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9 janvier 2016 6 09 /01 /janvier /2016 23:53

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Discours de Manuel Valls le 9 janvier 2016 au CRIF.


Monsieur le président du CRIF,
Monsieur le président du Consistoire,
Monsieur le Grand Rabbin de France,
Mesdames, messieurs,
Ces bougies que nous venons d’allumer, cette Marseillaise que nous venons de chanter, au fond, disent tout : la flamme du judaïsme et l’âme de la République, côte à côte, fraternelles, comme elles le sont depuis près de deux siècles.
Ce soir, côte à côte, tous réunis, nous nous souvenons.
Nous nous souvenons de ce 9 janvier.
Il y a un an, vous l’avez rappelé, au lendemain de l’horreur, nous étions ici, j’étais ici parmi vous, dans la compassion et le recueillement, portant le deuil de Yoav HATTAB, Yohan COHEN, Philippe BRAHAM et François-Michel SAADA.
Comme ce soir, la foule était immense. Et je me souviens de l’effroi, de l’angoisse et de la peur.
Comment pouvait-il en être autrement ?
Car à quelques mètres d’ici, une fois de plus, on venait de tuer des Juifs parce qu’ils étaient juifs. On venait de les exécuter alors qu’ils faisaient leurs courses avant de célébrer en famille le shabbat. On venait de briser quatre destins, s’ajoutant aux 13 victimes de Charlie Hebdo et de Montrouge les deux jours précédents.
La Nation comprenait aussi que l’on venait, au fond, de tuer une part d’elle-même.
Je me souviens des larmes, des regards interrogateurs, de ces regards qui transpercent les coeurs et que personne ne pourra oublier. Je me souviens de cette colère, de votre colère et aussi de ce désarroi immense. Nous nous tenions par la main, par les épaules. Des prières ont été récitées ; ce soutien, cet hommage à la France et à la République, La Marseillaise, a été chantée. Je me souviens de tout cela.
Toutes ces images étaient là, sont là, ancrées dans nos esprits ; ancrées dans mon esprit quand, trois jours après, je me suis exprimé devant la représentation nationale pour appeler notre pays à être uni face à la menace terroriste et pour dire aussi que nous devions nous ressaisir, que nous ne pouvions plus laisser les Français juifs vivre ainsi la peur au ventre.
Comment la France, patrie de l’émancipation des Juifs, comment la Nation où l’on s’est battu pour la défense du capitaine DREYFUS, comment la France, qui avait reconnu sa responsabilité – à travers les mots forts du président de la République, Jacques CHIRAC – des crimes odieux perpétrés entre 1940 et 1944, pourrait-elle laisser ses compatriotes juifs vivre dans la peur, douter un seul instant que c’est ici chez eux ?
Voir des Français juifs quitter de plus en plus nombreux leur pays, parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité, mais aussi parce qu’ils ne se sentent plus compris, parce qu’ils ne se sentent plus à leur place, aurait dû être depuis longtemps, pour nous tous Français, une idée insupportable. Je l’ai dit ici même avec mes mots, avec mon coeur, avec mes tripes ; je n’ai cessé de le répéter et je ne cesserai de le répéter, parce que c’est une conviction profonde : sans les Juifs de France, la France ne serait pas la France.
Chacun d’entre nous doit le répéter inlassablement !
Et je crois que ce 9 janvier, tout le monde en a enfin pris la pleine mesure.
Ce 9 janvier, la Nation a bien compris. Ce 9 janvier, après Ilan HALIMI, après Toulouse, après Jonathan SANDLER, ses enfants Arie et Gabriel, après Myriam MONSONEGO, après l’agression de Créteil, après tous ces faits qui, au fond, n’ont pas suffisamment mobilisé et indigné la Nation, enfin la France a pleinement ouvert les yeux sur ce que ressentaient, au fond d’eux-mêmes, sans être suffisamment entendus, les Juifs de France. Et quand la France ne comprend pas les Juifs de France, elle ne se comprend pas elle-même, elle ne prend pas suffisamment en considération son propre destin.
Cette angoisse, cette angoisse immense, cette angoisse légitime ne doit plus jamais être sousestimée.
Et nous devons, ensemble, lui apporter une réponse.
Cette réponse, après les attentats des 7, 8 et 9 janvier, a été bien sûr immédiate, comme elle l’avait été après les attentats de Toulouse et de Montauban.
Oui : honneur – Anne HIDALGO avait raison de le rappeler – à nos forces de l’ordre, à nos policiers, à nos troupes d’élite, à nos gendarmes.
Oui : honneur à nos militaires qui, chaque jour, font rempart, protègent nos synagogues, les écoles et les bâtiments de la communauté juive. Les drapeaux que nos soldats, nos policiers, nos gendarmes ont sur leur uniforme disent que la France ne baissera jamais la garde, qu’elle se dressera toujours contre ceux qui veulent s’en prendre aux Français juifs – et donc aux Français.
L’ennemi, car nous sommes en guerre, c’est le terrorisme islamiste, c’est le djihadisme. Le 13 novembre, l’ampleur de la menace, sa soif barbare de mort, sa haine totalitaire de ce que nous sommes, de nos valeurs, de notre idéal de liberté, de tolérance, de laïcité, ont surgi dans les rues de Paris et à Saint-Denis avec une violence absolue.
Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille ; car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser.
Rien ne peut expliquer que l’on tue à des terrasses et à des cafés !
Rien ne peut expliquer que l’on tue des journalistes, des caricaturistes qui expriment leur liberté et que l’on tue des policiers qui sont là pour nous protéger.
Et rien ne peut expliquer que l’on tue des Juifs.
Rien ne pourra jamais expliquer ! Nous avons subi un acte de guerre. C’est une véritable guerre qui nous a été déclarée et nous devons l’affronter et la gagner.
Ce soir, un an après, notre douleur, votre douleur est tout aussi intense ; mais tout aussi intense est notre détermination.
Détermination à lutter contre le terrorisme, ici et partout où nos armées sont engagées.
Détermination à ne jamais céder face aux menaces. Détermination à continuer de vivre et à continuer de vivre ensemble – c’est le symbole de ces bougies, allumées par les représentants des différents cultes et par les représentants des formations politiques de notre pays.
Détermination également à lutter contre l’antisémitisme. Il est là, toujours là, virulent, charrié à longueur d’écrits, de déclarations, de ces manifestations – alors qu’au coeur de Paris, capitale de la liberté, il y a quelques mois, on a crié de nouveau : « mort aux Juifs » ! –, de prétendus spectacles par des négationnistes en tous genres. Je les ai combattus, nous les avons combattus, et nous continuerons à le faire : il y va de l’honneur de la République ! Il est là, sur les réseaux sociaux, il est là, dans les paroles et dans les actes et dans cette détestation compulsive de l’Etat d’Israël. Comment pouvons-nous accepter qu’il y ait des campagnes de boycott ? Comment pouvons-nous accepter que face à l’Opéra de Paris, il y ait des manifestations pour qu’on interdise des ballets d’Israël ? Comment peut-on accepter que dans le pays de la liberté, dans ce pays des valeurs universelles, on cherche à nier la culture, la culture qui est là précisément pour rapprocher les peuples et pour la paix ? Non, cela est inacceptable ! L’antisémitisme, qu’il vienne de l’extrême-droite ou de l’extrême-gauche, qu’il vienne du fond des âges ou aujourd'hui d’une partie de la jeunesse de nos quartiers, doit être combattu avec la même détermination, parce qu’il y va de la République et parce qu’il y va de nos valeurs.
Un an après, cet Hyper Cacher de la porte de Vincennes est devenu un symbole.
Le symbole du courage, car il faut des symboles : celui de Lassana BATHILY, venu en aide à des femmes et des hommes menacés de mort… Oui ! Cher Lassana BATHILY, alors que parfois il y a des débats dans notre société, moi je suis fier que vous soyez devenu français, naturalisé français ! C’est cela, la France d’aujourd'hui et de demain ! Courage aussi des otages, et je veux leur dire, à ces otages qui ont passé des moments d’horreur, ici, dans cet Hyper Cacher, je veux leur dire leur courage… qu’ils en soient persuadés : par leur courage, ils ont aussi sauvé des vies !
Le symbole d’un pays qui ne se perd pas dans la haine de l’autre, mais qui trouve en lui la force d’être ce peuple fier de ce qu’il est, qui dit non au racisme, non à l’antisémitisme, non au rejet et au repli.
Etre français, ce n’est pas renoncer à ses origines, ce n’est pas renoncer à son identité, c’est les verser au pot commun. C’est une citoyenneté qui n’est pas petite, qui n’est pas réduite à l’origine de chacun, du sang, du sol ou par naturalisation, mais qui est grande, ouverte, fondée sur la volonté de construire l’avenir ensemble ! C’est ce nouveau patriotisme que j’appelle de mes voeux ! C’est ce patriotisme que, toujours, les Juifs de France ont porté !
Oui, cet Hyper Cacher, c’est le symbole d’un pays qui trouve en lui-même la force de vivre et qui, avec tous les Juifs de France, est pleinement ce pays que nous aimons !
Vive la République ! Vive la France !

Manuel Valls, Paris le 9 janvier 2016.


http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20160109-discours-valls-crif.html

 

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21 septembre 2015 1 21 /09 /septembre /2015 06:19

« Les programmes de la scolarité obligatoire repose sur une conception nouvelle. Ils ne sont plus la simple juxtaposition de programmes disciplinaires annuels imposant aux professeurs les contenues, les démarches, les méthodes et les progressions, visant un élève abstrait. Ils s’inscrivent dans un projet global, s’adressant à tous les élèves, plus attentif à la totalité de leur expérience d’apprentissage et faisant davantage confiance à la professionnalité des professeurs. » (Conseil supérieur des programmes).


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Après une première version présentée en avril 2015, le Conseil supérieur des programmes a publié sa seconde (et dernière) version ce vendredi 18 septembre 2015. Une actualité que n’a pas manqué de saluer la Ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem qui en a assuré le service après-vente : la matinale sur Europe 1 le 18 septembre 2015 et une tribune dans le journal "Le Monde" du 18 septembre 2015.

Voici ce qu’elle a dit dans "Le Monde" : elle veut une « maîtrise des fondamentaux, consolidation des apprentissages, pédagogie de l’entraînement quotidien et de la répétition. Nombreuses sont les recherches démontrant l’impact des exercices fréquents pour fixer les fondamentaux, qui consolident les savoirs les plus simples avant de développer les plus complexes. (…) C’est aussi la raison des entraînements quotidiens à l’écriture, à la lecture, au calcul mental, que les nouveaux programmes rendent obligatoires. (…) Car, oui, la pratique répétée de la lecture et de l’écriture, la discipline exigée par des dictées quotidiennes sont indispensables, comme dorénavant le travail sur le langage oral, essentiel pour la compréhension de la lecture et la capacité à présenter de façon claire et ordonnée une pensée. » (18 septembre 2015).

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J’ai eu souvent l’occasion de critiquer ce gouvernement, notamment en matière d’éducation, et plus précisément contre cette réforme stupide du collège qui va ruiner la culture latine, grecque et même historique dans les  prochaines décennies, pour me permettre de saluer les bonnes décisions prises par la Ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem. Je ne doute pas que dans cette mesure, il y a une dose d’habileté politique visant à faire diversion et à enfumer. Mais bon, comme c’est une bonne mesure, il faut avoir l’honnêteté de le dire.

Quelle est-elle ? Celle de rétablir, je dis bien rétablir puisque j’ai eu la chance d’être biberonné avec cela, la dictée, le calcul mental, la lecture et l’écriture en classes de l’école primaire. En fait, cela me paraît toujours étonnant de parler de "rétablir" parce que cela signifie que ces exercices avaient été supprimés. Comment un gamin peut-il réussir sans faire ces gammes ? Je me demande franchement quels ministres ont eu la stupidité de supprimer la dictée, le calcul mental et la lecture des classes de primaires alors que cela fait des décennies qu’on s’aperçoit que les écoliers sont incapables de lire correctement, d’écrire correctement et de calculer correctement lorsqu’ils arrivent en classe de sixième. À moins que ceci n’explique cela.

Alors que la société historiquement est passée de l’oral à l’écrit, notamment par les premières civilisations de l’écriture (Babylone, Égypte, Phénicie, etc.), que les traditions orales furent ensuite gravées sur des supports écrits (comme Homère et la Bible), avec le développement extraordinaire de l’écrit grâce à Gutenberg, l’oral était redevenu la norme au XXe siècle grâce au développement du téléphone, d’abord fixe puis mobile, et à celui de la radio et de la télévision.

Paradoxalement, le développement du smartphone depuis une quinzaine d’années, parallèlement à celui de l’ordinateur individuel et surtout de l’Internet, a remis en valeur l’écrit par l’envoi de SMS, d’emails ou encore par la participation à des sites web intéractifs où chaque lecteur (internaute) a la possibilité d’exprimer son point de vue… par écrit.

Or, il est maintenant clair que la maîtrise de la langue écrite laisse de plus en plus à désirer. Ou, plus exactement, les carences sont de plus en plus visible du fait d’Internet. Au milieu des années 1980 (ce n’est pas nouveau), j’avais demandé au directeur d’une école d’ingénieur pourquoi il avait supprimé dans son concours d’entrée l’épreuve de français. Il m’avait répondu que cette épreuve n’était pas en mesure de discriminer les candidats car ils étaient tous nuls dans cette matière et cette épreuve était donc aussi inutile que coûteuse à l’école.

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Il faut bien le reconnaître. J’ai connu plusieurs ouvriers qui sont de la génération qui a maintenant dans les 75 ans, qui n’ont pas eu l’occasion de faire des études très poussées mais qui savaient parfaitement écrire, qui connaissaient parfaitement l’orthographe et la grammaire, qui connaissaient les départements, le nom des préfectures (il faut se dépêcher avant de les supprimer), le nom des fleuves, de leurs affluents, qui savaient faire du calcul mental, etc. Aujourd’hui, je n’ose pas dénombrer le nombre d’ingénieurs voire de personnes de niveau doctorat incapables d’écrire trois lignes sans aucune faute ou de faire des additions sans calculatrice. Le pire, c’est qu’aujourd’hui, je lis régulièrement des fautes de français assez graves sur des messages publicitaires (bonjour l’image de l’entreprise !), et même sur les titres qui se faufilent sur les chaînes d’information continue (peut-être choisir un peu mieux ses pigistes ?).

Car il y a là un véritable défi. On se dit, avec la technologie, qu’il devient inutile de savoir puisque la machine est capable de compenser. Pourquoi savoir calculer si les calculatrices sont capables de le faire à sa place, souvent plus rapidement ? Pourquoi connaître l’orthographe des mots alors que la plupart des traitements de texte ont un correcteur orthographique qui fait le travail à sa place ?

Oui, mais le problème, si l’on ne sait pas ce que fait la machine (pour la calculatrice, c’est assez sioux d’ailleurs, puisque souvent, elles donnent des résultats de développements limités), on n’est plus autonome intellectuellement. Pire, on est assisté, et rien de pire d’être assisté par une machine, car la machine ne pense pas et ne s’émeut pas (quoi qu’on en dise et malgré les derniers développements de l’intelligence artificielle). Car évidemment, personne n’est à l’abri d’une erreur de frappe, par exemple, et proposer un pot de yaourt pour le prix d’un million de francs (comme cela s’est vu dans des copies au baccalauréat), c’est quand même faire preuve d’un peu trop de mansuétude et d’un peu trop de confiance en la machine.

Même si l’informatique réussit à faire gagner beaucoup de temps et de commodité (notamment pour les vues en trois dimensions), les logiciels de CAO, CFAO, DAO etc. ne remplaceront jamais la connaissance élémentaire du dessin industriel par l’utilisation basique d’une table à dessin et d’un rotring. Tout comme l’apprentissage de l’alphabet se fera toujours avec un crayon et du papier (ou une ardoise) et pas avec un clavier ni une tablette (les régions du cerveau sollicitées ne sont pas les mêmes).

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On peut se permettre d’accélérer seulement quand on sait déjà rouler au pas. Le vélo est un bon moyen d’apprendre le code de la route et on imagine mal un pilote d’avion ne sachant pas conduire une automobile sur la terre ferme.

Bref, le retour au basique, même si ce n’est pas trop sexy, même si c’est rébarbatif (quel musicien a-t-il vraiment réussi sans avoir appris le solfège ? Certes, cela peut exister, mais c’est très rare), est une nécessité aussi utile que l’entraînement sportif pour les athlètes.

Au-delà du modernisme, il y a eu aussi un courant contre un certain élitisme qui rendrait inégalitaire la société coupée entre ceux qui savent l’orthographe et les autres. Mais la discrimination se fait naturellement. Et elle ne sépare pas une société entre riches et pauvres, entre élite et soi-disant "plèbe", mais plutôt entre méritants et paresseux.

Car je suis bien désolé de constater que l’orthographe, c’est juste une question d’effort et de travail. Soit par la lecture de livres, soit par la consultation de dictionnaires (un gros mot pour certains), l’orthographe des mots n’est jamais connue à la naissance. Il faut donc l’acquérir. Comme je le disais plus haut, ce n’est pas forcément les plus hauts diplômés qui ont la meilleure orthographe. Ce sont les plus exigeants avec eux-mêmes. Eux-mêmes et respectueux éventuellement de leurs lecteurs.

Car quoi de pire que de lire un texte pourri de fautes en tout genre ? Son message est illisible. On a beau être indulgent (ne serait-ce que parce qu'on peut faire soi-même des fautes, nul n'est à l'abri d'une faute d'inattention), quand un texte est trop mal écrit, on abandonne rapidement sa lecture et tant pis pour le message. La discrimination est là. Que ce soit une lettre accompagnant un CV ou un texte de pétition, etc. Les règles classiques de l’écriture (orthographe, grammaire, conjugaison, etc.) sont comme le code de la route, c’est le moyen de permettre à un ensemble de personnes, dans une société, de se comprendre le plus précisément possible.

J’ajoute, en ces temps mouvementés intellectuellement, que les diatribes supposées nationalistes qui veulent défendre la France et les Français, en rejetant les autres, les étrangers, l’anglais, etc. et qui sont bourrées de fautes de français, me font un peu sourire. Car le meilleur patriotisme français, ce serait d’abord de savoir correctement écrire le français avant de s’en prendre aux autres. D’autant plus que j’ai l’expérience que c’est souvent les étrangers qui rehaussent le niveau de la langue française car ils l’ont apprise de façon traditionnelle et classique (c’est le cas de nombreux Africains, mais pas seulement).

Alors, oui, je ne peux être que d’accord avec une mesure de bon sens qui rappelle qu’aucun résultat ne peut être obtenu, aussi talentueux soit-on, sans un minimum d’effort. Rétablir la dictée, le calcul mental, la lecture et l’écriture en classe, c’est une bonne idée et il faut surtout la soutenir pour nos générations futures.

Mais que l’on soit bien clair : cela ne retire rien à l’opposition qu’il convient de dresser contre la réforme lamentable du collège qui devrait être appliquée pour la rentrée 2016. Une réforme qui empêchera l’acquisition du latin et du grec pour les élèves les plus capables.

D’ailleurs, le Conseil supérieur des programmes s’est étonné lui-même de la manière dont la ministre a communiqué, considérant que le retour de la dictée, du calcul mental, de la lecture et de l’écriture à l’école n’était pas l’élément essentiel de leurs travaux.

L’élément essentiel, c’est la logique par cycles et par compétences. C’est notamment la fin des objectifs pédagogiques sur une année scolaire rapportés à un cycle de trois années : le cycle 2 (CP, CE1 et CE2), le cycle 3 (CM1, CM2 et 6e) et le cycle 4 (5e, 4e et 3e). Ce partage en cycles casse définitivement le découpage entre école primaire et collège, ce qui reste très incohérent lorsqu’on sait que l’élève ne suivra probablement pas la même équipe pédagogique tout au long du cycle 3.

