques ! Qui n’était pas le meilleur exemple ! Dont les sobriquets ont accompagné la vie, qui manifestait quelque chose qui ne recouvre pas totalement l’idée qu’on peut se faire d’un tel statut ! Précisément parce qu’il a assumé cette tension au moment où il l’a fait. Parce qu’avec l’Edit de Nantes, avec le choix de cette réconciliation, il l’a fait pour la France et pour l’Europe à l’époque ! Le choix de reconnaître une part des traditions qui faisaient son royaume, et d’accepter le déséquilibre historique, éthique, personnel de sa situation.

Dans les moments tragiques de l’histoire, on ne vit qu’en déséquilibre, et dans le dialogue que nous avons à nouer, en particulier avec l’Eglise catholique, c’est un dialogue de déséquilibre fécond, d’instabilité aimée qu’il faut préserver. Ses deux jambes ne sont jamais tout à fait les mêmes ; peut-être que parfois, ça claudique, d’autre fois ça court, mais celui qui est stable n’avance plus. Celui qui accepte l’insécurité, l’intranquillité dans ces moments critiques, aide à avancer sans doute.

Nous aurons donc beaucoup de temps intranquilles devant nous, et nous ne l’avons pas choisi. L’évolution de la société est ainsi faite, ce qui en ce moment est un défi pour l’Europe, parce que c'est une crise politique et un défi pour l’Europe, la grande crise migratoire que nous connaissons à travers à la fois la Méditerranée, les Balkans et l’Espagne, c’est l’interrogation qui est faite à nous-mêmes de savoir comment nous nous pensons, comment nous pensons notre histoire et notre avenir, et quelle place nous voulons donner à l’autre dans ce projet. Ni plus ni moins.

Je passerai encore beaucoup de jours, de nuits et de mois à trouver des solutions techniques avec mes collègues pour ce problème, mais au fond, la question essentielle n’est que celle-ci : elle ne se résout ni dans la dilution absolue de ce que nous sommes, ni dans le rejet absolu de l’autre, mais dans un chemin qu’il nous faudra trouver si nous voulons que l’Europe tienne.

Les doutes que nos sociétés ont devant les changements technologiques, les transformations les plus sociétales, sont là. Et ils imposent d’une part de savoir quelle est la grammaire fondamentale que nous voulons continuer à faire respecter, et aussi de savoir reconnaître la part de chacun dans la société. Les changements climatiques, technologiques – je ne serai pas exhaustif – aujourd’hui, tous ces sujets sont des sujets que nous ne saurons traiter de manière simple, naïve, immédiate. Ils imposeront ce déséquilibre, de décentrement, cet inconfort.

Alors Mesdames et Messieurs, vous êtes ici avec une part de France, dans ce lieu un peu particulier du monde, et dans ces temps qui s’ouvrent, avec une responsabilité sans doute un peu particulière. Je souhaite que la France, dans ces moments de doute, joue son rôle, qu’elle joue sa part : celle d’être un pays qui avait toujours de rapport à l’universel que j’évoquais il y a un instant, et que nous essayons d’apporter notre réponse à ces défis contemporains. Parce que nous avons un peu le monde chez nous et que quand nous n’apportons pas ces réponses, nous ne savons pas vivre avec nous-mêmes. J’y mettrai toute mon énergie, le gouvernement, l’ensemble des parlementaires aussi, il faut regarder les choses avec humilité, nous ne réglerons pas tout, mais nous essaierons de trouver un chemin et d’avancer.

Dans ces moments-là, votre présence ici est tout particulièrement importante. D’abord pour porter un peu de ce message et de cette ambition française, ici, au Vatican, mais également pour poursuivre le dialogue, l’échange, la controverse, la discussion, le cheminement conjoint. Parce que nous ne pouvons, dans ces temps qui viennent, choisir le silence ou accepter les malentendus. Ça prend parfois un peu de temps, mais nous y arriverons ; et donc je vous donne cette double responsabilité : celle de porter un peu de ce projet français, mais celle aussi d’avoir cette responsabilité de dialogue, cette capacité à poursuivre ce chemin.

La France l’a vécu, ces derniers mois et ces dernières années. Les catholiques en France ont su poursuivre ce chemin difficultueux. Il suffit de ne pas tomber dans le doute ou le repli. Après le terrible attentat et l’assassinat du Père HAMEL, les catholiques ont été exemplaires ; ils seront sollicités à nouveau. Mais le dialogue que nous avons entre le Vatican et la France est dans cette période, indispensable. Si nous ne voulons pas céder aux peurs, et si nous ne voulons pas nous réfugier dans l’irénisme.

Voilà quelques convictions parcellaires, imparfaites, et au-delà du texte qui m’avait été fait mais que je n’ai pas du tout suivi, donc que je ne vais pas reprendre, mais que je voulais vous livrer après cette journée dense, très forte et pour moi très émouvante, et les échanges que j’ai pu avoir.

Mais vous avez donc, chacune et chacun, un peu de ce mandat. Et ne le mésestimez pas. En plus de vos tâches, ici, dans vos qualités, vos fonctions, je vous demande un peu de porter ce message de la France et de poursuivre, d’entretenir ce dialogue indispensable entre nous. Je compte sur vous pour cela et je vous remercie d’être là et de poursuivre. Je reviendrai, vous l’avez compris, mais nous allons continuer à cheminer ensemble.

Je ne serai pas plus long, j’ai passé un temps avec vous et je veux à la fois vous remercier pour votre présence, remercier notre ambassadeur pour tout le travail effectué pour l’organisation de cette visite, merci également, Madame, et remercier l’ensemble de la délégation qui m’accompagnait et qui est venue à votre rencontre, mais aussi l’ensemble de ceux qui nous accueillent dans ce lieu chargé tout à la fois d’histoire et de spiritualité. Merci beaucoup !

Emmanuel Macron, le 26 juin 2018 à Saint-Jean-de-Latran, au Vatican.

Source : www.elysee.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180626-discours-macron-vatican.html




 

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7 mai 2018 1 07 /05 /mai /2018 02:47

« Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces. » (Jean Jaurès, Albi le 30 juillet 1903).


_yartiMacron2018050401

Déjà un an qu’un ovni de la vie politique française, Emmanuel Macron, a été élu Président de la République française par les Français. Et pas le moins bien élu, bien au contraire, je l’ai déjà expliqué quelques jours après son élection : le dimanche 7 mai 2017, il a recueilli 66,1% des suffrages exprimés, donc, des seuls électeurs qui ont bien voulu faire entendre leur voix. Celle des autres, elle n’était ni contre ni pour, ils ont laissé les autres décider à leur place. Ce résultat est bien plus important que celui de Charles De Gaulle en 1965 ou de Georges Pompidou en 1969. Seul Jacques Chirac l’a battu en 2002 en dépassant les 82%.

Ceux qui ne sont pas convaincus de cette légitimité démocratique peuvent refaire le calcul avec les électeurs inscrits. 43,6% des inscrits, il n’y a pas à rougir de honte. De Gaulle avait obtenu à peine mieux, 45,3%. C’est le score de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 (43,8%). C’est mieux que François Mitterrand en 1981 (43,2%), mais aussi que Jacques Chirac en 1995 (39,4%), Nicolas Sarkozy en 2007 (42,7%) et François Hollande en 2012 (39,1%).

Toujours pas convaincus ? À cause des résultats du premier tour ? 24,0% des suffrages exprimés, ce n’est pas mal quand même. Mieux que Jacques Chirac en 2002 (19,9%). Par rapport aux inscrits ? 18,2% des inscrits au premier tour. Pas une catastrophe dans une société si émiettée. Du même ordre de grandeur que François Mitterrand en 1981 (20,6%) et bien mieux que Jacques Chirac, tant en 1995 (15,9%) qu’en 2002 (13,8%).


Proposer aux Français une vision nationale avec une cohérence politique

Bref, tous ces calculs, je les avais présentés dans mon article du 11 mai 2017 et ils restent toujours valables (les résultats électoraux n’ont pas bougé en un an !). Ceux qui refusent à Emmanuel Macron la légitimité démocratique sont donc de mauvais joueurs, des citoyens de mauvaise foi, des personnes antidémocrates qui refusent le verdict des urnes, aussi regrettable pour eux qu’il soit. On n’a jamais remis en cause la légitimité de François Mitterrand, ni de Jacques Chirac. Ils ont pourtant été moins bien élus qu’Emmanuel Macron à leur première élection. C’est un fait.

La vérité, c’est que les perdants de 2017, et ils se comptent tant à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche, mais aussi un peu partout sur l’échiquier politique, ne supportent pas que le Président élu agisse, soit parce qu’il a le courage de faire les réformes que ces perdants n’ont jamais osé entreprendre (ni osé rêver), soit au contraire, parce que ces perdants ont toujours été opposés à ces réformes.

Si les premiers préfèrent rester discrets (après tout, il vaut mieux laisser les autres faire le "sale boulot"), les seconds pensent que la rue sera un "troisième tour social", en d’autres termes, que la rue viendrait contredire le suffrage des électeurs dans les urnes. Si c’est inquiétant pour la démocratie, ils n’ont pas forcément tort d’un point de vue historique : Jacques Chirac, élu en mai 1995, a dû faire machine arrière dès décembre 1995 à cause d’un mouvement social très fort. Idem pour Dominique de Villepin au printemps 2006.

Il y a cependant une différence entre 1995 et 2018. Pas la détermination du gouvernement, car Édouard Philippe est aussi déterminé que son mentor en politique, Alain Juppé. Mais les circonstances. Jacques Chirac avait fait campagne sur le thème de la fracture sociale au point de rassembler des électeurs de gauche pour s’opposer au couronnement du Premier Ministre sortant Édouard Balladur. Alors qu’Emmanuel Macron a toujours dit ce qu’il allait faire pendant sa campagne. Il n’a pas tenu de propos démagogiques (demain, on rase gratis) et a annoncé clairement la couleur de ses positions économiques, et lorsqu’il n’a pas précisément indiqué certaines réformes (comme celle de la SNCF), sa philosophie générale était largement annoncée à l’avance, bien avant le scrutin, pas après.

C’est aussi dans la manière de communiquer qu’Emmanuel Macron a révolutionné la gouvernance. Pour la première fois depuis au moins 1981, voici un Président de la République qui assume les réformes qu’il entreprend. Il ne dit pas : je suis désolé, je dois les faire à cause de Bruxelles. Il ne dit pas : je suis désolé, je dois bien éponger la dette, réduire les déficits, arrêter de dépenser dépenser dépenser. D’ailleurs, cela n’empêchait pas de continuer à dépenser plus (encore aujourd’hui !!). Il ne dit pas : je n’y crois pas beaucoup mais il faut le faire (comme François Mitterrand).

Pour la première fois, un Président de la République est capable d’assumer et de croire en ce qu’il fait ! C’est cela qui est extraordinaire. Rien à voir avec le tournant de la rigueur de François Mitterrand en juin 1982 (je suis bien obligé alors que je voulais raser gratis) ou encore celui de François Hollande dès septembre 2012 (j’ai trouvé un petit truc pour faire plaisir aux entreprises, le CICE, mais je n’ose pas trop le clamer sur tous les toits pour éviter de susciter l’opprobre de mes frondeurs).

C’est cela, la différence avec ses quatre prédécesseurs : Emmanuel Macron est politiquement cohérent et il assume pleinement sa politique économique. Il ne cherche pas des "marqueurs" (de droite ou de gauche), il ne cherche pas des "mesures symboliques" (de droite ou de gauche). Il cherche avant tout, il l’a dit et répété, à ce que la France devienne un pays formidable pour entreprendre, pour créer de l’activité, pour créer des richesses.


Rendre la France économiquement attractive

L’objectif est très ambitieux vu la mauvaise réputation de la France (que les grévistes, manifestants et casseurs cherchent à faire perdurer !), mais Emmanuel Macron commence à faire bouger les lignes, pas celles de la politique (la nature reviendra au galop), mais celle de l’économie et de la réputation internationale de la France.

La France a une position privilégiée aujourd’hui en Europe grâce à l’enlisement politique de ses partenaires européens : Angela Merkel est liée par sa grande coalition au point de devenir aphone ou inaudible sur la scène internationale, Theresa May est en pleine difficulté en fin de négociations du Brexit qui se montrera comme la plus grosse erreur politique de l’après-guerre pour les Britanniques, sans compter l’impossible majorité à trouver en Italie (il n’y a plus de gouvernement depuis deux mois), la grande fragilité politique de Mariano Rajoy, etc.

Le voyage aux États-Unis d’Emmanuel Macron (visite d’État du 23 au 25 avril 2018) a montré deux choses : d’une part, et malgré quelques maladresses de langage (comme "delicious" il y a quelques jours en Australie), Emmanuel Macron s’exprime en anglais, ce qui lui permet d’être au moins écouté par le monde anglo-saxon (n’espérez pas qu’on vous écoute si vous parlez français, même avec un doublage, cela dissuade très vite), d’autre part, et c’est sans doute l’une des surprises de 2017, Emmanuel Macron a réussi à avoir un contact personnel solide avec un partenaire "antinomique", Donald Trump. Sur l’anglais, les décideurs économiques mondiaux le savaient déjà, puisqu’ils ont déjà été reçus en grandes pompes par Emmanuel Macron à Paris.

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Tout le discours tourné vers l’extérieur est de dire : ne vous méprenez pas, la France a des faiblesses, c’est vrai, mais c’était "l’ancienne France", celle du vieux monde. La France bouge, évolue, et les jeunes sont maintenant au pouvoir, savent ce qu’est l’économie, savent ce qu’il faut faire pour libérer l’activité, pour encourager les entreprises, favoriser les embauches.

Objectivement, on pourrait dire que François Hollande a suivi ce même objectif, mais il ne l’a jamais assumé, pire, il ne l’a jamais dit ! Donc, les Français n’ont jamais su où il allait, où il voulait faire avancer la France. Il n’osait pas le faire, trop prisonnier de son esprit d’apparatchik du Parti socialiste trop soucieux de préserver les apparences d’une unité de façade des socialistes.

Il est très surprenant et pratiquement unanimement risible de voir aujourd’hui François Hollande donner des leçons à Emmanuel Macron. Il est sûr qu’il est meilleur en chroniqueur politique qu’en Président de la République, mais se permettre des expressions comme "Président des super-riches" n’apporte pas grand-chose au débat national et au besoin de redresser l’économie nationale qu’il a si longtemps plombée en assommant massivement les Français et les entreprises françaises de 30 milliards d’impôts supplémentaires en 2012.

Emmanuel Macron, au contraire, libéré du régime des partis, assume pleinement et communique, expose sa vision générale. Qu’on l’adopte ou qu’on la rejette, au moins, on sait où il veut mener la France.

Ceux qui sont en colère contre cette philosophie franchement assumée sont ceux qui ont compris qu’ils avaient perdu la bataille idéologique. Définitivement. Alors qu’elle y était rétive, voici la France entrer pleinement dans la globalisation. Et elle a des atouts pour s’y mouvoir avec avantage. De toute façon, elle y était entrée depuis très longtemps. Il suffit de regarder la géographie de la fabrication des objets que les Français utilisent quotidiennement, du smartphone à l’ordinateur, de leur chemise à leurs chaussures, des tomates aux pamplemousses, etc.

Mais ceux qui sont en colère sont finalement peu nombreux. Ce sont ceux qui défilent dans les manifestations. Ils ne sont pas nombreux. La grande majorité des Français, ce sont plutôt des inquiets silencieux. Des inquiets raisonnables. Ils savent que la mondialisation économique est un fait. Elle n’est pas voulue, elle est. Et elle inquiète. Mais raisonnables, car ils savent que pour s’adapter (le gros mot), il faut réformer certaines structures, certaines organisations obsolètes.


La fonction première de l’impôt

Parmi les inquiétudes, évidemment, les taxes, impôts et cotisations. C’est le véritable pouvoir d’un gouvernement. Plein de leviers. La loi de finance, c’est la pratique par excellence de la démocratie. C’est le premier rôle d’un élu d’une collectivité : que faire avec l’argent du contribuable ? C’est aussi le sujet qui peut fâcher. Forcément.

Il est ancré dans pas mal d’esprits brillants que les impôts (pris dans le sens général, y compris taxes et cotisations) doivent être un outil de justice sociale. C’est une erreur grave : les impôts, c’est simplement le moyen qu’a l’État pour financer sa politique, ses écoles, ses hôpitaux, ses enseignants, ses policiers, etc. Ils doivent certes être définis avec des considérations de justice sociale, mais en eux-mêmes, les impôts n’ont qu’un seul objectif, apporter des recettes à l’État. Ils n’ont aucune valeur morale.

Si d’aventure, pour une raison ou une autre, l’État avait une immense réserve d’argent (genre des puits de pétrole !), alors il n’y aurait aucune raison de conserver les impôts. Aucune raison morale. Même pour les "riches". Cela dit, ce n’est qu’un rêve car pour l’instant, on s’approche des 100% de PIB de dette publique, et 3% de déficit annuel.

Donc, l’intérêt d’un impôt, ce n’est pas de pratiquer la morale (taxer les méchants riches qui emploient pourtant de nombreux salariés), mais d’être efficace, de rapporter de l’argent. Sinon, cela ne sert à rien. Et notamment de rapporter plus que le coût global pour le percevoir et le contrôler. Quand je dis cela, cela donne une idée sur l’intérêt financier de l’ex-ISF : quasi-nul. Juste un impôt politique, que Jacques Chirac en 1987 avait supprimé et dont il a considéré la suppression comme la cause principal de son échec électoral de 1988, et donc, plus question ensuite de supprimer l’ISF, même pour Nicolas Sarkozy. Tout est question de ressenti.

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Prenons l’exemple d’un impôt que veut supprimer le gouvernement pour 2019. L’histoire de la très inconnue "exit tax" est éloquente. Le magazine "Forbes" daté du 31 mai 2018 a fait sa couverture avec ce titre flatteur (aux USA) : "Leader of the free markets" (le leader des marchés libres). Avec une interview d’Emmanuel Macron qui a déclaré le 2 mai 2018 : « L’exit tax envoie un message négatif aux entrepreneurs. (…) Pourquoi ? Parce qu’elle implique qu’au-delà d’un certain seuil, vous allez être pénalisé si vous quittez le pays. Les gens sont libres d’investir où ils le veulent. ». Tout de suite, levée de boucliers. Même provenant de LR (Gilles Carrez, par exemple, très réputé pour sa connaissance des finances publiques).

Pourtant, cette taxe (34,5% sur les plus-values en cas de revente d’une entreprise à plus de 800 000 euros et de réinvestissement à l’étranger), personne ne la connaissait. Elle ne rapportait quasiment rien à l’État : 15 à 80 millions d’euros par an (je rappelle que le déficit est de 80 milliards d’euros chaque année !).

L’exit tax est contreproductive. Elle dissuade tous les étrangers de venir investir dans des entreprises en France, car ils se diraient qu’ils ne pourraient pas réutiliser leur argent sans être surtaxé. Les Français ne voient que ceux qui veulent quitter la France, ils ne voient pas que si la France devient un pays attractif, il y a encore plus d’investisseurs qui viendront en France. Et le Brexit est une opportunité historique pour la France.

