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6 septembre 2014 6 06 /09 /septembre /2014 17:28

L'image de la France dans le monde des affaires est déplorable depuis la rentrée 2014.

Voici un article du "Financial Times" daté du 6 septembre 2014 évoquant les malheurs du Président François Hollande. Il est également à noter l'absence d'évocation du Premier Ministre Manuel Valls alors que sont cités plusieurs fois Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy, Valérie Trierweiler, Ségolène Royal ...et Julie Gayet.

FinancialTimes20140906


(Cliquer sur l'image pour l'agrandir en format lecture).


Sylvain Rakotoarison (6 septembre 2014)

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2 septembre 2014 2 02 /09 /septembre /2014 12:16

(dépêche)


ALERTE INFO LE FIGARO >02/09/2014 à 08H40      

Le gouvernement veut renforcer les contrôles des chômeurs
Le ministre du Travail, François Rebsamen, a demandé à Pôle emploi de "renforcer les contrôles" des chômeurs. "Il y a 300.000 postes non pourvus, affirme-t-il sur i-Télé. Les Français ne comprennent pas. Il faut plus de convocations, de vérifications. Sinon, on est radié. Il faut oeuvrer pour un état d'esprit différent".
 

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15 juillet 2014 2 15 /07 /juillet /2014 07:21

« Je veux qu’à la fin de mon mandat, notre pays soit plus fort. » (François Hollande le 14 juillet 2014).


yartiFH2014071401Quelle trace laissera François Hollande ? Ce n’est pas moi qui pose la question mais le Président de la République lui-même, toujours aussi autocentré, lors de sa (traditionnelle) interview du 14 juillet 2014.

La dernière grande intervention médiatique datait d’il y a exactement un semestre, sa troisième conférence de presse délivrée à grandes pompes le 14 janvier 2014 au cours de laquelle François Hollande avait présenté son dernier outil de sa boîte, le "pacte de responsabilité", dernier avatar de la vacuité de sa politique économique et industrielle depuis deux ans. Un pacte dont les contours concrets sont encore très laborieusement en cours de mise en place avec l’adoption du projet de loi de finance rectificative par 307 députés (contre 232) le 1er juillet 2014 (six mois pour mettre en place la parole présidentielle !).

Et en six mois, il y a eu de l’eau qui a coulé à Matignon, puisque Jean-Marc Ayrault a été renvoyé (sans bien comprendre pourquoi puisqu’on continue toujours sa politique), Manuel Valls a été promu général en chef (au moins, il n’y a plus de cacophonie au sein des ministres), et le chômage… ne fait que s’amplifier.

Mais les deux événements majeurs de cette période, c’étaient évidemment les élections municipales des 23 et 30 mars 2014 et les élections européennes du 25 mai 2014 qui ont "formalisé" la très grande impopularité de l’exécutif en termes électoraux (ce fut un effondrement historique du Parti socialiste mais aussi de la gauche en général, et les seules places fortes qui ont résisté, comme à Paris, Lyon, Dijon, Strasbourg, Nantes, etc., ce fut grâce à des campagnes où la mention du PS fut la plus discrète possible).

yartiFH2014071404

N’ayons pas peur des mots : de cette prestation présidentielle, il n’en est rien sorti, ni vision, ni horizon, ni raison d’espérer. Comme depuis deux ans d’ailleurs.


Imitation multiple

Sur la forme, le ton est resté messianique, très agaçant dans l’imitation de François Mitterrand (il n’est plus en campagne, pourrait-il être lui-même une fois pour toute ?) et somme toute, sur la manière de parler, très proche de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, en insistant sur la lourdeur de sa tâche, son ardeur à l’ouvrage.

J’ai même relevé une phrase, très significative de l’intervention, qui colle presque mots pour mots à un propos de son prédécesseur. François Hollande a effectivement déclaré, pour montrer une énième fois sa détermination : « Jusqu’à la fin de mon quinquennat, pas une seule minute ne sera perdue pour la réforme. » (en passant, les mauvaises langues pourraient se demander si les minutes passées en scooter sont perdues ou pas pour la réforme, mais chacun a bien le droit de vivre sa vie).

Et Nicolas Sarkozy avait déclaré le 13 octobre 2010 au cours d’un déjeuner à l’Élysée avec des députés du Nouveau centre : « Jusqu’à la dernière minute de mon quinquennat, je mettrai des idées nouvelles sur la table et des réformes. » (cité par "Le Point" entre autres). Étonnant parallélisme sémantique, non ? En tout cas, grand manque d’originalité peu voué à « réenchanter le rêve français » …selon une expression typiquement hollandienne (originale pour le coup).


Acheter français

Même les nouvelles lunettes présidentielles, qu’il porte mieux que les anciennes, pourraient faire l’objet de critique pour celui qui peine à convaincre qu’il veut redresser l’économie française : une entreprise française lui a justement envoyé une paire de lunettes identiques fabriquées en France alors que les siennes proviennent d’un pays étranger (certes européen).

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C’est pourtant par l’exemplarité que les Français regagneront leur puissance économique. C’est un peu comme un maire FN du Var qui parle sans arrêt de son nationalisme vaguement patriote et qui roule en grosse Mercedes. Très peu de citoyens allemands auraient l’idée d’acheter une voiture qui ne soit pas allemande. En France ? L’individualisme prime, pour une raison ou pour une autre ; on s’en moque surtout.

Car évidemment, le fond de l’entretien du 14 juillet a trait à l’économie. Le complaisant journaliste David Pujadas avait tenté de rappeler que le 14 juillet 2013, il y a juste un an, François Hollande avait senti un frémissement de reprise économique. Un an après, pas de croissance, et un chômage qui s’accroît de plusieurs centaines de demandeurs d’emploi chaque jour. On est loin de la (très mal dite) inversion de la courbe du chômage prévue pour… décembre 2013 ! On est loin aussi de la maîtrise du déficit public qui dépassera probablement 4% en 2014 alors que l’objectif présidentiel avait été de 3% …pour 2013 ! Et cela, malgré des hausses massives d’impôts, de taxes et de diverses redevances.


L’impuissance comme arme de combat

C’était un peu prévisible : depuis deux ans, François Hollande ne fait qu’attendre un double effet mécanique, celui de la démographie (les départs à la retraite vont être massifs, donc, le chômage va baisser) et celui du trou : quand on est au fond du trou, on ne peut que rebondir (histoire des cycles de croissance). Cette impuissance institutionnalisée est aberrante : elle montre l’impréparation d’un homme qui fut onze ans à la tête d’un grand parti d’opposition et qui n’a travaillé que …sur son image pour se donner une stature présidentielle.

Le rejet massif dans l’opinion publique est historique et va avoir du mal à se répéter dans l’histoire. Les mesurettes proposées depuis deux ans (sa boîte à outils) n’a jamais concerné au mieux que quelques dizaines de milliers, voire centaine de milliers d’emplois alors qu’il faut trouver une solution aux plus de trois voire cinq millions de demandeurs d’emploi.

Même le pacte de responsabilité qui aurait pour but (dans une usine à gaz) d’alléger les charges de 40 milliards d’euros a trop tardé. Il aurait fallu un "choc de compétitivité" dès novembre 2012 comme l’avait suggéré Louis Gallois. Par tâtonnements timides, on a fait que des petites avancées qui ne donnent pas confiance aux investisseurs à cause de le manque de lisibilité et qui mécontentent les syndicats au point de bouder la dernière conférence sociale le 8 juillet 2014 (l’absence de la CGT et de FO me paraît marquer les limites de cet exercice essentiellement de communication).

Nouveau sujet à la mode, l’apprentissage. Là encore, les bras m’en tombent. Cela fait vingt-cinq ans que dans tous les discours politiques, on appelle à encourager l’apprentissage, à encourager la formation par alternance. Il y a d’ailleurs eu des progrès, même s’ils sont insuffisants. Pourquoi François Hollande découvre-t-il seulement maintenant l’apprentissage, vingt-six mois après son installation à l’Élysée ? Mystère. Et pourquoi, parallèlement, on veut remettre en cause les internats d’excellence qui avaient pourtant montré leurs preuves ? Là aussi, entre discours et réalité, il y a un fossé.

Même réflexe présidentiel de vouloir ménager la chèvre et le chou à sujet du travail le dimanche. Il n’est pas contre tout en ne voulant pas trop montrer qu’il est pour. Discours inaudible qui se traduit en action sur le vide, sur l’immobilisme et sur l’impuissance.


Il faut réindustrialiser de manière systématique

Le problème, c’est que le gouvernement ne s’est pas donné les moyens de réindustrialiser la France en faisant un inventaire détaillé et lucide des forces et faiblesses de l’industrie française dans chaque secteur et d’encourager les secteurs d’excellence. À quoi serviraient des baisses de charges si la France ne produisait plus ?

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On préfère appliquer quelques vieilles méthodes qui montrent à l’évidence l’incapacité du gouvernement (mais il n’est pas le seul) à comprendre la réalité économique mondiale et aussi les habitudes de consommation des Français (la part de double langage entre fustiger les délocalisations en Chine et acheter des jouets ou des vêtements fabriqués en Chine est assez ahurissante).


La course de 2017 brouille les réformes

En ce sens, le Ministre de l’Économie Arnaud Montebourg a au moins compris un peu mieux que d’autres les réalités françaises concernant les entreprises et l’innovation. Malheureusement, s’il apprend assez vite depuis quelques mois (rappelons que jusqu’en 2012, le domaine économique et social n’était pas sa tasse de thé, lui qui excellait pour demander un procès pour Jacques Chirac), ce n’est pas pour redresser l’économie française, mais pour se positionner correctement lors de l’élection présidentielle de 2017, son discours du 10 juillet 2014 est à cet égard assez transparent.