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Si le langage ésotérique des sciences de l’éducation semble avoir été supprimé (en fait, pas vraiment), il n’en reste pas moins que les enseignants et les parents qui voudraient vraiment consulter ce nouveau document (téléchargeable ici) devront quand même se farcir pas moins de …375 pages ! Autant dire que l’étude approfondie de ce document n’est réservée qu’à une infime proportion de la population concernée.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
À télécharger, les nouveaux programmes scolaires (18 septembre 2015).
Réforme du collège.
La langue française.
Najat Vallaud-Belkacem.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150921-dictee.html

http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-dictee-le-calcul-mental-la-172088

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/09/21/32657541.html


 

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18 septembre 2015 5 18 /09 /septembre /2015 23:22

La seconde version du programme scolaire du CP à la 3e a été publié le 18 septembre 2015 et doit encore être validée avant d'entrer en application pour la rentrée 2016.

Cliquer sur le lien pour télécharger le programme scolaire (fichier .pdf) :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/09_-_septembre/22/9/programmes_cycles_2_3_4_469229.pdf

SR





 

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8 septembre 2015 2 08 /09 /septembre /2015 06:38

« Si ce n’est pas l’heure [des caractères], surtout passez-vous de moi parce que c’est mieux d’avoir des gens plus tranquilles (…), des François Hollande et tous les autres fromages lyophilisés que vous pouvez trouver. » (Jean-Luc Mélenchon le 6 décembre 2010).


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Pour une fois, ce fut une "courte" conférence de presse, à savoir seulement …deux heures ! Introduite par un exposé de vingt minutes, la sixième conférence de presse du Président de la République François Hollande s’est tenue ce lundi 7 septembre 2015 à 11 heures dans les salons luxueux de l’Élysée. Comme à chaque exercice, l’ensemble du gouvernement était présent.

Bien entendu, la nouvelle Ministre du Travail, Myriam El Khomri a été parmi les plus observées de la matinée, elle qui a bien compris, comme le fait Nicolas Sarkozy, qu’il fallait cacher le mouvement de ses lèvres quand on fait des messes basses, pour éviter d’être écouté (ici avec sa collègue Marisol Touraine).

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De tous les Présidents de la Ve République, c’est sans doute François Hollande qui s’est le plus prêté à ce petit jeu de communication. Ses prédécesseurs, généralement très enthousiastes au début, ont espacé puis oublié ce genre d’exercice lorsqu’ils furent "en pleine action". C’est peut-être cela qu’il en est ressorti, comme à chaque fois, que François Hollande, lui, ne fait pas grand chose et qu’il s’attache donc à le faire savoir souvent, à défaut d’être en pleine action.

Si l’on ajoute à cela le ton monocorde et un peu chantant d’un curé de campagne, provenant d’une mauvais imitation de François Mitterrand (Thierry Le Luron était nettement meilleur), ainsi qu’une fatigue évidente (il a dit, par exemple, « certificat anonyme » pour parler du CV anonyme), on pourra comprendre que les Français se seront désintéressés de cette communication très solennelle..


Un événement historique

Commençant longuement par le thème d’actualité, les réfugiés du Daech, François Hollande a tenté de prendre le train allemand en marche. Alors que le 16 mai 2015, son Premier Ministre Manuel Valls avait rejeté catégoriquement le plan Juncker qui proposait une répartition équitable de l’accueil des réfugiés, ce qui signifiait l’accueil en France de 10 000 réfugiés, voici François Hollande proposant l’accueil en France de …24 000 réfugiés. Et encore, sur deux ans et pas de sa propre initiative mais par un plan européen prêt à accueillir 120 000 réfugiées en Europe.

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On se noie vite avec les nombres. François Hollande a indiqué simultanément qu’il n’y avait pas eu de hausse, cette année, du nombre de demandeurs d’asile, à savoir 60 000. L’Europe propose 120 000 places ? Mais François Hollande a indiqué que 350 00 avaient déjà fait le voyage depuis le début de l’année !

Faut-il aussi comparer : 24 000 réfugiés en France sur deux ans, 800 000 réfugiés accueillis en Allemagne pour la seule année 2015 ? Et pas accueillis n’importe comment : sans réticence, avec une véritable joie populaire, assez similaire de celle vécue à la chute du mur de Berlin, avec des citoyens allemands qui offrent spontanément des petits cadeaux de bienvenue aux réfugiés arrivant (enfin) en train dans les grandes villes allemandes.

François Hollande n’a pas du tout fait comprendre cela au peuple français : que l’arrivée massive des réfugiés syriens et irakiens est un événement historique (qu’on le veuille ou pas) et que ce n’est pas avec ses méthodes d’un pas en arrière et un pas de travers qu’on répond à un tel enjeu historique. En gros, on veut bien aider, mais sur le bout des lèvres, sans le dire trop fortement des fois que la "méchante" présidente du FN pourrait crier trop fort.


Lepénisation des esprits

Ce qui est en plus navrant, c’est qu’avec François Hollande, la lepénisation des esprits est largement en cours. Je l’avais déjà largement évoqué à l’époque de l’expulsion de Leonarda où François Hollande avait clairement donné l’équivalence immigration et insécurité. Il avait récidivé, sans doute par maladresse, en évoquant explicitement des "Français de souche". Ce n’était pas nouveau, il avait déjà racolé quelques voix du FN entre les deux tours de la présidentielle de 2012.

Le voici ce 7 septembre 2015 poursuivant cette lepénisation (à son insu bien sûr) en voulant différenciant très fermement les réfugiés, entre les réfugiés politiques et les réfugiés économiques « et qu’on ne peut pas recevoir ». Quelques minutes plus tard, François Hollande allait parler de sa future loi contre les discriminations pour le "vivre ensemble" en toute égalité, et là, il fait une grande différence entre "migrants" (différences d’ailleurs impossible réellement à faire pour des pays comme le Nigeria ou l’Égypte). Si le petit Aylan avait été un réfugié économique, y aurait-il réellement une différence d’humanité ? Cela aurait-il été moins …scandaleux ? Ces réfugiés économiques ont tout autant risqué leur vie à faire la traversée (de la mer ou du désert, là n’est pas le problème), le problème ne se résoudra pas en différenciant ceux qui arrivent sans cesse vers nos rivages.

Je ne le blâme pas, je regrette seulement que François Hollande n’ait aucune morale personnelle, pas qu’il soit immoral mais amoral. En faisant la distinction entre les réfugiés, il ne fait que reprendre la mode actuelle, ce qu’il se dit dans les médias, surfant sur des idées reçues et autres réflexions préfabriquées. En bref, je regrette qu’il n’ait pas de colonne vertébrale solide sur le plan des valeurs (c’est pourtant sur ce sujet-là qu’il doit son élection par la désaffection d’un certain nombre d’électeurs de Nicolas Sarkozy en 2012). Jacques Chirac, opportuniste bien connu sur le plan politique, avait au moins de la solidité sur le plan des valeurs.

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Pourtant, il est capable de prononcer de belles phrases, comme celle-ci : « Et la France, elle a son honneur, face à l’horreur, d’être à la hauteur. ». Phrase creuse comme toutes les autres.


Vols de reconnaissance

Pour "traiter" le problème des réfugiés en amont, François Hollande a annoncé que dès le lendemain, des avions français survoleraient la Syrie pour des vols de reconnaissance. Même si jusqu’à maintenant, la France ne voulait intervenir contre le Daech qu’en Irak, cette annonce ne va pas bouleverser la donne géopolitique dans la région.

Il a en particulier refusé toute idée de faire intervenir des troupes sur le sol syrien sans donner beaucoup de raisons convaincantes : au Mali, seules les troupes au sol ont pu venir à bout de la rébellion islamiste. Hélas.

François Hollande veut donc chercher une impossible voie en mettant en Syrie Assad et le Daech sur le même pied d’égalité, comme tous les deux ennemis, et en voulant une solution politique et diplomatique (avec la Russie, l’Arabie Saoudite et l’Iran notamment) sans esquisser les forces politiques qui feraient partie du "gouvernement d’union" qu’il a appelé de ses vœux en Syrie. Autant dire qu’il a renoncé à toute amélioration en Syrie.


Baisse d’impôts ?

Une nouvelle fois, François Hollande a annoncé une baisse d’impôts de 2 milliards d’euros touchant 8 millions de ménages. Comme les précédentes annonces qui sont rarement suivies des faits, cette annonce a été prononcée en langue hollandienne pure, à savoir, à mettre en relation avec l’inversion de la courbe du chômage ou le retour à la croissance  en pleine récession. Il faut juste y croire. Charles Pasqua revisité ("Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent").

Comme depuis trois ans, François Hollande a un discours budgétaire flou. Comment financer les 2 milliards d’euros ? Aucune piste. Si ce n’est qu’il a laissé un indice en évoquant "l’aide" de 3 milliards d’euros aux agriculteurs, débloquée le 3 septembre 2015. Là, c’est plus clair : pas question de les considérer comme des dépenses de l’État. Il a avoué que ce n’était pas une aide de l’État mais juste un encouragement à un financement multiple à hauteur de 3 milliards d’euros. Je suppose donc qu’un agriculteur qui a écouté attentivement cette conférence de presse va reprendre immédiatement son tracteur et foncer sur Paris… Au même moment à Bruxelles, la Commission Européenne a octroyé 500 millions d’euros aux agriculteurs européens.

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Quant à la redevance de l’audiovisuel public, il s’est prononcé contre la taxation des objets connectés mais a annoncé qu’une réflexion était en cours malgré tout… Du Hollande, quoi.


Politique intérieure

Évidemment, François Hollande a été interrogé sur une éventuelle primaire pour départager le candidat à gauche en 2017, dispositif qu’il a rejeté en disant que cela ne le concernait pas. Il n’a plus, d’ailleurs, évoqué la baisse du chômage comme condition à une nouvelle candidature.

Il a profité de l’actualité très chaude des réfugiés pour faire des parallèles vaseux avec la politique politicienne en prônant le rassemblant à gauche et même au-delà de la gauche. Il a notamment affirmé : « La dispersion, c’est la disparition ! » en pensant très fort aux écologistes ou à Jean-Luc Mélenchon. Et en argumentant sur le "principe de pureté" et "l’entre-soi" que prôneraient certaines formations politiques (on ne sait pas trop si c’est pour concourir électoralement de manière indépendante ou refuser l’accueil des réfugiés syriens).

François Hollande a parlé également de sa volonté de faire une révision constitutionnelle sur deux points : sur les langues régionales pour se mettre en accord avec l’Europe, et sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, en espérant réunir une majorité suffisamment nombreuse pour aboutir avec succès.

Enfin, dernière petite annonce, François Hollande a évoqué une réforme de la procédure législative, afin de pouvoir adopter une loi plus rapidement (je suis formellement contre tout ce qui empêcherait de donner aux parlementaires un peu de recul avant de légiférer, parfois à chaud sous le coup de l’émotion), avec soit une simple réforme du règlement intérieur des assemblées (faut-il une communication du chef de l’État pour parler d’une réforme d’un règlement intérieur ?), soit éventuellement une révision constitutionnelle qui nécessiterait alors une majorité des trois cinquièmes des parlementaires.


Un exercice très inutile

Autre absence qui n’a même pas été remarquée par les journalistes, l’Europe. En dehors du sujet des réfugiés, l’Europe n’a pas semblé beaucoup intéresser François Hollande alors que cela fait trois ans et demi qu’il a annoncé une grande initiative pour relancer la construction européenne (après un été calamiteux et des sondages qui donneraient désormais une majorité aux Britanniques qui veulent quitter l’Union Européenne)...

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En résumé, voilà une conférence de presse qui n’aura servi à rien. C’était prévisible comme c’était prévisible qu’aucune nouvelle initiative n’a été annoncée pour redresser l’économie nationale. Pire, il a même regretté ses regrets à propos de la TVA sociale qu’il avait supprimé au début de son mandat et n’a évidemment annoncé aucune réforme structurelle (quant à la durée du temps de travail, méfions-nous des faux amis : changer une nouvelle fois la durée du temps de travail désorganiserait une nouvelle fois les entreprises et leur coûterait très cher).

Élu par défaut, François Hollande décidément manque d’ambition.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 septembre 2015).
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le nœud hollandien.
Il faut accueillir les réfugiés syriens.
La sixième conférence de presse présidentielle (7 septembre 2015).
La cinquième conférence de presse présidentielle (5 février 2015).
Je suis Charlie.
Tout est possible en 2017...
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.
Interview présidentielle sur TF1 (6 novembre 2014).
Bientôt la proportionnelle intégrale ?
Quatrième conférence de presse de François Hollande (18 septembre 2014).
Discours du Bourget de François Hollande (22 janvier 2012).
Confiance étriquée pour Manuel Valls (16 septembre 2014).
La trace de François Hollande (14 juillet 2014).
Le couple Hollande-Valls.
Manuel Valls.
Le roi du monde (6 juin 2014).
Troisième conférence de presse de François Hollande (14 janvier 2014).
Une empathie combative ?
L’humour présidentiel à la radio.
Jusqu’où descendra-t-il ?
La courbe du chômage…
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
La République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Deuxième conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150907-hollande.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/manque-d-ambition-face-a-l-171550

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4 septembre 2015 5 04 /09 /septembre /2015 06:08

Le Président de la République tiendra sa sixième conférence de presse solennelle le lundi 7 septembre 2015 à 11 heures, à trois mois des élections régionales des 6 et 13 décembre 2015.


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Mystère et boules de gomme. Avec François Hollande, il y a une véritable énigme. Ou plutôt, un véritable gâchis. Voici un homme très intelligent (personne n’en doute), parmi l’élite intellectuelle de la nation, un crac, HEC, ENA (et dans la botte), Cour des Comptes, spécialiste des finances publiques, qui, dès 2010, a développé des idées originales sur des stratégies budgétaires pour réduire le déficit public et a suscité une réflexion sur la réforme nécessaire de la fiscalité. Et puis, quand il est aux commandes, bing ! Plus rien ! L’esprit partisan l’a emporté sur l’intérêt général. Quel dommage et surtout, répétons-le, quel gâchis !


L’imitateur

Car s’il y a aucun doute à propos de François Hollande, c’est sur sa très bonne connaissance de l’histoire politique. À force de singer, depuis l’été 2010, François Mitterrand, prince du mensonge et de l’enfumage en politique, François Hollande a finalement réussi là où aucun autre de sa génération n’a réussi à gauche : conquérir l’Élysée.

Mais comment ? En faisant justement du Mitterrand. Il avait déjà plombé la campagne de sa compagne Ségolène Royal lorsqu’il avait dit, face à Michèle Alliot-Marie le 8 juin 2006 dans l’émission "À vous de juger" sur France 2, qu’il n’aimait pas les riches (« Oui, je n’aime pas les riches, j’en conviens ! » ; pour lui, précisé dans "Le Parisien" le 11 janvier 2007, c’était au-dessus de 4 000 euros par mois, soit très en dessous de ses rémunérations cumulées de haut fonctionnaire, député, premier secrétaire du PS à l’époque, maire puis président du conseil général ; il ne devait pas trop s’aimer ou pas trop croire à ce qu’il prétendait affirmer).

En 2012, il a récidivé pendant sa propre campagne présidentielle, d’abord en lâchant cette petite phrase qui ne mangeait pas de pain lors de son fameux discours du Bourget le 22 janvier 2012 (« Mon véritable adversaire (…), c’est le monde de la finance ! » ; effet immédiat sur l’aile gauche) et aussi, la proposition de nommer 60 000 fonctionnaires supplémentaires et (autre proposition sans effet) ainsi que la taxation à 75% des hauts salaires le 27 février 2012 (au grand dam de son conseiller budgétaire …Jérôme Cahuzac devenu son très influent et autoritaire Ministre du Budget avant sa démission fiscale).

Ce furent des déclarations complètement inefficaces et irresponsables (beaucoup d’investisseurs étrangers ont fui) et il le savait car il est intelligent, mais ces postures très démagogiques avaient un objectif électoral qui a été atteint avec le soutien inconditionnel (insistons sur inconditionnel) de Jean-Luc Mélenchon à François Hollande pour le second tour de l’élection présidentielle du 6 mai 2012. Sans les voix de l’extrême gauche, il était assuré de perdre face à Nicolas Sarkozy qui, malgré une campagne particulièrement droitière, avait réussi à se redresser par rapport aux sondages de début de campagne.


Une hyperfiscalité pour compenser l’esprit partisan

Prônant depuis longtemps un budget en équilibre, on aurait pu penser qu’une fois élu, il prît des décisions salutaires. Mais non ! L’esprit partisan l’a emporté car il l’a toujours emporté depuis le début de sa carrière politique. La nécessité de maintenir l’unité du PS en 2005 a par exemple été beaucoup plus forte que ses convictions européennes pourtant d’une importance historique sans comparaison…

Il est faux de dire qu’il y a eu un tournant politique en janvier 2014. Pour simplifier, certains vont même le mettre à fin mars 2014 avec l’accession de Manuel Valls à Matignon, comme les écologistes qui ont refusé de poursuivre leur participation au gouvernement. Il n’y a jamais eu de tournant. Ou alors, c’était en novembre 2012 avec la publication du rapport Gallois. Mais ce rapport avait été commandé par François Hollande dès juillet 2012 qui savait très bien quelles en auraient été les conclusions.

La réalité, c’est qu’il a voulu faire de l’antisarkozysme primaire, notamment avec la suppression de trois réformes emblématiques du précédent quinquennat : la hausse de la TVA pour réduire les charges des entreprises (à hauteur de 13,2 milliards d’euros) et l’exonération fiscale des ménages concernant les heures supplémentaires. Cette dernière suppression a considérablement réduit le pouvoir d’achat des petits salaires (les cadres, par exemple, sont généralement payés au forfait et pas à l’heure). La troisième suppression, c’était la réforme territoriale qui instituait le conseiller territorial. Finalement, celle qui va s’appliquer à partir de 2016 aura changé au moins deux ou trois fois dans l’esprit de l’Élysée avant de terminer en eau de boudin sans intérêt.

Quant à la première suppression, c’était du masochisme politique pur. François Hollande aurait pu récolter dès octobre 2012 les milliards d’euros bienvenus sans en assumer la responsabilité politique puisque la hausse de la TVA ne provenait pas de sa politique. Comme il n’était pas le Père Noël et qu’il n’y a pas de miracle à Bercy, François Hollande a donc dû alourdir d’une hyperfiscalité les ménages pour compenser les surcoûts de sa politique irresponsable (augmentation massive de fonctionnaires, baisse de la TVA, etc.). Résultat, 20 milliards d’euros dans la barque des particuliers.

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L’erreur des politiques souvent pointée du doigt par les économistes, c’est de se croire encore dans les Trente Glorieuses où plus on produisait, plus on gagnait de l’argent, d’une part, et plus on consommait, plus on produisait, d’autre part. Cela reste vrai, mais le "on" n’est plus la France mais le monde. Or, aujourd’hui, l’idée reste toujours la même : on croit qu’on va relancer l’économie en dopant la demande et la consommation. Mais le souci, c’est que la production ne se fait plus en France. Donc, on consomme des produits qui viennent d’ailleurs et à part la TVA, cela ne rapporte rien à l’État français. La hausse de la demande ne favorise donc plus l’emploi en France si, parallèlement, on ne donne pas aux entreprises française des moyens de concurrencer loyalement les entreprises étrangères sur le front de la consommation.