Et cerise sur le gâteau : les plus risibles dans la critique de sa suppression, ce sont les responsables de gauche. Car cette taxe est très récentes (personne, avant, n’en avait trouvé l’intérêt, ni politique ni financier). C’est Nicolas Sarkozy, lui aussi dit le "Président des riches", qui l’a créée en 2011. En quelques sortes, six ans après son échec électoral de 2012, voici Nicolas Sarkozy devenu le Président des pauvres parce qu’il a voulu taxer les riches ! Quelle postérité !


Climat psychologique

La politique (la personnalité sera-t-elle élue ou pas ? son courant de pensée sera-t-il au pouvoir au pas ?) et l’économie (l’entreprise sera-t-elle rentable ou pas ?) sont très sensibles aux ressentis. À la psychologie humaine collective, si j’ose écrire cela. C’est anti-rationnel mais c’est réel. Une mauvaise communication peut faire effondrer le cours de l’action d’une entreprise qui produit pourtant des biens performants. Une boulette verbale peut faire chuter la cote de popularité d’un leader politique très en vue.

C’est dire si, jusqu’en 2017 (et depuis le début des années 1980), les gouvernants français n’ont ménagé que la politique et jamais l’économie. L’économie restait alors toujours au service de leurs manœuvres politiciennes. On ne s’étonne donc pas du discrédit généralisé de la classe politique, incapable de proposer des solutions rationnelles aux problèmes économiques actuels.

Depuis 2017, Emmanuel Macron, qui se voit bien en chef de l’entreprise France, a décidé de changer complètement le paradigme français, en misant d’abord sur l’économie, en redonnant vie à ceux qui veulent bâtir, entreprendre, innover, créer. En cela, il bouscule ceux qui ont leurs petites habitudes et se seraient finalement satisfaits du statu quo car profitent, même petitement, du système actuel voué à péricliter par la force des choses (notamment démographiques).

C’est le pari d’Emmanuel Macron. Il a la chance de se trouver dans une bonne conjoncture économique. Il n’est pas à l’abri d’une retournement économique qui, politiquement, réduirait à néant tous ses efforts. Mais justement, là est son courage. Il connaît ces risques. Jamais un Président de la République n’aura été aussi courageux depuis les crises pétrolières. Il s’est donné deux ans pour voir les fruits de sa politique. La réussite de son pari, c’est la réussite de la France. C’est, là aussi, la première fois depuis longtemps que l’intérêt des Français concorde avec l’intérêt politique de leurs gouvernants. Laissons la critique systématique et immédiate aux aigris et battus. En protestant pour seulement protester, ils donnent raison à Emmanuel Macron que décidément, ils font partie de l’ancien monde…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 mai 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron, le Président qui assume.
Emmanuel Macron sur BFM-TV le 15 avril 2018.
Emmanuel Macron sur TF1 le 12 avril 2018.
Emmanuel Macron s’adresse aux catholiques.
Discours du Président Emmanuel Macron au Collège des Bernardins le 9 avril 2018.
La France d’Arnaud Beltrame.
Discours du Président Emmanuel Macron aux Invalides le 28 mars 2018.
Emmanuel Macron et les quarante bougies.
Emmanuel Macron et la révolution européenne.
Emmanuel Macron sous le sceau de l’Histoire.
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Programme 2017 du candidat Emmanuel Macron (à télécharger).

_yartiMacron2018050404



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180507-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-le-president-qui-204054

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/05/07/36377206.html



 

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29 avril 2018 7 29 /04 /avril /2018 10:05

Jean-Louis Borloo a remis le 26 avril 2018 au Premier Ministre son rapport sur le développement des quartiers en France. On peut le lire sur Internet.

Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport (fichier .pdf) :
http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/sra4_complet.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180426-borloo.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180426-rapport-borloo.html


 

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16 avril 2018 1 16 /04 /avril /2018 04:19

« Il n’y a pas cinquante manières de combattre, il n’y en a qu’une, c’est d’être vainqueur. » (André Malraux, 1937).


_yartiMacron2018041501

Combatif, le mot résume la nouvelle interview du Président de la République Emmanuel Macron de ce dimanche 15 avril 2018 à 20 heures 40 sur BFM-TV. Cet exercice, qui a duré très longuement, deux heures quarante ! en direct du Palais de Chaillot, avec vue sur la tour Eiffel, fut tout à fait différent de celui du journal de 13 heures sur TF1 le jeudi 12 avril 2018. Au lieu d’avoir en face de lui l’une des incarnations du "journalisme d’allégeance polie", avec Jean-Pierre Pernaut, Emmanuel Macron a eu en face de lui deux "quasi-chiens enragés" prêts à le mordre à chaque phrase, si phrase entière il y avait car il était interrompu sans arrêt. Une émission qui, forcément, restera dans les mémoires.

En effet, ses deux interlocuteurs sont des "durs à cuir", le crypto-poujadiste Jean-Jacques Bourdin, de BFM-TV et RMC, dont le métier est de chercher chaque matin le buzz en pressant psychologiquement ses invités à faire la faute, et le messianique assumé Edwy Plenel, de Médiapart, plus intéressé, avec ses yeux pétillants et sa moustache souriante, à dérouler ses logorrhées doctrinaires qu’à interroger et écouter le Président de la République.

Il en est ressorti, comme l’a noté le 16 avril 2018 Olivier Faure, le nouveau premier secrétaire du PS, que le posé Emmanuel Macron devenait le seul homme de raison et d’équilibre face aux extrêmes. C’est aussi ce positionnement politique que le Président de la République voulait montrer, celui de cette mythique "troisième voie" tant recherchée depuis la fin de la guerre (Jean Lecanuet, Gaston Defferre, JJSS, Jacques Delors, François Bayrou, etc.). Que ses seuls opposants, en quelques sortes, c’étaient le FN ou FI.

Sur la forme, la non allégeance ne signifie pourtant pas l’impolitesse : jamais un Président de la République n’a été aussi malmené par des journalistes, l’apostrophant par des "Emmanuel Macron" au lieu du poli et ordinaire "Monsieur le Président", lui coupant sans cesse la parole, jusqu’à lui interdire l’emploi de certains mots ("optimisation fiscale" par exemple) et vouloir lui imposer son propre vocabulaire ("évasion fiscale", "votre ami", etc.). « Votre ami Bernard Arnault », a clamé Jean-Jacques Bourdin. Réponse cinglante d’Emmanuel Macron : là où il est, il n’a pas d’ami.

L’exercice médiatique a dû être épuisant tant pour le Président de la République que pour les deux journalistes, mais aussi pour les téléspectateurs qui ont pu s’apercevoir qu’Emmanuel Macron tenait bien le coup, capable de répondre posément et précisément aux questions les plus exigeantes, capable aussi de déconstruire des discours militants (comme "Président des riches", comme l’amalgame de toutes les colères, reprenant le mot "coagulation", comme mélanger le CV voire l’ancien salaire de sa Ministre des Transports et les carences de la SNCF, etc.).

_yartiMacron2018041503

Il faut dire aussi que, à l’instar d’un Daniel Cohn-Bendit, et ils ne sont pas nombreux ainsi, Emmanuel Macron aime bien combattre, aime bien discuter, aime bien la confrontation, aime bien les joutes verbales. Sa passion du théâtre y est pour quelque chose. On en avait eu déjà le pressentiment le 3 mai 2017 avec son débat présidentiel face à Marine Le Pen. C’est maintenant confirmé : il n’a pas peur des journalistes qui posent les questions les plus démagogiques, car pour lui, justement, c’était l’occasion de leur répondre franchement, directement. Il s’agissait de déconstruire certaines idées reçues.

Par exemple, celle d’une mauvaise élection. Emmanuel Macron a eu droit, de la part d’Edwy Plenel, à son résultat du premier tour exprimé par rapport aux inscrits. Ce qui n’est pas faux. Mais ne révèle pas le fond de l’élection présidentielle : il est arrivé premier au premier tour et il a gagné le second tour à la majorité absolue des suffrages exprimés. Qu’on le veuille ou pas, c’est un fait, démocratique qui plus est. Il est mieux élu que Jacques Chirac, par exemple et personne n’a jamais fait le procès en légitimité de Jacques Chirac.

Mais Emmanuel Macron a donné en fait le meilleur argument institutionnel. Oui, c’est évident que la moitié des Français ne lui a pas dit qu’ils voulaient qu’il appliquât son programme présidentiel (il n’y en a eu qu’un quart au premier tour), c’est vrai, il a aussi été élu en partie parce qu’il y a eu un rejet de son adversaire du second tour, encore qu’aucun front républicain, au contraire de 2002, ne se soit formé en 2017. L’argument clef, c’étaient les élections législatives. Alors qu’on expliquait qu’il n’aurait jamais une majorité à l’Assemblée Nationale parce qu’il n’avait pas de parti établi, finalement, les électeurs lui ont donné largement le quitus. Et ces députés LREM, ils ont été élus sur son même programme présidentiel, et les électeurs leur ont demandé de l’appliquer. On pourra critiquer le programme, mais jamais sa légitimité, à moins de refuser d’être démocrate.

La longue durée pouvait évidemment lasser, mais comme il y avait du "rythme", les heures sont passées rapidement. C’était une excellente chose que le Président de la République ait eu le temps de s’expliquer longuement sur de nombreux sujets. Cela change des tweets trumpesques. Cela lui donne la possibilité de s’expliquer mais aussi d’écouter la colère ou les inquiétudes légitimes des Français qu’ont voulu traduire les deux journalistes.

De nombreux sujets abordés, j’en retiendrai seulement quelques-uns, d’autant plus qu’il a repris certains sujets déjà abordés le 12 avril 2018 sur TF1.


La Syrie

Le premier sujet fut évidemment sur la politique de la France en Syrie et son intervention militaire, aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni, dans la nuit du 13 au 14 avril 2018. Notons que les raids n’ont, à ma connaissance, provoqué aucune victime (aucun mort). On ne peut donc pas reprocher à la France de répondre à la mort par la mort.

Emmanuel Macron a expliqué que la riposte était nécessaire pour montrer à la Russie (qui a toujours eu un double discours sur le sujet des armes chimiques) qu’une ligne rouge servait à ne pas être franchie, sous peine de ne plus avoir aucune crédibilité. Il a parlé aussi des risques de surenchères dans l’utilisation des armes chimiques (interdites sur le plan international depuis les années 1920 !), notamment dans d’autres pays. Emmanuel Macron a aussi fait remarquer que c’était la première fois que la Turquie et la Russie étaient politiquement séparées dans le dossier syrien, la Turquie ayant condamné fermement l’utilisation des armes chimiques par le gouvernement syrien.

Par ailleurs, malgré cette intervention militaire, Emmanuel Macron a insisté sur la volonté de la France de reprendre l’initiative pour rétablir la paix en Syrie. Il a proposé une table ronde avec l’Arabie Saoudite et la Jordanie et espère convaincre la Russie et la Turquie d’y participer aussi, sans trop d’illusion pour l’Iran.


L’évasion fiscale

Répondant à une question de Jean-Jacques Bourdin, Emmanuel Macron a voulu différencier la "fraude fiscale", illégale et combattue sans relâche par le gouvernement, et "l’optimisation fiscale" qui aboutit à une "évasion fiscale" de la France. Or, cette optimisation n’a rien d’illégal, personne ne peut empêcher les plus riches de s’installer ailleurs qu’en France.

Pour lui, et à mon sens, il a totalement raison, le seul moyen d’arrêter "l’évasion fiscale", c’est d’harmoniser la fiscalité européenne. Aujourd’hui, une société a plus intérêt à mettre son siège en Irlande pour payer le moins d’impôt sur les sociétés possible, puis à transférer les bénéfices aux Pays-Bas qui a des accords avec les Bermudes, "paradis fiscal". Emmanuel Macron propose donc une harmonisation européenne, en réclamant la convergence fiscale et sociale des États membres.

_yartiMacron2018041502

C’est sûr que cet argument pro-européen va difficilement être accepté par tous les partis extrémistes qui ont toujours utilisé la supposée lutte contre la fraude fiscale (estimée selon les programmes à entre 20 et 100 milliards d’euros) pour financer leurs mesures dépensières et clientélistes.


Pas de théorie du ruissellement

Emmanuel Macron a déclaré n’avoir jamais cru à la "théorie du ruissellement" et a reconfirmé ce qu’il avait dit le 12 avril 2018 : les riches n’ont pas besoin de lui, n’ont pas besoin de Président, ils se débrouillent très bien tout seuls. Le Président de la République, son rôle est de protéger ceux qui en ont besoin.

En revanche, les mesures fiscales, que beaucoup ne comprennent pas, ont une finalité : que ceux qui cherchent à réussir ne quittent pas la France et puissent réussir en France et pas à l’étranger. Il a rappelé que l’économie est désormais mondialisée et qu’à part recréer une dictature communiste (cette remarque est la mienne, pas d’Emmanuel Macron), il n’est pas possible d’empêcher les propriétaires d’entreprises qui souhaitent vendre leurs entreprises de s’installer à l’étranger pour éviter de payer trop d’impôts. D’où ce besoin d’harmonisation fiscale au moins à l’échelle européenne.

Emmanuel Macron a aussi assumé l’intérêt du CICE en 2013 mais a refusé de l’assumer politiquement car il n’était qu’un conseiller du Président et n’avait aucun pouvoir de décision. C’est comme si vous reprochiez à l’un de mes conseillers une partie de la politique gouvernementale, a-t-il répondu en substance.

Emmanuel Macron a voulu donner une vision plus générale de la vie économique et des problèmes de statuts des salariés, en considérant qu’à l’avenir, il y aurait trois types d’activité : la plus traditionnelle, celle de produire ; la création et les professions intellectuelles et artistiques en général ; enfin, en plein essor et pas assez protégées, les professions d’aide à la personne.


La dépendance, les retraites, autres sujets

Reprenant une idée de Nicolas Sarkozy de 2010, Emmanuel Macron a proposé de créer un cinquième pilier de la protection sociale pour financer la dépendance et les deux années en moyenne d’hébergement en EHPAD médicalisé. Il a d’ailleurs souhaité investir pour médicaliser la plupart des EHPAD.

Parmi les sources de financement, il n’est pas opposé à un second jour férié travaillé (après le lundi de Pentecôte), ce qui, cependant, ne serait pas suffisant sur le plan du financement (seulement 1 milliard d’euros), et cette réflexion sera incluse dans la réforme des retraites prévues d’être votée avant la fin de l’année 2019. Son objectif, c’est de maintenir les retraites par répartition mais en les rendant complètement égales, qu’un euro cotisé par un actif corresponde aux mêmes droits à la retraite plus tard. Notons que le second jour férié travaillé était une idée qu’avait réussi à faire lâcher Jean-Jacques Bourdin dans son émission du 12 janvier 2018 par la Ministre de la Santé.

_yartiMacron2018041505

Emmanuel Macron a évoqué beaucoup de sujets d’actualité. Il a rappelé que ce n’était pas lui qui avait envoyé la police dans les universités occupées mais que c’était seulement à la demande des présidents d’université et parfois, le préfet a refusé la demande, comme à Tolbiac qui est une tour et où une intervention pourrait être plus dangereuse qu’une non intervention. Edwy Plenel a eu la mauvaise foi de répéter qu’Emmanuel Macron avait traité le 12 avril 2018 les étudiants d’agitateurs professionnels alors que justement, il avait dit le contraire, que ce n’étaient pas eux, ceux qui occupaient les facultés, mais souvent des professionnels de l’agitation qui ne sont pas des étudiants pour la majorité d’entre eux.

Si Emmanuel Macron n’a pas été très convaincant sur les moyens d’empêcher la radicalisation islamiste d’adolescents de 13 ou 14 ans dans les écoles publiques, il a été un peu plus cohérent sur le port du voile des mamans qui accompagnent les écoliers lors des sorties scolaires : si elles ne représentent pas l’école, il n’y a pas de raison de leur interdire de porter un voile (réflexion opposée à celle de son ministre Jean-Michel Blanquer), car c’est l’État qui doit être laïc et neutre, pas la société qui a le droit de croire et de manifester publiquement sa foi.

Sur sa considération pour les femmes, malgré l’absence de journaliste femme à cette émission, Emmanuel Macron a été convainquant lorsqu’il a dit que sa grande fierté, c’était la parité dans le groupe LREM à l’Assemblée Nationale, ce qui ne s’est jamais produit dans l’histoire ! Sur ce thème, il est inattaquable, et pourtant, Edwy Plenel cherchait à le mettre en défaut parce qu’il ne suivait pas la théorie du genre…

Bien d’autres sujets ont été encore abordés, sauf, si j’ai bien suivi, la réforme institutionnelle.


Garder le cap

Parmi les réactions à cette longue interview, beaucoup sur le "droit dans ses bottes", "il n’a rien lâché", etc. Dans un débat avec la députée FI Danièle Obono sur BFM-TV ce lundi 16 avril 2018 matin, la députée LREM Amélie de Montchalin a fait remarquer qu’il n’y avait aucune raison de "lâcher du lest" dans la mesure où l’objectif du gouvernement est de redresser le pays. Il n’est donc pas question de donner des "signaux" (à tel ou tel parti), de mettre des "marqueurs" (à droite ou à gauche), ce qui supprimerait la cohérence politique de l’action gouvernementale et finalement, aboutirait, comme depuis une trentaine d’année, à un immobilisme politique.

Car l’idée d’Emmanuel Macron, c’est d’agir réellement, avec deux objectifs : faire redémarrer l’emploi, et, ce qu’il a répété dimanche soir, restaurer l’ascenseur social, pour ne pas « assigner à résidence » certains Français en raison de leur situation sociale à la naissance.

_yartiMacron2018041504

La manière peut semblait cavalière pour certaines personnes, mais imaginons l’élection d’un de ses concurrents : François Fillon (pour qui j’ai voté le 23 avril 2017) n’aurait pas été moins cavalier dans le même genre de réformes économiques ; Jean-Luc Mélenchon aurait tout bouleversé, des institutions jusqu’au code fiscal ; Marine Le Pen aurait clivé sur sa politique contre l’immigration ou encore pro-russe. Bref, des quatre "grands" candidats à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron est assurément le plus "doux" des réformateurs, celui le plus crédible pour réconcilier les Français. On oublie trop souvent de le rappeler. Une élection, c’est une offre politique.

C’est aussi pour cela qu’il s’est retrouvé élu. Les gens veulent du changement dans l’absolu mais le refusent dans le concret. Pour la première fois depuis trente-cinq ans, un gouvernement propose une véritable vision de la société et applique en conséquence un programme pour atteindre des objectifs que nul ne peut contester : redonner un emploi à ceux qui en demandent, protéger les plus vulnérables et unir les Français. Laissons-le agir et rendez-vous à la fin du quinquennat pour voir les fruits de sa politique. On verra alors s’il a eu raison ou pas.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 avril 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron sur BFM-TV le 15 avril 2018.
Emmanuel Macron sur TF1 le 12 avril 2018.
Emmanuel Macron s’adresse aux catholiques.
Discours du Président Emmanuel Macron au Collège des Bernardins le 9 avril 2018.
La France d’Arnaud Beltrame.
Discours du Président Emmanuel Macron aux Invalides le 28 mars 2018.
Emmanuel Macron et les quarante bougies.
Emmanuel Macron et la révolution européenne.
Emmanuel Macron sous le sceau de l’Histoire.
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?

