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13 novembre 2017 1 13 /11 /novembre /2017 00:47

« Ni trahison, ni demi-trahison. La guerre. Rien que la guerre. (…) Un jour, de Paris au plus humble village, des rafales d’acclamations accueilleront nos étendards vainqueurs, tordus dans le sang, dans les larmes, déchirés des obus, magnifique apparition de nos grands morts. Ce jour (…), il est en notre pouvoir de le faire. ». (Georges Clemenceau, le 20 novembre 1917 devant les députés). Première partie.


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Décidément, le Président Emmanuel Macron aura réussi à reprendre l’incarnation de la France dans tous les domaines régaliens. J’en suis d’autant bluffé que j’étais parmi ceux qui doutaient de ses capacités immédiates à cette incarnation, ce qui m’a fait préférer François Fillon à lui au premier tour présidentiel du 23 avril 2017. Il est heureux d’être surpris quand c’est une bonne surprise. Que ce soit sur le plan diplomatique (récemment sa visite improvisée en Arabie Saoudite le 9 novembre 2017, par exemple) que sur le plan symbolique et historique (la commémoration de la Grande Guerre), Emmanuel Macron prend des initiatives qui redonnent fierté aux Français. Je m’en réjouis et cela me conforte bien sûr dans mon choix du second tour le 7 mai 2017.

Je n’évacue pas, bien entendu, la part de posture et même d’imposture dont les Présidents de la République ont l’habitude, forts de leur autorité institutionnelle. Mais ce qui compte, avant tout, c’est ce qu’il restera, et le plus important, c’est le symbole et l’histoire. De plus, Emmanuel Macron ne pourra pas être critiqué sur le fait qu’il ne ferait que se tourner vers le passé, puisqu’il réforme, et sans doute, il est le Président qui aura le plus réformé de toute la Ve République, excepté le premier, De Gaulle. Ce qui signifie qu’il sait aussi se tourner vers l’avenir, et les syndicats et ses principaux contradicteurs parlementaires ne peuvent pas nier ce fait.

Emmanuel Macron a de la chance, à plusieurs titres. La première chance, c’est que la conjoncture économique mondiale est plutôt à la hausse, donc, le retour de la croissance en France (qui a tardé à cause des années de plomb fiscal du quinquennat de François Hollande) se fera quelle que soit l’efficacité de ses réformes économiques et sociales (mais qui peut regretter que la conjoncture soit favorable à l’économie française ?).

Sa seconde chance, on vient de la comprendre ces derniers jours. Emmanuel Macron va pouvoir fêter l’année prochaine, le 11 novembre 2018, le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Ce sera probablement une cérémonie internationale très grande et très importante politiquement, avec l’ambition de rassembler les chefs d’État et de gouvernement des quatre-vingts pays belligérants.

Mais Ce sera aussi et avant tout une cérémonie nationale : « Autour du 11 novembre 2018, je me rendrai dans les territoires qui furent meurtris par la guerre et qui aujourd’hui sont meurtris par la crise parce que le patriotisme, ce n’est pas s’opposer au reste du monde, c’est faire corps comme nation, comme nation ouverte ; c’est faire vivre le projet républicain dans le projet européen et d’y faire participer tous ceux qui s’en croient exclus, tous ceux qu’on a négligés d’y associer. ».

C’est la même chance que François Mitterrand qui a célébré le Bicentenaire de la Révolution française le 14 juillet 1989 à Paris avec le peuple de France et de très nombreux chefs d’État et de gouvernement (travaillant à Paris à l’époque, je peux m’enorgueillir d’avoir été présent à cette fête très républicaine et surtout amicale).

L’analogie avec François Mitterrand (une analogie toujours élogieuse pour ceux qui veulent fortifier leur stature présidentielle puisque François Mitterrand, mieux que De Gaulle, a su bâtir une posture de véritable monarque républicain ; on ne l’a pas appelé "le Sphinx" ou "Dieu" pour rien !), les journalistes l’ont immédiatement perçue lorsque le Président français Emmanuel Macron a donné une très chaleureuse accolade à son homologue allemand Franck-Walter Steinmeier, social-démocrate, élu Président de la République fédérale d’Allemagne le 12 février 2017.

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Ce vendredi 10 novembre 2017, en effet, les deux chefs d’État ont inauguré le mémorial (et l’historial, parcours historique) sur une bataille peu connue de la Première Guerre mondiale, au Hartmannswillerkopf, dans les Vosges alsaciennes : « Nous venons respirer l’odeur de souffrance qui règne encore, nous venons goûter l’amertume des combats qui furent livrés, car partout dans ces bois, dans ces sentiers où nous venons de passer quelques instants, dans ces tranchées espacées de quelques mètres, dans ces casernements, ces barbelés, dans cet abri de téléphoniste transpercé de balles et d’éclats d’obus, nous croyons revoir le visage des morts, nous croyons encore entendre leur détresse, nous percevons toute l’absurdité dans laquelle les uns et les autres ont été plongés. (…) Les corps étaient absorbés par la boue et par la neige, et ceux qui survivaient étaient dévorés par le froid. (…) De tout cela, le voyageur venu ici voit encore la trace. (…) Nous ne faisons pas un pas ici, sans que ne resurgisse le souvenir de cette violence, et partout, nous percevons la présence de ces disparus. ». C’est le premier mémorial franco-allemand et pas seulement national. L’importance de se remémorer en commun, c’est d’en finir avec la haine de l’autre nation.

Un geste d’amitié qui, évidemment, a rappelé la fameuse main dans la main de François Mitterrand et du Chancelier allemand Helmut Kohl à Verdun le 22 septembre 1984 (certains journalistes peu rigoureux sur la précision l’ont datée de 1986 !).

On regrettera évidemment l’absence, dans cette belle photo de la forêt vosgienne pluvieuse, de la Chancelière Angela Merkel, empêtrée dans de très longues et difficiles négociations pour construire sa nouvelle coalition après les élections fédérales allemandes du 24 septembre 2017.

Cette indisponibilité politique laisse d’ailleurs à Emmanuel Macron une Europe sans leader réel à part lui, avec Theresa May, empêtrée elle aussi dans les négociations du Brexit mais aussi des contestations internes à sa majorité, Mariano Rajoy affaibli par la crise catalane, et une Italie qui se remet à peine d’une crise politique. Ce n’est pas pour rien que le magazine "Time" a affiché Emmanuel Macron en couverture du numéro du 9 novembre 2017 avec la mention "The next leader".

Toujours est-il qu’il n’y a pas beaucoup de changement avec son prédécesseur François Hollande, dont le quinquennat finit par être oublié très rapidement, alors qu’il a célébré, lui aussi, en grande pompe internationale les 70 ans du Débarquement le 6 juin 2014 en présence de Barack Obama, de la reine Elisabeth II et surtout, de Vladimir Poutine, un tour de force diplomatique quelques semaines après la crise ukrainienne et l’annexion de la Crimée (ceci dit en passant, la venue de Vladimir Poutine aurait dû être remerciée par la présence du Président français aux festivités russes le 9 mai 2015 à Moscou, ce qui n’a hélas pas été le cas).

François Hollande aussi a fait une accolade très chaleureuse à Joaquim Gauck, le prédécesseur de Franck-Walter Steinmeier, d’abord le 3 août 2014, au même lieu, au Hartmannswillerkopf, pour célébrer le centenaire du début de la Première Guerre mondiale, puis le 4 septembre 2013 à Oradour-sur-Glane, village très symbolique que le Président Emmanuel Macron n’a d’ailleurs pas manqué d’honorer de sa présence dès le 10 juin 2017, pour le 73e anniversaire du massacre de 642 villageois (il était déjà venu dans ces lieux pendant la campagne présidentielle, le 28 avril 2017).

Comme on le voit, Emmanuel Macron fait son "job" de Président de la République honorant la mémoire, tant de la Première Guerre mondiale que de la Seconde Guerre mondiale, mais pas plus que ses prédécesseurs. Emmanuel Macron a aussi réaffirmé le 16 juillet 2017 la responsabilité de la France dans la rafle du Vel’ d’Hiv’, comme l’avaient fait avant lui ses prédécesseurs Jacques Chirac le 16 juillet 1995 et François Hollande le 22 juillet 2012.

Toutes ces cérémonies mémorielles ont un sens et je me réjouis qu’elles se perpétuent. Il est essentiel de se rappeler pour prendre la mesure des drames du XXe siècle et éviter le retour des guerres en Europe (pendant ce dernier siècle, on a tellement oublié les leçons du XIXe siècle…). Les survivants sont de moins en moins nombreux, et avec la mort, et celle de la génération suivante, le vécu s’estompe et l’historien prend la place du témoin. Cette mémoire, il faut la garder vivante et c’est le sens de tous ces monuments aux morts, dans chaque village (ou presque) qui ont connu des victimes de la Première Guerre mondiale.

Je me réjouis donc que le Président Emmanuel Macron ait parlé, le 10 novembre 2017, de « guerre civile européenne » pour parler des deux guerres mondiales. Il l’a fait en conscience, dans le but délibéré de provoquer car une guerre civile, cela signifie qu’elle concerne une même nation, alors que les guerres mondiales ont fait intervenir plusieurs nations européennes et pas une seule : « Nous touchons ici aussi du doigt combien ce qui est dans nos mains parfois comme une évidence, comme un trésor dont on sous-estime la fragilité, est précaire. L’Europe durant des siècles, nos pays durant des siècles, ont été traversés par ces conflits fratricides. Les soixante-dix années qui viennent de s’écouler sont un miracle dû au courage, à l’intelligence, à l’esprit de responsabilité des dirigeants et des peuples. Aussi, si nous devons aujourd’hui refonder notre Europe, c’est pour retrouver le sel, la force de cette ambition commune ; c’est pour ne rien oublier de nos cicatrices en commun, de notre mémoire partagée mais c’est pour vouloir refonder autour d’une souveraineté commune, c’est-à-dire une Europe qui protège nos concitoyens plutôt qu’une Europe qui se divise dans ses guerres intestines ; c’est vouloir retrouver l’unité de notre projet partagé et de son ambition plutôt que vouloir notre défaite les uns contre les autres, c’est vouloir une Europe démocratique qui réponde aux aspirations de nos concitoyens dans le siècle qui s’ouvre. » (10 novembre 2017).

Il faut aussi se souvenir que cette Première Guerre mondiale avait surpris les plus intellectuels des Européens, les chercheurs, les artistes, les écrivains, etc. qui voyageaient depuis la fin du XIXe siècle dans toute l’Europe en y retrouvant une véritable communauté humaine, pas plusieurs. Le plus flagrant est le Congrès Solvay dont le premier séminaire a eu lieu à Bruxelles en novembre 1911, et qui a rassemblé les plus grands physiciens de toutes l’Europe qui se sont retrouvés "ennemis" du jour au lendemain en été 1914…

Parler de "guerre civile européenne", c’est montrer l’absurdité d’une guerre entre personnes qui, finalement, partagent un grand nombre de valeurs communes et aussi, de projets communs, tant économiques que culturels, et même politiques.

Le 11 novembre, c’était deux jours après le quarante-septième anniversaire de la mort du Général De Gaulle (figure désormais récupérée un peu partout dans la classe politique, ce qui est une grande victoire posthume), et deux jours avant le second anniversaire des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

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Je me réjouis aussi que le Président Emmanuel Macron, à l’occasion de cette cérémonie du 11 novembre 2017, célébrant sous la pluie battante, le 99e anniversaire de l’armistice en présence de Gérard Larcher, François de Rugy, Édouard Philippe, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Alain Juppé, Jacques ToubonJean-Yves Le Drian, Florence Parly, François Lecointre et Anne Hidalgo, ait rendu un hommage particulier au "Père la Victoire", autrement appelé "le Tigre", à savoir Georges Clemenceau, selon Emmanuel Macron : « modèle d’engagement qui refit la cohésion nationale et rendit à la France son énergie au moment où elle vacillait ».

Avec l’historien Jean-Noël Jeanneney, président de la fondation du Musée Georges-Clemenceau (son grand-père Jules Jeanneney fut ministre de Clemenceau), Emmanuel Macron a visité la bibliothèque et le bureau du Tigre dans son appartement de la rue Benjamin-Franklin, au seizième arrondissement de Paris. Emmanuel Macron a ainsi commenté sa visite : « Nous nous souvenons aujourd’hui d’un dirigeant qui a su rassembler et donner à ses hommes le sursaut patriote pour défendre notre nation. ».

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Clemenceau a été, par sa constante ténacité, par son amour de la France et par sa féroce volonté de poursuivre la guerre jusqu’à la victoire sans condition, l’une des incarnations les plus éclatantes du patriotisme français qu’on retrouve aussi chez De Gaulle (et aussi chez Adolphe Thiers, on l’oublie un peu vite, pour la précédente guerre, celle de 1870).

Je n’ignore pas que cet honneur mérité a permis aussi de faire un clin d’œil à Manuel Valls et à Nicolas Sarkozy, pour qui Clemenceau fut un modèle, celui d’un Ministre de l’Intérieur à poigne puis d’un grand homme d’État. Manuel Valls a vanté les mérites de Clemenceau dans une interview à "L’Express" du 9 novembre 2017. Nicolas Sarkozy a même rappelé le 11 novembre 2017 sur France 2 que Clemenceau fut battu à l’élection présidentielle de 1920 (voir plus bas) par un homme dont l’histoire n’aurait pas gardé le nom (euh, en fait, si, l’histoire a gardé le nom de Paul Deschanel, le Président qui est descendu du train en pyjama et qui a rapidement démissionné).

Dans mon prochain article, je reviendrai plus précisément sur la nomination du second gouvernement de Georges Clemenceau le 16 novembre 1917.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La guerre civile européenne.
Emmanuel Macron.
La Première Guerre mondiale.
"Le Président".
Georges Clemenceau en 1917.
Georges Clemenceau en 1906.
Adolphe Thiers.
Charles De Gaulle.
Victor Hugo.
Charles Péguy.
Jean Jaurès.
Le patriotisme.
Les valeurs républicaines.
L’Europe à la Sorbonne.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171111-macron-clemenceau.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/clemenceau-macron-et-la-guerre-198651

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/11/13/35862403.html



 

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30 septembre 2017 6 30 /09 /septembre /2017 03:23

« Édouard Philippe, dont on suggérait qu’il pourrait être réduit en miettes par l’orateur impétueux de la France insoumise, a réussi son examen de passage médiatique. Un peu techno, un peu réservé, mais aussi ferme pour empêcher Léa Salamé de l’interrompre tous les trois mots, qu’habilement dialectique dans des réparties teintées d’un humour discret, il a installé un personnage de Premier Ministre sûr de lui et pacificateur. » (Laurent Joffrin, "Libération", le 29 septembre 2017).


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À bientôt 47 ans (dans quelques semaines), le plus grand Premier Ministre que la France n’a jamais eu (1 mètre 94) n’est pas encore, quatre mois et demi après sa nomination à Matignon, la plus connue des personnalités politiques. Dans un sondage très récent (réalisé par Odoxa-Dentsu consulting pour France Info et "Le Figaor", publié le 28 septembre 2017), 38% des sondés auraient été bien incapables de citer correctement le prénom et le nom de chef du gouvernement.

On ne peut pas dire pourtant que l’ancien député-maire du Havre, Édouard Philippe, possède un patronyme difficile à retenir pour un Français, mais son manque de notoriété est bien réel. Laureline Dupont, journaliste du journal "Le Point", avait remarqué que quasiment aucun des passants croisés à la foire de Pau le 9 septembre 2017 ne l’avait reconnu aux côtés du maire François Bayrou.

Édouard Philippe était le Premier Ministre idéal du Président Emmanuel Macron : issu du centre droit, énarque, intelligent, humble, cultivé (pas si courant dans les milieux politiques), calme et posé, réfléchi, organisateur, plein d’humour british et de courtoisie, sans existence médiatique nationale avant l’élection présidentielle, il a montré au cours de la (trop) longue émission "L’émission politique" dont il était l’invité principal, émission diffusée en direct sur France 2 ce jeudi 28 septembre 2017, que la discrétion n’empêchait pas la détermination ni la fermeté.

Un exemple de son humour caustique : interrogé par le journaliste François Lenglet sur les shampoings (en fait, sur les futurs actionnaires de L’Oréal après la mort de Liliane Bettencourt), Édouard Philippe lui a dit : « Vous êtes mon avenir ! », se voyant lui-même devenir chauve… Un exemple de culture (La Rochefoucauld) lorsqu’il a dit à Jean-Luc Mélenchon : « Je n’ai peur de rien sauf de la mort, parce que ni le soleil ni la mort ne peuvent se regarder fixement, vous le savez bien. ».

Très proche de l’ancien candidat à la primaire LR, ancien Premier Ministre, Alain Juppé (toujours proche, ce dernier l’a félicité après l’émission par un tweet à 23 heures 07 : « Belle émission d’É. Philippe, combatif, courageux, ouvert »), Édouard Philippe a sans doute amélioré sa notoriété sinon sa popularité. L’émission a eu une forte audience (la deuxième derrière TF1), avec 3,16 millions de téléspectateurs (14,5% de part d’audience), preuve que les Français étaient très curieux de mieux le connaître. Champion dans cette émission, Édouard Philippe a convaincu 52% des sondés selon un sondage réalisé au cours de l’émission par Ipsos (c’est le score le plus élevé de tous les invités à cette émission).


L’émission de Léa

Un petit mot sur l’émission : depuis le limogeage de David Pujadas (qu’on ne regrettera pas), Léa Salamé devient la seule animatrice de l’émission, et malheureusement, toute sympathique soit-elle, il faut bien reconnaître que je n’ai pas trouvé qu’elle ait bien fait son boulot en n’écoutant jamais la réponse de ses interlocuteurs, en voulant sans arrêt les interrompre alors qu’ils étaient au milieu d’une démonstration.

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Certes, en critiquant ainsi, je fais preuve de contradiction : je critique la trop longue durée de l’émission ainsi que la volonté de son animatrice de réduire le temps de parole de ses invités. Ce n’est pas contradictoire : il aurait fallu un format moins ambitieux, supprimer la partie très nombriliste concernant les sondages d’émission qui n’apportent rien au sujet politique (cette émission ne devrait pas être une étude de communication mais une explication politique aux Français), et se focaliser sur le vrai débat, laisser les invités parler jusqu’au bout de leur raisonnement pour qu’ils puissent s’exprimer avec approfondissement.

L’animatrice, au contraire, partisane du rythme, voudrait que son émission se réduise à une succession sans queue ni tête de tweets les plus courts mais les plus nombreux possible… Pour bien comprendre les choses, il vaudrait mieux ne pas aborder trop de sujets et vraiment les approfondir pour arriver à un discours qui ne soit pas réducteur et seulement à base de slogans incantatoires.


Compétence et humilité

Revenons à l’émission. L’impression générale qu’a laissée Édouard Philippe avec son faux air de Jean-Pierre Darroussin, c’était une grande sympathie, une assurance intellectuelle incontestable (le contraire de Marine Le Pen !), une détermination courtoise à aller jusqu’au bout de sa politique, une sorte d’insaisissabilité du personnage, et évidemment, une loyauté irréprochable envers Emmanuel Macron. S’il n’appartient pas au parti majoritaire, il semble en tout cas que les députés LREM, souvent novices en politique, voient en lui un point de référence plutôt rassurant.

Son atout auprès d’Emmanuel Macron, mais qui pourrait lui porter tort dans la suite de sa carrière politique, et c’était assez clair dans le documentaire diffusé il y a quelques mois sur LCP sur sa campagne aux élections municipales de mars 2014 au Havre ("Édouard, mon pote de droite" réalisé par Laurent Cibien et diffusé initialement le 10 août 2016 sur France 3), c’est que Édouard Philippe n’aime pas se valoriser lui-même et il n’est pas un tueur, il n’aime pas tuer. Il fallait voir son stress à appeler au téléphone les malheureux conseillers municipaux sortants pour leur dire qu’il ne les reprendrait pas dans sa nouvelle équipe. Il a probablement un rival qui pourrait lui faire un travail de sape à l’intérieur du gouvernement : Bruno Le Maire, qui, lui, a pris son adhésion à LREM ("Journal du dimanche" du 24 septembre 2017).

Certains le voient en chef d’orchestre pour interpréter une musique composée par Emmanuel Macron. Pour l’instant, il n’y a pas eu de fausse note même si le style de musique peut être contestée, dans les rues par exemple, mais pas seulement.


En pleine action

L’émission s’est déroulée à un moment crucial du début du quinquennat : la signature des ordonnances qui réforment le code du travail, la signature de la loi de moralisation de vie politique, l’annonce d’un plan  de 57 milliards d’euros pour les grands investissements, la relance de l’Europe par la France juste avant le Sommet européen de Tallinn, et surtout, la présentation du projet de budget pour l’année 2018, élément clef de la politique du gouvernement (et critère pour déterminer si un parlementaire est dans la majorité ou dans l’opposition selon qu’il approuve ou désapprouve le projet de loi de finance lors du vote final).

Édouard Philippe, qui, en principe, assume pleinement ses décisions, a assez mal argumenté sur la baisse du pouvoir d’achat des retraités. Pourquoi ne pas le dire carrément ? C’est pourtant ce que veut Emmanuel Macron, miser tout sur la population active. Les retraités ont un pouvoir d’achat supérieur à la population active. Certes, ils aident beaucoup leurs enfants, mais justement, l’idée du gouvernement, pas forcément bien exprimées, c’est que les retraités puissent aider et financer l’aide aux plus jeunes. C’est un argument qui se conçoit, mais est-il clairement assumé par le pouvoir ?

L’argumentation d’Édouard Philippe était aussi politique qu’économique, rappelant que toutes les mesures prises depuis quatre mois avaient été annoncées pendant la campagne présidentielle : « On a obtenu un mandat du peuple. (…) Nous partons d’une situation où la France va mal ; ça fait longtemps qu’il y a un chômage de masse en France. Notre objectif, c’est de réparer le pays, le faire repartir. Créer de la croissance, augmenter le pouvoir d’achat de ceux qui sont des actifs. ».

Sur l’arrêt des réacteurs nucléaires, Édouard Philippe a montré un certain flou et une certaine méconnaissance du sujet (comme sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes), malgré son ancienne collaboration avec Areva. Mais il a montré sa sincérité et sa spontanéité, n’hésitant pas à dire qu’il ne connaissait pas le dossier si c’était le cas (il l’avait fait aussi chez Jean-Jacques Bourdin le 22 août 2017 sur RMC et ce n’était cependant pas très professionnel). Sur les sujets qu’il connaît bien (comme le budget), Édouard Philippe est alors très "technique" et "pédagogique" (en fait, non, il n’est pas technique mais il faut bien qu’il prenne un peu de temps pour bien expliquer : il n’y a rien de pire qu’une journaliste lui dise "c’est trop technique", comme si les téléspectateurs étaient trop débiles pour comprendre ce qu’il explique).

Sur le capital de STX (contrôlé par Fincantieri) et de la branche ferroviaire d’Alstom (fusionnée avec Siemens), Édouard Philippe a surtout constaté que ceux qui ne devaient pas être contents, c’étaient les industriels chinois qui auraient pu récupérer ces fleurons français : « Je veux constituer des géants européens qui soient fondés sur des compétences industrielles françaises. ». Il a ainsi observé que c’était « une bonne nouvelle pour l’industrie française et une mauvaise pour l’industrie chinoise », ajoutant : « Je préfère que Siemens s’unisse à Alstom plutôt qu’à Bombarbier. ».