Quand Louis Gallois a proposé à François Hollande d’augmenter la TVA parce qu’il paraît nécessaire de transférer les charges sociales des salaires aux produits consommés (ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy à la fin de son quinquennat), c’était trop tard pour 2013 puisque la loi de finances était déjà votée, et il ne pouvait pas raisonnablement rajouter 10 milliards d’euros de TVA supplémentaire aux ménages.


L’usine à gaz du CICE

Comme François Hollande a un esprit social-libéral (selon Stéphane Van Huffel, cofondateur de Netinvestissement) et qu’il comprend quand même un peu les mécanismes de l’économie et la nécessité de rendre les entreprises plus compétitives, au lieu de baisser les charges sociales comme voulait le faire Nicolas Sarkozy en compensation de la hausse de la TVA, François Hollande, sur conseil de son conseiller de l’époque, Emmanuel Macron, a proposé l’usine à gaz du CICE (crédit impôt compétitivité emploi) qui est devenu plus tard le pacte de responsabilité (ou de solidarité, je ne sais plus très bien, François Hollande adore donner des noms à ses outils dans sa belle boîte).

Or, comme le notait Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le 2 septembre 2015, si François Hollande connaît bien les finances, il ne doit pas être très bon en comptes publics. En effet, dans les statistiques, la méthode Sarkozy (baisse des charges sociales et hausse de la TVA) est sans effet (baisse de recettes d’un côté, hausse de l’autre) alors que la méthode Hollande fait augmenter les dépenses de l’État (un crédit impôt est une dépense) tandis que la hausse de la TVA (finalement décidée pour financer le CICE) fait augmenter le taux de prélèvements obligatoires déjà très élevé. Résultat, l’opération au lieu de paraître inodore, paraît "malsaine" pour les comptes publics.

Et pourquoi cette méthode a-t-elle été adoptée ? Pour ne pas reconnaître la pertinence de la politique de Nicolas Sarkozy en la matière. Si François Hollande a reconnu regretter cette suppression de la TVA décidée en juillet 2012 (dans le livre "Le Stage est fini" de Françoise Fressoz publié le 2 septembre 2015 chez Albin Michel), c’est surtout parce qu’il veut présenter des comptes publics vertueux, c’est-à-dire avec baisse conjointe des dépenses et de l’imposition. Mais pour l’instant, la transformation du CICE en baisse des charges reste très laborieuse.


Un front de l’emploi dévasté

Autre erreur magistrale de François Hollande, cela a été de croire qu’en ne faisant rien, la situation pouvait s’améliorer par simple analyse des cycles (quand on est au fond du trou, on ne peut que rebondir). Pourtant, 2013 aura été une année de récession et la promesse, en septembre 2012 de se donner douze mois (donc septembre 2013 !) pour redresser l’emploi et "inverser" la courbe du chômage (vocabulaire mathématiquement très impropre, il a pourtant dû en faire, des maths, pour intégrer HEC), a été une pure folie de communication politique qui a discrédité tous ses discours ultérieurs.

En clair, la France a reculé pendant tout ce temps et le chômage a été en forte hausse pendant trois ans. Dans sa chronique du 3 septembre 2015 sur la radio BFM Business, l’essayiste et conseiller financier Marc Fiorentino n’a pas pu cacher sa colère. Alors qu’il y a aujourd’hui une conjoncture exceptionnelle, plus qu’un alignement des planètes, à savoir : taux d’intérêt proche de zéro, effondrement du prix du pétrole et des matières premières, difficulté de l’économie chinoise, etc., la France est la seule à ne pas bénéficier du rebond de la croissance et surtout, de créations d’emploi.

Marc Fiorentino a évalué à environ 200 à 300 000 le nombre d’emplois qui auraient dû être créés en France par la conjoncture internationale mais en France, il n’y a que quelques centaines d’emplois créés et si cela augmentait mécaniquement à 20 ou 30 000, ce ne serait pas à la mesure de la situation exceptionnellement favorable, cela voudrait dire que l’État plombe encore trop l’économie française. Pourtant, si 30 000 emplois venaient à se créer, le gouvernement n’hésiterait pas à en faire du triomphalisme et à dire que sa politique porterait ses fruits alors qu’en fait, elle étouffe encore beaucoup trop l’économie.

La colère, on peut aussi la ressentir quand on entend le Ministre du Travail démissionnaire, François Rebsamen, préférant Dijon aux responsabilités gouvernementales (les rats quittent-ils le navire ?), avoir un peu de compassion le 2 septembre 2015, pas pour tous les demandeurs d’emploi qui viennent de perdent leur emploi, mais pour sa jeune successeur Myriam El-Khomri (la benjamine du gouvernement brillamment promue) dont la douloureuse tâche sera d’annoncer les prochaines statistiques sur le chômage (plaignons-la et larmoyons-nous).


Le politicien avant l’intérêt national

C’est un véritable naufrage que de voir ce fort en thème économique, premier fidèle de Jacques Delors, si mauvais dans l’action. Si mauvais volontairement, parce que dans son esprit, le politicien l’emporte sur l’intérêt national et parce qu’il y aurait nécessité, selon lui, de regrouper toute la gauche alors que l’intérêt général serait plutôt de rassembler l’ensemble des bonnes volontés qui veulent faire redémarrer l’économie française (comme cela s’est produit il y a dix ans en Allemagne). La logique politique actuelle tient plus à la méthode Shadok qu’à la prise en compte des intérêts du peuple français qui en subit, chaque jour et lourdement, les conséquences sociales.

On voit d’ailleurs un nouveau clivage se réaliser au sein du gouvernement : Manuel Valls versus Emmanuel Macron. Le second dit aujourd’hui ce que disait exactement le premier avant 2012 (en particulier sur les 35 heures ou la TVA). Au-delà de la concurrence naturelle sur les mêmes plates-bandes, les deux hommes vont se retrouver maintenant confrontés sur le terrain politique. Manuel Valls, qui agit pour tenter de récupérer le contrôle du PS après 2017, essaie de se gauchiser au maximum pour se faire accepter de l’aile gauche. Tandis qu’Emmanuel Macron, bonne conscience libérale de François Hollande, pourrait faire le pont avec d’éventuels centristes dans l’éventualité d’un duel de second tour entre François Hollande et Nicolas Sarkozy en 2017.

Je ne doute pas qu’à la prochaine conférence de presse présidentielle prévue ce lundi 7 septembre 2016, les préoccupations économiques et sociales seront largement éclipsées par l’actualité très brûlante des réfugiés en Europe, la COP21 (conférence mondiale sur le climat) et la lutte contre le terrorisme. Les demandeurs d’emploi attendront…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (4 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande.
Manuel Valls.
Emmanuel Macron.
Le rapport Gallois.
Le chômage.
Les 60 000 nouveaux fonctionnaires.
L’imposition des hauts revenus à 75%.
La TVA.

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30 juillet 2015 4 30 /07 /juillet /2015 06:49

La mission de l’école républicaine définie par le physicien Paul Langevin en 1945 : « la promotion de tous et la sélection des meilleurs ».


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Après avoir évoqué quelques réflexions sur l’enseignement, j’aborde le cœur du sujet de la réforme du collège, à savoir le contenu du décret n°2015-544 du 19 mai 2015 signé le même jour que la grève des enseignants protestant contre cette réforme (grève suivie par plus de la moitié des enseignants !).

"Entre deux fous rires" (selon une expression de Laurent Nunez, voir plus loin), Najat Vallaud-Belkacem considère que ceux qui contestent sa réforme ne savent pas lire ou ne comprennent pas ce qu’ils lisent. Pourtant, tout est bien clair et ses opposants ont bien compris.


Le décret

Le gouvernement a utilisé la méthode forte. Il a même signé le décret imposant cette réforme (sans débat à l’Assemblée Nationale !) le jour où les enseignants faisaient grève contre cette réforme. On ne peut pas être plus méprisant pour le corps enseignant en général. La défense du gouvernement, c’est de dire que cette réforme était comprise dans la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et programmation pour la refondation de l’école de la République, un texte de Vincent Peillon, le ministre de l’époque (moyenne de longévité, un ministre par an depuis 2012, c’est dire si la jeunesse est la priorité du quinquennat !). Pourtant, rien dans cette loi qui aurait dû s’appliquer d’abord à l’école primaire ne laissait imaginer la suppression pure et simple de l’enseignement du latin et du grec !

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Aucune écoute, un discours de la ministre particulièrement de mauvaise foi refusant d’admettre que dans cette réforme, il n’y aura plus d’enseignement du latin ni du grec et que la période antique sera seulement évoquée "culturellement" au cours d’ateliers qui n’ont rien d’un enseignement rigoureux et utile et qui s’apparentent plus à une garderie d’enfants pour passer le temps.

La grande innovation, en effet, ce sont les quatre heures hebdomadaires de ces "enseignements pratiques interdisciplinaires" (EPI). L’idée de faire de l’interdisciplinarité est intéressante seulement si les disciplines sont déjà bien acquises. Or, ce que veut faire le gouvernement, c’est remplacer ces disciplines par de l’interdisciplinarité. Autant dire que les élèves n’y comprendront plus rien car on ne peut pas connecter deux informations, deux connaissances sans avoir eu, au préalable et séparément, l’occasion d’apprendre ces deux connaissances.

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En regardant d’ailleurs les emplois du temps imposés par le décret, on s’aperçoit que les fondamentaux ne sont pas assurés. Je ne comprends pas comment on ne propose que quatre heures de français par semaine et trois heures et demi de mathématiques par semaine. Comment les bases pourraient-elles être acquises avec un horaire aussi léger ? Ne vaut-il pas mieux redéployer les quatre heures d’EPI en les répartissant entre français et mathématiques ? Et permettre aux élèves qui ont des facilités des options supplémentaires (latin, grec et aussi d’autres disciplines) ?

La suppression des classes bilangues est aussi un autre scandale. La réponse de la ministre, c’est de dire que dès la cinquième, tous les élèves auront deux langues vivantes. Le problème, c’est que tous les élèves ne sont pas forcément aptes à se disperser aussi tôt : le français et la première langue vivante ne sont pas forcément simples pour certains et il serait préférable de les approfondir avant de passer à une (troisième) langue (j’écris troisième mais c’est normalement seconde langue puisque le français a un autre statut).


Les dégâts de l’idéologie égalitariste

Najat Vallaud-Belkacem considère que pour éviter les disparités intellectuelles entre les élèves, il faut saborder les élèves qui ont des facilités pour les retrouver au même niveau que les élèves qui ont des difficultés et qui ne peuvent pas, effectivement, suivre l’enseignement du latin et du grec. Résultat, on a bien égalité mais vers le bas.

Rien n’empêche le maintien des classes de latin et de grec, rien sauf l’idéologie égalitariste qui, pourtant, a déjà fait des ravages depuis une quarantaine d’années. La réalité, c’est que cela va favoriser les établissements privés sous contrat qui, bien sûr, respecteront les directives de la ministre mais proposeront sans aucun doute des enseignements optionnels supplémentaires de latin et du grec. À force de vouloir l’égalitarisme, cela va cliver la population entre ceux qui ont les moyens de payer une école privée et ceux qui, n’en ayant pas les moyens matériels, n’auront plus les moyens intellectuels de se cultiver au plus haut niveau. C’est ce paradoxe qu’est en train d’engendrer cette réforme incohérente : dans l’intention de réduire les inégalités, elle va les renforcer au point de détruire l’excellence de l’école publique.

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La ministre, « toujours dans un fou rire charmant », a voulu faire une première explication de texte sur RTL le 30 avril 2015 et voici ce que en disait Laurent Nunez, agrégé de lettres et journaliste : « Madame Vallaud-Belkacem a (…) expliqué à Jean-Michel Apathie que le latin ne disparaissait pas vraiment du collège ; une phrase surtout a été prononcée : "Les professeurs de latin seront bien là, demain, devant leurs élèves". Madame la Ministre a raison : les professeurs seront présents. Sa phrase est astucieuse, et cache l’autre réalité : ces professeurs présents ne feront pas cours. En effet, le latin sera, dès la réforme 2016, compris dans des "Enseignements pratiques interdisciplinaires". (…) Voilà ce qui choque si fortement les professeurs de langues anciennes : ils serviront de saupoudrage, de cautions culturelles ; et fourniront juste quelques remarques culturelles, mythologiques… Adieu thème ! Adieu version ! À la place, les professeurs de grec et de sciences physiques, par exemple, écouteront les élèves leur expliquer comment on est passé "du dieu Éole aux éloliennes". » ("Marianne" le 30 avril 2015).

L’absence d’écoute du gouvernement sur ce sujet si fondamental (l’avenir d’une classe de génération) est d’autant plus hallucinant qu’à part quelques "spécialistes des science de l’éducation" et quelques ministres socialistes pour qui le sujet est un marqueur idéologique (qui confond égalité des chances et égalitarisme qui nivelle vers le bas), personne n’approuve une telle réforme.


Des réactions unanimement hostiles

Le 5 juin 2015, une nouvelle pétition rédigée par François Bayrou (pour qui le sujet est très sensible), Jean-Pierre Chevènement, Régis Debray, Luc Ferry, et quelques autres "pseudo-intellectuels" a recueilli en quelques semaines près de trente mille signataires.

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Dans ce texte, les trois anciens ministres de l’Éducation nationale souhaitent revenir aux fondamentaux : « Nous n’acceptons pas l’affaiblissement des disciplines au profit d’une interdisciplinarité floue, sans contenu défini, dont les thèmes sont choisis selon la mode et l’air du temps (…), conduisant au "zapping" pédagogique. L’échange entre disciplines est fécond et mérite mieux que ces faux-semblants. Nous n’acceptons pas que l’égalité des chances soit confondue avec l’égalitarisme niveleur et se résume à la suppression de tout parcours d’excellence. Les victimes de ce renoncement, ce seront d’abord les enfants de milieux populaires ou défavorisés pour qui l’école est le seul recours, car ils ne peuvent avoir accès aux cours privés et aux leçons particulières de leurs camarades plus favorisés. Fidèle à la maxime de Paul Langevin fixant en 1945 la mission de l’école républicaine : "la promotion de tous et la sélection des meilleurs", nous défendons la notion d’élitisme républicain pour que chacun puisse aller au bout de ses capacités. ».

Puis, le texte insiste sur l’importance de réformer d’abord l’école primaire, base des difficultés du collège, et sur la défense des langues vivantes, des classes européennes, internationales, bilangues, qui vont être supprimées, et sur la légitimité du latin et du grec « qui ont fait le socle de la culture et de la pensée française, qui forment les racines de notre langue comme de la langue scientifique mondiale ». La pétition s’en prend aussi au « jargons indécents » et veut promouvoir des « programmes clairs et compréhensibles par tous » : « Le programme d’histoire en particulier doit proposer des repères chronologiques et ne peut réduire à de seuls traits négatifs ou facultatifs la civilisation européenne et l’héritage des Lumières. ».

L’Académie française, généralement timorée et beaucoup trop consensuelle pour s’engager dans un combat politique, s’est cependant redressée lors de sa séance du 11 juin 2015 en adoptant à l’unanimité une déclaration de protestation assez véhémente : « L’exigence constitue le principe fondateur de l’école de la République ; elle doit le rester ou le redevenir. ». Le texte, adressé au gouvernement et intitulé : "Pour une vraie égalité des chances"), a repris les principales critiques émises depuis mars 2015 : « À trop privilégier la "transversalité", on risque de favoriser une dispersion des savoirs, une fragmentation des contenus préjudiciable aux élèves en difficultés, et de retarder la consolidation des acquis de base, qui ne peut être obtenue que par la transmission de savoirs objectifs et mesurables. ».

Avec cette déclaration, les académiciens sont évidemment restés dans leur rôle de défenseurs de la langue française : « Réduire la place des humanités, matrice de notre civilisation, mettre le latin et le grec sur un pied d’égalité avec les langues régionales, dont l’enseignement relève d’une tout autre problématique et renvoie à d’autres finalités, est aussi un mauvais coup porté à la langue française. Apprendre le latin et le grec n’est pas consacrer à des langues "mortes" un temps qui serait mieux employé en étudiant une ou plusieurs langues "vivantes", c’est avant tout découvrir notre propre langue, dont la maîtrise ouvre l’accès à toutes les disciplines et à la culture en général. ».

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Najat Vallaud-Belkacem a répondu aux académiciens le 23 juin 2015 sans apporter aucun élément rassurant ni intéressant. C’est un internaute qui a réagi sur le site Internet personnel de la ministre qui a résumé le mieux tout le problème actuel : « Les zintellectuels ne comprennent rien. Les profs ne comprennent rien. Les académiciens ne comprennent rien. Les journalistes ne comprennent rien. Les syndicats (profs + inspecteurs d’académie) ne comprennent rien. Donc : je suis plus intelligente que tous ces gens-là réunis. Affligeant. » (le 4 juillet 2015).


Les programmes également en question

Parallèlement à la réforme du collège, la réforme des programmes fait aussi discussion.

La nouvelle procédure est de les demander à un Conseil supérieur des programmes. Pourtant, s’il y a bien une décision politique, c’est bien la définition des programmes, en particulier d’histoire. Cela devrait donc être du ressort de la ministre, c’est sa responsabilité par rapport aux citoyens, et pas d’un comité Théodule issu de nulle part. On en connaît l’importance. La République de Weimar avait fait arrêter les cours d’histoire pour les jeunes Allemands en 1914.

La polémique s’est amplifiée depuis avril 2015 sur les chapitres en histoire qui ne seront plus obligatoires, comme l’enseignement de la pensée humaniste ou celui du Siècle des Lumières, ou encore la chrétienté au Moyen-Âge tandis que l’essor de l’islam sera obligatoire ! On croit rêver ! Heureusement, Napoléon restera un chapitre obligatoire.

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La légèreté du gouvernement est telle que l’arrêté du 12 juin 2015 mettant en place les nouveaux horaires du lycée pour la rentrée 2015 (deux mois plus tard seulement !), pour introduire "l’enseignement moral et civique" (une demi-heure par semaine) promis après les attentats de janvier 2015, avait même "oublié" les deux heures et demi d’histoire-géographie en première S et les huit ou quatre heures de philosophie en terminale L et ES !


Une année encore pour dissuader le gouvernement

L’enjeu de l’école est essentiel : former des citoyens responsables et intellectuellement autonomes, capables d’avoir un point de vue personnel et cohérent sur les grands sujets d’avenir, qui sont tous à forte composante scientifique et historique (comme l’environnement, les droits de l’Homme, etc.).

L’arrivée des vacances estivales a empêché toute poursuite de la protestation mais nul doute que les enseignants ne désarmeront pas à la rentrée scolaire. L’opposition parlementaire, menée par Bruno Le Maire sur ce sujet, n’a pas hésité d’ailleurs à affirmer qu’elle abrogerait cette réforme si elle revenait au pouvoir au printemps 2017, ce qui fera une génération sacrifiée pour l’année scolaire 2016-2017.

Nouveaux rythmes scolaires, loi sur le renseignement, réforme du collège, réforme territoriale, retenue à la source de l’impôt sur le revenu qui va plomber une nouvelle fois les entreprises… sans compter une pressante envie de vote obligatoire, de droit de vote aux étrangers fusillant la notion même de citoyenneté française… Mais que restera-t-il de la France après le quinquennat désastreux de François Hollande ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 juillet 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La réforme du collège : le latin et le grec supprimés.
Décret et arrêté du 19 mai 2015 sur la réforme du collège (à télécharger).
Arrêté du 12 juin 2015 sur la réforme des programmes au lycée (à télécharger).
Najat Vallaud-Belkacem.
Vincent Peillon.
Désenchantement des enseignants pour la gauche (sondage à télécharger).
Pétition pour défendre le latin et le grec.