_yartiMacron2018041506



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https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/macrombatif-203462

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12 avril 2018 4 12 /04 /avril /2018 22:30

Enfin un Président de la République préoccupé par la France et l’intérêt national, capable d’avoir une vision, et de la présenter pour donner un sens à sa politique !


_yartiMacron2018041201

Annoncée depuis cinq jours à grand renfort de publicité, la prestation télévisée du Président de la République Emmanuel Macron a été une grande réussite audiovisuelle. Il était l’invité du journaliste Jean-Pierre Pernaut ce jeudi 12 avril 2018 à 13 heures pendant plus d’une heure, en direct dans une salle de classe d’une école primaire, à Berd’huis, un village rural dans l’Orne. Une décentralisation très "pernautienne" qui ne manquait pas d’allure, avec vue sur la cour de récréation et des écoliers qui jouaient (pendant la première demi-heure avant de reprendre leurs cours de l’après-midi).

J’ai trouvé Emmanuel Macron excellent dans son exercice de communication et de pédagogie, qu’il renouvellera sur BFM-TV le dimanche 15 avril 2018 à 20 heures 30 (au grand dam des journalistes de France Télévisions). Je dois même dire que ce fut la meilleure émission interview du Président de la République depuis une trentaine d’années.

S’il y en avait un qui pourrait recevoir des leçons de l’autre, ce serait bien François Hollande, son prédécesseur qui se répand en ce moment dans les médias pour vendre son livre sorti le 10 avril 2018 ("Les Leçons du pouvoir"), une sorte d’autojustification pleine d’amertume, qui pourrait les recevoir de son successeur et pas l’inverse !

En effet, François Hollande, visiblement, n’a jamais eu le don de pédagogie : personne, pas même ses amis, n’a jamais su, ni compris, quelle était la philosophie générale de son action présidentielle pendant tout son quinquennat. Aucune vision, aucune décision, aucune volonté. Emmanuel Macron, c’est le contraire, au point que, dans le microtrottoir diffusé au cours de l’émission, une personne qui trouvait François Hollande "pas assez", trouvait Emmanuel Macron un peu "trop" !

Mais est-ce trop d’avoir une vision, de la faire partager et d’en fixer une action politique ? Car Emmanuel Macron n’a cessé de cadrer son action dans le contexte de l’évolution du monde et de la nécessité de la France à s’adapter à cette évolution si elle veut toujours avoir la force de ses ambitions. Du coup, il n’a pas hésité à critiquer les trente à trente-cinq dernières années où la France n’a cessé de vivre au-dessus de ses moyens en faisant payer chèrement aux générations futures une dette au carré : le train de vie et les intérêts. Il a plusieurs fois reproché à ses prédécesseurs d’avoir résolu les problèmes en donnant de l’argent à des catégories revendicatives et d’augmenter la dette ou les impôts, ou les deux, sans vouloir changer, transformer profondément la France.

Ainsi, à ceux qui trouvaient qu’il en faisait trop et qu’il allait trop vite, il a répliqué que beaucoup, au contraire, trouvaient qu’il n’allait pas assez vite, car ils ont besoin de changement, d’avoir un emploi, un logement, etc. Le discours est bien rodé et comme il était dans une salle de classe, juste assis dans un fauteuil, sans table devant lui, il n’avait aucune note, aucune fiche, et sa diction était donc spontanée. J’imagine que sa pratique du théâtre lui a bien servi pour cette prestation où il se montrait à l’aise sur tous les sujets.

Commençons par quelques défauts de l’émission. D’une part, l’unique journaliste, connu et réputé pour son amour de la France du terroir et tout ce que cela peut indiquer sur le plan politique, était plutôt dans une attitude d’allégeance, ne prenant que rarement le Président de la République à rebrousse-poil. On imagine que Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel seront un peu plus percutants dans trois jours.

D’autre part, mais c’est à cause de la durée limitée, beaucoup de sujets essentiels n’ont pas été abordés. Les affaires étrangères (à part, très rapidement en début d’émission, l’utilisation des armes chimiques confirmée en Syrie), la construction européenne, la bioéthique, la réforme des institutions, et même la laïcité (très furtivement évoquée).

L’émission était principalement consacrée aux enjeux économiques et sociaux et aux espaces ruraux. Il a donné deux grandes lignes de sa philosophie générale : maintenir le socle, les fondations de la nation, en préservant l’ordre républicain (exemple : évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes) et en rendant plus efficace la formation initiale, de l’école maternelle (avec l’école obligatoire à 3 ans, ce qui permettra de scolariser 26 000 enfants de plus) jusqu’à l’université. Et ensuite, construire les murs de la maison France en faisant les nombreuses transformations pour redevenir une nation forte sur le plan agricole et industriel, avec trois mots-clefs : libérer, protéger et unir.

Libérer l’économie pour permettre de créer plus de richesses. Il a repris l’analogie du premier de cordée en disant que la corde est essentielle. Le premier de cordée n’ira pas loin si le dernier de cordée ne peut pas monter. Cela signifie aussi protéger : protéger en donnant une meilleure formation (plusieurs milliards d’euros, le nombre exact m’a échappé, sont prévus), afin de permettre de pourvoir à des centaines de milliers de postes non pourvus actuellement dans l’industrie par manque de compétences. Emmanuel Macron a rajouté l’intelligence artificielle et les retraites dans son volet protection. Enfin, unir, par la volonté de vivre ensemble avec des opinions et des croyances différentes.

_yartiMacron2018041204

Dans le détail, il s’est donc exprimé sur de nombreux sujets d’actualité.

Ainsi, sur le terrorisme, Emmanuel Macron a rappelé que l’ennemi était un islamisme radicalisé qui refuse les lois de la République, et qu’il distingue évidemment de l’islam "ordinaire" qui, comme les autres religions, admet la primauté des lois sur la religion. Il l’avait déjà déclaré lors de son hommage au colonel Beltrame le 28 mars 2018, mais il me semble que c’est le premier Président français à désigner aussi précisément "l’ennemi intérieur".

Sur la hausse de la CSG pour les retraités depuis janvier 2018, non compensée par une baisse de cotisation sociale puisqu’ils sont à la retraite et n’ont pas de salaire, Emmanuel Macron a voulu leur dire merci de l’effort qu’ils accomplissaient pour la France, les encourageant aussi à faire du bénévolat pour les cours de soutien ou le service national universel.

En revanche, il a réfuté le slogan "Président des riches" pour deux raisons : depuis le 1er avril 2018, il a revalorisé le minimum vieillesse et cela ne s’est pas beaucoup ébruité dans les médias, et en novembre 2018, beaucoup verront leur taxe d’habitation baisser d’un tiers, ce qui sera plus important que la hausse de la CSG. La seconde raison, c’est que l’exonération de l’ISF pour ce qui n’est pas immobilisé, c’est un levier de sa politique d’investissement privé pour renforcer les entreprises.

Ses mots aux retraités furent ceux-ci : « Votre génération part au même âge que vos parents mais vous allez vivre dix, quinze ans de plus. Et aujourd’hui, avec le chômage, on a des millions de gens qui ne participent pas [à payer] votre retraite. ». Puis : « Je veux expliquer à tous nos retraités : il n’y a pas de souverain mépris, j’ai besoin de vous, je fais appel à vous. (…) Oui, j’ai demandé à nos anciens un effort parce que c’est ma responsabilité, je ne les ai pas pris en traître. (…) Je leur dis merci. Et je leur dis surtout une chose : je n’ai jamais pris un retraité pour un portefeuille. ».

Il a répété une évidence, que ses prédécesseurs connaissaient, mais seulement vaguement pour n’avoir jamais vraiment connu personnellement la situation d’une entreprise : pour redistribuer les richesses, pour conserver le modèle social, il faut d’abord créer les richesses, et donc faire repartir l’économie. C’est cela qui sous-tend toutes les mesures économiques du gouvernement.

Autre mesure en faveur du pouvoir d’achat : l’intéressement qui sera sans aucun forfait social pour les entreprises de moins de 250 employés (cela devrait concerner 60% des salariés français). François Hollande avait augmenté ce forfait social de 8% à 40%, ce qui était dissuasif dans les PME. Ainsi, la réforme du code du travail permet plus de flexibilité du marché du travail, mais en contrepartie, quand ça va mieux pour l’entreprise, ce n’est pas le patron seul qui doit en tirer les bénéfices mais tous les salariés à travers l’intéressement.

_yartiMacron2018041202

Sur la réforme de la SNCF, là encore, Emmanuel Macron a été convaincant (dans les sondages, "l’opinion publique" semble se retourner en faveur du gouvernement et contre les grévistes). Évoquant son grand-père cheminot muté à Amiens, sa ville natale, il a donc une certaine crédibilité en disant qu’il n’a jamais voulu pointer du doigt les cheminots ni les considérer comme des privilégiés. En revanche, il a redit sa détermination à transformer la SNCF pour permettre de rendre le service public plus efficace et continuer à maintenir les petites lignes, donnant l’exemple allemand qui a même renforcé le réseau des petites lignes. Emmanuel Macron a rejeté les mauvais procès : pas de privatisation, la SNCF restera toujours à capitaux 100% d’État, pas de remise en cause des acquis sociaux, tous les cheminots qui ont été recrutés avec le statut resteront avec ce statut. C’est seulement pour les nouveaux embauchés que cela se fera dans le cadre normal d’un contrat de travail de type CDI. Il a cité l’exemple de La Poste qui recrute depuis longtemps avec ce type de contrat alors qu’avant, c’étaient tous des fonctionnaires. Le service public n’a pas perdu en qualité pour autant. Ni les employés n’ont perdu en avantages sociaux. Et l’État investira 10 millions d’euros chaque jour pendant dix ans. Son idée est de repenser la mobilité en France, mais il n’a fait qu’effleurer le sujet.

Sur l’hôpital aussi, il a repris sa philosophie générale. Il faut transformer en profondeur l’hôpital, son fonctionnement, en abandonnant par exemple la facturation par actes qui était une grossière erreur et en introduisant un parcours de santé. Pour Emmanuel Macron, ce qui compte, ce n’est pas de trouver de nouveaux financements (même s’il a déclaré vouloir investir massivement dans les services d’urgences), mais imaginer de nouvelles méthodes d’organisation, plus adaptées à la vie actuelle. Il l’a dit aussi pour l’école, déclarant que malgré la baisse des effectifs, il y aurait de nombreuses créations d’écoles, même si à côté, certaines écoles doivent fermer, prenant l’exemple d’un collège qui n’avait plus que 30 élèves, ce qui n’était pas bon non plus pour les élèves eux-mêmes.

Quand il a parlé de nouvelles méthodes, cela pouvait signifier nouvelles mentalités. Par exemple, quand on habite dans un village rural, ne pas scolariser ses enfants dans la ville où l’on travaille mais là où on habite pour préserver la pérennité de l’école. Ou encore, pour faire vivre les petites lignes de voie ferrée, prendre plus souvent le train plutôt que la voiture, etc.

Jean-Jacques Pernaut n’a pas pu s’empêcher de parler de la "cagnotte", qui correspond à une augmentation des recettes de l’État par rapport à ce que le budget initial avait prévu (que le journaliste a évalué à 48 milliards d’euros cette année). Emmanuel Macron a été le seul Président cohérent et raisonnable face même au mot "cagnotte" en rappelant les relations entre les emprunteurs et leur banque. Tant qu’il y a une dette, il n’y a pas de cagnotte. Il a fustigé la décision du gouvernement de Lionel Jospin en 2000 d’avoir dépensé tout le surplus des recettes prévues au lieu de diminuer la dette. Et ces dépenses n’ont pas amélioré l’état du pays pour autant. La seule décision admissible, c’est d’utiliser ce surplus à réduire l’endettement (95% du PIB).

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À propos de l’occupation de plusieurs facultés, Emmanuel Macron s’en est pris aux activistes : « Qu’il y ait du débat, c’est une très bonne chose. Je constate quand même dans beaucoup d’universités occupées, ce ne sont pas des étudiants mais ce sont des agitateurs professionnels, des "professionnels du désordre" dont parlait Maichel Audiard. ». Et de conclure en bon père de famille que les étudiants auraient intérêt à préparer leurs examens : « Les étudiants doivent comprendre une chose. S’ils veulent avoir leurs examens en fin d’année, ils doivent réviser. Car il n’y aura pas d’examens en chocolat dans cette République. ».

Les "examens en chocolat", l’expression fera certainement florès, comme une autre expression : « Il ne faut pas raconter de carabistouilles à nos concitoyens. » à propos des désinformations sur les dotations de l’État : « Pour la première fois depuis huit ans, toutes les petites communes ont eu leurs dotations maintenues. ».

Enfin, je termine sur un sujet sur lequel je reviendrai et qui a été surmédiatisé pour son importance : la limitation à 80 kilomètres par heure sur les routes à une voie. Emmanuel Macron s’est voulu pragmatique : il a estimé qu’il était de son devoir de faire un test grandeur nature pendant deux ans. Si aucune amélioration n’était visible pendant ces deux ans sur la mortalité routière, alors, il reviendrait sur la mesure. Il a rappelé avec un petit sourire que lorsqu’il était en campagne, Jacques Chirac avait le même type de discours que le Président Pompidou, du genre : "les automobilistes, foutez-leur la paix !", et finalement, quand il est arrivé à l’Élysée, il a pris les mesures courageuses et impopulaires qui ont amélioré la sécurité routière.

Bref, pour chaque sujet à polémique, ou à crispation, Emmanuel Macron a réussi à trouver les mots et le ton pour expliquer pourquoi il avait pris ces décisions, quelles étaient ses motivations et qu’est-ce qu’il en attendait. Il n’a pas évoqué du tout l’Europe quand il a parlé de dettes, de réindustrialisation, etc. parce que les mesures qu’il a prises ne sont pas "dictées" par la Commission de Bruxelles (qui ne fait qu’appliquer la décision des chefs d’États et de gouvernements) mais parce qu’elles sont dans le seul intérêt national.

C’est pourquoi François Hollande avait des leçons de présidence à prendre de son successeur, parce que lui, en refusant à expliquer aux Français sa politique économique, peut-être que lui-même n’y comprenait rien, il a laissé développer l’idée saugrenue que le Président de la République française n’était qu’un pion de Bruxelles. Emmanuel Macron démontre le contraire, et redonne fierté aux Français sur leur avenir et leur destin.

Le moment est donc crucial, entre une France angoissée qui sombre dans la rouspétance permanente et l’insatisfaction perpétuelle, et une France confiante qui se modernise, qui veut croire en ses forces et qui, en réussissant, permettra aux plus démunis de recevoir la juste part de la solidarité nationale. C’est cette modernisation des esprits qui fait peur à toute cette gauche archaïque et revendicative, sur des schémas qui ne sont pas loin d’être plus vieux d’un siècle, mais qui sont maintenant complètement anachroniques.

Il fallait un Président de la République libre des partis gouvernementaux, libre de toute langue de bois, libre aussi de ses propres ambitions personnelles, pour avoir ce langage clair d’adulte à adulte. En ce sens, Emmanuel Macron a réussi son pari, celui de donner sa part de vision dans un monde particulièrement troublé. Pour l’anecdote, il a confirmé que son Premier Ministre Édouard Philippe était sur la même longueur d’onde, mais cela, personne ne l’avait douté…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 avril 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron sur TF1 le 12 avril 2018.
Emmanuel Macron s’adresse aux catholiques.
Discours du Président Emmanuel Macron au Collège des Bernardins le 9 avril 2018.
La France d’Arnaud Beltrame.
Discours du Président Emmanuel Macron aux Invalides le 28 mars 2018.
Emmanuel Macron et les quarante bougies.
Emmanuel Macron et la révolution européenne.
Emmanuel Macron sous le sceau de l’Histoire.
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?

_yartiMacron2018041205



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180412-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-maitre-d-ecole-203336

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/04/13/36316519.html


 

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16 janvier 2018 2 16 /01 /janvier /2018 03:07

« La Shadokkaravelle fendait l’espace sous le commandement de principe du Marin Shadok qui, comme à l’ordinaire, était le plus souvent… "sous influence". Si bien que personne en fait ne regardait où l’on allait. Mais il disait que dans la Marine, c’était l’usage, et qu’il est beaucoup plus intéressant de regarder où l’on ne va pas pour la bonne raison que, là où l’on va, il sera toujours temps d’y regarder quand on y sera ; et que, de toute façon, ça ne sera jamais en fin de compte que de l’eau. Il n’empêche qu’il fallait faire vite. Car, ajoutait-il : dans la Marine, quand on ne sait pas où l’on va, il faut y aller ! …et le plus vite possible. Et tout le monde à bord était content. » (Jacques Rouxel, "Les Shadoks").


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Ce mardi 16 janvier 2018, le matin sur France 2 ("Les quatre vérités"), le Ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a déclaré que la ZAD de Notre-Dame-des-Landes serait évacuée, du moins partiellement évacuée de ses éléments les plus radicalisés et qu'il y serait implanté d'autres activités. Est-ce à dire que la messe serait déjà dite et que le projet d'aéroport serait déjà abandonné ? C'est en tout cas ce que semble penser la station France Inter qui évoque une communication du gouvernement en ce sens prévue pour ce jeudi 18 janvier 2018.

Tout le "dossier" du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est surréaliste. Une sorte d’histoire de Shadoks, encore plus shadok que l’instauration de l’écotaxe (qui valait déjà son pesant de cacahuètes). Quand Édouard Philippe a été nommé à Matignon en mai 2017, il a tout de suite compris le piège : il lui faudra décider lui-même du devenir de cet épineux projet. Le Président Emmanuel Macron lui a donné un peu de temps en nommant le 6 juin 2017 une mission de trois médiateurs qui ont remis le 13 décembre 2017 leur rapport (parfois inexact) …sans conclure, laissant courageusement la conclusion au gouvernement.

Le temps presse puisque la zone réservée à la construction de l’aéroport a été déclarée d’utilité publique le 9 février 2008. Cette déclaration d’utilité publique s’annulerait donc le 9 février 2018, dix ans plus tard, si rien n’était décidé. Édouard Philippe a passé la deuxième semaine de janvier 2018 en consultations en tout genre, jusqu’à se déplacer lui-même, le samedi 13 janvier 2018, à l’improviste, à Saint-Aignan-Grandlieu (où se situe l’actuel aéroport Nantes-Atlantique) et à Notre-Dame-des-Landes qui n’est pas, contrairement à son nom, situé dans le département des Landes mais en Loire-Atlantique, à 20 kilomètres de Nantes, 40 kilomètres de Saint-Nazaire, 80 kilomètres de Rennes, 110 kilomètres d’Angers, Vannes et La Roche-sur-Yon, enfin, à 400 kilomètres de Paris.

