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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 06:41

« Le modèle français a un avenir (…). La clef pour l’économie française, c’est de réussir dans la mondialisation pour [continuer] ce modèle. » (Emmanuel Macron, le 12 mars 2015).

 

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Le jeune Ministre de l’Économie Emmanuel Macron a passé son premier grand oral médiatique ce jeudi 12 mars 2015 en étant l’invité principal de l’émission "Des paroles et des actes" animée par David Pujadas sur France 2. Je ne répéterai jamais assez combien cette émission (l’une des rares consacrées sérieusement à la politique sur les chaînes généralistes) traîne en longueur, dans le seul but de faire sortir de la bouche de l’invité la petite phrase qui fera le buzz.

Qu’importe, c’était la première fois que les citoyens français pouvaient enfin juger directement de la capacité de conviction d’Emmanuel Macron, et l’exercice s’est montré très positif pour le ministre, un sondage à la fin de l’émission ayant même montré qu’il avait retourné une proportion non négligeable de téléspectateurs initialement sceptiques.

Emmanuel Macron a su allier durant cette soirée une brillante intelligence avec une communication efficace, tout en cherchant à s’affranchir des vieux réflexes du langage politicien (langue de bois), notamment en faisant preuve d’une réelle humilité politique (c’est l’avantage d’être novice) et d’une sincérité sémantique qui a pu frapper plus d’un journaliste.


Qui est Emmanuel Macron ?

Emmanuel Macron n’a que 37 ans, et il paraît avoir réussi partout, tant dans sa vie professionnelle que politique, et même personnelle. Il a obtenu le troisième prix du conservatoire d’Amiens au piano, il a fait de la boxe et du football. Mais en fait, malgré sa mention très bien au baccalauréat scientifique au lycée Henri-IV, il a connu l’échec, il n’a pas pu entrer à l’École normale supérieure. Il s’est replié sur un DEA de philosophie à Paris-Nanterre, ce qui lui a permis de travailler quelques années auprès du grand philosophe Paul Ricœur entre 1999 et 2001. Finalement, Emmanuel Macron intégra l’Institut d’études politiques de Paris puis l’ENA d’où il sortit inspecteur des finances en 2004.

Il a fait partie de ce mystérieux groupe de hauts fonctionnaires de centre gauche, appelés Les Gracques, qui prônèrent une alliance entre François Bayrou et Ségolène Royal en mars 2007, juste avant l’élection présidentielle. Après l’élection de Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron est désigné en 2007 rapporteur de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali. Proche de Michel Rocard, Emmanuel Macron devint un proche conseiller du candidat François Hollande en 2010 par l’intermédiaire de Jean-Pierre Jouyet.

Entre septembre 2008 et mai 2012, il quitta cependant la fonction publique (sans démissionner !) pour prendre la casquette d’un brillant banquier d’affaires chez Rothschild au point d’être nommé associé en 2010 puis gérant en 2012.

Avec l’élection de François Hollande, il retourna dans l’administration avec un poste très influent au cœur même du pouvoir, à l’Élysée, comme secrétaire général adjoint du 16 mai 2012 au 30 août 2014. C’est lui l’auteur principal de la boîte à outils présidentielle, en particulier du crédit d’impôt compétitivité emploi et du pacte de responsabilité. Après avoir été pressenti au Ministère du Budget en avril 2014, Emmanuel Macron avait voulu quitter l’Élysée en été 2014 pour se consacrer à d’autres activités professionnelles, mais le 26 août 2014, il fut nommé au gouvernement par la grande porte, succédant à Arnaud Montebourg au Ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique.


Un jeune à Bercy

Évidemment, l’émission de David Pujadas qui cherche à "psychanalyser" ses invités n’a pas raté le parallèle entre Emmanuel Macron et un très lointain prédécesseur à l’Économie, Valéry Giscard d’Estaing, que l’actuel ministre rencontra le 26 novembre 2014. Valéry Giscard d’Estaing a semblé conquis par ce jeune énarque et heureux que les jeunes fussent au pouvoir. Mais les journalistes auraient pu aussi faire d’autres parallèles en évoquant d’autres figures politiques, Joseph Caillaux, Laurent Fabius ou encore François Baroin.

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Pendant toute la soirée, Emmanuel Macron a montré qu’il cultivait (encore) assez peu d’ambition personnelle, mais qu’il avait beaucoup de conviction sur la manière de gouverner. Il est surtout un pragmatique, qui a compris que la France ne pouvait empêcher sa marche vers la mondialisation mais qu’il fallait qu’elle y trouve son intérêt et pas la subir. Ce discours, assez courant au centre droit, l’est beaucoup moins à gauche, ce qui en fait une "tête de Turc" toute trouvée chez les "frondeurs" du PS.


Emmanuel Macron est-il un libéral ?

Essayer de définir un homme est une manière de le réduire à des étiquettes, mais en France, on en est friand. Il est toujours troublant de voir comment l’étiquette libérale est utilisée à tort et à travers en France dont la dépense publique est tellement massive que ce serait une imposture d’imaginer qu’un seul des gouvernants des trente dernières années serait "libéral".

Néanmoins, Emmanuel Macron n’a pas rejeté l’étiquette avec sa propre définition : « Si libéral, ça veut dire abolir toutes les règles et laisser la loi du plus fort s'exercer, je ne suis en aucun cas libéral. (...) Si simplement être libéral, c'est trouver les bons endroits pour mettre la règle, réussir à déverrouiller les choses pour libérer des énergies dans un cadre, préserver la justice en étant efficace, alors, je veux bien assumer ce terme. (...) Plus de liberté choisie, plus de règles mises au bon niveau, c'est-à-dire au plus près du terrain. ».

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Il s’est voulu avant tout pragmatique et antidogmatique : « Dans beaucoup de secteurs, sur beaucoup de sujets, je pense qu'il faut avoir une approche plus concrète des choses et regarder si ce qu'on croyait être le droit qui protège n'est pas la norme qui empêche. Parfois, c'est le cas. Et vous savez, quand cela empêche, quand cela bloque, ce sont les plus faibles qui sont bloqués. ».


Emmanuel Macron est-il de gauche ?

Dans mon titre, j’avais hésité à mettre "la chance de la gauche" car le mot "gauche" lui-même est galvaudé. Mais politiquement, c’est bien de ce côté-là de l’échiquier qu’il balance.

Sur cette appartenance à la gauche, Emmanuel Macron a sans doute eu plus de mal à convaincre. En effet, s’il a bien milité quelques rares années dans sa jeunesse au sein du Parti socialiste (ses camarades à Amiens ne semblent guère l’avoir apprécié), et même au début proche de Jean-Pierre Chevènement, il a parlé durant l’émission de la "gauche" comme il aurait pu très bien parler de la "droite" ou du "centre", une simple étiquette par tradition très familiale mais dans les options économiques, il serait bien plus proche d’un François Bayrou voire d’un Alain Juppé que d’un Benoît Hamon ou d’un Jean-Luc Mélenchon. Mais encore nain politique, il ne semble pas prêt à faire lui-même le grand saut (comme le voudrait François Bayrou).

Emmanuel Macron a ainsi donné sa propre définition, plutôt intellectuelle, de la gauche : « Pour moi, être de gauche, c’est rendre l’homme capable. » en reprenant une expression employée par Paul Ricœur.

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Et il a poursuivi : « Ce qui fait que je suis de gauche, c'est que je veux rendre les Français capables, leur redonner des accès, leur redonner plus de droits, des vrais droits, pas des belles formules (...). Des droits, ce sont des possibilités, ce sont des opportunités à chaque moment de la vie. Et je me refuse à dire qu'il y aurait d'un côté un grand marché libéral (...), et puis de l'autre, une espèce de préservation des droits ou une accumulation de droits abstraits, ou de droits toujours compensés par l'État, par la puissance publique. (...) On ne peut pas abandonner ce qu'on appelle le modèle social, les protections fondamentales dont notre société a besoin, mais en même temps, à chaque moment de la vie, il faut encourager celles et ceux qui veulent prendre des risques à les prendre. Il faut les récompenser quand ils prennent ces risques. Il faut récompenser celles et ceux qui travaillent, qui inventent, qui innovent ; ça, c'est une politique de gauche, à mes yeux. C'est celle du progrès, c'est celle qui pousse la jeunesse à réussir. Le travail, le progrès, la réussite, ce sont des valeurs de gauche, ce sont celles que je défends. ».

Il n’a en revanche aucune envie de se frotter aux "frondeurs" du PS, ce qui le rend très hermétique aux jeux d’appareil : « Je n’ai pas un rapport disciplinaire de la politique ; j’ai un rapport de conviction. ».


Emmanuel Macron, "bankster" ?

Emmanuel Macron a pu entendre durant l’émission des extraits très démagogiques de discours de personnalités politiques qui lui reprochaient son ancien métier de banquier d’affaires : Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen mais aussi Nicolas Sarkozy.

À Marine Le Pen qui criait que l’intérêt des banquiers n’est pas l’intérêt des  Français, ce qui est vrai, il s’est contenté de dire une évidence : « Alors, dans ce cas-là, tous les métiers qu’on fait dans le privé ne sont pas pour l’intérêt général ! ». Il s’est aussi amusé de l’attaque de Nicolas Sarkozy qui, lui, a été longtemps avocat d’affaires.

Pour répondre aux critiques, Emmanuel Macron a déclaré ne pas vouloir être réduit à seulement quatre années de sa vie, et a précisé que son métier n’a pas été de vendre des produits financiers (qui auraient pu être toxiques) mais de conseiller les entreprises, et cela l’a aidé à mieux comprendre le fonctionnement de l’économie.


Emmanuel Macron, riche ?

Sur sa propre situation, Emmanuel Macron a voulu aussi recadrer : « On peut être de gauche et réussir. (…) Je ne me considère pas comme riche. J’ai d’ailleurs, comme tous mes collègues, fait à la fois une déclaration de patrimoine et d’intérêts, et vous avez pu constater que je n’étais pas à l’impôt sur la fortune et que je n’étais pas multimillionnaire. (…) Quand on réussit financièrement par son métier, on paie beaucoup d’impôts (…). ».

Puis, de disserter sur l’argent en France, tout en précisant qu’il ne s’était pas préoccupé de faire une optimisation fiscale de ses revenus : « La France a un rapport, depuis longtemps, traumatique avec l’argent. (…) Il ne faut ni l’adorer ni le détester. Et somme toute, quand on réussit professionnellement et qu’on gagne de l’argent, ce n’est pas un crime, il faut payer ses impôts en France en totalité, et quand on a des convictions, des idées, on les défend. ».

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Emmanuel Macron a aussi rappelé qu’en s’engageant dans la vie politique, il y a plus perdu que gagné financièrement : « Mais moi, j’entends moins (…) commenter le choix que j’ai fait en 2012. Moi, j’ai choisi de gagner en effet dix fois moins pour servir mon pays. Et il n’y en a pas beaucoup qui feraient ce choix. Donc, je n’ai pas à rougir. ».


Tirade contre les journalistes qui entretiennent le fossé entre politique et peuple

Assez agacé par de nombreuses questions qui voulaient le mettre dès maintenant dans la position d’un futur candidat à l’élection présidentielle (Jacques Attali le verrait ainsi en 2032 !), Emmanuel Macron a rejeté ces considérations très politiciennes pour rappeler sa tâche : « Quand vous êtes en train de rechercher un job, quand vous êtes dans des situations difficiles, que vous vous bagarrez au quotidien, moi, je m’occupe d’économie, donc directement de ce qui touche les Françaises et les Français, vous voyez quelqu'un que vous ne connaissiez pas il y a huit mois, qui arrive, qui apparemment essaie de se démener, ce que je fais en effet au quotidien, on n'a même pas passé la première loi, et vous imaginez de voir cette personne qui vous dit : moi, je pense à être élu. (...) Mon ambition personnelle, c'est de faire bien mon boulot d'aujourd'hui, c'est déjà énorme pour moi. ».

Au cours de l’émission, Emmanuel Macron a eu trois duels politiques, je n’en évoque ici que les deux derniers.


Face à Benoist Apparu (UMP)

Ancien Ministre UMP du Logement, Benoist Apparu est considéré comme un "modéré", proche d’Alain Juppé et il est même allé jusqu’à prôner une unité nationale pour adopter dix réformes majeures dont la France a besoin.


Benoist Apparu fut de ces députés de l’opposition qui ont vu d’un bon œil la nomination d’Emmanuel Macron à Bercy. Mais aujourd’hui, il est plutôt déçu car il n’a toujours pas vu les vraies réformes arriver : « Tout le drame de la vie politique et économique française, c'est justement qu'on n'arrête pas de se prononcer à vingt ans. On oublie totalement le temps long. On ne regarde que la semaine qui vient et pas l'essentiel. Or aujourd'hui, ce dont nous manquons, me semble-t-il, c'est justement un regard à vingt ans sur les réformes lourdes, profondes, structurelles, qui seront difficiles, qui seront compliquées. Je ne vous dis pas le contraire, et on est bien d'accord que depuis bien trente ans, personne ne les a faites, ni la droite, ni la gauche. Donc la question aujourd'hui, quand j'évoquais (...) le changement de logiciel, c'est que c'est là-dessus qu'on vous attend, c'est là-dessus que les Français vous jugerons différemment. C'est si on fait enfin ces efforts-là. Et les Français seront prêts à les faire. Ils retrouveront demain le chemin des urnes. Ils se détourneront probablement du Front national. Parce que aujourd'hui, nous ne faisons qu'une chose, et aujourd'hui, vous êtes en responsabilités, vous ne faites que cela, du slogan, des paroles, des propos, mais je ne vois toujours pas (...) des actes. ».

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À cette critique d’immobilisme, Emmanuel Macron n’a pas vraiment su répondre sinon à considérer sa loi comme l’alpha et l’oméga des réformes, ce qui reste un peu court !

Les deux personnages auraient pourtant pu s’entendre sur une philosophie générale de l’économie française, mais les postures politiques interdisent toute passerelle réellement engageante.


Face à Florian Philippot (FN)

Face à la tête pensante du FN, à savoir Florian Philippot, celui qui a insufflé de l’extrême gauche dans l’extrême droite, Emmanuel Macron n’a pas eu de mal à balayer efficacement les arguments très démagogiques de son interlocuteur.

Ainsi, il a trouvé assez stupéfiant d’être lui-même critiqué de vouloir faire peur aux Français : « Je dois dire que ça a une certaine saveur d'entendre M. Philippot dire que je joue sur les peurs. ça, je dois dire que je pouvais m'attendre à beaucoup de choses de votre part, mais ça, c'est assez inédit. Et donc pour un parti comme le vôtre qui propose en effet le saut dans l'inconnu, car c'est un peu ça, votre programme (...). Dire je joue sur les peurs, c'est formidable. Car sur l'ensemble du clavier politique, vous passez votre temps à jouer sur les peurs, à jouer sur les clivages, et donc, c'est assez inattendu, et vous n'êtes pas à un paradoxe près. ».