Le principal concurrent, et néanmoins allié au sein du PS, d’Arnaud Montebourg, c’est bien sûr le Premier Ministre Manuel Valls qui n’a pas manqué d’enfoncer (l’air de rien) François Hollande dans son discours prononcé à Vauvert le 6 juillet 2014 lors d’un "banquet champêtre" (tous les partis organisent maintenant au début de l’été des déjeuners à la campagne, que la météo malheureusement n’honore pas toujours). Les mots étaient durs, à croire qu’il était dans l’opposition entre 2012 et 2014 : « Hésiter, faire à moitié, ce n’est pas la bonne méthode. » ; aussi : « Les Français attendent que le gouvernement agisse sans tarder, même si cela doit les perturber. » ; également : « Ce sont pourtant des réformes, de vraies réformes dans le dialogue, dont nous avons besoin. » ; ou encore : « La France est entravée, coincée, tétanisée. » et même « coincée dans ses postures partisanes ».

Bref, tout se profile pour que Manuel Valls et Arnaud Montebourg se disputent la candidature du PS à l’élection présidentielle de 2017 sans prendre en compte l’existence d’un François Hollande à l’autorité particulièrement réduite.


Encore des réformes sociétales ?

François Hollande a néanmoins expliqué qu’il confirmait son souhait de faire encore des réformes sociétales, mais à la fin de son mandat, en 2016, en précisant, de manière très hypocrite, qu’il ferait ces réformes si l’économie se redressait. Comme il n’y a pas de redressement à l’horizon, autant dire qu’il ne ferait pas ces réformes, ce serait plus clair et surtout plus rassurant, mais peut-être justement veut-il montrer à sa gauche qu’il pense encore à elle ?

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Dans ces réformes sociétales, il y a le vote des étrangers (je vois bien l’effet de ce beau chiffon rouge agité quelques mois avant 2017 sur le score du FN de la prochaine élection présidentielle), et aussi une réforme sur « l’accompagnement de la très grande vieillesse », une expression qui me paraît le seul élément positif de cette interview, étant entendu qu’une loi sur l’euthanasie active ne serait plus à l’ordre du jour, pour ne pas ouvrir un nouveau front après le mariage gay.

Plus généralement (pas seulement la grande vieillesse), c’est une réforme sur l’accompagnement des personnes qui ont perdu leur autonomie qui est nécessaire et urgente, une réforme qu’avait voulu mettre en place Nicolas Sarkozy en automne 2010 mais que les intempéries monétaires de l’hiver 2010-2011 n’ont pas permis de lancer, et qui est sans doute le plus grand manque du quinquennat précédent. Que François Hollande préfère se pencher sur cette question cruciale qui donne une certaine idée de la société qu’on souhaite à légiférer sur l’euthanasie active me paraît sage et pertinent.

Quant à remettre sur la voie publique le débat sur le vote pour les étrangers, bien que très opposé (on ne peut différencier la citoyenneté de la nationalité, c’est un élément fondateur du vivre ensemble), je ne me fais pas trop d’inquiétude, si ce n’est sur ses effets sur le FN, puisque le gouvernement n’aura aucune majorité des trois cinquièmes pour réviser la Constitution en ce sens, d’autant plus que les prochaines élections sénatoriales vont être un nouveau Waterloo pour le PS par l’effet cumulé de l’échec aux municipales et de la réforme territoriale bâclée (Nicolas Sarkozy avait déjà subi les effets sur sa très timide réforme de 2010 qui instituait le conseiller territorial en perdant la majorité au Sénat en septembre 2011).


Inconsistance présidentielle

On le voit, Hollande fait toujours du Hollande, c’est-à-dire prend les Français pour des démeurés en n’indiquant pas clairement ses intentions. Peut-être habile politiquement (il sait répondre correctement aux questions de politique politicienne qui n’intéresse pas les Français), mais incapable de vision claire pour redonner un espoir à ses concitoyens, même si la route est dure.

Je terminerai sur deux sujets essentiels complètement absents de cet entretien, qui montre à quel point le Président de la République leur accorde de l’importance : rien n’a été dit de la construction européenne (à part une simple évocation de Matteo Renzi), ce qui est aberrant à la sortie d’élections européennes qui ont suscité un réel malaise, on s’étonnera donc que les europsceptiques soient si performants dans l’espace médiatique, et rien non plus n’a été dit sur ce qui était pourtant un leitmotiv de sa campagne présidentielle, la transition écologique. L’Europe et l’écologie, décidément, ce ne sont pas ses dadas…

Aucune perspective d’avenir, une illustration permanente de la méthode Coué en mille leçons, pas d’autorité morale pour faire des réformes dont le pays a besoin. La chance de François Hollande, c’est un niveau de FN très élevé qui tétanise toute la classe politique et une complète décomposition de son principal parti d’opposition, l’UMP, mais il devrait surveiller que ses propres ministres ne lui damnent pas le pion dans trois ans…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 juillet 2014).
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le couple Hollande-Valls.
Manuel Valls.
Le roi du monde (6 juin 2014).
Troisième conférence de presse de François Hollande (14 janvier 2014).
Une empathie combative ?
L’humour présidentiel à la radio.
Jusqu’où descendra-t-il ?
La courbe du chômage…
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
La République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Deuxième conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/quelle-trace-laissera-francois-154464



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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 07:42

L’aura diplomatique qui lui a donné une certaine stature présidentielle a déjà disparu, engloutie par les flots des grèves et de la contestation intérieure.


yartiFHcaen01Les week-ends se suivent et ne se ressemblent pas. Au début de cette semaine, tous les éditorialistes (de tout bord) expliquaient doctement que le Président de la République François Hollande avait réussi sa "séquence" diplomatique (les journalistes aiment bien parler de "séquences", ils travaillent maintenant en mode projet), celle de la célébration du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie.

Et il faut bien le reconnaître, François Hollande a été à la hauteur de ses responsabilités ce vendredi 6 juin 2014.


La "séquence" diplomatique

En maître de cérémonie, il a su réunir dix-neuf chefs d’État et de gouvernement, dont quelques grands comme Élisabeth II, la reine d’Angleterre, Barack Obama, le Président des États-Unis, Vladimir Poutine, le Président de la Fédération de Russie, Angela Merkel, la Chancelière allemande, et aussi le Prince Charles, David Cameron, le Premier Ministre britannique et plein d’autres responsables diplomatiques.

François Hollande a été maître de cérémonie sans être arrogant. En se souciant surtout du confort de ses invités. En se faisant le discret entremetteur de relations bilatérales (pas seulement lui, d’ailleurs, Angela Merkel aussi).

Bref, ces nombreuses cérémonies du 6 juin 2014 ont été un double succès diplomatique.

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Le premier sur la commémoration à la fois d’une opération militaire historique mais plus généralement de la fin de la Seconde Guerre mondiale, et là, tout a semble-t-il été dit pour les livres d’histoire. François Hollande a prononcé trois grands discours, très bien écrits et au fond très étudié. Un premier à Caen où il a salué au nom de la France la mémoire des victimes civiles du Débarquement. Plus généralement, il a voulu saluer tous ceux qui sont morts dans cette terrible guerre, quels que soient leur "statut", origine, etc. Un autre au cimetière miliaire américain de Colleville, où, reçu par Barack Obama, il a exprimé la reconnaissance de la France envers l’effort des États-Unis. Enfin, autour de tous les chefs d’État et de gouvernement venus en Normandie pour veiller à préserver la mémoire. François Hollande n’a pas omis non plus de parler des victimes soviétiques, très nombreuses, qui ont, elles aussi, contribué à la victoire sur l’Allemagne nazie. Personne n’a d’ailleurs jamais nié la contribution des uns et des autres, mais le dire officiellement donnait un sens particulier à la commémoration. Par ailleurs, la lecture des témoins de l'époque faite par de jeunes collégiens plein de charisme avait été excellemment bien préparée.

Le second succès diplomatique, c’était que cette rencontre au sommet était également tournée vers l’avenir, et pas seulement vers le passé, et c’est cela qui était essentiel. La "star" de la fête était évidemment Vladimir Poutine dont la présence était historiquement déterminante dans une commémoration de ce type mais dont la présence était particulièrement courageuse depuis février 2014 et la crise politique en Ukraine, l’annexion de la Crimée et le séparatisme de certaines régions à l’est de l’Ukraine. Exclu du dernier G8 redevenu G7, Vladimir Poutine aurait très bien pu rester à Moscou et voir ces festivités de loin, alimentant une sorte de nouvelle version de la guerre froide.

Au contraire de cela, il a pris part pleinement aux différentes discussions. Le plus important pour l’avenir, c’est qu’il s’est retrouvé à parler au nouveau Président élu de l’Ukraine, Petro Porochenko, réunis par Angela Merkel. Ce fut une reconnaissance de fait de la Russie à l’autorité de Petro Porochenko qui allait être investi officiellement le lendemain à Kiev. Il a également eu l’occasion de rencontrer François Hollande (dans un "souper" la veille), Angela Merkel, David Cameron et même Barack Obama, au point qu’on peut se demander si la France n’a pas accueilli un G8 bilatéralisé.

Mais au-delà des chefs d’État et de gouvernement, il y avait un grand nombre de diplomates issus de très nombreux pays et dans le monde, c’était une occasion, finalement assez rare, de se rencontrer entre pays pour régler de manière informelle quelques différends bilatéraux en toute discrétion.