Duel Édouard Philippe vs Jean-Luc Mélenchon

L’échange entre Édouard Philippe et Jean-Luc Mélenchon était intéressant à plus d’un titre. Le premier, c’est qu’il n’y a pas eu de pugilat comme le duel aurait pu l’annoncer. C’est une bonne chose, cela n’a jamais servi la démocratie un combat de boxe (même si le Premier Ministre fait toujours de la boxe). Jean-Luc Mélenchon a préféré garder une attitude bienveillante et c’était grâce à celle-ci qu’il a rassemblé 19% des suffrages exprimés. C’est avec cette image qu’il a voulu renouer et faire oublier l’excitation chaviste assez contreproductive.

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Le deuxième intérêt, c’était que le débat s’est installé entre le pouvoir politique et la gauche de Mélenchon, et donc, le clivage traditionnel entre LR et PS n’existe plus. Il y a bien eu quelques socialistes qui ont mollement protesté contre la présence de Jean-Luc Mélenchon comme principal contradicteur, mais qui sont-ils à critiquer ? Quel ténor pourrait représenter aujourd’hui, sans contestation, le PS ? Sûrement pas Martine Aubry.

Le troisième intérêt était de connaître les arguments échangés. La question du budget qui serait ajusté pour les "riches" était au cœur de la conversation. Jean-Luc Mélenchon aimerait coller à Emmanuel Macron la même étiquette que pour Nicolas Sarkozy avec son bouclier fiscal : le "Président des riches".

Les nombreuses petites phrases de politesse et de complicité ont émaillé un débat qui n’en était plus vraiment, au point que se rappeler qu’Édouard Philippe préparait le concours de l’ENA dans le bureau d’un sénateur nommé Mélenchon !

Principal sujet, la réforme de l’ISF : « On ne peut pas entendre qu’on va donner quatre milliards à des gens qui ont déjà tout. ». Si Jean-Luc Mélenchon était convaincant (il vaut mieux donner du pouvoir d’achat aux pauvres qui dépenseraient l’argent et relanceraient l’économie plutôt qu’aux riches qui continueraient à l’épargner voire à le placer à l’étranger), la réponse d’Édouard Philippe manquait de piquant. L’idée qu’il veut éviter que les capitaux quittent la France, voire que les capitaux partis reviennent et attirent aussi les capitaux étrangers est plus qu’hypothétique et sans effet concret à l’époque de Nicolas Sarkozy.

Édouard Philippe s’est aussi permis d’adresser des reproches à son contradicteur numéro : « Parfois, vous me décevez, Jean-Luc Mélenchon. Je suis déçu quand un républicain comme vous ne fait pas le choix explicite au moment de l’élection présidentielle. Je vous le dis d’autant plus volontiers que j’ai été choqué par l’attitude de mon propre parti qui n’a pas appelé à voter contre Marine Le Pen. ». En fait, l’attaque, justifiée, a été mal formulée car ce qui était critiquable, tant chez Jean-Luc Mélenchon que chez Les Républicains, c’était qu’aucun n’a appelé explicitement à voter pour Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle, uniquement un appel à ne pas voter FN, ce qui laissait la possibilité de ne pas voter ou de voter blanc.

Avant l’échange entre les deux (nouveaux) "géants" du paysage politique actuel, Édouard Philippe a eu le droit à quelques autres interlocuteurs.


La dette avec Thierry Breton

Un débat avec Thierry Breton, actuel patron d’une entreprise internationale en pleine expansion et ancien Ministre de l’Économie et des Finances (2005-2007) qui a un peu trop insisté sur les belles performances budgétaires pendant son séjour à Bercy, n’a pas apporté grand chose sinon qu’il est indispensable de réduire la dette publique. C’est d’ailleurs l’objectif d’Édouard Philippe qui mise sur une baisse de 5% du PIB de la dette d’ici à la fin du quinquennat (ce qui reste encore une réduction très faible).

Édouard Philippe a aussi expliqué pourquoi, depuis dix ans, les gouvernements successifs ont continué à grossir la dette environ de 1 000 milliards d’euros en dix ans), indépendamment des conséquences de la crise financière de 2008 : parce que les taux d’intérêts n’ont jamais été aussi bas, si bien que le coût de la dette ne variait pas pendant que la dette augmentait (environ 40 milliards d’euros par an) : « Nous avons été, en France, extrêmement enthousiaste avec l’endettement. Dans cet enthousiasme, il faut voir le fruit d’un certain laxisme budgétaire et probablement, le faut que, dans toute cette période, s’endetter n’a quasiment jamais été aussi peu cher car les taux d’intérêts diminuaient. Le stock de dette grossissait mais les taux d’intérêts baissaient. ».

Or, si jamais les taux venaient à remonter, la France serait dans de graves difficultés financières : une remontée d’un petit pourcent (ce qui est faible) coûterait à l’État 10 milliards d’euros. Quant au déficit de la sécurité sociale, il devrait être résorbé en 2020 (en 2017, il a diminué de moitié).


La condition des soldats en opération extérieure

Dans son échange avec Mercedes Crépin, épouse de militaire blessé après une opération extérieure, Édouard Philippe n’a pas beaucoup convaincu sur la manière de corriger le logiciel Louvois qui est un échec complet depuis cinq ans (un système qui n’envoie pas les paies correctement). Il s’est contenté d’assurer : « On doit pouvoir faire mieux. » et a déclaré se soucier cpncrètement de cette affaire dans les jours qui viendraient avec la Ministre de la Défense.


Jacques Testart contre la PMA élargie

L’échange qui m’a paru le plus intéressant et révélateur, ce fut celui avec le professeur Jacques Testart. Ce grand chercheur a été l’un des pères de la fécondation in vitro en France (l’initiateur fut Robert Edwards) et il a arrêté ses recherches pour des raisons d’éthique. Depuis une trentaine d’années, il a sans arrêt milité pour refuser absolument le diagnostic prénatal des embryons avant implantation, car cet examen préfigurerait une direction eugéniste de la société particulièrement dangereuse pour l’avenir.

Jacques Testart est régulièrement accusé de faire le jeu des chrétiens alors qu’il est lui-même anticlérical et ses opinions politiques seraient plutôt portées très à gauche. Si bien que le dialogue fut à front renversé : Jacques Testart, résistant aux tentations supposées progressistes de désorganiser la famille, et Édouard Philippe devenu libertaire et pas conservateur. Car le sujet était l’autorisation de la PMA (procréation médicalement assistée) aux femmes seules et aux couples de lesbiennes (actuellement, elle n’est autorisée qu’aux couples hétérosexuels en seul cas de stérilité).

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Édouard Philippe a eu le courage et l'honnêteté de rappeler qu’il avait signé une tribune avec Nathalie Kosciusko-Morizet le 10 février 2013 (dans le "Huffington Post") pour dire qu’ils étaient favorables au mariage gay et aussi à l’adoption d’enfants par les couples homosexuels, mais qu’ils étaient totalement opposées à l’autorisation de PMA aux couples de lesbiennes, considérant que cela basculerait nécessairement vers l’autorisation de la GPA (gestation pour autrui) indispensable si un couple d’hommes homosexuels voulait avoir des enfants. Au nom de l’égalité, pourquoi autoriser les enfants aux couples homosexuels femmes et pas aux couples homosexuels hommes ?

Or, Emmanuel Macron avait annoncé durant sa campagne présidentielle qu’il autoriserait cette PMA. Édouard Philippe s’est montré alors glissant, avouant qu’il a peut-être évolué sur le sujet (en quatre ans !), mais sans dire explicitement la position officielle du gouvernement : « Je pense que comme toute la société française, il m’arrive d’évoluer sur ces questions. Parce que je rencontre des couples féminins ou des femmes célibataires qui ont eu recours à ces techniques en Belgique ou en Espagne. Je vois ce que ça suscite, ce que ça permet, et je ne vois pas ce que ça enlève. J’ai envie d’en discuter avec des gens. ».

Rejetant comme Jacques Testart toute marchandisation du corps humain, Édouard Philippe a évoqué son père (maintenant décédé) : « La vie de mon père, s’il n’avait pas bénéficié d’une greffe de rein, elle aurait été plus courte. Et il n’a pas payé le rein qu’on lui a greffé. ». Sollicité par Jacques Testart (dont il a lu un essai au début des années 1990), Édouard Philippe a même accepté de mettre en discussion le principe d’anonymat du don de sperme pour que l’enfant à naître puisse avoir les moyens, le cas échéant, d’identifier son père biologique.


Exister derrière l’hyperprésidence élyséenne

Avec cette émission qui a fait une très bonne audience, Édouard Philippe peut espérer qu’il va commencer à exister politiquement dans le débat national, ce qui est pourtant logique pour un Premier Ministre. Cependant, sa propension à rester effacé et à ne pas prendre la place médiatique que ses fonctions imposent reste mystérieuse.

Un exemple parmi d’autres mais lourdement symbolique, ce fut son absence sur la photo lors de la signature officielle des ordonnances de la réforme du travail, le 22 septembre 2017 à un bureau (trop haut) à l’Élysée : Emmanuel Macron était accompagné de la Ministre du Travail Muriel Pénicaud et du Porte-Parole Christophe Castaner, sans Édouard Philippe pourtant également signataire des ordonnances en tant que chef du gouvernement…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 28 septembre 2017.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Emmanuel Macron.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.

_yartiPhilippeEdouard2017C05



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170928-edouard-philippe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/edouard-philippe-le-sympathique-197274

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/09/30/35723364.html


 

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10 septembre 2017 7 10 /09 /septembre /2017 23:52

(verbatim)


Pour aller plus loin :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170907-macron-europe.html


Discours du Président Emmanuel Macron le 8 septembre 2017 à Athènes à la communauté française.


Merci beaucoup monsieur l’Ambassadeur ;
Madame et messieurs les ministres ;
Monsieur le député ;
Monsieur le directeur de l’école française d’Athènes ;
Madame la conseillère à l’Assemblée des Français de l’étranger ;
Mesdames et messieurs les conseillers consulaires ;
Mesdames et messieurs ;

Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui ici dans notre école d’Athènes.

Dans ce moment cruel pour toute la France, à quelques milliers de kilomètres de Paris, je suis à vos côtés, comme il se doit et heureux de vous retrouver, mais à quelques milliers de kilomètres de nous, de l’autre côté de l’Atlantique, nous avons des Françaises et des Français qui ont perdu la vie, qui sont dans le dénuement, la souffrance, l’inquiétude après le passage de l’ouragan Irma. Et je veux avoir pour eux aujourd’hui une pensée.

La France est sur tous les continents. C’est pour ça qu’elle est obligée de penser et de vouloir le monde. Alors nous devons, et nous apporterons toute la solidarité à nos concitoyens. Nous déplorons d’ores et déjà aujourd’hui plusieurs victimes, des dommages matériels immenses ; les prochains jours, les prochaines semaines, les prochains mois feront l’objet d’une mobilisation indispensable, celle des services publics, celle sur le terrain de nos forces de sécurité civile, des forces de l’ordre, de l’ensemble des Françaises et des Français qui y vivent et de la solidarité de toute la communauté nationale. Nous serons là.

Et vous le voyez, il y a quelque chose qui ressemble à la France dans notre rencontre d’aujourd’hui. Nous sommes là, Françaises, Français dans un morceau de Grèce regardant l’Orient, dans un lieu que notre pays a choisi de créer pour mieux comprendre ce qui était si loin à l’époque. Ce que Victor Hugo appelait « les orientales ». Et nous pensons à des Françaises et des Français à l’autre bout du monde.

Je vous le dis pour que chacune et chacun ait présent à l’esprit que la France n’est pas la France lorsqu’elle se rétrécit sur elle-même, lorsqu’elle pense que ses frontières se réduisent à l’hexagone. Et vous qui êtes là, Françaises et Français vivant à Athènes ou en Grèce, vous le savez mieux que d’autres.

Alors je ne suis pas venu aujourd’hui vous faire un long discours, mais je suis venu vous dire que nous avons dans le moment que nous vivons collectivement une immense responsabilité. Celle d’être l’un de ces rares pays qui a toujours été plus ambitieux que simplement pour lui-même, qui s’est toujours construit dans un rapport à l’universel, à l’autre, qui s’est toujours inventé et réinventé dans sa capacité à propager à travers le monde ses valeurs, ses idées, sa culture, sa volonté de comprendre l’autre, sa présence.

Vous êtes cette présence. Et cette présence dans ce lieu de l’école française d’Athènes a quelque chose d’éminemment symbolique. C’est la France qui décide lorsque un jeune Etat se crée et sort du joug impérial, non seulement d’aider la jeune Grèce avec des débats au Parlement français qui ressemblent terriblement au débat que nous sommes en train d’avoir sur les aides financières, mais qui décide aussi qu'aider un pays c’est mieux le comprendre. C’est envoyer ses meilleurs éléments. C’est vouloir mieux le connaitre, l’aider à comprendre son histoire et son présent.

Alors oui, quand je dis que nous avons une responsabilité aujourd’hui inédite c’est que tout dans le monde que nous traversons pourrait nous pousser vers le rétrécissement. Les forces extrêmes sont à l’œuvre ici en Grèce comme elles le sont dans notre pays, la France, qui conduisent à laisser croire à certains que notre avenir pourrait se construire en regardant nos petites différences, en défendant nos intérêts particuliers. Vous savez bien, ce qui est bon pour vous et qui se ferait contre les autres.

La France ne s’est jamais construite ainsi parce que le monde ne va pas ainsi. Et vous faites partie de ces femmes et ces hommes qui avez décidé d’être des ponts. C’est-a-dire d’être à hauteur de l’histoire de notre pays.

Je sais bien que parmi vous il y en a qui sont venus parce qu’ils ont lien depuis plusieurs générations. Il y en a qui sont ici parce qu’ils dirigent des entreprises, ont voulu faire avancer leurs affaires, d’autres sont parfois arrivés là pour des histoires d’amour qui durent encore ou qui se sont réinventées. Certains sont venus pour m’accompagner, ils repartiront, mais qui sait ce qu’ils trouveront dans les deux jours qu’ils passent avec moi.

Toutes ces histoires, ce sont ces petits points cousus entre la Grèce et la France. Et vous les faites vivre. Et vous les avez fait vivre durant ces années particulièrement difficiles où la Grèce a eu à traverser une crise profonde, qui n’était pas que la crise de ce pays, qui était une crise européenne. Qui a été une crise due au manque de responsabilités de quelques uns, à des mensonges qui ont été faits, à des contournements, mais qui a été aussi due à un manque de solidarité, un manque de volonté, d’ambition européenne qui a frappé plusieurs pays dont celui-ci. Et vous êtes restés. La France est restée durant la crise.

Et je le disais tout à l'heure encore et au Président de la République grec, et au Premier ministre grec, la France a toujours été là. Elle était là tout au début de la construction de l’Etat, elle était là durant la crise. Elle était là parce que les entreprises françaises sont restées lorsque c’était difficile et elle sera là demain.

Mais cette présence, elle ne se décrète pas dans un endroit donné, à Paris ou ailleurs. Elle est vivante parce que vous êtes là. Et en venant ici pour cette première visite d'Etat avec mon épouse, c'est ce message aussi que nous voulions vous transmettre. Vous avez une part de la vérité française parce que vous êtes la France hors des frontières. Et ne laissez jamais celles et ceux qui veulent faire croire à l'étranger que la France est elle-même lorsqu’elle se rétrécit qu'ils ont une part de notre vérité : c'est faux. Ils voudraient faire bégayer l'Histoire ou faire résonner les pires moments de celle-ci.

Vous êtes une part de notre pays à l'autre bout de l'Europe, parce que vous portez aussi cette ambition européenne et ce dont elle a besoin pour vivre, c'est-à-dire la présence de toutes les femmes et les hommes d'Europe. Je l'ai dit hier, lors de mon discours à la Pnyx. Cette volonté d'Europe, nous devons la refonder, lui redonner son énergie profonde, cette force qui nous unit.

Mais elle se construit sur quoi ? Oui, des politiques, une détermination, des traités existants et de nouveaux traités qu'il nous faudra porter, des réformes institutionnelles dans tant et tant de secteurs que vous représentez : l'énergie, le numérique, les infrastructures, la défense, l'industrie, le tourisme, l'agroalimentaire...

Mais à la fin, comme le disait Jacques DELORS, est-ce qu'on tombe amoureux du marché commun ? Est-ce qu'on tombe amoureux d'un traité, des institutions, des réformes constitutionnelles ou autres ? Rarement. On peut tomber amoureux d'une Grecque ou d’un Grec, d'une culture, d'un pays, d'un livre.

L’Europe, c'est une aventure qui unit les hommes. C'est cela le fondement de ce qui nous a fait. Il n'y a pas un espace au monde qui soit fait de tant de langues, de tant de diversités, de tant de spécificités. Regardez le reste de la planète : il n'y a pas un endroit où le concentré de civilisation dans sa pluralité est si fort. Il n'y en a pas un qui ait été traversé par autant de guerres, de divisions. C’est l’Histoire de notre continent et depuis 70 ans, nous avons réussi une aventure unique : nous avons uni les hommes par notre choix, par nos décisions.

Alors votre présence ici en Grèce, elle fait partie de cette union. Elle fait partie de ce mouvement perpétuel que nous devons consolider, qui nous fonde et qui nous rend plus forts. L'Europe est ici, en Grèce, aussi forte, aussi légitime, aussi vibrante qu'elle l’est à Berlin, à Paris, à Madrid ou à Rome. Et votre présence a continué à dire partout que cette légitimité était bien là. Alors je veux qu'ensemble, durant les prochains mois, durant les prochaines années, nous puissions avec force refonder cette Europe. C'était l'un des objets de ma visite ici. Expliquer aux Grecs, aux Français, aux Européens que oui, nous devons retrouver cette ambition première, un peu folle, de retrouver cette union des hommes.

Je souhaite donc que d'ici la fin de l'année, nous puissions construire une nouvelle feuille de route qui puisse, lorsqu'on parle de culture, de langue, d'enseignement, d'économie, de défense, de sécurité, sur tous ces sujets que nous ayons une dizaine non pas de mesures techniques mais d'objectifs, de volonté profonde de pouvoir construire à dix ans. Refonder ce qui, il y a 70 ans, nous a fait. L’ambition véritable.

C'est ce que je soumettrai dans quelques semaines à nos partenaires européens. C'est ce que je souhaite que nous puissions ensuite consolider avant de lancer partout - et je vous demande d'y participer ici, où vous êtes - ces conventions démocratiques où le peuple doit choisir, dans la controverse et la délibération, ce qui sera son avenir. C’est ce que nous devons aussi à la Grèce et à tant de pays européens qui ont souffert durant ces années. Ils ont souffert en voulant rester dans l'Europe. Ils ont parfois souffert parce qu'ils pensaient que, pour eux, l'avenir était en Europe alors que tant et tant leur ouvraient les bras.

La Turquie leur proposait une autre aventure moins difficile, la Russie même pour certains leur proposait des lendemains heureux. Ces peuples ont choisi l'Europe avec toutes les difficultés que cela emportait. Nous ne leur devons qu’une chose : de l’ambition, encore davantage. De les tirer, de les emmener, de vouloir davantage d'Europe. Parce que l'Europe ne s’est jamais construite sur des équilibres bancals, sur des arrangements quotidiens, sur la bureaucratie ou des petites techniques. Elle s'est construite sur des rêves, des ambitions, de la littérature.

Pensez donc, au moment où l'école française d'Athènes ici se construisait, la France débattait de ce qui se passait entre la Grèce et la Turquie. Des Françaises et des Français étaient émus par quoi ? Pas par des textes ou par des réglementations : parce que des poètes français avaient décidé que c'était aussi leur aventure. C'est cela, l’Europe. C’est une série de rêves tissés. Alors notre génération aujourd'hui peut-elle accepter qu'elle n'a plus de rêve ? Ou qu'elle devrait rêver moins fort, moins beau qu'il y a 150 ans ? Que ce serait peu crédible ou, au fond, réservé à des idéalistes de faire cela ? Alors je dis à tous ceux qui pensent ainsi, regardez la France.

Tous ceux qui vous disent aujourd'hui : « En Europe l'ambition, le rêve ne sont pas possibles », moi je les ai entendus de très près. Ils étaient les mêmes en France, des commentateurs, des déçus, des gens qui pensent que l'extrême modernité c'est de ne plus avoir de grands récits, de grands rêves, de grandes histoires, qui pensent qu'on vit mieux assis, que tout est un peu triste, que les accommodements dans leur subtilité sont ce qui doit faire le sel de notre vie aujourd'hui. Le peuple français leur a donné tort, alors suivez l'exemple du peuple français partout.

Croyez dans l'ambition parfois un peu folle ; croyez dans des valeurs et des mots que les autres n'osent plus prononcer : la bienveillance, l'ambition, la solidarité. Non pas pour les répéter, mais pour donner un contenu, pour convaincre, pour avancer. C’est cela, ce temps européen, qui s'ouvre. C'est cela ce que nous devons réussir et c'est ce pourquoi je compte, ici où vous êtes, tant sur vous. Vous étiez là, dans les années difficiles ; soyez là pour aider les Grecs à rêver plus encore, à vouloir aller plus loin et plus haut.

Alors enfin en France, puisque c'est notre patrie, nous allons dans les semaines, les mois, les années qui viennent, continuer à transformer. Faire ce pour quoi les Françaises et les Français m'ont élu, sans hésitation, avec la calme détermination du choix démocratique, et cette certitude chevillée au corps que notre pays en a besoin, porté par l'ambition.

Ce sont nos politiques publiques. Chacun dépend de notre économie et de notre Etat que nous allons transformer pour que nos jeunes aient un avenir. Non pas un avenir qu'on leur impose, mais qu'ils puissent choisir. Pour que notre pays soit plus efficace, produise davantage, puisse innover avec force dans cette Europe que nous aurons refondée. Mais puisse le faire pour défendre aussi nos valeurs, ces valeurs qui n'existent presque nulle part ailleurs qu'en Europe. Celles d'une justice à laquelle nous tenons tant, mais sans céder à aucune des tromperies du moment.

Cette transformation française ne se fera pas contre l'Europe ou contre le monde. Elle se fera parce que la France aura une ambition européenne et mondiale assumée. Cette transformation française, elle ne se fera pas au bénéfice simplement de quelques-uns, parce que la France est un pays qui a la passion de l'égalité. Mais cette transformation ne peut pas se faire si la première réponse toujours apportée est de savoir comment on corrige les petites jalousies du moment, où on répartit ce qu'on n'a pas encore produit. Le pays ne sera juste que s'il est efficace. Il ne sera juste que s'il n'est pas jaloux. Il ne sera progressiste que s'il embrasse la modernité, non pas pour s'y adapter, mais pour la faire.

Et je l'ai souvent dit et je le disais devant nos compatriotes il y a quelques semaines, en Roumanie. D’aucuns faisaient semblant de découvrir cette forme de provocation que j'assume. La France n'est pas un pays qui se réforme ; notre pays ne se réforme pas. Parce que nos concitoyens, aussi longtemps qu'il est possible de ne pas faire les réformes indiquées par les livres ou les procédures, se cabrent, résistent, contournent. Nous sommes ainsi faits, mais le temps que nous vivons n'est plus un temps à faire des réformes ou des ajustements, c'est le temps d'une transformation profonde.

Pourquoi ? Parce que c'est la survie du pays, les valeurs que nous défendons dans un monde où tout est bousculé. Parce que c'est notre capacité à porter une Europe et une ambition européenne. Pensez-vous, croyez-vous un instant que nos partenaires européens vont regarder la voie que nous ouvrons si, chez nous, nous ne savons pas changer les choses ? La capacité de la France à se transformer, c'est sa capacité démontrée à transformer l'Europe dans le même temps.

Et aujourd'hui, au moment où je vous parle, près d'ici, des puissances que ce pays a si longtemps connues tournent le dos aux valeurs démocratiques. De nouvelles puissances autoritaires émergent. Le doute se fait dans le camp même de l'Occident, sur nos fidélités et nos finalités. De nouveaux risques adviennent. Pensez-vous que nous pourrons tenir notre rang ? Défendre nos intérêts et nos valeurs si nous ne sommes pas forts, si nous ne transformons pas les choses ?