Sur le fond, Emmanuel Macron est parvenu assez solidement à démontrer qu’ériger de nouvelles barrières douanières contre des produits chinois serait une catastrophe pour l’exportation française. Il a rappelé qu’un produit final est issu de nombreux composants fabriqués dans plusieurs pays différents et que des entreprises françaises fournissent de nombreux composants à des produits chinois qui seront ensuite vendus en France.

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Le ministre a été également assez clair sur l’aéroport de Toulouse et les tentatives de désinformation du FN : « C'est un flagrant délit de mensonge (...). M. Philippot s'est illustré qu'il ment et qu'il agite les peurs. (...) Les responsables d'Airbus se sont réjouis de cette arrivée des investisseurs chinois. Pourquoi ? Parce que ce sont les mêmes Chinois qui ont acheté cent Airbus. Les mêmes, M. Philippot. Et donc, de la même façon, aller expliquer qu'il y a des bons Chinois, c'est ceux qui achètent des avions et qui font travailler les Français, et qu'il y a des mauvais Chinois, c'est ceux qui investissent en France. Alors ça, M. Philippot, c'est votre idée de la mondialisation et du protectionnisme, et ça, ça n'existe que dans votre tête, parce que les autres ne sont pas plus bêtes que nous. Donc, oui, la France, elle se redressera. Oui, la France est forte. Oui, la France est une grande puissance économique. Mais elle l'est si elle est responsable, lucide. Aujourd'hui, vous n'aimez pas la France, M. Philippot, vous aimez le déclin de la France. (...) Ce que vous proposez, c'est du vent, M. Philippot. ».


Une personnalité d’avenir, incontestablement

Emmanuel Macron est arrivé en politique un peu comme Raymond Barre en 1976, comme un haut fonctionnaire inconnu, comme un extraterrestre par rapport au microcosme politique. Néanmoins, il a très bien compris les us et coutumes de la classe politique et n’a pas exclu de se présenter aux élections législatives de juin 2017 (un parachutage dans la circonscription de Jean Glavany dans les Hautes-Pyrénées semblerait même en préparation).

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Son intelligence, sa communication efficace, comme je l’ai écrit précédemment, ainsi que sa grande combativité notamment contre les idées économiques du Front national, sa jeunesse aussi, bien sûr, qui reste un atout, et sa popularité, font d’Emmanuel Macron un homme qui devrait avoir un grand avenir dans les décennies qui viennent. Notamment parce que dans sa génération, il y a peu de personnalités brillantes qui se sont signalées au sein du Parti socialiste.

Restera évidemment à s’émanciper de son mentor François Hollande, à se méfier de l’ambition dévorante de Manuel Valls qui pourrait un jour se retrouver en antagonisme avec lui, et surtout, à afficher un bilan positif de son séjour à Bercy sur le front de l’emploi et de la croissance.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande.
Manuel Valls.
Paul Ricœur.
Joseph Caillaux.
Valéry Giscard d’Estaing.
Les grands argentiers en France.
La loi Macron.
Le 49 alinéa 3 et la motion de censure.
La France est-elle libérale ?
Le travail le dimanche.
Le chômage.
Tout est possible en 2017.
Mathématiques militantes.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150313-macron.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-la-chance-de-la-164782

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/03/14/31696965.html



 

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12 mars 2015 4 12 /03 /mars /2015 23:25

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CONSEIL D’ÉTAT
Assemblée générale
Séance du jeudi 12 mars 2015
Section de l’intérieur
Section de l’administration
N° 389.754
EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS
AVIS SUR UN PROJET DE LOI relatif au renseignement

1. Le Conseil d’État a été saisi le 20 février 2015 et le 5 mars 2015 du projet de loi relatif au renseignement.
2. Ce projet de loi définit la mission des services spécialisés de renseignement et les conditions dans lesquelles ces services peuvent être autorisés, pour le recueil de renseignements relatifs à des intérêts publics limitativement énumérés, à recourir à des techniques portant sur l’accès administratif aux données de connexion, les interceptions de sécurité, la localisation, la sonorisation de certains lieux et véhicules, la captation d’images et de données informatiques, enfin à des mesures de surveillance internationale.
Il instaure pour l’ensemble de ces techniques, à l’exception des mesures de surveillance internationale, un régime d’autorisation préalable du Premier ministre après avis et sous le contrôle d’une autorité administrative indépendante dénommée « Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement », qui pourra recevoir des réclamations de toute personne y ayant un intérêt direct et personnel. Il fixe les durées de conservation des données collectées.
Il prévoit un régime spécifique d’autorisation et de contrôle pour les mesures de surveillance et de contrôle des transmissions émises ou reçues à l’étranger.
Il institue un recours juridictionnel devant le Conseil d’État ouvert à toute personne y ayant un intérêt direct et personnel, ainsi qu’à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, tout en prévoyant des règles procédurales dérogatoires destinées à préserver le secret de la défense nationale.
3. Le Conseil d’État a veillé à ce que soient conciliées les nécessités propres aux objectifs poursuivis, notamment celui de la protection de la sécurité nationale, et le respect de la vie privée protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’est attaché à préciser et renforcer les garanties nécessaires à la mise en œuvre des techniques de renseignement, tenant en particulier à l’existence, d’une part, d’un contrôle administratif s’exerçant au moment de l’autorisation et en cours d’exécution, d’autre part, s’agissant d’une procédure administrative spéciale, d’un contrôle juridictionnel approfondi du Conseil d’État statuant au contentieux.
4. Dès lors, le projet de loi n’appelle pas d’autre observation, de la part du Conseil d’État, que les remarques suivantes.
Sur les finalités permettant de recourir aux techniques de recueil des renseignements
5. La définition limitative et précise des finalités permettant de recourir aux techniques de renseignement prévues par le projet de loi, dont certaines portent une atteinte forte à la vie privée, constitue la principale garantie que ces techniques ne seront mises en œuvre que pour des motifs légitimes. Ces finalités doivent donc être énoncées en termes précis permettant de garantir l’effectivité des différents contrôles prévus par le projet de loi en écartant des formulations dont les contours sont incertains. Il apparaît utile à cet égard de se référer aux finalités actuellement prévues par l’article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure issu de la loi de 1991 pour l’autorisation des interceptions de correspondances, telles qu’elles ont été interprétées par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, et de compléter ces finalités pour tenir compte de l’ensemble des intérêts publics justifiant l’utilisation des nouvelles techniques prévues. Après avoir relevé que chaque service concerné ne pourra invoquer que des finalités entrant dans le champ de ses missions, le Conseil d’État, prenant acte du choix du Gouvernement de définir une liste unique de finalités applicable sur le territoire national comme à l’étranger, a retenu l’énumération suivante :
a) La sécurité nationale ;
b) Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France ;
c) Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France ;
d) La prévention du terrorisme ;
e) La prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
f) La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;
g) La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.
Sur la procédure d’autorisation de mise en œuvre des techniques de recueil des renseignements
6. L’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement constituant l’une des garanties essentielles entourant le recours aux techniques prévues, le Conseil d’État a relevé qu’il ne pourrait être dérogé à son caractère préalable qu’en cas d’urgence absolue.
Il a par ailleurs admis, pour deux seulement des techniques prévues (dispositif permettant la localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet et dispositif de proximité destiné à recueillir des données de connexion ou des correspondances), qu’elles puissent être mises en œuvre sans autorisation préalable en cas d’urgence, sous réserve de régularisation dans les 48 heures.
Il a en outre estimé nécessaire que le projet de loi confie au Premier ministre le soin d’organiser la centralisation des données collectées au moyen des techniques de recueil des renseignements, seule à même de permettre l’organisation d’un contrôle effectif du respect du cadre légal.
Le Conseil d’État a enfin souhaité que la durée de conservation des données collectées soit proportionnée à leur nature. Si, conformément à son avis du 3 juillet 2014 sur le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, il a estimé possible de porter de 10 à 30 jours le délai de conservation des correspondances enregistrées, il a jugé nécessaire que ce délai commence à courir comme aujourd’hui à compter du recueil des correspondances et non de leur première exploitation.
Sur les techniques susceptibles d’être utilisées à destination de personnes, véhicules ou lieux sur le territoire national
7. Le Conseil d’État a estimé qu’au regard du principe de proportionnalité, les techniques de recueil du renseignement portant le plus atteinte à la vie privée (captation, transmission et enregistrement de sons et d’images, captation de données informatiques, introduction dans des lieux privés ou des véhicules pour y placer des dispositifs techniques) devaient être entourées de garanties renforcées : utilisation dans les seuls cas où les renseignements ne peuvent être recueillis par d’autres moyens (subsidiarité), obligation de motivation renforcée de la demande, autorisation pour une durée plus limitée que la durée de quatre mois prévue en général pour les autres techniques (30 jours pour l’introduction dans des lieux privés ou des véhicules), mise en œuvre des opérations par des agents individuellement désignés et dûment habilités appartenant à un nombre limité de services.
Il a également encadré les conditions du recours aux dispositifs techniques de proximité permettant de recueillir des données techniques de connexion et de localisation d’équipements terminaux et, dans certaines hypothèses très limitées, d’intercepter directement des correspondances. Il a limité à six mois la possibilité d’utiliser ces dispositifs sur la base d’une autorisation portant sur un service, des lieux et une période déterminés et à 72 heures la validité de l’autorisation permettant d’intercepter des correspondances.
Sur les mesures de surveillance internationale
8. Les mesures prévues pour assurer la surveillance et le contrôle des transmissions émises ou reçues à l’étranger définissent un régime juridique particulier, différent de celui applicable aux interceptions de sécurité effectuées sur le territoire national mais cependant encadré par la loi et soumis à des conditions particulières : d’une part, les finalités de ces mesures sont définies par la loi ; d’autre part, les mesures seront subordonnées à une double autorisation du Premier ministre, l’une pour l’interception des communications, l’autre pour l’exploitation des correspondances ; enfin, un décret publié définira les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des données ainsi que la procédure d'autorisation d'exploitation des correspondances.
Le Conseil d’État est d’avis que ces dispositions remplissent les exigences de prévisibilité de la loi découlant de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sont assorties des garanties suffisantes et restent proportionnées au but poursuivi.
A cet égard, il note que :
- si les communications renvoient à des numéros d’abonnement ou à des identifiants rattachables au territoire national ou à des personnes surveillées en application des dispositions de l’article L. 852-1, elles seront conservées et détruites dans les conditions de droit commun sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ;
- de sa propre initiative ou sur réclamation de toute personne y ayant un intérêt direct et personnel, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement s’assurera du respect des règles et garanties prévues en la matière.
Le Conseil d’État a par ailleurs admis qu’eu égard aux impératifs de la défense et de la sécurité nationale et pour assurer la protection des intérêts publics mentionnés à l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, il était constitutionnellement possible d’instituer un régime d’exonération pénale autorisant les agents habilités des services de renseignement à exécuter des actions offensives contre certains systèmes de traitement automatisés de données.
Sur la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
9. Dès lors que cette commission constitue l’une des garanties essentielles entourant la mise en œuvre des techniques de renseignement énumérées dans le projet de loi, sa composition, ses missions et ses règles déontologiques doivent être définies de manière à garantir l’effectivité de son contrôle. Aussi le Conseil d’État a-t-il jugé préférable de retenir un texte prévoyant une composition resserrée de cinq personnalités indépendantes et disponibles et une présidence à temps plein et permettant une présence suffisante, parmi les membres de la commission comme au sein de ses services, de personnes possédant des qualifications idoines en matière de réseaux de communications et de protection des données personnelles.
Sur le contrôle juridictionnel
10. La mise en œuvre des techniques prévues par le projet de loi relevant de la police administrative, la juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges relatifs à celle-ci. Le recours prévu directement devant le Conseil d’État, ouvert à toute personne y ayant un intérêt personnel et direct, ainsi qu’à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, permettra à la juridiction d’exercer un contrôle complet sur la procédure suivie et, pour ce faire, d’accéder à l’ensemble des pièces nécessaires au jugement du litige, ses membres étant habilités au secret de la défense nationale. La procédure sera entièrement contradictoire à l’égard de la Commission nationale de contrôle, elle-même habilitée au secret de la défense nationale. La formation de jugement pourra soulever d’office tout moyen. En cas d’irrégularité dans la mise en œuvre d’une technique de recueil du renseignement, la formation de jugement pourra annuler l’autorisation et ordonner la destruction des données collectées. Elle pourra indemniser le requérant. Au regard de ces garanties, le Conseil d’État a estimé possible d’adapter les exigences de la publicité de l’audience et du caractère contradictoire de la procédure à celles du secret de la défense nationale, dès lors qu’il s’agit d’apprécier la régularité et le bien-fondé du recours à des techniques qui n’ont d’utilité, dans l’activité de renseignement comme en matière de police judiciaire, que si elles sont mises en œuvre à l’insu des intéressés.
Le Conseil d’État a par ailleurs estimé préférable, tant pour des raisons de bonne administration de la justice que pour renforcer l’effectivité des recours (en permettant de s’y associer à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, à l’égard de laquelle la procédure sera pleinement contradictoire) qu’un recours juridictionnel soit précédé d’une réclamation obligatoire devant cette Commission.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 12 mars 2015.

 

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5 mars 2015 4 05 /03 /mars /2015 23:21

Document : Délibération n°2015-078 du 5 mars 2015 portant avis sur un projet de loi relatif au renseignement (à télécharger).
 

La CNIL a délibéré sur le projet de loi sur le renseignement.


Cliquer sur le lien pour télécharger l'avis de la CNIL (fichier .pdf) :
http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/deliberations/D2015-078-PJLRenseignement.pdf


SR



Verbatim du communiqué de la CNIL du 19 mars 2015.

Publication de l’avis sur le projet de loi relatif au renseignement
19 mars 2015
 
A la demande du Président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, la CNIL publie son avis du 5 mars 2015 sur le projet de loi relatif au renseignement.

Les avis de la CNIL portant sur un projet de loi ne peuvent être rendus publics que si le Président de la Commission permanente de l'une des deux assemblées en fait la demande (article 11-4°)-a) de la loi "informatique et libertés").

Monsieur Jean-Jacques Urvoas, Président de la Commission des Lois de l'Assemblée Nationale, a demandé ce jour à la Présidente de la CNIL que l'avis de la Commission sur le projet de loi relatif au renseignement soit rendu public, afin d'éclairer les travaux du Parlement sur ce texte.

La CNIL s'est prononcée, lors de la séance plénière du 5 mars 2015, sur ce projet de loi, dans sa version alors envisagée par le Gouvernement.