La "séquence" suivante

Pour François Hollande, cette prestance internationale nouvelle avait de quoi le remonter le moral après le désastre électoral qu’il a subi aux européennes du 25 mai 2014 et au très mauvais accueil qu’a reçu sa révolution territoriale présentée le 2 juin 2014.

Les éditorialistes s’étaient mis également d’accord sur le fait que si la "séquence" diplomatique avait été un grand succès pour l’Élysée, elle n’aurait aucune retombée sur la popularité présidentielle ni sur la situation intérieure, ni sur une légitimité supplémentaire sur sa capacité à gouverner, voire sur son autorité personnelle, remise en cause jusqu’au sein de ses troupes parlementaires à propos de son choix de Jacques Toubon comme nouveau Défenseur des droits appelé à remplacer Dominique Baudis récemment disparu.

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Jacques Toubon a été une sorte de Jean-François Copé des années 1980, second couteau à la lame et à la langue aiguisées, d’une grande aisance de réflexion et d’expression, mais sans l’ambition démesurée et sans le goût pour l’argent. Cette étonnante nomination d’ouverture a bien sûr de quoi déconcerter bien des élus socialistes.

Vite oublié aussi ce 6 juin quand de nombreux conseillers présidentiels quittent massivement l’Élysée vers d’autres cieux plus cléments, plus cléments sauf peut-être pour un qui semblerait avoir des comptes à rendre devant la justice fiscale.

Et force est de constater que les éditorialistes n’ont pas eu tort, car cette semaine a enterré les considérations historico-mondiales de la semaine précédente pour se consacrer aux préoccupations quasi-égocentriques de quelques syndicalistes à la manœuvre qui voudraient voir le "grand soir", tandis que le gouvernement est en train de préparer son collectif budgétaire dont l’artisan, Christian Eckert, l’imposant nouveau Secrétaire d’État au Budget, semble assez bien maîtriser son sujet, ce qui est toujours rassurant (même si ce n’est pas suffisant, Jérôme Cahuzac maîtrisait lui aussi parfaitement ses sujets).


Des grèves de plus en plus insupportables

Depuis mercredi 11 juin 2014, les Français ont donc pu observer, et tout particulièrement les Franciliens qui, un peu plus que les autres, sont concernés de très près par tout ce qui concerne les transports en commun, plusieurs grèves. Celle des taxis qui ne veulent pas de la concurrence des chauffeurs privés, mais sans vouloir non plus réformer leur profession aux structures dépassées (rien que trouver un taxi dans un aéroport parisien pour aller ailleurs qu’à Paris devient impossible). Mais la plus grave est bien sûr la grève de la SNCF qui touche depuis trois jours non seulement les TGV, TER mais aussi les RER franciliens.

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Il n’est plus possible de voir que des personnes qui ont un emploi plutôt protégé, c’est justement sur leur statut qu’ils focalisent l’attention, puissent ainsi paralyser économiquement un pays déjà exsangue. C’est une forme de suicide collectif. Comme si la France n’était pas assez descendue au plus bas avec ses 15 000 demandeurs d’emploi supplémentaires par mois.

Non seulement la grève massive des trains porte atteinte à la liberté de circulation, mais elle tétanise aussi l’économie, et elle va même bientôt s’en prendre aux lycéens qui doivent passer leurs épreuves du baccalauréat lundi prochain. Leur premier examen, avec le stress, la préparation, l’investissement, qui pourraient être mis à mal par des forces occultes dont ils ne peuvent rien.

Le seul mot qui vient à l’esprit est irresponsabilité de ces pyromanes sociaux qui croient sauvegarder leurs emplois et leurs avantages alors qu’ils font plonger leur pays dans la récession, et par ricochet, forcément quelques-uns de leurs proches. Face à ce patriotisme de statut, quel pourrait donc bien être la réaction électorale des usagers en colère, ou, du moins, en attente sur les quais ou comprimés dans les wagon, quand on sait qu’il y a déjà un quart des électeurs qui se sont déplacés qui ont voté pour le parti fondé par Jean-Marie Le Pen ?


Aller plus loin…

C’est peut-être le moment pour le gouvernement de prendre ses responsabilités, et en France, un gouvernement socialiste a plus de marge de manœuvre sociale qu’un gouvernement de centre droit. Pourquoi ne pas aller jusqu’à la solution radicale mais néanmoins efficace qu’avait adoptée Ronald Reagan pour protéger les Américains de la grève très dure des contrôleurs aériens fédéraux en été 1981 ? Faudrait-il donc toujours mettre le droit de grève devant le droit de circuler, le droit d’aller à son travail, le droit de visiter des malades, le droit de chercher un emploi, le droit de passer un examen ? Parfois, des choix hiérarchiques s’imposent. C’est même l’enjeu principal de la responsable politique d’établir des priorités.

Le gouvernement de Manuel Valls, qui semble nourrir la sincère volonté de réformer un pays irréformable, paraît ferme sur sa réforme de la SNCF et de RFF. Il faudrait peut-être aller plus loin pour assurer, quotidiennement, les capacités de transporter tous les Français quelle que soit la situation sociale.

Ce vendredi 13 juin 2014 dans la matinée, en visite en Andorre, le Président de la République a déclaré : « Il y a un moment où il faut savoir arrêter un mouvement ! ». Puisque François Hollande est déjà au fond du trou de sa popularité, il n’a plus rien à perdre à engager de nouvelles réformes, et la France aura tout à y gagner. Au moins, sa postérité sera assurée !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 juin 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande.
La séquence du Débarquement.
Vladimir Poutine.
Barack Obama.
La Reine d’Angleterre.
Angela Merkel.
Manuel Valls.
Révolution territoriale.
Jacques Toubon.
Ronald Reagan.

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  http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/roi-du-monde-et-pas-de-chez-lui-153249

 

 

 

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9 avril 2014 3 09 /04 /avril /2014 07:29

Exercice imposé à chaque nouveau Premier Ministre, le grand oral peut être considéré comme réussi : présenter son action, apporter un souffle nouveau, et réformer : « Vérité, efficacité, confiance ». Mais pour l’instant, toujours l’encéphalogramme plat sur les 50 milliards d’euros d’économie à réaliser sur les dépenses publiques.


yartiValls2014040801Avec un look très lisse de premier de la classe qui pourrait s'apparenter à celui de Thierry Le Luron, le nouveau Premier Ministre Manuel Valls a prononcé son discours de politique générale devant les députés le mardi 8 avril 2014 à 15h00 (texte intégral ici) et a obtenu sans surprise la confiance de la part des 306 députés de la majorité, contre 239 voix et 26 abstentions.

En l’écoutant, mon impression n’a cessé d’hésiter entre l’incrédulité et l’attraction. Incrédulité face aux nombreux signes qui montrent que Manuel Valls fait avant tout son métier, de la communication. Attraction car le dynamisme affiché ainsi que les objectifs définis me paraissent porteurs dans une France en crise qui a besoin de réformes profondes.


Agence de communication Valls & Cie

Les premiers jours du gouvernement Valls n’étaient pas forcément de bon augure. Rien n’était laissé au hasard. On n’avait pas nommé les secrétaires d’État tout de suite (c’est prévu pour mercredi 9 avril 2014 dans l’après-midi) pour au moins deux raisons : montrer une photo de famille, à l’issue du premier conseil des ministres le 4 avril 2014, qui fait apparaître un gouvernement réellement resserré et compact (mais il va vite atteindre la trentaine de membres quelques jours plus tard), et laisser une porte ouverte avec la majorité, l’aile gauche du PS et les écologistes d’EELV par rapport à leur vote ou pas de la confiance.

La communication est dans les détails, si bien que les caméras ont pu s’épancher sur les ministres, nouveaux (rares) ou anciens (très majoritaires), qui devaient traverser toute la cour intérieure de l’Élysée pour se rendre à leur premier conseil des ministres (normalement, leur voiture les amène jusqu’à l’entrée), avec une palme à Christiane Taubira qui, la dernière, est arrivée de la Place Vendôme, en vélo, comme d’habitude, tandis que son collègue Bernard Cazeneuve, le premier, est venu à pieds de la Place Beauvau.

Tout dans la communication aussi pour se faire passer pour Clemenceau (il faudra quand même relire les livres d’histoire au lieu de prendre pour argent comptant les éléments de langage qu’on veut marteler), et, parallèlement, pour Matteo Renzi. Pourtant, Manuel Valls est loin d’être un "jeune". Il a 51 ans (bientôt 52 ans), soit deux ans de plus que son prédécesseur Alain Juppé lorsque celui-ci était nommé Premier Ministre en 1995, soit encore …douze ans de plus que le nouveau chef du gouvernement italien. Manuel Valls a, à quelques mois près, l’âge qu’avait Raymond Barre quand ce dernier avait succédé à Jacques Chirac à Matignon en 1976.