Alors oui, je vous le dis. Des choses qui paraissent terriblement infaisables : réformer le droit du travail, transformer la formation des chômeurs, réformer le marché du logement, les transports, tout ce qui a fait hésiter, bégayer l'histoire en France depuis tant de décennies, nous allons le faire. Sans brutalité, avec calme, avec explications, avec sens. Parce que je ne veux répondre en ces matières à aucune jalousie ou à aucune directive de l’un ou de l’autre. Je veux juste que notre pays soit plus fort pour pouvoir être plus juste. Soit plus fort pour porter l'Europe dans cette ambition que je décrivais. Soit plus fort pour défendre ce qu'il est et qu'il a toujours été à travers le monde.

Nous sommes là, dans ce jardin. Il y a quinze ans, j'aurais sans doute tenu un autre discours. On aurait pu peut-être imaginer une forme de fin de l'histoire. Ce pays pensait que la croissance lui était offerte désormais, que tout irait bien et que l'Europe était une forme de créature devenue évidente qui pouvait s'assoupir. C'est un peu ce qui s'est passé. Les quinze dernières années nous ont montré que rien n'était ainsi.

Et aujourd'hui les valeurs, la force, tout ce qui a porté ce projet français et grec qui nous réunit est bousculé par le monde qui va. Sur les autres rives de la Méditerranée, ceux qui nous attaquent détruisent les œuvres d'art qu’ici on protège et on fouille. C'est pourquoi je crois tant à la culture, en ce qu'elle dit de notre civilisation, en ce qu'elle dit de nos valeurs, en ce qu'elle dit de ce que nous sommes et de ce que nous voulons faire. Mais tout cela nous a rappelé une chose : la démocratie ici inventée est fragile ; la paix que nous avons inventée en Europe après guerre est fragile ; l'esprit de culture que nous avons défendu et porté ici est fragile ; cette volonté d'universel qui vous fait là est fragile.

Alors c'est parce que c'est fragile que je veux vous dire, pour terminer, deux choses. Je serai d'une détermination absolue et je ne cèderai rien ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes. Et je vous demande d'avoir, chaque jour, la même détermination. Ne cédez rien ni aux égoïstes, ni aux pessimistes, ni aux extrêmes. Vous êtes une part d'Europe ici, une part d'Europe redoublée.

Et votre voix est importante. Et notre voix est importante parce qu'elle est attendue. C’est l'immense responsabilité de notre génération. Elle ne pourra pas s'asseoir, elle ne pourra pas se reposer, elle ne pourra pas attendre. Parce que je ne veux pas dans quinze ans qu’un autre président puisse venir dire que c'est pire encore. Alors je compte sur vous comme vous pouvez compter sur moi. Vive la République et vive la France.



Emmanuel Macron, le 8 septembre 2017 à Athènes.

Source : www.elysee.fr/


 

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25 juillet 2017 2 25 /07 /juillet /2017 03:38

« Le général de Villiers a exprimé (…) un désaccord. Il en a, bien sûr, parfaitement le droit. Il a parfaitement le droit d’exprimer un désaccord avec le chef des armées. Mais, comme un militaire, avec honneur, il ne peut pas contester le choix fait par son chef. Il a donc tiré les conséquences du désaccord qu’il avait lui-même exprimé. (…) Dans cette histoire, chacun est dans son rôle : le chef d’état-major des armées, qui exprime son avis et en tire les conséquences, et le Président de la République, qui est l’autorité en la matière et exprime les choix portés par l’autorité légitime. » (Édouard Philippe, le 19 juillet 2017 au Palais-Bourbon).



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Peut-être que le général Pierre de Villiers (61 ans le 26 juillet), frère de Philippe, le chef d’état-major des armées qui a donné sa démission le 19 juillet 2017 alors qu’il venait d’être reconduit par le Président de la République Emmanuel Macron le 1er juillet 2017, va devenir un nouveau symbole du souverainisme d’opposition ? En tout cas, je lui souhaite de ne pas devenir un nouveau général Boulanger, étant donné le tragique destin que ce dernier a eu. Il avait été nommé dans ces fonctions le 17 janvier 2014.

Dans cette polémique entre le pouvoir politique et les militaires, l’enjeu n’est pas Emmanuel Macron mais avant tout la démocratie. La suppression de la conscription et la professionnalisation nécessaire de l’armée ont eu un effet néfaste qui a toujours justifié, jusqu’au gouvernement de Lionel Jospin, l’obligation d’un service militaire : sans appelés, l’armée fait dans l’entre-soi. Il y a plus de risque pour la démocratie avec une armée uniquement d’engagés qu’avec une armée d’appelés qui, eux, faisant partie du peuple, feraient barrage à un éventuel coup de force militaire (c’est aussi la raison de la séparation des gendarmes et des policiers, pour éviter un coup de force policier). Inutile de s’alarmer à court terme puisque Pierre de Villiers n’a pas évidemment l’intention de prendre le pouvoir, il n’a d’ailleurs jamais eu cette intention, mais peut-être que son chef suprême, nouvellement élu et aimant bien, depuis le 14 mai 2017, les choses militaires, a cru le contraire.

Le successeur du chef d’état-major des armées a été immédiatement été nommé en la personne du général François Lecointre (55 ans), remarqué lors de la guerre en Bosnie, le 27 mai 1995 à Sarajevo. Le départ effectif de Pierre de Villiers le 20 juillet 2017, sous les ovations des officiers présents, vidéo diffusée sur le site Internet de l’état-major, a montré que cette histoire est peut-être plus politique que militaire. C’est en tout cas l’accusation qu’a portée le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, le vendredi 21 juillet 2017.

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Cependant, Emmanuel Macron a commis ici sa première erreur. Ou deuxième si l’on rappelle qu’en un mois, il a dû se séparer de quatre de ses plus importants ministres politiques pour cause d’implications judiciaires : François Bayrou (Justice), Sylvie Goulard (Armées), Richard Ferrand (Territoires) et Marielle de Sarnez (Europe). C’était la première erreur, une erreur de casting.

Cette deuxième erreur est grave car le lien entre le politique et le militaire doit toujours être solide. Ceux qui subissent le plus gravement les conséquences des décisions du pouvoir politique, ce ne sont pas les demandeurs d’emploi, pas même les SDF, mais bien les soldats qui, pour certains, y ont perdu leur vie, sur le terrain des opérations extérieures, ou comme cibles d’attentats terroristes (mais sur le ciblage terroriste, tout citoyen est maintenant, à mon avis, cible). Onze soldats français sont morts depuis un an seulement. C’est beaucoup trop.

La vie d’hommes, la tragédie de leur famille, le coût matériel aussi. C’est là l’absurdité du pouvoir qu’il a récupéré : les opérations spéciales sont comptabilisées hors budget de la Défense. C’est assez étonnant, peut-être que cela avait un sens pour préserver un certain secret mais si l’on connaît malgré tout le surcoût de ces opérations, il n’y a plus de secret qui tienne et plus de justification pour cette drôle de comptabilité. Emmanuel Macron souhaite y mettre fin et je pense que c’est une bonne chose. C’est sous ce prisme qu’il faudrait comprendre l’augmentation prévue du budget de la Défense pour les prochaines années (une comptabilité modifiée). Cette augmentation ne serait donc qu’une simple illusion d’optique comptable.

Pourtant, il y a bien eu une erreur commise ces derniers jours. Une double erreur. Une erreur sur le fond et une erreur sur la forme.

Allons d’abord sur le fond. Il y a une part de logique Shadok à annoncer dès maintenant (le 11 juillet 2017 par le Ministre des Comptes publics Gérald Darmanin) une baisse du budget de la Défense de 850 millions d’euros (pas 1 milliard, mais 850 millions) pour 2017 (les cinq prochains mois) et annoncer en même temps qu’une augmentation continue du budget aurait lieu à partir de l’année 2018 pour atteindre 2% du PIB en 2025 (notez que le quinquennat actuel sera déjà fini depuis longtemps). En clair, dans le projet de loi de finances 2018, le budget de la défense devrait donc augmenter de plus de 1,8 milliard d’euros, passant de 32,4 milliards d’euros en 2017 à 34,2 milliards d’euros en 2018. Cette augmentation serait exceptionnelle, sans précédent récent, après une augmentation déjà saluée par toute la classe politique de 600 millions d’euros entre 2016 et 2017.

Cela signifie que la défense serait mieux traitée par Bercy qu’auparavant. Mais seulement l’année prochaine, et c’est là une erreur de fond qui est assez incompréhensible. Certes, la réduction de 850 millions d’euros répond à l’impératif de corriger l’insincérité du budget voté par le gouvernement précédent, pour ne pas dépasser le seuil de 3% du PIB de déficit public. En clair, c’est juste un transfert de trésorerie, un retard de cinq mois. Quand on sait que le gouvernement jouit encore de taux d’intérêts très faibles, un surcroît de déficit serait facilement finançable et peu coûteux à la collectivité. Pourquoi faire du yoyo budgétaire alors que les faibles taux d’intérêts permettraient de "lisser" cette "trésorerie budgétaire" ?

Pourquoi est-ce incompréhensible ? Parce que des soldats meurent de leurs mauvais équipements. Ce n’est pas nouveau et la responsabilité n’incombe certainement pas à la nouvelle équipe gouvernementale, mais c’est un véritable problème qui a déjà coûté des vies humaines. Lorsque les soldats français se sont retrouvés au Mali, la forte chaleur leur a fait comprendre, par exemple, que leurs chaussures n’étaient pas adaptées. Leurs équipements matériels aussi sont vieux et vétustes (véhicules, etc.). Certains témoignages sont …désarmants. Certains matériels sont plus vieux que le Président Emmanuel Macron lui-même !

L’appréciation de cette erreur sur le fond est évidemment discutable. Emmanuel Macron a peut-être raison. Il a une priorité plus économique que militaire : montrer que la France, au lieu de se moquer du monde, et en particulier de ses partenaires européens qui, pour la plupart, font d’énormes efforts budgétaires, se moquer comme cela est fait depuis cinq ans avec François Hollande (qui avait promis le retour à 3% du PIB dès 2012 !), est redevenue vraiment sérieuse et honnête, responsable de ses engagements et respectueuse de sa parole donnée en limitant réellement son déficit public à 3% du PIB. Il y a une part de psychologie. Laisser encore filer le déficit en 2017, pour une raison ou une autre, peut donner un très mauvais signal aux investisseurs étrangers et rendre plus lente voire plomber la reprise économique qui devrait s’amorcer. Dans tous les cas, ce débat n’a pas été fait en public, et encore moins devant la représentation nationale.

Sur la forme, l’erreur n’est pas discutable, c’est une réelle erreur. Celle d’un homme probablement plus autoritaire que responsable. Cela s’est passé en plusieurs temps.

Le 12 juillet 2017, le général Pierre de Villiers est interrogé par la commission de la défense du Sénat, dans une audition à huis clos. Cette audition est tout à fait habituelle et régulière, ès qualité de chef d’état-major des armées. Le huis clos a son utilité : elle permet au patron des armées d’apporter ses réponses les plus sincères et proches de la réalité, sans souci de service après-vente médiatique.

Le problème, c’est que parler à plus de trois personnes conduit nécessairement à une fuite dans l’espace public. Cela fut fait et on a dit que Pierre de Villiers avait "rouspété" contre la baisse de budget de 2017 et que cela mettait en péril les missions des armées. Par ailleurs, le message, publié par "Le Monde", a été assez crû. Celui d’un militaire, somme toute : « Je ne me laisserai pas b@iser comme ça ! ». Le général n’a jamais démenti avoir prononcé ces paroles.

Dans un premier temps, de part et d’autres, entre l’état-major et l’Élysée, on a expliqué que Pierre de Villiers gardait la confiance d’Emmanuel Macron et que les deux hommes se mettraient d’accord. Mais le deuxième temps est très étonnant.

Chaque veille de Fête nationale, le Président de la République a pour tradition de prononcer un discours aux armées, pour les encourager, les remercier, en présence du Premier Ministre et du Ministre de la Défense. Ce fut donc le cas d’Emmanuel Macron, accompagné du chef du gouvernement Édouard Philippe (responsable de la Défense nationale en tant que Premier Ministre selon la Constitution) et de Florence Parly, à l’Hôtel de Brienne (siège du Ministère des Armées), le jeudi 13 juillet 2017 (texte du discours lisible ici).

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Emmanuel Macron est allé très loin dans le blâme contre le chef d’état-major, sans le citer : « Il ne m’a pas échappé que ces derniers jours ont été marqués par de nombreux débats sur le sujet du budget de la Défense. Je considère pour ma part qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. J’ai pris des engagements, je suis votre chef. Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire. De mauvaises habitudes ont parfois été prises sur ces sujets, considérant qu’il devait en aller des armées comme il en va aujourd’hui de nombreux autres secteurs. Je le regrette. J’aime le sens du devoir, j’aime le sens de la réserve qui a tenu nos armées où elles sont aujourd’hui et ce que j’ai parfois du mal à considérer dans certains secteurs, je l’admets encore moins lorsqu’il s’agit des armées. Un effort a été demandé pour cette année à tous les ministères, y compris au Ministère des Armées. ».

Il a encore répété qu’il était le "chef" quelques phrases plus tard : « C’est un véritable défi qui doit être décliné à l’aune du contexte stratégique. C’est bien parce que non seulement moi-même, en tant que chef des armées, j’en suis pleinement conscient, mais également le Premier Ministre, la Ministre des Armées et tout le gouvernement que des décisions courageuses en la matière ont été prises. ».

Qu’a dit finalement Emmanuel Macron ? Il a montré qu’il désapprouvait le chef d’état-major des armées, le fait qu’il se soit exprimé ainsi (je le rappelle, dans le cadre d’une audience à huis clos : les parlementaires ne veulent pas de langue de bois, ils veulent connaître la situation réelle du pays). Résultat, il fait ce qu’aucun manager débutant n’oserait faire aujourd’hui : discréditer un chef auprès de ses collaborateurs. Comment pourrait-il avoir une crédibilité interne après cela ? Le "blâme" peut se concevoir, mais certainement pas en public, encore moins devant les hommes du chef d’état-major des armées, et encore moins une veille de 14 juillet qui est d’abord la fête des militaires.

Le député Olivier Faure, président du groupe socialiste, a vu dans cette déclaration un risque pour la vie parlementaire : « Les recadrages et l’humiliation volontaire du chef d’état-major, au lendemain de son intervention devant notre commission de la défense, sont aussi une violation des droits du parlement. Le message ainsi adressé par le chef de l’État à tous ceux qui viendront devant notre assemblée est limpide : silence dans les rangs ! Ce message est forcément incompatible avec les missions de contrôle du parlement. » (le 19 juillet 2017 au Palais-Bourbon).

Au-delà de cette erreur de management, il y a une parole qui est assez étonnante. Pourquoi rappeler deux fois au moins dans le même discours (en fait, encore un peu plus) que c’est lui le chef, alors que cela va sans dire ? Est-il si peu sûr d’être considéré comme le chef des armées qu’il lui ait fallu le rappeler ? Très étonnant, surtout pour celui qui a défilé aux Champs-Élysées le premier jour de son mandat dans un véhicule militaire.

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La polémique s’est poursuivie durant le week-end du 14 juillet. Sur Facebook, Pierre de Villiers a déclaré le 14 juillet 2017 au soir : « Parce que la confiance expose, il faut de la lucidité. Méfiez-vous de la confiance aveugle ; qu’on vous l’accorde ou que vous l’accordiez. Elle est marquée du sceau de la facilité. ». Et réponse d’Emmanuel Macron dans le "Journal du dimanche" du 16 juillet 2017 : « La République ne marche pas comme cela. (…) Si quelque chose oppose le chef d’état-major des armées au Président de la République, le chef d’état-major des armées change. ».

Christophe Castaner, l’unique porte-voix du pouvoir, a expliqué sur France Info le 17 juillet 2017 : « Ils vont se voir, ils vont échanger. Ils vont prendre une décision ensemble. Emmanuel Macron lui a confirmé sa confiance en le prorogeant dans ses fonctions. Il faut qu’ils discutent, ils vont le faire. ». La discussion aurait dû avoir lieu le 21 juillet 2017 à 18 heures. Elle n’aura jamais eu lieu.

Une telle déclaration présidentielle (le 13 juillet 2017) ne pouvait qu’entraîner la démission de Pierre de Villiers qui répond, plus que certaines autres professions, à un certain code de l’honneur. Elle fut donc annoncée le 19 juillet 2017 dans la matinée, par un communiqué provenant de Pierre de Villiers lui-même qui a déclaré « ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel [il] croit pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd’hui et demain » : les mots sont forts, inquiétants, lourds de conséquence et feront date dans l’histoire militaire de la France. Et il a ajouté : « J’ai estimé qu’il était de mon devoir de leur faire part de mes réserves, à plusieurs reprises, à huis clos, en toute transparence et vérité. ».

Apprenant la nouvelle, le député LR du Var Jean-Louis Masson a déclaré dans l’Hémicycle le 19 juillet 2017 : « Les militaires, qui risquent leur vie chaque jour, ont besoin de soutien, de considération et de respect, pas de coupes budgétaires et d’actes d’humiliation. La démission, aujourd’hui, du général d’armée de Villiers est un événement exceptionnel. Le quotidien "Le Monde" titre : "Un événement historique". La confiance entre le chef d’État et notre armée est gravement mise à mal, sans doute rompue, peut-être définitivement. ».

Terriblement absente dans cette polémique qui devrait la concerner au premier chef, la Ministre des Armées Florence Parly n’a même pas été capable de répondre à la question que ce député (Jean-Louis Masson) lui avait posée à ce sujet, n’ayant pas compris qu’elle n’elle n’avait que deux minutes pour lui répondre. Le Président de l’Assemblée Nationale, François de Rugy, lui a coupé le micro en plein milieu d’une phrase !… Son absence de réaction l’a complètement discréditée auprès des troupes.

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Il va sans doute falloir du temps pour retisser les liens de confiance indispensable entre le pouvoir politique qui est en place pour cinq ans et l’armée qui s’est sentie atteinte par le blâme contre le général Pierre de Villiers. Parmi les considérations budgétaires, écartelées entre les besoins croissants des militaires depuis cinq ans et les nécessités de réduire la voilure de l’État et de réduire les dépenses publiques, le seul salut devrait provenir de l’Europe : seule une juste participation de l’Union Européenne de l’effort de défense de la France qui agit souvent, militairement, au nom des intérêts et des valeurs de l’Europe, pourrait résoudre cette quadrature du cercle budgétaire. Mais on entre là dans le domaine diplomatique.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 juillet 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La XVe législature de la Ve République.
Emmanuel Macron sous le sceau de l’histoire.
Emmanuel Macron et l’armée (19 juillet 2017).
Discours d’Emmanuel Macron le 13 juillet 2017 à l’Hôtel de Brienne, à Paris (texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron le 20 juillet 2017 à Istres.
Emmanuel Macron et les Territoires (17 juillet 2017).
Discours d’Emmanuel Macron le 17 juillet 2017 au Sénat sur les Territoires (texte intégral).
Emmanuel Macron et le Vel d’Hiv (16 juillet 2017).
Hommage d’Emmanuel Macron à Simone Veil le 5 juillet 2017 aux Invalides.
Hommage d’Emmanuel Macron à Helmut Kohl le 1er juillet 2017 à Strasbourg.
Discours de politique générale d’Édouard Philippe le 4 juillet 2017.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Portrait officiel du maître des horloges.
François de Rugy au perchoir.
François Bayrou sycophanté.
Édouard Macron II : bientôt la fin de l’indétermination quantique.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Loi de moralisation de la vie politique (1er juin 2017).
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Richard Ferrand, comme les autres ?
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170719-macron-armee.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-aux-armees-silence-195321

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/07/25/35499264.html



 

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13 juillet 2017 4 13 /07 /juillet /2017 23:01

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170719-macron-armee.html



Discours du Président Emmanuel Macron aux armées le 13 juillet 2017 à l'Hôtel de Brienne à Paris


Madame la Ministre des Armées,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs les Elus,
Monsieur le chef d’état-major des armées,
Officiers, sous-officiers, officiers mariniers, soldats, marins et aviateurs,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux d’être parmi vous ici, ce soir, à la veille de notre fête nationale et quelques heures avant ce défilé auquel nombre d’entre vous allez participer.

Demain, en descendant les Champs-Elysées, vous aurez l’honneur et le privilège de représenter les armées devant les Français. Vous serez aux côtés de vos camarades américains avec lesquels vous combattez partout dans le monde. Les Français vous regarderont avec admiration, non seulement parce que vous représentez le glorieux héritage de notre tradition militaire, mais surtout parce que vous incarnez la modernité d’une armée servie par des professionnels d’excellence. De cela, je suis fier, depuis le premier jour.

Les Français sont fiers de leurs militaires. Ils ont raison. Ils savent que vous accomplissez chaque jour, pour leur protection, des missions importantes, risquées. Ils savent les sacrifices que vous acceptez, les risques que vous prenez et l’engagement de tous les instants qui est le vôtre. En tant que chef de l’Etat et chef des armées, je tiens à vous exprimer ma profonde estime et la reconnaissance de toute la Nation pour ce que vous faites au service de la France, au service de notre défense et de notre sécurité.

Je suis allé à la rencontre de vos camarades à Gao, quelques jours après mon investiture et plus récemment en plongée à bord du SNLE Le Terrible. D’ici la fin de ce mois, je me rendrai de nouveau dans les forces sur une base aérienne. C’est pour moi une priorité de vous rencontrer, de vous encourager, car le succès des opérations que nous menons, là où nos intérêts le commandent, est la garantie de notre sécurité.

Partout, sur les théâtres extérieurs et les océans, mais également plus près de nous, dans l’Hexagone et les Outre-Mer, vos camarades se donnent entièrement à leur mission et ils font honneur à leur engagement.

Dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois pour certains, ce sera votre tour, vous qui êtes ici ce soir, de prendre leur relève et de poursuivre ces opérations. Vous quitterez alors votre conjoint, votre famille, vos enfants, vos proches et le rythme de leur vie quotidienne en sera modifié, soumis aux contraintes de votre absence. Je sais que le soutien que vous apportent vos familles est le meilleur gage de votre efficacité opérationnelle et je veux ici les en remercier.

Mais je sais aussi combien il est difficile pour elles d’assumer les contraintes liées à la vie militaire : le danger omniprésent, le rythme d’activité, l’imprévisibilité de vos départs, la forte mobilité géographique. Ces spécificités doivent faire l’objet de toute notre attention et je sais que votre ministre et vos chefs y sont particulièrement attentifs.

Au-delà de l’ordinaire, il y a pour vous et vos familles ce qui est exorbitant, indicible et auquel nous ne nous habituons jamais. C’est pourtant une réalité de l’état militaire : mourir en service, dans le cadre de la mission. Depuis un an, onze de vos camarades sont morts en mission opérationnelle, allant jusqu’au bout de leur engagement. Je m’incline avec émotion et respect devant leur mémoire.

Aux familles, dont certaines sont présentes aujourd’hui, qui ont perdu un fils, un frère, un père, un compagnon, je veux témoigner de la profonde solidarité de la Nation. Je sais quelle est votre souffrance et je sais que rien, aucun mot ne pourra compenser l’absence. Mais je le dis solennellement : leur sacrifice nous oblige. Il nous oblige à continuer à nous battre pour défendre nos concitoyens, nos valeurs, nos intérêts. Car c’est le mandat que nous donnent ceux qui ont donné leur vie pour la France.