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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150729-reforme-college-2.html

http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/c-est-xenophon-qu-on-assassine-2-170261

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/07/30/32417662.html

 

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29 juillet 2015 3 29 /07 /juillet /2015 06:20

« Il ne voyait pas de fourberie plus grande que de tromper ses concitoyens et de se faire passer, lorsqu’on est sans mérite, pour un homme capable de gouverner l’État. » (Xénophon, "Les Mémorables", Livre I, 7).




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Un récent sondage réalisé par OpinionWay pour "Le Figaro" publié le 24 juillet 2015 (téléchargeable ici) a montré que les enseignants se détournaient massivement des socialistes alors qu’ils en constituaient la base électorale (seulement 21% des enseignants voteraient encore pour François Hollande en 2017 au lieu des 44% ayant voté pour lui en 2012, les autres iraient vers François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon).

La signature du décret n°2015-544 du 19 mai 2015 (qu’on peut télécharger ici) a officialisé la réforme du collège pour la rentrée 2016, notamment en supprimant scandaleusement l’enseignement du latin et du grec ancien. Il y a une sorte de cocasserie du sort qui voudrait qu’après cette décision ruinant la capacité de se cultiver des plus pauvres, la crise du début de l’été soit venue de la Grèce. La France, qui a toujours été l’alliée et la grande sœur de la Grèce auprès des institutions européennes depuis 1974, se retrouve à devoir faire une médiation impossible. Revenons sur cette réforme du collège…

Xénophon est l’un des auteurs grecs que j’avais étudié longuement en classe avec "L’Anabase". Mais j’aurais pu écrire aussi : c’est Lucrèce qu’on assassine ! C’est Homère, Platon, Sophocle, Aristote, Épicure, Thucydide, Euripide, Sénèque, Plaute, Ovide, Virgile, Tite-Live, Suétone, Cicéron... et même Jules César que l’on tente d’assassiner ! Ce sont nos racines gréco-romaines que ce gouvernement stupide voudrait couper à la machette.

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Mais qui donc soutient la réforme du collège, à part Najat Vallaud-Belkacem, Manuel Valls et François Hollande qui s’est cru obligé, tellement c’était peu évident, de rappeler à l’ordre le 13 mai 2015 ses ministres et de leur dire qu’ils avaient un devoir de solidarité gouvernementale pour défendre cette réforme ? François Hollande a même dû parler de la réforme du collège à l’étranger, lors de sa conférence de presse à Berlin, aux côtés de la Chancelière allemande Angela Merkel, ce qui n’a pas manqué de surréalisme alors que cette réforme va casser l’enseignement de l’allemand en supprimant les classes bilangues et européennes.

Marquage à gauche, comme certains le disent ? Mais quand arrêtera-t-on enfin de politiser l’école et de penser avant tout à l’intérêt des enfants ? Et si ce n’est pas l’intérêt des enfants, à l’intérêt du pays dans trente ans ? Déjà que les professionnels du tourisme et des loisirs ont décidé du nouveau calendrier des vacances et des nouveaux rythmes scolaires. Et en plus, cela ne marque même pas à gauche : Jack Lang, Aurélie Filippetti, par exemple, s’y opposent. Même Jean-Luc Mélenchon a rejoint sans trop de surprise le camp des opposants résolus. Normal, son cœur de cible, c’est l’enseignant de lettres classiques.


Témoignage personnel

Petit retour à il y a "quelques" années (trop lointaines)… lorsque j’étais arrivé en classe de quatrième. À la fin de l’année précédente, on m’avait fortement déconseillé de choisir le latin et le grec en même temps que l’allemand et l’anglais. Chacune de ces langues, vivantes ou anciennes (quelle erreur de dire "langue morte", le pape s’exprime encore quotidiennement en latin !) était enseignée à raison de trois heures par semaine. J’avais finalement résisté, encouragé par un enseignant enthousiaste (je précise : de mathématiques, pour bien montrer qu’il n’y avait pas de défense de sa propre discipline) et j’ai été très heureux de découvrir quelque chose qui m’a ouvert l’esprit ; que la plupart des langues indo-européennes avaient des racines communes ! Mais pas seulement, que des langues comme le malgache avait aussi des racines communes (comme le mot femme). Qu’il y avait en somme quelque universalité dans la diversité. Que les différences étaient mineures face aux ressemblances. C’est cela qui était philosophiquement frappant.

Mais pour cela, il fallait étudier. Durement parfois, parce que les déclinaisons, les conjugaisons, les mots de vocabulaire (en grec, c’est un peu moins simple que le latin, il y a des articles, il y a un mode de conjugaison supplémentaire, etc.). Il n’y a jamais de fruits sans effort. C’était évidemment grâce au vocabulaire que je savourais ces options scolaires qui ne m’ont jamais été inutiles (le moindre mot compliqué que je ne connaissais pas, je réussissais à en deviner le sens rien qu’en le disséquant avec ses racines ; l’étymologie est une science accessible à tous, enfin, jusqu’en 2016). La grammaire du latin, du grec ou de l’allemand était un élément indispensable pour bien comprendre la grammaire française. Pourquoi rester avec les COD, COI etc. alors qu’il suffirait de généraliser la notion de cas de déclinaison ? Et le latin aide à comprendre la logique, qui manque tant dans les raisonnements qu’on entend dans les débats publics.

Bref, je peux dire sans crainte de me tromper que mon architecture mentale s’est bâtie durant mon adolescence notamment grâce à l’acquisition du latin et du grec. Pas forcément ma culture générale qui, elle, est plus libre et s’acquiert par les diverses lectures (encyclopédiques ou pas) hors du cadre scolaire qui, aujourd’hui, sont beaucoup plus accessibles grâce aux médiathèques et à l’Internet.

Une contribution essentielle à la logique, à l’amour des mots, mais aussi à l’ouverture d’esprit, à l’ouverture d’autres modes de vie, et à l’idée, que j’ai retrouvée systématiquement chaque fois que j’ai voyagé à l’étranger, que finalement, les humains ne sont pas si éloignés les uns des autres culturellement, comme on vaudrait nous le faire encore croire aujourd’hui pour distiller le repli sur soi et la xénophobie (peur de l’étranger).

Évidemment, ce que j’explique ici est purement personnel, et tous les enfants n’ont pas forcément l’envie, la chance, voire les capacités intellectuelles, d’étudier le latin et le grec, car il faut d’abord être au clair avec les fondamentaux, le français, les mathématiques, l’anglais (j’ai rajouté l’anglais car aujourd’hui, ne pas savoir l’anglais est aussi handicapant qu’être analphabète il y a cinquante ans), avant de suivre l’enseignement des langues anciennes. C’est pour cela qu’il n’était qu’une option facultative, non obligatoire, donnant simplement des points au baccalauréat (merci à Lucrèce pour son "De Natura rerum" !).

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Je précise que, hélas, tout le monde n’est pas égal à la naissance dans la réalité, tant intellectuellement que physiquement et même physiologiquement. J’ai su très tôt que je ne serais pas un champion sportif mais j’aspire à un pays qui permette à ceux qui peuvent devenir des champions de les encourager à l’être et à l’être dans l’excellence. C’est la même chose pour le latin et le grec. L’égalité de l’État, c’est de permettre à tous, sans exception, d’aller au bout de leur potentiel, de leurs limites. Pas de faire la même chose.


La bataille des anciens et des modernes

Eh non, le sujet n’est pas la bataille entre les anciens et les modernes comme voudrait le faire croire le gouvernement actuel, entre les "pseudo-intellectuels" et les "rien du tout d’intellectuels". D’ailleurs, c’est assez vain d’opposer ce qui est compatible, de cliver ce qui peut être réuni.

Le "avant c’était mieux" est une réflexion terriblement narcissique : avant, c’était quand on était jeune, donc, c’était forcément mieux. Mais la situation n’était pas meilleure que maintenant. Il y a beaucoup plus de jeunes d’une classe d’âge qui accèdent à un certain niveau d’enseignement qu’il y a cinquante ans. Il y a beaucoup plus d’élèves excellents que dans le passé (la concurrence dans les concours, les postes à pouvoir, est très rude, et cherchez dans le monde un spécialiste très pointu dans une discipline scientifique très exotique, et vous verrez qu’il y en existe plusieurs dizaines de milliers dans le monde !).

Il est d’ailleurs assez réjouissant de lire certains écrits dans les années 1920 d’enseignants (des normaliens) qui disaient déjà, à l’époque, que le niveau baissait, en comparaison avec le niveau d’avant 1900 ! C’était quand ils étaient jeunes. Rien de nouveau donc depuis Jules Ferry. Le niveau qui baisse, c’est la tarte à la crème, c’est un marronnier, c’est le même sentiment que l’insécurité qui monte : les statistiques n’y feront rien, c’est simplement que plus on vieillit, plus on regrette la période de sa jeunesse et plus on a un besoin de sécurité et de confort. C’est humain. Mais pas très politique. Car l’action politique, c’est anticiper, c’est préparer l’avenir, c’est doter les enfants, les futurs citoyens, les futurs adultes et responsables, de bagages suffisamment riches pour s’inscrire en pleine autonomie dans un contexte historique, géographique, littéraire, scientifique, etc.

Il y a certes des indicateurs internationaux assez inquiétants qui montrent que la situation de l’éducation en France est vraiment à réformer. Il n’y a pas de doute là-dessus, mais cela ne veut pas dire que le niveau baisse. Certes, et on le constate avec Internet, c’est sans complaisance, l’orthographe et la culture livresque ont considérablement baissé, mais les jeunes connaissent mieux les langues étrangères, l’informatique, les nouvelles technologies de la communication, etc. Par ailleurs, les élèves excellents excellent encore plus. Le niveau ne baisse pas, ni ne monte. Il évolue, il se transforme, comme la société se transforme, comme les emplois se transforment, comme l’économie se transforme.

L’enseignement doit donc forcément s’adapter, toujours s’adapter, tant au jeune public et à son évolution, qu’au contexte économique et social qui, lui aussi, évolue. Je me souviens qu’au début des années 1980, au collège, il était question d’introduire la télévision dans l’enseignement. Pas regarder passivement la télévision, mais faire un enseignement critique des documentaires, des films, les moyens techniques de persuasion par l’image, de propagande. Avec le mode de vie d’aujourd’hui, avec l’utilisation du smartphone, de l’ordinateur, d’Internet, des réseaux sociaux virtuels, j’espère bien que l’Éducation nationale a su les introduire dans l’enseignement général, que tous les futurs citoyens soient capables d’avoir du recul, un esprit critique, un sens des responsabilités, de la prudence pour eux et leurs proches, avec tous ces outils technologiques mis à disposition de tout le monde.

Donc, tout cela pour dire que cela ne m’émeut pas qu’on veuille réformer l’enseignement en général. Il faut toujours être dans l’adaptation permanente de l’école à la société dans laquelle elle doit s’insérer.


Culturel ou professionnel ?

La bataille stupide entre les anciens et les modernes peut aussi se décliner au travers d’un autre clivage qui me paraît tout aussi réducteur : l’école doit-elle former pour donner un savoir, ou pour donner du boulot ? Finalité culturelle ou finalité professionnelle ?

Je me souviens avoir animé à Nancy au début des années 1990 une table ronde sur le sujet. J’avais un contradicteur, un éminent professeur de droit ayant ses entrées à Bruxelles et au Vatican, qui soutenait que l’université devait juste apporter la connaissance, et moi, qui, pour des raisons universitaires, avais pris le rôle de l’avocat du diable (c'était un public d'universitaires et d'étudiants), j’avais pris le rôle de soutenir la finalité professionnelle, parce qu’avec le chômage de masse, ce n’était pas un luxe : l’université devait avant tout faire aboutir des projets professionnels et ne pouvait financer des filières vouées au chômage pour le plus grand nombre. Étrangement, certaines années, il y avait des modes : la filière sport, par exemple, beaucoup plus dure qu’on peut croire, ou la sociologie, qui donne peu de postes (et filière assez mal desservie par des malhonnêtes intellectuels comme Emmanuel Todd).

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La réalité, c’est qu’on ne peut pas assurer correctement un travail si on n’a pas une culture générale suffisante, et cela dans tous les domaines. Je ne sais plus, d’ailleurs, quel journaliste rappelait qu’à l’époque d’Hubert Beuve-Méry (le fondateur et patron du journal "Le Monde"), la plupart des journalistes avaient suivi des études classiques de philosophie. Les journalistes étaient en somme des philosophes et avaient des réflexions qui replaçaient les événement dans cette architecture mentale. Maintenant, ils suivent des écoles de journalisme qui leur enseignent comme faire de l’audience, comme captiver ses lecteurs ou auditeurs. Et travaillant toujours dans l’urgence, ils n’ont plus aucune rigueur intellectuelle. Pour la plupart, les journalistes sont devenus des commerçants, c’est très décevant.

La réalité technologique renforce aussi la transformation de l’enseignement. Aujourd’hui, ce qui règne en maître, ce sont les tweets. C’est sûr que lorsqu’on est seul à regarder une émission de télévision et qu’on veut s’exclamer spontanément sur ce qu’on voit, Twitter est un outil imparable. Des personnalités "classiques" et peu suspectée de vouloir détruire la culture française, comme Bernard Pivot, raffolent de Twitter car cela leur donne un défi sémantique passionnant : comment percuter sur un sujet particulier en si peu de mots ? La Rochefoucault ou Jules Renard auraient excellé à cet exercice, j’imagine.

Oui, outil merveilleux pour la forme, Twitter, mais pour le fond, dans une société de plus en plus complexe, comment exprimer une pensée nuancée et subtile avec si peu de mots ? C’est donc les slogans qui dominent. C’était déjà le cas en politique depuis une cinquantaine d’années, mais aujourd’hui, ce sont tous les domaines intellectuels qui sont dominés par ce simplisme technologique : raccourcis de réflexion (et donc amalgames), lectures en diagonale (il suffit de voir comment les articles sont très mal lus sur Internet, c’est parfois effarant, on peut se demander raisonnablement si la lecture a été poursuivie au-delà du seul titre), manichéismes dogmatiques par simple paresse intellectuelle ou par manipulation idéologique, et donc, propos démagogiques fleurissent comme des pissenlits dans la pelouse de "l’opinion publique".

Récent exemple de la twittérisation affligeante de la pensée, l’éditorial de Laurent Joffrin dans "Libération" du 23 juillet 2015 sur la situation très difficile de Vincent Lambert où il a parlé sans nuance de « menace intégriste » et a comparé les parents de Vincent à des terroristes jihadistes (ils n’auraient « rien à envier aux groupes équivalents dans les autres religions, par exemple les intégristes musulmans »). Les familles des victimes des attentats de janvier 2015 (et de tous les attentats, dont les plus récents) apprécieront la comparaison, je suppose…

Je reviens sur l’importance de la culture au-delà des compétences professionnelles : savoir s’exprimer est essentiel, donc, savoir parler et savoir écrire, est essentiel car sans cette capacité, on ne peut s’exprimer que par la violence. Le bébé s’exprime par des pleurs ou en tapant avec ses mains car il ne sait pas faire autre chose dans un premier temps. Beaucoup de conflits pourraient être évités si un réel dialogue s’était instauré, c’est valable à l’intérieur d’un couple, à l’intérieur d’une famille, d’une école, d’une association, d’une entreprise, etc. La carence de l’expression incite à la violence et aux idées simples. C’est assez facile de comprendre d’ailleurs : prenez une langue étrangère que vous avez étudiée mais qui n’a plus beaucoup de restes aujourd’hui, et tentez d’expliquer avec cette langue à une personne dont c’est la langue maternelle quelle est par exemple votre position sur la fin de vie ou sur la peine de mort et pourquoi. On arrive vite à des simplifications désastreuses pour l’esprit humain sur des sujets extrêmement complexes à aborder.


Après cette introduction sur l’enseignement en général, j’évoquerai dans un autre article la réforme du collège décidée formellement le 19 mai 2015 pour la rentrée 2016.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 juillet 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La réforme du collège : le latin et le grec supprimés.
Décret et arrêté du 19 mai 2015 sur la réforme du collège (à télécharger).
Arrêté du 12 juin 2015 sur la réforme des programmes au lycée (à télécharger).
Najat Vallaud-Belkacem.
Vincent Peillon.
Désenchantement des enseignants pour la gauche (sondage à télécharger).
Pétition pour défendre le latin et le grec.


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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150729-reforme-college-1.html

http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/c-est-xenophon-qu-on-assassine-1-170260

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26 juin 2015 5 26 /06 /juin /2015 12:49

Un nouvel assassinat probablement commis par un terroriste islamiste (ou deux) et une usine "attaquée" près de Lyon.


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Ce vendredi 26 juin 2015 dans la matinée, une forte explosion suivie d’un incendie a eu lieu dans l’usine chimique d’Air Products, classée Seveso, avenue des Arrivaux à Saint-Quentin-Fallavier, commune du nord de l’Isère connue aussi pour être le péage de l’autoroute entre Lyon et Grenoble. Le site a été immédiatement évacué. L’entrée de l’usine a été forcée vers 9 heures 50 par une voiture qui aurait fait du rodéo dans la cour pour heurter des bonbonnes de gaz.

L’attentat aurait fait deux blessés parmi les employés de l’entreprise, mais le plus morbide a été la découverte d’une personne décapitée à proximité de l’usine, le long de la route RD311. Le corps serait recouvert d’inscriptions en arabe.

Air Products produit des gaz industriels pour les entreprises, un peu comme Air Liquide. L’un des auteurs présumés de cet attentat a été interpellé. Il serait entré dans l’enceinte de l’usine en agitant des drapeaux islamistes. Il pourrait y avoir un second auteur, en fuite.

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Rien n’indique que Daech soit réellement impliqué malgré la revendication de l’auteur présumé qui serait déjà connu des services de la DGSI. La vigilance renforcée sur tous les sites sensibles en Rhône-Alpes a été ordonnée par le Premier Ministre Manuel Valls. D’autres attentats de même sorte ne seraient pas à exclure sur d’autres lieux.

Le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’est rendu immédiatement sur les lieux rejoindre le préfet de l’Isère et le procureur de Vienne, pendant que le procureur général de Paris François Molins a annoncé que le parquet antiterroriste venait de se saisir de l’enquête. Le Président de la République François Hollande lui-même a annoncé que le suspect a été identifié et a confirmé la nature terroriste de l’attentat.

La salle polyvalente des Loipes à La Verpillière va accueillir les employés de l’usine qui ont été très choqués par cet attentat et une cellule psychologique va être créée à l’hôpital de Bourgoin-Jallieu. Les enfants n’ont pas été, semble-t-il, confinés dans les écoles aux alentours et ont poursuivi leurs activités normales.

Selon une personne des services de sécurité intérieure, « tous les signaux étaient ce dernières semaines au rouge pour qu’un attentat de cette nature se produise sur le territoire national ».

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Le député-maire de Nice et candidat aux régionales en PACA, Christian Estrosi (Les Républicains) a très rapidement réagi dans la démesure en tweetant : « Cet attentat dramatique en Isère, si l’auteur est vérifié, rappelle une nouvelle fois présence 5e colonne en FR. » (26 juin 2015).

Même si l’hypothèse de la cinquième colonne paraît peu vraisemblable et que son évocation n’a qu’un but électoraliste, l’absence de structure centralisée de Daech laisse ouvertes toutes les initiatives individuelles. C’était le cas pour les attentats de Merah en mars 2012 comme pour les attentats de "Charlie Hebdo" en janvier 2015. La revendication de Daech pourrait également n’être qu’un prétexte à des actes criminels.