Le discours, sur la forme…

Malgré ces petits rappels, les médias ont semblé aveuglés par tant de brillance qu’on venait de leur servir sur un plateau doré. En moins de vingt-quatre heures, oubliée la débâcle formidable du PS aux élections municipales, oublié que le centre droit dirige désormais 62% des villes de plus de 9 000 habitants, laissant peu d’espoir à la gauche de conserver sa majorité au Sénat en septembre prochain.

yartiValls2014040804

Passons au discours qui a duré trois quarts d’heure. D’après Manuel Valls lui-même qui l’a confié à BFM-TV le 9 avril 2014, le Président François Hollande avait relu ce discours et « l’a rendu plus clair, plus net ». Ceux qui ont pensé qu’avec le départ de Nicolas Sarkozy, la France en aurait fini avec l’hyper-présidence se sont trompés bien évidemment. Comme tous ses prédécesseurs, François Hollande gouverne de manière très dirigiste le gouvernement. Il a d’ailleurs été élu pour cela. En revanche, je ne crois pas qu’avant Manuel Valls, un seul Premier Ministre n’ait osé avouer que le Président de la République avait retoqué son discours. De collaborateur à porte-parole, il y a à peine un pas…

Sur la forme, le discours a été prononcé de façon assez ennuyeuse, en lisant continuellement son papier. Manuel Valls n’est à l’évidence pas un grand orateur. Remarque personnelle : à part Jean-Luc Mélenchon, dont je n’ai pas vraiment les idées, je ne vois plus beaucoup de "tribuns" dignes des républiques antérieures. Autre remarque personnelle : cela fait donc une grande différence entre Clemenceau et Manuel Valls, puisque Clemenceau était justement capable de retourner une assemblée même hostile grâce à son seul verbe.


Amour pour la France et apaisement affiché

Le seul passage vraiment convaincant sur la forme, celui qui pourrait faire date, c’est sa dernière partie sur son amour de la France, ses dernières phrases où il a montré un réel attachement à la France, pays qui n’était pas le sien quand il est né. Que la France est l’un des rares pays au monde qui permet à une personne née à l’étranger d’occuper les postes les plus importants au sommet de l’État (ce passage n’était pas prévu au départ et aurait pu déjà être prononcé lorsqu’il est devenu Ministre de l’Intérieur) : « La France a cette même grandeur qu’elle avait dans mon regard d’enfant, la grandeur de Valmy, celle de 1848, la grandeur de Jaurès, de Clemenceau, de De Gaulle, la grandeur du maquis. C’est pourquoi j’ai voulu devenir Français. ».

Et surtout, il veut différencier nationalisme et patriotisme : « La France, c’est cette envie de croire que l’on peut pour soi et pour le reste du monde. La France, ce n’est pas le nationalisme obscur, c’est la lumière de l’universel. La France, oui, c’est l’arrogance de croire que ce que l’on fait ici vaut pour le reste du monde. Cette fameuse "arrogance française" que nos voisins nous prêtent souvent, c’est en fait cette immense générosité d’un pays qui souhaite se dépasser lui-même. (…) Ne rétrécissons pas la France, ne rétrécissons pas ses rêves ! ».

N’hésitant pas à vouloir réduire les clivages (qu’il a contribué à créer entre autres avec le mariage gay), Manuel Valls a parlé souvent d’apaisement : « Je souhaite l’apaisement, et c’est la volonté du Président de la République. (…) La gauche est fidèle à elle-même et à ses valeurs quand elle sait s’adresser à tous et rassembler. ».

Mais paradoxalement, cela n’a pas empêché de vouloir une nouvelle loi sur l’euthanasie active alors que la loi Leonetti n’est toujours pas assez appliquée, prenant le risque de diviser une nouvelle fois les Français sur un sujet non prioritaire mais très sensible. Tout comme cela ne l’a pas conduit à retirer la réforme des rythmes scolaires qui a profondément désorganisé l’emploi du temps des élèves et des parents, et a entraîné l’éviction assez prévisible de Vincent Peillon du gouvernement.

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C’est cependant dans cet esprit d’ouverture que Manuel Valls, quelques minutes après le Président de l’Assemblée Nationale Claude Bartoloné et les députés debout, a rendu hommage à Jean-Louis Borloo en lui souhaitant un bon rétablissement. Cette chaleur transpartisane vis-à-vis d’un collègue parlementaire avait également réconforté feu Patrick Roy qui était revenu courageusement le 14 mars 2011 dans l’hémicycle, durement éprouvé par la maladie (qui l’a finalement emporté le 3 mai 2011).


La peur lancinante du déclassement

Bien entendu, ce sont sur les questions économiques et sociales que Manuel Valls était attendu au tournant. À la fois sur sa droite et sur sa gauche.

Dans son introduction, Manuel Valls a admis que la confiance avec le peuple serait difficile à reconstruire, en faisant un constat sévère dont il a accepté de prendre la part : « Disons les choses simplement : beaucoup de nos compatriotes n’y croient plus. Ils ne nous entendent plus. La parole publique est devenue pour eux une langue morte. Le présent est instable, l’avenir est illisible. Peu de Français se sentent à l’abri. Ils se disent qu’il ne suffirait pas de grand-chose pour perdre ce qu’ils ont construit pour eux et pour leurs enfants. Voilà la peur lancinante du déclassement. ».


Déclaration d’amour aux entreprises

Pour en finir avec cette peur, Manuel Valls n’a qu’un seul mot d’ordre, celui de renforcer les entreprises pour une raison simple : « Si nous voulons que la France reste une nation maîtresse de son destin, nous devons lui rendre la force économique qu’elle a perdue depuis dix ans. Il faut donc produire en France, créer de la richesse en France, créer des emplois durables en France. Pour faire reculer le chômage de masse. ».

Pour cela, il lui faudrait lever quelques archaïsmes, dans un concept plus rocardien qu’hollandien, à l’intention de son aile gauche : « Je le dis sans détour : nous avons besoin de nos entreprises (…). Entreprendre, créer, prendre des risques, embaucher : c’est cette démarche positive que je veux encourager parce qu’elle fait du bien à notre pays. Sortons des défiances, des postures, des caricatures. (…) Soutenir les entreprises, c’est soutenir l’emploi, l’investissement, les exportations. (…) Ce sont les entreprises qui font la richesse de notre pays. ».


Plusieurs mesures intéressantes, mais…

Manuel Valls a proposé des réformes relativement importantes. Par exemple, il a parlé de réduire d’ici 2016 à zéro les cotisations patronales sur le SMIC (mesure déjà prise en 2009 qui a engendré la création de 30 000 nouveaux emplois). De réduire les charges pour les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC (4,5 milliards d’euros). De réduire d’ici 2016 de 1,8% les cotisations famille pour les salaires inférieurs à 3,5 fois le SMIC, qui concernent 90% des salariés (4,5 milliards d’euros). En tout, c’est 30 milliards d’euros de baisse du coût du travail.

Il a parlé aussi de renforcer l’investissement en supprimant une taxe pour la production (la contribution sociale de solidarité des sociétés), pour 6 milliards d’euros et en ramenant à 28% l’impôt sur les sociétés en 2020.

De plus, pour améliorer le pouvoir d’achat, il a présenté un plan de baisse des cotisations salariales, de telle manière que pour un SMIC, en 2015, le gain correspondrait à 500 euros par an. En tout, 5 milliards d’euros en 2017 seraient consacrés aux foyers les plus modestes.

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Ces mesures sont, en elles-mêmes, intéressantes, mais à côté de l’effet d’annonce qui peut être positif et encourager l’activité, il y a trois questions cruciales.

La première, c’est le délai. 2020 est un horizon très lointain et Jean-François Roubaud, président de la CGPME, expliquait dès le lendemain que les PME n’ont même pas une visibilité d’un an, alors, six ans ! Ce dernier critiquait d’ailleurs les mesures fiscales qui font la part trop belle aux grandes entreprises et pas assez aux PME.

La deuxième question concerne bien sûr leur financement, et là, tout est flou, tout est vague, tout est hollandien. Par exemple, sur la politique familiale, Manuel Valls a juste déclaré, sans rien préciser : « Cela ne pénalisera en rien le financement de la politique familiale, qui se verra affecter d’autres recettes pérennes. ». Lesquelles ? Mystère.

Le troisième problème, c’est que le gouvernement ne semble miser que sur la réduction du coût du travail pour augmenter l’activité, or, si le coût du travail est un frein, le réduire ne crée pas pour autant d’activités supplémentaires, cela empêche seulement d’en perdre.

Comme l’expliquait le soir même l’ancien Président du Sénat Gérard Larcher dans l’émission "Preuve par 3" sur Public-Sénat, rien n’a été prévu pour renforcer la recherche et développement ainsi que l’innovation industrielle, pierre angulaire de toute nouvelle activité, ni pour encourager la formation professionnelle, seul levier pour valoriser les savoirs et être plus compétitif.


Le financement ?

Car il y a une réelle "arnaque" intellectuelle qui se développe de la part du pouvoir exécutif. Il est sans arrêt dit qu’il faut trouver 50 milliards d’euros d’économie alors qu’il en faut au moins 100. 50 milliards d’euros pour financer le pacte de responsabilité et de solidarité (défini précédemment), et 50 milliards pour réduire le déficit public. Or, on a l’impression que ces 50 milliards comptent pour 100 dans toutes les déclarations depuis le 31 décembre 2013.

Et rien n’a été précisé pour "trouver" ces 50 milliards d’euros. Manuel Valls a seulement indiqué les proportions : d’ici 2017 l’État devra faire 19 milliards d’euros d’économie, l’assurance maladie 10 milliards, les collectivités locales 10 milliards. « Le reste viendra d’une plus grande justice, d’une mise en cohérence et d’une meilleure lisibilité de notre système de prestation. ». Concrètement ?

Il a par ailleurs promis de ne plus augmenter les impôts malgré la dette qui a explosé et qui atteint maintenant 30 000 euros pour chaque Français : « Il faut en finir avec l’inventivité fiscale qui génère une véritable angoisse chez nos concitoyens. ».

Pourtant, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait augmenté les prélèvements de 30 milliards d’euros au lieu de baisser la voilure de l’État. Pourquoi avoir attendu deux ans alors que la situation actuelle était prévisible dès 2012 ? Mystère.


La transition énergétique

Manuel Valls a semblé tendre la main aux écologistes en confirmant la réduction à 50% d’ici 2025 de la part de l’énergie nucléaire dans la production de l’électricité.