Je veux également saluer les militaires blessés en opérations, dont certains ont pu venir ce soir. Si je me suis rendu à votre rencontre à l’hôpital Percy, dès le jour de mon investiture, c’était pour vous témoigner que vous êtes au cœur des préoccupations du chef des armées. Votre courage, votre dignité forcent notre admiration. Je sais ce qui vous tient, je l’ai vu dans vos yeux : l’engagement, vos camarades. Je me souviens de ces sourires esquissés par qui ne pouvait plus parler, à la simple vue de la photo des siens.

Mais votre volonté n’efface cependant pas toutes les difficultés. C’est pour cela qu’il est de notre devoir impérieux de vous aider et de vous entourer dans la durée. C’est ce qui sera fait. Il est également de notre devoir de tout mettre en œuvre pour la protection de nos forces, qui sont confrontées à des dangers et des menaces protéiformes, évolutives.

Aujourd’hui, les armées sont engagées de manière particulièrement importante sur le territoire national et partout dans le monde, dans de nombreuses opérations.

La première d’entre elles, que vous menez sans discontinuer depuis plus de cinquante ans, c’est la dissuasion. Elle est la clé de voûte de notre sécurité et la garantie de nos intérêts vitaux. Celles et ceux qui contribuent à cette mission permanente, sous les mers, dans les airs et plus largement dans les armées, à la DGA et au CEA, ont un rôle essentiel. Ils agissent dans la discrétion et je l’ai constaté à bord du Terrible, avec une exceptionnelle force de caractère et l’humilité de ceux qui n’ont besoin, ni de faire valoir l’importance de ce qu’ils font, ni de révéler des secrets.

Depuis maintenant plus de deux ans, nos armées sont aussi totalement mobilisées pour relever le défi du terrorisme.

Ce combat contre le terrorisme, nous le menons tout d’abord à l’extérieur.

Je me suis rendu deux fois au Sahel avec vos chefs et les ministres. A Gao, j’ai pu me rendre compte des conditions éprouvantes dans lesquelles les militaires de Barkhane accomplissent leur mission ; je veux saluer l’efficacité de nos forces engagées pour la sécurisation du Sahel et pour la paix.

Mais je l’ai redit il y a quelques jours lors du sommet du G5 Sahel : il faut aller plus loin, selon deux axes. Tout d’abord, renforcer la coopération entre tous les acteurs locaux qui doivent prendre en main leur propre sécurité et mieux se coordonner. La montée en puissance de la force conjointe du G5 que nous avons lancée à Bamako est une étape importante. Une attention de chaque instant devra être maintenue pour que ces engagements se concrétisent et je remercie la ministre de retourner au Sahel dès la fin de ce mois avec son homologue allemande, Madame von der LEYEN, pour justement faire un point d’étape. A l’automne, les premières opérations devront être conduites. Il est indispensable en la matière que les opérations de Barkhane et de la MINUSMA soient complétées par cette force conjointe.

Ensuite, il faut aller plus loin que la seule action militaire, qui n’est pleinement efficace que si elle s’inscrit dans un projet plus large de développement. Il ne peut y avoir de paix sans développement et je veux ici saluer l’esprit de responsabilité des militaires que j’ai vus, à chaque instant, soucieux de cet équilibre : conjuguer sécurité et développement pour, après avoir gagné la guerre, pouvoir gagner la paix.

L’Alliance pour le Sahel annoncée à Bamako et dont les ministres ont, ce matin, en présence de la représentante spéciale de l’Union européenne, signé le texte fondateur, l’Alliance pour le Sahel, donc, sera le pilier développement de notre action collective. Elle est une étape essentielle d’une meilleure coopération entre la France et l’Allemagne, mais aussi d’une plus grande efficacité de notre action au Sahel.

Nous intervenons également au Levant. L’action de la coalition internationale a permis de réduire considérable les emprises de Daech. En Irak, Mossoul est tombée après de durs combats. C’est une étape majeure mais là aussi, il nous faudra gagner la paix dans la durée, il faudra construire les formes de notre présence dans la durée car ce conflit une fois gagné, cela ne suffira pas à stabiliser le pays.

En Syrie, la reprise de Raqqa est engagée et je vous l’affirme ici, ma détermination est totale. Nous ne cesserons d’agir que lorsque ceux qui ont commandité ou organisé les attentats à Paris, à Nice, ailleurs, seront définitivement vaincus. Il n’y a pas d’autre scénario aujourd’hui envisageable. Mais nous devons rester lucides sur ces succès, et vigilants. Les résurgences, les ramifications, les relais du terrorisme islamiste sont nombreux et cherchent à profiter de déliquescence de certains Etats. Ils cherchent à s’implanter en de nouveaux endroits, sur de nouveaux continents. Nous devons partout trouver les voies de la réconciliation et du développement pour que les métastases de Daech ne se transforment pas en nouvelles maladies et en théâtres de crise. Je pense au Levant, au Sahel, mais aussi au bassin du lac Tchad où la menace de Boko Haram continue à frapper le nord du Nigeria, le nord du Cameroun, le Tchad et le Niger.

Nos armées sont également impliquées dans la protection sur notre sol, au plus près des Françaises et des Français.

Il faut le rappeler car c’est une mission qui n’est pas bien connue des Français et qui, pourtant au quotidien, les rassure : 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, les centres opérationnels, les sémaphores, les vigies, les tours de contrôle surveillent et détectent tous les mobiles qui se déplacent le long de nos approches militaires maritimes et entrent dans notre espace aérien. En permanence, des avions de chasse, des hélicoptères, des aéronefs de patrouille maritime ou des bâtiments sont en mission de surveillance et de protection pour identifier, intercepter ou dérouter quiconque viendrait à manifester des intentions hostiles contre notre territoire.

Et puis, il y a notre posture de protection terrestre avec l’opération Sentinelle, qui mobilise en permanence 7.000 hommes et femmes en complément de nos policiers et de nos gendarmes. Je veux aussi rendre hommage aujourd’hui à tous vos camarades impliqués dans cette opération. En lien avec le ministère de l’Intérieur, les contours et les modes d’action de cette opération ont beaucoup évolué depuis qu’elle a été enclenchée. C’est une bonne chose car la recherche de l’efficacité doit être notre objectif. Aussi cette évolution continuera. La ministre et le chef d’état-major des armées me proposeront à l’automne une nouvelle doctrine d’intervention qui permettra de revenir en profondeur sur l’organisation de Sentinelle afin, justement, d’avoir une plus grande efficacité opérationnelle et de prendre en compte l’effectivité et l’évolution de la menace.

La circulation du renseignement est également un point capital. La création que j’ai voulue du Centre national de contre-terrorisme répond à cette logique : renforcer la coordination des services, favoriser le partage d’informations, garantir la bonne utilisation des dispositifs disponibles et développer la coopération européenne et internationale en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme. Tout cela, ce sont nos priorités et cela doit aller de pair avec notre capacité à détecter les signaux faibles, à deviner, à prédire et donc à agir par anticipation. Cette anticipation doit dépasser le renseignement pour examiner méthodiquement nos vulnérabilités et les résoudre. Ce doit être l’œuvre de chacun d’entre vous, quelle que soit votre fonction.

Je veux ici également insister sur un autre point qui est celui des réserves opérationnelles, réunies dans la Garde nationale, créée il y a un an à la suite des attentats de Nice. La Garde nationale est particulièrement adaptée et nécessaire pour les missions de protection du territoire et de la population et je m’inscris donc pleinement dans ce cadre. Je souhaite renouveler notre manière de voir la participation des citoyens sous les drapeaux à notre sécurité. Il faut donc continuer à consolider le système des réserves, mieux reconnaître dans la société cet engagement, et le faciliter.

Nos réservistes sont des militaires à temps partiel, certes, mais à pleine capacité et, tout autant que nos engagés, ils incarnent la volonté du peuple français de se défendre face aux menaces de notre époque. Ce désir d’engagement de notre jeunesse ou des plus âgés doit être encore facilité, doit être davantage reconnu parce qu’au-delà de ce qu’ils apportent au quotidien à nos forces, il témoigne d’une société tout entière mobilisée pour la sécurité de nos concitoyens ; il témoigne de ce qui est le ciment même de notre nation.

Mais je veux aller plus loin. Mettre en place un service national universel est également une voie qui permet de sortir de l’individualisme au profit d’un engagement collectif. C’est là aussi le fondement d’une société stable et équilibrée. C’est un engagement que j’ai pris devant les Français. Aussi je désignerai prochainement une commission chargée de me faire des propositions avec cet objectif : non pas remplacer des dispositifs qui, aujourd’hui, fonctionnent et, qu’il s’agisse de l’organisation militaire ou de l’organisation civile, permettent à des jeunes de trouver leur place dans la société, mais bien redonner un sens à ce service national universel dans un cadre que nous aurons à définir.

Enfin, nos armées sont de plus en plus mobilisées dans le domaine cyber. Nous avons vu ces derniers mois une multiplication des attaques. Dans ce nouvel espace de confrontation, des opérateurs des armées contribuent, sous la coordination générale du Premier ministre et en soutien de l’ANSSI, à la détection et à l’attribution des attaques et donc à la cybersécurité nationale. Des efforts conséquents ont été faits dans ce domaine vital, qu’il nous faut prolonger aujourd’hui de manière résolue pour étendre notre protection. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au Premier ministre de diriger d’ici à la fin de l’année une revue stratégique de la cyberdéfense. En cette matière aussi, nos coopérations, en particulier avec nos partenaires allemands, seront renforcées.

Demain encore, nos armées devront continuer à répondre à leur vocation de protection de la France et des Français. Notre outil militaire jouera, comme il le fait aujourd’hui, un rôle clé.

Il est donc absolument essentiel que le ministère des Armées soit doté de moyens nécessaires. C’est tout l’enjeu de la prochaine loi de programmation militaire qui couvrira les années 2019-2025. Cette loi sera inédite car je veux qu’elle marque non seulement la fin de la décroissance, mais également la remontée de notre effort de défense.

Il ne m’a pas échappé que ces derniers jours ont été marqués par de nombreux débats sur le sujet du budget de la Défense. Je considère pour ma part qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. J’ai pris des engagements, je suis votre chef. Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire.

De mauvaises habitudes ont parfois été prises sur ces sujets, considérant qu’ils devaient en aller des armées comme il en va aujourd’hui de nombreux autres secteurs. Je le regrette. J’aime le sens du devoir, j’aime le sens de la réserve qui a tenu nos armées où elles sont aujourd’hui et ce que j’ai parfois du mal à considérer dans certains secteurs, je l’admets encore moins lorsqu’il s’agit des armées. Un effort a été demandé pour cette année à tous les ministères, y compris au ministère des Armées. Il était légitime, il était faisable, sans attenter en rien à la sécurité de nos troupes, à nos commandes militaires et à la situation telle qu’elle est aujourd’hui.

La loi de finances initiale de cette année sera confirmée, à l’euro. A l’euro !

Pour les années à venir, l’engagement que j’ai pris sera tenu dans un contexte où tous les ministères sont appelés aux efforts. Tous. Les engagements que j’ai pris seront traduits dans les faits par le Premier ministre. C’est un effort considérable dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons. C’est un véritable défi qui doit être décliné à l’aune du contexte stratégique. C’est bien parce que non seulement moi-même, en tant que chef des armées, j’en suis pleinement conscient, mais également le Premier ministre, la ministre et tout le gouvernement que des décisions courageuses en la matière ont été prises, conduisant dès 2018 à construire une trajectoire qui permettra, conformément à nos engagements, d’atteindre le chiffre de 2 % du produit intérieur brut en 2025.

Dès 2018 donc, en plein accord avec le Premier ministre, nous entamerons cette remontée du budget du ministère des Armées dont les crédits budgétaires seront portés à 34,2 milliards d’euros dont 650 millions d’euros de provisions OPEX. Parmi ces ressources, 200 millions d’euros seront consacrés au renforcement de la protection de nos forces partout où elles sont engagées, parce que c’est ce que nous vous devons, parce que c’est l’engagement que j’ai pris. En aucune façon parce que quelques commentaires se seraient élevés. C’est aussi pourquoi j’ai souhaité que cette loi de programmation soit précédée d’ici au 1er octobre prochain d’une revue stratégique de défense et de sécurité nationale que j’ai confiée à la ministre des Armées.

Cette revue stratégique devra examiner notre environnement actuel et prévisible, en particulier les menaces auxquelles la France et l’Europe seront confrontées.

Le phénomène terroriste est aujourd’hui la menace la plus visible et la plus perceptible, car elle pèse directement sur notre territoire. Mais elle est loin d’être la seule. L’émergence, la réaffirmation des politiques de puissance, font peser le risque de voir de nouveau le monde s’embraser. Des idées obscurantistes relayées par un fort prosélytisme mènent une offensive sans précédent sur nos sociétés, en Afrique de l’Ouest mais aussi en Europe. Elles constituent un puissant facteur de déstabilisation et de rupture. C’est pourquoi je souhaite, là aussi, que nous puissions agir de manière concrète au contact des Etats déstabilisés par ces pressions afin de limiter, lorsque nous le pouvons, les flux migratoires, afin de préserver partout où elle est en jeu la stabilité, afin aussi d’assurer dans le domaine maritime, cyber ou aérien la préservation de nos espaces.

Mais je ne veux pas ici préempter les conclusions de cette revue.

Ce qui me paraît certain, c’est que le brouillard de la guerre, loin de se lever, prend aujourd’hui de nouvelles teintes. Les frontières géographiques semblent de nouveau se renforcer et, dans le même temps, les lignes droites de partage qui permettaient de distinguer guerre et paix, défense et sécurité, sécurité intérieure et extérieure, deviennent des lignes brisées. Ces défis sont des défis conjoints que nous avons à relever en permanence dans une complémentarité que nous devons donc réinventer.

Dans ce contexte que la revue stratégique nous permettra de poser, nos armées continueront à assumer les missions fondamentales de défense qu’elles assument déjà : la dissuasion, la protection et l’intervention. Il est également essentiel que nous puissions réinvestir le champ de la prévention et de l’action civilo-militaire. Nous devons prévenir les crises là où elles risquent de se produire et envisager leur résolution dans une approche globale. L’action militaire seule ne permet pas de créer les conditions d’une paix durable. C’est la raison pour laquelle notre intérêt nous commande de nous interroger sur les racines de la violence, de nous battre aussi pour l’éducation, le développement, la justice et tous les gages de stabilité et de sécurité dans la durée.

Pour gagner la guerre, nous devrons faire preuve de pragmatisme et de clairvoyance, en consolidant les atouts de nos armées sans cesse et en recherchant de nouvelles voies de progrès.

Pour cela, je vous fixe quatre lignes directrices qui devront guider vos réflexions et votre action.

La première, c’est l’indispensable faculté d’adaptation qu’il faut encore développer. Nous ne devons pas rester dans les schémas certains et prédéfinis des solutions toutes faites : ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui. Nous devons donc mieux anticiper et toujours nous ajuster ; il faut réfléchir à nos méthodes, vérifier si nos modèles d’organisation et d’action sont en phase, car nos habitudes sont constamment remises en cause. C’est ce que nous allons faire pour l’opération Sentinelle, c’est ce que, sur tous nos théâtres d’opérations, nous devons à chaque fois repenser.

La deuxième, c’est la maîtrise du temps : tout en nous adaptant, il faut porter le regard loin devant pour vérifier que l’outil que nous construisons aujourd’hui répondra aux défis de demain et que nos modèles restent viables. Je pense en particulier au modèle des ressources humaines de la Défense, tant la préservation des compétences indispensables à une armée moderne devient un élément déterminant. La nécessaire gestion du temps court ne doit pas nous faire oublier que les capacités de défense se construisent dans le temps long, qu’il s’agisse des compétences propres au sein des armées, j’ai pu l’observer là aussi en particulier chez les sous-mariniers, ou qu’il s’agisse des compétences techniques pour le maintien de nos matériels. Nous avons par le passé fait l’expérience d’externalisations trop rapides, d’une visée à trop court terme pour, parfois, des économies qui ne duraient pas.

Le troisième principe, essentiel à mes yeux, c’est la préservation de notre autonomie stratégique, c’est-à-dire notre capacité à décider seuls, en connaissance de cause, à mettre en œuvre nos décisions sur le terrain. C’est là que se joue la crédibilité de la France, c’est là que se joue la crédibilité même de notre diplomatie. Le rôle de la France, c’est partout de construire la paix ; mais nous ne pouvons construire la paix dans le monde d’aujourd’hui que si nous sommes crédibles, autonomes dans nos stratégies, que si nous savons que lorsqu’un ennemi ne respecte pas les lignes rouges, les franchit, il aura une réplique. Par le passé, lorsque nous avons perdu cette autonomie, nous avons laissé libre court aux actions unilatérales, nous avons laissé notre diplomatie s’affaiblir et nous avons réduit notre capacité à agir, à faire entendre notre voix. Cela implique en particulier de soutenir notre base industrielle et technologique de défense, indispensable à notre souveraineté, mais bien sûr également l’ensemble des capacités et des compétences propres à notre armée.

Enfin, vous devrez sans cesse rechercher les voies d’une meilleure coopération européenne et internationale. Souveraineté et autonomie ne signifient pas isolement ou solitude, bien au contraire : l’action conjointe avec nos partenaires est fondamentale.

Les accords qui ont été signés ce matin avec l’Allemagne sont à cet égard décisifs.

La coopération que nous avons avec les Etats-Unis d’Amérique l’est, à certains égards, tout autant. C’est d’ailleurs en souvenir de l’engagement des Etats-Unis à nos côtés dans la Grande guerre, dont nous célébrons cette année le centenaire, que des troupes américaines défileront demain à vos côtés.

Le Président TRUMP est venu spécialement à Paris pour le 14 juillet et il est mon invité d’honneur ; il l‘est pour signifier ce centenaire, la force de notre alliance, la force de ce partenariat ; pour maintenir, justement, dans la durée, la préservation de nos valeurs. Il l’est pour témoigner de l’excellence de notre coopération actuelle, coopération entre nos armées, nos services de renseignement. Il l’est parce que notre coopération militaire est majeure, parce que sur terre, en mer et dans les airs, nos forces combattent côte à côte. Nous poursuivrons cette coopération lucidement, de manière équilibrée et sans arrière pensée.

C’est pourquoi, fidèle à toutes ses alliances, la France s’efforcera aussi et avant tout de développer une Europe de la défense et de développer ses partenariats les plus forts. C’est cela l’esprit de ce que nous avons signé ce matin, c’est cela le cœur aussi de notre mission conjointe.

Pour finir, Mesdames et Messieurs, je voulais m’adresser plus particulièrement aux anciens combattants qui nous font l’honneur d’être présents ce soir, fidèlement, vaillamment, aux côtés de nos militaires d’active. Vous êtes là car le monde combattant est un, quel que soit votre âge, quels que soient les conflits, les opérations extérieures auxquelles vous avez participé. Anciens militaires, aujourd’hui placés au cœur du lien entre l’armée et la Nation, vous êtes des repères, des exemples pour notre société qui en cherche et qui a soif d’engagement. Vous êtes des passeurs de mémoire. La mémoire combattante est un enjeu capital car il s’agit de transmettre aux jeunes générations les idéaux, les valeurs qui font la France ; mais il s’agit aussi de comprendre que la victoire et le succès ne sont pas le fruit d’une prédestination : c’est le fruit d’une volonté, c’est le fruit d’un engagement dans la durée, c’est le fruit de vies sacrifiées, c’est un choix constamment réaffirmé. Voilà le message que je vous demande de faire passer aux plus jeunes.

La reconnaissance de la Nation est due à tous les combattants, elle est due également aux orphelins, victimes indirectes des guerres ou d’attentats, à qui l’Etat apporte sa protection. Le statut des pupilles de la Nation date de 1917 ; j’aurai l’occasion, demain, à l’issue du défilé, de leur rendre hommage. Cent ans après l’actualité nous en montre la pertinence. Comme vous ils ont des droits sur nous et je sais l’action remarquable conduite par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerres.

Mesdames et Messieurs, je veux que tous ensemble nous battissions l’avenir de notre Nation. Cela demande du courage, cela demande de la lucidité, cela demande de l’humilité et surtout cela demande de la volonté. Autant de qualités qui fondent la spécificité militaire, autant de qualités qui sont à la source même de la Nation française. Ensemble nous sommes opérationnels, ensemble nous construirons la défense dont notre pays a besoin.

Vive la République ! Vive la France !

Emmanuel Macron, le 13 juillet 2017 à l'Hôtel de Brienne, à Paris.

Source : www.elysee.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170713-discours-macron-hotel-brienne.html


 

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5 juillet 2017 3 05 /07 /juillet /2017 05:44

« La France (…) ne résout pas ses problèmes. En découle un sentiment mortifère où se mêlent désarroi, découragement, désenchantement et colère. Nous connaissons ce sentiment. Nous le ressentons parfois nous-mêmes et connaissons sa puissance. Nos compatriotes l’ont exprimé, et fortement, lors de l’élection présidentielle, par un réflexe d’abstention ou un vote d’exaspération. Il faut comprendre ces angoisses. Il faut entendre cette colère. Mais nos compatriotes ont aussi exprimé un espoir formidable en portant Emmanuel Macron à la Présidence de la République. Tandis que de grandes démocraties choisissaient le repli sur elles-mêmes, le dos tourné au monde, les Français, avec le Président de la République, ont préféré l’esprit d’ouverture et de conquête. On leur proposait la nostalgie impuissante, ils ont préféré le courage d’affronter l’avenir. Ils avaient à choisir entre la colère et la confiance, ils ont exprimé leur colère, mais ils ont choisi l’optimisme et le rassemblement. » (Édouard Philippe, le 4 juillet 2017 au Palais-Bourbon).


_yartiPhilippeEdouard2017070401

Les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Le second gouvernement d’Édouard Philippe a obtenu la confiance d’une large majorité à l’Assemblée Nationale peu avant 19 heures ce mardi 4 juillet 2017 : 370 pour et 67 contre la confiance. 566 députés ont pris part au vote, mais 129 ont voté blanc, soit 437 exprimés. Finalement, il y a eu beaucoup moins d’opposition qu’envisagée. Beaucoup de députés LR, à l’instar d’Éric Woerth, le nouveau président de l’importante commission des finances, se sont abstenus par opposition "bienveillante" quand d’autres députés, plutôt de gauche, à l’instar d’Olivier Falorni (le tombeur de Ségolène Royal en 2012), ont voté la confiance "avec vigilance".

Peu avant, à 15 heures, après la traditionnelle photographie panoramique de début de législature, le Premier Ministre Édouard Philippe a prononcé son discours de politique générale qui a duré une heure et quart (son Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb l’a lu au Sénat au même moment). On peut lire le texte intégral de ce discours ici.

On pourrait regretter l’absence d’envolée lyrique mais pas l’absence de matière concrète. Amusant d’entendre, à la fin de ce discours, Marine Le Pen critiquer l’aspect très "au ras des pâquerettes" de ce discours alors que la veille, elle avait critiqué le discours du Président Emmanuel Macron devant le Parlement réuni en congrès à Versailles considéré comme le "sermon d’un évangéliste" ou comme un "show aérien". Il faut savoir ce qu’on veut : veut-on de la hauteur ou du concret ?

C’est en cela qu’Emmanuel Macron et Édouard Philippe sont pour l’instant très complémentaires : à Emmanuel Macron la gérance du garage et à Édouard Philippe la mécanique auto.

_yartiPhilippeEdouard2017070402

D’ailleurs, à son tour, Édouard Philippe a défini la répartition des rôles entre l’Élysée et Matignon : « Durant la campagne, depuis son élection et hier encore devant le Parlement réuni en congrès, le Président de la République nous a montré le cap. J’en suis heureux : c’est bien souvent d’un cap que nous avons manqué. Il nous a également indiqué la méthode pour y parvenir. Elle tien en trois points : dire la vérité ; travailler avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté ; obtenir des résultats concrets le plus rapidement possible. Ce cap est clair. Il doit être tenu. ».