Le projet de texte a sensiblement évolué depuis cette date, en tenant compte, sur plusieurs points de l'avis de la Commission. En particulier, des garanties substantielles ont été apportées sur les points suivants :

S'agissant des interceptions de sécurité, le projet de loi a été précisé afin de limiter les personnes pouvant faire l'objet de telles " écoutes ". Il prévoit dorénavant la nécessité d'une autorisation expresse pour intercepter les correspondances des personnes qui ne font pas l'objet d'une surveillance particulière mais qui appartiennent à l'entourage d'une personne surveillée et qui sont susceptibles de jouer un rôle d'intermédiaire ou de fournir des informations essentielles.
S'agissant du recueil de données en temps réel sur les réseaux des opérateurs, le projet de loi précise que de telles opérations ne peuvent porter que sur les données techniques de connexion, et en aucun cas sur le contenu des correspondances échangées (téléphone, courriel, contenu des SMS, etc.).
Les conditions de mise en œuvre et de contrôle des dispositifs techniques de proximité (dits " IMSI catcher ") ont été précisées. La nature des données pouvant être recueillies par ces dispositifs a été limitée et des conditions de conservation plus rigoureuses ont été prévues s'agissant des correspondances.
Enfin, les techniques actuellement dévolues à la seule police judiciaire, et particulièrement intrusives (pose de balises de localisation, de micros ou utilisation de key-loggers), ne pourront être utilisées par les services de renseignement qu'en dernier ressort, si aucun autre moyen n'est utilisable. De même, les durées de mise en œuvre de ces techniques et de conservation des données ainsi recueillies ont été réduites.
La CNIL restera attentive aux suites de ce texte, notamment sur les modalités de contrôle des fichiers de renseignement. Ces fichiers bénéficient actuellement d'un cadre législatif particulier interdisant de fait le contrôle de leur régularité du point de vue de la loi " Informatique et Libertés ". Or, le contrôle de ces fichiers constitue une exigence fondamentale afin d'asseoir la légitimité de ces fichiers dans le respect des droits et libertés des citoyens.

Dans ce contexte, la Commission a proposé que le projet de loi lui permette d'exercer un tel contrôle, selon des modalités particulières, adaptées aux activités des services de renseignement, et en coopération notamment avec la CNCTR (Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement). Cette proposition n'a pour l'heure pas été suivie d'effet.


 

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19 février 2015 4 19 /02 /février /2015 07:56

« Le Premier Ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée Nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier Ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. » (Article 49 alinéa 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 de la Ve République révisé le 23 juillet 2008).


yarti4932015021701Le fameux esprit du 11 janvier vient de s’évaporer de lui-même à cause de la guerre de position que se livrent les apparatchiks du Parti socialiste dans la perspective du congrès qui aura lieu du 5 au 7 juin 2015 à Poitiers.

Ce mardi 17 février 2015 en début d’après-midi, le conseil des ministres s’est réuni exceptionnellement pour autoriser le Premier Ministre Manuel Valls à appliquer l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, à savoir à engager la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi appelée "loi Macron" (à ne pas confondre avec la procédure du "vote bloqué" régie par l’article 44 alinéa 3 de la Constitution).

C’est un événement important car cela faisait presque dix ans que cette procédure n’a pas été utilisée. Elle résulte du décompte d’un nombre de députés socialistes "frondeurs" prêts à rejeter le projet de loi Macron et de la volonté de ne pas prendre le risque politique (majeur) d’un désaveu par une majorité parlementaire de circonstance. Elle montre avant tout l’impasse politique dans laquelle se trouve Manuel Valls.


Rien d’antidémocratique

L’article 49 alinéa 3 n’a rien d’antidémocratique puisqu’il est inscrit dans la Constitution qui fut approuvée par référendum (j’encourage les lecteurs à lire la présentation faite par Éolas de cette disposition, datant du 6 septembre 2006, donc, dans des circonstances différentes). Et pour cette circonstance précise, le débat parlementaire n’a pas du tout été court-circuité puisque la décision est arrivée à la fin de la discussion, juste avant le vote solennel qui aurait dû se dérouler le 17 février 2015.

Je rappelle très succinctement que la procédure veut que les débats parlementaires soient interrompus pendant vingt-quatre heures, que pendant ce délai, une motion de censure puisse être déposée par au moins 58 députés (10%), et que le vote de cette motion de censure ne puisse pas intervenir avant quarante-huit heures, afin de dépassionner les débats. Si la motion de censure est rejetée, le texte (ici la loi Macron) est considéré comme adopté. Si au contraire, la motion de censure est adoptée, alors non seulement le texte est rejeté mais le gouvernement est renversé et le Président de la République n’a alors d’autre choix que soit changer de gouvernement, soit dissoudre l’Assemblée Nationale.

Ce petit rappel montre que la motion de censure, déposée par l’UMP et l’UDI dans la soirée du 17 février 2015 et qui sera débattue le jeudi 19 février 2015 (le vote interviendra à 18 heures), a très peu de chance de rassembler une majorité absolue des députés (il faut au moins 289 voix, même s’il y a des absents), car d’une part, politiquement, il est très difficile à des députés de gauche de mêler leur voix à celle de leurs collègues de l’opposition (il semblerait que les députés du Front de gauche la voteraient quand même), et d’autre part, électoralement, ce serait suicidaire de retourner si tôt devant les électeurs. Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a d’ailleurs été très clair : un députés PS qui voterait la censure n’aurait « plus sa place au PS ».


Sarkozy, beaucoup plus respectueux des parlementaires que Hollande

Historiquement, jusqu’au 17 février 2015 (non inclus), la procédure de l’article 49 alinéa 3 a été utilisée 82 fois depuis le 4 octobre 1958, la gauche l’a utilisée plus souvent que la droite, 50 fois contre 32 fois, avec un exercice du pouvoir nettement plus bref, 211 mois pour la gauche et 461 mois pour la droite, donc la gauche l’a utilisée près de quatre fois plus souvent que la droite, notamment pendant la période 1988-1993 sans majorité absolue pour les gouvernements de Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy.

D’ailleurs, il est assez intéressant de voir que la dernière fois qu’un gouvernement a utilisé cette procédure, c’était Dominique de Villepin le 9 février 2006 pour le CPE, et en septembre 2006, il a failli récidiver sur le projet de loi de fusion de GDF et Suez en raison des 137 449 amendements déposés par une opposition assez peu responsable à faire une telle obstruction parlementaire.

Ce qui rappelle que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, l’article 49 alinéa 3 n’a jamais été utilisé, malgré les nombreux procès d’intention faits contre l’autoritarisme de ce dernier. Au contraire, dans la révision de la Constitution du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008), Nicolas Sarkozy avait souhaité limiter cette utilisation aux seules lois de finances et à un seul autre texte par session alors qu’il n’y avait aucune limitation avant lui (Michel Rocard l’avait utilisé 28 fois en 37 mois de pouvoir !). Initialement, Nicolas Sarkozy était même favorable à la suppression pure et simple de cette procédure, mais c’est aussi l’un des moyens efficaces de gouverner face à une assemblée mouvante.


La loi Macron, la montagne qui accouche d’une souris

L’utilisation du 49 alinéa 3 est donc depuis 2008 un acte majeur dans la vie politique en raison de sa limitation. Manuel Valls l’a rappelé au journal de 20 heures sur TF1 le 17 février 2015 : il l’a appliqué car il a considéré la loi Macron comme un acte majeur de son gouvernement. Son prédécesseur Jean-Pierre Raffarin a réagi pourtant ainsi : « On a le sentiment qu’avec ce 49.3, le gouvernement va chercher un bulldozer pour faire des pâtés de sable ! ».

Et c’est vrai que c’est à peu près sur ce seul texte que le gouvernement se base pour redynamiser l’économie, ce qui est assez court en terme d’ambition nationale, car ce texte n’est qu’un recueil de petites réformettes qui auront très peu d’influence sur l’économie nationale et l’emploi, qui a l’avantage de ne pas coûter grand chose à l’État (c’est déjà ça) et qui déverrouille à peine les carcans qui sclérosent l’initiative économique. L’exemple le plus flagrant est le travail le dimanche alors que l’avancée réglementaire est particulièrement minime. C’est d’ailleurs à cause de ce sujet que les députés "frondeurs" ont refusé de voter cette loi.

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Une remarque aussi sur l’appellation du texte, la "loi Macron", qui, effectivement, a été présentée et défendue par le Ministre de l’Économie Emmanuel Macron, mais il faut quand même rappeler que ce texte a été préparé par son prédécesseur, qui n’était autre que l’un des chefs de file de cette prétendue aile gauche, Arnaud Montebourg, alors qu’un autre "leader" "frondeur" était le numéro deux du gouvernement, Benoît Hamon. Cela en dit long sur la sincérité de ceux qui, élus grâce à la victoire de François Hollande, crachent dans la soupe aujourd’hui (pour sauver leur circonscription dans deux ans).


Où en est Manuel Valls ?

Depuis qu’il est à Matignon, Manuel Valls a montré son autorité sur son gouvernement, quitte même à démissionner pour limoger les indisciplinés. Cette autorité ne s’étend toutefois pas jusqu’à sa majorité parlementaire.

L’utilisation du 49 alinéa 3 est le constat un échec, celui de Manuel Valls à vouloir "réformer" un Parti socialiste qui n’est pas réformable, trop habitué à ses archaïsmes. Avant lui, Michel Rocard avait échoué dans ce même registre, et Jacques Delors n’avait même pas voulu essayer (notamment en 1995).

Ce qui est étonnant, c’est que la loi Macron aurait pu rassembler un large éventail de la représentation nationale, car même si beaucoup de députés de l’opposition considéraient que le texte n’allait pas assez loin, il avait au moins le mérite de faire avancer quand même un peu le Schmilblick et de faire mieux que le statu quo. Certains députés UDI et même UMP étaient prêts d’ailleurs à voter ce texte. La repolarisation du débat en réinstallant un clivage partisan par l’article 49 alinéa 3 empêchera de connaître la capacité de rassemblement de Manuel Valls en dehors de sa propre majorité. Pire, ces mêmes députés de l’opposition voteront probablement la motion de censure qui en est la conséquence.

Pourtant, trouver des mesures pragmatiques pour redynamiser l’économie, c’est une mission d’intérêt général qui aurait pu rassembler autant la majorité que l’opposition. Mais comme le refus d’intégrer François Bayrou dans sa majorité, François Hollande n’a aucune vision autrement qu’au sein du Parti socialiste, comme si ce parti représentait tout à ses yeux.

Aujourd’hui, le PS est paradoxalement le principal adversaire de ce gouvernement de bonne volonté économique qui n’ose pas aller jusqu’au bout de sa logique politique, à savoir faire une loi économique consensuelle et pérenne, comme l’Allemagne le fit en 2004 : que les députés de l’opposition soient consultés et surtout, écoutés, et pas seulement mis sur le fait accompli (avec ce choix : c’est ça ou rien), que cette loi fasse l’objet d’une véritable négociation nationale et qu’elle ne soit pas remise en cause lorsque la majorité changera. Bref, que les députés s’attaquent enfin aux vrais problèmes sans esprit de chapelle.

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L’ancien Premier Ministre François Fillon l’avait proposé depuis plusieurs mois, prêt à prendre au mot la bonne volonté de Manuel Valls : « Désormais François Hollande est un Président de la République paralysé, sans majorité pour réformer, condamné à subir la dégradation de la situation économique et sociale. Depuis des mois, je tire le signal d’alarme en implorant le Président de la République d’écouter les propositions de l’opposition pour définir un agenda national afin d’engager sans délai les réformes économiques nécessaires. (...) Le gouvernement n’a pas saisi cette opportunité et a préféré s’obstiner dans une voie sans réelle ambition pour l’économie française par crainte de fracturer sa majorité. À l’arrivée, il n’évite pas la fracture et fait la démonstration de son impuissance. » (François Fillon le 17 février 2015). Mais malgré ces signes de "détente" politique, il n’y a jamais eu qu’une fin de non recevoir de la part des gouvernants qui ne sont que d’anciens apparatchiks socialistes.

L’intelligence de Manuel Valls aurait dû aller dans cette voie au lieu de se piéger lui-même en n’ouvrant rien sur sa droite et en refermant tout sur sa gauche : celle de chercher un véritable dialogue majorité/opposition pour montrer aux citoyens que les députés se préoccupent avant tout, avant leur carrière, avant leur intérêt partisan, de l’intérêt national, de l’intérêt des Français.


Pendant que les chiens aboient…

Avec ce nouvel épisode désolant de la vie politique, il n’est donc pas étonnant que des électeurs, désabusés, lassés, agacés par tant d’aveuglement, choisissent finalement un parti qui se dit hors système même s’il profite du système depuis plus de trente ans, grassement et sans beaucoup d’efficacité, quelle est l’œuvre en faveur des Français que la famille Le Pen a construite depuis trente ans ? quelle mesure, quelle proposition ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 février 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande.
Manuel Valls.
Emmanuel Macron.
Travail le dimanche.
Mathématiques militantes.
2017, tout est possible…

yarti4932015021703



http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/loi-macron-l-auto-enfermement-163814

 

 


 

 

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5 février 2015 4 05 /02 /février /2015 15:38

François Hollande a su parler à tous les Français, afin de poursuivre l’esprit de la marche républicaine du 11 janvier 2015. Encore faut-il avoir des choses concrètes à leur proposer…


yartiFH2015020501Le Président de la République François Hollande a tenu sa cinquième conférence de presse très solennelle le jeudi 5 février 2015 à l’Élysée. La dernière grande intervention publique où il s’était adressé aux Français, c’était le lundi 6 janvier 2015 sur France Inter pour une matinale qui n’a pas eu l’effet médiatique espéré… en raison des attentats contre "Charlie Hebdo" deux jours plus tard. Et c’est un homme transformé par ce drame, selon ses dires, qui s’est adressé. Un mois après cette tragédie nationale.

Si la solennité de l’exercice (debout devant un pupitre entouré de tout son gouvernement) n’a pas beaucoup varié depuis 2012, il paraît désormais évident que François Hollande a enfin endossé l’autorité du chef de l’État et a réussi à montrer un esprit d’apaisement, celui qui a prévalu depuis ces dernières semaines. Néanmoins, un Président de la République ne doit pas seulement être un arbitre, il doit aussi apporter des solutions, concrètes et précises, et de solutions nouvelles, ce jeudi, il n’en a guère esquissé le début d’un commencement. Dans chaque domaine, il a voulu en effet rester dans cette idée de rassemblement entre les Français, si bien que l’immobilisme risque de le caractériser.

Dans son introduction qui a duré seize minutes, soit nettement plus courte que d’habitude (il a commencé à 11 heures ce matin et a arrêté les questions exactement à 13 heures), François Hollande a tout de suite annoncé les rares éléments nouveaux de son mandat. Des mesures qui, a priori, sont toutes consensuelles et ne constituent pas des pierres de polémique.


Une initiative surprise pour la paix en Ukraine

L’annonce la plus importante est évidemment sa décision de se rendre, dès la fin de sa conférence de presse, à Kiev avec la Chancelière allemande Angela Merkel pour rencontrer le Président ukrainien Porochenko puis à Moscou le lendemain pour rencontrer le Président russe Vladimir Poutine.

L’objectif, trouver enfin une solution politique à la crise en Ukraine dont la guerre civile tue de plus en plus de personnes (plus de 5 000 depuis l’an dernier). François Hollande a ainsi déclaré qu’il n’était pas favorable à l’adhésion de l’Ukraine dans l’OTAN.