Pour commencer, autant dire ici qu’à l’origine, je n’étais pas vraiment convaincu de la nécessité d’un tel aéroport, alors que Genève, qui fait à peu près la même taille que Nantes, peut accueillir environ 15 millions de passagers. Notre-Dame-des-Landes, c’était à l’origine un projet typique des années 1960, à l’époque des Trente Glorieuses, une époque où l’on imaginait encore la poursuite de la croissance urbaine dans les différentes métropoles de France.

On peut ainsi retrouver des documents sur la future métropole lorraine où la zone comprenant Nancy, Pont-à-Mousson, Metz jusqu’à Thionville serait complètement urbanisée à l’horizon de l’an 2000, ou encore sur la métropole grenobloise, étriquée par le relief (Chartreuse au nord, Vercors à l’ouest, Oisans et Belledonne à l’est) qui devait s’agrandir vers Voreppe, Rives, Voiron (voire Bourgoin-Jallieu et L’Isle-d’Abeau) à l’ouest (vers Lyon) et vers Pontcharra à l’est (vers Chambéry)…

Toutes ces idées ont été vite oubliées au milieu des années 1970, avec le début de la crise économique (qui sévit toujours) et le ralentissement démographique. Je m’étonne donc que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ait survécu à toutes ces études un peu "délirantes" de ces années volontaristes d’aménagement du territoire.

Cela dit, toutes les idées de l’époque ne sont pas forcément à rejeter. Le doute est permis. Refuser le "transfert" de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes pourrait même être une faute politique qui se payerait durement et chèrement pendant plusieurs décennies, si le trafic aérien continuait à évoluer comme maintenant.


Le rapport des médiateurs remis le 13 décembre 2017

Lors de leur venue à Matignon, le 12 janvier 2018, pour évoquer le sujet avec Édouard Philippe, les élus du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest ont fait part des erreurs contenues dans le rapport remis par les médiateurs le 13 décembre 2017 : « Les médiateurs annoncent 6 millions de passagers en 2025 alors que ce plafond sera atteint dès cette année (…) et une saturation à 9 millions, trafic atteint en 2030. Avec un plafond à Rennes atteint à 2 millions de passagers autour de 2030, les collectivités ont reposé les bases de manière factuelle à partir du moment où tout le monde s’accorde sur la nécessité d’une plateforme pour le Grand Ouest. Est-ce qu’on réinvestit plus d’un milliard d’euros, entre les indemnités au concessionnaire, les travaux, les procédures d’extension sans garantie de délai, pour se reposer la question du transfert en 2030, c’est-à-dire dans treize ans ? Ou est-ce qu’on transfère dès maintenant pour doter un territoire de 8 millions d’habitants, l’équivalent de la Suède, d’une plateforme moderne, internationale, écologique avec deux pistes comme tous les aéroports de cette taille, capable d’absorber la croissance du trafic afin d’éviter à plus d’un million et demi de Bretons et de Ligériens d’aller à Paris prendre l’avion ? Le Premier Ministre a été très à l’écoute de cette comparaison confortée par une opération financée à 70% par un opérateur privé pour Notre-Dame-des-Landes et engagée depuis 2010 face à un réaménagement incertain dont la charge publique n’a pas été étudiée. ».

C’est l’argument principal des élus locaux : dans tous les cas, l’aéroport Nantes-Atlantique, même réaménagé, ne conviendrait plus d’ici dix ou vingt ans, en raison de la croissance très élevée du trafic. Et ce réaménagement, finalement, aussi coûteux et plus long que le choix de Notre-Dame-des-Landes, poserait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait.

C’était ce que les élus ont expliqué dans une lettre adressée à Emmanuel Macron le 18 décembre 2017 : « Le rapport [du 13 décembre 2017] n’apporte aucune réponse à l’exploitation de Nantes-Atlantique [réaménagé] après 2040 [le rapport affirme à propos de cette solution : "Le risque de saturation à terme est élevé, sauf à dégager de nouveaux espaces à plus long terme, ce qui conduit à envisager cette option avec prudence"]. Il n’apporte non plus aucune réponse à la gestion de l’exploitation pendant les neuf semaines de fermeture de piste inévitables en cas de maintien de l’activité mais inenvisageables. (…) Nous connaissons le financement public de Notre-Dame-des-Landes qui est de 246 millions d’euros en avances remboursables, c’est-à-dire potentiellement zéro sur la durée de la concession. Quelle serait la part du contribuable qui doit participer au financement des extensions de Nantes-Atlantique puis d’un transfert à Notre-Dame-des-Landes après 2040 ? (…) Le rapport précise que la procédure d’aménagement de Nantes-Atlantique incluant la saisine de la CNDP, un débat public, la saisine de l’autorité environnementale, durera deux ans quand elle a mis plus de quinze ans pour Notre-Dame-des-Landes avec 900 personnes impactées par les nuisances contre plus de 70 000 à Nantes. Qui peut "raisonnablement" croire cela ? ».

Le sujet de l’aéroport est multiple pour les gouvernements successifs. D’abord, il s’agit d’un marqueur de gouvernance. On notera la mauvaise foi de Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et surtout, ancien Premier Ministre qui n’a pas brillé par sa capacité de décision lorsqu’il était aux affaires, alors qu’aujourd’hui, il hurle à la décision ! Ensuite, toujours dans le registre régalien, l’État de droit est largement bafoué dans la ZAD, une zone de non droit qui va à l’encontre de l’ordre républicain. Le tolérer, c’est accepter, à terme, le séparatisme d’où qu’il vienne (pourquoi pas corse ?). Enfin, il y a les considérations économiques (cela dopera-t-il l’activité ? cela créera-t-il des emplois ?), financières (qui paiera et combien finalement ?), environnementales (est-ce pertinent au moment où l’on commence à sérieusement lutter contre le changement climatique ?) et bien sûr politiques (peut-on bafouer le résultat d’un référendum consultatif ?).

Avant d’aborder tous ces sujets, il me paraît pertinent de faire un rapide historique du sujet.


Historique NDDL

Le projet a germé au moment de la détermination des métropoles régionales en 1963 : on avait donné (avec raison) à Nantes-Saint-Nazaire le rôle d’une des villes phare de l’aménagement du territoire (c’était le Ve Plan). En 1965, un nouvel aéroport fut envisagé pour desservir les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire. Très vite, dès 1968, le site de Notre-Dame-des-Landes fut trouvé, au nord-ouest de Nantes, car il permettait aussi de se rapprocher de Rennes et de Vannes. Les lieux permettent en outre de construire des routes d’accès rapide. L’idée d’y construire un aéroport régional fut donc déjà sérieusement bien installée dans l’esprit des élus locaux en 1970.

Pour exemple, le sénateur (RPR) Michel Chauty (1924-2007), d’abord maire de Saint-Herblain (1959-1977), puis maire de Nantes (1983-1989), prédécesseur direct, dans ces deux communes, de Jean-Marc Ayrault, n’avait pas peur d’être traité de mégalomane lorsqu’il déclara, à "Presse-Océan" (cité par Wikipédia) le 22 mai 1970 : « La métropole de Nantes-Saint-Nazaire pourrait devenir le Rotterdam aérien de l’Europe par la création d’un aéroport international de fret au nord de la Loire. ». Si l’idée était tentante voire faisable il y a une cinquantaine d’années, beaucoup d’eau est passée sous les ponts, et Saint-Nazaire, Le Havre, Toulon ou d’autres ports auraient dû anticiper l’arrivée massive des cargos chinois qui débarquent, eux, à Rotterdam, Hambourg, voire Trieste/Koper et Gdansk…

En 1974 fut créée la Zone d’aménagement différé (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, réservée pour l’éventuelle construction d’un grand aéroport, qui a donné au conseil général un droit de préemption sur les terres. Mais la crise pétrolière et les difficultés économiques ont laissé le projet en l’état pendant un quart de siècle.

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Le projet fut relancé le 26 octobre 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin lors du Comité interministériel de l’aménagement du territoire se donnant notamment pour objectif : « réaliser un nouvel aéroport, en remplacement de Nantes-Atlantique, sur le site de Notre-Dame-des-Landes afin de valoriser la dimension internationale et européenne des échanges de l’Ouest Atlantique ». À partir de janvier 2002, la plupart des collectivités locales concernées par ce projet (conseils régionaux, conseils départementaux, villes, intercommunalités) se sont structurées en syndicat mixte pour mener ce projet. Un rapport fut remis le 13 avril 2007 au préfet de la région Pays-de-la-Loire.

Pourquoi une telle résurrection ? Probablement parce que le président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, majoritaire entre juin 1997 et mai 2002, n’était autre que Jean-Marc Ayrault, le député-maire de Nantes et proche du Premier Ministre Lionel Jospin.

Cette majorité socialiste, plutôt que de faire resurgir l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, aurait mieux fait de confirmer au lieu d’abandonner (en 1997) la mise au gabarit de 5 000 tonnes du canal Rhin-Rhône qui aurait été une liaison économique prometteuse entre Rotterdam et Marseille. La ministre écologiste Dominique Voynet, élue de Dole, s’était opposée à ce canal devenu une simple promenade touristique.

Le 9 février 2008, la déclaration d’utilité publique fut décrétée. Comme on le voit, ce fut comme pour l’écotaxe : le projet a été soutenu par le quinquennat de Nicolas Sarkozy et mal géré ensuite par le quinquennat de François Hollande. Cette déclaration d’utilité publique fut considérée comme une déclaration de guerre par les opposants à l’aéroport, principalement les habitants des lieux, les agricultures et les écologistes, qui organisèrent une première manifestation de plusieurs milliers de contestataires le 3 mars 2008 à Nantes.

Le 27 octobre 2008, le préfet de région a reçu quatre entreprises candidates pour acquérir la concession : Bouygues, Vinci, SNC-Lavalin et NGE. Seules, les trois premières déposèrent le dossier avant la date limite du 30 octobre 2009. Le choix du gouvernement s’est finalement porté en juillet 2010 sur Vinci pour une concession d’une durée de 55 ans (décret du 29 décembre 2010). Le contrat de délégation de service public fut applicable le 1er janvier 2011. L’enquête publique fut troublée en novembre 2010 par des manifestants et par la riposte musclée des forces de l’ordre.

Éléments troublants : le préfet de région en question, né en 1947, a quitté ses fonctions de préfet en juillet 2009 et a pris sa retraite de haut fonctionnaire (de la Cour des Comptes) en 2011 pour ensuite "pantoufler" pour le compte de …Vinci. Par ailleurs, un conseiller technique du Ministre des Transports à l’époque du gouvernement Jospin fut recruté en 2002 par Vinci (à Cofiroute puis président de Vinci Airports). Ces deux personnes, l’une est proche de la droite, l’autre de la gauche. Les deux principaux partis de gouvernement (jusqu’en 2017), à savoir l’UMP/LR et le PS, ainsi que le PCF, sont très engagés dans la défense du projet du nouvel aéroport. En particulier, Jacques Auxiette (PS) et Bruno Retailleau (LR) se sont beaucoup impliqués dans la défense du projet, tous les deux, président du conseil régional des Pays-de-la-Loire, respectivement du 2 avril 2004 au 18 décembre 2015, et du 18 décembre 2015 au 30 septembre 2017.

Le quinquennat de François Hollande a été incapable de faire respecter la loi : les occupants de la ZAD refusèrent d’être évacués à partir de 2012, malgré la totalité des recours qui leur furent défavorables (notamment le 25 janvier 2016). À l’issue d’un remaniement ministériel qui a fait revenir Jean-Marc Ayrault (nommé au Quai d’Orsay) et les écologistes, François Hollande annonça le 11 février 2016 sur TF1 et France 2 qu’il organiserait un référendum sur le sujet. Il a eu lieu le 26 juin 2016 (voir plus loin).

Les premiers travaux auraient dû commencer en octobre 2016 mais pour cela, il aurait fallu que le gouvernement employât la force pour déloger les "zadistes", ce qu’il s’est refusé de faire pour ne pas renouveler la mort de Rémi Fraisse, jeune militant tué le 26 octobre 2014 lors d’affrontements à la fin d’une manifestation contre le barrage de Sivens.

Puis la campagne présidentielle est arrivée et Emmanuel Macron fut élu. L’une de ses obsessions, c’est de ne pas recommencer toutes les erreurs de son prédécesseur, et en particulier, ne pas avoir le courage de trancher dans ce dossier ultra-sensible.

Parmi ses ministres les plus importants et les plus appréciés de "l’opinion publique", il y a Nicolas Hulot, numéro trois du gouvernement (Ministre d’État, Ministre de la Transition écologique et solidaire depuis le 17 mai 2017), hostile au projet d’aéroport mais sans doute prêt à manger de nouvelles couleuvres, et aussi Jean-Yves Le Drian, Ministre des Affaires étrangères et longtemps président du conseil régional de Bretagne (du 2 avril 2004 au 29 juin 2012 et du 18 décembre 2015 au 2 juin 2017) et maire de Lorient (du 4 juillet 1981 au 2 avril 1998), lui très favorable au projet.


L’ordre républicain

L’évacuation de la ZAD aurait dû avoir lieu avant la prise de décision finale. Son occupation par des militants est une forte pression contre la démocratie elle-même. On ne peut pas s’opposer au principe de l’État de droit : toutes les décisions de justice (au nombre de 179 !) ont été défavorables aux zadistes.

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Refuser l’ordre républicain, ou plutôt, accepter que l’ordre républicain soit si durablement défié (depuis près d’une décennie, à partir d’août 2009), c’est laisser la porte ouverte à toutes les sécessions possibles, encourager des actions militantes parfois violentes (comme au barrage de Sivens en 2014) et empêcher le pays de se moderniser le cas échéant.

Le premier acte d’autorité, ce serait donc de faire évacuer calmement la zone, ne serait-ce que pour éviter des blessés et des morts. On a suffisamment parlé dans les médias de ces fameuses "zones de non droit" dans des cités d’immeubles de banlieue pour ne pas multiplier ces zones dans la campagne à chaque construction d’ouvrage.


La consultation du 26 juin 2016

Si l’on prend les résultats, il y a eu 55,2% en faveur du projet (44,8% contre) avec 51,1% de participation. Ces simples données laisseraient croire que la démocratie a parlé, et donc, que la messe fut dite.

Pourtant, une telle consultation pourrait être contestable à plusieurs titres. Le premier, c’est que ce n’étai pas un référendum, c’était une consultation, donc, une aide à la décision et pas une obligation pour le gouvernement. Le deuxième, c’était évidemment de définir qui pouvait voter. Le 15 mars 2016, le Premier Ministre Manuel Valls a annoncé que seuls les électeurs de Loire-Atlantique pouvaient voter.

Cette partition électorale avait de quoi être déconcertante. Le gouvernement affirmait que c’était un aéroport d’envergure régionale, doublement, puisque les Pays-de-la-Loire et la Bretagne devraient participer financièrement au projet à hauteur de 69,3 millions d’euros sur les 561 millions d’euros prévus en 2012 (probablement bien plus, au moins le double). Pourquoi n’avoir pas fait voter l’ensemble des électeurs de ces deux régions au lieu de seulement ceux de la Loire-Atlantique qui ne participerait qu’à hauteur de 23,1 millions d’euros seulement ?

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Évidemment, puisque j’évoque l’argument financier, l’État devrait apporter bien plus que les collectivités locales, avec 130,5 millions d’euros. Par conséquent, le contribuable marseillais, ou strasbourgeois, contribuerait presque autant que le contribuable nantais.

Troisième contestation possible de cette consultation, ce fut sa nature institutionnelle : ni nationale ni locale, elle a dû faire l’objet, au préalable, de l’adoption d’une ordonnance spécifique, l’ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement (ainsi que le décret l’accompagnant, n°2016-491 du 21 avril 2016). Bref, tout un dispositif législatif a été adopté à la va-vite (en un mois) pour organiser la tenue de cette consultation (le Conseil d’État a cependant approuvé la procédure, par sa décision n°400704 du 22 juin 2016).

Le décret n°2016-503 du 23 avril 2016 a formalisé la question : « Êtes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? ».

À bien y regarder, les résultats, en fait, sont malgré tout très mitigés car il y a de grandes disparités géographiques. Bien sûr, les électeurs des communes proches de la ZAD se sont très massivement opposés au projet (73,6% de non à Notre-Dame-des-Landes). Même les électeurs de Nantes, qui pourtant en profiteraient le plus, sont restés hésitants, à peine majoritaires (50,1% de oui).

Plusieurs partis qui étaient opposés au projet se sont ralliés à son soutien dès lors que la consultation l’a approuvé : ce fut le cas du MoDem, du FN, et aussi de l’UDB (Union démocratique bretonne). Nicolas Hulot, opposé au projet depuis longtemps (notamment dès le 12 décembre 2012), a regretté, le 27 juin 2016 sur Europe 1, le résultat de la consultation tout en voulant en tenir compte : « On ne peut pas demander d’aller voter et si le résultat ne vous plaît pas, ne pas en tenir compte. J’en prends acte. ».

Nicolas Hulot (qui laissait envisager sa démission de ministre sur France Inter le 1er décembre 2017) avait raison l’année précédente, en refusant le déni démocratique, mais pourtant, l’organisation même de cette consultation était douteuse. C’était une pirouette de non-décision de François Hollande qui s’est retournée contre lui et contre son successeur, car la considération démocratique devrait nécessairement être en ligne de compte, ce qui a créé une pression ou contrainte supplémentaire.

La définition même du périmètre géographique garantissait le résultat voulu : seulement autour des communes de Notre-Dame-des-Landes et riveraines, le résultat aurait été "non" ; tout de département jusqu’aux deux régions, le résultat aurait été "oui", car les habitants en profiteraient sans nuisance particulière (sauf pour les riverains) ; élargi à tout le territoire national, le résultat aurait probablement été "non", car beaucoup d’électeurs n’en auraient eu aucun bénéfice… En somme, un coup d’épée dans l’eau.

Un sondage réalisé les 11 et 12 février 2016 par Odoxa pour "Paris Match" et i-Télé affirmait que 58% des sondés représentant l’ensemble des Français seraient opposés à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes contre 41% qui seraient favorables. Après la consultation, un sondage réalisé par l’IFOP en novembre 2017 a donné des résultats inversés, avec 54% des sondés représentant l’ensemble des Français qui seraient favorables au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (par loyalisme et respect du choix du peuple).

De toute façon, le problème n’était pas "politique" dans le sens où la grande majorité des partis (localement et nationalement) y était favorable, en particulier les deux partis de gouvernement UMP/LR et PS. Le problème était de pouvoir évacuer la zone sans effusion de sang (pour commencer les travaux au plus vite). Cela reste d’ailleurs le principal défi du gouvernement d’Édouard Philippe.