Alors, oui, on peut noter le ton très technocratique d’Édouard Philippe (il n’est pas juppéiste pour rien !), la lecture trop rapide et saccadée de son long discours. D’ailleurs, il faut aussi constater qu’il a été nettement meilleur, sur la forme, lorsqu’il n’avait pas de note, à sa dernière intervention, lorsqu’il a répondu à tous les orateurs des différents groupes qui se sont exprimé après lui. Édouard Philippe n’a pas manqué de tâcler Christian Jacob qui l’avait attaqué assez fermement sur sa "trahison", alors qu’il faisait partie du groupe LR il y a encore quelques mois. Édouard Philippe n’a pas compris qu’un supposé gaulliste fût choqué par le recours aux ordonnances, tout en rendant hommage à Jean-Luc Mélenchon pour sa cohérence d‘avoir toujours été opposé aux ordonnances.

Dès lors qu’Emmanuel Macron, la veille, avait tenu le cadre et les perspectives hautes, il revenait à Édouard Philippe de faire le marchand de tapis. Hélas, beaucoup ont repéré qu’il a passé beaucoup de temps à exposer des mesures de dépenses et très peu de temps pour parler des économies à faire. Pourtant, il a promis 20 milliards d’euros de prélèvements obligatoires en moins pour 2022.

Car Édouard Philippe a répété que les finances publiques étaient dans un état lamentable. Il a confirmé que son gouvernement gardait l’objectif de déficit public à 3% du PIB fin 2017, ce qui signifie faire 4 milliards d’euros d’économies pour ces six mois qui viennent. Il a rappelé, comme il l’a fait lorsqu’il a reçu l’audit de la Cour des Comptes le 29 juin 2017, que l’endettement public correspond à un montant de 70 000 euros par Français actif !

_yartiPhilippeEdouard2017070403

Il a donné aussi une comparaison avec l’Allemagne : « La vérité, c’est que lorsque nos voisins allemands prélèvent 100 euros en impôts et en dépensent 98, nous en prélevons 117 et en dépensons 125. Qui peut penser que cette situation est durable ? ».

Son expression est d’ailleurs alarmante : « Sous le regard inquiet des Français, nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort. Certains continuent pourtant à nier l’évidence. "Combien de fois un homme peut-il tourner la tête en prétendant qu’il ne voit pas ?", aurait pu demander le prix Nobel de littérature 2017… ». En fait, il s’agit plutôt du prix Nobel de littérature 2016 (les 2017 n’étant pas encore attribués), à savoir Bob Dylan. Et il a poursuivi : « Il existe une addiction française à la dépense publique. Comme toute addiction, elle ne règle rien du problème qu’elle est censée soulager et, comme toute addiction, il faudra de la volonté et du courage pour s’en désintoxiquer. ».

Le début du discours était à la fois personnel et candide. Personnel : le Premier Ministre a commencé en citant quelques profils de nouveaux députés, telle avocate qui n’aurait jamais fait de grande école s’il n’y avait pas eu la volonté d’un directeur de faire un recrutement spécifique pour les zones prioritaires, ou d’autres députés (il avait le choix), jusqu’à évoquer des "matheux", sous le sourire amusé de Cédric Villani, nouveau député de Saclay (Les Ulis-Gif-sur-Yvette).

Candide : il a raconté avoir relu (ou réécouté) tous les discours de politique générale depuis celui de Michel Debré le 15 janvier 1959, jusqu’au discours de Bernard Cazeneuve du 14 décembre 2016, pour construire le sien. C’est vrai que c’est difficile d’en prononcer un qui puisse sortir de la banalité, hors programme d’action à présenter. Édouard Philippe s’est plus spécialement référé à trois prédécesseurs : Jacques Chaban-Delmas, Michel Rocard et Alain Juppé qu’il a voulu saluer à cette occasion.

Pour les deux premiers, il s’est même permis de les citer, des paroles qui restent encore aujourd’hui d’actualité.

Jacques Chaban-Delmas, il y a quarante-huit ans : « De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels (…) : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l’État, enfin, l’archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales. » (16 septembre 1969). Le fameux discours sur la Nouvelle Société.

Michel Rocard, il y a presque trente ans : « Nos priorités ne sont pas celles d’une moitié de la France contre l’autre moitié, mais celles de tous les Français. Défaire ce que les autres ont fait, faire ce que d’autres déferont, voilà bien le type de politique dont les électeurs ne veulent plus. Nous ne demandons à personne de nous rejoindre par intérêt ni de trahir ses convictions. » (29 juin 1988).

L’un a fait un constat toujours d’actualité, l’autre a donné une méthode toujours valable aujourd’hui et rarement appliquée à cause du manichéisme provoqué par la bipolarisation de la vite politique qu’aujourd’hui, Emmanuel Macron voudrait interrompre. La citation de Michel Rocard a reçu un tonnerre d’applaudissements dans les rangs de LREM et du MoDem. À l’évidence, les nouveaux députés LREM sont principalement de centre gauche.

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Édouard Philippe a donc surtout lu un long catalogue des mesures que son gouvernement compte prendre à plus ou moins court terme.

Parmi les mesures qui fâchent : l’augmentation à 10 euros du paquet de cigarettes, pour réduire la consommation de tabac des jeunes (le tabac provoque 80 000 morts par an), et l’augmentation des taxes sur le diesel (l’objectif étant le rattrapage du super d’ici à 2022). Et la grosse mesure qui fâche, c’est l’augmentation de la CSG (prévue en 2018) qui devrait être compensée par la suppression des charges salariales de la sécurité sociale et du chômage, mais qui ne serait donc pas compensée pour les retraités ou les fonctionnaires.

Les autres mesures sont soit des réformes dont le développement serait difficile à mesurer sur la vie quotidienne, soit des mesures positives, même si la principale (positive pour les ménages mais pas pour les communes et encore moins pour les propriétaires de biens immobiliers), la suppression de la taxe d’habitation semble être renvoyée aux calanques grecques.

J’en cite quelques-unes : le remboursement total des lunettes ou des prothèses dentaires d’ici à 2022 (c’était aussi une proposition de François Fillon), la vaccination obligatoire pour la petite enfance, la réforme du baccalauréat avec la prise en compte du contrôle continue (prévue pour 2021), la revalorisation de l'allocation adulte handicapé, la hausse de la prime d'activité, le relèvement du minimume vieillesse, la réforme de l'ISF (pour 2019), la baisse de l'impôt sur les société à 25% (au lieu de 33%), etc.

Il a placé son action sur trois mots : la confiance, le courage et la conquête : « Restaurer la confiance, prendre courageusement les décisions que la situation impose, tout cela est nécessaire pour retrouver l’esprit de conquête auquel nous appelle le Président de la République. ». Ou encore : « En 2017, les Français nous ont dit qu’ils voulaient que la France redevienne enfin elle-même : confiante, courageuse et conquérante. ».

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C’est ce message qu’a délivré Édouard Philippe dans le droit fil de celui d’Emmanuel Macron, un message positif et optimiste qui a trouvé ce mardi soir une majorité parlementaire très large : « Soyons conquérants ! L’évolution du monde donne toutes ses chances à la France, parce que ce nouveau monde a besoin de science et de raison, d’ordre et de loi, de technologies et de culture, de dialogue et de solidarité. Et la France, c’est tout cela ! (…) Les bonnes politiques publiques permettent de changer la vie des Français. C’est long, c’est lent, c’est difficile, mais, pour reprendre les mots de Simone Veil, j’ai confiance dans notre capacité à progresser. ».

Emmanuel Macron va peut-être réussir là où ses deux prédécesseurs ont échoué pour une raison particulière et même injuste : parce que maintenant, tout le monde a envie que la France réussisse et joue le jeu de la bonne volonté. Et les mauvais joueurs seront recalés aux prochaines élections…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 juillet 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Texte intégral du discours d’Édouard Philippe le 4 juillet 2017 au Palais-Bourbon (document).
Discours de politique générale d’Édouard Philippe le 4 juillet 2017.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Portrait officiel du maître des horloges.
François de Rugy au perchoir.
François Bayrou sycophanté.
Édouard Macron II : bientôt la fin de l’indétermination quantique.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Loi de moralisation de la vie politique (1er juin 2017).
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Richard Ferrand, comme les autres ?
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

_yartiPhilippeEdouard2017070406



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170704-edouard-philippe.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-france-conquerante-d-edouard-194752

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/07/05/35446732.html

 

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4 juillet 2017 2 04 /07 /juillet /2017 19:28

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170704-edouard-philippe.html


Discours de politique générale du Premier Ministre Édouard Philippe le 4 juillet 2017


M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration de politique générale du Gouvernement faite en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, « Malgré un destin difficile, je suis, je reste toujours optimiste. La vie m’a appris qu’avec le temps, le progrès l’emportait toujours. C’est long, c’est lent, mais en définitive, je fais confiance. » Ces mots sont de Simone Veil. Ils ont été prononcés en 1995, mais ils sont éternels et ils sont ceux de la France. Ils disent ce qu’il faut d’effort et de courage pour que le progrès advienne. Ils disent aussi combien confiance et progrès ont partie liée.

Je veux, alors que je m’exprime depuis cette tribune devant la représentation nationale et après avoir cité Simone Veil, vous parler d’une autre femme : une femme qui, à la fin de l’été 2003, poussait les lourdes portes d’une grande école parisienne ; une jeune femme que rien ne prédestinait à entrer dans ce lieu ; une jeune femme qui a grandi en Seine-Saint-Denis, suivi une scolarité dans des établissements situés dans des quartiers d’éducation prioritaire, à Villetaneuse et à Saint-Ouen ; une jeune femme dont les parents, chauffeur-bagagiste et aide-soignante, ne s’attendaient pas à ce qu’elle accède à cette grande école parisienne, puis devienne avocate, puis travaille dans les cabinets les plus prestigieux, puis fonde son propre cabinet. Cette jeune femme siège aujourd’hui sur vos bancs. Sa réussite est le produit de son travail, de son engagement, de sa ténacité.

Elle la doit aussi à la décision d’un responsable public, en l’occurrence le directeur de Sciences Po, qui avait, quelques années auparavant, bousculé son institution pour l’ouvrir à des formes d’excellence, peut-être un peu moins classiques. Cette politique publique, critiquée lorsqu’elle a été adoptée, copiée depuis, apparaît, quelques années après, grâce au travail et à l’effort de ceux qui en bénéficient, comme un modèle, comme un progrès. C’est long, c’est difficile, mais ça marche, et pas seulement pour cette jeune fille : au moins deux d’entre vous ont bénéficié de cette politique publique audacieuse, dont un jeune homme de Saint-Laurent-du-Maroni, l’un des benjamins de cette assemblée, qui sera peut-être une de ces grandes figures que la Guyane offre parfois à notre pays.

Ces parcours sont individuels, certes, mais ils sont rendus possibles par une politique publique. Ainsi va la République, ou plutôt, ainsi devrait-elle aller. Je regarde cette assemblée, je regarde ces bancs où je siégeais il y a quelques semaines encore.

Je vois un éleveur de la Creuse, agriculteur comme l’était son père, son grand-père, et tellement d’autres avant lui, enraciné dans sa terre au point que le lieu-dit où il vit porte le nom de sa famille. Il s’est battu pour continuer à y vivre, pour défendre l’excellence de l’agriculture française.

Je vois une jeune femme officier, qui a participé à deux opérations extérieures et a commandé une des compagnies de la Brigade franco-allemande.

Je vois un autre de vos benjamins, né au Rwanda quatre ans avant le génocide et recueilli par la République, qui lui a offert son meilleur visage et qui peut être fière de le voir aujourd’hui représenter la nation.

Je vois des sportifs de haut niveau, des entrepreneurs, des scientifiques, des militants du monde associatifs. Je vois même des matheux ! Des matheux qui, par leur talent et leur travail, constituent à la fois une fierté pour votre assemblée et une fierté pour la France.

Je vois une assemblée rajeunie, féminisée et largement renouvelée, puisque 430 d’entre vous font leurs premiers pas dans cette enceinte ; une assemblée qui porte l’héritage républicain, et qui ressemble à la France.

Et c’est devant cette assemblée renouvelée, mesdames, messieurs les députés, que se présente un gouvernement paritaire, lui aussi profondément renouvelé par la diversité de ses origines, professionnelles et politiques, et que le Président de la République m’a demandé de diriger.

Je mesure cet honneur. Je mesure la responsabilité, aussi, de la tâche qui est la mienne, et je l’aborde avec beaucoup d’humilité ; une humilité d’autant plus grande que, pour préparer cette déclaration de politique générale, j’ai relu toutes celles de mes prédécesseurs. Je dis bien toutes, depuis celle de Michel Debré, le 15 janvier 1959, jusqu’à celle de Bernard Cazeneuve, le 14 décembre dernier.

Tous ces discours étaient inspirés par les convictions les plus sincères, par un patriotisme digne d’éloges et par le sens de l’État le plus élevé. Il faut avoir le courage de le dire, même si c’est à contre-courant des idées reçues : la France n’a jamais manqué de responsables politiques compétents et souvent d’une exceptionnelle qualité. Je sais d’ailleurs ce que je dois à l’un d’entre eux, Alain Juppé, et je voudrais ici lui rendre hommage.

De toutes ces déclarations de politique générale, deux m’ont particulièrement marqué. Je cite un extrait de la première : « De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels […] : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l’État, enfin l’archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales. » Ces mots sont d’une actualité criante. Ils ont été prononcés le 16 septembre 1969 par Jacques Chaban-Delmas, il y a quarante-huit ans – beaucoup d’entre nous n’étaient pas nés.

Le second discours est un peu plus récent : « Nos priorités ne sont pas celles d’une moitié de la France contre l’autre moitié, mais celles de tous les Français. Défaire ce que les autres ont fait, faire ce que d’autres déferont, voilà bien le type de politique dont les électeurs ne veulent plus. Nous ne demanderons à personne de nous rejoindre par intérêt ni de trahir ses convictions. » Il s’agit des mots de Michel Rocard, prononcés le 29 juin 1988, il y a quand même presque trente ans (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et du groupe MODEM.)

Rocard, Chaban : deux personnalités éminentes, deux hommes d’État qui ont incarné deux courants essentiels de notre vie politique, le gaullisme et la social-démocratie. Ces deux hommes s’accordaient donc sur un constat et une méthode. Pourtant, le diagnostic posé il y a quarante-huit ans reste, hélas, valable. La méthode proposée il y a trente ans demeure toujours une exigence, mais trop rarement une réalité. Et la France, à la différence de beaucoup des nations du monde, ne résout pas ses problèmes. En découle un sentiment mortifère où se mêlent désarroi, découragement, désenchantement et colère. Nous connaissons ce sentiment. Nous le ressentons parfois nous-mêmes et connaissons sa puissance. Nos compatriotes l’ont exprimé, et fortement, lors de l’élection présidentielle, par un réflexe d’abstention ou un vote d’exaspération. Il faut comprendre ces angoisses. Il faut entendre cette colère.

Mais nos compatriotes ont aussi exprimé un espoir formidable en portant Emmanuel Macron à la Présidence de la République. Tandis que de grandes démocraties choisissaient le repli sur elles-mêmes, le dos tourné au monde, les Français, avec le Président de la République, ont préféré l’esprit d’ouverture et de conquête. On leur proposait la nostalgie impuissante, ils ont préféré le courage d’affronter l’avenir. Ils avaient à choisir entre la colère et la confiance, ils ont exprimé leur colère, mais ils ont choisi l’optimisme et le rassemblement.

Durant la campagne, depuis son élection et hier encore devant le Parlement réuni en Congrès, le Président de la République nous a montré le cap. J’en suis heureux : c’est bien souvent d’un cap que nous avons manqué. Il nous a également indiqué la méthode pour y parvenir. Elle tient en trois points : dire la vérité ; travailler avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté ; obtenir des résultats concrets le plus rapidement possible. Ce cap est clair. Il doit être tenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM, du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LC.)

Les Français ont d’ailleurs, dans un souci de cohérence évident, donné au Président et au Gouvernement les moyens de suivre ce cap en désignant une majorité claire et incontestable. Cette majorité claire, nul ne la prend pour un blanc-seing. Elle implique au moins autant de devoirs que de droits. Que le Gouvernement puisse fonder son action sur une majorité forte est une bonne chose, qu’il ait toujours à l’esprit que l’intérêt général ne se réduit jamais à aucune fraction du peuple français, fût-elle majoritaire, en est une bien meilleure encore.

Mais la France doit avancer. Il y a dans « notre cher et vieux pays » une envie, une énergie, un espoir qui transcendent les courants politiques. Voilà bien qui ne devrait surprendre personne : les Français nous ont habitués, à travers les âges, à ces sursauts collectifs et à ces retours de confiance, alors même que tout semblait bloqué, voire perdu. En 2017, les Français nous ont dit qu’ils voulaient que la France redevienne enfin elle-même : confiante, courageuse et conquérante. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

M. Franck Marlin. Où étiez-vous, avant, monsieur ? Vous étiez avec nous, derrière !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Pour redevenir elle-même, la France doit rétablir la confiance, et d’abord la confiance des Français en l’action publique. Je parle bien de confiance et pas de morale. Je ne serai pas l’arbitre des élégances et je n’aime pas le mélange des genres. Je ne suis pas non plus un inconditionnel de l’absolue transparence qui tourne vite au voyeurisme et à l’hypocrisie. Je crois au vieux mot romain de « vertu », qui recouvre à la fois l’honnête, la rectitude et le courage.

Nous avons fait des progrès en la matière depuis trente ans…

M. Franck Marlin. L’honnêteté…

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …sous la pression souvent, mais de façon très nette. Les règles de financement des partis politiques et des campagnes électorales sont aujourd’hui bien plus strictes et bien plus saines qu’il y a trente ans. Assumons ces progrès. Ils ne comptent pas pour rien.

Je veux le dire clairement : nous ne devons jamais laisser discréditer ceux qui ont fait le choix honorable de consacrer une partie de leur vie au service de leurs concitoyens et à la chose publique, mais dans leur intérêt même, il faut encore agir, car il y a à l’évidence, mesdames, messieurs les députés, des pratiques qui ont été longtemps tolérées, mais que le peuple français n’accepte plus. II s’agit de fixer le cadre qui permettra d’assainir notre vie publique et de rétablir la confiance des Français tout en posant des règles claires pour les élus.

C’est l’objet du premier projet de loi qui vous a été soumis. Comme le Président de la République l’a indiqué hier, nous lancerons également dans l’année les réformes institutionnelles indispensables à la modernisation de notre démocratie.

J’insisterai en particulier sur la réforme de la justice. Dans un État de droit, rien n’est possible sans une justice forte. Si elle est lente, ou lointaine, ou inégalitaire, ou même seulement trop complexe, la confiance se trouve fragilisée. La réforme constitutionnelle renforcera l’indépendance des magistrats. Dès 2018, une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice sera présentée au Parlement. Cette loi permettra à la garde des sceaux d’engager un vaste mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation.

Avoir confiance dans la justice, c’est pouvoir y recourir simplement et savoir qu’elle tranchera rapidement, en particulier sur les infractions les plus graves : lutter contre le terrorisme, la grande criminalité, la fraude organisée et les violences, notamment celles faites aux plus fragiles. Des peines seront renforcées tandis que d’autres incivilités pourront faire l’objet de contraventions plutôt que de procédures plus lourdes mais trop souvent dépourvues d’effet.

La construction de 15 000 places supplémentaires de prison est un engagement fort du Président de la République. Il sera tenu, non seulement parce que ne pas pouvoir incarcérer ceux qui doivent l’être est inadmissible, mais aussi parce qu’il nous faut traiter dignement les détenus. C’est essentiel pour ne pas transformer les prisons en incubateurs des violences de demain, et c’est essentiel pour nous, car c’est aussi notre dignité qui est en jeu. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LC.)

Nous ferons donc ce qui doit être fait, sans oublier jamais que la prison n’est pas une fin en soi et qu’il est nécessaire d’utiliser l’ensemble des sanctions prévues par le code pénal. Le recours à l’enfermement ne doit pas traduire une paresse de l’esprit qui s’interdirait de réfléchir au sens de la peine, à la nécessité d’empêcher la récidive, à l’obligation de préparer la réinsertion.

Rétablir la confiance, c’est aussi rassurer les Français sur le futur de la Sécurité sociale. La Sécurité sociale est une partie de nous-même. Elle est, comme le veut une belle formule, le patrimoine de ceux qui n’en n’ont pas. Si tel est le cas, alors traitons-la comme un véritable patrimoine, en l’entretenant, en la préservant, en la rénovant.

C’est vrai pour notre système de santé. Les Français y sont attachés parce qu’à juste titre ils font confiance à leur médecin et aux professionnels de santé, ainsi qu’à l’hôpital, qui reste un pôle d’excellence française. Mais ils constatent aussi que le système est mal coordonné, que la répartition entre urgences et consultations, entre soins de ville et soins hospitaliers n’est pas optimale et que l’on n’évite au fond ni l’exclusion des soins, ni l’accroissement des inégalités.

La prévention sera le pivot de la stratégie nationale de santé qui sera discutée à l’automne. Des maladies que l’on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire ; des enfants meurent de la rougeole aujourd’hui en France. Dans la patrie de Pasteur, ce n’est pas admissible. L’an prochain, les vaccins pour la petite enfance qui sont unanimement recommandés par les autorités de santé deviendront obligatoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LC.)

En matière de lutte contre le tabac, là encore, il nous faut assumer des choix courageux. Chaque année le tabac en France entraîne plus de 80 000 décès. C’est la première cause de mortalité évitable, et la consommation quotidienne de tabac augmente chez les adolescents. Ne rien faire est exclu. Nous porterons progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros, en luttant sans merci contre les trafics qui minent cette politique de santé autant qu’ils fragilisent ceux qui respectent la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LC.)

M. Éric Straumann. Attention aux zones frontalières !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous créerons un service sanitaire pour les étudiants des filières de santé afin de leur permettre d’intervenir dans les écoles et les entreprises pour des actions de prévention.

Mais prévenir ne suffit pas. Il nous faudra aussi revoir la manière dont est organisé notre système de soins. Nos professionnels de santé sont compétents et dévoués, mais leur action est trop souvent entravée par les rigidités de nos structures, les carcans administratifs, le fonctionnement en silo. Il faut donc bâtir des parcours de soins en favorisant l’interconnexion des professionnels de santé et la circulation de l’information au bénéfice du patient, en mettant en place de nouvelles incitations et de nouveaux modes de rémunération, en mesurant la qualité des soins et en la faisant connaître. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale traduira cette ambition dès cette année.

Notre stratégie de santé devra aussi permettre de garantir un égal accès aux soins, non seulement en droit mais surtout dans les faits. La ministre de la santé prépare, pour le mois de septembre prochain, un plan de lutte contre les déserts médicaux, en bonne intelligence avec les collectivités territoriales et les acteurs du monde de la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LC.) En la matière, la télémédecine offre des opportunités formidables. Nous les favoriserons.

Enfin, notre stratégie de santé devra rompre le cercle vicieux du « renoncement aux soins ». D’ici à la fin du quinquennat, tous les Français auront accès à des offres sans aucun reste à charge pour les lunettes, les soins dentaires et les aides auditives. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LC.)

Rétablir la confiance, c’est savoir que nous serons, tous ici, jugés sur la façon dont nous nous comportons avec les plus faibles : pas seulement pour changer le regard que la société porte sur eux, sur le handicap, sur les personnes âgées, sur les plus pauvres, mais aussi pour reconnaître tout ce que nous pouvons recevoir d’eux. Nous revaloriserons dès 2018 l’allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse, nous simplifierons les procédures pour les titulaires de droits sociaux qui souvent, par désespoir ou ignorance, ne les réclament plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.) Nous renforcerons notre action en matière de lutte contre la pauvreté en insistant particulièrement sur les familles comprenant de jeunes enfants.