Renforcer le sentiment républicain

Revenant sur la lutte contre le terrorisme et sur la réaction aux attentats contre "Charlie Hebdo", François Hollande a été très clair en insistant sur le fait que la France serait « intraitable » et « implacable » pour préserver la laïcité qui « n’est pas négociable » mais qu’elle serait aussi « irréprochable pour la liberté et le droit ».

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François Hollande avait mesuré dès le début de son mandat que la sécurité intérieure dépendait également de la sécurité extérieure, ce qui l’avait convaincu d’intervenir au Mali le 11 janvier 2013 et au nord de l’Irak récement. Cependant, il refuse toujours une intervention en Syrie, aux côtés de Bachar el-Assad, contre le Daech.

Pour renforcer l’idée d’appartenance à la République française dont la laïcité est l’une de ses valeurs, il a proposé l’instauration d’un service civique universel de huit mois à partir du 1er juin 2015. Si cette mesure est intéressante, elle n’est pas suffisante si l’on souhaite un véritable mélange social : pour permettre à tous les futurs citoyens de se sentir français, le service civique doit être nécessairement obligatoire, quitte à en raccourcir la durée, sinon, il y aura forcément ségrégation naturelle entre ceux qui en feront un et ceux qui n’en feront pas. Par ailleurs, il a présenté aussi le principe de réserve citoyenne pour les "plus âgés" qui est une sorte de participation bénévole des citoyens, sur la base du volontariat pour aider la République.

À quoi ce service et cette réserve serviront-ils vraiment, sans se substituer aux services sociaux ? C’est toute la mission du Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports Patrick Kanner sur les épaules duquel beaucoup d’attente se fera.

Cette mesure ainsi que l’enseignement de la laïcité dans les écoles, la lutte contre l’illettrisme (ce n’est pas nouveau !), si c’est louable, cela ne paraît pas suffisant pour lutter contre le djihadisme.


Construire plus de logements sociaux

Autre mesure aussi, celle du "peuplement", mot qui désigne en fait la loi SRU qui oblige les maires à construire un seuil minimal de logements sociaux dans toutes les communes. L’idée serait entre autres de renforcer le pouvoir préfectoral ainsi que les sanctions en cas d’irrespect de ce seuil.

Il y a déjà plusieurs années, j’avais souhaité que les maires qui ne respectaient pas cette loi fussent déclarés inéligibles, car c’était le seul moyen pour faire respecter cette loi : les maires qui ne la respectent pas sont généralement approuvés par les électeurs et ne sont donc pas gênés pour faire payer par leur commune les amendes éventuelles qu’ils risqueraient en n’appliquant pas la loi. L’inéligibilité serait donc à mon avis beaucoup plus efficace que des sanctions purement financières (qui sont facilement budgétisées dans les communes riches).

Là encore, le discours présidentiel n’est qu’incantatoire : François Hollande veut plus de logements mais la réalité est qu’il n’y a jamais eu aussi peu de logements neufs depuis 2012.


Rien sur l’économie, et arbitre sur la politique intérieure

Parmi les autres mesures annoncées, vraiment pas grand chose : un projet de loi sur le dialogue social, l’enseignement du numérique dès l’école primaire (après avoir annoncé une tablette électronique à chaque élève dans sa précédente intervention).

Sur le plan politique, François Hollande n’a pas voulu explicitement apporter son soutien au candidat socialiste (Frédéric Barbier) à l’élection législative partielle du Doubs dimanche prochain car il n’est pas chef de parti, mais il a rappelé malicieusement que lorsqu’il dirigeait le PS, il n’avait pas hésité une seule seconde à appeler à voter pour Jacques Chirac à l’élection présidentielle de 2002, pour faire barrage à un parti qui, aujourd’hui à Montbéliard, a l’une de ses candidates qui croit à « l’évidente inégalité des races ».

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Sur le plan institutionnel, François Hollande a cité « l’harmonie » qu’il vit avec son Premier Ministre Manuel Valls pour expliquer que la fonction de Premier Ministre avait son utilité et a déclaré avoir renoncé à toute réforme institutionnelle qui ne ferait pas consensus, considérant par exemple qu’un changement du mode de scrutin aux législatives n’était pas de nature à défendre efficacement les valeurs républicaines. Ni non plus le droit de vote des étrangers. Il a également exclu les statistiques ethniques qui ne correspondaient pas au principe républicain de la France une et indivisible. Je me réjouis de ces déclarations comme je me suis réjoui de la volonté de rassemblement du gouvernement pour débattre de la fin de vie.


Apaisant mais sans solution

À la fin de son introduction, François Hollande avait déclaré : « Notre richesse principale, elle est dans le peuple français ! ». Le Président de la République a voulu ainsi jouer sur l’apaisement politique et il y est parvenu. C’est cette attitude qui lui a permis de progresser d’un bond de 10 à 20% dans les sondages, il voudrait assurément poursuivre cette remontée.

En revanche, il n’est toujours pas en mesure de convaincre les Français sur sa capacité à résoudre leur problème numéro un, à savoir le chômage, en redynamisant l’économie (la loi Macron n'est qu'un nouvel outil pas vraiment décisif dans la bataille de la mondialisation). La seule mesure que François Hollande a semblé sortir de sa poche pour retrouver la croissance et l’emploi, c’est de promettre qu’il ne se présenterait pas à sa réélection en 2017 s’il n’avait pas su réduire le chômage d’ici là. C’est assez faible en terme d’efficacité économique !

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C’est donc sans doute cela le nouvel hollandisme révolutionnaire : ne plus rien faire qui puisse agresser les citoyens, ce qui est déjà une très bonne chose pour la cohésion nationale, mais cela ne renforce pas plus l’économie française ni assure le ciment social de plus en plus fragile dans une société de plus en plus éclatée.

Cela évoqué, revenir sans cesse à "l’esprit du 11 janvier" ne me paraît pas très pertinent au-delà d’une certaine période, celle du deuil. Ce que les Français souhaitent avant tout, c’est retrouver confiance en leur nation et regagner le chemin de la prospérité et de la paix sociale. On en est loin encore…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (5 février 2015).
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Je suis Charlie.
Tout est possible en 2017...
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.
Interview présidentielle sur TF1 (6 novembre 2014).
Bientôt la proportionnelle intégrale ?
Quatrième conférence de presse de François Hollande (18 septembre 2014).
Discours du Bourget de François Hollande (22 janvier 2012).
Confiance étriquée pour Manuel Valls (16 septembre 2014).
La trace de François Hollande (14 juillet 2014).
Le couple Hollande-Valls.
Manuel Valls.
Le roi du monde (6 juin 2014).
Troisième conférence de presse de François Hollande (14 janvier 2014).
Une empathie combative ?
L’humour présidentiel à la radio.
Jusqu’où descendra-t-il ?
La courbe du chômage…
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
La République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Deuxième conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-president-du-11-janvier-163209






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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 17:05

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Discours de Manuel Valls à l'Assemblée Nationale en hommage aux victimes des attentats

13 janvier 2015 - Discours


"Il y a quelque chose qui nous a tous renforcé, après ces évènements, et après les marches de cette fin de semaine. Je crois que nous le sentons tous, c’est plus que jamais la fierté d’être français. Ne l’oublions jamais !"



Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs les ministres,
Madame, Messieurs les présidents de groupe,
Mesdames, messieurs les députés.

Monsieur le Président, vous l’avez dit, ainsi que chacun des orateurs, avec force et sobriété, en trois jours, oui en trois jours 17 vies ont été emportées par la barbarie.

Les terroristes ont tué, assassiné des journalistes, des policiers, des Français juifs, des salariés. Les terroristes ont tué des personnes connues ou des anonymes, dans leur diversité d’origine, d’opinion et de croyance. Et c’est toute la communauté nationale que l’on a touchée. Oui, c’est la France qu’on a touché au cœur.
 
Ces 17 vies étaient autant de visages de la France et autant de symboles : de la liberté d’expression, de la vitalité de notre démocratie, de l’ordre républicain, de nos institutions, de la tolérance, de la laïcité. .

Les soutiens, la solidarité, venus du monde entier, de la presse, partout, des citoyens qui ont manifesté dans de nombreuses capitales, des chefs d’Etat et de gouvernements, tous ces soutiens ne s’y sont pas trompés ; c’est bien l’esprit de la France, sa lumière, son message universel que l’on a voulu abattre. Mais la France est debout. Elle est là, elle est toujours présente.

A la suite des obsèques de ce matin à Jérusalem, de la cérémonie éprouvante, belle, patriotique, à la Préfecture de Police de Paris, en présence du chef de l’Etat, à quelques heures ou de jours d’obsèques pour chacune des victimes, dans l’intimité familiale, je veux, comme chacun d’entre vous, rendre, à nouveau, l’hommage de la Nation à toutes les victimes. Et la Marseillaise, tout à l’heure, qui a éclaté, dans cet hémicycle, était aussi une magnifique réponse, un magnifique message aux blessés, aux familles qui sont dans une peine immense, inconsolable, à leurs proches, à leurs confrères, je veux dire à mon tour une nouvelle fois notre compassion et notre soutien.

Le Président de la République l’a dit ce matin avec des mots forts, personnels : « la France se tient et se tiendra à leurs côtés ».

Dans l’épreuve, vous l’avez rappelé, notre peuple s’est rassemblé, dès mercredi. Il a marché partout dans la dignité, la fraternité, pour crier son attachement à la liberté, et pour dire un « non » implacable au terrorisme, à l’intolérance, à l’antisémitisme, au racisme. Et aussi au fond, à toute forme de résignation et d’indifférence.

Ces rassemblements, vous le soulignez monsieur le président de l’Assemblée, sont la plus belle des réponses. Dimanche, avec les chefs d’Etat et de gouvernement étrangers, avec l’ancien président de la République, avec les anciens Premiers ministres, avec les responsables politiques et les forces vives de ce pays, avec le peuple français, nous avons dit – et avec quelle force – notre unité. Et Paris était la capitale universelle de la liberté et de la tolérance.

Le peuple Français, une fois encore, a été à la hauteur de son histoire. Mais, c’est aussi, pour nous tous sur ces bancs, vous l’avez dit, un message de très grande responsabilité. Etre à la hauteur de la situation est une exigence immense. Nous devons aux Français d'être vigilants quant aux mots que nous employons et à l'image que nous donnons. Bien sûr la démocratie, que l’on a voulu abattre, ce sont les débats, les confrontations. Ils sont nécessaires, indispensables à sa vitalité, et ils reprendront, c’est normal.

Loin de moi l’idée de déposer, après ces événements, la moindre chape de plomb sur notre débat démocratique, et vous ne le permettrez pas, de toute façon. Mais, mais nous devons être capables, collectivement, de garder les yeux rivés sur l’intérêt général, et d’être à la hauteur, dans une situation qui est déjà difficile, sur le plan économique, parce que notre pays aussi est fracturé depuis longtemps, parce qu’il y a eu des événements graves, on les oublie aujourd’hui, même s’ils n’avaient pas de lien entre eux, qui ont frappé les esprits à la fin de l’année, à Joué-Lès-Tours, à Dijon et à Nantes. Nous devons être à la hauteur de l’attente, de l’exigence du message des Français.

Je veux, Mesdames et Messieurs les députés, en notre nom à tous, saluer – et le mot est faible - le très grand professionnalisme, l’abnégation, la bravoure de toutes nos forces de l’ordre - policiers, gendarmes, unités d’élite.

En trois jours, les forces de sécurité, souvent au péril de leur vie, ont mené un travail remarquable d’investigation, sous l’autorité du parquet antiterroriste, traquant les individus recherchés, travaillant sur les filières, interrogeant les entourages, afin de mettre hors d’état de nuire, le plus vite possible, ces trois terroristes.

Monsieur le ministre de l’Intérieur, cher Bernard CAZENEUVE, je veux vous remercier aussi. Vous avez non seulement trouvé les mots justes, mais j’ai pu le voir à chaque heure, vous étiez concentré sur cet objectif.

Autour du Président de la République, avec vous aussi madame la garde des Sceaux, nous avons été pleinement mobilisés pour faire face à ces moments si difficiles pour la patrie. Et pour prendre les décisions graves qui s’imposaient.

Mesdames, Messieurs les députés, à aucun moment nous ne devons baisser la garde. Et je veux dire, avec gravité, à la représentation nationale et à travers vous à nos concitoyens, que non seulement la menace globale est toujours présente, mais que, liés aux actes de la semaine dernière, des risques sérieux et très élevés demeurent : ceux liés à d’éventuels complices, ou encore ceux émanant de réseaux, de donneurs d’ordres du terrorisme international, de cyberattaques. Les menaces perpétrées à l’encontre de la France en sont malheureusement la preuve.

Je vous dois cette vérité, et nous devons cette vérité aux Français. Pour y faire face, partout sur le territoire, des militaires, des gendarmes, des policiers sont mobilisés. Les renforts de soldats affectés, en tout, près de 10. 000 – et je vous en remercie monsieur le ministre de la Défense -, et c’est sans précédent,  permettent un niveau d’engagement massif, plus de 122 000 personnels assurent la protection permanente des points sensibles et de l’espace public. Les renforts militaires serviront et servent en priorité à la protection des écoles confessionnelles juives, des synagogues, et de mosquées.

Madame, Messieurs les présidents, après le temps de l’émotion et du recueillement – et il n’est pas fini – vient le temps de la lucidité et de l’action.

Sommes-nous en guerre ? La question a, en réalité peu d’importance, car les terroristes djihadistes en nous frappant trois jours consécutifs y ont apporté, une nouvelle fois, la plus cruelle des réponses.
 
Il faut toujours dire les choses clairement : oui, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical. La France n’est pas en guerre contre une religion. La France n’est pas en guerre contre l’islam et les Musulmans. La France protègera, et le président de la République l’a également rappelé ce matin, la France protègera, comme elle l’a toujours fait, tous ses concitoyens, ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas. .

Avec détermination, avec sang–froid, la République va apporter la plus forte des réponses au terrorisme, la fermeté implacable dans le respect de ce que nous sommes, un Etat de droit.

Le gouvernement vient devant vous avec la volonté d’écouter et d’examiner toutes les réponses possibles, techniques, règlementaires, législatives, budgétaires, monsieur le président JACOB. A une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles. Mais je le dis aussi avec la même force : jamais des mesures d’exception qui dérogeraient aux principes du droit et des valeurs.

La meilleure des réponses au terrorisme qui veut précisément briser ce que nous sommes, c’est-à-dire une grande démocratie, c’est le droit, c’est la démocratie, c’est la liberté et c’est le peuple français.

A cette menace terroriste, la République apporte et apportera des réponses sur son sol national. Elle en apportera aussi là où les groupes terroristes s’organisent pour nous attaquer, pour nous menacer, nos intérêts comme nos concitoyens.

C’est pour cela que le Président de la République a décidé d’engager nos forces au Mali, un 11 janvier. Le 11 janvier 2013, jour où d’ailleurs tombait notre premier soldat dans ce conflit, Damien BOITEUX. Et d’ailleurs la même nuit, monsieur le ministre de la Défense, trois membres de nos services tombaient en Somalie.