Venons-en au cœur du sujet…


Les considérations économiques

La construction de l’aéroport répondrait à l’augmentation croissante du nombre de passagers aériens au départ ou à l’arrivée à Nantes. S’il y a effectivement une hausse régulière de la fréquentation de l’actuel aéroport Nantes-Atlantique (+8,2% par exemple en 2013, +8,7% en 2016, +47% entre 2011 et 2016 ; de 1,9 million en 2001 à 3,2 millions en 2011 et 5,5 millions en 2017), il y a toutefois une stabilisation du nombre de vols commerciaux (baisse de 2,0% en 2013 ; autour de 50 000 vols commerciaux en 2016). Pour se donner un élément de comparaison (voir tableau), la moyenne annuelle de variation entre 2012 et 2016 est une hausse de 7,1% pour le nombre de passagers et de seulement 1,4% pour le nombre de vols commerciaux. En effet, le progrès technique permet le transport de plus de passagers dans le même avion qu’auparavant. C’est bien sûr le nombre de vols commerciaux et son évolution future qui doivent être pris en compte pour la réflexion sur un nouvel aéroport, pas le nombre de passagers. Le nouvel aéroport pourrait accueillir jusqu’à 9 millions de passagers à l’horizon 2050, avec des capacités d'extension le cas échéant plus tard.

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Comme souvent, il serait probable que la construction d’une grande infrastructure de transport créerait des synergies et attirerait de nouvelles entreprises près du nouvel aéroport. D’autant plus qu’il serait facile à relier cette nouvelle plateforme aéroportuaire avec une voie rapide (N137 entre Nantes et Rennes et N165 entre Nantes et Vannes) et le TGV (qui ne passe pas très loin avec la liaison Paris-Nantes). Une croissance d’un million d’habitants serait attendue sur la façade atlantique d’ici à 2030. Le nouvel aéroport créerait 4 000 emplois directs et indirects liés au chantier et entre 1 230 à 5 650 emplois directs et indirects liés à l’exploitation de la zone aéroportuaire d’ici à 2025.

Le sénateur Bruno Retailleau, alors président du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest, avait estimé ainsi l’impact sur l’emploi : « En prenant en compte la construction, l’exploitation, le développement du nouvel aéroport et le réaménagement de Nantes-Atlantique, la fourchette basse est de plus 10 000 créations d’emplois pérennes dans le bassin. Ces nouvelles infrastructures de transport vont renforcer l’attractivité du Grand Ouest et jouer un rôle de "booster" au plan économique et social. Et ce n’est qu’un début car les conséquences indirectes à moyen et long terme (tourisme, affaires, agriculture, industries…) seront encore plus nombreuses. ».

Toutefois, l’usine implantée à Bouguenais d’Airbus (qui emploie 5 000 personnes dans la région), juste en bordure de l’aéroport Nantes-Atlantique, qui a besoin d’acheminer ses pièces par avion entre ses différents sites industriels, pourrait ne pas être capable de payer la totalité des frais de maintien de la piste actuelle si le trafic commercial était transféré à Notre-Dame-des-Landes.

De manière logique, des emplois seraient détruits dans l’agriculture (la fin de l’exploitation des terres incluses dans la ZAD), dont le nombre serait estimé à quelques centaines (600). Une cinquantaine d’exploitations agricoles sur 5 000 hectares seraient affectées.


Les considérations écologiques

Évidemment, un aéroport est, en lui-même, porteur de pollution, avec l’énergie consommée par les avions et les gaz rejetés. Mais c’est aussi le cas pour la circulation automobile (dans une moindre mesure si l’on prend comme référence le kilomètre parcouru) et même pour le transport ferroviaire (l’électricité, il faut bien la produire quelque part). La lutte contre le changement climatique ne doit cependant pas se faire au détriment de la vie tout court. Les gens ont le droit de vivre, de se déplacer, de gagner leur vie. L’économie ne doit donc pas être la victime de considérations écologiques même si elle doit rester vigilante (tout est une question d’équilibre, comme pour la sécurité routière). D’ailleurs, les progrès technologiques font que les rejets de gaz polluant sont de même ordre pour l’avion (3 litres par 100 kilomètres par passager) que pour l’automobile (5 litres par 100 kilomètres par véhicule).

De même, la construction d’un nouvel aéroport saccagerait l’espace naturel utilisé. Et cela d’autant plus que depuis plus d’une quarantaine d’années, la ZAD a développé elle-même un nouveau milieu naturel. Les associations de protection de la nature de la FNE (France nature environnement) considèrent que la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes coûterait cher pour la biodiversité : 109 espèces protégées (plantes et animaux) seraient détruites (dont 28 reconnus d’intérêt communautaire par l’Europe), comme le campagnol amphibie, le triton marbré, le triton crêté, le lézard vivipare, ou la cicendie naine, et 1 200 hectares de zones humides et de cultures bocagères seraient détruits. Les partisans de Notre-Dame-des-Landes réfutent ces arguments en disant qu’au contraire, le projet s’est préoccupé de l’aspect écologique et que 40 millions d’euros sont prévus pour des mesures écologiques compensatoires.

L’alternative, si le projet de nouvel aéroport ne voyait pas le jour, ce serait l’agrandissement de l’aéroport actuel, Nantes-Atlantique. Or, les partisans du nouvel aéroport insistent aussi sur le fait que l’agglomération nantaise subit de plein fouet la pollution d’un aéroport à très grande proximité, sans compter les menaces pour la population (en cas d’accident aérien par exemple). Éloigner l’aéroport d’une zone urbaine dense répond donc aussi à des considérations écologiques. Le renforcement de l’actuel aéroport provoquerait des nuisances sonores à 11 000 habitants de l’agglomération nantaise et à une dizaine d’établissements scolaires ou hospitaliers.


Pour ou contre ?

Le rapport de la mission de médiation remis le 13 décembre 2017 a insisté sur un fait, que l’état actuel de l’aéroport de Nantes-Atlantique ne suffirait plus dans les prochaines décennies à assurer les vols commerciaux en pleine croissance. Il a donc modifié l’alternative souvent présentée entre construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et rien du tout. L’alternative est donc devenue entre construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes et réaménagement de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique.

Dans cette optique, il n’est pas sûr que les considérations environnementales favoriseraient l’abandon de Notre-Dame-des-Landes. D’autant plus qu’il faudrait intégrer des coûts supplémentaires de pénalités (au moins 350 millions d’euros sans compter le manque à gagner des collectivités locales pendant la durée de 55 ans) pour la remise en cause du contrat de concession à Vinci (indemnités compensatrices très lourdes comme ce fut le cas avec l’abandon de l’écotaxe).

La décision est donc difficile à prendre car quelle qu’elle soit, elle fera nécessairement des mécontents. Par conséquent, la seule qui vaille, c’est bien sûr celle qui, sourde aux vociférations du présent, anticipera le mieux l’avenir. C’est d’ailleurs la seule chose qu’on attend vraiment des responsables politiques…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 janvier 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
L’écotaxe.
La sécurité routière.
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
Jean-Marc Ayrault.
Jean-Yves Le Drian.
Olivier Guichard.
Nicolas Hulot.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180113-notre-dame-des-landes.html

https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/notre-dame-des-landes-symbole-de-200674

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/01/16/36051879.html


 

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1 janvier 2018 1 01 /01 /janvier /2018 01:19

« Celui qui peut moralement tenir le plus longtemps est le vainqueur : celui qui est vainqueur, c’est celui qui peut, un quart d’heure de plus que l’adversaire, croire qu’il n’est pas vaincu. » (Clemenceau, le 8 mars 1918 à la Chambre des députés).


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Jusqu’ici, tout va bien ! Cette fameuse réplique du non moins fameux film de Mathieu Kassovitz "La Haine" sorti avec fureur le 31 mai 1995 pourrait bien s’appliquer à cette fin d’année 2017 : « C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici, tout va bien ! Jusqu’ici, tout va bien ! Jusqu’ici, tout va bien ! Mais l’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. ».

Il est de coutume de se tourner derrière soi pour faire un bilan de l’année avant de regarder devant soi. Le bilan, en France, a été fait depuis quelques mois avec ces élections présidentielle et législatives qui ont décapé la classe politique. Ce n’est ni le "système" qui a basculé, ni les comportements qui se sont soudain modifiés, ce sont juste les acteurs habituels qui ont été "rangés" dans les livres d’histoire : Cécile Duflot, Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, Vincent Peillon, Arnaud Montebourg, Manuel Valls, Benoît Hamon, Jean-Vincent Placé, Jean-Luc Mélenchon, François Fillon, Marine Le Pen, Bernard Cazeneuve, Ségolène Royal, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Pierre Raffarin, François Baroin, Luc Chatel, François Bayrou

Certains, parce qu’ils sont encore assez jeunes et combatifs, pourront peut-être revenir sur le devant de la scène dans quelques années, mais ce coup de balai a laissé place à un Président de la République maintenant quadragénaire dont la cote de popularité grimpe après sept mois d’exercice du pouvoir, ce qui est assez exceptionnel depuis plusieurs décennies en France.

L’élection du Président Emmanuel Macron a donné l’impression aux Français que la France est de nouveau gouvernée après cinq ans d’attentisme et d’immobilisme. Pour l’instant, Emmanuel Macron n’a pas fait trop d’impairs. Sa réforme du code du travail est passée assez facilement. La loi de finances 2018, qu’Emmanuel Macron a promulguée ce samedi 30 décembre 2017 sans invalidation du Conseil Constitutionnel, a été, elle aussi, un succès institutionnel. Cela signifie aussi que l’année 2018 sera une année blanche pour l’impôt sur le revenu.

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Il y a cependant beaucoup d’inquiétude qui pèse sur l’avenir et en particulier pour l’année 2018 parmi les réformes envisagées par le gouvernement. Je placerais en premier rang la révision de la Constitution : il ne s’agirait pas de démolir la mécanique si efficace de la Ve République et il faudra donc rester très vigilant sur les conséquences de la réforme annoncée, qui voudrait se faire rapidement (l’objectif serait d’être achevée en été 2018).

L’autre réforme qui peut inquiéter sera la réforme de l’assurance-chômage. Selon les fuites diffusées il y a quelques jours, cette réforme pourrait pénaliser les demandeurs d’emploi en les fustigeant. Il y a dans ce thème un grand danger. Le député FN Gilbert Collard n’a pas tort quand il dit qu’il ne faut pas fustiger les demandeurs d’emploi mais les encourager. Leur recherche d’emploi ne doit pas être polluée par une communication excessive auprès de bureaucrates. Ce n’est pas le but.

Et rappelons que pour l’instant, ce n’est pas une "aide" mais une "assurance" : ceux qui reçoivent une indemnisation chômage sont ceux qui ont cotisé, ils ne font donc pas l’aumône auprès la solidarité nationale, ils sont seulement indemnisés comme l’est le propriétaire d’une maison assurée qui a été détruite. Espérons que la réforme pensera davantage à la capacité des demandeurs d’emploi à retrouver un emploi qu’à les chasser des statistiques. L’essentiel restera donc la grande réforme de la formation professionnelle dont on parle depuis des décennies et qui n’a jamais vu le jour.

Autre source d’inquiétude, la réforme des retraites. L’inquiétude est pour ceux qui ont des régimes spéciaux, bien sûr. La justice commande une réforme structurelle des retraites qui voudrait que pour un euro cotisé, chacun reçoive, à leur retraite, le même montant de pension. C’est un vaste sujet, très ambitieux, attendu depuis 1990 et le livre blanc des retraites initié par Michel Rocard. Là encore, il faut que la réforme soit consensuelle, c’est-à-dire acceptée par les partenaires sociaux, et pas seulement par le patronat.

Enfin, 2018 sera aussi, sur le plan intérieur, l’année où sera adoptée une loi sur l’immigration. Les premières ébauches du projet montrent une tendance beaucoup plus dure que lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, au point d’inquiéter les associations humanitaires et caritatives qui s’alarment de la volonté du gouvernement de vouloir contrôler l’identité de toutes les personnes acceptées en centre d'hébergement d’urgence. Il faudra aussi être vigilant sur la révision des lois sur la bioéthique qui devrait se faire aussi en 2018, avec un point de polémique très important concernant la PMA pour tous.

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L’année 2018 sera néanmoins une source d’inquiétude avant tout sur le plan international. En Europe, la difficulté de la Chancelière Angela Merkel à former une nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne, l’arrivée au pouvoir ou le maintien de gouvernements qui peuvent voir d’un œil réticent certaines directives de Bruxelles (Pologne, Hongrie, Autriche, etc.), les inconnues du Brexit, la crise catalane qui n’en finit pas, les futures élections en Italie le 4 mars prochain (le Président italien Sergio Mattarella a dissous le parlement italien le 28 décembre 2017), laissent un paysage européen de désolation. Les ambitions européennes d’Emmanuel Macron sont à peu près les seules visions d’avenir dans cet euroscepticisme généralisé.

Au-delà des frontières européennes, le monde de Donald Trump et Vladimir Poutine (qui sera probablement réélu en mars 2018) n’est pas dans une optique de stabilité. La crise avec la Corée du Nord, la plus grave de notre temps, où le risque majeur est quand même un déclenchement d’un conflit nucléaire, pourrait rendre les dirigeants du monde un peu paranoïaques. La persistance du terrorisme islamiste défie toujours l’ensemble des peuples du monde. Les changements profonds en Arabie Saoudite, en Iran et (espérons-le) en Syrie vont aussi bouleverser les perspectives dans le Proche- et Moyen-Orient.

Comme pour l’avenir du projet européen, l’avenir des Accords de Paris du 12 décembre 2015 sur le changement climatique reste très incertain en raison de la mauvaise volonté du gouvernement américain. La préparation aux bouleversements climatiques planétaires nécessite évidemment une action collective au niveau mondial. C’est d’ailleurs un bon marqueur de la maturité de notre époque, celui de pouvoir coopérer dans le sens de l’intérêt général de l’espèce humaine. Étrangement, celui qui montre la meilleure volonté, en dehors de l’Europe et des pays qui seront les premières victimes d’une montée des eaux, c’est la Chine, le plus gros pollueur, mais aussi qui commence à investir massivement dans les énergies nouvelles et dans l’automobile électrique (à la réserve que cela dépend de la manière de produire l’électricité qui, en elle-même, n’est pas forcément moins polluante que le pétrole).

En France et en Europe, l’année 2018 sera aussi marquée par le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale le 11 novembre 1918. Une commission planche déjà pour organiser les festivités mais aussi les signes symboliques en faveur de la paix.

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Georges Clemenceau sera probablement de nouveau, et à juste titre, encensé, pour sa capacité de maintenir coûte que coûte l’effort de guerre et pour avoir cru en la victoire (comme De Gaulle pour la guerre suivante).

Personnage très étrange que le Père la Victoire puisqu’il haïssait les militaires. De nombreuses citations provenant de lui (ou supposée provenir de lui) l’attestent comme : « La plus petite unité de mesure de poids, c’est le milligramme ; la plus petite unité de mesure de volume, c’est le millilitre ; la plus petite unité de mesure de l’intelligence, c’est… le militaire ! » (notons au passage la faute commise : le milligramme est une unité de masse ; l’unité de poids, c’est le newton, bien sûr). Ou encore celle-ci : « Il suffit d’ajouter "militaire" à un mot pour lui faire perdre signification. Ainsi, la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique. ».

Et puisque j’en suis à des citations de Clemenceau, je propose pour finir l’année 2017 et commencer la suivante une citation à l’adresse des candidats malheureux qui ont échoué à l’élection présidentielle : « Ce qui m’intéresse, c’est la vie des hommes qui ont échoué, car c’est le signe qu’ils ont essayé de se surpasser. ». Et une dernière à l’adresse du vainqueur : « Ne craignez jamais de vous faire des ennemis ; si vous n’en avez pas, c’est que vous n’avez rien fait. ».

Bonne année 2018 et surtout, bonne santé à tous !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 décembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron, vainqueur de 2017.
Johnny Hallyday, homme de l’année 2017.
Donald Trump, autre homme de l’année 2017.
2018.
2017.
2016.
2015.
2014.
2012.
2010.


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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180101-nouvel-an.html

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/politiques-citoyens/article/jusqu-ici-tout-va-bien-200150

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19 décembre 2017 2 19 /12 /décembre /2017 03:28

« Au fond, notre pays (…) aime la finance magique. Il aime cette finance où on peut baisser les impôts sans que jamais la dépense publique, quant à elle, ne baisse. Il veut que l’économie soit toujours le problème de l’autre, mais à la fin, nous nous  y retrouvons et ma fonction m’oblige à une chose, la cohérence, à la responsabilité devant tous les Français et à la responsabilité devant tous nos partenaires devant des engagements que nous avons librement consentis. Quelle crédibilité aurait la France si elle ne tenait pas ses engagements vis-à-vis de ses propres concitoyens ? Quelle serait notre crédibilité pour bouger une Europe qui va à tâtons si nous ne respectons pas nous-mêmes nos propres engagements ? Et donc, oui, il fallait bien aller vers ce discours de vérité et des responsabilité partagée. » (Paris, le 23 novembre 2017). Première partie.


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Lumières des quarante bougies. Quarante couleurs. En effet, Emmanuel Macron fête ce jeudi 21 décembre 2017 son 40e anniversaire (deux jours avant les 50 ans de Carla Bruni). Il ne l’a pas fêté au château de Chambord le week-end dernier, contrairement à ce qui est dit, car ce week-end familial en chambre d’hôtes de luxe célébrait Noël en avance, pas son anniversaire. C’est néanmoins l’occasion de revenir sur ses sept mois d’exercice de la fonction présidentielle.

Quel contraste ! Que de chemin parcouru pour la France ! Mon dernier article sur François Hollande, je l’avais associé à la lumière, pour lui faire dire en gros : je pars sur la pointe des pieds, n’oubliez pas d’éteindre la lumière. Maintenant, un an plus tard, la lumière est rallumée, elle devient les Lumières, au pluriel et avec la majuscule, reprenant l’expression du XVIIIe siècle plus favorable au despotisme éclairé qu’à la monarchie absolue.

On pourra dire en fait que l’un est l’autre (et réciproquement), mais le contraste est étonnant : assurément, Emmanuel Macron a renoué avec une certaine idée de la France, celle de De Gaulle, celle d’une monarchie républicaine qui se base avant tout sur l’intérêt national. Emmanuel Macron avait un avantage : il n’avait pas de parti, et donc, il n’est pas prisonnier de ce système des partis redevenu l’une des plaies du paysage politique depuis 1981.

La première réflexion est qu’Emmanuel Macron est "épatant", à savoir, qu’il "épate", il "étonne", il "rassure". Même Jean-Pierre Chevènement a voulu, le 11 décembre 2017 à la Maison de la Chimie à Paris, voir la démarche européenne d’Emmanuel Macron de manière très positive ! Rien ne semble l’arrêter et il jouit également de circonstances en or.