Ces efforts financiers sont nécessaires : ils ne seront pas suffisants. Il nous faut aussi reconnaître et soutenir les solidarités familiales, affectives et financières. Les familles sont de plus en plus diverses, mais leur rôle reste central. La génération de mes grands-parents a été la première à bénéficier de la retraite. La génération de mes parents est la première à bénéficier de la retraite tout en ayant à assumer une partie de l’aide à ses propres parents. Le changement de civilisation est majeur. Il ne me paraît pas suffisamment pris en compte. La baisse de la natalité, de son côté, réelle depuis deux ans,…

M. Jean-Luc Reitzer. À qui la faute ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …doit nous alerter. Nous cesserons donc de considérer les familles comme de simples variables d’ajustement fiscal. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC et sur plusieurs bancs du groupe LR.) La ministre de la santé et des solidarités présentera des mesures améliorant le congé maternité et les solutions de garde d’enfant. Cela s’inscrit aussi dans la grande cause nationale de l’égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs des groupes LC et NG).

M. Marc Le Fur. Et les allocations familiales ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. L’inclusion des personnes en situation de handicap constituera une des priorités du quinquennat. C’est à une mobilisation nationale que j’appelle, sous l’impulsion du Président de la République et sous la conduite de la secrétaire d’État. Les personnes en situation de handicap, et celles qui les accompagnent, ont droit à la solidarité nationale. Elles ont besoin de bien plus encore et elles peuvent nous apporter davantage. Un enfant handicapé scolarisé, ce n’est pas seulement une histoire d’argent, ni même de justice : c’est une chance pour l’ensemble de ses camarades. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC et sur plusieurs bancs du groupe LR.) Une entreprise ou une collectivité territoriale qui embauche plutôt que de payer une taxe, c’est une communauté de travail plus forte et plus motivée. (Mêmes mouvements.) Les moyens ne pourront pas être illimités, mais l’énergie que nous y mettrons ne sera pas comptée.

Rétablir la confiance, c’est aussi affermir le lien entre l’État et les territoires. Nous ne sommes plus à l’époque où la République, encore mal affirmée, n’imaginait son unité qu’au prix de l’uniformité. Les jardins à la française ont leur charme, mais ils se prêtent assez peu au foisonnement d’initiatives dont le pays a besoin et auquel les collectivités sont prêtes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.) Comme l’a réaffirmé le Président de la République hier, nous voulons donner aux libertés locales toutes leurs forces.

La liberté de s’organiser, d’abord, en développant les communes nouvelles ou les regroupements de départements, dès lors que ces fusions ne sont pas contraires à l’intérêt général. La liberté d’exercer ses compétences ensuite : osons les expérimentations ! Ne décrétons pas depuis Paris la fin du mille-feuille territorial, mais incitons les territoires à adapter, localement, leur organisation (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs des groupes LC et LR), pour tendre partout où c’est possible vers deux niveaux seulement d’administration locale en-dessous du niveau régional. Pourquoi ne pas permettre, sur la base du volontariat, à certaines collectivités d’exercer des compétences pour le compte d’un autre niveau, comme par délégation ? (Mêmes mouvements.)

Un député du groupe LR. Très bien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. En matière de finances locales, nous engagerons avec les collectivités territoriales des discussions indispensables, car si chacun doit, bien sûr, contribuer à l’effort de redressement de nos comptes publics, cela doit se faire dans le dialogue et le respect, et avec la prévisibilité nécessaire à toute bonne gestion. C’est dans ce cadre que nous engagerons la concertation sur la réforme de la taxe d’habitation, qui doit contribuer, d’ici à la fin du quinquennat, à rendre du pouvoir d’achat à l’immense majorité de nos concitoyens. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LC.)

Je sais que cette réforme est attendue par les contribuables, mais redoutée par les élus. La taxe d’habitation est aussi nécessaire aux budgets locaux qu’elle est injuste dans son calcul et son évolution pour les contribuables. Qui peut dire le contraire ? Améliorer le dispositif pour les collectivités tout en redonnant du pouvoir d’achat pour les citoyens est un objectif qui devrait nous réunir.

Un député du groupe LR. C’est flou !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Rétablir la confiance, c’est aussi éviter de creuser un fossé entre deux France que certains voudraient opposer mais qui ne peuvent ni vivre ni réussir l’une sans l’autre : la France des métropoles mondialisées et la France périphérique. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LC.) C’est tout l’objectif de la Conférence nationale des territoires, dont la première réunion se tiendra mi-juillet. Nous y proposerons un pacte pour les collectivités, afin de les accompagner dans la transition écologique et dans la transition numérique, notamment en garantissant un accès au très haut débit au plus tard d’ici à 2022 partout en France. (Mêmes mouvements.)

M. Franck Marlin. C’est déjà fait !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Mais notre gouvernement n’est pas celui des machines, il est d’abord celui des hommes. Il y a des Français qui n’ont pas de GPS, pas de box connectée, dont le téléphone sert à téléphoner et c’est tout. Il y a des citoyens qui sont broyés et ignorés par ce monde technique. Le fossé s’agrandit et il n’est pas que générationnel : il est social et parfois géographique. Nos services publics, le monde associatif, doivent accompagner ces révolutions numériques. Nous les y aiderons.

De même, des votes protestataires se sont exprimés, en métropole comme en outre-mer : il faut les entendre.

Il y a aussi un vote identitaire, qui s’est notamment exprimé en Corse. On peut être, comme je le suis, intransigeant sur les principes républicains sans être pour autant ignorant des diversités et des aspirations à la reconnaissance.

Un député du groupe LR. « Et en même temps » !

M. Éric Straumann. C’est aussi valable en Alsace !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. La France est partout dans le monde, grâce à ses outre-mer, sur tous les continents et dans tous les océans du globe. Voilà une richesse, voilà une chance, voilà aussi un défi. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LC.)

Les assises de l’outre-mer seront l’occasion, pour l’ensemble du Gouvernement, d’être à l’écoute des attentes de chaque territoire et de concevoir ensemble les plans de convergence prévus par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer.

Pour ce qui concerne l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, la présente législature sera celle de l’aboutissement de l’accord de Nouméa signé il y a vingt ans. S’il n’est pas saisi d’ici mai prochain par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement organisera, comme le prévoit la Constitution, la consultation pour l’accession à la souveraineté au plus tard en novembre 2018. L’État jouera pleinement son rôle d’acteur et de garant de ce processus pour conforter le destin commun inscrit dans le préambule de l’accord. C’est un engagement personnel que je prends ici, honoré de reprendre le flambeau de Michel Rocard et de quelques autres après lui. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC, ainsi que sur quelques bancs du groupe NG.)

La confiance, enfin, c’est tout ce qui nous rassemble. La France est une nation, et une nation n’est ni une juxtaposition de territoires, ni une addition de communautés, encore moins une somme d’individus. Une nation est constituée par une adhésion à des valeurs, à une histoire, à une géographie. C’est une culture qui s’assume et qui se transmet. Être Français, c’est reconnaître des valeurs et partager une culture. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

M. Franck Marlin. L’honnêteté !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. C’est reconnaître que la laïcité est une exigence pour la puissance publique, celle de la neutralité absolue à l’égard des cultes. C’est aussi rappeler qu’elle est surtout, pour chacun sur le territoire de la République, une liberté – la liberté de conscience individuelle, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de pratiquer un culte ou de n’en suivre aucun. Le Gouvernement n’acceptera pas que ce principe fondateur soit attaqué, remis en cause ou instrumentalisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et quelques bancs du groupe LC.) Il le fera respecter sans outrance, en se gardant de provoquer, mais avec une fermeté qui repose sur l’idée simple que la laïcité est, au fond, une condition de ce que nous sommes : la France. (Mêmes mouvements.)

Ce qui nous rassemble, c’est aussi la culture. C’est notre langue, c’est notre patrimoine, c’est ce que nous partageons, c’est ce qui fait que la France est admirée et aimée dans le monde. C’est ce que détestent les porteurs de haine qui, à plusieurs reprises, ont attaqué notre pays. Et s’ils détestent autant cette culture et ce mode de vie, s’ils haïssent les dessins, les livres, la musique et les spectacles, c’est qu’ils savent que ceux-ci sont une source inépuisable de réflexion, d’émancipation et de bonheur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.) Ils savent qu’ils sont libérateurs.

Ne nous y trompons pas : la formation dès le plus jeune âge à la culture et à la création rend libre. En les familiarisant avec la longue histoire des arts, en leur faisant découvrir les lieux de culture, en leur apprenant à décrypter l’époque et à découvrir notre héritage, nous élevons l’âme de nos enfants et nous renforçons la cohésion de notre pays. De concert, les ministres de l’éducation nationale et de la culture feront de ce chantier une priorité commune. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

De même, lire rend libre. Plus encore que sous les ors des palais, la République vit dans ses bibliothèques. Nous voulons rester, peut-être même redevenir une nation de lecteurs, en nous inspirant des initiatives remarquables menées par de nombreuses associations et collectivités territoriales.

M. Éric Straumann. C’est l’action des départements !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Accéder aux œuvres et à la création rend libre. Notre époque bouleverse les modes de diffusion des œuvres : c’est à la fois une chance et un défi. Profitons-en pour faciliter le plus large accès possible aux biens culturels, avec notamment la création d’un « Pass culture » pour les jeunes comme l’a proposé le Président de la République. Mais ouvrons aussi le débat avec les acteurs géants du numérique, dans le cadre européen, pour assurer aux artistes les moyens de vivre de leur création et pour participer au financement de cet accès aux œuvres. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LC.)

Mesdames et messieurs les députés, la France peut renouer avec la confiance. Elle en a, j’en suis certain, les moyens. Elle en a, j’en suis convaincu, l’envie.

M. Franck Marlin. Non, pas avec vous !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Elle doit aussi en avoir le courage.

Le courage : voilà le deuxième grand axe qui organise le travail du Gouvernement. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas du courage du Gouvernement, de la majorité ou du Parlement, mais du courage dont nous devons collectivement, nous Français, faire preuve pour être à la hauteur des enjeux.

Les Français sont courageux. Ils l’ont été face au terrorisme – pas seulement les policiers, les gendarmes, les militaires ou les douaniers qui luttent contre cette menace et qui en sont trop souvent les cibles : tous les Français. Face au danger, ils n’ont pas voulu changer leurs habitudes, encore moins renoncer à leurs valeurs. Il y a dans notre pays une forme de courage tranquille mais réel dont nous pouvons être fiers.

La menace est partout, diffuse. Pas un mois ne passe sans que des projets ne soient éventés ou des actes empêchés. Ayons en cet instant une pensée pour les victimes – plus de 200 tués sur notre sol, des centaines de blessés – et pour leurs proches qui doivent apprendre à vivre avec la douleur, avec la peine et avec l’absence.

Je veux rendre hommage à tous ceux que nous voyons – policiers, gendarmes, militaires de l’opération Sentinelle – veiller chaque jour sur notre sécurité, à ceux qui combattent sur les théâtres d’opérations extérieures, au Sahel ou au Levant, et à tous ceux que nous ne voyons pas et ne connaîtrons jamais, nos soldats de l’ombre, dont nous pouvons être fiers. Beaucoup sont tombés au service de notre liberté. (Vifs applaudissements sur tous les bancs.)

 

Je veux leur dire, à tous, que nous leur donnerons les moyens de nous défendre. Comme s’y est engagé le Président de la République, une loi de programmation militaire sera adoptée dès 2018. Elle portera l’effort de défense à 2 % du PIB d’ici 2025 et permettra à la France de se battre sur tous les fronts.

Mais je tiens à vous le dire sans détours : il y aura d’autres attaques, d’autres drames, d’autres vies innocentes fauchées. Nous ne nous y habituerons jamais. Nous ne baisserons pas la garde. À l’image des Français, nous affronterons cette menace avec une calme et froide détermination. Nous lutterons contre le terrorisme avec la plus extrême dureté, sans renier ce que nous sommes : un État de droit et, qui plus est, la République française. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et GDR.)

Une République, mesdames et messieurs les députés, qui ne peut pas vivre dans un état d’urgence permanent. C’est pourquoi le Président de la République nous a demandé de préparer la sortie de l’état d’urgence au plus tard le 1er novembre prochain, avec un projet de loi renforçant l’efficacité de notre arsenal législatif contre le terrorisme, sous le contrôle rigoureux du juge.

En parallèle, le ministre de l’intérieur et la garde des sceaux travailleront ensemble pour faire reculer l’insécurité. Au printemps 2018, après des expérimentations, ils porteront ensemble un projet de réforme reposant sur des procédures simplifiées, afin que les forces de sécurité soient libérées de la complexité administrative. Établir une véritable police de sécurité au quotidien est aussi une condition pour rétablir la confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs du groupe LC.)

Le courage, c’est aussi de regarder en face le défi migratoire. La pression qui s’exerce aux frontières, dans les Alpes-Maritimes, dans le Calaisis, à Mayotte, en Guyane, qui s’exerce aussi au cœur même du territoire national, comme à Paris, crée des tensions considérables et lourdes de dangers pour l’ordre public. Cette pression ne faiblira pas. Les conflits et l’insécurité économique au Moyen-Orient et en Afrique, les risques liés au climat, les réseaux qui prospèrent en exploitant le malheur et la misère : tout contribue à l’alimenter.

Face à cette situation, la France s’est révélée incapable de remplir ses obligations juridiques ou morales. Les demandeurs d’asile relevant effectivement de la convention de Genève attendent l’octroi d’un statut durant de longs mois et dans des conditions parfois honteuses. Les autres, qui sont en réalité des migrants économiques, sont rarement éloignés quand ils sont déboutés.

La semaine prochaine, le Gouvernement présentera des mesures qui répondront à trois exigences : une exigence de dignité pour que la France honore sa tradition d’accueil des réfugiés (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LC), une exigence d’efficacité pour ramener les délais moyens d’instruction des demandes d’asile de quatorze à six mois et obtenir l’éloignement effectif des déboutés du droit d’asile, et une exigence de solidarité et de responsabilité. Avec nos partenaires européens, nous ferons aboutir la réforme du régime européen de l’asile et mènerons une action en direction des pays d’origine et de transit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.)

Il s’agit, mesdames et messieurs les députés, comme je l’ai dit il y a quelques jours aux préfets que j’ai réunis avec M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, de voir le monde tel qu’il est, sans renoncer à ce que nous sommes. Accueillir : oui, bien sûr. Aider : oui, évidemment. Subir : non, jamais. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM.)

Le courage, c’est aussi de regarder les choses en face et de préparer l’avenir. Parlons donc de l’école. Je suis, par mon histoire personnelle, un pur produit de l’école publique. Deux fois fils de prof, je dois une bonne partie de ce que je suis à mes maîtres, à leur attention, à leur persévérance et à leur capacité à m’inspirer.

Nous connaissons tous le dévouement des enseignants, la passion qui les anime et le rôle qu’ils jouent pour nos enfants. Et pourtant, toutes les études le démontrent, nous formons très bien les très bons, mais nous creusons les inégalités et le niveau moyen de nos élèves n’est pas à la mesure de notre grand pays. Notre système laisse sortir chaque année encore près de 100 000 jeunes sans qualification. Nous dépensons bien moins que nos voisins dans le primaire, où pourtant tout se joue. Nous dépensons bien plus que les autres pays pour le lycée, notamment parce que notre système est rigide et conçu autour du baccalauréat, mais nous conduisons 60 % – 60 %, mesdames et messieurs les députés ! – de bacheliers à l’échec en licence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM. – Murmures et exclamations sur divers bancs.)

M. Daniel Fasquelle. Trouvez-vous que ce n’est pas assez ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Enfin, scandale absolu, des bacheliers, y compris parmi les plus méritants, se retrouvent exclus par tirage au sort des filières universitaires qu’ils ont choisies. Où est l’égalité ? Où est le mérite ? Où est la République ? Nous ne pouvons plus l’accepter.

Je ne reviendrai pas sur les mesures déjà annoncées par le ministre de l’éducation nationale pour l’école et le collège. Elles se concentrent sur l’acquisition des savoirs fondamentaux, le soutien aux élèves et l’autonomie des établissements. Elles seront en vigueur dès la rentrée prochaine.

Quant au baccalauréat, nous le ferons profondément évoluer. Une concertation sera lancée dès la rentrée prochaine pour resserrer les épreuves finales autour d’un petit nombre de matières et définir ce qui relèvera du contrôle continu. Nous aboutirons avant septembre 2018, pour une mise en œuvre complète de cette réforme pour le bac 2021. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs du groupe LC.)

Notre ambition est forte aussi pour la filière professionnelle. Le lien entre le lycée professionnel et le monde de l’entreprise, par l’alternance ou par l’apprentissage, doit être resserré. Le lycée professionnel doit aussi être mieux intégré aux filières post-bac courtes que sont les brevets de technicien supérieur – BTS – et les licences professionnelles. Des diplômes de qualification à bac+1 pourront également être proposés après le baccalauréat professionnel.

Nos grandes universités doivent également continuer à se transformer. Avec l’appui des organismes de recherche, elles doivent continuer à gagner en autonomie, travailler en réseau et se rapprocher du monde économique. C’est dans leurs laboratoires que se construisent l’intelligence collective et la croissance économique de demain. Les efforts d’investissement ne seront pas relâchés. Nous avons besoin d’universités fortes où formation, recherche et innovation irriguent notre culture et notre économie.

Nos universités vont connaître un choc démographique dont nous devons tous nous réjouir, mais qui n’est pas neutre. Chaque année, ce sont 40 000 étudiants supplémentaires qu’il nous faudra accueillir. Nous n’avons pas le droit d’orienter des générations entières dans des formations inadaptées et sans débouchés. Il est temps d’offrir à nos lycéens des contrats de réussite étudiante qui leur indiquent les prérequis pour réussir dans la filière visée. Nous le ferons dès la rentrée 2018. Il faut aussi garantir un réel droit au retour à l’université tout au long de la carrière pour compléter et valider en milieu académique les acquis de l’expérience. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LC.)

Notre jeunesse a soif de causes. On n’y répondra pas par des taux de croissance ou par des procédures. La jeunesse veut s’élever. Au siècle dernier, elle a eu trop d’occasions de verser son sang. Le front est aujourd’hui social, environnemental et mondial. Il appelle la mobilisation de la jeunesse non pour combattre mais pour construire, partager, déverser le fruit de ses connaissances et de son enthousiasme. C’est aussi pour préparer nos enfants à ce monde qui vient, à cette France que nous voulons grande et belle, juste et forte, que le Gouvernement mettra en place un nouveau service national, conformément aux engagements du Président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.) La réflexion sur les formes que prendra ce service sera conduite avant la fin de l’année 2017.

Le courage, c’est aussi de rénover enfin notre modèle social. Nous sommes, dans notre pays, fortement et légitimement attachés à l’égalité – égalité devant la loi, égalité des droits. Pourtant, nous sentons bien aujourd’hui que cette égalité est malmenée. Le code du travail est le même pour tous, mais le niveau de protection n’est pas le même dans les grands groupes, dans les PME ou pour celui qui accumule des CDD.

Nous savons aussi qu’à notre époque, chacun aspire à plus de liberté : liberté de choisir sa carrière professionnelle, de changer de métier, de créer, d’entreprendre, de concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Les catégories traditionnelles qui ont structuré notre vie sociale s’effritent – la frontière entre salariat et travail indépendant, le rôle de la loi et du contrat, la répartition de la valeur. Tout cela est profondément bouleversé par l’impact conjugué de la mondialisation et de la révolution numérique.

Voilà pourquoi nous voulons rénover notre modèle social : pour qu’il crée des protections véritablement efficaces, au lieu de les garantir seulement sur le papier (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM) ; pour qu’il accompagne celui qui veut prendre un risque, au lieu de viser seulement celui qui est déjà installé.

Dès le 6 juin, j’ai défini avec la ministre du travail et nous avons partagé avec les partenaires sociaux la feuille de route de cette rénovation sociale. Elle tient en quatre points : renforcer le dialogue social dans l’entreprise et dans les branches, redonner du pouvoir d’achat aux actifs, sécuriser les parcours professionnels et rendre notre système de retraites plus juste et plus lisible.

Nous voulons avancer vite, car l’urgence sociale est forte, mais nous avançons sans précipitation. Nous sommes encore dans le temps de la concertation avec les partenaires sociaux. Cette semaine commencera le temps du débat parlementaire, avec l’examen du projet de loi d’habilitation pour le renforcement du dialogue social. À la fin de l’été viendra le temps de la décision, lorsque les ordonnances seront publiées.(« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.)

Dès octobre, nous engagerons les chantiers du renforcement de la formation professionnelle, de l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants et de la refonte de l’apprentissage. Nous aurons, là aussi, de vraies discussions avec les partenaires sociaux et nous présenterons un projet de loi et un plan d’action au printemps 2018. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

Nous appliquerons la même méthode à la rénovation de notre système de retraites pour le rendre plus juste et plus transparent, afin qu’un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous. Nous prendrons le temps du diagnostic, de la concertation et de la négociation et nous fixerons le cadre de la réforme fin 2018.

Entre-temps, nous aurons rendu du pouvoir d’achat aux salariés : la suppression des cotisations salariales sur l’assurance maladie et l’assurance chômage, financée par un transfert sur la CSG (Exclamations sur les bancs du groupe LR), redonnera dès 2018 du pouvoir d’achat à plus de 20 millions d’actifs. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

Cela représente, mesdames et messieurs, 250 euros par an au niveau du SMIC. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Un député du groupe LR. Autrement dit, la hausse des impôts commence aujourd’hui !

M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence, je vous prie.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous augmenterons aussi la prime d’activité, car le message aux Français est clair : le travail doit payer. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et quelques bancs du groupe LC.)

Le courage, enfin, c’est de faire face à la vérité sur notre situation financière. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.)

Un député du groupe LR. Vous la connaissiez !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Dès ma prise de fonction, j’ai voulu disposer d’une vision nette de la situation de nos comptes publics.

Un député du groupe LR. Il fallait demander à M. Macron, l’ancien ministre de l’économie !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Le constat est grave : 8 milliards d’euros de dépenses non financées. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.) Notre dette atteint un niveau insupportable : 2 147 milliards d’euros. Chaque année, la France dépense 42 milliards d’euros pour rembourser ses intérêts.

Un député du groupe LR. Il fallait venir à l’Assemblée, vous l’auriez su !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Quarante-deux milliards, c’est plus que l’intégralité du budget que nous consacrons à notre défense nationale. C’est cinq fois le budget de la justice.

Un député du groupe LR. Vous découvrez l’Amérique !

M. le président. Mes chers collègues, seul le Premier ministre a la parole.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Même si cela ne semble poser de problème à personne, cette dette nous met à la merci des marchés financiers, dont les fluctuations décident de plus en plus de notre avenir. Si une nouvelle crise survenait, nous n’aurions plus de marge de manœuvre. Si les taux d’intérêt augmentaient d’un point, et ils augmenteront un jour, c’est l’équivalent du budget de l’enseignement supérieur qui partirait en fumée. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)

M. André Chassaigne. Et l’évasion fiscale ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Et pourtant, nous continuons à dépenser plus que nos recettes. Je n’aime pas raisonner en pourcentage du PIB – 2,8 %, 3,2 %… nous avons anesthésié nos compatriotes à force de parler comme des comptables. Mais la vérité, c’est que lorsque nos voisins allemands prélèvent 100 euros en impôts et en dépensent 98, nous en prélevons 117 et en dépensons 125. Qui peut penser que cette situation est durable ? (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.– Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Mesdames et messieurs, sous le regard inquiet des Français, nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort. Certains continuent pourtant à nier l’évidence. « Combien de fois un homme peut-il tourner la tête en prétendant qu’il ne voit pas ? », aurait pu demander le prix Nobel de littérature 2017…

Un député du groupe LR. Vous allez attraper un torticolis !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Il existe une addiction française à la dépense publique. Comme toute addiction, elle ne règle rien du problème qu’elle est censée soulager et, comme toute addiction, il faudra de la volonté et du courage pour s’en désintoxiquer. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

Mesdames et messieurs les députés, les Français ne croient pas aux solutions simplistes, qu’il s’agisse de la sortie de l’euro ou de l’annulation de la dette. Ils voient bien que tous nos partenaires européens ont fait l’effort de réduire leurs dépenses après la crise financière. Tous, sauf nous. Ils savent qu’il est indigne de demander à leurs enfants de rembourser demain ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se payer aujourd’hui. (Mêmes mouvements.)