Là encore, rien n’est précisé sur le chemin concret pour y parvenir… mais surtout, rien n’est dit sur la raison pour laquelle il faudrait diminuer la part du nucléaire alors que c’est actuellement la seule énergie propre, fiable et stable.


La révolution du millefeuille territorial

Mais de toutes les annonces du Premier Ministre, la plus révolutionnaire est sans doute la réforme de territoire. Nouvelle réforme. C’est la quatrième annoncée en vingt-deux mois ! François Hollande ne craint pas l’overdose.

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Elle se déclinerait en quatre étages.

1. Réduire de moitié le nombre des régions pour leur donner une taille critique comme soutien à la croissance. Les élus de 2015 seront chargés de faire des propositions de regroupement, et sans cela, une loi l’imposera pour le 1er janvier 2017.

2. Renforcer l’intercommunalité, avec une nouvelle carte « fondée sur les bassins de vie » qui sera appliquée au 1er janvier 2018. Étrangement, il y a déjà une précédente carte qui devait déjà entrer en vigueur en 2016.

3. Supprimer la clause de compétence générale en différenciant les compétences des régions et celles des départements. Nicolas Sarkozy l’avait déjà supprimée en 2010 mais François Hollande l’avait remise en 2013.

4. Supprimer les conseils départementaux (nouvelle appellation, à vocation éphémère, des conseils généraux), pour 2021 sans remettre en cause le maillage territorial des préfectures et des sous-préfectures.

Ces réformes sont ambitieuses, qui peuvent se résumer à trois éléments : supprimer les départements, diminuer de moitié les régions et renforcer les intercommunalités, mais leur succès dépendra de la manière de s’y prendre. Or, il semblerait que Manuel Valls veuillent le faire à l’arraché, contre les élus, alors qu’il est nécessaire que ces réformes soient consensuelles pour être durables. Les délais sont si (nécessairement) longs que ces réformes peuvent toujours être remises en cause par les majorités suivantes. Comme cela a été le cas pour la réforme de 2010.


Le Vallsisme est-il un réformisme ?

L’avenir dira si le discours de Manuel Valls a été fondateur (comme celui de Jacques Chaban-Delmas le 16 septembre 1969) ou simplement une belle opération de communication comme il a su en faire depuis trois ans.

Sur le fond, rien ne le distingue vraiment de son prédécesseur à Matignon. Si ce n’est un dynamisme prêt à inquiéter jusqu’à l’Élysée qui vient de décider un changement majeur avec la nomination, prévue pour le 15 avril 2014, de l’ancien ministre Jean-Pierre Jouyet, actuel président de la Caisse des dépôts et consignations et ancien directeur adjoint de cabinet de Lionel Jospin, au poste stratégique de Secrétaire Général de l’Élysée.

Sans illusion, laissons à Manuel Valls le bénéfice du doute…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 avril 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Texte intégral du discours de Manuel Valls du 8 avril 2014 (verbatim).
Nomination de Manuel Valls à Matignon (31 mars 2014).
Nomination du gouvernement Valls (2 avril 2014).
Les relations entre l’Élysée et Matignon.
Élections municipales (30 mars 2014).
Élections européennes du 25 mai 2014.
Valls sera-t-il Premier Ministre ? (15 mars 2014).
François Hollande.
Jean-Louis Borloo.

yartiValls2014040806


http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/manuel-valls-communication-ou-150498

 



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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 16:00

(vebatim)


Déclaration de politique générale du Premier Ministre Manuel Valls
Mardi 8 avril 2014 à l'Assemblée Nationale, Paris

Vérité, efficacité, confiance

Monsieur le Président,

Mesdames, messieurs les députés,

Trop de souffrance, pas assez d’espérance, telle est la situation de la France.

Et c’est conscient de cette réalité que je me présente devant vous.

Les Français nous regardent. Ils attendent beaucoup de nous. Et mon devoir, c’est de me hisser à la hauteur de leurs exigences.

Par leur vote ou leur abstention historique lors des dernières élections municipales, ils ont dit leur déception, leur doute, leur mécontentement et parfois leur colère. Ils ont dit leur peur de l’avenir. Leur avenir, et celui de leurs enfants. Et puis il y aussi cette exaspération quand, à la feuille de paie déjà trop faible, s’ajoute la feuille d’impôt trop lourde. Enfin, ils ont exprimé leur soif de justice.

J’ai entendu leur voix. J’ai aussi entendu leur silence.

Ils se sont prononcés contre l’impuissance politique. Ils veulent des résultats concrets en matière d’emploi, de lutte contre la précarité, de vie chère.

Ce message, très clair, le Président de la République l’a entendu. Il en a tiré les enseignements politiques.

Et c’est conscient de la responsabilité que m’a confiée le Chef de l’Etat que je me présente devant vous, pour ouvrir une nouvelle étape du quinquennat.

Je veux rendre, ici, hommage à Jean-Marc Ayrault. Il a agi avec droiture, sens de l’Etat, pendant vingt-deux mois. J’ai été fier d’être son ministre de l’Intérieur, comme socialiste, comme républicain et comme patriote.

Dans des circonstances bien différentes, à cette même tribune, il y a 60 ans, un homme nous a montré la voie. Le mot d’ordre de Pierre Mendès-France – dire la vérité – m’oblige, nous oblige. La vérité, c’est le premier principe de la démocratie.

Je dirai donc la vérité aux Français. Je la leur dois.

Vérité sur la situation d’urgence de notre pays. Vérité sur les solutions qu’il faut y apporter.

La France est à un moment de son histoire où il faut se concentrer sur l’essentiel.

Et l’essentiel, c’est de redonner confiance aux Français dans leur avenir.

Dire l’essentiel pour retrouver l’essentiel : la confiance des Français. Tel sera mon propos.

Mesdames et messieurs les députés,

La réalité est là, et il faut la regarder, sans trembler.

J’ai vu, j’ai écouté ces retraités qui, à l’issue d’une existence d’efforts, vivent avec une maigre pension ; ces ouvriers qui attendent, depuis trop longtemps, de pouvoir retravailler ; ces salariés précaires pour qui le quotidien n’est pas le travail, mais la survie ; ces patrons de PME, ces artisans, ces commerçants qui n’ont qu’une seule obsession : sauver leur activité pour sauver leurs équipes ; ces agriculteurs, attachés à leur exploitation, qui font face à l’endettement et aussi à une forme de solitude.

J’ai vu ces visages fermés. Ces gorges nouées. Ces lèvres serrées …

Disons les choses simplement : beaucoup de nos compatriotes n’y croient plus. Ils ne nous entendent plus. La parole publique est devenue pour eux une langue morte. Le présent est instable, l’avenir est illisible. Peu de Français se sentent à l’abri. Ils se disent qu’il ne suffirait pas de grand-chose pour perdre ce qu’ils ont construit pour eux et pour leurs enfants.

Voilà, la peur lancinante du déclassement !

Mais la crise économique et sociale n’explique pas, à elle seule, la crise de confiance. Il y a aussi une crise civique, une crise d’identité.

Dans un monde qui bouge si vite, les Français doutent de la capacité de notre modèle républicain à promouvoir, à protéger et à intégrer.

Dès lors, la tentation du repli devient plus grande, partout, dans nos territoires ruraux, périurbains, mais aussi dans nos villes lézardées par des fractures communautaristes qui prennent le dessus sur l’idée d’appartenir à une même nation.

Nous assistons également à une montée du racisme, de l’antisémitisme, de l’intolérance. Et les paroles, les actes anti-juifs, anti-musulmans, anti-chrétiens, homophobes, doivent être combattus avec une même fermeté.

Notre société est traversée par la violence. Il y a la menace terroriste qui s’est globalisée et qui pèse sur nos démocraties. Il y a surtout la violence du quotidien. Ce phénomène n’est pas nouveau : les atteintes aux personnes sont en progression continue depuis plus de trente ans. Le phénomène inédit, c’est que la délinquance se déplace vers des territoires - je pense aux villes moyennes, aux villages – qui, jusqu’à présent, avaient le sentiment d’être épargnés. Nos quartiers populaires sont gangrénés par ce fléau que sont les trafics de drogue. Ils abîment une part de notre jeunesse et, pour fructifier, tentent d’imposer un autre ordre que celui de la République. L’augmentation des cambriolages depuis cinq ans est majoritairement responsable de la hausse du sentiment d’insécurité. Se faire voler, et surtout quand on a peu, est un traumatisme profond. Il y a enfin toutes ces incivilités, ces défis, ces bravades, contestant l’autorité et qui pourrissent la vie des gens. Tout cela joue sur le moral de nos concitoyens.

La vérité, la voilà ! Le pire serait de fermer les yeux.

Mesdames et messieurs les députés,

La première chose que je dois aux Français, c’est l’efficacité. C’est pour cela que j’ai composé un gouvernement compact, resserré et solidaire.

Solidaire, ce gouvernement est aussi paritaire ! Parce que l’égalité femmes-hommes est au cœur de toute société moderne.

La seconde chose que je dois aux Français, c’est la sincérité.

La sincérité, c’est expliquer.

Je crois que nous n’avons pas - tous ici ! - donné assez de sens aux efforts et aux sacrifices que les Français consentent depuis des années.

Le monde dans lequel la France agit et tient son rang est un monde riche d’opportunités mais il est également dur, injuste, parfois violent.

Dans une économie globalisée, nos entreprises font face à une concurrence mondiale, qui ne leur fait pas de cadeau. Il faut donc les protéger. C’est également le cas pour notre culture qu’il faut soutenir, et aussi défendre parce qu’elle est exceptionnelle.