Le président de la République a décidé cet engagement pour venir en aide à un pays ami, le Mali, menacé de désintégration par des groupes terroristes ; le Mali, pays musulman.

Le président de la République a décidé de renforcer notre présence aux côtés de nos alliés africains avec l’opération Barkhane. C’est un gros effort qu’assume la France, au nom notamment de l’Europe et de ses intérêts stratégiques. Un effort coûteux. La solidarité de l’Europe elle doit être dans la rue, elle doit être aussi dans les budgets à nos côtés. Un effort impérieux. Et quelle belle image de voir dimanche dernier, coude à coude le chef de l’Etat, des chefs de gouvernement, le président de la République et le Président malien, Ibrahim Boubacar KEÏTA. Là aussi c’était la meilleure des réponses pour dire que nous ne menons pas une guerre de religion, mais que nous menons, oui, un combat pour la tolérance, la laïcité, la démocratie, la liberté et les Etats souverains, ce que les peuples doivent se choisir.

 Oui, nous nous battons ensemble et nous continuons de nous battre sans relâche.

C’est cette même volonté, curieuse concordance liée au calendrier, que nous exprimerons tout à l’heure en votant le prolongement de l’engagement de nos forces en Irak. C’est là aussi notre riposte claire et ferme, je m’exprimerai ici même dans un instant, le ministre des Affaires étrangères le fera au Sénat. C’est là aussi notre riposte contre le terrorisme, et nous devons avoir pour nos soldats engagés, sur les théâtres d’opération extérieurs, à des milliers de kilomètres d’ici, un profond respect et une grande gratitude.

La menace est aussi intérieure. Je l’ai également rappelé souvent à cette tribune.

Et face à la tragédie qui vient de se dérouler, s’interroger est toujours légitime et nécessaire. Nous devons apporter des réponses aux victimes, à leurs familles, aux parlementaires, aux Français. Il faut le faire avec détermination, sérénité, sans jamais céder à la précipitation. Et je ferai mienne la formule du président LEROUX : « il n’y a pas de leçon à donner, il n’y a que des leçons à tirer ».

Le Parlement a déjà voté deux lois anti terroristes encore il y a quelques semaines à une très large majorité, les décrets d’application sont en cours de publication. Le Parlement s’est déjà saisi des questions relatives aux filières djihadistes.

Ici-même, à l’Assemblée nationale, le 3 décembre dernier, vous avez créé une commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes. Le président, Monsieur Éric CIOTTI, travaille étroitement avec le rapporteur, Monsieur Patrick MENNUCCI.

Au Sénat, depuis le mois d’octobre, il existe une commission d’enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. Plusieurs membres du gouvernement ont déjà été auditionnés. Les travaux doivent se poursuivre et je sais que le ministre de l’Intérieur est particulièrement attentif à ces travaux. Il a d’ailleurs déjà rencontré hier les groupes et les parlementaires qui travaillent sur ces questions.

Le gouvernement, monsieur le président de l’Assemblée nationale, Madame, Messieurs les présidents de groupe, est à la disposition du Parlement. Sur tous ces sujets, ou sur d’autres que nous avons déjà examinés, et je pense à la question épineuse particulièrement complexe, mais qu’il faut traiter encore avec plus de détermination, qui est celle des trafics d’armes dans nos quartiers.
 
Tirer des leçons, c’est d’abord prendre conscience que la situation change en permanence, et que les services en charge du renseignement intérieur et la juridiction anti-terroriste doivent être régulièrement renforcés. .

Je tiens à saluer, là aussi, le travail de nos services de renseignement : DGSI, DGSE, Service du renseignement territorial. A saluer aussi la justice antiterroriste. La tâche de ces femmes, de ces hommes est par essence discrète et immensément délicate. Ils font face à un défi sans précèdent, à un phénomène protéiforme, mouvant qui se dissimule aussi ; et parce qu’ils savent travailler ensemble ils obtiennent des résultats.

A cinq reprises, en deux ans, ils ont permis de neutraliser des groupes terroristes susceptibles de passer à l’acte.

En France, comme dans l’ensemble des pays européens, les personnes qui se reconnaissent dans le djihadisme international ont fortement augmenté en 2014. Dès l’examen de la loi antiterroriste, en décembre 2012, j’ai dit qu’il y avait en France des dizaines de MERAH potentiels. Le temps a confirmé, dramatiquement et implacablement, ce diagnostic.

Sans renforcement très significatif des moyens humains et matériels, les services de renseignement intérieur pourraient se trouver débordés. On dépasse désormais 1 250 individus pour les seules filières irako-syriennes. Sans jamais négliger les autres théâtres d’opération, les autres menaces, celles des autres groupes terroristes au Sahel, au Yémen, dans la corne de l’Afrique, et dans la zone afghano-pakistanaise.

Nous affecterons donc les moyens nécessaires pour tenir compte de cette nouvelle donne. En matière de sécurité, les moyens humains sont en effet essentiels. Nous l’avons mis en pratique depuis 2012. En 2013, sur la base des enseignements des tueries de Montauban et de Toulouse et des propositions formulées par la mission URVOAS-VERCHERE, une profonde réforme de nos services de renseignement a été accomplie avec la transformation de la Direction centrale du Renseignement intérieur en Direction générale de la Sécurité intérieure. La création de 432 emplois à la DGSI a été programmée. Ils doivent permettre de renforcer les compétences et de diversifier les recrutements : informaticiens, analystes, chercheurs ou interprètes. 130 sont déjà pourvus. Nous avons aussi amélioré la coopération entre les services intérieurs et extérieurs et également renforcé, même s’il faut encore faire davantage, nos échanges avec les services étrangers, à la suite de l’initiative que j’ai pu prendre il y a deux ans avec les ministres européens et notamment avec la ministre belge, Joëlle MILQUET puisque son pays est également confronté à ce problème là. Initiative que Bernard CAZENEUVE a prolongée encore avec la réunion de nombreux ministres de l’Intérieur Place Beauvau. Mais il faut aller plus loin, et j’ai demandé au ministre de l’Intérieur de m’adresser dans les huit jours des propositions de renforcement. Elles devront notamment concerner Internet et les réseaux sociaux qui sont plus que jamais utilisés pour l’embrigadement, la mise en contact, et l’acquisition de techniques permettant de passer à l’acte.

Nous sommes aussi l’une des dernières démocraties occidentales à ne pas disposer d’une cadre légal cohérent pour l’action des services de renseignement. Ce qui pose un double problème. Un travail important a été fourni par la mission d’information sur l’évaluation du cadre juridique des services de renseignement, présidée par Jean-Jacques URVOAS en 2013. Un prochain projet de loi quasiment prêt visera à donner aux services tous les moyens juridiques pour accomplir leurs missions, tout en respectant les grands principes républicains de protection des libertés publiques et individuelles, ce texte de loi qui sera sans aucun doute enrichi par vos travaux doit être, c’est ma conviction, adopté le plus rapidement possible.

Au cours de l’année, nous lancerons également la surveillance des déplacements aériens des personnes suspectes d’activités criminelles. C’est le système PNR. La plateforme de contrôle française sera opérationnelle dès septembre 2015. Il reste à mettre en place un dispositif similaire au niveau européen. J’appelle de manière solennelle ici dans cette enceinte le Parlement européen à prendre enfin toute la mesure de ces enjeux, et de voter, comme nous le lui demandons depuis deux ans avec l’ensemble des gouvernements, à adopter ce dispositif qui est indispensable : nous ne pouvons plus perdre de temps !

Mesdames et Messieurs, les phénomènes de radicalisation sont présents sur l’ensemble du territoire. Il faut donc agir partout. Le plan d’action adopté en avril dernier a permis de renouveler l’approche administrative et préventive. La plateforme de signalement est particulièrement sollicitée par les familles. Elle a permis d’éviter de nombreux départs.

Les préfets, en lien avec les collectivités territoriales qui doivent être associées à ces démarches, mettent progressivement en place des dispositifs de suivi et de réinsertion des personnes radicalisées. Là encore, j’ai demandé au ministre de l’Intérieur en lien avec d’autres membres du gouvernement concerné par ces sujets de m’indiquer les moyens nécessaires pour amplifier ces actions.

Les phénomènes de radicalisation se développent, nous le savons, vous l’avez dit, en prison. Ce n’est pas nouveau ! L’administration pénitentiaire renforce d’ailleurs l’action de ses services de renseignement en lien étroit avec le ministère de l’Intérieur. Il faut, là aussi, accroître nos efforts. Dans nos prisons, des imans, comme des aumôniers de tous les cultes interviennent. C’est normal ! Mais il faut un cadre clair à cette d’intervention. Il nous faut aussi parvenir à une réelle professionnalisation. Enfin, avant la fin de l’année, sur la base de l’expérience menée depuis cet automne à la prison de Fresnes, la surveillance des détenus considérés comme radicalisés sera organisée dans des quartiers spécifiques créés au sein d’établissements pénitentiaires.

Une formation de haut niveau sera dispensée aussi aux services de la protection judiciaire de la jeunesse. Comprendre le parcours de radicalisation d’un jeune est toujours complexe. Nous savons la facilité avec laquelle certains jeunes délinquants de droit commun basculent dans des processus de radicalisation et le passage de la délinquance de droit commun à la radicalisation et au terrorisme est un phénomène que nous avons décrit à maintes reprises ici dans les travaux de l’Assemblée nationale. Mais nous devons savoir prendre les mesures adaptées qui s’imposent. Il faut, certes, accompagner, aider, suivre de nombreux mineurs menacés par cette radicalisation. Il faut aussi prendre acte de la nécessité de créer, au sein de la direction de la PJJ, une unité de renseignement, à l’instar de ce qui est fait dans l’administration pénitentiaire. Pour tous ces axes de travail, mais aussi pour répondre aux besoins du parquet anti-terroriste, j’ai demandé à la Garde des Sceaux de me faire des propositions également dans les jours qui viennent.

Mesdames et Messieurs, la lutte contre le terrorisme demande une vigilance de chaque instant. Nous devons pouvoir connaître en permanence l’ensemble des terroristes condamnés, connaitre leur lieu de vie, contrôler leur présence ou leur absence.

J'ai demandé aux ministres de l'Intérieur et de la Justice d'étudier les conditions juridiques de mise en place d'un nouveau fichier. Il obligera les personnes condamnées à des faits de terrorisme ou ayant intégré des groupes de combat terroristes à déclarer leur domicile et à se soumettre à des obligations de contrôle. De telles dispositions existent déjà pour d'autres formes de délinquance à risque élevé de récidive. Nous devons l’appliquer en matière d'engagement terroriste, toujours sous le contrôle strict du juge.

Mesdames et Messieurs, toutes ces propositions – et il y en aura d’autres, je n’en doute pas et n’en doutez pas – avant leur mise en œuvre et application, feront l’objet d’une consultation ou d’une présentation au Parlement au-delà bien sûr des textes législatifs.

Mesdames et Messieurs les députés, les épreuves tragiques que nous venons de traverser nous marquent, marquent notre pays et marquent notre conscience. Mais nous devons être capables de poser rapidement à chaque fois un diagnostic lucide aussi sur l’état de notre société, sur ses urgences. Ce sont des débats que nous aurons l’occasion évidemment de mener.

Je vais en dire quelques mots, en m’excusant de prendre plus de temps que nécessaire à ce qui était prévu.

Le premier sujet qu’il faut aborder clairement, c’est la lutte contre l’antisémitisme.

L’histoire nous l’a montré, le réveil de l’antisémitisme, c’est le symptôme d’une crise de la démocratie, d’une crise de la République. C’est pour cela qu’il faut y répondre avec force. Après Ilan HALIMI, en 2006, après les crimes de Toulouse, les actes antisémites connaissent en France une progression insupportable. Il y a les paroles, les insultes, les gestes, les attaques ignobles, comme à Créteil il y a quelques semaines qui, je l’ai rappelé ici dans cet hémicycle, n’ont pas soulevé l’indignation qui était attendue par nos compatriotes juifs dans le pays. Il y a cette inquiétude immense, cette peur que nous avons les uns et les autres sentie, palpée samedi dans la foule devant cet HYPER CACHER porte de Vincennes ou à la synagogue de la Victoire dimanche soir. Comment accepter qu’en France, terre d’émancipation des juifs, il y a deux siècles, mais qui fut aussi, il y a 70 ans, l’une des terres de son martyre, comment peut-on accepter que l’on puisse entendre dans nos rues crier « mort aux juifs » ? Comment peut-on accepter les actes que je viens de rappeler ? Comment peut-on accepter que des Français soient assassinés par ce qu’ils sont juifs ? Comment peut-on accepter que des compatriotes ou qu’un citoyen tunisien, que son père avait envoyé en France pour qu’il soit protégé alors qu’il va acheter son pain pour le Shabbat, meurt parce qu’il est juif ? Ce n’est pas acceptable et à la communauté nationale qui peut-être n’a pas suffisamment réagi, à nos compatriotes français juifs, je leur dis que cette fois-ci, nous ne pouvons pas l’accepter, que nous devons là aussi nous rebeller et en posant le vrai diagnostic. Il y a un antisémitisme que l’on dit historique remontant du fond des siècles mais il y a surtout ce nouvel antisémitisme qui est né dans nos quartiers, sur fond d’Internet, de paraboles, de misère, sur fond des détestations de l’Etat d’Israël, et qui prône la haine du juif et de tous les juifs. Il faut le dire, il faut poser les mots pour combattre cet antisémitisme inacceptable !

Et comme j’ai eu l’occasion de le dire, comme la ministre Ségolène ROYAL l’a dit ce matin à Jérusalem, comme Claude LANZMANN l’a écrit dans une magnifique tribune dans Le Monde, oui, disons-le à la face du monde : sans les juifs de France, la France ne serait plus la France. Et ce message, c’est à nous tous de le clamer haut et fort. Nous ne l’avons pas dit ! Nous ne nous sommes pas assez indignés ! Et comment accepter que, dans certains établissements, collèges ou lycées, on ne puisse pas enseigner ce qu’est la Shoah ? Comment on peut accepter qu’un gamin de 7 ou 8 ans dise à son enseignant quand il lui pose la question « quel est ton ennemi ? » et qu’il lui répond « c’est le juif » ? Quand on s’attaque aux juifs de France, on s’attaque à la France et on s’attaque à la conscience universelle, ne l’oublions jamais !

Et quelle terrible coïncidence, quel affront que de voir un récidiviste de la haine tenir son spectacle dans des salles bondées au moment même où, samedi soir, la Nation, Porte de Vincennes, se recueillait. Ne laissons jamais passer ces faits et que la justice soit implacable à l’égard de ces prédicateurs de la haine ! Je le dis avec force ici à la tribune de l’Assemblée nationale !