Mon objectif est de ramener le déficit sous la barre des 3 % dès 2017 et de conduire notre stratégie de finances publiques autour de trois règles simples : faire baisser la pression fiscale d’un point de PIB sur cinq ans, faire baisser la dépense publique de trois points de PIB sur la même période et agir en donnant de la visibilité aux acteurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.)

Je veux d’abord rassurer nos concitoyens : les contribuables ne seront pas la variable d’ajustement du budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Au contraire, les prélèvements obligatoires baisseront de 20 milliards d’euros d’ici 2022. La France ne peut demeurer championne à la fois de la dépense publique et des impôts.

Pour ce qui est de la dépense publique, l’objectif du Gouvernement est ambitieux : faire en sorte qu’elle soit stable, hors inflation, en 2018 par rapport à 2017. Stable, c’est-à-dire qu’on ne dépensera pas plus en 18 qu’en 17.

Plusieurs députés du groupe LR. En disette ? (Sourires.)

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Tous les autres États l’ont fait depuis longtemps, et ont même parfois réduit leurs dépenses. Mais cela n’a été fait qu’une seule fois en France – et encore s’agissait-il de supprimer les mécanismes conjoncturels de soutien institués pendant la crise.

Disons la vérité aux Français : pour atteindre ces objectifs en termes de dépense publique, il faudra agir sur trois leviers. D’abord, il faudra stopper l’inflation de la masse salariale du secteur public (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI), qui représente le quart de nos dépenses publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)

Ensuite, si nous voulons financer nos priorités et ne pas continuer à paupériser l’État, nous devrons choisir et remettre en cause certaines missions :…

Un député du groupe GDR. Arrêter les guerres !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …faire bien ce que nous devons faire et arrêter de faire ce que d’autres font mieux que nous. Aucun ministère, aucun opérateur, aucune niche fiscale ne sera sanctuarisé. Partout, nous chasserons la dépense inefficace et le saupoudrage de crédits.

Enfin, il faudra repenser les politiques publiques qui pèsent sur nos actifs sans produire assez de résultats. Nous dépensons deux fois plus que nos voisins européens dans l’aide au logement et les Français éprouvent toujours autant de difficultés à se loger. Cet écart entre le niveau de dépenses et la faiblesse des résultats, les Français le constatent également dans la politique de l’emploi et de la formation professionnelle.

Mesdames et messieurs, la France est dans les cordes et aucune esquive ne nous sauvera. J’ai conscience d’appeler à l’effort et au courage. Pour être entendu, il faudra agir de manière juste, transparente et dans la durée, en donnant de la visibilité aux gestionnaires publics et aux Français.

Dès cette semaine, le ministre de l’action et des comptes publics réunira l’ensemble des administrations publiques pour dessiner une trajectoire et une méthode globale de redressement financier. La conférence des territoires permettra, pour sa part, d’approfondir la concertation avec les collectivités territoriales.

Dès la rentrée, le Gouvernement présentera à la fois le budget pour 2018 et une loi de programmation des finances publiques qui portera sur toute la durée du quinquennat. Cette trajectoire devra remettre la Sécurité sociale à l’équilibre à l’horizon 2020. Nous devrons, d’ici là, définir de nouvelles règles permettant de proscrire dans la durée le déficit de nos comptes sociaux.

Enfin, nous devrons préserver les équilibres de notre système de retraites, tout en le rendant plus juste et plus lisible. Les nouvelles prévisions du Conseil d’orientation des retraites nous y invitent avec insistance, puisqu’elles indiquent que le retour à l’équilibre, un temps prévu pour 2025, ne pourrait finalement intervenir qu’en 2040. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)

Pour atteindre ces objectifs, nous devons engager une véritable transformation de l’État et de nos services publics. Elle sera progressivement déclinée par ministère, en plusieurs vagues, d’ici le printemps 2018, en associant les usagers, les agents et évidemment les parlementaires.

Bien entendu, nous « mettrons le paquet » sur la transformation numérique. Fixons-nous un objectif simple : disposer de services publics numériques de même qualité que ceux du secteur marchand. Pour ce faire, nous mettrons en place une plate-forme numérique et demanderons à chaque administration d’y loger ses applications. Un « compte citoyen en ligne » sera le nouveau lien entre les Français et leurs administrations. Certains diront que c’est trop compliqué, vtrop ambitieux, mais l’Estonie, où je me trouvais la semaine dernière avec certains des membres du Gouvernement, l’a fait et il ne me semble pas que les Estoniens soient beaucoup plus agiles que nous ou que nous soyons beaucoup moins adroits qu’eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

Cette transformation de l’action passera aussi par une confiance accrue accordée aux fonctionnaires et une modernisation de leur cadre d’action. Je veux leur dire ma fierté de les diriger, mon respect et ma reconnaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM ry quelques bancs des groupes MODEM et LC.)

Restaurer la confiance, prendre courageusement les décisions que la situation impose, tout cela est nécessaire pour retrouver l’esprit de conquête auquel nous appelle le Président de la République.

La France, mesdames et messieurs les députés, doit être à nouveau conquérante. Dans le domaine économique, d’abord. Depuis trop d’années en effet, nous nous résignons à ce que la France tourne au ralenti. Nous nous résignons au chômage de masse. Notre économie ne produit pas assez de revenus, ne crée pas assez d’emplois et ne donne pas assez de chances à nos enfants.

Au cours des années 2000, nous étions le premier pays d’accueil des investissements étrangers en Europe continentale. Depuis 2010, nous sommes derrière l’Allemagne. En termes d’exportations, nous sommes le seul des grands pays de la zone euro dont le commerce extérieur présente une balance déficitaire en 2016, alors qu’elle était bénéficiaire jusqu’au début des années 2000. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe LR.) Surtout, l’économie française croît désormais structurellement moins vite que la moyenne de la zone euro. (« Eh oui ! » sur les mêmes bancs.)

Cela n’est pas acceptable. Avec les réformes que nous vous proposons, nous voulons redevenir les premiers en termes d’attractivité, de croissance et de création d’emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et plusieurs bancs des groupes MODEM et LC.)

Une économie attractive, c’est une économie où les charges ne viennent pas freiner le dynamisme de ceux qui créent de la richesse. (« Oh ! » sur les bancs du groupe FI.)

M. André Chassaigne. Et les paradis fiscaux ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Les entreprises doivent retrouver l’envie de s’installer et de se développer sur notre sol plutôt qu’ailleurs. J’annoncerai dans les tout prochains jours, avec la maire de Paris et la présidente de la région Île-de-France, des mesures fortes pour améliorer l’attractivité de la place de Paris.

Pour favoriser l’embauche, nous baisserons le coût des charges qui pèsent sur le travail, en particulier pour les salaires proches du SMIC. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et plusieurs bancs du groupe MODEM.) Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – sera transformé en allégement de charges, lesquelles seront nulles au niveau du SMIC. Cette réforme entrera en vigueur au 1er janvier 2019. (Mêmes mouvements.)

M. Éric Straumann. Très bien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Le taux de l’impôt sur les sociétés sera réduit par étapes de 33,3 % aujourd’hui à 25 % en 2022. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.) Il convergera ainsi vers la moyenne européenne. La loi de finances pour 2018 précisera sa trajectoire de baisse, afin précisément de donner de la visibilité aux entreprises.

Nous voulons aussi alléger les contraintes qui pèsent sur nos entrepreneurs, en particulier sur les indépendants et les TPE et PME. Des mesures de simplification réglementaire seront prises et nous engagerons en 2018 la suppression du régime social des indépendants, que nous adosserons au régime général. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et quelques bancs du groupe LC.)

Une économie conquérante, c’est également une économie qui investit dans l’avenir. Il faut donc réorienter l’épargne des Français vers l’investissement productif. L’impôt de solidarité sur la fortune sera resserré autour du seul patrimoine immobilier, afin d’encourager l’investissement dans la croissance des entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.) La réforme sera votée dès cette année dans la loi de finances pour 2018 et entrera en vigueur en 2019.

La réforme de la fiscalité du patrimoine sera complétée par la mise en place d’un taux de prélèvement unique d’environ 30 % sur les revenus de l’épargne. C’est simple, efficace et compétitif. La France se rapprochera ainsi de la moyenne européenne.

Au bout du compte, mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, l’ensemble de ces mesures fiscales seront votées dès cette année et engagées dans les deux années qui viennent.

Une fiscalité au service de l’activité, c’est important, mais investir dans les secteurs d’avenir est encore plus décisif. C’est pourquoi nous lancerons un grand plan d’investissement de 50 milliards d’euros dans les domaines de la transition écologique, du développement des compétences, de la santé, des transports, de l’agriculture et de la modernisation de l’État. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.)

J’ai missionné M. Pisani-Ferry pour le concevoir et préparer son déploiement. Une partie de cet investissement viendra financer des réformes structurelles de notre économie et de la sphère publique. On économise durablement d’un côté, on investit dans l’avenir de l’autre.

Investir dans l’avenir, c’est aussi soutenir notre industrie. Je n’ai jamais été impressionné par ceux qui rêvaient d’une industrie sans usine, et jamais convaincu par ceux qui envisageaient une France sans industrie.

Un député du groupe LR. Et un Président sans Premier ministre ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Mais la réalité est sombre : derrière les succès réels de certains, la désindustrialisation de notre tissu productif s’accélère. Pour redresser la tête et redevenir conquérants, nous devons nous renforcer. Certaines de nos filières, comme l’aéronautique, sont déjà remarquablement intégrées et à la pointe de la technologie, mais nous avons beaucoup d’entreprises industrielles, souvent de trop petites tailles, souvent trop isolées des groupes qui leur permettraient de s’épanouir. Nous devons donc tisser un réseau industriel puissant de PME et d’ETI et accompagner son développement à l’export.

Il nous reviendra aussi de tirer le plus grand parti possible des opportunités ouvertes par la révolution numérique, qui doit être une chance pour tous : pour les entrepreneurs qui créent des start-up, bien sûr, mais aussi pour les TPE-PME ; pour ceux qui sont nés avec la révolution digitale comme pour ceux qui en sont éloignés.

La révolution de l’intelligence artificielle est devant nous ; elle est en vérité déjà là. Elle nous touchera tous, dans tous les domaines de la production. Ceux qui font mine de l’ignorer seront les premiers saisis par sa puissance. Nous devons nous y préparer, pour en faire une chance disruptive et non la subir comme une fatalité destructive. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.) Le secrétaire d’État au numérique me proposera dans les trois mois une méthode permettant d’associer les meilleurs spécialistes de ce domaine à la définition d’une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

Renouer avec l’esprit de conquête, c’est aussi embrasser avec enthousiasme l’incroyable défi que posent les grandes transitions du monde, au premier rang desquelles la transition écologique. Ceux qui, par égoïsme ou inconscience, tournent le dos à l’Accord de Paris sur le climat, manifestent plus qu’une simple incompréhension du monde. Ils montrent qu’au fond ils ont peur du futur.

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous l’avez invité pour le 14 juillet !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. L’autruche est sans doute un animal sympathique, mesdames et messieurs les députés, mais mettre sa tête dans le sable n’a jamais préparé personne à affronter l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et quelques les bancs du groupe LC.)

Il nous revient donc de préparer notre pays et notre planète à cette nouvelle ère ; de ne pas la subir, mais de la façonner. Tout a été écrit sur le sujet, depuis les remarquables livres de Jared Diamond jusqu’aux témoignages saisissants de ceux qui parcourent inlassablement la planète pour éveiller les consciences. Notre rapport aux ressources doit être profondément modifié. Notre cap sera simple à formuler, mais ambitieux et exigeant : nous voulons arriver à la neutralité carbone d’ici 2050.

Mme Delphine Batho. C’est déjà dans la loi !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. C’est pourquoi nous n’attribuerons plus de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et quelques bancs du groupe LC.)

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. La convergence diesel essence sera atteinte avant la fin de la mandature. (Mêmes mouvements.)

Mme Delphine Batho. C’est déjà prévu !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. La montée en puissance de la fiscalité carbone sera accélérée. (Mêmes mouvements.) Nous diviserons par deux les déchets mis en décharge et recyclerons 100 % des plastiques sur tout le territoire d’ici 2025. (Mêmes mouvements.)

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous partirons du principe simple qu’il est toujours préférable de taxer la pollution plutôt que le travail et qu’avant de sanctionner et d’interdire, il vaut mieux encourager et adapter. (Mêmes mouvements.)

Le temps des très grandes infrastructures de transport doit céder la place à des politiques tournées vers des nouveaux modes de mobilité associant les nouvelles technologies, le secteur public comme le secteur privé, les micro-entreprises comme les champions nationaux.

Les assises de la mobilité associeront, dès la rentrée, les usagers, les opérateurs, les collectivités, les ONG, pour orienter les investissements en faveur des déplacements quotidiens, plus sûrs, qui désenclavent les territoires. La loi d’orientation sur la mobilité préparera également l’ouverture à la concurrence que nous ne devons pas redouter, ni en France, ni à l’étranger. Nos opérateurs nationaux de transport sont déjà des champions à l’international.

Autre domaine où une transition profonde s’impose : le logement. Pour construire de nouveaux logements, une loi à l’automne simplifiera les procédures, en particulier dans les bassins d’emplois les plus dynamiques. Les procédures de permis de construire seront accélérées, les recours abusifs sanctionnés.

M. Éric Straumann. Bravo ! Très bien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Au besoin, et notamment dans les zones tendues, les autorisations d’urbanisme seront transférées des communes aux intercommunalités, pour que les décisions de construire soient prises à l’échelle des bassins de vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.– Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Dans les dix ans, nous nous fixons aussi pour objectif de supprimer les passoires thermiques, principales sources de gaspillage énergétique, qui grèvent les budgets des ménages les plus modestes.

Être conquérant face aux transformations du monde, voilà bien enfin un principe qui s’applique à l’agriculture. La France a longtemps été son agriculture. Par la puissance de sa production, par sa marque sur notre géographie, par l’importance qu’elle occupe dans notre imaginaire et dans notre vie, l’agriculture française a fait bien plus que nourrir – et très bien nourrir – les Français. Elle est aujourd’hui confrontée à de multiples transformations : la pression sur le foncier agricole, la répartition insatisfaisante de la valeur entre producteurs et distributeurs, la concurrence étrangère, la multiplication des normes, la nécessité de préserver l’environnement, la demande croissante de consommateurs pour des productions nouvelles et de qualité.

Les agriculteurs français n’ont pas peur de s’adapter. Ils veulent vivre de leur travail, de leur terre et de leurs compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et quelques bancs des groupes MODEM et LC.)

Les états généraux de l’alimentation reverront le partage de la valeur dans le modèle agricole : il n’est pas admissible que des agriculteurs ne puissent se verser un revenu décent et vivent sous le seuil de pauvreté. Ce n’est pas admissible, mais c’est courant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.)

Ce doit être aussi notre combat pour la politique agricole commune de demain. Ces états généraux devront conforter notre confiance en une alimentation plus saine, penser et construire nos modèles futurs, notamment en examinant, sans faux-semblants, la question des pesticides ou des perturbateurs endocriniens.

Enfin, vous permettrez à l’ancien maire du Havre que je suis de rappeler que la France conquérante, celle que voulait François Ier au début de la Renaissance française, était tournée vers la mer. La France conquérante, ce doit être une France qui prend appui sur sa puissance maritime pour créer de nouveaux emplois, notamment dans les filières des énergies marines, et pour capter toujours plus de marchandises grâce à ses grands ports. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LC.)

Une France conquérante, c’est enfin une France écoutée, respectée et désirée. Je l’ai dit il y a quelques semaines : la France est de retour, et singulièrement en Europe. Nous le devons au Président de la République et nous le devons aux Français,…

M. Christian Jacob. Attendez un peu !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …qui ont adressé deux messages lors des élections : ils sont attachés à la construction européenne et à l’euro ; et ils veulent une Europe plus concrète, moins tatillonne et plus protectrice. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et plusieurs bancs du groupe LC.)

L’agenda européen de l’actuel gouvernement tient en trois idées. D’abord, tout faire pour réconcilier les Français avec l’Union européenne. Ensuite, œuvrer pour une Europe qui protège, une Europe qui pourra s’appuyer sur une zone euro mieux gouvernée, qui saura faire progresser sa politique de défense, la convergence sociale – et notamment la réglementation des travailleurs détachés – et une politique commerciale de réciprocité, sans naïveté. Enfin, préparer les trois négociations cruciales pour l’avenir de l’Union : la redéfinition de notre projet à vingt-sept, avec l’Allemagne et avec ceux de nos partenaires qui voudront aller de l’avant ; la négociation ordonnée de la sortie du Royaume-Uni comme préalable au cadre de la relation future ; les perspectives financières pour l’avenir des politiques de l’Union après 2020.

Enfin le Président de la République a rappelé hier que nous ne concevons pas le redressement de notre pays sans une politique internationale qui rende à la France son statut de puissance d’influence mondiale.

L’esprit de conquête, c’est aussi être capable d’attirer à nous l’intelligence de demain, en accueillant toujours plus d’étudiants du monde entier pour enrichir et diffuser nos techniques, notre langue, notre identité. C’est attirer toujours plus de richesses grâce à notre offre touristique, qui constitue un atout économique majeur. C’est montrer au monde qui nous sommes, en organisant les grands événements pendant lesquels la planète nous regardera. La candidature de Paris aux Jeux olympiques 2024 a mobilisé la France entière autour du sport et de ses valeurs. L’accueil de ces JO offrira, je l’espère, une chance unique de renforcer la place de Paris et la place de la France au premier rang mondial. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

Soyons conquérants ! L’évolution du monde donne toutes ses chances à la France, parce que ce nouveau monde a besoin de science et de raison, d’ordre et de loi, de technologies et de culture, de dialogue et de solidarité. Et la France, c’est tout cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et quelques bancs des groupes MODEM et LC.)

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne crois pas à l’omnipotence du politique, mais je ne crois certainement pas non plus à son impuissance. Je vous l’ai dit au début de mon propos, et votre assemblée en est la preuve par sa composition : les bonnes politiques publiques permettent de changer la vie des Français. C’est long, c’est lent, c’est difficile mais, pour reprendre les mots de Simone Veil, j’ai confiance dans notre capacité à progresser.

Je sais ce que peut la volonté politique quand elle a le soutien de la représentation nationale et de la majorité du peuple français. J’ai cette volonté. L’ensemble de l’équipe gouvernementale la partage. Elle travaille avec une méthode, celle de l’efficacité, du dialogue et de la collégialité. Cette méthode de travail, le Gouvernement la propose aux législateurs que vous êtes, en y ajoutant le respect et l’exigence de vérité. J’ai siégé sur ces bancs, je l’ai dit, et je suis trop attaché au rôle et aux prérogatives du Parlement pour qu’il en aille autrement.

Un député du groupe LR. Le recours aux ordonnances, ce n’est pas très respectueux !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Œuvrons ensemble pour qu’à la fin de ce quinquennat, la France ait atteint le cap fixé par le Président de la République et qu’elle ne regrette pas d’avoir choisi l’optimisme et la confiance.

Travaillons pour que le chômage reflue, que les territoires ruraux continuent à vivre, que les quartiers libèrent leurs énergies, notamment grâce au dispositif des emplois francs, que les expatriés reviennent, que les entrepreneurs innovent, investissent et créent des emplois. Travaillons pour que le mérite soit récompensé. Travaillons pour que nos compatriotes vivent mieux.

Aucun des défis de la modernité ne doit nous effrayer. L’espoir qui s’est levé fonde notre responsabilité. C’est à cet espoir, mesdames et messieurs les députés, que je vous demande d’accorder votre confiance. Et c’est la raison pour laquelle, monsieur le président, conformément aux dispositions de l’article 49-1 de notre Constitution, j’ai l’honneur d’engager la responsabilité du Gouvernement sur la présente déclaration de politique générale. (Mmes et MM. les députés des groupes REM et MODEM se lèvent et applaudissent longuement.– Applaudissements sur les bancs du groupe LC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Levez-vous, les Constructifs !


Source : assemblee-nationale.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170704-discours-edouard-philippe.html
 

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3 juillet 2017 1 03 /07 /juillet /2017 05:16

Le "professeur" Migaud a donné un blâme à la gestion Hollande : « Ce n’est pas la première fois que la Cour des Comptes ou son Premier Président observent des éléments d’insincérité dans la construction des prévisions de finances publiques. Elle l’a fait à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de ses rapports sur l’exécution du budget de l’État. » (Didier Migaud, 29 juin 2017).


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Peu de temps après son arrivée à Matignon, le Premier Ministre Édouard Philippe a commandé le 22 mai 2017 à la Cour des Comptes un audit des finances publiques. Cela devient presque rituel, lors de l’installation d’un nouveau quinquennat, de faire le bilan comptable du précédent et connaître les marges de manœuvre budgétaires et fiscales. Néanmoins, il aurait sans doute été rigoureusement pertinent qu’un tel audit-bilan fût réalisé avant l’élection présidentielle, et pas après, et que les candidats puissent le prendre en compte dans leurs (parfois folles) promesses.

Le Premier Président de la Cour des Comptes, le socialiste Didier Migaud, est donc venu remettre le rapport de cet audit au Premier Ministre Édouard Philippe à Matignon le jeudi 29 juin 2017 à 14 heures (on peut télécharger le rapport ici). Et tout ce qu’on pourrait dire, c’est que la situation n’est pas très optimiste.

Les gouvernements précédents ont quasiment maquillé les comptes publics pour les embellir, et ce n’est pas étonnant puisque le ministre en charge de ce maquillage, le très hollandiste Michel Sapin (qui n’a même pas osé demander le quitus aux électeurs de sa circonscription en juin) est un homme habile et intelligent qui n’a jamais cessé d’utiliser ses compétences au service de sa mauvaise foi politicienne.

Il y a d’ailleurs un côté quasi-masochiste à vouloir faire un bilan négatif des finances publiques alors que le Président de la République Emmanuel Macron a été Ministre de l’Économie et des Finances pendant deux ans, d’août 2014 à août 2016, et que la situation financière de la France en juin 2017 est donc en grande partie la conséquence de son action. C’est l’actuel Ministre de l’Action et des Comptes publics, l’ancien député LR Gérald Darmanin, qui a fait la défense de son nouveau patron, sur deux points : d’une part, Emmanuel Macron a démissionné en août 2016 ; d’autre part, il n’était pas en charge du Budget et de la politique fiscale dont le responsable était Michel Sapin.

Parmi les éléments marquants de l’audit, on peut retenir trois enseignements.


1. La France est à la remorque de ses partenaires européens.

Si le déficit public français décroît depuis quelques années, cela se fait à un rythme très lent et beaucoup plus lent que dans les autres pays européens. Il était de 3,4% du PIB  fin 2016 et il est à prévoir qu’il sera de 3,2% du PIB fin 2017 si aucune mesure de redressement n’est prise, loin des 2,7% affichés dans la loi de finances pour 2017.

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L’un des éléments clefs de ce déficit public reste les dépenses publiques : en France, elles ont continué à croître nettement plus que chez nos partenaires européens. Cela fait que le déficit français est parmi les plus élevés des pays européens. La France est une mauvaise élève, mais qui pouvait en douter après la Présidence de François Hollande ? Cet audit d’ailleurs doit encourager a posteriori la décision du groupe socialiste à voter contre la confiance du gouvernement (restons-en aux vieilles méthodes d’opposition systématique).