Notre monde, c’est aussi l’ère du numérique qui relie les hommes et qui accélère l’échange des savoirs, des marchandises, des services. Et c’est pourquoi la fracture numérique est bien plus qu’une fracture technique, c’est une fracture économique, sociale et culturelle !

Face à toutes ces mutations, nous n’avons pas d’autre choix que de nous mettre au niveau. Le plus élevé. Et de prendre nos responsabilités en développant notre attractivité, notre compétitivité, notre créativité. Et puis nous devons aussi aller au- devant du monde, pour renforcer notre commerce extérieur, notre tourisme, notre technologie, notre excellence dans bien des domaines ; c’est le but de notre diplomatie économique.

Notre voix, celle du Chef de l’Etat, notre diplomatie, nos armées sont respectées. Et je veux, ici, rendre hommage à nos soldats engagés à l’étranger, notamment au Mali, en Centrafrique, pour assurer la paix et la sécurité. Et je n’accepte pas les accusations injustes qui pourraient laisser penser que la France ait pu être complice d’un génocide au Rwanda alors que son honneur, c’est toujours de séparer les belligérants.

Mesdames, messieurs les députés,

Rien n’est possible sans l’écoute et le dialogue.

Et parce que c’est un homme de dialogue, je veux rendre hommage à Jean-Louis
Borloo et lui souhaiter tous mes vœux de rétablissement.

Une démocratie forte c’est un Parlement respecté.

La Constitution de notre Ve République, à laquelle je suis très attaché, précise clairement les choses : l’exécutif détermine le cap, et le Parlement "vote la loi, contrôle l'action du Gouvernement et évalue les politiques publiques".

Vous, élus de la Nation, vous êtes l’expression de la souveraineté nationale.

Je connais les attentes de la majorité parlementaire, je les partage, et je veux travailler avec elle sur la base d’un contrat qui nous engage mutuellement. Je veux définir un mode de travail performant, avec les socialistes et les radicaux, mais aussi avec les écologistes.

Et je dis au groupe GDR que je n’ai pas d’adversaire à gauche et que nous pouvons avancer ensemble sur beaucoup de sujets, dans l’intérêt de la France.

Gouverner, c’est écouter l’ensemble de la représentation nationale et donc l’opposition.

Gouverner, ce n’est pas rechercher la victoire d’un camp sur un autre. L’opposition vient de remporter les élections municipales. Elle a donc une responsabilité vis-à-vis des Français. Je veux l’écouter. Je proposerai aux présidents des groupes UMP et UDI de me rencontrer dès la semaine prochaine.

Le dialogue, c’est également le dialogue social. Il a permis, depuis deux ans, d’importantes avancées en matière d’emploi, de marché du travail, de formation professionnelle, de retraites. Il doit se poursuivre. Et je rencontrerai les partenaires sociaux dès vendredi.

L’exigence de dialogue vaut également pour les élus locaux. Je mesure leur rôle pour la cohésion sociale, mais aussi le dynamisme et l'attractivité de notre économie.

Le dialogue, c’est aussi celui que je veux avoir directement, sur le terrain, avec les
Français.

Mesdames et messieurs les députés,

Nous devons aller à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est la France ! Son avenir, sa jeunesse, sa force.

Si nous voulons que la France reste une nation maitresse de son destin, nous devons lui rendre la force économique qu’elle a perdue depuis 10 ans. Il faut donc produire en France, créer de la richesse en France, créer des emplois durables en France. Pour faire reculer le chômage de masse.

C’est le but du pacte de responsabilité proposé par le Président de la République.

Le chômage assomme notre pays depuis des décennies. Il s’est aggravé mois après mois depuis 2008 : 1,3 million de demandeurs d’emploi supplémentaires en 6 ans,
avant que nous ne parvenions, fin 2013, à ralentir le rythme.

La politique de l’emploi conduite depuis 22 mois en direction des jeunes a eu des résultats : il y a moins de jeunes chômeurs aujourd’hui qu’il y a un an. Mais cela ne suffit pas !

Sans une croissance plus forte, nous ne ferons rien Et la croissance ne se décrète pas. Elle se stimule, avec pragmatisme et volontarisme.

Sans croissance pas de confiance, et sans confiance, pas de croissance.

Je le dis sans détour : nous avons besoin de nos entreprises, de toutes nos entreprises, de nos PME, de nos « start-up », de nos artisans, de nos associations et coopératives. Entreprendre, créer, prendre des risques, embaucher : c’est cette démarche positive que je veux encourager parce qu’elle fait du bien à notre pays.

Sortons des défiances, des postures, des caricatures.

Et c’est pourquoi je salue nos entreprises, nos PME-PMI, nos artisans, nos agriculteurs, nos commerçants qui travaillent dur, qui aiment leur métier et qui considèrent que le travail est une valeur.

Soutenir les entreprises, c’est soutenir l’emploi, l’investissement, les exportations.

Alors oui, nous agirons pour encourager les entreprises, pour soutenir la recherche et l’innovation, améliorer le fonctionnement du marché du travail, alléger les coûts, simplifier les procédures et favoriser le dialogue social à tous les niveaux. Avec exigence, car les entreprises ont des responsabilités vis-à-vis de leurs cadres, leurs employés, leurs ouvriers. Ce sont eux qui font leur richesse.
L’idée du Pacte de responsabilité et de solidarité est simple : chacun doit s’engager pour l’emploi. C’est une initiative novatrice dans un pays comme le nôtre. Notre pays doit apprendre à oser ces compromis positifs et créatifs. Les divergences d’intérêt existent, il ne s’agit pas de les effacer mais de les dépasser, pour l’intérêt général. C’est ça la modernité !

Il faut maintenant donner corps à ce Pacte.

Le Président de la République avait indiqué, le 14 janvier, que le Gouvernement engagerait sa responsabilité sur ce Pacte. C’est donc ce que je fais aujourd’hui devant vous. Comment imaginer d’ailleurs une déclaration de politique générale si elle n’abordait pas ces sujets ?

Mais il y aura d’autres débats et d’autres votes. Fin avril, l’Assemblée nationale sera saisie du programme de stabilité et de la trajectoire des finances publiques. Au début de l’été, un projet de loi de finances rectificative traduira les économies nouvelles que nous aurons proposées. Et il y aura évidemment le rendez-vous crucial de la loi de finances initiale. Ces débats ces votes qui traduiront notamment la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité permettront aux parlementaires d’être des acteurs à part entière de son contenu.

Rien ne peut se faire sans le Parlement. Je crois qu’il est responsable et transparent, de vous présenter, à vous députés, et aux Français, dès ce premier discours devant le Parlement, les orientations du Pacte de responsabilité et de solidarité.

Une négociation entre partenaires sociaux a fixé des engagements pour l’emploi.

Le moment de la décision est venu.

D’abord, il y a le coût du travail.

Il doit baisser. C’est un des leviers de la compétitivité – pas le seul – mais il pèse lourd.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait engagé le mouvement avec la création du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi qui doit atteindre 12 milliards cette année et 20 milliards l’année prochaine. Nous porterons les allégements du coût du travail à 30 milliards d’ici 2016.

Comment ? Je refuse d’opposer l’effort pour les emplois les moins qualifiés – dont nous avons besoin – et celui pour les emplois qualifiés qui font notre compétitivité – notamment dans l’industrie. L’un répond à l’urgence de créer des emplois, l’autre à la nécessité d’exporter. Nous ferons donc les deux.

•Au niveau du SMIC, les cotisations patronales à l’URSSAF seront entièrement supprimées au 1er janvier 2015.
Zéro charges pour l’employeur d’un salarié payé au SMIC

Voilà une vraie révolution.

Le barème des allégements existants entre le SMIC et 1,6 fois le SMIC sera modifié en conséquence. Nous y consacrerons 4,5 milliards d’euros.

•Pour les salaires jusqu’à 3 fois et demi le SMIC, c’est-à-dire plus de 90% des salariés, les cotisations Famille seront abaissées de 1,8 point au 1er janvier 2016. Cela représente un allégement supplémentaire de près de 4,5 milliards d’euros. Cela ne pénalisera en rien le financement de la politique familiale, qui se verra affecter d’autres recettes pérennes.

•Les travailleurs indépendants et artisans qui représentent des gisements de créations d’emplois, bénéficieront d’une baisse de plus de trois points de leurs cotisations famille dès 2015 (soit 1 milliard d’euros).

Voilà l’effort de l’Etat. Il est à la hauteur de l’enjeu. 30 milliards de baisse du coût du travail, l’équivalent des cotisations famille comme l’avait dit le Président de la République, le 14 janvier dernier.

Pour relever l’investissement, le gouvernement agira aussi par la fiscalité.

•D’abord, en réduisant les impôts de production, comme la « C3S » - contribution sociale de solidarité des sociétés – payée par 300 000 entreprises. Elle sera entièrement supprimée en trois ans. Cela représente environ 6 milliards d’euros de marges supplémentaires, dont 1 milliard dès 2015.

•Concernant l’impôt sur le résultat des sociétés, la « surtaxe » instaurée sous la mandature précédente sera supprimée en 2016. Le taux normal de cet impôt sera par ailleurs abaissé à 28% en 2020, avec une première étape intermédiaire en 2017.

Pour simplifier notre système fiscal, plusieurs dizaines de petites taxes complexes et de faible rendement seront enfin supprimées.

L’Etat a pris ses responsabilités. Aux employeurs de tenir leurs engagements. Ils ont été précisés dans l’accord passé entre les partenaires sociaux, le 5 mars dernier. Cet accord fixe deux grands objectifs :

•La création d’emplois, en particulier pour les jeunes et les seniors.