Et allons jusqu’au bout du débat. Allons jusqu’au bout du débat, Mesdames et Messieurs les députés, quand quelqu’un s’interroge, un jeune, un citoyen ou un jeune, et qu’il vient me dire à moi ou à la ministre de l’Education nationale « mais je ne comprends pas, cet humoriste, lui, vous voulez le faire taire et les journalistes de Charlie Hebdo, vous les montez au pinacle » mais il y a une différence fondamentale et c’est cette bataille que nous devons gagner, celle de la pédagogie auprès de notre jeunesse, il y a une différence fondamentale entre la liberté d’impertinence – le blasphème n’est pas dans notre droit, il ne le sera jamais – il y a une différence fondamentale entre cette liberté et l’antisémitisme, le racisme, l’apologie du terrorisme, le négationnisme qui sont des délits, qui sont de crimes et que la justice devra sans doute punir avec encore plus de sévérité.

L’autre urgence, c’est de protéger nos compatriotes musulmans. Ils sont, eux aussi, inquiets. Des actes antimusulmans inadmissibles, intolérables, se sont à nouveau produits ces derniers jours. Là aussi, s’attaquer à une mosquée, à une église, à un lieu de culte, profaner un cimetière, c’est une offense à nos valeurs. Et le préfet LATRON a en charge à la demande du ministre de l’Intérieur en lien avec tous les préfets de faire en sorte que la protection de tous les lieux de culte soit assurée. L’Islam est la deuxième religion de France. Elle a toute sa place en France. Et notre défi, pas en France, mais dans le monde, c’est de faire cette démonstration : la République, la laïcité, l’égalité hommes / femmes sont compatibles avec toutes les religions sur le sol national qui acceptent les principes et les valeurs de la République. Mais cette République doit faire preuve de la plus grande fermeté, de la plus grande intransigeance, face à ceux qui tentent, au nom de l’Islam, d’imposer une chape de plomb sur des quartiers, de faire régner leur ordre sur fond de trafics et sur fond de radicalisme religieux, un ordre dans lequel l’homme domine la femme, où la foi, oui madame la présidente POMPILI, vous avez eu raison de le rappeler, l’emporterait sur la raison.

J’avais ici, devant cette Assemblée, il y a quelques mois, évoqué les insuffisances et les échecs de trente ans de politique d’intégration. Mais, en effet, quand de vrais ghettos urbains se forment, où l’on n’est plus qu’entre soi, où l’on ne prône que le repli, que la mise en congé de la société, où l’Etat n’est plus présent, comment aller vers la République, saisir cette main fraternelle qu’elle tend ?

Et surtout, comment tirer un trait catégorique sur cette frontière trop souvent ténue qui fait que l’on peut basculer - pas d’angélisme, regardons les faits en face - dans nos quartiers, de l’Islam tolérant, universel, bienveillant vers le conservatisme, vers l’obscurantisme, l’islamisme, et pire la tentation du djihad et du passage à l’acte.

Ce débat, il n’est pas entre l’Islam et la société. C’est bien un débat au sein même de l’Islam, que l’islam de France doit mener en son sein, en s’appuyant sur les responsables religieux, sur les intellectuels, sur les Musulmans qui nous disent depuis plusieurs jours qu’ils ont peur. Je l’ai déjà rappelé, comme vous tous j’ai des amis français, de confession et de culture musulmane. L’un de mes plus proches amis m’a dit l’autre jour, il avait les yeux plein de larmes et de tristesse, qu’il avait honte d’être musulman. Eh bien moi je ne veux plus que dans notre pays il y ait des Juifs qui puissent avoir peur. Et je ne veux pas qu’il y ait des Musulmans qui aient honte parce que la République elle est fraternelle, elle est généreuse, elle est là pour accueillir chacun.

Enfin, enfin, la réponse aux urgences de notre société elle doit forte, sans hésitations : la République et ses valeurs. Et ce sont mes derniers mots.

Les valeurs ce sont en premier lieu la laïcité qui est gage d’unité et de tolérance.

 La laïcité, elle s’apprend bien sûr à l’école, qui en est un des bastions. C’est là, peu importe les croyances, les origines, que tous les enfants de la République ont accès à l’éducation, au savoir, à la connaissance.

J’étais, ce matin avec la ministre de l’Education nationale, Najat VALLAUD-BELKACEM, devant les recteurs de France. Et je leur ai adressé un message de mobilisation totale. Un message d’exigence. Un message qui doit répercuter à tous les niveaux de l’éducation nationale, autour du seul enjeu qui importe : la laïcité ! La laïcité ! La laïcité, parce que c’est le cœur de la République et donc de l’école.

La République n’est pas possible sans l’école, et l’école n’est pas possible sans la République. Et on a laissé passer trop de choses, je le disais il y a un instant, dans l’école.

La laïcité, oui la laïcité, la possibilité de croire, de ne pas croire. L’éducation a des valeurs fondamentales, doit plus que jamais - c’est aussi cette réponse - être le combat de la France face à l’attaque que nous avons connue. Et arborons fièrement ce principe puisqu’on nous attaque à cause de la laïcité, à cause des lois que nous avons votées ici interdisant les signes religieux à l’école prohibant le voile intégral, revendiquons les, parce que c’est ça qui doit qui doit nous aider à être encore davantage plus forts.
 
Au fond une seule chose compte, rester fidèle à l’esprit du 11 janvier 2015. Ce moment où la France, après le choc, a dit « non » dans ce mouvement spontané d’unité nationale. .

Cette France qui s’est retrouvée dans l’épreuve, ce moment où le monde entier est venu à elle, car le monde sait lui aussi la grandeur de la France et ce qu’elle incarne d’universel.

La France c’est l’esprit des lumières. La France c’est l’élément démocratique, la France c’est la République chevillée au corps. La France c’est une liberté farouche. La France c’est la conquête de l’égalité. La France c’est une soif de fraternité. Et la France c’est aussi ce mélange si singulier de dignité, d’insolence, et d’élégance. Rester fidèle à l’esprit du 11 janvier 2015 c’est donc être habité par ses valeurs.

Rester fidèle à l’esprit du 11 janvier 2015 c’est apporter les réponses aux questions que se posent les Français. Rester fidèle à l’esprit du 11 janvier 2015 c’est comprendre que le monde a changé, qu’il y aura un avant et un après. Et au nom même de nos valeurs, apporter la riposte avec toute la détermination nécessaire : fermeté, unité, sont les termes qui ont été encore utilisés par le président de la République ce matin.

Nous allons entretenir, je l’espère, comme un feu ardent, cet état d’esprit et nous appuyer sur la force de son message d’unité. Et en revendiquant fièrement ce que nous sommes. En le faisant, en nous rappelant sans cesse de nos héros, ceux qui sont tombés, ces 17, la semaine dernière.

En nous souvenant toujours de ces héros que sont les forces de l’ordre.

Avec beaucoup d’émotion nous l’avons encore ressenti ce matin, vous étiez nombreux sur tous les bancs, dans la cour de la préfecture de police de Paris. C’est ça aussi la France. Il y avait trois couleurs. Trois couleurs de ces trois policiers, ces deux policiers nationaux et cette policière municipale. Elle représentait, ils représentaient la diversité des parcours et des origines. Trois couleurs différentes. Trois parcours, mais trois Français. Trois serviteurs de l’Etat. Et devant les cercueils, aux côtés de leurs familles, il n’y avait que trois couleurs, celles du drapeau national. C’est au fond ça le plus beau message.

Je vous avais dit, ici, au mois d’avril ma fierté, comme chacun d’entre vous, d’être français. Il y a quelque chose qui nous a tous renforcé, après ces événements, et après les marches de cette fin de semaine.

Je crois que nous le sentons tous, c’est plus que jamais la fierté d’être français. Ne l’oublions jamais !

Manuel Valls, Paris le 13 janvier 2015.


Source :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2015/01/13.01.2015_discours_de_manuel_valls_premier_ministre_-_seance_speciale_dhommage_aux_victimes_des_attentats_1.pdf

 

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7 novembre 2014 5 07 /11 /novembre /2014 05:22

Un nouveau guichetier à Pôle Emploi s’est pointé jeudi soir sur TF1. Ou un petit conseiller général d’un petit département rural qui fourmille de petites idées pour préserver une petite école… Quant à la France, c’est la grande absente de la dernière prestation présidentielle.


yartiFH2014110601Le jour de la disparition d’Évelyne Baylet à 101 ans, la personne la plus influente du Sud-Ouest pendant des décennies, héritière de "La Dépêche du Midi" et d’un fief électoral transmis à son fils Jean-Michel Baylet qui faillit être (de nouveau) ministre du gouvernement actuel, le Président de la République François Hollande s’est présenté devant les téléspectateur français pour expliquer sa politique économique et sociale. Un occasion, initialement prévue pour infléchir son impopularité mais qui a fait "flop".

L’émission "En direct avec les Français" diffusée ce jeudi 6 novembre 2014 sur TF1 était la première intervention présidentielle à la télévision depuis près de deux mois. Entre temps, le chômage a progressé, et sa popularité a continué de s’effondrer dans les sondages.

Comme d’habitude, les Français n’ont rien appris d’une telle émission assez ennuyeuse et longue. En revanche, François Hollande a dû en apprendre beaucoup des Français.

Au moins, le point positif, c’est qu’en n’annonçant rien d’important, François Hollande a évité d’annoncer la destruction de nos institutions malgré les fortes sollicitations de ses camarades du clan socialiste qui réclament leur suicide à la proportionnelle intégrale (une nouvelle forme d’euthanasie active ?). Il a même déclaré qu’une telle proposition serait une « diversion », sans pour autant, paradoxalement, l’exclure pour plus tard ! Je retiens donc ce mot pour le jour éventuel où ce sujet reviendrait dans l’actualité.

L’émission s’est divisée en trois grandes parties : des questions politiciennes sans intérêt, puis, une discussion avec quatre citoyens (privilégiés) pour parler de leurs préoccupations (le plus intéressant), et enfin, d’autres questions politiques avec le journaliste Yves Calvi.

Sur la forme, le ton très ennuyeux de François Hollande (on dirait toujours un prêtre prononçant son homélie presque chantante, et il a souvent posé son regard vers le plafond ou le vide) a parfois été ponctué de salutaires traits d’esprit, comme par exemple s’étonner qu’on ne le remerciât pas du beau soleil de la journée (puisqu’on le rendait responsable de tous les maux du pays).


Questions intimistes sans intérêt

Mauvais point au journaliste (que je préfère ne pas citer) qui a voulu enfoncer le Président de la République dans l’impasse intimiste et narcissique. François Hollande n’est pas tombé dans le piège et il a eu raison car les Français se moquent de la personne privée, c’est sur la situation de la France qu’ils l’attendent.

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Le jeune politologue Thomas Guénolé a donc raison lorsqu’il approuve le refus de François Hollande de se prêter à ce jeu malsain des questions intimistes, disant même que Valérie Trierweiler ne devrait même plus avoir sa carte de presse après avoir écrit un livre aussi "trash".

En refusant de "fendre l’armure" alors que de nombreux conseillers en communication lui avaient conseillé le contraire, le chef de l’État a évité de sombrer totalement dans la désacralisation de la fonction présidentielle, même si ses refus polis auraient dû être un peu plus fermes. Imagine-t-on Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac ou encore François Mitterrand évoquer leur nœud de cravate mal fait, ou demander s’il valait mieux aller à vélo ou à moto chez leur concubine notoire ?

Son seul mea culpa a été d’avoir cru pouvoir "inverser la courbe du chômage" en fin 2013. Sans expliquer pourquoi il s’est trompé, pourquoi il le croyait et surtout, pourquoi les Français le croirait plus qu’il y a un an, pourquoi il serait devenu aujourd’hui… plus crédible qu’hier.


Débat avec de "vrais Français"

Cela me gêne toujours un peu d’appeler "vrais Français" de simples citoyens qui ne sont ni journalistes ni personnalités politiques, parce que ces derniers sont aussi des Français. Le choix du panel fut donc assez caricatural (et très cliché) : la demandeuse d’emploi "senior" de 60 ans en fin de droits, la chef d’entreprise de 46 ans, blonde et élégante, employant 600 personnes, le jeune de Marseille, et la "rurale" des Ardennes (une assistante maternelle de 35 ans).

Je tire mon chapeau à ces quatre personnes qui ont eu beaucoup de courage et de perspicacité à venir sur un plateau de télévision et à poser leurs questions, présenter leurs problématiques de vie et parfois avec fraîcheur, spontanéité et authenticité.

De ces discussions, il en ressort que François Hollande ne connaissait visiblement rien à la vie ordinaire des Français.

Le premier entretien était douloureux : la personne est trop jeune pour prendre sa retraite, trop âgée pour être recrutée, et vit avec moins de 500 euros par mois. Quel décalage entre ces deux sexagénaires !

François Hollande ne paraissait pas très à l’aise mais on pouvait le comprendre. Ce qui est plus grave, c’est qu’il a été complètement à côté de la plaque. Il lui a dit qu’elle n’était pas la seule dans son cas, ce qui lui faisait une belle jambe, et surtout, lui a demandé si Pôle Emploi lui avait proposé une formation. Quelle intérêt d’une formation pour si peu d’années restant ? Ce qui lui faut, c’est un emploi. Une formation, ce serait juste pour cacher des statistiques de misère. Encore l’habileté hollandienne à ma manœuvre, comme réflexe reptilien.

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Pire, il a proposé aussi de nouveaux contrats aidés pour permettre de passer les dernières années avant la retraite, constatant avec une impuissance déconcertante qu’on ne pourrait donc plus lui retrouver un emploi. Impuissance très mitterrandienne (« Sur le chômage, on a tout essayé ! »).

Et continuant à s’enfoncer dans l’ignorance de la réalité, François Hollande a voulu vendre ce nouveau contrat aidé en disant que cela permettra d’avoir une expérience ! À 60 ans, après quarante ans d’expérience professionnelle ! Il a dû se mélanger avec les emplois jeunes.

Un journaliste lui a d’ailleurs fait remarquer que le dispositif du contrat de génération, qui avait été fortement critiqué par Martine Aubry le 12 octobre 2011 lors du dernier débat de la primaire socialiste, est un échec complet : à mi-mandat, seulement 30 000 contrats alors que le dispositif tablait sur 500 000 !

La discussion avec la chef d’entreprise n’était pas plus pertinente. François Hollande a juste acquiescé ce que disait sa (belle) interlocutrice au point qu’il cherchait auprès d’elle des encouragements pour son pacte de responsabilité. Il n’avait pas le rôle d’un chef de l’État apte à protéger et défendre le pays.

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Le journaliste Daniel Schneidermann est revenu ce vendredi matin dans sa chronique sur ce dialogue surréaliste qui a souligné la profonde inertie présidentielle : « Un instant, on rêva. On rêva que Hollande, perdu pour perdu, se redresse, et tienne à la dame (la seule du panel de TF1 qui n’ait pas indiqué ses revenus) ce langage : "Mais Madame, qu’est-ce qui vous retiens de partir ? Si vous souhaitez tant vous expatrier, avec vos cadres ou vos salariés, faites-le ! Et en Angleterre ou en Allemagne, bonne chance, de tout cœur, pour trouver des routes, des trains, des écoles, des collèges, des grandes écoles, des hôpitaux, des crèches, des retraites, des assurance chômage, des théâtres, des concerts, des opéras, des festivals, d’aussi bonne qualité, et aussi accessibles qu’en France". Mais non. Il quêta le satisfecit sur les efforts de compétitivité déjà accomplis, l’obtint, et se laissa décerner un "en progrès, mais à confirmer". Et on se quitta bons amis, entre anciens de HEC. » (7 novembre 2014).