La découverte macabre d’un corps décapité près de l’usine renforce le caractère impressionnant de l’attentat. Jusqu’à maintenant, les décapitations étaient le fait de criminels très éloignés de France et d’Europe, probablement en Syrie ou en Irak. Un tel assassinat a évidemment le but de terroriser les habitants.

Hélas, d’autres actes terroristes seront peut-être commis dans le futur proche. Si les premières informations étaient exactes, il s’avèrerait que la loi sur le renseignement, qui a été adoptée définitivement par le Parlement le 24 juin 2015 dans la soirée et qui fait l’objet le lendemain d’une saisine du Conseil Constitutionnel par le Président de la République lui-même, ne paraît pas être d’une grande utilité pour empêcher la réalisation d’attentats, puisque l’auteur présumé serait déjà connu des services de renseignements.

L’enjeu de la sécurité intérieure restera un sujet politique capital qui influera sans aucun doute le cours de la future campagne présidentielle. Le trio Hollande, Valls et Cazeneuve aura à démontrer que les citoyens français peuvent continuer à vivre sans l’obsession pour leur sécurité que vivent aujourd’hui de très nombreux peuples au Proche-Orient, et en particulier, les chrétiens d’Orient, peu défendus par les démocraties européennes.

Au même moment que l'attentat à Air Products, une plage devant un hôtel à Sousse en Tunisie a été, elle aussi, "attaquée" et au moins trente-sept personnes auraient été tuées par les tirs... et un attentat suicide contre une mosquée chiite à Koweït-City a causé la mort d'au moins vingt-cinq personnes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 juin 2015)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Stop dijihadisme (site du gouvernement français).
Les attentats de Merah.
Les attentats de Charlie.
Peur sur la ville.
Loi sur le renseignement.
AZF.
Flou blues.
Pas seulement otage.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150626-air-products.html

http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/l-attentat-a-air-products-l-169029

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/06/26/32274593.html


 

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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 06:35

Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu a été mis sur l’autel de Poitiers pour donner satisfaction à tous les militants troublés par le supposé social-libéralisme du gouvernement de Manuel Valls. Les perdants, on les connaît par avance…


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Il faudra vraiment rappeler aux gouvernants qu’on ne commence pas les grandes réformes quelques mois avant de s’en aller et laisser les bébés aux suivants… Réforme territoriale, réforme du collège, et maintenant, avec cette annonce de Manuel Valls ce samedi 6 juin 2015, prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source.

Quand j’avais entendu Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, affirmer le 24 mai 2015 qu’il y aurait le prélèvement à la source, je me suis dit : soit j’ai mal compris les institutions de la Ve République et c’est le parti qui dirige l’État et pas le gouvernement, comme dans les heures épiques de l’Union Soviétique, soit l’impôt sur le revenu allait devenir un enjeu très politicien pour le congrès de Poitiers qui réunit toutes les factions du PS du 5 au 7 juin 2015.

En effet, comment réussir à convaincre les militants socialistes blasés dès la première année du quinquennat de François Hollande que ce congrès allait leur consacrer une victoire ? On leur avait déjà volé les motions (Martine Aubry se mariant à Manuel Valls ne donnait plus beaucoup de chance à un débat réel au sein du PS), la reconduction automatique de Jean-Christophe Cambadélis à la tête du parti, pour corser le tout, on leur a même volé le seul qui, politiquement, aurait pu être leur leader, à savoir Arnaud Montebourg, mais ce dernier était retenu par un suppôt du grand capital (un CDI dans une boîte privée, c’était nouveau pour lui et c’était trop tentant)… Alors, sur quelle base pourraient-ils se dire qu’ils ont gagné ? Il ne faut jamais faire perdre la face à l’adversaire.

Ainsi, les différents courants pourront trouver dans la volonté (nouvelle) du gouvernement de faire le prélèvement à la source une "source" de satisfaction et pour ainsi dire, la victoire des gardiens du temple socialiste face au social-libéralisme de Manuel Valls. Tout cela n’est que posture, rien n’est vision réfléchie d’un avenir collectif, qu’importe, le but, être présidentiable en 2022.

Alors, cette concession ne coûtera pas cher à l’État, bien au contraire et semble même populaire depuis quelques années dans les sondages : le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source laisse croire à une simplification du système.

C’est un véritable serpent de mer, déjà évoqué à la fin du dernier mandat du Président Jacques Chirac. Il permettrait la suppression de 1 500 fonctionnaires du Ministère des Finances, ce n’est pas anodin pour un État en crise budgétaire permanente. En novembre 2013, alors Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault n’avait même pas osé l’évoquer dans ce qui aurait dû être sa réforme fiscale (vite oubliée avec la vague Valls).

Il ne faut pas s’y tromper, le prélèvement à la source ne se fera pas à impôt constant. Seuls les doux rêveurs le croiront. Le but est naturellement de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG (la contribution sociale généralisée), déjà prélevée à la source. Une mesure qui faisait partie des promesses du candidat François Hollande. L’idée est simple : mécaniquement, ceux qui paieront plus, ce seront les classes moyennes, puisqu’il la CSG aura vocation à la progressivité.

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L’économiste Élie Cohen expliquait le 27 mai 2015 : « Fusionner IP et CSG peut légitimement conduire à prévoir des abattements pour les petits revenus. Mais une telle décision se traduirait par une perte d’efficacité du nouvel impôt par rapport à la CSG, affecté à la protection sociale, bien accepté à base dynamique et non mitée, et l’autre, l’IRPP, contesté, d’un médiocre rendement et affecté à l’État, conduira fatalement à la pollution du bon impôt par le mauvais. » (article "La fusion IRPP-CSG : un vrai-faux débat", Telos).

Et sa conclusion était sans appel : « Par quelque bout qu’on prenne le problème, le débat lancé par les frondeurs et légitimé par Jean-Christophe Cambadélis est contreproductif. Il évacue le seul débat qui vaille, à savoir le niveau de dépenses publiques et socialisées dans un contexte marqué certes par des préférences collectives fortes des Français pour la redistribution, mais aussi par les contraintes de la concurrence fiscale. Il accrédite l’idée que, par une mesure technique, on peut réduire les impôts des plus faibles et faire ainsi de la redistribution indolore. Il installe durablement la crainte dans les classes moyennes de hausses d’impôts à venir. Il aggrave la défiance à l’égard du politique puisque la réalisation du seul prélèvement à la source ne répond absolument pas à  la demande de redistribution et renvoie aux calendes grecques la fusion CSG-IRPP. » (27 mai 2015).

Encore une fois, la méthode de gouvernement est aberrante. On nous avait promis de la stabilité fiscale et sociale mais il n’en est rien : pour des raisons politiciennes, partisanes, clientélistes, le gouvernement socialiste continue à déséquilibrer systématiquement l’horizon des ménages mais aussi des entreprises. Comment, dans ces conditions, vouloir investir sur l’avenir avec de telles incertitudes fiscales ?

Car il ne faut pas se tromper : les deux victimes du prélèvement à la source, ce seront les ménages des classes moyennes et les entreprises. Eh oui, les entreprises, parce qu’en somme, la mesure équivaut à demander aux entreprises de tenir le rôle du percepteur, ce qui ne va pas dans le sens d’une augmentation de la compétitivité.

Les entreprises sont déjà tenues au rôle de percepteur pour de nombreuses taxes et contributions, comme la CSG, les cotisations sociales, et bien sûr la TVA, mais la grande différence est que le taux pour l’impôt sur le revenu n’est pas constant et dépend du salarié et pas du salaire.

Au-delà de la classe moyenne, ce sont donc tous les salariés qui seront perdants puisqu’ils devront faire connaître à leur employeur leur situation fiscale. Ce qui va à l’encontre de la normale protection de la vie privée des employés. En effet, les salariés devront fournir un taux d’imposition moyen, ce qui donnera des informations supplémentaires à l’employeur lors de négociations salariales.

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Cette violation de la confidentialité de la vie privée pourrait être résolue par la suppression pure et simple du concept de foyer fiscal ou plutôt, en considérant que chaque individu serait un foyer fiscal à part entière. Évidemment, cette solution serait l’éclatement définitif de la cellule familiale et l’effondrement de la politique familiale de la France qui avait pourtant montré son efficacité confirmée à chaque étude démographique en France et chez ses voisins comparables. Saper la politique familiale, François Hollande a déjà largement entamé ce mouvement en remettant en cause le quotient familial et en voulant imposer les allocations familiales.

L'une des difficultés de mettre en place la mesure préconisée, c'est de savoir comment sera réglée l'année de transition : les contribuables paieront-ils doublement leurs impôts cette année-là, ou Bercy fera-t-il grâce de la dernière année sans prélèvement à la source avec un manque à gagner colossal pour le bugdet national ? La tentation d'une année blanche, juste avant l'élection présidentielle, pourrait être irrésistible.

Quant à l’argument sur la difficulté, parfois réelle, qu’ont certains contribuables lorsqu’ils subissent une baisse drastique de leurs revenus (un rapport en 2007 avait évalué à 5 millions le nombre de foyers fiscaux soumis à de fortes variations de revenus d’une année sur l’autre), la solution a déjà été massivement adoptée en France avec le prélèvement mensuel qui lui est un prélèvement directement sur le compte bancaire des contribuables.

Notons d’ailleurs que le prélèvement à la source n’empêchera pas une déclaration de revenu chaque année afin de rectifier la situation fiscale réelle.

Le grand gagnant, ce sera évidemment l’État qui aura une charge en moins, cela ne réduira sans doute pas les coûts administratifs (il ne faut pas rêver) mais cela va permettre des réaffectations d’agents, et pourquoi pas, augmenter ceux chargés du contrôle. D’ailleurs, le principe du prélèvement à la source n’est pas forcément un enjeu de clivage entre la gauche et la droite. Il y a encore quelques jours, l’ancien Ministre de l’Éducation nationale Luc Chatel (Les Républicains) s’était déclaré favorable à la mesure qui a, de toute façon, été déjà préparée par les services de Bercy avant l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy.

Par ailleurs, le prélèvement à la source contribuera inéluctablement à une plus grande déresponsabilisation des citoyens sur leur apport à la collectivité. Pourtant, il aurait été intéressant qu’un réel débat s’ouvrît sur la manière de prélever les impôts. Après tout, les salaires étant déjà doublement contrôlés par l’État ne peuvent pas vraiment faire l’objet de fraudes. En revanche, il aurait été intéressant de faire des prélèvements à la source sur tous les revenus du patrimoine, qui, eux, ne sont pas forcément contrôlables par l’État mais jouissent d’un taux unique qui rendrait très simple un tel prélèvement.

Au lieu de cela, on considère une fois encore que les entreprises compenseront les carences de l’État. La collecte des impôts est pourtant, avec l’armée, la monnaie et la langue, l’une des missions régaliennes les plus importantes de l’État. C’est en quelques sortes la privatisation des perceptions !

Mais voilà, c’est maintenant le congrès du PS qui détermine la politique gouvernementale. Avant que les rats ne quittent le navire aux prochaines élections…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 juin 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Retenue à la source ?
La réforme fiscale de Jean-Marc Ayrault.
François Hollande.
Manuel Valls.
Jean-Christophe Cambadélis.
Congrès chez la concurrence.
La France est-elle un pays libéral ?
Tout est possible en 2017.
Dans deux ans.
Changement de paradigme.
Mathématiques militantes.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150607-reforme-fiscale.html

http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/prelevement-a-la-source-168244

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/06/07/32177774.html

 

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19 mars 2015 4 19 /03 /mars /2015 23:17

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N° 2669
_____

ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2015.

PROJET DE LOI
relatif au renseignement.
(Procédure accélérée)

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de et par M. Manuel VALLS,
Premier ministre,
par Mme Christiane TAUBIRA,
garde des sceaux, ministre de la justice,
par M. Jean-Yves LE DRIAN,
ministre de la défense,
et par M. Bernard CAZENEUVE,
ministre de l’intérieur

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le renseignement permet de connaître et de prévenir les risques et les menaces pesant sur notre pays et sa population, ainsi que de mieux appréhender les grands enjeux auxquels ils sont confrontés. Par là-même, il participe de la garantie des droits des citoyens, qui dépend notamment de l’ordre public pour être pleinement assurée. Dans le contexte actuel, international aussi bien qu’intérieur, le renforcement de la politique du renseignement, dans le strict respect des libertés individuelles, est nécessaire.

Après la parution du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, l’organisation et la gouvernance du renseignement en France a déjà connu des évolutions importantes : la création du conseil national du renseignement, qui définit sous la présidence du Président de la République les orientations stratégiques et les priorités en matière de renseignement ; la nomination auprès du Président de la République d’un coordonnateur national du renseignement, qui coordonne l’action des services spécialisés de renseignement et s’assure de leur bonne coopération ; la constitution d’une « communauté du renseignement », qui comprend les services spécialisés, le coordonnateur national et l’académie du renseignement nouvellement instituée ; la création de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), destinée à doter notre pays d’un service de sécurité intérieure correspondant à ses besoins ; enfin, la création d’une inspection des services de renseignement en 2014. Parallèlement, les moyens consacrés au renseignement ont été fortement accrus, non seulement en matière d’équipement technologique mais également, grâce à des plans de recrutement de grande ampleur, passés et à venir, en termes de renforcement des équipes, qui font désormais appel à des compétences nouvelles, telles que linguistes, analystes, ingénieurs ou encore mathématiciens.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a, quant à lui, rappelé que la « fonction de connaissance et d’anticipation » était un élément fondamental de la stratégie de sécurité nationale et la « condition de décisions libres et souveraines ».

Pourtant la réforme demeure inachevée. Il reste tout d’abord à définir, dans la loi, les principes et les finalités de la politique publique du renseignement, prérogative de l’État, pour reconnaître sa contribution à la sécurité nationale et à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. Il reste surtout à encadrer l’utilisation des techniques de recueil du renseignement pour renforcer la protection des libertés individuelles tout en sécurisant l’action des services spécialisés. De ce point de vue, la France est manifestement en retard par rapport aux autres grandes démocraties.

Il est en outre paradoxal que les activités de renseignement, bien qu’essentielles à la souveraineté nationale comme à la protection de nos concitoyens, soient encore dépourvues d’un cadre juridique général et cohérent. Si le législateur est venu progressivement combler certaines lacunes, par exemple en matière d’interceptions de sécurité en 1991, de communication de documents par les services fiscaux en 2007 ou encore d’accès administratif aux données de connexion ou de consultation des fichiers administratifs et judiciaires en 2013, le dispositif législatif demeure lacunaire.

La lutte contre le terrorisme illustre les insuffisances du cadre juridique national. L’efficacité du dispositif répressif français est certes reconnue : la création, en 1996, du délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, ainsi que les mesures plus récentes comme l’extension du champ de l’association de malfaiteurs à des faits commis à l’étranger ou la création du délit d’entreprise terroriste individuelle, ont aggravé les sanctions applicables à ces projets criminels. En revanche, les outils du renseignement, hors procédure judiciaire, s’avèrent encore mal adaptés à la réalité opérationnelle. Efficace dans la neutralisation, la France doit désormais améliorer la détection.

Dans un rapport d’information présenté en 2013 sur le cadre juridique applicable aux services de renseignement, les députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère ont recensé les lacunes de notre droit et démontré la nécessité urgente d’y remédier : « Alors qu’il compte parmi les plus anciennes des nations démocratiques, notre pays est également le dernier à ne pas avoir établi un cadre normatif adapté ».

Le rapport d’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014 renouvelle ce constat : « La France demeure en effet la seule démocratie occidentale à ne pas bénéficier d’un cadre juridique, laissant de ce fait nos services dans la plus parfaite indigence juridique, exposant les fonctionnaires qui œuvrent en ce domaine et créant les conditions de possibles atteintes aux libertés fondamentales pour les citoyens ».

Les inconvénients de cette situation sont nombreux et graves. En premier lieu, les agents des services spécialisés de renseignement, dont la protection de l’anonymat a pourtant été renforcée par le législateur en 2011 et en 2013, demeurent exposés à des risques pénaux injustifiés. En deuxième lieu, l’absence de règles claires approuvées par le Parlement en matière de renseignement favorise les suspicions infondées sur l’activité des services spécialisés et fragilise leur action, faute d’un consensus social exprimé par la représentation nationale. En troisième lieu, l’insuffisance de la loi limite l’étendue du contrôle exercé sur les services spécialisés : ce qui n’a pas de fondement légal n’a pas de contrôle organisé, ce qui n’est pas acceptable dans une société démocratique attachée à la protection des libertés constitutionnellement garanties.

C’est pourquoi, rompant avec l’approche fragmentée qui a prévalu depuis un quart de siècle, le présent projet de loi relatif au renseignement vise, pour la première fois en France, à offrir un cadre légal général aux activités des services de renseignement, alliant détermination des principes, définition des techniques et renforcement du contrôle. Ce cadre juridique rassemble des dispositions préexistantes rénovées, notamment en matière d’interceptions des correspondances et d’accès administratif aux données de connexion, et des dispositions nouvelles, notamment en ce qui concerne certaines techniques de sonorisation de lieux, de captation de données ou de localisation en temps réel d’objets ou de personnes. En parallèle des contrôles administratifs internes et du contrôle parlementaire exercé par la délégation parlementaire au renseignement, le projet de loi confie à une autorité administrative indépendante et au Conseil d’État le soin d’exercer un contrôle strict sur la mise en œuvre des techniques autorisées.

Enfin, l’administration pénitentiaire, dans le cadre de sa mission de sécurité, a constitué un « bureau du renseignement pénitentiaire » en 2003 dédiée aux besoins de sécurité des établissements pénitentiaires, afin de mieux identifier et suivre les profils sensibles. Des liens se sont tissés avec les services de renseignement du ministère de l’intérieur afin d’échanger des informations notamment pour anticiper les sorties de détention. Ses moyens se sont développés depuis 2012 pour les missions de centralisation des observations et écoutes effectuées par les personnels affectés en établissement, et d’échanges avec les services de renseignement. Le plan de lutte anti-terroriste prévoit de le renforcer en personnels à tous les échelons (établissements pénitentiaires, interrégion, administration centrale).

La loi pénitentiaire (articles 39 et 40) autorise l’administration pénitentiaire à procéder à divers contrôles pour la sécurité de l’établissement : ouverture des courriers et écoute des conversations autorisées passées à partir des cabines téléphoniques sur la coursive. Un décret prévoit le contrôle des ordinateurs dont les détenus condamnés peuvent faire l’acquisition (sans accès à Internet).

Le projet de loi comporte des dispositions qui permettent à l’administration pénitentiaire d’identifier des téléphones utilisés illégalement par les personnes détenues et de contrôler l’usage des équipements informatiques en leur possession.

Ces contrôles ont vocation à prévenir les risques d’évasion et la commission d’infractions à l’intérieur des établissements. Dans le cadre de ce contrôle et des informations qu’elle est susceptible de recueillir, l’administration pénitentiaire peut être amenée à recueillir des informations justifiant une alerte aux autorités judiciaires ou aux services du ministère de l’intérieur.

Les articles 1er à 3 du projet de loi introduisent dans le code de la sécurité intérieure un livre VIII intitulé « Du renseignement ». Ce livre se substitue notamment aux dispositions de l’actuel titre IV du livre II du même code, portant sur les interceptions de sécurité, qu’il reprend et complète.

L’article 1er crée les quatre premiers titres du livre VIII.

Le titre Ier détermine les principes et les finalités de la politique publique de renseignement.

L’article L. 811-1 garantit le respect de la vie privée, notamment de ses composantes que sont le secret des correspondances et l’inviolabilité du domicile, en prévoyant qu’il ne peut y être porté atteinte que dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi, dans le respect du principe de proportionnalité.