•La qualité de l’emploi, la formation des salariés, l’amélioration et la reconnaissance des qualifications.

Autour de ces objectifs, les négociations doivent s’engager, dans les prochaines semaines, dans chaque branche professionnelle.

La grande conférence sociale qui se réunira à l’été permettra de mesurer ensemble la dynamique ainsi créée.

Le Pacte est aussi un Pacte de solidarité, il doit améliorer le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes.

Le meilleur moyen c’est d’agir sur les cotisations salariales pour augmenter le salaire net, celui que l’on touche à la fin du mois. Dès le 1er janvier 2015, elles seront diminuées pour les salaires au niveau du SMIC pour procurer 500 euros par an de salaire net supplémentaire. C’est presque la moitié d’un 13e mois pour un salarié payé au SMIC. Ce gain sera dégressif entre le SMIC et 1,3 fois le SMIC.

Par ailleurs, mon gouvernement proposera d’alléger la fiscalité pesant sur les ménages modestes, en particulier ceux qui sont entrés dans le champ de l’impôt sur le revenu ces dernières années alors même que leur situation ne s’était pas améliorée.

L’ensemble de ces mesures en faveur des ménages modestes représentera 5 milliards d’euros à l’horizon 2017.

Mesdames, messieurs les députés,

La croissance, c’est aussi l’économie verte.

La transition énergétique sera l’une de mes priorités. C’est une formidable opportunité économique.

Concrètement, la transition énergétique réduit notre déficit commercial et renforce notre souveraineté. Elle redonne du pouvoir d’achat grâce aux économies liées à la rénovation énergétique des logements et aux véhicules qui consomment peu. Elle encourage des secteurs extrêmement porteurs en termes d’emplois. Je pense en particulier au bâtiment.

Mais il y aussi la nécessité écologique.

Le climat est probablement le domaine où le besoin de régulation se fait le plus pressant. La France accueillera à Paris, fin 2015, la grande conférence sur le climat. Il s’agit là d’un enjeu planétaire majeur, auquel nous répondrons en nous dotant d’une véritable « stratégie bas carbone » qui sera présentée par le gouvernement au Parlement.

L’objectif est de réduire de 30% notre consommation d’énergie fossile d’ici 2030 et de 40% nos émissions de gaz à effet de serre à la même échéance. L’engagement du Président de la République de passer à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2025, sera tenu. Il sera inscrit dans la loi sur la transition énergétique soumise au conseil des ministres avant l’été. Cette loi sera le texte fondateur de notre nouvelle politique énergétique.

Mesdames et messieurs les députés,

Notre redressement passera aussi par notre indépendance financière.

La dette publique est notre responsabilité collective.

Là encore, il faut dire la vérité. La dette, Lionel Jospin l’avait stabilisée à un peu plus de 50% du PIB en 2002. En 2007, lorsque Jacques Chirac quitte l’Elysée, elle représentait 65 % des richesses que nous produisions chaque année. Cinq ans plus tard, à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, elle avait explosé, et atteignait 90% de la production nationale. Aujourd’hui, elle représente 30.000 euros pour chaque Français. Cette situation nous oblige, tous.

Les gouvernements successifs ont choisi de redresser nos comptes en privilégiant les augmentations répétées des prélèvements. C’est particulièrement vrai depuis 2010. La précédente majorité y a pris sa part (30 milliards ) autant que l’actuelle. Ces hausses n’ont pas épargné les classes moyennes. Il faut en finir avec l’inventivité fiscale qui génère une véritable angoisse chez nos concitoyens.

En 2012, nous avons trouvé une dette qui s’était envolée, et un déficit des comptes publics de 5,2% du PIB. Nous l’avons déjà ramené à 4,3% fin 2013. Et nous allons poursuivre ce redressement tout au long du quinquennat.

Je vous propose un changement de rythme pour éviter tout recours à l’impôt et financer le redressement de notre économie : 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans de 2015 à 2017. L’effort sera partagé par tous. L’Etat et ses agences en prendront la plus grande part, 19 milliards d’euros. 10 milliards proviendront de l’assurance maladie et 10 milliards supplémentaires des collectivités locales. Le reste viendra d’une plus grande justice, d’une mise en cohérence et d’une meilleure lisibilité de notre système de prestations.

Mais je ne veux pas casser la croissance, sinon nos déficits ne diminueront pas et le chômage ne sera pas réduit. Bien sûr, il faut redresser nos comptes publics mais sans casser notre modèle social et nos services publics, sinon les Français ne l’accepteraient pas.

Je suis pour le respect de nos engagements, pour le sérieux budgétaire, pas pour l’austérité !

Ce nécessaire équilibre, nous allons, à nouveau, l’expliquer à nos partenaires européens. La reprise économique est là, mais elle est fragile. Nous devons l’entretenir comme un feu naissant, l’accompagner.

Et les efforts que nous faisons sur la réduction de nos déficits, sur nos réformes structurelles, sur la compétitivité des entreprises, sur le coût du travail, ne doivent pas être balayés par un niveau trop élevé de l’euro. Il est aujourd’hui 10% plus cher qu’à l’été 2012 ; ce qui évidemment pèse sur nos exportations.

La Banque Centrale Européenne mène une politique monétaire moins expansionniste que ses consœurs américaine, anglaise ou japonaise. Et c’est dans la zone euro que la reprise économique est la moins vigoureuse. Ce sujet, qui va d’ailleurs être au cœur des prochaines élections européennes, je veux l’aborder très directement. Car il appartient à l’Europe d’apporter des réponses concrètes aux attentes des peuples. Ce qui est essentiel, c’est de remettre l’Union Européenne sur le chemin de la croissance au travers de politiques de grands investissements, des politiques pour l’emploi, notamment tournées vers la jeunesse. Sinon, tous les efforts de réduction des déficits seront vains. Et je ne veux pas que cette magnifique aventure qui a uni notre continent perdre son éclat et finalement sa logique. Je reste convaincu que la France ne peut pas se passer de l’Europe et que l’Europe ne peut pas se passer de la France. Et je suis très attaché à la solidité du couple franco-allemand.

Notre indépendance financière passe aussi par des réformes de structures. La France est prête à ces réformes et notamment celle du "millefeuille territorial".

Je propose quatre changements majeurs susceptibles de dépasser les clivages partisans :

•Le premier concerne nos régions. Il s’inspire du rapport des Sénateurs Yves Krattinger et Jean-Pierre Raffarin. Nos régions doivent disposer d’une taille critique. Ainsi elles auront tous les leviers, toutes les compétences, pour accompagner la croissance des entreprises et encourager les initiatives locales.
Je propose de réduire de moitié le nombre de régions dans l’hexagone.

Sur la méthode, il s’agit de faire confiance à l’intelligence des élus. Les régions pourront donc proposer de fusionner par délibérations concordantes. En l’absence de propositions, après les élections départementales et régionales de mars 2015, le gouvernement proposera par la loi une nouvelle carte des régions. Elle sera établie pour le 1er janvier 2017.

•Mon deuxième objectif, c’est l’intercommunalité. Une nouvelle carte intercommunale, fondée sur les bassins de vie entrera en vigueur au 1er janvier
2018.

•Mon troisième objectif, c’est la clarification des compétences. C’est pourquoi je proposerai la suppression de la clause de compétence générale. Ainsi, les compétences des régions et des départements seront spécifiques et exclusives.

•Enfin, mon dernier objectif est d’engager le débat sur l’avenir des conseils départementaux. Je vous propose leur suppression à l’horizon 2021. Je mesure l’ampleur de ce changement. Il nous faudra notamment répondre au sentiment d’abandon qui existe dans nos départements et territoires ruraux. Ce changement donnera lieu à un profond débat dans le pays qui associera les élus et les citoyens. Mais il est désormais temps de passer des intentions aux actes.

Pour ce qui concerne l’Etat, sa présence sur l’ensemble du territoire est indispensable. Le maillage territorial des préfectures, des sous-préfectures, ne sera pas remis en cause, mais il faudra l’adapter progressivement à la nouvelle donne territoriale. C’est la garantie d’un égal accès de tous les citoyens aux services publics. Je veux d’ailleurs rendre hommage à l’ensemble de ces agents, qui sont le visage du service public.

Mesdames, messieurs les députés,

Redresser la France, c’est la redresser dans la justice.

La France sera forte, si elle est juste.

Notre nation est singulière : elle ne peut pas concevoir la force sans la Justice. L’un de nos grands génies, Blaise Pascal, l’a formulé de façon lumineuse : « la justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique ». Nous ferons tout pour que notre pays soit fort et juste.

Le gouvernement que je conduis accompagnera les Français les plus modestes. Là encore, aucune dispersion. Le Président de la République a indiqué le cap. Il faut aller à l’essentiel : l’école et le logement. Ces sujets sont vastes. Je n’évoquerai donc que les points essentiels.

Investir dans l’école de la République, dans ses enseignants, et pour ses élèves, c’est réinvestir la République de sa mission première : chaque enfant, peu importe son milieu social, doit bénéficier des mêmes opportunités.

Depuis deux ans, nous avons engagé une refondation de l’école : réforme des métiers, rétablissement de la formation des maîtres, lutte contre l’échec scolaire, priorité donnée au primaire, relance de la scolarisation des moins de trois ans.

Le redressement de l’école doit être poursuivi.