Après un petit dévissage dans les sondages de popularité pendant l’été 2017, le voici qui remonte à la fin de l’année, avec la vision d’un premier bilan à la fois positif et très encourageant pour l’avenir. L’Élysée en a définitivement fini avec cette indécision maladive qui se voulait synthèse et qui fut immobilisme de l’ère François Hollande. Le meilleur marqueur sera le dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, un sujet épineux mais justement, ce sera un très bon test pour savoir si Emmanuel Macron est très habile ou pas. Le report d’un mois de la décision n’est cependant pas un signe très rassurant.


La politique intérieure

Prenons son cœur du programme présidentiel, les ordonnances de réforme du code du travail. Elles sont passées comme une lettre à la poste. La mobilisation sociale tant rêvée par Jean-Luc Mélenchon n’a pas eu lieu. C’était prévisible : même ceux qui n’ont pas voté pour Emmanuel Macron, s’ils sont démocrates, admettent que c’est normal qu’il applique son programme, puisqu’il a été élu. Il les a proposées au cours de sa campagne, il les a réalisées. Et ne parlez pas de déni de démocratie, car la loi de ratification a été votée le 28 novembre 2017 par les députés avec une large majorité (463 voix contre 74).

Cette réforme du travail sera-t-elle efficace ? Probablement pas : les emplois se créent avec des clients et de l’activité économique réelle, pas avec une simple réduction du coût du travail. Néanmoins, la conjoncture économique internationale est telle que la flambée du chômage connue en France sous le quinquennat de François Hollande a été stoppée et que les perspectives de croissance sont encourageantes.

La première réforme d’Emmanuel Macron ne fut cependant pas économique mais politique : la moralisation de la vie politique, demandée voire imposée par François Bayrou pour obtenir son soutien lors de la campagne présidentielle. Ironie du sort, François Bayrou, nommé Ministre d’État, Ministre de la Justice, pour mettre en œuvre cette moralisation, a été contraint de démissionner au bout d’un mois, lui-même touché par une affaire judiciaire concernant son parti ("touché", c’est-à-dire mis en accusation, pas forcément coupable).

Cette affaire, qui aurait pu être le premier scandale du quinquennat d’Emmanuel Macron, n’a pas fait long feu et Emmanuel Macron, au contraire, a pu se draper d’une volonté de moraliser la vie politique, même si, quand on lit les déclarations de patrimoines de ses ministres, publiées le 15 décembre 2017, on peut constater que les ministres actuels sont en moyenne beaucoup plus riches que les ministres du quinquennat précédent.

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De toute façon, la moralisation de la vie politique ne se concrétise pas avec des lois, mais avec les comportements des acteurs. Il y a déjà beaucoup de lois contre les crimes, cela n’empêche pas de commettre des crimes. C’est pareil pour les délits, les malversations, la corruption, les collusions, etc. La loi de moralisation est surtout une loi d’affichage. L’essentiel est la pression publique sur les responsables politiques pour que des pratiques conformes à une certaine moralité deviennent généralisées. Même le prédécesseur de François Bayrou place Vendôme, le vallsiste Jean-Jacques Urvoas vient d’être épinglé par "Le Canard enchaîné" du 13 décembre 2017 sur un comportement peu en phase avec la moralisation.


La politique fiscale

La plus importante loi adoptée dans l’ère Macron reste cependant le nerf de la guerre, la loi de finances 2018. Et cette loi, il faut bien l’avouer, est peu satisfaisante, ou, soyons positifs, elle aurait pu être meilleure.

Je suis particulièrement réticent aux mesures fiscales qui s’en prennent finalement à ceux qui ont suivi les gouvernements depuis des décennies : ces derniers ont longtemps encouragé l’achat de véhicule au diesel, et l’achat d’immobilier. Maintenant, on veut surtaxer le diesel et l’immobilier. On ne peut pas délocaliser l’immobilier.

La transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt spécifiquement sur l’immobilier est peu opportune dans la situation d’urgence du logement en France (on n’a jamais aussi peu construit de logements ces cinq dernières annnées). Au contraire, il aurait fallu encourager l’immobilier, pas le taxer encore (car il ne faut pas se leurrer, la suppression de 80% de la taxe d’habitation aura nécessairement pour conséquence une augmentation de la taxe foncière). Quant à l’ISF, il aurait fallu peut-être séparer les investissements qui consolident l’économie française (ou européenne) de ceux qui la minent et qui mériteraient d’être découragés, surtout s’ils sont principalement spéculatifs.

Toujours dans l’immobilier, la baisse des APL, même minime, est une insulte aux étudiants et à personnes les moins aisées, pour des économies budgétaires totalement négligeables par rapport au déficit public de 50 à 100 milliards d’euros et à la dette publique de plus de 2 000 milliards d’euros !

L’augmentation de la CSG pourrait au contraire mieux se défendre dans cette volonté de transfert de prélèvements. Comme la baisse des charges salariales compensera l’augmentation de la CSG pour les salariés, l’augmentation de la CSG a surtout une incidence négative sur les fonctionnaires et sur les retraités. C’est vrai que les retraités ne roulent pas forcément sur l’or et qu’ils contribuent aussi à aider les générations plus jeunes. Mais la réalité est que le revenu moyen d’un retraité est plus élevé que celui d’une personne de la population active. L’aide aux générations plus jeunes est ainsi "actée". Pourquoi pas, si cet enjeu est expliqué en toute conscience ? Le problème, c’est que les compensations (baisse de prélèvements) sont toujours moins garanties que les augmentations. Le décalage de compensation de la CSG apporte d’ailleurs à l’État des recettes supplémentaires sans incidence politique : c’est encore l’une des ficelles et astuces de Bercy.

Plus scandaleuse est d’avoir conservé le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (prévu pour le 1er janvier 2019). C’était une mesure prise par François Hollande en juin 2015 uniquement pour plaire à l’aile gauche de son parti (on a vu l’efficacité de la mesure sur le plan politicien). Ce serait une mesure qui coûterait très cher aux entreprises qui feraient alors le travail de perception normalement attribué à l’État. On imaginerait évidemment l’intérêt de l’État qui pourrait réattribuer le rôle de ses agents de la perception au contrôle. Et en dehors des gros problèmes de confidentialité des informations privées (situation fiscale) accessibles à l’employeur, et de la mise en œuvre pratique (le logiciel de paie des militaires n’a jamais fonctionné correctement au bout de cinq ans, pourquoi les entreprises réussiraient-elles là où l’État échoue ?), il pourrait y avoir un problème de garantie : qui serait responsable si l’employeur ne versait pas à l’État l’impôt correspondant de ses salariés ? Ce serait le même problème que s’il "oubliait" les cotisations retraite ou chômage.


La politique étrangère

Cette partie fiscale me paraît la seule réelle réticence en ce qui me concerne dans le quinquennat Macron qui commence. Le reste me paraît, jusqu’à maintenant, excellent, et quand j’écris excellent, c’est pour remonter jusqu’à De Gaulle pour retrouver une comparaison dans la pratique présidentielle.

Pourquoi ? Parce que De Gaulle a su représenter les Français sur la scène internationale avec une certaine fierté. Emmanuel Macron fait de même. Il jouit, là encore, de magnifiques circonstances. Son talent, c’est de savoir saisir la chance qui s’offre à lui. Les chances. François Hollande n’a pas su le faire.

En effet, c’est la vacuité des personnalités mondiales en ce moment. L’absence de leadership mondial a placé Emmanuel Macron au centre du monde ! Une bonne partie des citoyens américains a honte de la Présidence de Donald Trump qui coupe les budgets de l’ONU, de l’UNESCO, qui est prêt à tweeter une guerre avec la Corée du Nord, qui boude les Accords de Paris de décembre 2015, qui est prêt à déclencher une 3e Intifada en Palestine, etc. L’Allemagne est en grande difficulté politique avec l’absence de majorité au Bundestag : Angela Merkel, pourtant la personnalité la plus forte de l’Europe, est très affaiblie par ses négociations pour structurer une nouvelle coalition après presque trois mois de dur labeur. Le Royaume-Uni a réussi in extremis, le 8 décembre 2017, à franchir la première étape de négociations du Brexit, mais le leadership de Theresa May est très contesté depuis sept mois. L’Italie va bientôt renouveler son gouvernement. L’Espagne est, comme l’Allemagne, sans majorité et avec la crise catalane (Manuel Valls a fait campagne le 16 décembre 2017 à Barcelone en vue des élections régionales du 21 décembre 2017 en Catalogne), etc. Bref, Emmanuel Macron émerge sur la scène internationale et suscite beaucoup d’attente.

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Ce qui est très positif, c’est qu’Emmanuel Macron n’est pas seulement attendu parce qu’il est jeune, mais surtout, parce qu’il est volontaire, capable de rompre avec le fatalisme diplomatique de l’ère Hollande (pourtant, le Ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian était l’un des premiers grognards hollandistes de "l’ancien monde").

Pour preuve, la manière de nouer des relations constructives avec Donald Trump et Vladimir Poutine : les Invalides pour le premier, Versailles pour le second. Avec des résultats. La visite improvisée à Riyad chez l’héritier du royaume saoudien le 9 novembre 2017 n’a probablement pas été sans effet sur l’avenir du Liban, avec un Premier Ministre libanais (Saad Hariri) démissionné le 4 novembre 2017 et retenu par les Saoudiens et finalement réhabilité à Beyrouth le 5 décembre 2017 après une visite à Paris le 18 novembre 2017, où il a rencontré Emmanuel Macron, et un retour au Liban le 22 novembre 2017. Autre illustration, son voyage au Burkina-Faso le 28 novembre 2017, avant le Sommet d’Abidjian, et cette conférence très musclée avec des étudiants vifs, a montré une capacité de bouger les lignes et d’en finir une bonne fois pour toutes avec les arrière-pensées, reproches et repentances ruminées en France depuis plus de cinquante ans sur l’Afrique.

Dans l'autre partie de l'article, j'évoquerai un autre exemple d'initiative personnelle sur le plan diplomatique.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 décembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron et les quarante couleurs.
Emmanuel Macron sous le sceau de l’Histoire.
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Emmanuel Macron et Johnny Hallyday (9 décembre 2017).
La diplomatie du panda (4 décembre 2017).
Emmanuel Macron aux maires de France (23 novembre 2017).
Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (26 septembre 2017).
Emmanuel Macron à l’ONU, apôtre du multilatéralisme (19 septembre 2017).
Emmanuel Macron et la refondation de l’Europe (7 septembre 2017).
Emmanuel Macron et l’armée (19 juillet 2017).
Emmanuel Macron et les Territoires (17 juillet 2017).
Emmanuel Macron et le Vel d’Hiv (16 juillet 2017).
Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Portrait officiel du maître des horloges.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Hommage d’Emmanuel Macron à Helmut Kohl le 1er juillet 2017 à Strasbourg.
Hommage d’Emmanuel Macron à Simone Veil le 5 juillet 2017 aux Invalides.
Discours d’Emmanuel Macron le 13 juillet 2017 à l’Hôtel de Brienne, à Paris (texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron du 16 juillet 2017 (texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron le 17 juillet 2017 au Sénat sur les Territoires (texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron le 20 juillet 2017 à Istres.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 7 septembre 2017 à Athènes.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 8 septembre 2017 à Athènes.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 19 septembre 2017 à New York.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
Communiqué de presse de l’Élysée sur le discours du 26 septembre 2017.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 23 novembre 2017 au 100e Congrès des maires de France à Paris.
Hommage d’Emmanuel Macron à Jean d’Ormesson le 8 décembre 2017 aux Invalides à Paris.
Hommage d’Emmanuel Macron à Johnny Hallyday le 9 décembre 2017 à la Madeleine à Paris.
Les deux discours d'Emmanuel Macron le 12 décembre 2017 au One Planet Summit à Boulogne-Billancourt (texte intégral).
La République En Marche.
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.

_yartiMacron2017122106



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25 novembre 2017 6 25 /11 /novembre /2017 21:02

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190308-violences-conjugales.html



Discours du Président Emmanuel Macron le 25 novembre 2017 à Paris


Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Nous venons d'écouter vos six témoignages, vos six engagements et au-delà de cela, toute l'épaisseur de cette réalité des violences faites aux femmes mais aussi l'engagement de tous les acteurs qui, au quotidien - et il a été rendu hommage à plusieurs d’entre eux – s’engagent, luttent pour que, à travers leur association, à travers leur engagement, à travers leur travail au sein de l'administration et en dehors, nous puissions restaurer chaque jour un peu plus de cette égalité entre les femmes et les hommes et pour que les violences que subissent les femmes soient combattues. Et je veux ici vraiment saluer votre engagement, vous remercier pour celui-ci, car c’est cela qui fera changer les choses.

Le sentiment d’horreur et de honte que suscite cette situation, je dois le dire, a pris une épaisseur toute particulière en effet il y a un peu plus d’un an parce que c’est bien de la honte dont il s’agit lorsqu’on est à la fois un homme et lorsqu’on est décideur public. J’étais alors candidat, je suis maintenant Président de la République et on ne peut pas considérer que ce dont nous parlons aujourd’hui est quelque chose de banal, d’acceptable, dont on pourrait accepter même la moindre part ou le début d’ambigüité. Je dis un peu plus d’un an parce que même comme beaucoup de nos concitoyens, ce sujet m’avait à plusieurs reprises interpellé, il était, il faut bien le dire, beaucoup moins dit, beaucoup moins raconté ; il y avait une part épaisse de silence. Et lorsque candidat, j'avais lancé cette grande marche à laquelle plusieurs d'entre vous ont participé, qui consistait à faire remonter du terrain les préoccupations des Françaises et des Français - l'insécurité, le chômage, beaucoup de choses sont remontées - et une, au-dessus des autres, ce sujet des violences faites aux femmes, c'était la première.

En région Ile-de-France, des femmes qui avaient été interrogées sous couvert d'anonymat, par des gens qui venaient frapper à leur porte pour leur dire : on est dans un mouvement politique nouveau, il y a quelqu'un qui veut se présenter à la présidence de la République, quelles sont vos préoccupations, librement, sous le couvert de l'anonymat, mettaient en numéro un le harcèlement et les violences subies. Je ne pensais pas, je vous l’avoue, une seule seconde, que ça pouvait être le premier sujet. Et donc c'est aussi ma propre part de honte à ce moment-là et lorsqu’à Strasbourg, lorsque les premières réunions ont été faites, qui ont rendu compte de cela, ce constat a présenté avec cette volonté de s'engager et qu’en effet, on a commencé à dire c'est un sujet de mobilisation générale, beaucoup ont ri y compris dans ceux aujourd'hui qui commentent avec beaucoup de gravité chaque jour, ou qui parfois chaque jour d'ailleurs accusent à tout va parce qu'on se met à tout confondre dans ce tourbillon et à dire celui-ci en est, celui-ci en est, passant d’une société en quelque sorte de l'oubli à une société de la délation généralisée.

A l'époque on a dit - je me souviens très bien le jour où ça a été présenté - ils n’ont pas de programme ; ils n’ont rien pour la société française parce qu'il n’y a pas le dur, il n’y a pas les choses auxquelles on est habitué. Quelques semaines après, je me rendais au Mans, Monsieur le Maire, cher ami et il me disait : j'ai quelqu'un de formidable dans mon équipe qui est engagé ; les gens trouvent que ce n'est pas un sujet extrêmement important ce qu'elle fait au Mans mais moi, elle m'a bluffé, va voir son association. J'y suis allé : c’était Marlène SCHIAPPA.

Alors en un an, quelque chose s'est passé qui est une immense libération en effet de la parole ; un immense appel des femmes pour que leur cause soit enfin au cœur du débat public ; un immense appel aussi des hommes qui veulent et doivent s'engager mais je ne veux pas aujourd'hui oublier que beaucoup restent encore muettes, que si nous sommes là et si beaucoup dénoncent et doivent continuer à dénoncer, si nous devons le faire chaque jour, beaucoup qui sont aujourd'hui dans notre pays, considèrent que cette parole n'est pas encore pour elles, n'osent pas parler, sont encore dans le camp de la honte et parce qu’elles sont femmes au foyer, parce qu'elles sont ouvrières, parce qu'elles sont employées parce que bien souvent, l'injustice sociale vient doubler cette violence faite au quotidien, n’osent pas dire et pensent que cette parole n'est pas pour elles. Et je veux qu'aujourd'hui, elles comprennent au moins une chose, c'est que cette clameur, ce cri dont vous avez parlé, c'est aussi le leur, c'est celui de chaque femme dans le pays, de chaque homme qui voit cela parce que l'indignité de ces comportements, parce que le caractère inacceptable de ce qu'ils recouvrent, il est dans chaque endroit de la République et que ce cri, cette clameur, chaque femme de la République y a droit.

Il a fallu que cette violence devienne justement une clameur, un cri pour être enfin audible de tous. Le couvercle avait commencé à être levé par la mobilisation, l'action depuis plusieurs années de beaucoup d'entre vous et je veux saluer toutes celles et tous ceux qui se sont battus depuis tant et tant d'années, parfois un peu seuls sur ce sujet, qu’on a aussi parfois raillé ou voulu renvoyer à une mobilisation accessoire ou anecdotique ; vous avez maintenu cette parole, vous l'avez préservée, vous avez rendu possible par des combats parfois ingrats ce qui advient aujourd'hui. Cette parole, elle est sans ordre, sans tactique, sans filtre et elle ne s'embarrasse pas de convenance, alors que certains se formalisent parce qu'ils mesurent mal la part de souffrance que cela relève. Ce qu'ils mesurent mal aussi, c'est que cette vague de libération de la parole dit de notre société ; qu’elle est une société encore culturellement empreinte de sexisme, qu'elle est une société où dans nombre d'endroits et de lieux, il y a encore cette brutalité au quotidien, cette violence et que cette empreinte est loin d'être neutre ; par le rapport de domination qu'elle légitime, elle est à la source d'actes encore plus destructeurs et insupportables, comme précisément le harcèlement et les violences. Car le combat contre les violences qui sont l'expression la plus extrême et odieuse de la domination d'un sexe sur l'autre, c'est bien le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines.

Notre situation jusqu'alors démontre que quelque chose ne marche pas dans notre République. La honte que subissent ces femmes, une honte illégitime parce qu'elles sont déjà victimes, cette honte doit devenir celle de ces auteurs de violences et c'est surtout une honte civique et politique, une honte nationale car la République en échouant à éradiquer ces violences, a échoué dans sa vocation même qui est celle d'éduquer, de civiliser, de protéger et ce discours de dignité, d'égalité de droits, de justice, de respect que la République porte partout et en tout temps, semble n'avoir pas atteint la conscience de ceux qui commettent ces violences.