Face à un jeune Marseillais en recherche d'emploi (qui, soit dit en passant, n'a pas été présenté comme candidat PRG, le parti de Jean-Michel Baylet, aux dernières municipales), François Hollande a vanté le mérite des jeunes Français allant s'épanouir à l'étranger !

Quant aux échanges avec l’assistante maternelle inquiète de la fermeture d’une école, ce n’est plus le Président de la République qui lui a répondu mais l’ancien conseiller général de Corrèze très soucieux des problèmes de désertification rurale.


Entretien avec Yves Calvi

Dans la troisième partie de l’émission, François Hollande est revenu aux questions "sérieuses" (!), c’est-à-dire posées par des professionnels de la communication politique. Il était donc plus à l’aise.

Au-delà du retour de l’allocation des demandeurs d’emploi en fin de carrière, François Hollande en a profité pour faire quatre annonces, les seules de l’émission, qui seront oubliées probablement d’ici le week-end prochain tellement elles sont révolutionnaires.


1. Pas d’impôts nouveaux ?

Comme ses Premiers Ministres depuis un an, François Hollande a déclaré, le cœur sur la main, qu’il n’augmenterait plus aucun impôt, taxe, cotisation. Le texte exact est le suivant : « D’ici la fin du quinquennat, il n’y aura pas d’impôt supplémentaire sur qui que ce soit. ».

Cette phrase est sympathique, cependant, sa crédibilité est proche de zéro. Car cela fait plus d’un an qu’elle est martelée par Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici ou Michel Sapin. Or, les Français sont capables de savoir ce qu’ils paient, nécessairement.

L’astuce sémantique (François Hollande est un grand astucieux), c’est qu’il a précisé qu’il n’y aurait rien de nouveau que ce qui a déjà été annoncé. Donc, surtout, ne croyez pas qu’il vous ment si jamais vous payez plus d’impôts ou de taxes en 2015. C’était de l’annoncé ! Heureusement que Ségolène Royal a annoncé la nouvelle écotaxe avant cette intervention présidentielle.

La crébilité des paroles présidentielles se juge par les actes. Il a parlé de réduction du déficit public ? Ce sera encore à 4,7% en 2016, au lieu de 3,0% prévu pour 2013 ! La fin de la hausse des prélèvements obligatoires ne sera jugée que par les actes. Pour l'instant, le porte-monnaie constate le contraire.


2. Une seconde chance pour les enfants en situation d’échec scolaire

Les mots présidentiels sont ainsi : « À partir du mois prochain, tout jeune de 16 à 25 ans aura une seconde chance dans le système scolaire. ».

Il n’a visiblement rien compris au système éducatif. Comme toujours, phrase creuse n’aboutissement que sur du vide.

D’une part, cette seconde chance existe déjà, ce n’est pas nouveau. Il y a de plus en plus de passerelles, heureusement. D’autre part, encore faudrait-il qu’un jeune en situation d’échec soit d’accord pour saisir cette seconde chance. Enfin, le délai, à partir du mois prochain ! Qu’y aura-t-il à partir du mois prochain ? Dès décembre, des classes devraient-elles accepter des élèves qui auront été renvoyés de l’établissement ?

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Le vrai problème de François Hollande, c’est que ce n’est qu’un verbeux. Il lâche de belles expressions (l’une l’a fait gagner, "l’ennemi, c’est la finance internationale"), mais elles ne recouvrent aucun acte (la boîte à outils contre le chômage, etc.). Juste de l’inaction.


3. Un nouveau service civique universel pour tout jeune volontaire

Voici un sujet très intéressant. Avec la fin du service militaire, qui, il faut bien l’avouer, n’était pas très utile à la défense nationale et coûtait cher à l’État, il y a un réel manque d’un brassage social de la population et de la transmission du sentiment d’appartenance à la nation. Un brassage de toute la population. Garçons et filles, de tout milieu, favorisé ou défavorisé, de toute origine.

L’idée d’instaurer un service civique n’est pas nouvelle, donner un peu de son temps à la collectivité nationale. Il existe déjà sur la base du volontariat. Mais le brassage social ne sera réel que s’il est obligatoire, bien sûr. Cela pourrait durer deux ou trois mois, pas trop pour ne pas handicaper les trajectoires des uns et des autres.

Pourtant, proposer un service civique universel pour seulement les volontaires, voici un oxymore typiquement hollandien ! Soit il est universel, et donc obligatoire, soit il est facultatif (seulement pour les volontaires), et donc l’annonce est sans intérêt puisqu’il existe déjà.

Visiblement, il a lâché cette annonce sans aucune étude préalable de la question puisqu’il a eu l’audace de dire que ce service civique ne coûterait rien à l’État puisque c’était du temps passé gracieusement au service de la collectivité, et il a cité les hôpitaux, etc.

Prenons l’hôpital : si un jeune en service civique aide dans un hôpital, il faudra bien qu’il dorme quelque part, non ? Le lit, les repas, l’eau du bain, les blouses, etc., eh bien,  Monsieur le Président, il faut que vous sachiez que tout cela a un coût, et c’est cela qui a fait renoncer à la conscription.

Enfin, si le caractère obligatoire du service était proposée, François Hollande a promis qu’il soumettrait la proposition au référendum, ce qui me paraît sage et pertinent.


4. La France, phare de l’humanité ?

Sans rien n’annoncer de nouveau, François Hollande a rappelé que la France était au cœur des affaires de la planète par quatre grandes manifestations, deux sûres, et deux en candidate : la conférence mondiale sur le climat aura lieu en France en décembre 2015, l’Euro 2016 (football), la candidature de Paris pour les Jeux Olympiques de 2024 et enfin, la candidature de la France pour l’exposition universelle de 2025 (initiée par deux députés, Jean-Christophe Fromantin et Bruno Le Roux).


En route vers 2017 ?

François Hollande a insisté sur le fait que si le chômage ne baissait pas, il n’oserait pas demander aux Français de le réélire. Le pire, c’est que les journalistes ont compris l’inverse : qu’en ne prenant aucune initiative forte à mi-mandat, il préparait déjà sa campagne pour 2017 !

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En clair, le chef de l’État n’est capable que de réciter des "listes à la Prévert" (selon l’expression de Thomas Guénolé) en guise d’argumentaire creux de son action.

Ce Président de la République ne montre aucune empathie pour les difficultés des Français, et surtout, fait preuve d’une impuissance extraordinaire. Cet immobilisme est quasiment dans l’ADN du personnage politique. François Hollande a toujours réussi à avancer en ne faisant rien, en ne prenant aucun risque. Il a préservé l’unité artificielle du PS par ses capacités à réaliser des synthèses impossibles. Il a gagné l’élection présidentielle grâce à un incident sexuel dans un hôtel de luxe new-yorkais et au rejet très marqué de son prédécesseur.

En 2012, il a été le chef de l’État qui a eu historiquement le plus de leviers politiques en main, majoritaire à l’Assemblée Nationale et au Sénat, dans la quasi-totalité des régions de France, dans la moitié des départements et dans une grande partie des grandes villes. Il a tout gâché. Vivement dans deux ans et demi !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 novembre 2014).
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bientôt la proportionnelle intégrale ?
Disparition d’Évelyne Baylet.
Quatrième conférence de presse de François Hollande (18 septembre 2014).
Discours du Bourget de François Hollande (22 janvier 2012).
Confiance étriquée pour Manuel Valls (16 septembre 2014).
La trace de François Hollande (14 juillet 2014).
Le couple Hollande-Valls.
Manuel Valls.
Le roi du monde (6 juin 2014).
Troisième conférence de presse de François Hollande (14 janvier 2014).
Une empathie combative ?
L’humour présidentiel à la radio.
Jusqu’où descendra-t-il ?
La courbe du chômage…
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
La République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Deuxième conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-hollande-l-impuissance-159102



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22 septembre 2014 1 22 /09 /septembre /2014 07:35

Dans la salle d’honneur du Palais de l’Élysée, le seigneur des lieux a peiné à convaincre de son amour pour les Sans-dents…


yartiFH4conf01Le Président de la République François Hollande s’est prêté le jeudi 18 septembre 2014 à l’exercice protocolaire de la conférence de presse dans les salons dorés de l’Élysée. C’est la quatrième conférence de presse depuis le début du quinquennat et la précédente avait eu lieu le 14 janvier 2014, avant les élections, avant le changement de Premier Ministre. Autant dire, il y a cent ans !

Inutile d’insister sur le fait que cette prestation solennelle met toujours en valeur le Président de la République. Les journalistes qui ont été honorés d’y être présents sont rarement les plus vindicatifs contre l’Élysée. C’est même une marque de reconnaissance professionnelle d’y être invités.

Comme du temps du Général De Gaulle, tout le gouvernement y siégeait, à la droite de François Hollande et les caméras étaient prêtes à pointer les ministres quand le thème de leurs attributions était abordé.

François Hollande a ainsi déroulé près de trois quarts d’heure d’allocution introductive, puis a répondu aux questions des journalistes. L’intervention a été pompeuse, ennuyeuse et sans aucune annonce. Donc, inutile.

Rien de nouveau : aucun cap n’a encore été clairement adopté depuis deux ans et demi. Le lendemain du discours de politique générale de son Premier Ministre Manuel Valls, le gouvernement annonçait une mesure fiscale particulièrement incohérente, la suppression de la première tranche d’imposition sur le revenu (à Bercy, personne n’a été capable de dire ce qu’il en coûterait aux autres contribuables). L’annonce venait de nulle part, en tout cas, d’aucune vision cohérente puisque ce n’était même pas au programme du vote de confiance.

Saupoudrage, mesures décidées sans préparation (comme la réforme territoriale), incapacité permanente à gouverner. Rien ne sera sans doute épargné à ce pauvre Monsieur Hollande. On ne pourra même plus dire ce "bon" Monsieur Hollande car son supposé mépris pour les "sans-dents" a définitivement mis une croix sur un caractère qu’on pouvait imaginer plaisant, sympathique et cordial.

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Faut-il continuer le "Hollande bashing" ? Rappelons que cela ne fait que suivre le "Sarkozy bashing" juste après 2007 (je n’aime pas trop le terme "bashing", "lynchage médiatique" conviendrait mieux). Il est probable que le prochain Président de la République sera également devenu rapidement la cible du persiflage médiatique, et cela aussi longtemps qu’il restera cinq à dix millions de demandeurs d’emploi sans perspective d’avenir personnel.

Je suis bien aise de ne pas avoir voté pour François Hollande le 6 mai 2012. Je ne suis donc pas déçu car je n’avais aucune attente. Mieux : j’ai toujours imaginé que la situation politique se dégraderait de la sorte. C’était assez prévisible. Tromper sa gauche pour conquérir l’Élysée, puis la décevoir en faisant semblant qu’il n’en est rien, continuer à mépriser le centre et la droite alors que la gauche le méprise. C’est une stratégie de "ouf" !

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Avec les bouleversements politiques des huit derniers mois, qui sont nombreux, à savoir l’effondrement électoral du PS aux municipales et surtout aux européennes (moins de 13%), la suprématie du FN (qui se poursuit dans les sondages), et le renvoi de Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg, l’arrivée de Manuel Valls à Matignon, on aurait pu s’attendre à un discours un peu plus de vérité.

Oui, le gouvernement de gauche comprend enfin que les entreprises, c’est d’abord une richesse, que ce sont les entreprises qui créent la valeur, qui créent la richesse, qui créent les emplois, qui permettent aux caisses de l’État de se remplir, et que leurs dirigeants ne sont pas, pour la plupart d’entre eux, des voyous, ni des profiteurs, ni des fraudeurs. La plupart des responsables de gauche le savaient déjà depuis longtemps (certains connaissent de très près les entreprises) mais le dire publiquement était une sorte d’interdit partisan.

En gros, il a compris également que le seul levier qu’il a sur l’emploi, c’est donner les meilleures armes possibles aux entreprises françaises face à la concurrence rude de la Chine, de l’Inde, etc. En somme, le diagnostic est à peu près accepté par la plus grande majorité des élus de la République.

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Mais il fallait encore maintenir la fiction du clivage gauche/droite, la fiction de la gauche sociale qui devrait être plus du côté des gentils employés face aux méchants patrons. Parce qu’il y aurait une base, une aile gauche, qui demanderait un tel discours.

Alors, Manuel Valls, dans son discours de politique général, a ainsi mitraillé sur sa droite, caricaturant les idées qui sont pourtant sensiblement les siennes, et a cherché à convaincre sa gauche en insistant sur la non-austérité qu’il aurait décidée. Alors, François Hollande a eu l’outrecuidance de citer son discours du Bourget du 22 janvier 2012 pour dire qu’il avait déjà dit ce qu’il faisait aujourd’hui.

Justement, parlons du discours du Bourget. Je l’avais écouté en direct un peu par hasard et j’avais compris qu’il avait gagné l’élection avec un tel discours. En l’écoutant bien, il n’a pas trompé ses électeurs. Simplement, habile comme il est, il a laissé entendre à ceux qui l’écoutaient certaines choses qu’il n’a pourtant jamais dites. Il avait réussi à leur faire croire qu’il était le Père Noël. Élu par défaut, certes, mais élu.

On a retenu de ce discours qu’il était l’ennemi de la finance internationale. Pourtant, l’auditeur rationnel aurait pu comprendre qu’on ne peut être efficacement et concrètement l’ennemi de quelque chose que si c’est clair et net, pas de quelque chose de flou. Toujours définir les termes. Qu’est-ce que la finance internationale ? Cela ne voulait rien dire mais cela avait permis le ralliement inconditionnel des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au second tour du 6 mai 2012.

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Avec un discours "vallsien" de plus en plus clair sur les intentions économiques, on aurait donc pu penser que François Hollande serait allé jusqu’au bout de la logique : assumer pleinement sa politique économique …politiquement.

En effet, à quoi ça rime d’aller toujours courir en paroles vers sa gauche, comme il l’a encore fait ce jeudi, alors qu’il court en actes vers sa droite ? Il est le maître du jeu et il est doublement perdant. C’est étrange comment, malgré des atouts particulièrement précieux, il a pu aussi mal jouer en deux ans.

Sur sa gauche, c’est clair qu’il ne retrouvera plus jamais de crédibilité jusqu’à la fin de son quinquennat. Pourquoi encore courir vers elle inutilement d’un point de vue électoral ?

Sur sa droite, c’est pareil. En gardant son discours "de gauche", il ne fait qu’inquiéter la droite et le centre en les maintenant dans un artifice d’opposition. Ce qui, admettons-le, leur convient assez bien en ce moment avec cette absence de leadership depuis deux ans.

C’est surtout sur le plan économique que le jeu est doublement perdant. Pour tous les Français. François Hollande a compris qu’il fallait renforcer la compétitivité des entreprises. Mais il a proposé des réponses qui ne correspondaient absolument pas aux problèmes soulevés. L’exemple typique est le CICE qui n’aurait un effet que dans deux ans au mieux alors que certaines entreprises sont à très court terme, sur un horizon de moins de six mois.