2. Le montant de la dette publique est cataclysmique.

En raison de la lenteur de la réduction du déficit et de la progression trop forte des dépenses publiques, la dette publique continue à progresser, à 96,3% du PIB fin 2016. Didier Migaud a été sans ambiguïté : « En définitive, la situation des finances publiques françaises est loin d’être assainie, en dépit des progrès réalisés. Elles continuent de présenter des facteurs de vulnérabilité importants, qui ne peuvent manquer d’interpeller les pouvoirs publics. ».

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Alors que la dette publique est loin d’être stabilisée, même sa stabilisation laisse un gros facteur de risque pour les années à venir. Il faut impérativement la réduire ! Car la menace vient de ceci : la France a bénéficié, ces dernières années, de taux d’intérêt historiquement bas, au point que la charge de la dette a parfois été inférieure à précédemment malgré une dette supérieure. Or, tout montre que les taux vont remonter.

Le rapport de l’audit de la Cour des Comptes est assez clair à ce sujet : « En tout état de cause, l’écart entre les dettes publiques rapportées au PIB de la France et de l’Allemagne devrait continuer à se creuser entre 2017 et 2020. Dans un contexte de remontée générale des taux d’intérêt (…), l’accentuation de l’écart entre ma dette publique française et la dette publique allemande rapportées au PB pourrait entraîner un creusement de la prime de risque avec l’Allemagne. Il en résulterait alors une augmentation plus forte des taux d’intérêt français que celle justifiée par la seule remontée générale de l’inflation et le retour à une conjoncture normale en zone euro. ».

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Et le rapport de donner la mesure de la menace : « À titre d’illustration, une augmentation de 100 points de base de l’ensemble des taux d’intérêt à partir de 2018 conduirait à accroître de près de 0,2 points de PIB cette année-là la charge de la dette de l’ensemble des administrations publiques, cet impact montant progressivement en charge pour atteindre près de 0,3 point de PIB en 219, et se poursuivrait les années ultérieures jusqu’à ce que l’ensemble du stock de dette ait été renouvelé aux nouvelles conditions. ». Il faut considérer que 0,1% du PIB correspond à environ 2 milliards d’euros en 2017.

Le candidat François Fillon avait axé son projet présidentiel sur cette grande menace d’une charge de la dette en grande augmentation en cas de hausse des taux d’intérêt et de la nécessité de réduire drastiquement cette dette publique. Des taux élevés mettraient en cause l’indépendance de la France et sa souveraineté budgétaire. Loin de priver la France de sa souveraineté, les règles budgétaires strictes réclamées par l’Union Européenne (et votées notamment par la France) placent au contraire le pays dans le cadre de plus grande indépendance financière vis-à-vis de ses créanciers étrangers en réduisant les besoins de financement extérieur.


3. L’insincérité des comptes publics est une accusation grave.

La Cour des Comptes porte une accusation claire et grave contre la gestion des gouvernements précédents qui ont cherché à maquiller la réalité des finances publiques.

Didier Migaud a constaté ainsi : « Le rapport que nous présentons aujourd’hui met en effet en évidence les biais de construction que présentent ces textes et qui affectent la sincérité des prévisions. (…) En 2017, [l’écart] résulte quasi-exclusivement de sous-estimations des dépenses de l’État, qui se sont traduites par des sous-budgétisations importantes dès l’adoption de la loi de finances initiale, à un niveau supérieur à ce qui avait déjà été critiqué par la Cour dans ses rapports récents sur l’exécution de l’État. » et il a ajouté : « L’écart provient également, mais dans une moindre mesure, de reports de charges de l’année 2016 vers l’année 2017, d’aléas intervenus début 2017 et de mesures nouvelles annoncées depuis le vote de la loi de finances. ».

Les "mesures nouvelles" étaient des mesures électoralistes en vue de l’élection présidentielle pour aider le supposé candidat François Hollande qui, finalement, a renoncé à se présenter, ou alors le supposé candidat Manuel Valls qui a été rejeté lors de la primaire PS.

Le mot de Didier Migaud est très fort : "affectent la sincérité des prévisions", cela signifie que les pouvoirs publics précédents ont volontairement sous-évalué les dépenses de l’État. Encore plus sévère, il a souligné que cette insincérité n’est pas nouvelle et qu’il l’a déjà dénoncée dans ses rapports précédents sur la gestion de ce quinquennat. Manque de sincérité en récidive : la clique Hollande aura vraiment tout fait pour le désastre annoncé.

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Concrètement, deux actes d’insincérité ont été répertoriés.

D’une part, les recettes ont été surévaluées de 2 milliards d’euros (notamment dans la régularisation des évadés fiscaux) : « Si une partie de cet écart entre les prévisions et la réalité peut s’expliquer par des données nouvelles intervenues en 2017, les trois quarts de la surévaluation ne reposent sur aucune justification technique. ». La phrase est là aussi très sévère sur la volonté délibérée de maquiller les comptes publics des gouvernements précédents.

D’autre part, les dépenses ont été sous-évaluées de 7,3 milliards d’euros (essentiellement dans l’agriculture, la défense, la solidarité et le travail) et il faut rajouter 2,3 milliards d’euros de recapitalisation de l’entreprise Areva. Cependant, certaines bonnes surprises devraient réduire les dépenses d’environ 2 à 3 milliards d’euros, ce qui fait que les dépenses de l’État pour 2017 seraient, selon l’audit, supérieures de 5,9 milliards d’euros aux prévisions affichées.

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La conclusion sonne comme un couperet : « Au total, bien qu’il reste encore des incertitudes à cette période de l’année, nos analyses révèlent que la cible de solde public pour 2017 apparaît, à politiques constantes, hors d’atteinte. ». La cible, précisons-le, n’a pas été définie par la Cour des Comptes mais par le gouvernement français dans la loi de finances initiale, qui était de 2,7% du PIB fin 2017.

Il y aurait alors un dérapage du déficit public de 0,4% du PIB par rapport au programme de stabilité (qui a été transmis à la Commission Européenne en avril 2017) et de 0,5% du PIB par rapport à la loi de finances initiale : « Cela signifie concrètement que la France tend à s’écarter significativement de sa trajectoire. Face à cette situation, l’adoption de mesures de redressement est indispensable dès le second semestre 2017. ».

Une solution est proposée pour 2017 : « À ce stade de l’année, [les mesures à prendre] ne peuvent passer que par un report ou une annulation de toutes les mesures d’accroissement des dépenses publiques annoncées mais non encore mises en œuvre. ».

Une telle mesure a pour but de revenir d’urgence à l’objectif initial, mais sur du moyen terme (2018-2020), Didier Migaud a préconisé plus de marge de manœuvre budgétaire : « D’une manière générale (…), la modernisation de la gestion va de pair avec la responsabilisation des gestionnaires, qui repose sur l’octroi de véritables marges de manœuvre en contrepartie d’objectifs contractualisés. Faire confiance aux managers publics est en effet une condition sine qua non de réformes profondes, structurelles, et donc courageuses. Ce principe était déjà au cœur de l’esprit de la loi organique relatives aux lois de finances de 2001, et je ne peux que regretter qu’il soit, pour ainsi dire, resté lettre morte. ». Didier Migaud était, avec le sénateur centriste Alain Lambert, le coauteur de cette loi dite LOLF (loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances) qui a révolutionné les finances publiques (régies par une ordonnance de 1959) en y introduisant une culture de la performance et de la responsabilité, et en augmentant les pouvoirs du parlement lors de la procédure budgétaire.

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Parmi les mesures préconisées par la Cour des Comptes pour rétablir l’équilibre budgétaire, on retrouve étrangement …le programme de François Fillon : non-remplacement d’un fonctionnaire à la retraite sur deux, gel du point d’indice et gel d’échelon, augmentation de 1% du temps de travail, rétablissement d’un jour de carence en cas d’absence, suppression des avantages salariaux non justifiés, etc.

Enfin, Didier Migaud a donné la méthode pour atteindre l’assainissement financier : « Trois conditions doivent impérativement être réunies pour que nous réussissions : un effort de pédagogie collective sur la dépense publique, l’établissement de textes financiers sincères et à la portée renforcée, une implication et une responsabilisation de tous les acteurs. ».

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En réaction à cet audit désastreux sur les finances publiques, le Premier Ministre Édouard Philippe n’a pas mâché ses mots : « Nous héritons donc d’un dérapage de plus de 8 milliards d’euros. C’est inacceptable. Je souhaiterais que les Français mesurent l’ampleur de ce dérapage. C’est comme si le gouvernement avait construit un budget en oubliant celui de la Justice. C’est presque trois fois le budget de la Culture. 8 milliards d’euros de promesses non financées. 8 milliards d’euros de chèques en bois. Ce constat sans appel vient s’ajouter à celui dressé par le Conseil d’orientation des retraites sur la situation dégradée de notre système de retraites qui nous était pourtant présenté comme équilibré. Tous ces artifices placent la France dans une situation de grande fragilité, y compris vis-à-vis de nos partenaires européens. ».

C’était évidemment une réaction facile et de bonne guerre, mais c’est peut-être aussi l’occasion d’une réelle prise de conscience au plus haut sommet de l’État. Édouard Philippe semble être le Premier Ministre qui affiche le plus de conviction à réduire vraiment le déficit public : « L’exercice de vérité mené par la Cour des Comptes va nous permettre de reconstruire un budget sérieux, crédible, sur des bases sincères. (…) Aujourd’hui, l’État dépense 20% de plus que ce qu’il perçoit. Ce qui ne serait admis d’aucune entreprise, ni d’aucun foyer, ni d’aucun autre État européen. (…) Notre dette publique a atteint un niveau record : 2 147 milliards d’euros, soit plus de 70 000 euros par personne qui travaille. (…) Nous n’avons pas le droit de faire cela à nos enfants. Il ne leur revient pas de payer cette note. Et ne nous y trompons pas, avec un tel niveau de dette, c’est aussi la souveraineté de notre pays qui est en jeu. ».

Le nouveau gouvernement entend ainsi rester sur un objectif de déficit public limité à 3% du PIB fin 2017, sans augmentation d’impôts, en prenant des mesures d’économies.

Les conclusions de cet audit mettent à mal les propos de François Hollande qui, avant de quitter l’Élysée, estimait qu’il avait assaini les finances publiques et qu’il avait laissé la France dans un meilleur état qu’en 2012. Il ne faudrait pas quérir l’avis de centaines de milliers de demandeurs d’emploi supplémentaires durant son quinquennat. La Cour des Comptes répond négativement en disant que les objectifs affichés sont de la foutaise et que les gouvernements sortants ont voulu juste donner une illusion de bonne gestion mais que celle-ci est loin d’avoir été saine et vertueuse avec 8 milliards d’euros non financés !

Je conviens bien que ce bilan apocalyptique des finances publiques arrive au bon moment pour le gouvernement : les cadeaux fiscaux ou salariaux seront remis à un peu plus tard pour réduire le déficit public.

Mais l’audit de la Cour des Comptes est un audit neutre et purement comptable (ni politique ni électoral). Il démontre que Nicolas Sarkozy a laissé la France en 2012 dans une situation financière nettement plus saine que François Hollande en 2017. Ce n’est pas un propos convenu ou partial, mais les conclusions des deux audits de la Cour des Comptes qui ont été menés par la même personne, Didier Migaud, dont on ne pourra pas évoquer une sorte d’antisocialisme puisque lui-même était député socialiste de Grenoble pendant de nombreuses années.

Le discours de politique générale d’Édouard Philippe devant les députés ce mardi 4 juillet 2017 apportera un début de réponse sur les mesures budgétaires concrètes que le gouvernement entend prendre pour reprendre le chemin de l’assainissement financier.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 juillet 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Document : rapport de l’audit de la Cour des Comptes du 29 juin 2017 (à télécharger).
Édouard Philippe.
Didier Migaud.
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Audit de la Cour des Comtes du quinquennat Sarkozy (2 juillet 2012).
Un désastreux état des finances publiques en 2016.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170629-deficit-public.html

http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/l-insincerite-des-comptes-publics-194686

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/07/03/35439411.html

 

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29 juin 2017 4 29 /06 /juin /2017 23:57

Le jeudi 29 juin 2017 à 14 heures à Matignon, le Premier Président de la Cour des Comptes Didier Migaud a remis au Premier Ministre Edouard Philippe l'audit de la Cour des Comptes montrant que le déficit public serait de 3,2% et pas de 2,8% en fin 2017, soit plus de 8 milliards d'euros non financés. Cliquer sur les liens pour télécharger le fichier .pdf.

Synthèse du rapport du 29 juin 2017 :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-06/synthese-RSPFP-20170629-_0.pdf

Rapport du 29 juin 2017 :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-06/20170629-RSPFP_0.pdf

Allocution de Didier Migaud :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-06/20170629-discours-RSPFP.pdf

Communiqué de presse de la Cour des Comptes :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-06/communique-RSPFP-20170629.pdf

Diaporama :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-06/diaporama-RSPFP-20170629.pdf

Allocution d'Edouard Philippe du 29 juin 2017 :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2017/06/29.06.2017_prise_de_parole_dedouard_philippe_premier_ministre.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170629-deficit-public.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170629-audit-cour-comptes.html


 

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24 mai 2017 3 24 /05 /mai /2017 20:29

« Le renouvellement de notre vie publique s'imposera à tous dès demain. La moralisation de notre vie publique, la reconnaissance du pluralisme seront dès le premier jour le socle de mon action. » (Emmanuel Macron, le dimanche 7 mai 2017 dans la cour du Louvre à Paris).



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Aïe ! On voulait changer les visages et changer les usages, et on s’aperçoit qu’on n’a que l’un des deux. Cela va devenir de plus en plus difficile si vous voulez être ministre. Vous serez passé dans une sorte de scanner pour voir tous les détails de votre vie antérieure, et avec un peu de malchance, un journaliste verra une incartade.

Je déteste le principe du lynchage médiatique. Qu’aurait-on dit si Jérôme Cahuzac s’était suicidé en avril 2013 ? Les médias, ou "l’opinion publique", c’est comme une fosse aux lions. Dès que l’on y jette un nom, il est déchiqueté avant même le début du travail des juges. François Fillon en a été une victime remarquable, ce qui a pourri sa campagne présidentielle, et la campagne présidentielle en général.

L’édition du mercredi 24 mai 2017 du "Canard Enchaîné" est sans pitié pour l’un des ministres les plus en vue du nouveau quinquennat. Richard Ferrand, Ministre de la Cohésion des Territoires (Aménagement du Territoire, Logement, Ville, etc.) n’est pas que cela. Il est aussi depuis 1er octobre 2016 le secrétaire général de La République En Marche (ex-En Marche) et à ce titre, le général en chef des armées du futur Président Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle victorieuse.

Le 19 mai 2017, il expliquait qu’il resterait pleinement le secrétaire général du parti présidentiel, faisant ainsi un cumul d’un ancien temps, l’époque où les chefs de parti pouvaient siéger au gouvernement ès qualités. Ce n’est pas un changement des usages, mais un retour en arrière que cumuler ces deux fonctions, et ce cumul est politiquement bien plus important que le cumul avec un mandat de maire par exemple.

À presque 55 ans, Richard Ferrand est un député sortant du Finistère qui a été rapidement séduit par Emmanuel Macron lorsqu’il était à Bercy au point d’être désigné à l’Assemblée Nationale rapporteur de la loi Macron, après avoir été chargé de la mission de préparer cette loi le 3 octobre 2014. Membre du Parti socialiste de 1980 à 2017, Richard Ferrand a été membre du cabinet d’un sous-ministre du gouvernement d’Édith Cresson. Il a eu un parcours classique d’élu local, élu conseiller général (de 1998 à 2011), conseiller régional (depuis 2010, il l’est encore, cumulant avec son mandat de député) et enfin, depuis 2012, député, mandat qu’il cherche à renouveler (pour ne pas siéger puisqu’il est ministre) aux élections législatives des 11 et 18 juin 2017.

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Le "Canard Enchaîné" l’a épinglé sur un montage immobilier impliquant sa compagne propriétaire d’une SCI qui a loué des locaux aux Mutuelles de Bretagne dont il était le directeur général de 1998 à 2012. Si aucune irrégularité n’a semblé présente dans cette opération, il reste qu’elle aurait été très "juteuse" pour sa famille et pourrait constituer un conflit d'intérêts. Le début de sa défense a été du même acabit que celle de François Fillon lors des premières révélations le 24 janvier 2017, à savoir que rien d’illégal n’avait été commis. Or, le problème de la moralisation de la vie politique, c’est qu’il n’y a pas que la loi, la légalité, il y a aussi la moralité, l’éthique, la déontologie.

Autre reproche, qui peut avoir des conséquences politiques plus graves après quatre mois de tapage contre les emplois familiaux des parlementaires, Richard Ferrand aurait recruté son fils comme collaborateur parlementaire pendant plusieurs mois de janvier 2014 à mai 2014 pour 6 800 euros net. Il faut noter que 2014, c’était bien après la loi de moralisation votée dans l’urgence après l’affaire Cahuzac et que François Fillon avait cessé ses emplois familiaux dès 2013, pressentant le scandale à venir.

La première réaction du cabinet du ministre n’a pas été à la hauteur de l’enjeu, puisque cet emploi a été justifié auprès d'un journaliste de France Info en raison du manque de jeunes personnes compétentes en Bretagne (les Bretons, ses électeurs, apprécieront l’argument) : « Richard Ferrand avait plein de boulot à faire à sa permanence, des choses qu’il n’avait pas eu le temps de faire, comme développer sa lettre de député. Il a demandé à son fils de l’aider à une période où ce dernier n’avait pas de travail. Je vous invite à aller faire un tour en Centre-Bretagne. Ce n’est pas simple de trouver un jeune, volontaire, pour travailler cinq mois, qui sait lire et écrire correctement, aller sur Internet. ». Quelques heures plus tard, le ministre a cependant condamné les propos tenus par son propre cabinet : « Je condamne fermement les propos honteux parus dans un article publié par France Télévisions et qui sont attribués à un membre de mon cabinet. Je m’attache personnellement à vérifier l’exactitude de la citation. Si un membre de mon équipe a effectivement employé de tels mots, des sanctions seront prises immédiatement. ». Le mal est cependant fait.

Là encore, ces faits anciens peuvent être considérés comme mineurs, mais lorsqu’on n’a cessé de donner des leçons de morale pendant toute la campagne présidentielle, c’est plus difficile à assumer d’être pris le doigt dans le pot de confiture. On pourrait imaginer que le Front national bénéficierait d’une nouvelle affaire qui toucherait la garde rapprochée d’Emmanuel Macron, mais le FN est lui-même englué dans des affaires bien plus graves.

Marine Le Pen a cependant demandé la démission immédiate du ministre, tandis que LR a annoncé qu’il allait saisir le parquet national financier d’habitude plus prompt à réagir à la lecture du "Canard Enchaîné".

Il paraît assez normal que ceux qui prônent la moralisation de la vie politique soient totalement exempts de critique et de reproche sur leur propre conduite morale (on ne parle pas de la légalité). Corinne Lepage se verrait ainsi bien remplacer François Bayrou Place Vendôme.

Donneur de leçon de morale : c’est sans doute ce qui a le plus discrédité François Fillon dont on a reproché finalement pas grand-chose au regard des responsabilités nombreuses et diverses qu’il a eues au cours de sa carrière. Car lui avait placé sa candidature à la primaire LR sous le signe de la probité et de la moralisation de la vite politique pour se donner un avantage concurrentiel tant face à Nicolas Sarkozy que face à son autre concurrent Alain Juppé, avec cette phrase qui lui est revenue en pleine figure : « Qui imagine le Général De Gaulle mis en examen ? » (28 août 2016).

Pour Emmanuel Macron, cela va être très délicat de réagir. S’il décidait de se séparer de son ministre à ce stade encore naissant de la polémique, ce serait très ingrat de sa part, mais il limiterait au mieux les dégâts politiques. S’il attendait, il serait peut-être réduit malgré tout à s’en séparer, mais dans des conditions politiques qui le discréditeraient aux yeux de ses propres électeurs.

Le dernier précédent, ce fut le Ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux, qui a dû démissionner le 21 mars 2017, dès le lendemain de la sortie de l’affaire de ses emplois familiaux (dans une émission de TMC). François Hollande ne pouvait pas se permettre de finir son quinquennat déjà largement discrédité dans la torpeur du doute sur la probité de l’un des ministres les plus importants, surtout en période d’état d’urgence et de risque terroriste dont l’attentat de Manchester a rappelé hélas la triste réalité.

Le risque, à vouloir faire des reproches sur les pratiques ordinaires des parlementaires d’avant l’affaire Fillon, c’est de ne retrouver plus personne de moralement nommable. La nomination d’un certain nombre de professionnels non politiques au gouvernement réduit la part du risque mais ne l’annule pas complètement.

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Au-delà de la situation de Richard Ferrand, il serait bon de réfléchir avant de légiférer dans l’urgence comme simple posture électorale. Ce n’est pas la transparence qui est l’essentiel, au contraire, elle peut susciter nécessairement la convoitise, l’envie et l’aigreur de ceux qui ne peuvent pas avoir le même niveau de vie. Ce qui compte, c’est le contrôle, la capacité de vérifier que tout ce qui a été réalisé par un ministre (un parlementaire, un élu en général) est régulier au sens de légal. Personne, aucune instance, ne pourra décider si un acte est "moral" car le niveau de moralité évolue au cours du temps. En revanche, c’est facile de déterminer si l’acte est légal.

L’interdiction d’emplois familiaux (conjoint, enfants) pour les parlementaires serait-elle pertinente ? Pas le moins du monde si cela n’empêche pas des emplois à des personnes très proches qui n’ont aucun lien officiel (maîtresses, amants, etc.). Faudra-t-il vérifier qu’un parlementaire n’ait jamais couché avec son collaborateur ? De plus, les parlementaires pourraient échanger entre eux leurs collaborateurs familiaux. Et pourquoi interdire à un député ce qu’on trouve normal pour un boulanger ou un autre commerçant (la femme à la caisse, la fille qui sert le week-end) ?

Regardons d’ailleurs une décision simple qui semblerait morale : le Président Emmanuel Macron a annoncé que son épouse travaillerait à l’Élysée …bénévolement. Essayez donc cela avec votre propre conjoint, embauchez-le bénévolement pour vous aider dans votre travail, et très rapidement, les contrôleurs de l’URSSAF viendront vous voir pour requalifier le bénévolat de votre conjoint en emploi CDI et vous réclameront …les cotisations sociales associées !

Une autre décision présidentielle, refaire la décoration de l’Élysée : c’était ce que l’on avait (injustement) reproché au président de Radio France le 17 mars 2015 (encore le "Canard Enchaîné") et qui avait (justement) choqué le grand public. Mais d’un autre côté, il vaut mieux que celui qui va consacrer sa vie à son pays pendant cinq ans, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, puisse vivre dans les meilleures conditions matérielles et psychologiques pour prendre les ses décisions dans les meilleures dispositions.

Cette aspiration naturelle et nécessaire à la moralisation de la vie politique n’est pas facile à mettre en œuvre sans faire n’importe quoi. C’est pourquoi un projet de loi supplémentaire sur ce sujet devrait faire l’objet d’une analyse fine des situations sans pour autant bloquer la liberté d’agir des parlementaires. Dans tous les cas, c’est la nouvelle majorité parlementaire qui décidera in fine, et ce seront les électeurs qui l’éliront en juin 2017.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 mai 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Richard Ferrand.
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe (17 mai 2017).
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170524-richard-ferrand.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/richard-ferrand-comme-les-autres-193500

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/05/24/35319060.html

 

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