Ce ne sont pas des criminels comme les autres ; ce sont des pères, des frères, des patrons, des collègues, des maris ou des compagnons. Oui, la plupart d'entre eux appartiennent au cercle proche des victimes ; ce sont des citoyens ordinaires auxquels nous n'avons pas su inculquer les fondements mêmes de notre vie sociale, qu'aucune des règles, aucun des principes enseignés par l'école, par notre histoire, par nos lois, n'est venu éclairer ou simplement dissuader. Ce sont des citoyens que l'on croit honorables, qui ont une vie bien souvent normale mais qui nous déshonorent et déshonorent notre conception de la France et au creux de notre quotidien, s'est levée une forme de barbarie qu’on a voulu taire, dont on ne dit pas le nom parce qu’on ne veut pas reconnaître son visage parce qu'il nous est familier - c'est ce qui nous trouble le plus dans ces violences dont on parle - c'est pour ça que longtemps, au cœur des familles - et la littérature française est pleine de ces drames - on n'a pas dit parce qu'il ne fallait pas dire, parce qu'il y avait un ordre établi, parce qu'on connaissait bien celui dont on parlait, donc il ne fallait pas en parler comme ça.

Sous leurs coups, sous leurs abus, une femme meurt tous les trois jours en France. De cela, nous devons tous nous sentir responsables. C'est pourquoi au silence vide de l'indifférence, je vous propose ce matin d’opposer le silence vibrant du respect, pour Sophie, Anna, Emilie, Fatima, Catherine - je ne les citerai pas toutes - elles sont 123 à être décédées en 2016. Je vous prie d'observer une minute de silence en hommage à ces femmes battues, violées et tuées.

Minute de silence

J'associe à ce moment solennel la mémoire de Françoise HERITIER ; vous l'avez évoquée, chère Delphine ERNOTTE, fine observatrice des relations humaines qui structurent notre société, elle a su avec précision, avec une force admirable, pointer précisément ce qui dans notre société avait construit avec des explications culturelles, avec des rites, cette domination, cette inégalité entre les sexes ; elle avait montré tout ce caractère construit qu'on avait ensuite justifié avec des explications biologiques, physiques, cherchant à légitimer en quelque sorte la domination des hommes sur les femmes. Et comme tout cela est construit, nous pouvons le déconstruire ; comme tout cela est construit depuis des siècles, parfois des millénaires, cela prend du temps et il faut avoir de l’humilité pour le déconstruire mais c'est bien cette tâche à laquelle nous sommes attelés.

Ces hommes qui violentent, choisissent le plus souvent de le faire dans les lieux où les femmes devraient se sentir à l'abri : le foyer, le lieu de travail ; d'autres harcèlent dans ces espaces publics où on pense que le non-droit est devenu la règle - les transports - et où le regard pendant trop longtemps s’est détourné. Mais ce qui devrait être des sanctuaires, devient aujourd'hui des terrains de chasse, tout simplement parce qu'ils peuvent y user d'une supériorité : celle de l'âge, celle de l'autorité, celle du grade ou tout simplement celle de la force. Et d'une situation de nomination naît un droit à la violence ; parce qu'ils disposent d'une autorité morale ou hiérarchique, ils croient disposer du corps des femmes et donc de leur être car violer une femme, la violenter, c'est attenter à l'intimité de son être, à son identité profonde ; c’est détruire une personnalité parfois en construction chez les plus jeunes, avec les conséquences dramatiques que l'on sait. Et ce sont ces femmes qui plus est, qui après ont honte. Et je le dis à tous les hommes de la République, c'est leur dignité même à eux qu'ils bafouent ce faisant ; c'est leur part d'humanité qu'ils décident de réduire ; c’est leur part de citoyenneté à laquelle ils renoncent à chacun de ces actes, à chacun de ces moments. Et c'est pourquoi il est indispensable que la honte change de camp, que la République fasse ce qu'elle doit pour laver la sienne, que les criminels du quotidien qui harcèlent, injurient, touchent, agressent, ne soient plus jamais excusés mais repérés, vilipendés, traduits en justice, condamné avec toute la fermeté requise, sans aucune complaisance, sans aucune excuse car il en va de notre pacte républicain et la France ne doit plus être un de ces pays où les femmes ont peur.

Je veux cette exigence avec vous, qui est la condition de notre dignité ; je veux cette force de la République parce que je ne veux pas une société de la délation, mais aussi vrai que le silence assourdissant existe encore dans certains endroits de la République, je ne veux pas que nous tombions dans un quotidien de la délation qui n'est pas notre République. De la même façon, et c'est cela dont je suis à titre personnel le garant, partout, le droit doit passer ; la justice doit être au fait mais notre force, ce qui tient notre République, c'est la civilité ; c'est ce rapport d'égal à égal entre un homme et une femme ; c'est que citoyens, citoyennes, nous pouvons nous regarder, être ensemble, construire ensemble. Et je ne veux pas que nous tombions dans une société où chaque rapport entre un homme et une femme devient suspect d'une domination, comme interdit ; nous ne sommes pas une société puritaine, une de ces sociétés dont l'histoire même a irrigué une autre forme d'inégalité ou de séparation. Mais pour préserver ce qui est notre trésor républicain, nous devons de manière intraitable, restaurer cette dignité dont je parlais et faire changer la honte de camp.

Pour cela, je me suis en effet engagé à ce que la cause du quinquennat soit celle de l'égalité entre les femmes et les hommes et le premier pilier de cette cause, c'est bien la lutte pour l'élimination complète des violences faites aux femmes. Pour cela, je souhaite que nous nous donnions les moyens de mener une action résolue à hauteur des enjeux. Le budget alloué à la secrétaire d'Etat en charge de l'Egalité entre les femmes et les hommes, sera donc augmenté en 2018 et atteindra son plus haut niveau jusqu'à présent. Au sein de ce budget, les crédits attribués à la lutte contre les violences faites aux femmes, sont d'ores et déjà en hausse de 13%. Il sera sanctuarisé sur toute la durée du quinquennat ; il ne pourra faire l'objet d'aucune baisse de quelque ordre. Mais au-delà, le budget interministériel dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes, parce que cette action irrigue nombre d'actions ministérielles, sera lui aussi en augmentation pour atteindre un peu plus de 420 millions d'euros dès 2018.

Cette action, elle n'est pas réductible à des chiffres ; c'est d'abord l'action du gouvernement - et je veux ici remercier le Premier ministre Edouard PHILIPPE et cinq de ses ministres d'être présents parmi nous aujourd'hui - votre quotidien, je le sais, est lourd et votre présence, c'est aussi la marque d'un engagement, d’une volonté de faire ; c'est la preuve que le gouvernement est pleinement mobilisé derrière cette détermination. Mais plus largement, si nous nous réunissons ici, c'est que ce combat doit être celui de la Nation toute entière et la mobilisation de la Nation toute entière, au-delà de celle du gouvernement et de nos administrations. Nous allons donc entreprendre une action résolue fondée sur trois priorités : la première, l'éducation et le combat culturel en faveur de l'égalité ; la deuxième, celle qui consiste à mieux accompagner les victimes et la troisième, celle de renforcer l'arsenal répressif.

Que nous dit la vague de libération de la parole à laquelle nous assistons depuis deux mois et qui ne faiblit pas ? Que c'est notre société tout entière qui est malade du sexisme, que des représentations se sont installées et donc pour lutter contre cet état de la société, il faut agir avant qu'il ne soit trop tard, avant que nos enfants aient été éduqués selon des stéréotypes et des clichés qui par le rôle qu'ils auront insidieusement inculqué, produisent ensuite des inégalités entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes.

Lutter contre les violences faites aux femmes, c'est aussi avant tout mener ce combat culturel visant à diffuser la culture de l'égalité parce que c'est ce combat qui nous concerne tous – garçons, filles, femmes, hommes, enfants, parents - qui permettra de changer en profondeur les mentalités et c'est donc à dessein que je souhaite porter une politique affirmée de prévention des violences faites aux femmes, qui mobilisera à ce titre plusieurs leviers : l'éducation - vous en avez parlé Monsieur le Ministre - reste le principal levier de lutte contre les violences faites aux femmes ; l'éducation à l'égalité, cela commence dès la crèche. La crèche, ce n'est pas qu'un lieu de garde ; c'est un lieu où l'on se construit, où l'on apprend à être, où les premières relations non verbales se tressent et où les représentations qui sont données dès ce stade auront des conséquences dans le futur. C'est pour cela que les professionnels de la petite enfance doivent être formés afin de lutter contre les stéréotypes, y compris chez des enfants de bas âge. Il s'agit donc de construire le plus tôt possible une éducation combattant fermement les représentations du rapport entre hommes et femmes exacerbant le rapport de domination. Et donc la formation des personnels en crèche, la formation des maîtres à l'école maternelle, à l'école et tout au long de la formation, est un pilier indispensable pour lutter contre ces représentations. Il ne s'agit pas à mes yeux de nier la différence entre les sexes ou de vouloir tout confondre, mais il s'agit que cette altérité profonde à laquelle je crois et qui est notre richesse, ne se traduise pas en une inégalité insupportable qui elle, est un déterminisme culturel et une construction insupportable de nos histoires. Donc de préserver toute la part féconde d'une altérité réelle entre hommes et femmes pour à chaque fois rappeler, se battre et inculquer l'égalité absolue et non négociable entre les deux sexes.

Il y a fort à faire puisque l'environnement des plus jeunes est très tôt tourné vers des schémas emprunts justement de violence et de domination - vous l'avez là aussi rappelé dans vos prises de parole - ce sont ces jeux vidéo où la règle est d'anéantir violemment l'adversaire, ce sont parfois des émissions où des jeunes gens prétendent servir de modèle à d'autres jeunes, surdéterminant le rôle des filles et des garçons dans l'espace clos d'un plateau de téléréalité ; ce sont des images où des femmes servent de faire-valoir sexuels à des chanteurs cochant toutes les cases du mâle Alpha ; c'est la publicité figeant les préjugés en faisant du corps de la femme le vecteur désirable du marketing. Tout cela façonne des représentations et des imaginaires souvent ultra-virils, que l'école doit apprendre à analyser, déconstruire, remettre en perspective afin que le rapport de tension et de soumission entre hommes et femmes ne s'impose pas comme le modèle de référence. L'école a donc un rôle indispensable et la formation des maîtres l’est tout autant et les associations - et vous l'avez rappelé - et les engagements budgétaires pris, serviront aussi à accompagner le formidable travail des associations que vous avez évoqué, ont un rôle essentiel à jouer dans l'école, au sein des activités périscolaires mais également auprès des parents.

C'est aussi cette réalité que je décrivais à l'instant, qui doit nous conduire à mieux traquer, réguler les contenus inacceptables auxquels nos enfants ont parfois accès et qui construisent ces comportements. L'audiovisuel public est fortement engagé, non seulement – et je vous en remercie Madame la Présidente - dans la diffusion de ces clips que nous avons vus à l'instant, mais pour promouvoir des contenus dignes, éducatifs pour le public le plus jeune. Le CSA joue un rôle indispensable pour là aussi réguler ces contenus partout sur notre audiovisuel et éviter que les comportements les plus indignes ne fassent l'objet d'une forme de propagande tacite. Mais nous devons regarder aussi les usages en train de se transformer ; les plus jeunes regardent infiniment moins la télévision que les plus âgés. Et ce comportement va croissant. Et nous ne régulons pas aujourd'hui l'accès aux jeux vidéo, aux contenus sur Internet, aux contenus pornographiques de plus en plus diffusés. En 2018, sous l'autorité du Premier ministre et avec l'engagement tout particulier de la Garde des Sceaux, nous devrons donc repenser le cadre de notre régulation des contenus, en particulier des contenus audiovisuels, en prenant en compte l'évolution du numérique et afin d'étendre les pouvoirs et la régulation du CSA pour que ce contrôle indispensable, ce soin élémentaire de la République, puisse être porté sur tous les contenus qui peuvent fragiliser, faire basculer ou conduire à la violence, en particulier contre les femmes.

L’école doit aussi identifier les premiers canaux d'expression de ce rapport de domination que sont les réseaux sociaux où le harcèlement se donne trop souvent libre cours sans que ni les enseignants, ni les parents ne soient formés à le repérer et à le contenir. C'est pourquoi nous devons mettre en place une véritable prévention du cyber-harcèlement et là aussi, en 2018, des modifications législatives seront portées pour non seulement mieux prévenir mais poursuivre ceux qui agissent sur internet pour harceler. Unissant monde virtuel, stéréotypes, domination et violence, la pornographie a trouvé, grâce aux outils numériques un droit de cité dans nos écoles. La consommation s’en est banalisée et le ministre de l'Education nationale l’a dit : nous devons prendre à bras-le-corps ce phénomène que nous avons trop longtemps refusé de voir parce qu'il embarrasse les parents comme parfois les enseignants.

Une opération de sensibilisation des parents sera donc lancée à l'occasion de la prochaine réunion de rentrée afin d'aider les parents à mieux détecter l'exposition de leurs enfants à la pornographie et à mieux repérer les signes de cyber-harcèlement. Les personnels de l'Education nationale mais aussi les personnels sociaux et de santé, présents dans les établissements, les personnels des services périscolaires doivent se former à décrypter, expliquer, prévenir comme ils se sont formés à le faire sur d'autres phénomènes parce qu’aujourd'hui, la pornographie a franchi la porte des établissements scolaires comme naguère l'alcool ou la drogue. Nous ne pouvons pas d'un côté déplorer les violences faites aux femmes et de l'autre, fermer les yeux sur l'influence que peut exercer sur de jeunes esprits, un genre qui fait de la sexualité un théâtre d'humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes.

Cette éducation cependant ne saurait se limiter aux plus jeunes ; elle doit être menée auprès des enseignants et de tous ceux qui sont amenés à dialoguer avec la jeunesse, afin de trouver, pour décrire le rapport entre hommes et femmes, le langage commun de l'apaisement et de l'entente en lieu et place d'une relation déformée par les stéréotypes. Aussi, au-delà de l'école, l'ensemble des structures de formation et des écoles formant des fonctionnaires ou des futurs personnels des services publics seront particulièrement concernées par l'exemplarité ; l'Etat et le service public, c'est notre action chaque jour sur le terrain. Dès 2018, un grand plan de formation initiale et continue sera donc déployé dans le secteur public, avec une attention particulière portée sur la formation des cadres. Dès 2018, dans toutes les écoles du service public, un module d'enseignement consacré à la prévention et à la lutte contre le sexisme, le harcèlement et les violences, sera intégré. Il en sera de même pour les formations continues.

Prévenir les violences, changer le cadre culturel dans lequel nous évoluons, c'est aussi adapter nos services publics afin qu'ils protègent mieux les femmes aujourd'hui. Pour cela, je souhaite par exemple – et ce sont des sujets très concrets du quotidien qui supposent l'attention de ceux qui organisent les services publics sur chacun des détails - mais par exemple, en termes de transport, ce qui a été initié dans plusieurs villes qui est l'arrêt du bus à la demande qui fait que lorsqu'une femme, le soir, se promène dans la rue et a peur, peut en hélant le bus, le faire arrêter – cela a été essayé à Bordeaux et dans d'autres villes - est un élément indispensable d'amélioration du service public. Là où dans nombre d'endroits, on continue à demander d'aller se rendre à la station, d'attendre le prochain lorsqu'on l’a raté, s'exposant à la peur et parfois à l'agression. Et nous devons par cette sensibilisation et cette formation mais par la transformation même des comportements du quotidien, de l'organisation intime de nos services publics, progressivement changer les choses pour que la vulnérabilité d'un moment, pour que la protection apportée par le service public - et elle est légitime - puisse mieux être organisée et se faire.

Cette vigilance, cette mobilisation, nous y veillerons en particulier dans nos territoires d'outre-mer parce que là aussi, les violences faites aux femmes se sont installées et parce qu'elles ont parfois été justifiées par des explications culturelles ou géographiques, de manière inacceptable. Le territoire de la République est intègre, complet et ça n'est pas parce qu'on se trouve en Polynésie, à Mayotte ou en Guyane, que l'inégalité entre les hommes et les femmes pourrait être repensée dans un autre cadre et que les violences pourraient être davantage tolérées. Cette campagne que j'évoquais, de formation, sera aussi exigeante dans nos territoires d'outre-mer. L'adaptation du service public à ces règles le sera tout autant mais l'éducation et l'effort éducatif seront là aussi renforcés parce que nous en avons besoin.

De façon générale, c'est toute la société qu'il faut embarquer dans un véritable combat culturel ; l'Etat doit s'engager et il en va de sa responsabilité évidente d'exemplarité ; l'Etat est en capacité de faire changer ces représentations et de faire émerger une vraie prise de conscience, comme le montrent les campagnes pour la prévention routière qui avec les années ont modifié le comportement à force de pédagogie, de diffusion de modèles alternatifs. Nous devons donc entreprendre un travail analogue et nous allons lancer ainsi la première grande campagne sur ce thème au plan national. Vous en avez vu les premiers extraits. Conçue à destination de toute la société, cette campagne gouvernementale aura plusieurs objectifs : susciter une prise de conscience collective, informer les victimes sur les démarches à faire, les numéros à appeler comme le 39 19, les lieux où se rendre, les sites à consulter comme le site qui était tout à l'heure affiché sur l'écran « Stop violences femmes », sensibiliser la société à la problématique des violences et enfin responsabiliser les témoins de violences sexistes et sexuelles en les invitant à aider les victimes qu'ils connaissent. Ce sont des actes du quotidien ; c'est redonner un sens à la citoyenneté, lui redonner un contenu véritable et l'Etat, par cette mobilisation, s'engagera pleinement derrière le travail qui a été commencé depuis tant et tant d'années par nombre d'associations.

Toujours dans cette optique de combat culturel, je souhaite que soient menées des opérations de testing sur la discrimination des femmes, notamment à l'embauche et au cours de leur carrière professionnelle. Je veux que l'on puisse objectiver la réalité de cette discrimination pour mieux la combattre. Vous avez commencé, Madame la Ministre, à vous engager sur ce point. Je remercie les entreprises qui ont à cet égard manifesté des caractères d'ores et déjà exemplaires d'engagement ; mais nous devons continuer à aller plus loin et le rôle de l'Etat, c'est de continuer à mobiliser les entreprises comme des acteurs de la société, comme des consciences - et vous l'avez démontré à titre très personnel - et de pouvoir vérifier et stigmatiser quand ça n'est pas le cas.

L’Etat, je l’ai dit, a une grande part de responsabilité mais l'Etat ne résume pas la société et l'Etat ne fait pas à lui seul et tout seul la culture d'une société. C'est aussi pourquoi la puissance publique, dès aujourd'hui, interpelle solennellement les publicitaires, les médias, les industries du jeu, de la mode, des cosmétiques à engager une réflexion approfondie sur leur usage de la représentation et de la place des femmes. C’est par votre mobilisation à tous, membres de la société civile, entreprises, associations, professionnels, que nous remporterons ensemble ce combat culturel ; c'est parce que chacun dans ses choix quotidiens, dans ses expressions, dans ses engagements prendra en compte cette égalité, ce devoir de dignité que j'évoquais, que nous gagnerons la bataille culturelle. Car de ce changement culturel, vous êtes, vous qui êtes réunis ici, les premiers relais. Faites que d'autres démultiplient vos efforts et scellons un pacte de l'égalité entre hommes et femmes et donnons à la question des violences le poids qu'elle mérite au sein de ce pacte ; remportons cette bataille de l'éducation et de la culture partout où nous sommes car il en va du sort de notre société tout entière.