Là aussi, François Hollande a été doublement maladroit : il a donné le signal aux syndicats qu’il était du côté du patronat (patronat qui, lui, de son côté, en profite pour faire de la provocation contreproductive, le Medef proposant la suppression des 35 heures par exemple, ce qui n’est pas très constructif).

Mais comme la réalité des mesures se fait toujours attendre (je ne parle même pas du "pacte de responsabilité" annoncé justement dans sa précédente conférence de presse et toujours pas mise en application huit mois plus tard !), il n’y a aucune embellie économique en vue : les investisseurs restent réservés et dubitatifs. La croissance est en berne, l’emploi continue à se disloquer.

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Que faudrait-il pour que ça remarche ?

C’est malheureux à dire mais c’est un peu comme à la bourse ou même à l’école, dans les relations entre professeurs et élèves : il faut un choc psychologique. Ce n’est pas mesurable, mais justement, la confiance ne se commande pas. Comme l’amour qui ne s’explique pas. Alors que la méfiance s’explique très rationnellement !

Comment créer ce choc qui permettrait de redonner un peu espoir aux acteurs économiques ? Notamment, les rassurer sur le fait qu’il y a un cap au sein de l’Exécutif ?

Pour moi, il ne passe que par un choc politique : abandonner la fiction du PS auquel François Hollande est si attaché, abandonner en rase campagne son aile gauche qui traîne de toute façon trop les pieds, qu’il ne convaincra plus, et proposer un réel contrat de redressement économique avec les personnes de bonne volonté à l’Assemblée Nationale. Certains députés UMP avaient même franchi le premier pas en avril pour encourager Manuel Valls dans cette voie.

Or, prendre des mesures économiques, sociales et fiscales, un peu plus réfléchies, élaborées dans une concertation politique qui permettrait de garantir leur stabilité dans le temps au-delà des changements de majorité, créerait un véritable climat vertueux de retour à la confiance. La classe politique montrerait alors dans son ensemble son souci de l’intérêt général au lieu de privilégier les luttes claniques stériles (que ce soit au sein de la majorité ou au sein de l’opposition).

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Cette union de toutes les personnes de bonne volonté, François Hollande et Manuel Valls avaient la possibilité institutionnelle et historique d’en incarner la réalité. Ils préfèrent, encore aujourd’hui, se résoudre à ne gouverner que sur une base électorale de moins de 13%, bien moins si l’on prend en compte les députés PS "frondeurs".

De ce fait, François Hollande restera hélas le Président inaudible, inaudible à sa gauche qu’il aura définitivement déçue, inaudible à sa droite qu’il aura toujours méprisée. Il restera aussi un Président autiste, car il n’a cessé de errer dans sa bulle de jouissance élyséenne, dans ses arrière-pensées de tactique politicienne, sans se rendre compte qu’aujourd’hui, le FN est sérieusement aux portes du pouvoir. Réellement ! Et cette situation nécessite de ranger dans le tiroir à susceptibilités ses petites et vaines appartenances claniques au profit du seul intérêt national. En aura-t-il …le courage ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 septembre 2014).
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours du Bourget de François Hollande (22 janvier 2012).
Confiance étriquée pour Manuel Valls (16 septembre 2014).
La trace de François Hollande (14 juillet 2014).
Le couple Hollande-Valls.
Manuel Valls.
Le roi du monde (6 juin 2014).
Troisième conférence de presse de François Hollande (14 janvier 2014).
Une empathie combative ?
L’humour présidentiel à la radio.
Jusqu’où descendra-t-il ?
La courbe du chômage…
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
La République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Deuxième conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 07:31

Vote de confiance étriqué pour Manuel Valls, à quelques voix d’une censure provoquée dans son propre camp. C’est pratiquement inédit dans l’histoire récente de la République.


yartiVallsIIConf01La descente aux enfers se poursuit pour le couple de l’Exécutif, François Hollande et Manuel Valls. Pourtant entré populaire à Matignon, Manuel Valls ne déroge pas à la règle qui veut que lorsqu’on a le pouvoir, on suscite de nombreux mécontentements dans une société en crise structurelle. Il aura tenu bon jusqu’à la fin de l’été avant de décrocher.

Que l’opinion publique le défie n’est donc pas nouveau pour un Premier Ministre, et heureusement, les solides institutions de la Ve République sont parvenues à contenir ce que la précédente république aurait créé : une véritable crise parlementaire. Or, on s’en doute, les Français ont suffisamment de difficultés économiques et sociales pour se payer le luxe d’une crise politique. Ce ne sont pas les institutions qui sont en cause ici (au contraire, ce serait pire sans elles), ce sont les acteurs qui font défaillance.

Pourtant, malgré cette solidité, on est passé à deux doigts d’une crise parlementaire, ce qui est véritablement inédit depuis 1962. Certes, la confiance a finalement été votée ce mardi 16 septembre 2014 une seconde fois par les parlementaires socialistes au général en chef Manuel Valls, mais le score est loin d’être une victoire.

Pire, Manuel Valls n’a même pas obtenu la majorité absolue des députés (à savoir 289). Il n’a recueilli que 268 voix favorables à l’issue de son second discours de politique générale d’environ trois quarts d’heure. Contre 244 voix qui se sont prononcées défavorablement. Alors qu’il n’y a eu quasiment pas de changement dans le casting ministériel (à trois exceptions près) et absolument aucune modification dans l’absence de ligne politique (j’y reviens), c’est 38 voix qui manquent par rapport aux 306 voix favorables lors du premier discours de politique générale le 8 avril 2014.


Les "frondeurs"

Le détail des votes de mardi est intéressant à analyser.

54 députés se sont abstenus, dont 32 députés PS (on se demande pourquoi ils sont encore dans la majorité), 17 députés écologistes (qui doivent leur siège uniquement au PS), 3 députés PRG et 2 députés FG.

Parmi les 244 députés qui ont voté contre le gouvernement, la totalité des députés UMP et UDI, ainsi que les députés FN, 1 député PRG, 1 députée EELV et 11 députés FG.

Seuls ont soutenu Manuel Valls 252 députés PS, 13 députés PRG et 2 députés FG.

Comme on peut le voir, le PRG et le FG se sont émiettés dans les différentes options (pour, contre, abstention) même si le premier reste majoritairement dans la majorité et le second majoritairement dans l’opposition. Ces deux petites formations devront réfléchir sur la cohérence de leurs élus nationaux lors d’un vote pourtant très politique.

Les 54 députés PS, EELV et PRG qui ont voté contre (2) ou qui se sont abstenus (52) ont été particulièrement ingrats vis-à-vis de leur appareil politique car il est probable que la plupart d’entre eux n’auraient jamais été élus sans l’appui électoral et surtout financier du PS et pour certains, sans l’élection de François Hollande. Au lieu de gratitude et de responsabilité, ces députés jouent plutôt la scène des rats qui quittent le navire, avant les femmes et les enfants.

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Bien sûr, ce qui a retenu à juste titre l’attention, ce sont les 32 députés PS appelés "frondeurs". Un bon moyen, pour certains jeunes élus, d’augmenter leur notoriété, ou, pour d’autres, de montrer la réticence de celle qui, absente de l’Assemblée Nationale, reste dans tous les esprits, Martine Aubry. En effet, l’ancien ministre François Lamy, redevenu simple député de Palaiseau, qui avait été remercié par son camarade de l’Essonne ancien élu d’Évry, a refusé de voter favorablement, alors qu’il est le plus proche collaborateur de Martine Aubry (et qu’il a perdu le contrôle de la communauté d’agglomération du Plateau de Saclay en mars dernier).

L’un des députés hollandistes les plus fidèles (pas frondeur, donc) Olivier Faure expliquait sur LCP quelques heures avant le vote de confiance que beaucoup de ses camarades parlementaires n’étaient pas contre le (supposé) choc des réformes (j’y reviens !) mais remarquaient que Gerhardt Schröder l’avait également décidé, ce qui a installé Angela Merkel pour une dizaine d’années au pouvoir. Ainsi, ces frondeurs ne voudraient pas réinstaller l’UMP pour une dizaine d’années, recueillant les bénéfices des réformes très impopulaires d’un gouvernement socialiste. Je ne sais pas si Olivier Faure a traduit la réalité des états d’âme de ses camarades réticents, mais il est clair que cela dénote, d’une manière ou d’une autre, leur grande attention portée …à l’intérêt national.


Rien de neuf

Mais revenons au fond du vote de confiance. Pourquoi Manuel Valls s’est-il cru obligé de prononcer un nouveau discours de politique générale alors qu’il n’y a eu aucune annonce nouvelle, à part quelques euros supplémentaires par an pour les pensions de retraite ?

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Car le sujet est bien là : aucune réforme efficace n’a été annoncée. Ni n’est mise en œuvre. L’immobilisme est toujours en marche. Le pacte de responsabilité est toujours une expression concrètement vide de sens, après huit mois d’utilisation sémantique ! Pire, la situation de l’emploi, de l’investissement et de la croissance ne cesse d’empirer ces derniers mois. La France et l’Italie (du pourtant si populaire Matteo Renzi) plombent le redémarrage de la croissance économique de l’Union Européenne.

Rien n’a été véritablement dit sur l’Europe (après pourtant des résultats désastreux aux européennes), si ce n’est pointer du doigt l’Allemagne pour qu’elle fasse le "boulot" de la France. Pourtant, les enjeux européens sont importants, surtout au démarrage d’une nouvelle séquence de cinq ans. Non, toute l’attention est focalisé sur quelques députés franco-français frondeurs. Délices et caprices de la République.


Dissonance entre les actes et le verbe

L’une des raisons, c’est l’illisibilité de la politique gouvernementale.

Manuel Valls a par exemple exprimé sa reconnaissance aux entreprises françaises qui sont les seules pourvoyeuses d’emplois et de richesse. C’est un discours intelligent, nouveau à gauche qui a même été applaudi à l’UMP, comme l’ancien Président de l’Assemblée Nationale Bernard Accoyer.

Mais au-delà de ces propos raisonnables, aucune mesure réellement concrète n’est mise en place pour aider les entreprises. L’usine à gaz du CICE ne paraît pas en état de marche. Même les soutiens les plus enthousiastes du gouvernement s’emmêlent la langue avec les pactes de ci et de ça.

Pire. Le pouvoir n’avait cessé de dire, depuis deux ans et demi, qu’il respecterait la limitation du déficit public à 3% du PIB. Et pourtant, le Ministre des Finances Michel Sapin (qui était déjà à Bercy il y a vingt-deux ans !) a affirmé le 10 septembre 2014 que le déficit public serait de 4,4% pour 2014 et qu’il ne descendrait pas en dessous de 3% avant 2017 (au lieu de 2015 comme promis). Dire que ces mêmes responsables soutenaient que les 3% seraient atteints …dès 2013 ! (un peu comme l’inversion de la courbe du chômage).

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Manuel Valls lui-même n’a cessé, durant son discours, à vouloir (inutilement) rassurer son aile gauche en rappelant qu’il ne voulait pas casser les services publics sans pour autant expliquer comment il comptait agir pour réduire de 50 milliards d’euros les dépenses publiques (la seule annonce qu’il a faite ayant fait accroître les dépenses publiques de 250 millions d’euros).

L’illisibilité de la politique gouvernementale se mesure aussi avec l’impréparation absolue de la réforme territoriale qui va lui plomber les élections sénatoriales du 28 septembre 2014, ainsi que de l’inconstance chronique pour fixer la date des élections. Selon les dernières déclarations, les élections cantonales (devenues départementales) prévues pour mars 2014, qui avaient été repoussées en 2013 à mars 2015, puis, repoussées en avril 2014 à décembre 2015, auraient finalement lieu en mars 2015… et cette annonce se fait précisément six mois avant leur organisation. C’est se moquer des élus locaux.

L’Exécutif, en fait, est victime de sa propre "schizophrénie". Changer de politique sans changer de gouvernement en janvier 2014. Puis changer de gouvernement sans changer de politique en mars 2014. Puis changer de gouvernement pour un oui ou un non. Plus Manuel Valls martèle qu’il veut rester coûte que coûte à Matignon, envers et contre tout (« Gouverner, c’est résister ! »), plus est probable un plan C (Valls étant le plan B) avant la fin du quinquennat : Martine Aubry ?


Pourquoi s’enfermer dans un Parti socialiste anachronique ?

Manuel Valls est pourtant de bonne volonté. Il a compris qu’il fallait réformer le pays, qu’il fallait faire évoluer pour adapter la France à la globalisation des échanges commerciaux. Mais il n’a clairement construit aucune majorité pour le soutenir. C’était d’ailleurs l’argument qui avait fait renoncer Jacques Delors le 11 décembre 1994 à se présenter à l’élection présidentielle.

L’erreur politique de Manuel Valls, c’est de vouloir coller à son aile gauche alors qu’il devrait définitivement s’en détacher. Pour quémander le vote auprès des "frondeurs", Manuel Valls s’est même permis de dénaturer les idées de l’opposition en les caricaturant à l’extrême alors que sa responsabilité aurait dû faire comme Gerhardt Schröder, à savoir proposer à l’UMP et à l’UDI un contrat de réformes à réaliser ensemble dans l’intérêt du pays, mais à condition que ceux-ci puissent prendre part à leur élaboration et ne soient pas seulement mis sur le fait accompli avec un pistolet sur la tempe, comme c’est le cas aujourd’hui.


Un ratage historique

En clair, Manuel Valls a tout faux. Il avait la possibilité historique de réconcilier les Français en leur proposant en toute franchise un plan courageux de réformes économiques et sociales pour redynamiser l’économie française, et finalement, il fait comme François Hollande, rejetant les seuls soutiens qu’il pourrait avoir, au centre et centre droit, tout en restant rejeté par une aile gauche du PS qui, pour des raisons claniques, n’a aucune raison de revenir dans son giron.

La suite est connue. Manuel Valls suivra la popularité de François Hollande. Les deux têtes de l’Exécutif susciteront une telle méfiance qu’aucune réforme ne pourrait passer sereinement et qu’aucune confiance économique ne pourrait être amorcée pour déclencher un redressement.

Il n’y a pas de courage quand on est seul : l’essentiel, c’est de mobiliser l’ensemble de la communauté nationale pour avancer collectivement vers l’intérêt général. On en est loin.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 septembre 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La confiance Valls, volet 1 (8 avril 2014).
François Hollande, la trace.
Les relations entre l’Élysée et Matignon.
Nomination de Manuel Valls à Matignon (31 mars 2014).
Valls sera-t-il Premier Ministre ? (15 mars 2014).

yartiVallsIIConf05

 

 

  http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gouvernement-valse-majorite-156894

 

 

 

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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 18:54

L'Assemblée Nationale a accordé sa confiance au second gouvernement du Premier Ministre Manuel Valls par 269 voix contre 244. Le 8 avril 2014, pour son premier vote de confiance, il avait obtenu 306 voix.

SR

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