L’article L. 811-2 énonce les missions des services spécialisés de renseignement.

L’article L. 811-3 liste de manière limitative les motifs d’intérêt public pour lesquels peut être autorisé le recueil de renseignements par des techniques spéciales prévues par la loi. Ces motifs, strictement définis, concernent en particulier la sécurité nationale, les intérêts essentiels de la politique étrangère, les intérêts économiques ou scientifiques essentiels, la prévention du terrorisme, la prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous, la prévention de la criminalité organisée et la prévention des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique. La référence à la notion de sécurité nationale, mentionnée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et précisée, en droit interne, par l’article L. 1111-1 du code de la défense, inclut l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale, ainsi que la prévention de toute forme d’ingérence étrangère et des atteintes à la forme républicaine et à la stabilité des institutions. La référence à l’exécution des engagements internationaux de la France, exigence constitutionnelle, permet d’inclure notamment la prévention de la prolifération des armes de destruction massive. L’autorisation de recueillir des renseignements pour la défense des intérêts publics ainsi définis ne pourra en outre être délivrée aux services de renseignement qu’à raison des missions qui leur sont confiées : ainsi, en vertu du principe de proportionnalité, une autorisation ne pourra être délivrée que si la finalité invoquée par le service à l’origine de la demande est en adéquation avec les missions qui sont les siennes.

Le titre II définit la procédure applicable pour recourir aux techniques de recueil du renseignement prévues par la loi.

Au chapitre Ier, l’article L. 821-1 soumet la mise en œuvre des techniques sur le territoire national à une autorisation du Premier ministre accordée, sauf urgence absolue (article L. 821-5), après avis d’une autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

L’article L. 821-2 prévoit que la demande d’autorisation est écrite et motivée. Elle peut émaner du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur ou des ministres chargés de l’économie, du budget ou des douanes. L’autorisation du Premier ministre, également écrite et motivée, est accordée pour quatre mois renouvelables aux services spécialisés de renseignement ou, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, à d’autres services relevant des mêmes ministres, par exemple de police ou de gendarmerie (article L. 821-4).

L’avis préalable de la CNCTR est rendu dans les conditions prévues à l’article L. 821-3. Après délivrance de l’autorisation, la CNCTR peut recommander l’interruption de la mise en œuvre d’une technique qu’elle estime irrégulière, le Premier ministre devant alors l’informer des suites données. Si ses recommandations ne sont pas suivies d’effet, la commission peut décider, à la majorité absolue de ses membres, de saisir le Conseil d’État (article L. 821-6).

Au chapitre II, dont l’application est placée sous l’autorité du Premier ministre (article L. 822-5), l’article L. 822-1 oblige à dresser, pour chaque mise en œuvre d’une technique, un relevé comportant la date de début et de fin ainsi que la nature des renseignements recueillis. Conservés par les services, les relevés sont accessibles à la CNCTR et au Premier ministre. Est ainsi organisée, par un service placé auprès du Premier ministre, une centralisation de la connaissance des cas de recours à l’usage d’une technique de renseignement. Cela permet au Premier ministre de connaître les suites réservées aux autorisations accordées et à l’autorité administrative indépendante de disposer, à tout moment, de l’ensemble des actes sur lesquels elle peut exercer son contrôle, soit pendant l’exécution, soit postérieurement, s’agissant des opérations d’extraction ou de transcription, ainsi que de la conservation des renseignements recueillis.

En application de l’article L. 822-2, les données recueillies doivent être détruites au terme d’une durée maximale de douze mois à compter de leur recueil. Cette durée maximale est toutefois réduite à un mois, s’il s’agit d’interceptions de sécurité, ou portée à cinq ans, s’il s’agit de données de connexion. Lorsque les renseignements recueillis sont chiffrés, la durée peut être prolongée pour les seuls besoins de l’analyse technique du chiffrement.

Les données recueillies ne peuvent être extraites ou exploitées pour d’autres fins que celles énumérées à l’article L. 811-3. Les extraits ou exploitations doivent être détruits lorsqu’ils ne sont plus indispensables à la réalisation de ces fins (article L. 822-3).

Toutes les destructions font l’objet de relevés accessibles à la CNCTR (article L. 822-4).

Le titre III est consacré à la CNCTR, organe principal du contrôle administratif externe sur la mise en œuvre des techniques de renseignement, qualifiée par la loi d’autorité administrative indépendante (article L. 831-1).

Au chapitre Ier, l’article L. 831-1 fixe la composition de la commission, qui comprend des membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation et une personnalité qualifiée pour ses connaissances en matière de communications électroniques, nommés pour six ans non renouvelables, ainsi que des parlementaires.

Au chapitre II, les articles L. 832-1 et L. 832-2 énoncent les règles de déontologie et d’incompatibilité applicables aux membres de la CNCTR tandis que les articles L. 832-3 à L. 832-5 prévoient les règles de fonctionnement de la commission, notamment les conditions de validité des délibérations et l’habilitation ès qualités des membres à connaître des éléments couverts par le secret de la défense nationale.

Le chapitre III définit les missions de la CNCTR, qui consistent à contrôler la régularité de la mise en œuvre sur le territoire national des techniques de recueil du renseignement (article L. 833-1).

La CNCTR est rendue destinataire des autorisations délivrées par le Premier ministre et peut accéder aux relevés, enregistrements et transcriptions produits lors de la mise en œuvre d’une technique. Le Premier ministre peut également communiquer à la commission, en lien avec ses missions, tout ou partie des rapports portant sur les services spécialisés. La CNCTR établit un rapport d’activité annuel public (article L. 833-2).

La CNCTR peut être saisie d’une réclamation individuelle tendant à vérifier la régularité de la mise en œuvre d’une technique. Elle peut aussi agir de sa propre initiative (article L. 833-3).

L’article L. 833-4 précise le contenu du rapport d’activité annuel public de la CNCTR tandis que l’article L. 833-5 prévoit la possibilité pour la commission de transmettre au Premier ministre et à la délégation parlementaire au renseignement toutes observations qu’elle estime utiles.

Le Premier ministre ainsi que les présidents des assemblées parlementaires et de la délégation parlementaire au renseignement peuvent adresser à la CNCTR des demandes d’avis (article L. 833-6).

Le titre IV donne compétence au Conseil d’État pour exercer un contrôle juridictionnel renforcé sur la mise en œuvre des techniques de renseignement.

L’article L. 841-1 précise que le Conseil d’État peut être saisi par toute personne justifiant d’un intérêt direct et personnel d’une requête relative à la mise en œuvre des techniques de renseignement, ainsi que par la CNCTR, lorsque ses avis ou ses recommandations n’ont pas été suivis d’effet. En outre, la possibilité d’un renvoi préjudiciel au Conseil d’État est instituée dans les cas où la solution d’un litige devant une autre juridiction dépendrait de la régularité de la mise en œuvre d’une technique.

L’article 2 crée le titre V du livre VIII, qui définit les techniques spéciales de recueil du renseignement dont la mise en œuvre est soumise à autorisation, et y insère ses deux premiers chapitres.

Le chapitre Ier concerne l’accès administratif aux données de connexion ; y sont insérées les dispositions existantes. Les demandes d’accès administratifs aux données de connexion sont désormais toutes soumises à une autorisation du Premier ministre après avis de la CNCTR.

Des accès spécifiques sont par ailleurs institués pour répondre à des finalités précises. L’article L. 851-3 autorise, pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, le recueil immédiat, sur les réseaux des opérateurs de communications électroniques, des données de connexion de personnes préalablement identifiées comme présentant une menace. Pour le même motif, l’article L. 851-4 prévoit que le Premier ministre peut ordonner aux opérateurs de communications électroniques et aux fournisseurs de services de détecter, par un traitement automatique, une succession suspecte de données de connexion, dont l’anonymat ne sera levé qu’en cas de révélation d’une menace terroriste.

L’article L. 851-6 prévoit l’utilisation de dispositifs permettant de localiser en temps réel un véhicule ou un objet.

L’article L. 851-7 permet, lors d’opérations, l’utilisation de dispositifs mobiles de proximité permettant de capter directement les données de connexion strictement nécessaires à l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur. De manière exceptionnelle, pour prévenir un acte de terrorisme, ces dispositifs pourront être utilisés pour la captation de correspondances. Ces dispositifs sont recensés dans des registres soumis au contrôle de la CNCTR. Ils ne peuvent être mis en œuvre que par des agents individuellement désignés et dûment habilités, sur autorisation du Premier ministre donnée après avis exprès de la CNCTR. En cas d’urgence liée à une menace imminente ou à un risque très élevé de ne pouvoir effectuer l’opération ultérieurement, le dispositif peut être mis en œuvre immédiatement, sous réserve que le Premier ministre et la CNCTR en soient informés sans délai ; le Premier ministre peut ordonner sa cessation immédiate.

Au chapitre II, l’article L. 852-1 prévoit les interceptions de sécurité. Ces interceptions du contenu des communications électroniques, qui succèdent au régime institué par la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, sont contingentées par le Premier ministre.

L’article 3 crée les deux derniers chapitres du titre V relatif aux techniques de recueil du renseignement soumises à autorisation.

Au chapitre III, l’article L. 853-1 prévoit le recours à des appareils enregistrant les paroles ou les images de personnes ou à des logiciels captant leurs données informatiques. La durée de l’autorisation de mise en œuvre est limitée à deux mois, eu égard au caractère plus intrusif de cette technique et il ne peut y être procédé que si aucun autre moyen légal n’est possible pour obtenir le renseignement recherché.

L’article L. 853-2 encadre strictement les conditions dans lesquelles l’introduction dans un véhicule, un lieu privé ou un système automatisé de traitement de données peut être autorisée, aux seules fins de poser, mettre en œuvre ou retirer les dispositifs de captation prévus à l’article L. 853-1 : il ne peut y être procédé que si aucun autre moyen légal n’est possible pour obtenir le renseignement recherché ; une autorisation spécialement motivée est requise au profit d’agents spécialement habilités, après avis exprès de la CNCTR, qui ne peut être rendu que par un membre issu du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, ou par la commission réunie. Les possibilités de recours sont élargies : ainsi, la commission saisit le Conseil d’État dès lors qu’au moins deux de ses membres en font la demande.

Au chapitre IV, l’article L. 854-1 offre un cadre spécifique aux interceptions de communications électroniques émises ou reçues à l’étranger. Lorsqu’elles renvoient à des numéros d’abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire national ou à des personnes surveillées dans le cadre d’une interception de sécurité, les communications recueillies sont conservées pendant un mois à compter de leur première exploitation et détruites dans les conditions de droit commun. La CNCTR contrôle la régularité de la mise en œuvre de la technique.

L’article 4 modifie le code de justice administrative, en ajoutant un chapitre III bis au titre VII de son livre VII, pour fixer les règles applicables au contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement, relevant de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État en application du nouvel article L. 311-4-1.

L’article L. 773-2 prévoit l’examen des affaires par une formation de jugement particulière du Conseil d’État, sous réserve de la possibilité de renvoyer à la section ou à l’assemblée du contentieux les affaires dont l’importance le justifie. Les membres de ces formations de jugement, ainsi que le rapporteur public qui les assiste, sont autorisés à connaître ès qualités des éléments utiles couverts par le secret de la défense nationale.

Les articles L. 773-3 à L. 773-7 précisent les règles de procédure applicables, qui peuvent comporter, pour préserver le secret de la défense nationale, des aménagements au caractère contradictoire des débats, à la publicité des audiences et au principe de motivation des décisions.

La CNCTR est informée de toute requête émanant d’un particulier et invitée à présenter ses observations. Elle reçoit communication de toutes les pièces produites par les parties.

Le Conseil d’État peut annuler une autorisation jugée irrégulière, ordonner la destruction des renseignements recueillis et, le cas échéant, indemniser le requérant. En outre, il avise le procureur de la République lorsqu’une infraction lui paraît susceptible de constituer une infraction.

L’article 5 déplace, sans les modifier, des dispositions existantes dans le nouveau livre VIII du code de la sécurité intérieure. Il s’agit notamment des mesures que peuvent prendre les pouvoirs publics pour balayer le spectre radioélectrique ou des prérogatives du ministre chargé des communications électroniques pour ordonner les opérations matérielles nécessaires à la mise en œuvre des interceptions de sécurité. Le même article crée, en outre, un article L. 861-4, qui renforce la protection de l’anonymat des agents des services spécialisés de renseignement en prévoyant que certains actes réglementaires et individuels concernant l’organisation, la gestion et le fonctionnement de ces services sont opposables, bien que non publiés, après enregistrement dans un recueil spécial tenu par le Premier ministre.

L’article 6 déplace également, en les adaptant, dans le nouveau livre VIII du code de la sécurité intérieure, des obligations déjà à la charge des opérateurs de communications électroniques et des prestataires de services, notamment en matière de déchiffrement de données ou de transmission d’informations et de documents pour préparer des interceptions de sécurité.

Il est par ailleurs précisé que les opérateurs et les prestataires de service devront, le cas échéant, être en mesure de respecter les dispositions régissant le secret de la défense nationale.

Enfin l’article L. 871-4 prévoit que les membres et agents de la CNCTR peuvent pénétrer, aux fins de contrôle, dans les locaux des opérateurs et des prestataires de service.

L’article 7 déplace également, en les adaptant, dans le nouveau livre VIII du code de la sécurité intérieure des dispositions pénales existantes, qui répriment notamment le fait de révéler qu’une technique de renseignement est mise en œuvre ou le refus de transmettre des données de connexion dont le recueil a été autorisé.

L’article 8 crée un titre IX au sein du nouveau livre VIII du code de la sécurité intérieure pour traiter des conditions d’application outre-mer dudit livre.

L’article 9 modifie le code monétaire et financier pour permettre à la cellule de renseignement financier dénommée « Tracfin » de recueillir auprès des entreprises de transport ou des opérateurs de voyage et de séjour des données identifiant leurs clients ou concernant les prestations qu’ils leur ont fournies.

L’article 10 modifie le code pénal pour exonérer les agents habilités de certains services spécialisés de renseignement de poursuites pénales lorsqu’ils portent atteinte, pour des motifs d’intérêt public limitativement énumérés, à des systèmes d’information situés hors du territoire national.

L’article 11 est relatif au contentieux de l’accès indirect à certains fichiers intéressant la sûreté de l’État. Il vise à préserver la confidentialité des informations contenues dans ces fichiers tout en garantissant les pouvoirs de contrôle du juge et les droits des requérants. Ainsi, le juge obtiendra communication des éléments pertinents contenus dans ces fichiers, sauf à ce qu’ils soient couverts par le secret de la défense nationale. Ces éléments, bien que non versés au contradictoire, pourront fonder la décision du juge. S’il apparaît que le fichier ne comporte aucune mention erronée relative au requérant ou ne contient pas d’information à son sujet, la décision du juge ne pourra révéler s’il figure ou non dans le traitement ; à l’inverse, le requérant pourra être informé par le juge si des informations le concernant sont irrégulièrement mentionnées dans le traitement.

L’article 12 est relatif à la surveillance des détenus. Il introduit deux nouveaux articles dans le code de procédure pénale.

L’article 727-2 permet à l’administration pénitentiaire de disposer des prérogatives nécessaires à la détection, au brouillage et à l’interruption des correspondances illicites émises ou reçues par la voie des communications électroniques ou radioélectriques par une personne détenue, c’est-à-dire notamment des communications téléphoniques, échanges de messages écrits ainsi que des communications par talkie-walkie. Cet article autorise également l’administration pénitentiaire à utiliser un dispositif permettant de recueillir les données de connexion ou celles relatives à la géolocalisation des équipements utilisés.

L’article 727-3 prévoit le cadre dans lequel les ordinateurs des personnes détenues peuvent être contrôlés, y compris en temps réel, pour détecter une éventuelle connexion illicite.

La mise en œuvre de ces dispositions est placée sous le contrôle du procureur de la République.

L’article 13 comporte des dispositions transitoires et prévoit que la CNCTR succède à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Il dispose également que les membres de la délégation parlementaire au renseignement ne peuvent être nommés membres de la CNCTR.

L’article 14 procède aux abrogations rendues nécessaires par le projet de loi.

L’article 15 étend l’application des articles 9 à 13 en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna.

L’article 16 prévoit que, à l’exception des articles 9 à 12, la loi entre en vigueur à la date de publication au Journal officiel du décret nommant les membres de la CNCTR, dont la constitution est un préalable nécessaire à la mise en œuvre des techniques de renseignement prévues par la loi.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif au renseignement, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le Premier ministre, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion et, en tant que de besoin, par la garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de la défense et le ministre de l’intérieur.

Fait à Paris, le 19 mars 2015.

Signé : Manuel VALLS

Par le Premier ministre :

La garde des sceaux, ministre de la justice
Signé : Christiane TAUBIRA

Le ministre de la défense
Signé : Jean-Yves LE DRIAN

Le ministre de l’intérieur

Signé : Bernard CAZENEUVE
 


Article 1er

Dans la partie législative du code de la sécurité intérieure, il est ajouté un livre VIII intitulé : « Du renseignement » dont les titres Ier à IV sont ainsi rédigés :

« Livre VIII

« Du renseignement

« TITRE IER

« DISPOSITIONS GÉNÉRALES

« Art. L. 811-1. – Le respect de la vie privée, notamment le secret des correspondances et l’inviolabilité du domicile, est garanti par la loi. L’autorité publique ne peut y porter atteinte que dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi, dans les limites fixées par celle-ci et dans le respect du principe de proportionnalité.

« Art. L. 811-2. – Les services spécialisés de renseignement désignés par décret en application de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ont pour mission, en France et à l’étranger, la recherche, la collecte, l’exploitation et la mise à disposition du Gouvernement des renseignements relatifs aux enjeux géopolitiques et stratégiques ainsi qu’aux menaces et aux risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation. Ils contribuent à la connaissance et à l’anticipation de ces enjeux ainsi qu’à la prévention et à l’entrave de ces risques et menaces.

« Ils agissent dans le respect de la loi, des instructions du Gouvernement et des orientations déterminées en conseil national du renseignement.

« Art. L. 811-3. – Les services spécialisés de renseignement peuvent, dans l’exercice de leurs missions, être autorisés à recourir aux techniques prévues au titre V du présent livre pour le recueil des renseignements relatifs aux intérêts publics suivants :

« 1° La sécurité nationale ;

« 2° Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France ;

« 3° Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France ;

« 4° La prévention du terrorisme ;

« 5° La prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l’article L. 212-1 ;

« 6° La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;

« 7° La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.

« Art. L. 811-4. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, désigne ceux des services autres que les services spécialisés de renseignement, relevant des ministres de la défense et de l’intérieur ainsi que des ministres chargés de l’économie, du budget ou des douanes, qui peuvent être également autorisés à recourir aux techniques mentionnées au titre V dans les conditions prévues par le présent livre. Il précise notamment, pour chaque service, celles des finalités mentionnées à l’article L. 811-3 et des techniques qui peuvent donner lieu à autorisation.

« TITRE II

« DE LA PROCÉDURE D’AUTORISATION DES TECHNIQUES
« DE RECUEIL DE RENSEIGNEMENT

« Chapitre Ier

« De l’autorisation de mise en œuvre

« Art. L. 821-1. – La mise en œuvre sur le territoire national des techniques de recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre est soumise à autorisation préalable du Premier ministre.

« Les autorisations sont délivrées, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, par le Premier ministre ou l’une des six personnes spécialement déléguées par lui.

« Art. L. 821-2. – La demande écrite et motivée est formulée par le ministre de la défense, le ministre de l’intérieur ou les ministres chargés de l’économie, du budget ou des douanes, ou l’une des trois personnes que chacun d’eux aura spécialement déléguées.