Le deuxième combat, celui sur lequel l'Etat peut aussi beaucoup, c'est celui pour les victimes ; la plainte pénale est le dernier ressort, un pas difficile à franchir quand l'agresseur est un proche ou un membre de sa famille, un supérieur hiérarchique. Et la plainte, non seulement, expose celle qui n'ose aujourd'hui pas aller la déposer avec la crainte qu'elle détruirait le reste de la famille, les liens qu’elle a déjà, avec la peur aussi des représailles. Sur les 225.000 femmes victimes de violences en 2016, moins d'une sur cinq a déposé plainte ; plus de la moitié n'a fait aucune démarche auprès d'un professionnel ou d'une association. Nous avons des progrès à faire pour prendre en charge les victimes en dehors du cadre judiciaire, pour les aider à vaincre la peur, la honte qui les animent. C'est pourquoi nous mettrons en place un signalement en ligne pour les victimes de violences, harcèlements et discriminations. En évitant à la victime de se déplacer, ce système permettra à la victime d'être orientée et accompagnée de chez elle dans ses démarches vers les commissariats ainsi que vers les associations qui peuvent lui venir en aide.

Ce signalement sera mis en œuvre dès le début de l'année prochaine de manière complète et se fera sous forme de discussion interactive, instantanée pour permettre un échange personnalisé et adapté avec un policier formé, disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La mise en place de cette procédure de signalement en ligne fera l'objet d'un travail entre le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur, conduira à la formation de professionnels, à l'organisation justement d'une plateforme intégrée et d'un travail avec l'ensemble des associations qui seront là aussi mobilisées sur ces plateformes pour pouvoir, au-delà de cette instruction et de ce dépôt de plainte possible, de ce signalement en ligne, agir, entourer, protéger.

Nous devons aussi mieux repérer les femmes victimes de violences -vous l'avez évoqué à plusieurs reprises vous-même, Madame la Ministre, dans votre propos introductif - n'oublions pas qu'avant d'arriver à la plainte et à ce qui est parfois l’irréparable, il y a eu des signes, il y a eu parfois des tentatives de parole ou il y a eu des occasions de parole manquées. Il y a eu ces consultations où on était tombé dans l'escalier, ou pour une nouvelle fois, on était maladroite ; il y a eu tous ces moments où en quelque sorte, l'occasion était offerte de parler et n'a pas été prise parce qu'on n'a pas suffisamment entendu, parce qu'on n'a pas osé, parfois parce qu'on n'a pas voulu.

Les professionnels de santé sont souvent sans le savoir les premiers à être en contact avec des femmes victimes de violence, soit qu’elles arrivent en urgence, soit qu’elles arrivent régulièrement blessées.

Je sais votre sensibilité là aussi madame la ministre et les pratiques des professionnels de santé seront ainsi réinterrogés. Je souhaite que soit généralisé le questionnement systématique des femmes sur le sujet du harcèlement et des violences par tous les professionnels de santé. Ces derniers devraient interroger les femmes qu’ils reçoivent pour la première fois, en leur demandant si elles sont ou ont été victimes de violence ou de harcèlement, avec libre exercice du jugement qui est celui d’un médecin ou d’un professionnel de santé. Et ce peut être le point de départ, le déclic, l’espace de parole et de reconnaissance essentiel à toute démarche à entreprendre pour les victimes.

Ensuite, il s’agit de mieux les aider, de faire en sorte que leur parcours ne devienne pas – en plus de l’horreur vécue – un parcours de combattante. Je souhaite le dire clairement, quand une femme est victime de violence, c’est à tous les acteurs qu’elle rencontre de l’accompagner. Ce n’est pas par exemple à elle dans sa vulnérabilité, dans la souffrance qui est déjà la sienne et parfois la honte qui accompagne cette souffrance, de se sentir obligée de justifier qu’elle est une victime, de raconter 3 fois, 4 fois, 5 fois ce qui lui est arrivé dans un commissariat.

Si elle est prise en charge aux urgences, je souhaite qu’elle ne soit pas obligée ensuite d’aller porter plainte le lendemain au commissariat. Facilitons son parcours, mieux accompagner c’est prendre soin de ces femmes et les aider psychologiquement. Les violences subies ont un effet dévastateur et là aussi, les chiffres ne disent pas tout de l’épaisseur des vies, mais il raconte beaucoup de l’horreur.

Il y a 5 fois plus de tentatives de suicide chez les femmes victimes de violence, elles perdent une à quatre années d’espérance de vie. Il s’agit donc d’organiser la prise en charge psycho-traumatique des victimes. Nous souhaitons ainsi créer dès 2018 dans les centres hospitaliers des unités spécialisées dans la prise en charge globale du psycho-trauma. La résilience des femmes agressées ne passe pas seulement par une solution judiciaire mais par la consultation, par la reconstruction.

La France en ce domaine a déployé de fortes compétences et 10 de ces unités seront crées en France métropolitaine dans les mois qui viennent à titre pilote. Dans le même temps, les soins psycho-traumatiques liés à ces violences pourront être pris en charge par la Sécurité sociale. Beaucoup se joue dans ces établissements de santé et il y a – vous l’avez évoqué en parlant de l’association dont vous êtes la marraine – aussi ces femmes qui dans notre société subissent une autre forme de violence qu’est l’excision.

La France continuera à se battre dans les prochaines semaines et les prochains mois pour défendre le caractère universel des droits des femmes. Il n’y a aucun relativisme culturel qui puisse expliquer qu’on réduise et qu’on mutile. Et je vous le dis ici clairement, la France sera ferme sur tous ses engagements.

Mais nous veillerons aussi, pour les femmes françaises qui sont soumises à l’excision, à traquer partout ceux qui pratiquent cette barbarie, à aider les associations mais aussi les services médicaux qui réparent et protègent ; et avoir une attention toute particulière pour les femmes migrantes demandant le droit d’asile ou en passe de l’obtenir qui fuient leur pays parce qu’elles cherchent aussi à fuir l’excision pour elles-mêmes ou pour leurs petites filles.

Puisque beaucoup se joue dans les établissements de santé, nous mettrons en place dans les unités médico-judiciaires un système de recueil de preuves sans dépôt de plainte, afin de faciliter les démarches des victimes. Et cette facilité est essentielle, parce que le dépôt de plainte est – je l’ai dit – une démarche compliquée, il faut néanmoins déployer de nouvelles façons d’aider les victimes à défendre leur cause.

Dans le même esprit, nous déploierons dans les structures d’accueil des femmes victimes de violence des référents de la police et de la gendarmerie. Les associations là aussi font un travail remarquable et sont souvent le premier rempart, avec des bénévoles associatifs qui au quotidien, la nuit comme le jour, protègent, sont les garants du digicode qu’on cache à tout le quartier, au fait qu’on ne va pas pousser la porte, guettent aux fenêtres celui qui vient rôder.

Il est donc indispensable que dans les structures d’accueil, il puisse y avoir une coopération renforcée avec les forces de police et de gendarmerie, pour que le dépôt de plainte puisse aussi venir se faire dans ces centres, parce que bien souvent (on le sait) ces femmes ont peur d’aller jusqu’au commissariat, par la honte, parce qu’elles ont tout simplement peur de sortir et parce qu’il y a déjà tant à faire dans le centre où on les protège.

Les femmes hésitant ou craignant de déposer plainte verront ainsi venir à elles des agents faisant le trait d’union entre une situation de violence et les suites judiciaires à donner. La justice viendra aux femmes et non l’inverse.

Cet accompagnement, cette écoute doivent aussi se généraliser dans la société civile. Le lieu de travail doit ainsi être un endroit où les victimes se sentent protégées et écoutées. Hélas ! Le lieu de travail est parfois un lieu de la violence faite aux femmes aussi. Il importe de ne pas laisser le territoire aux prédateurs, car les harceleurs et les violeurs restent encore aujourd’hui trop couverts par une forme d’omerta, de silence honteux ou de relativisme moral. Les entreprises et les administrations doivent prendre leur responsabilité dans ce domaine.

C’est pourquoi la ministre du Travail a écrit un courrier il y a une semaine à l’ensemble des partenaires sociaux pour les appeler à faire part de leurs propositions, afin d’améliorer la prévention et la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes sur le lieu de travail. Je souhaite qu’une réunion multilatérale soit organisée rapidement au niveau du Premier ministre sur ce sujet.

En attendant, nous allons renforcer l’intervention de l’Inspection du travail en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, en en faisant l’une des priorités de l’action de l’Inspection du travail au quotidien.

Le lieu de travail c’est aussi l’administration, nous allons généraliser sur le lieu de travail les cellules d’écoutes dédiées au personnel de l’administration victime de harcèlement, violence et discrimination ; et qui permettent d’abord aux victimes de s’exprimer dans un lieu dédié, indépendant de la ligne hiérarchique mais aussi d’accompagner les victimes dans leurs démarches.

Enfin ! Nous allons créer une application numérique pour faciliter l’assistance aux victimes de cyber-harcèlement et de cyber-violence. La Fédération nationale de solidarité femmes qui a crée le 3919 – le numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violence, mais aussi à leur entourage et aux professionnels en contact avec elles – développera cette application numérique. La parole sur ce sujet doit aussi émerger, elle ne doit pas être vécue comme une mise en danger supplémentaire mais comme une voie vers la sécurité.

Enfin ! C’est notre appareil répressif qui doit aussi évoluer. De nombreuses femmes avaient confié à nos marcheurs que la première violence sexiste rencontrée est celle du harcèlement de rue. Oui, aussi absurde que cela puisse paraître, à la parole bridée et honteuse des femmes s’oppose la parole débridée des harceleurs qui, en toute impunité, pratiquent l’interpellation agressive, l’injure, la stigmatisation. Il faut bien le dire, pendant longtemps c’est aussi l’indifférence, le regard détourné qui a accompagné ce harcèlement. Cela n’est pas acceptable.

Les femmes doivent avoir toute leur place dans la société et celle-ci inclut l’espace public. Aucun lieu public ne peut leur être interdit et partout, dans tous les quartiers, les femmes ne peuvent pas en République avoir peur de sortir. Les rues des villes ne sauraient être le défouloir ou la propriété de certaines personnes et l’enfer quotidien des femmes de France.

Aussi, ce sujet sera l’une des priorités de la police de sécurité quotidienne lancée par le ministre de l’Intérieur et sur lesquelles, les consultations aboutiront dans les toute prochaines semaines. Mais nous créerons aussi le délit d’outrage sexiste qui sera verbalisable immédiatement pour un montant dissuasif.

Pourquoi cela ne fonctionne pas aujourd’hui, parce que lorsque cet outrage est vu, il est considéré comme mineur, celle qui le subit ne va même pas au poste, c’est trop loin, c’est trop loin, c’est trop contraignant et on sait qui plus est dans les quartiers déjà les plus difficiles que les policiers ou les gendarmes ont tant et tant à faire. Donc on abandonne, on n’y va pas.

Et quand bien même on commence à instruire une procédure, trop souvent et de manière inexcusable les policiers abandonnent, considérant que c’est quelque chose de mineur ou qui n’avait pas d’importance. Et quand bien même cela aboutit, ce sont les magistrats qui, souvent dans ces juridictions les plus surchargées, considèrent que ce qui est moins grave n’est pas prioritaire ; et les délais sont les plus longs quand le délit ou le crime est caractérisé, avec trop souvent simplement là aussi un classement sans suite, un rappel à la loi.

Il est donc indispensable que nous donnions aux forces de sécurité la possibilité d'agir immédiatement ; de donner le signal fort qui éduque là aussi, qui corrige, qui répare, qui rétablit la dignité et donne un sens à leur propre activité. C'est l'objectif de ce délit d'outrage sexiste. Nous généraliserons les caméras dans les transports et le développement justement d'une action déterminée de cette police de sécurité du quotidien.

Dans le domaine judiciaire, nous constatons que le temps nécessaire à la parole pour se libérer épuise trop souvent le délai de prescription, en particulier dans les cas d'agressions intervenues sur des victimes mineures dont les effets psychiques sont les plus lourds. Nous savons toutes ces histoires enfouies, intimes, familiales où le pire a été commis et où rien n’a été dit.

Parfois, cela a été dit à un frère, une sœur, une mère pour ensuite être caché et ne plus jamais être répété, pour être oublié, croyait-on. Et puis à un moment ça ressurgit et à un moment, ça finit par expliquer des années de vie ou des décennies de vies parce qu’on ne l’avait pas dit. Et cette parole enfouie, lorsqu’elle trouve sa voie, elle ne peut rester sans effet.

Nous avons ainsi décidé d’allonger le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur mineurs. Si l’imprescriptibilité n’est pas une solution pertinente, il s’agit en revanche d’allonger ce délai en le portant de 20 à 30 ans. C’est ce qui sera fait dans le futur projet de loi consacré aux violences sexuelles et sexistes qui sera présenté en 2018.

De même, nous ne pouvons admettre ce qui encore ces dernières semaines a été commenté, connu, le fait qu’on puisse reconnaitre qu’un enfant de 11 ans puisse être réputé consentant lorsqu’il a eu une relation sexuelle avec un adulte. Notre Code pénal laisse là des ambiguïtés intolérables. Le juge doit toujours avoir une libre appréciation, mais c’est à la loi de lui donner des limites.

Ces affaires ont révélé un vide juridique que nous souhaitons combler. C’est pourquoi nous fixerons une règle claire dans la loi, parce que nous ne pouvons admettre que la présomption de consentement s’applique de façon aussi floue lorsqu’advient une relation sexuelle entre un mineur et un adulte.

Plusieurs âges ont été évoqués en regardant ce qui se fait dans d’autres pays, 13 ans, 14 ans, 15 ans. C’est un sujet de grande sensibilité où le débat de société, de conscience doit prendre toute sa place. Et il y aura un débat à l’Assemblée nationale parce qu’il touche la conscience de chacun. C’est aussi un sujet neuf qui doit être abordé avec gravité et discernement.

Mais je veux ici vous donner une conviction personnelle, c’est que nous devrions sans doute aligner sur l’âge de la majorité sexuelle fixée dans notre droit à 15 ans… par souci de cohérence et de protection des mineurs cette présomption. Et je souhaite que tous les points de vue soient expertisés, je ne veux pas écraser cette discussion dans la société, je souhaite que les analyses se confrontent, soient débattues et que la consultation lancée par la garde des Sceaux et la secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes puisse être menée à son terme. Mais je me devais de vous livrer une conviction intime, profonde, réelle.

Toutes les mesures, les engagements que je viens ici d’expliquer devant vous composent les premières annonces d’un grand plan d’action, qui couvrira tout le quinquennat et sera continuellement nourri de nouvelles actions permettant de mieux assurer l’égalité, de mieux lutter contre les violences.

Il ne s’agit pas de dire aujourd’hui « voilà tout ce que nous allons faire » et la page se tourne, non. Vous l’avez compris, d’abord parce que le combat que beaucoup d’entre vous mènent depuis tant d’années est parfois solitaire, je veux leur dire aujourd’hui solennellement : vous n’êtes plus seuls, il y a un gouvernement qui est à vos côtés, un Premier ministre qui est là avec plusieurs ministres et un président de la République qui croit dans ce combat ; et qui croit que c’est un combat essentiel parce que la part maudite d’une société dit parfois tout de cette société. Et cette part maudite, celle qui accepte les violences indicibles, l’indignité d’un comportement, le pire parce qu’il était caché dit trop d’une société qui n’est pas notre pays, qui n’est pas notre République.

Et donc ce qui commence aujourd’hui, c’est non seulement cette mobilisation de toute la nation pour l’égalité entre les femmes et les hommes, que nous poursuivrons et que nous continuerons à décliner sur le plan de l’égalité au travail, de l’égalité face à la création d’entreprise, de l’égalité dans les médias, de l’égalité partout, mais ce combat commence par l’éradication des violences faites aux femmes, parce qu’il en est la condition première indispensable.

Il est éducatif, culturel, sanitaire et social, judiciaire, parfois policier et il vous implique tous. C’est un combat que nous devons gagner sur la violence du quotidien, mais aussi sur des représentations perverties de la relation entre homme et femme, sinon nous acceptons ce dissolvant de toute la société, cette indignité.

Nous avons parfois réussi par le passé en mobilisant tous nos concitoyens à gagner certaines de ces batailles qu’on pensait impossibles. Et en effet, je le disais tout à l’heure, ce que nous avons su faire face à l’insécurité routière, aux violences de la route, c’est un peu cela ce que nous devons faire sur quelque chose qui touche notre intimité encore plus profonde, parfois nos constructions anthropologiques.

Donc cela a pris plus de temps, ça peut sembler plus difficile, mais c’est aussi indispensable. C’est cette prise de conscience collective partout, c’est cet éveil que toutes et tous vous allez porter et que nos concitoyens vont porter. Nous serons sans faiblesse, parce qu’il en va de nos valeurs et de l’idée même que nous nous faisons de la République.

C’est donc à dessein qu’aujourd’hui, en cette Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, je décrète le lancement de la grande cause du quinquennat. Cette grande cause sera décomposée en priorité annuelle thématique ; et je souhaite que la première de cette priorité soit la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Je serai personnellement attentif à ce que cette grande cause remplisse pleinement sa fonction, celle de faire de notre société une société plus égalitaire, plus juste. Et je sais pouvoir compter sur votre exigence, votre vigilance à chaque instant si nous ne sommes pas au rendez-vous.

Je relisais il y a quelques jours une lettre que BAUDELAIRE écrivait à sa mère, une nuit où il parlait de son découragement, du caractère insupportable de la vie. Et au milieu de la nuit, il décrivait ce moment, celui où souvent il se mettait à écrire de ce qu’il appelait « le ressaisissement ». C’est ce qui est en train de se passer dans la société française, c’est le moment du ressaisissement.

Et il avait deux formules qui peuvent sembler paradoxales ou inconciliables pour certains, mais qui sont exactement ce que nous sommes en train de vivre et ce que nous devons continuer à faire. Il disait : c’est ce moment où j’arrive à la netteté de la vérité et où je retrouve la puissance de l’espérance. Ce que nous devons à toutes les femmes, c’est la netteté de la vérité jusqu’au bout du bout de la justice, des réparations faites et de l’indispensable prévention, de la déconstruction de toutes les injustices, parce que derrière la netteté de cette vérité, il y a la puissance de l’espérance, celle que porte la République, celle que porte aussi votre combat à vous qui l’avez mené depuis tant et tant d’années.

Alors si je peux redonner un peu de puissance de l’espérance à vous qui vous vous êtes senties parfois seules, quelques fois salies, d’autres fois sourdes ou non-entendues. Si la République peut redonner un peu de puissance de l’espérance à chacune d’entre vous et le faire chaque jour un peu plus, nous serons là pour quelque chose. Alors vous compterez chaque jour sur mon engagement durant les années qui viennent, sur celle du gouvernement parce que c’est le combat que nous avons choisi. Je vous remercie.

Emmanuel Macron, le 25 novembre 2017 à Paris.

Source : www.elysee.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20171125-discours-macron-femmes.html

 

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