« La demande précise :

« 1° La ou les techniques à mettre en œuvre ;

« 2° La ou les finalités poursuivies ;

« 3° Le ou les motifs des mesures ;

« 4° La ou les personnes, le ou les lieux ou véhicules concernés.

« La demande indique le service au bénéfice duquel elle est présentée.

« Art. L. 821–3. – La demande est communiquée au président ou, à défaut, à un membre de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement désigné par lui, qui rend un avis au Premier ministre sous vingt-quatre heures sauf lorsqu’il estime que la validité de la demande au regard des dispositions du présent livre soulève un doute et décide de réunir la commission. Le Premier ministre est immédiatement informé de la décision du président ou du membre désigné par lui de réunir la commission, qui rend alors son avis dans un délai de trois jours ouvrables.

« Les avis prévus au précédent alinéa sont communiqués sans délai au Premier ministre. En l’absence d’avis rendu par le président, ou par le membre de la commission désigné par lui, dans le délai de vingt-quatre heures ou, si elle a été saisie, par la commission dans le délai de trois jours ouvrables, l’avis est réputé rendu.

« Art. L. 821-4. – L’autorisation de mise en œuvre des techniques de recueil de renseignement est délivrée par décision écrite et motivée du Premier ministre ou d’une des personnes par lui déléguées, pour une durée maximale de quatre mois, et est renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée que l’autorisation initiale.

« L’autorisation précise :

« 1° La ou les techniques de renseignement mises en œuvre ;

« 2° La ou les finalités poursuivies ;

« 3° La durée de sa validité ;

« 4° La ou les personnes, le ou les lieux ou véhicules concernés.

« L’autorisation indique celui des services spécialisés de renseignement, mentionnés à l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ou celui des services mentionnés à l’article L. 811-4, autorisé à recourir aux techniques de renseignement.

« Pour l’application du sixième alinéa de l’article L. 821-2 et du présent article, les personnes non nommément connues mais aisément identifiables peuvent être désignées par leurs identifiants ou leur qualité.

« La décision du Premier ministre est communiquée sans délai à la commission.

« La demande et la décision d’autorisation sont enregistrées par les services du Premier ministre. Les registres sont tenus à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement.

« Art. L. 821-5. – En cas d’urgence absolue et par dérogation aux articles L. 821-1 à L. 821-3, le Premier ministre peut autoriser le service à mettre en œuvre la technique concernée sans avis préalable de la commission. Il en informe immédiatement et par tout moyen la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et l’auteur de la demande.

« Art. L. 821-6. – Si la commission estime qu’une autorisation a été accordée en méconnaissance des dispositions du présent livre ou qu’une technique de renseignement a été mise en œuvre en méconnaissance des mêmes dispositions, elle adresse au service concerné ainsi qu’au Premier ministre une recommandation tendant à ce que la mise en œuvre de la technique concernée soit interrompue et les renseignements collectés détruits.

« Le Premier ministre informe sans délai la commission des suites données à ses recommandations.

« Lorsque le Premier ministre ne donne pas suite à ses recommandations ou lorsqu’elle estime que les suites qui y sont données sont insuffisantes, la commission peut, à la majorité absolue de ses membres, décider de saisir le Conseil d’État.

« Chapitre II

« Des renseignements collectés

« Art. L. 822-1. – Le Premier ministre organise la traçabilité de l’exécution des techniques de renseignement autorisées en application de l’article L. 821-1 et définit les modalités de la centralisation des renseignements collectés. Il s’assure de leur respect.

« Chacun des services autorisés à recourir à une technique de renseignement établit un relevé de sa mise en œuvre qui mentionne la date de la mise en œuvre, celle de son achèvement et la nature des données collectées. Ce relevé est tenu à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

« Art. L. 822-2. – I. – Les données collectées dans le cadre de la mise en œuvre d’une technique de renseignement autorisée en application du présent livre sont détruites à l’issue d’une durée fixée pour la technique utilisée par décret en Conseil d’État, dans la limite de douze mois ou, pour les données de connexion, de cinq ans à compter de leur recueil.

« En cas de stricte nécessité, pour les seuls besoins de l’analyse technique, celles des données collectées qui contiennent des éléments de cyberattaque ou qui sont chiffrées, ainsi que les données déchiffrées associées à ces dernières, peuvent être conservées au-delà de la durée mentionnée à l’alinéa précédent, à l’exclusion de toute utilisation pour la surveillance des personnes concernées.

« II. – Par dérogation aux dispositions du I, les données collectées prenant la forme de correspondances enregistrées sont détruites au plus tard à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de leur enregistrement.

« Pour celles des correspondances qui sont chiffrées, le délai mentionné à l’alinéa précédent court à compter de leur déchiffrement.

« III. – Si la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement estime que la conservation des données collectées est effectuée en méconnaissance des dispositions du présent article, il est fait application des dispositions de l’article L. 821-6.

« Art. L. 822-3. – Les données ne peuvent être collectées, transcrites ou extraites à d’autres fins que celles mentionnées à l’article L. 811-3.

« Les transcriptions ou extractions doivent être détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable à la réalisation de ces finalités.

« L’opération mentionnée à l’alinéa précédent est effectuée par des agents individuellement désignés et dûment habilités.

« Art. L. 822-4. – Les relevés de la destruction des données collectées, transcriptions ou extractions mentionnées aux articles L. 822-2 et L. 822-3 sont tenus à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

« Art. L. 822-5. - Les procédures prévues aux articles L. 822-1 à L. 822-4, à l’exception du III de l’article L. 822-3, sont mises en œuvre sous l’autorité du Premier ministre.

« Art. L. 822-6. – Les dispositions du présent chapitre s’appliquent sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale.

« TITRE III

« DE LA COMMISSION NATIONALE DE CONTRÔLE
« DES TECHNIQUES DE RENSEIGNEMENT

« Chapitre Ier

« Composition

« Art. L. 831-1. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est une autorité administrative indépendante.

« Elle est composée de neuf membres :

« 1° Deux députés et deux sénateurs, désignés respectivement pour la durée de la législature par le président de l’Assemblée nationale et après chaque renouvellement partiel du Sénat par le président du Sénat, de manière à assurer une représentation pluraliste du Parlement ;

« 2° Deux membres ou anciens membres du Conseil d’État, d’un grade au moins égal à celui de conseiller d’État, nommés sur proposition du vice-président du Conseil d’État ;

« 3° Deux magistrats ou anciens magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, nommés sur proposition conjointe du Premier président et du Procureur général de la Cour de cassation ;

« 4° Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de communications électroniques, nommée sur proposition du président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

« Les membres sont nommés par décret. Ce décret désigne le président parmi les membres issus du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

« Le mandat des membres, à l’exception de ceux prévus au 1°, est de six ans. Il n’est pas renouvelable.

« Les membres issus du Conseil d’État ou de la Cour de cassation sont renouvelés par moitié tous les trois ans.

« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre de la commission qu’en cas d’empêchement constaté par celle-ci ou de manquement grave à ses obligations selon les modalités établies par son règlement intérieur.

« Les membres désignés en remplacement de ceux dont les fonctions ont pris fin avant leur terme normal achèvent le mandat de ceux qu’ils remplacent. À l’expiration de ce mandat, ils peuvent être désignés comme membres de la commission s’ils ont occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de deux ans.

« Chapitre II

« Règles de déontologie et de fonctionnement

« Art. L. 832-1. – Dans l’exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité.

« Art. L. 832-2. – Le président de la commission ne peut être titulaire d’aucun mandat électif et ne peut exercer aucune autre activité professionnelle.

« La fonction de membre de la commission est incompatible avec tout intérêt, direct ou indirect dans les services pouvant être autorisés à mettre en œuvre les techniques mentionnées au titre V ou dans l’activité d’une des personnes mentionnées à l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ainsi qu’aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

« La démission d’office est prononcée par décret pris sur proposition de la commission, en cas de méconnaissance des règles d’incompatibilité mentionnées aux alinéas précédents.

« Art. L. 832-3. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement établit son règlement intérieur.

« Elle ne peut valablement délibérer que si au moins quatre membres sont présents.

« En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante.

« Art. L. 832-4. – Le président est ordonnateur des dépenses de la commission. La loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne lui est pas applicable. Le contrôle des comptes de la commission est effectué par la Cour des comptes.

« Le secrétaire général de la commission assiste le président.

« Les agents des services de la commission sont choisis notamment en raison de leurs compétences juridiques, économiques et techniques en matière de communications électroniques et de protection des données personnelles.

« Art. L. 832-5. – Les membres de la commission sont autorisés, ès qualités, à connaître des informations ou des éléments d’appréciation protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal et utiles à l’exercice de leur mission.

« Les membres de la commission et les agents de ses services sont astreints au respect des secrets protégés par les articles 413-10, 226-13 et 226-14 du code pénal pour les faits, actes et renseignements dont ils peuvent avoir connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

« Chapitre III

« Missions

« Art. L. 833-1. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille à ce que les techniques de recueil du renseignement soient mises en œuvre sur le territoire national conformément aux dispositions du présent livre.

« Art. L. 833-2. – Les ministres, les autorités publiques, les agents publics prennent toutes mesures utiles pour faciliter l’action de la commission. Pour l’accomplissement de sa mission, la commission :

« 1° Reçoit communication de toutes les autorisations délivrées par le Premier ministre et les personnes que ce dernier délègue ;

« 2° Dispose d’un droit d’accès aux autorisations, relevés, registres, données collectées, transcriptions et extractions mentionnés au titre II du présent livre ;

« 3° Est informée à tout moment à sa demande des modalités d’exécution des autorisations en cours.

« Le Premier ministre peut communiquer à la commission tout ou partie des rapports de l’inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services qui relèvent de leur compétence, en lien avec les missions de la commission.

« La commission établit chaque année un rapport public dressant le bilan de son activité.

« Art. L. 833-3. – Lorsqu’elle est saisie d’une réclamation de toute personne y ayant un intérêt direct et personnel, la commission procède au contrôle de la ou des techniques invoquées en vue de vérifier qu’elles ont été ou sont mises en œuvre dans le respect des dispositions légales. Elle notifie à l’auteur de la réclamation qu’il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans confirmer ni infirmer leur mise en œuvre. Elle peut également procéder à un tel contrôle de sa propre initiative.

« Lorsqu’elle constate une irrégularité, la commission procède conformément aux dispositions de l’article L. 821-6.

« Art. L. 833-4. – Le rapport public de la commission fait état du nombre de réclamations dont elle a été saisie, du nombre de cas dans lesquels elle a saisi le Premier ministre d’une recommandation tendant à ce que la mise en œuvre d’une technique soit interrompue et du nombre de fois où le Premier ministre a décidé de ne pas procéder à l’interruption.

« Art. L. 833-5. – La commission adresse au Premier ministre, à tout moment, les observations qu’elle juge utiles.

« Ces observations peuvent être communiquées à la délégation parlementaire au renseignement, sous réserve du respect du troisième alinéa du 4° du I et du premier alinéa du IV de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

« Art. L. 833-6. – La commission peut répondre aux demandes d’avis du Premier ministre, des présidents des assemblées et de la délégation parlementaire au renseignement.

« TITRE IV

« DES RECOURS RELATIFS A LA MISE EN œUVRE
« DES TECHNIQUES DE RENSEIGNEMENT

« Art. L. 841-1. – Le Conseil d’État est compétent pour connaître, dans les conditions prévues par le chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement mentionnées au titre V du présent livre.

« Il peut être saisi par :

« 1° Toute personne y ayant un intérêt direct et personnel et justifiant de la mise en œuvre préalable de la procédure prévue à l’article L. 833-3 ;

« 2° La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 821-6 et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 853-2.

« Lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale, le Conseil d’État peut également être saisi, à titre préjudiciel, par toute juridiction administrative ou toute autorité judiciaire saisie d’une procédure ou d’un litige dont la solution dépend de l’examen de la régularité des techniques de renseignement dont la mise en œuvre est alléguée par l’une des parties. Il statue dans le délai d’un mois à compter de la décision de saisine de la juridiction de renvoi. »

Article 2

I. – Le titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure est intitulé : « Des techniques de recueil du renseignement soumises à autorisation ».

II. – Le chapitre Ier, intitulé « Des accès administratifs aux données de connexion », comprend les articles L. 851-1 à L. 851-9, tels qu’ils résultent des 1° à 7° suivants :

1° L’article L. 246-1 du code de la sécurité intérieure devient l’article L. 851-1 et la référence : « L. 241-2 » y est remplacée par la référence : « L. 811-3 » ;

2° Au I de l’article L. 246-2, qui devient l’article L. 851-2, les mots : « I. Les » sont remplacés par les mots : « Par dérogation à l’article L. 821-2, les » et la référence : « L. 241-2 » y est remplacée par la référence : « L. 811-3 » ;

3° Les articles L. 851-3 et L. 851-4 sont rédigés comme suit :

« Art. L. 851-3. – Pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, le recueil des informations et documents mentionnés à l’article L. 851-1, relatifs à des personnes préalablement identifiées comme présentant une menace, peut être opéré en temps réel sur les réseaux des opérateurs et personnes mentionnés à l’article L. 851-1.

« Ces dispositions sont mises en œuvre sur demande des agents individuellement désignés et dûment habilités des services spécialisés de renseignement, mentionnés à l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les conditions prévues au chapitre 1er du titre II du présent livre.

« Art. L. 851-4. – Pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, sur demande des agents individuellement désignés et dûment habilités des services spécialisés de renseignement, mentionnés à l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le Premier ministre, ou l’une des personnes déléguée par lui, peut, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, imposer aux opérateurs et personnes mentionnés à l’article L. 851-1 la mise en œuvre sur les informations et documents traités par leurs réseaux d’un dispositif destiné à révéler, sur la seule base de traitements automatisés d’éléments anonymes, une menace terroriste.

« Si une telle menace est ainsi révélée, le Premier ministre ou l’une des personnes déléguées par lui peut décider de la levée de l’anonymat sur les données, informations et documents afférents dans les conditions prévues au chapitre 1er du titre II du présent livre. » ;

4° L’article L. 246-3 devient l’article L. 851-5 ; dans cet article, la référence : « L. 241-2 » est remplacée par la référence : « L. 811-3 » et les quatre derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorisation de recueil de ces informations ou documents est accordée dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II pour une durée maximale de trente jours. Elle peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. » ;

5° Les articles L. 851-6 et L. 851-7 sont ainsi rédigés :

« Art.  L. 851-6. – Pour la prévention des atteintes aux intérêts publics mentionnés à l’article L. 811-3, peut être autorisée l’utilisation d’un dispositif technique permettant la localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet.

« En cas d’urgence liée à une menace imminente ou à un risque très élevé de ne pouvoir effectuer l’opération ultérieurement, le dispositif mentionné au premier alinéa peut être installé et exploité, par dérogation aux articles L. 821-1 à L. 821-4, sans autorisation préalable. Le Premier ministre et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement en sont informés sans délai. Cette mesure fait l’objet d’une autorisation dans les 48 heures après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. À défaut, le Premier ministre ordonne la cessation immédiate de l’installation du dispositif et de l’exploitation des renseignements collectés, ainsi que la destruction de ces derniers. Il informe de sa décision la Commission de contrôle des techniques de renseignement immédiatement et par tout moyen.

« Art. L. 851-7. – I. – Pour la prévention des atteintes aux intérêts publics mentionnés à l’article L. 811-3, peuvent être directement recueillies, au moyen d’un dispositif technique de proximité mis en œuvre par un service autorisé à le détenir en vertu des dispositions du 1° de l’article 226-3 du code pénal :

« 1° Les données techniques de connexion strictement nécessaires à l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ;

« 2° Les données techniques relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés.

« L’utilisation d’un tel dispositif est subordonnée à l’inscription de celui-ci dans un registre spécial, tenu à la disposition de la Commission de contrôle des techniques de renseignement. Il ne peut être mis en œuvre que par un agent individuellement désigné et dûment habilité.

« L’autorisation est donnée dans les conditions prévues au chapitre 1er du titre II du présent livre.

« II. – Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation du Premier ministre de mettre en œuvre le dispositif technique mentionné au premier alinéa peut être donnée au bénéfice d’un service et porter sur des lieux et une période déterminés, dans la limite de six mois. En ce cas, l’autorisation est spécialement motivée et prise sur l’avis exprès de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

« III. – Pour la prévention d’un acte de terrorisme, le dispositif technique mentionné au premier alinéa peut être utilisé, pour la durée strictement nécessaire, aux fins d’intercepter directement des correspondances émises ou reçues par un équipement terminal. L’autorisation est donnée dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre pour des lieux et une période déterminés, dans la limite de 72 heures. Elle est renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée que l’autorisation initiale.

« IV. – Pour la mise en œuvre des mesures prévues au I et au III du présent article, il peut être fait application des dispositions du second alinéa de l’article L. 851-6. » ;

6° L’article L. 246-5 devient l’article L. 851-8 ;

7° Le second alinéa de l’article L. 246-4 devient l’article L. 851-9. Le mot : « article » y est remplacé par le mot : « chapitre ».

III. – Le chapitre II, intitulé : « Des interceptions de sécurité », comprend un article L. 852-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 852-1. – Peuvent être autorisées, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre, les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques et susceptibles de révéler des renseignements entrant dans les finalités mentionnées à l’article L. 811-3. Lorsqu’une ou plusieurs personnes appartenant à l’entourage de la personne visée par l’autorisation sont susceptibles de jouer un rôle d’intermédiaire, volontaire ou non, pour le compte de celle-ci ou de fournir des informations au titre de la finalité faisant l’objet de l’autorisation, celle-ci peut être accordée également pour ces personnes.

« L’autorisation vaut autorisation de recueil des informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1 nécessaires à l’exécution de l’interception et à son exploitation.

« Les transcriptions sont effectuées par des agents individuellement désignés et dûment habilités.

« Le Premier ministre organise la centralisation de l’exécution des interceptions autorisées. Le Premier ministre établit le relevé mentionné à l’article L. 822-1 et le tient à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

« Le nombre maximum des autorisations d’interceptions en vigueur simultanément est arrêté par le Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministères mentionnés à l’article L. 821–2 ainsi que le nombre d’autorisations d’interception délivrées sont portées à la connaissance de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

Article 3

Les chapitres III et IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure sont ainsi rédigés :

« Chapitre III

« La localisation, la sonorisation de certains lieux et véhicules,
« la captation d’images et de données informatiques

« Art. L. 853-1. – Peut être autorisée, lorsque les renseignements relatifs aux finalités prévues à l’article L. 811-3 ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, l’utilisation de dispositifs techniques permettant :

« 1° La captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ou d’images dans un lieu privé ;

« 2° La captation, la transmission et l’enregistrement de données informatiques transitant par un système automatisé de données ou contenues dans un tel système.

« Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation est délivrée pour une durée maximale de deux mois et est renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée que l’autorisation initiale.

« Les opérations mentionnées au 1° et au 2° ne peuvent être effectuées que par des agents individuellement désignés et dûment habilités appartenant à un service mentionné aux articles L. 811-2 et L. 811-4 dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État.

« Les dispositions du II de l’article L. 822-2 sont applicables aux paroles ainsi captées.

« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement peut procéder à toutes mesures de contrôle sur le recours aux techniques de renseignement prévues par le présent article.

« Art. L. 853-2. – Lorsque les renseignements relatifs aux finalités prévues à l’article L. 811-3 ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, peuvent être expressément autorisés :

« 1° L’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé à la seule fin de mettre en place, d’utiliser ou de retirer les dispositifs techniques mentionnés aux articles L. 851-6 et L. 853-1 ;

« 2° Pour l’application du 2° de l’article L. 853-1 et lorsque les données informatiques sont contenues dans le système de traitement automatisé de données, l’introduction dans ce système, directement ou par l’intermédiaire d’un réseau de communications électroniques.

« Les opérations mentionnées au 1° et au 2° ne peuvent être effectuées que par des agents individuellement désignés et dûment habilités appartenant à un service mentionné aux articles L. 811-2 et L. 811-4 dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État.

« La demande comporte tous éléments permettant de justifier la nécessité de recourir à cette modalité. Elle mentionne toute indication permettant d’identifier le lieu, son usage et, lorsqu’ils sont connus, son propriétaire ou toute personne bénéficiant d’un droit, ainsi que la nature du dispositif envisagé.

« L’autorisation, spécialement motivée, ne peut être accordée que sur avis exprès de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Lorsqu’en application de l’article L. 821-3 l’avis est rendu par le président ou le membre désigné par lui, celui-ci ne peut être que l’un des membres de la Commission mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 831-1. Cet avis et l’autorisation du Premier ministre sont donnés et transmis par tout moyen en cas d’urgence absolue.

« L’autorisation est accordée pour une durée maximale de trente jours, et est renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée que l’autorisation initiale.

« Cette modalité est mise en œuvre sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Le service autorisé à y recourir lui rend compte de sa mise en œuvre. La commission peut à tout moment demander que cette modalité soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits.

« Lorsque cette modalité est autorisée après avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ou que le Premier ministre n’a pas donné suite à ses recommandations, le Conseil d’État est saisi à la demande d’au moins deux des membres de la commission.

« Par dérogation au sixième alinéa, l’article L. 821-5 est applicable lorsque l’autorisation ne concerne pas un lieu privé à usage d’habitation.

« Chapitre IV

« Les mesures de surveillance internationale

« Art. L. 854-1. – I. – Les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de protection des intérêts publics mentionnés à l’article L. 811-3, la surveillance et le contrôle des transmissions qui sont émises ou reçues à l’étranger sont exclusivement régies par le présent article.

« L’interception des communications concernées et l’exploitation ultérieure des correspondances sont soumises à autorisation du Premier ministre ou des personnes spécialement déléguées par lui. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, définit les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés et précise la procédure de délivrance des autorisations d’exploitation des correspondances.

« Un décret en Conseil d’État non publié, pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et porté à la connaissance de la délégation parlementaire au renseignement, précise en tant que de besoin les modalités de mise en œuvre de la surveillance prévue au présent article.

« II. – Lorsque les communications renvoient à des numéros d’abonnement ou à des identifiants techniques rattachables au territoire national ou à des personnes surveillées en application des dispositions de l’article L. 852-1, elles sont conservées et détruites dans les conditions prévues aux articles L. 822-2 à L. 822-4 sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Toutefois, le délai de conservation des correspondances court à compter de la date de leur première exploitation.

« III. – De sa propre initiative ou sur réclamation de toute personne y ayant un intérêt direct et personnel, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement s’assure que les mesures mises en œuvre au titre du présent article respectent les conditions fixées par le présent article, par les décrets pris pour son application et par les décisions d’autorisation du Premier ministre ou de ses délégués.

« Elle fait rapport de ce contrôle au Premier ministre en tant que de besoin, et au moins chaque semestre. Le Premier ministre répond dans les quinze jours par une décision motivée aux recommandations et observations que peut contenir ce rapport. »

Article 4

Le code de justice administrative est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 311-4, il est inséré un article L. 311-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-4-1. – Le Conseil d’État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort, conformément aux dispositions de l’article L. 841-1 du code de la sécurité intérieure, des requêtes concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement mentionnées au titre V du livre VIII de ce code. » ;

2° Après le chapitre III du titre VII du livre VII, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« Chapitre III bis

« Le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement

« Art. L. 773-1. – Les modalités selon lesquelles le Conseil d’État examine les requêtes présentées en application de l’article L. 841-1 du code de la sécurité intérieure obéissent aux règles générales du présent code, sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.

« Art. L. 773-2. – Sous réserve de l’inscription à un rôle de l’assemblée ou de la section du contentieux, les affaires relevant du présent chapitre sont portées devant une formation particulière. Les membres et le rapporteur public sont habilités ès qualité au secret de la défense nationale et sont astreints, comme les agents qui les assistent, au respect des secrets protégés par les articles 413-10, 226-13 et 226-14 du code pénal pour les faits, actes et renseignements dont ils peuvent avoir connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

« Dans le cadre de l’instruction de la requête, les membres de la formation de jugement et le rapporteur public sont autorisés à connaître de l’ensemble des pièces en possession de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement ou des services concernés et utiles à l’exercice de leur office, y compris celles protégées au titre de l’article 413-9 du code pénal.

« Art. L. 773-3. – Les exigences de la contradiction mentionnées à l’article L. 5 sont adaptées à celles du secret de la défense nationale.

« La formation de jugement peut relever d’office tout moyen.

« Art. L. 773-4. – Le président de la formation de jugement ordonne le huis-clos lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale.

« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est informée de toute requête et invitée à présenter, le cas échéant, des observations écrites ou orales. L’intégralité des pièces produites par les parties lui est communiquée.

« Art. L. 773-5. – La formation chargée de l’instruction entend les parties séparément, lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale.

« Art. L. 773-6. – Lorsque la formation de jugement constate l’absence d’illégalité dans la mise en œuvre d’une technique de renseignement, soit parce que la personne concernée n’a fait l’objet d’aucune de ces mesures de surveillance, soit parce que ces mesures ont été mises en œuvre régulièrement, la décision indique au requérant ou à la juridiction de renvoi qu’aucune illégalité n’a été commise, sans confirmer ni infirmer la mise en œuvre d’une technique.

« Art. L. 773-7. – Lorsque la formation de jugement constate qu’une technique de renseignement est ou a été mise en œuvre ou exploitée illégalement, elle peut annuler l’autorisation et ordonner, s’il y a lieu, la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.

« Sans faire état d’aucun élément protégé par le secret de la défense nationale, elle informe le requérant qu’une illégalité a été commise et peut, lorsqu’elle est saisie de conclusions en ce sens, condamner s’il y a lieu, l’État, à l’indemniser du préjudice qu’il a subi.

« Lorsque la formation de jugement estime que l’illégalité constatée est susceptible de constituer une infraction, elle en avise le procureur de la République et transmet l’ensemble des éléments du dossier au vu duquel elle a statué à la Commission consultative du secret de la défense nationale afin que celle-ci donne au Premier ministre son avis sur la possibilité de déclassifier tout ou partie de ces éléments en vue de leur transmission au procureur de la République. »

Article 5

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Après le titre V du livre VIII de la partie législative, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la présente loi, il est créé un titre VI intitulé : « Prérogatives des autorités compétentes » comportant les articles L. 861-1 à L. 861-4 tels que ces articles résultent des dispositions du présent article ;

2° Les articles L. 241-3 et L. 241-4 deviennent respectivement les articles L. 861-1 et L. 861-2 ;

3° Aux articles L. 861-1 et L. 861-2 tels qu’ils résultent du 2°, le mot : « titre » est remplacé par le mot : « livre » ;

4° L’article L. 242-9 devient l’article L. 861-3 ;

5° Après l’article L. 861-3 tel qu’il résulte du 4°, est ajouté un article L. 861-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 861-4. – Les actes réglementaires et individuels concernant l’organisation, la gestion et le fonctionnement des services mentionnés à l’article 6 nonies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 ainsi que la situation de leurs agents sont pris dans des conditions qui permettent de garantir l’absence de révélation de toute information qui puisse conduire, directement ou indirectement, à la découverte de l’identité de leurs agents.

« Lorsque, en application du précédent alinéa, un acte ne peut être publié, son entrée en vigueur est subordonnée à son enregistrement dans un recueil spécial, dispensé de toute publication ou diffusion et tenu par le Premier ministre. Seuls les autorités publiques compétentes et les agents publics justifiant d’un intérêt peuvent consulter un acte figurant dans ce recueil.

« Par dérogation à l’article 4 de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les décisions et autres actes pris par les autorités administratives au sein des services mentionnés au premier alinéa peuvent comporter seulement, outre la signature, le numéro d’identification de leur auteur, attribué avec la délégation de signature et qui se substitue à la mention de ses prénom, nom et qualité. Le nombre de délégations de signatures numérotées par service est fixé par arrêté du ministre compétent.

« Lorsque dans le cadre d’une procédure engagée devant une juridiction administrative ou judiciaire, la solution du litige dépend d’une question relative à un acte non publié ou faisant l’objet d’une signature numérotée, celui-ci est communiqué, à sa demande, à la juridiction ou au magistrat délégué par celle-ci, sans être versé au contradictoire. »

Article 6

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le chapitre IV du titre IV du livre II de la partie législative du code la sécurité intérieure intitulé : « Obligations des opérateurs et prestataires de services » devient le titre VII du livre VIII tel qu’il résulte des dispositions de la présente loi et comprend les articles L. 871-1 à L. 871-4, tels que ces articles résultent des dispositions du présent article ;

2° Les articles L. 244-1 à L. 244-3 deviennent respectivement les articles L. 871-1 à L. 871-3 ;

3° À l’article L. 871-1 tel qu’il résulte du 2°, la référence : « L. 242-1 » est remplacée par la référence : « L. 821-4 » ;

4° À l’article L. 871-2 tel qu’il résulte du 2°, la référence : « L. 241-3 » est remplacée par la référence : « L. 861-1 » ;

5° À l’article L. 871-3 tel qu’il résulte du 2°, les mots : « pour assurer l’application des dispositions du présent titre » sont remplacés par les mots : « pour assurer, dans le respect du secret de la défense nationale, les dispositions du présent livre » ;

6° Après l’article L. 871-3 tel qu’il résulte du 2°, est ajouté l’article suivant :

« Art. L. 871-4. – Les opérateurs de communications électroniques mentionnés à l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ainsi que les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique sont tenus d’autoriser, à fin de contrôle, les membres et les agents de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dûment mandatés à cet effet par le président, à entrer dans les locaux dans lesquels sont mises en œuvre des techniques de recueil du renseignement autorisées au titre V du présent livre.

« Ils communiquent dans les mêmes conditions toutes les informations sollicitées par la commission ayant trait à ces opérations. »

Article 7

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le chapitre V du titre IV du livre II de la partie législative intitulé : « Dispositions pénales » devient le titre VIII du livre VIII tel qu’il résulte des dispositions de la présente loi et comprend les articles L. 881-1 à L. 881-3, tels qu’ils résultent des dispositions du présent article ;

2° Les articles L. 245-1 à L. 245-3 deviennent respectivement les articles L. 881-1 à L. 881-3 ;

3° À l’article L. 881-1 tel qu’il résulte du 2°, les mots : « d’une décision d’interception de sécurité de révéler l’existence de l’interception » sont remplacés par les mots : « d’une technique de recueil de renseignement de révéler l’existence de la mise en œuvre de cette technique » ;

4° À l’article L. 881-2 tel qu’il résulte du 2°, la référence : « L. 244-1 » est remplacée par la référence : « L. 871-1 et de l’article L. 871-4 » ;

5° À l’article L. 881-3 tel qu’il résulte du 2°, les mots : « en violation des articles L. 246-1 à L. 246-3 et du premier alinéa de l’article L. 244-2 » sont remplacés par les mots : « en violation des dispositions du chapitre Ier du titre V du présent livre et du premier alinéa de l’article L. 871-2 ».

Article 8

Au livre VIII de la partie législative du code de la sécurité intérieure, tel qu’il résulte des dispositions de la présente loi, est ajouté un titre IX intitulé : « Dispositions relatives à l’outre-mer » ainsi rédigé :

« TITRE IX

« DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER

« Chapitre Ier

« Dispositions particulières à la Guadeloupe, la Guyane,
« la Martinique et La Réunion

« Le présent chapitre ne comprend pas de dispositions législatives.

« Chapitre II

« Dispositions particulières à Mayotte

« Le présent chapitre ne comprend pas de dispositions législatives.

« Chapitre III

« Dispositions particulières à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin

« Le présent chapitre ne comprend pas de dispositions législatives.

« Chapitre IV

« Dispositions particulières à Saint-Pierre-et-Miquelon

« Le présent chapitre ne comporte pas de dispositions législatives.

« Chapitre V

« Dispositions applicables en Polynésie française

« Art. L. 895-1. – Sont applicables en Polynésie française, dans leur rédaction résultant de la loi n°       du       relatif au renseignement, les dispositions suivantes :

« 1° Les titres I à V ;

« 2° Au titre VI : les articles L. 861-1, L. 861-3, L. 861-4, L. 861-5 ;

« 3° Au titre VII : les articles L. 871-1, L. 871-2, L. 871-4 ;

« 4° Le titre VIII.

« Chapitre VI

« Dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie

« Art. L. 896-1. – Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction résultant de la loi n°      du      relatif au renseignement, les dispositions suivantes :

« 1° Les titres I à V ;

« 2° Au titre VI : les articles L. 861-1, L. 861-3, L. 861-4, L. 861-5 ;

« 3° Au titre VII : les articles L. 871-1, L. 871-2, L. 871-4 ;

« 4° Le titre VIII.

« Chapitre VII

« Dispositions applicables a Wallis-et-Futuna

« Art. L. 897-1. – Sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, dans leur rédaction résultant de la loi n°     du       relative au renseignement, les titres Ier à VIII.

« Chapitre VIII

« Dispositions applicables dans les Terres australes
et antarctiques françaises

« Art. L. 898-1. – Sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans leur rédaction résultant de la loi n°      du       relative au renseignement, les dispositions des titres I à VIII, sous réserve des adaptations suivantes :

« 1° Le premier alinéa de l’article L. 832-2 est ainsi rédigé :

« La fonction de membre de la commission est incompatible avec tout intérêt, direct ou indirect, dans l’activité d’une des personnes suivantes :

« – les opérateurs de communications électroniques ;

« – les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ;

« – les personnes qui, au titre d’une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l’intermédiaire d’un accès au réseau ;

« – les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services. » ;

« 2° L’article L. 861-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 861-2. – Les exigences essentielles au sens du 12° de l’article L. 32 du code des postes et communications électroniques et le secret des correspondances que doivent respecter les opérateurs ainsi que les membres de leur personnel ne sont opposables ni aux juridictions compétentes pour ordonner des interceptions en application de l’article 100 du code de procédure pénale, ni au ministre chargé des communications électroniques dans l’exercice des prérogatives qui leur sont dévolues par le présent titre. » ;

« 3° À l’article L. 871-3, les mots : « Dans le cadre des attributions qui lui sont conférées par le livre II du code des postes et des communications électroniques, » sont supprimés ;

« 4° Le premier alinéa de l’article L. 871-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 871-4. – Les opérateurs de communications électroniques ainsi que les personnes mentionnées au 1° de l’article L. 898-1 sont tenues d’autoriser, à fin de contrôle, les membres et les agents de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dûment mandatés à cet effet par le président, à entrer dans les locaux dans lesquels sont mises en œuvre des techniques de recueil du renseignement autorisées au titre III du présent livre. »

Article 9

L’article L. 561-26 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le III devient le IV ;

2° Au premier alinéa du IV, tel qu’il résulte du 1°, après les mots : « personnes mentionnées » sont ajoutés les mots : « au III du présent article et » ;

3° Il est rétabli un III ainsi rédigé :

« III. – Le service mentionné à l’article L. 561-23 peut demander à toute entreprise de transport terrestre, ferroviaire, maritime ou aérien ou opérateur de voyage ou de séjour les éléments d’identification des personnes ayant payé ou bénéficié d’une prestation ainsi que des éléments d’information relatifs à la nature de cette prestation et, s’il y a lieu, aux bagages et marchandises transportés. »

Article 10

Au chapitre III du titre II du livre III de la première partie du code pénal, est ajouté l’article 323-8 suivant :

« Art. 323-8. – Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux mesures mises en œuvre pour assurer hors du territoire national la protection des intérêts publics mentionnés à l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure par les agents habilités des services de l’État désignés par arrêté du Premier ministre parmi les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »

Article 11

L’article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas de contentieux portant sur la mise en œuvre des dispositions du présent article, les exigences de la procédure contradictoire sont adaptées à la nature particulière des traitements concernés.

« Pour certains traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l’État, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, et sauf lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale, la juridiction de jugement se fonde sur les éléments contenus le cas échéant dans le traitement sans les révéler ni préciser si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu’elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l’objet du litige comporte des données personnelles le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle peut en informer le requérant. »

Article 12

I. – Le dernier alinéa de l’article 39 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi rédigé :

« Le contrôle des communications téléphoniques est effectué dans les conditions définies aux articles 727-1 et 727-2 du code de procédure pénale. »

II. – Après l’article 727-1 du code de procédure pénale, il est inséré deux articles ainsi rédigés :

« Art. 727-2. – Sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent et aux fins de prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues, les correspondances émises ou reçues par la voie des communications électroniques ou radioélectriques par une personne détenue au moyen de matériel non autorisé, peuvent donner lieu à toute mesure de détection, brouillage et interruption par l’administration pénitentiaire.

« Dans les mêmes conditions, l’administration pénitentiaire peut également, aux mêmes fins, directement recueillir, au moyen d’un dispositif technique de proximité dont la détention est autorisée en vertu des dispositions du 1° de l’article 226-3 du code pénal, les données techniques de connexion des équipements terminaux utilisés ainsi que celles relatives à leur localisation. Ce dispositif ne peut être mis en œuvre que par un agent individuellement désigné et dûment habilité par le ministre de la justice.

« Art. 727-3. – Sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent, aux fins de prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des détenus, l’administration pénitentiaire peut accéder aux données informatiques contenues dans les systèmes de traitement automatisé de données que possèdent les personnes détenues et détecter toute connexion à un réseau non autorisé, dans des conditions et selon des modalités qui sont précisées par décret. »

Article 13

I. – Dans tous les textes législatifs, les mots : « Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité » sont remplacés par les mots : « Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ».

II. – Les moyens et les archives de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sont dévolus à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Les décisions régulièrement prises par le Premier ministre en application du titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure et la personnalité qualifiée mentionnée à l’article L. 246-2 du même code demeurent applicables, à l’entrée en vigueur de la présente loi, jusqu’à la fin de la période pour laquelle les autorisations ont été données. Les demandes de mise en œuvre et les demandes de renouvellement sont présentées à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et instruites par celle-ci en prenant en compte les avis et décisions antérieurement pris avant son installation.

III. – Avant la dernière phrase du premier alinéa du II de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« La qualité de membre de la délégation est incompatible avec celle de membre de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

IV. – Par dérogation au huitième alinéa de l’article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure, lors de la première réunion de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, sont tirés au sort celui des deux membres issus du Conseil d’État et celui des deux membres issus de la Cour de cassation qui effectueront un mandat de trois ans.

Article 14

I. – Le titre IV du livre II de la partie législative du code de la sécurité intérieure est abrogé.

II. – Les dispositions du 4° des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 du code de la sécurité intérieure sont abrogées.

III. – L’article L. 2371-1 du code de la défense devient l’article L. 861-5 du code la sécurité intérieure.

IV. – Le titre VII du livre III de la deuxième partie du code de la défense est abrogé.

V. – Aux articles L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 du code de la défense, les mots : « et l’article L. 2371-1 » sont supprimés.

Article 15

Les articles 9 à 13 sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

Article 16

À l’exception des articles 9 à 12, la présente loi entre en vigueur à la date de publication au Journal officiel de la République française du décret nommant les membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Source :
http://www.assemblee-nationale.fr/

 

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