L’aménagement des rythmes scolaires est une bonne réforme car avec elle beaucoup plus d’enfants ont accès à des activités périscolaires, sportives, culturelles très complémentaires de l’éducation donnée par les enseignants. 93% des communes s’y sont déjà engagées. Cependant, j’ai entendu les remarques de bonne foi venant des élus. Ainsi, le cadre réglementaire sera assoupli après les concertations nécessaires avec les enseignants, les parents et les élus.

Ce qui doit compter et nous rassembler, c’est la réussite des élèves, partout en France.

Deuxième priorité : le logement.

Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de relancer la construction là où les besoins existent.

Pour produire davantage de logements, moins chers, plus vite, il faut simplifier. 50 mesures de simplification de règles et de normes existantes seront prises sans transiger sur la qualité et la performance. Les arrêtés seront publiés avant l’été.

Le logement pour tous est une mission qu’il nous faut mener ensemble, Etat, collectivités territoriales, de droite comme de gauche, entreprises, bailleurs sociaux et privés.

Mesdames et messieurs les députés,

La réalité je l’ai décrite. Elle atteint le moral des Français. Car ce qu’il manque dans leurs yeux, c’est la confiance en eux-mêmes. La confiance est la clef de tout. Je veux la donner à travers vous. Mais je viens aussi la chercher en vous.

Et je veux dire aux Français qu’ils doivent se regarder avec lucidité mais aussi fierté.

Notre pays a de la grandeur.

Cette grandeur n’est pas une nostalgie, c’est l’ambition qui nous anime de génération en génération. Car la France a tant d’atouts. Nos services publics, nos infrastructures, nos grandes entreprises, la beauté de nos paysages et de nos villages. Il y aussi notre agriculture, notre ruralité à la fois notre patrimoine et notre modernité. Il y a aussi l’immensité de notre espace maritime. Et les Outre-mer ont un rôle primordial – sur les 5 continents – pour notre présence dans le monde. Tout comme l’ensemble de nos compatriotes qui sont établis et travaillent à l’étranger.

Notre pays a une culture magnifique. La Francophonie, c’est plus de 200 millions de personnes, dans 75 pays, sur l’ensemble des continents.

La France, c’est la cinquième puissance mondiale. Son message est entendu, sa voix est respectée. Son drapeau parle directement au cœur des peuples opprimés.

Notre pays a du génie, dans l’innovation, la création. Je pense à notre 7e Art ou à notre musique qui sont capables de conquérir le monde. Je pense également à nos médecins, à nos chercheurs, à nos scientifiques, à nos prix Nobel.

Et puis, notre pays a le plus bel atout qui soit : la République et ses principes de tolérance, de solidarité, de respect et de progrès. La République, c’est avant tout les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous les citoyens. La République, c’est la sécurité. La République, c’est la laïcité. C’est l’essence de notre nation, sa sève, sa flamme.

La France, c’est aussi un pays de liberté. Cette majorité l’a montré en ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Mais je souhaite l’apaisement, et c’est la volonté du Président de la République. Et c’est aussi cela la gauche ! La gauche est fidèle à elle-même et à ses valeurs quand elle sait s’adresser à tous et rassembler.

Dans un pays traversé par les fractures, les rumeurs, notamment sur cette soi-disant théorie du genre à l’école, tous les républicains doivent savoir s’écouter, se retrouver et éviter les surenchères dont les extrémismes sont les seuls vainqueurs.

Je pense à la réforme pénale, dont le but, je le rappelle, est de lutter contre la récidive.

Je pense à la famille, sujet sur lequel nous devons continuer à légiférer dans le seul
intérêt de l’enfant.

Je pense à la politique d’immigration et d’asile : deux projets de loi vous seront bientôt soumis. Je pense aussi à la fin de vie pour laquelle un consensus peut être trouvé dans le prolongement de la loi Leonetti.

Il faut croire en nous-mêmes et en notre jeunesse.

C’est la grande priorité établie par la Président de la République. Notre jeunesse, toute notre jeunesse, celle notamment de nos quartiers populaires, victime trop fréquemment, je le sais, des discriminations. Souvent ces jeunes voudraient, mieux encore, aimer la France et être aimés d’elle. Je veux aussi dire à ces talents qui pensent que la France ne leur fait pas de place, que la France a besoin d’eux.

Soyons fiers d’être Français !

La France c’est un pays qui a toujours vu plus loin que lui. La France, c’est un pays qui porte son regard au-delà de lui-même. Et moi, je me battrai pour qu’il continue à voir plus grand. Car c’est cela être Français.

La France, c’est cette envie de croire que l’on peut pour soi et pour le reste du monde. La France ce n’est pas le nationalisme obscur, c’est la lumière de l’universel. La France, oui, c’est l’arrogance de croire que ce que l’on fait ici vaut pour le reste du monde. Cette fameuse « arrogance française » que nos voisins nous prêtent souvent, c’est en fait cette immense générosité d’un pays qui souhaite se dépasser lui-même.

La France a cette même grandeur qu’elle avait dans mon regard d’enfant, la grandeur de Valmy, celle de 1848, la grandeur de Jaurès, de Clemenceau, de De Gaulle, la grandeur du maquis. C’est pourquoi j’ai voulu devenir Français.

Voilà ce que nous sommes et ce que nous devons rester. Ne rétrécissons pas la France, ne rétrécissons pas ses rêves.

Et je vous demande le cœur battant pour la France de m’accorder votre confiance.

Pour qu’ensemble, cette confiance, nous la rendions aux Français !

Manuel Valls, Paris le 8 avril 2014





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31 mars 2014 1 31 /03 /mars /2014 20:11

L’Élysée sort son jocker avec Manuel Valls et …son nouvel outil, le "pacte de solidarité". RIP gouvernement Ayrault !


yartiFH20140331A01Le Président de la République François Hollande a voulu réagir très rapidement aux résultats désastreux (pour les socialistes) des élections municipales, par une allocution télévisée très solennelle de huit minutes le lundi 31 mars 2014 à 20h00. Heureusement que c’était l’heure d’été, sinon, François Hollande serait apparu en plein jour alors que la nuit tombait dans les chaumières (ce décalage aurait-il eu un sens pour décrire le fossé qui le sépare des Français ?).

François Hollande a confirmé la démission du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault et la nomination de Manuel Valls à Matignon. Une double information qui avait été rendue publique dès 18h00 par une fuite organisée par Jean-Marc Ayrault plein d’amertume.

François Hollande n’a pas manqué de mauvaise foi dans sa communication, invoquant à deux reprises (au début et à la fin) l’héritage qu’il avait trouvé en prenant ses fonctions (il y a quand même deux ans !) et, à la fin, en regrettant un pays divisé par de « vaines querelles », constatant : « La France souffre de ses divisions. ». Pourtant, c’est bien lui, tel le pompier pyromane, qui a été à l’origine de l’une des plus grandes divisions de la société française avec la mise en œuvre du mariage gay qui a provoqué plusieurs manifestations d’au moins un million de personnes.

Qu’importe, c’est de l’emballage, et après avoir rapidement remercié Jean-Marc Ayrault, il a donné quelques indications sur son action future et ses consignes.

Comme d’habitude (la communication n’est pas nouvelle), le nouveau gouvernement sera "resserré" et "de combat". François Hollande a donné trois missions à Manuel Valls.

La première est de poursuivre le "pacte de responsabilité" pour renforcer la santé des entreprises.

La deuxième, pour plaire à l’aile gauche (quelle inventivité sémantique), est de mettre en place un "pacte de solidarité" avec trois branches : l’éduction, la sécurité sociale, plus particulièrement la santé, et enfin, le pouvoir d’achat (il n’a peur de rien). On ne parle plus d’inversion de courbe, tant pis pour le chômage. L’objectif serait une baisse d’impôts et des cotisations salariales pour 2017 (après tant de hausses, on croit rêver : ne se moque-t-on pas des Français ?).

En somme, pour ces deux pactes, le premier à 50 milliards d’euros introuvables, le second à estimation indéterminée encore, on rase gratis.

D’où la troisième mission de Manuel Valls, une vaste réforme structurelle de l’État et des territoires, annoncée depuis deux ans et toujours sans aucun début de signe d’indice de commencement de proposition concrète. Les mots, toujours les mots, suffisamment vagues pour brasser l’air, à condition qu’il ne soit pas trop pollué.

Et une mission de communication : convaincre la Commission Européenne que la France, avec un tel programme, va dans la bonne direction. Convaincre les partenaires européens que Manuel Valls est le Matteo Renzi français !

François Hollande stagne toujours dans cette indécision molle de mettre le "pacte de solidarité" pour plaire à son aile gauche et aux écologistes (qu’il compte bien garder dans sa majorité, mais c’est trop tard, Cécile Duflot a déjà annoncé qu’ils quittaient le gouvernement) et le "pacte de responsabilité" toujours en cours à l’Élysée malgré son inconsistance.

Concrètement, donc, pas grand chose de nouveau tout au long des prestations télévisées présidentielles depuis deux ans.

Les écologistes quittent le navire comme les communistes ont quitté le navire lors de l'arrivée de Laurent Fabius à Matignon en juillet 1984, c'est-à-dire, à contre-temps.

yartiFH20140331A02

Attardons-nous plutôt sur le nouveau Premier Ministre Manuel Valls. Mea culpa, je considérais encore très récemment que sa nomination à Matignon ne me paraissait pas très plausible. Dont acte. Errare humanum est.

Visiblement, François Hollande voudrait retrouver la situation (exceptionnelle) où il était vu comme déterminé et décidé. C’était pendant sa campagne présidentielle entre janvier et mai 2012. Or, celui qui l’a rendu aussi incisif, c’était Manuel Valls, simple directeur de communication de sa campagne mais qui, en importance, avait phagocyté le directeur de campagne en titre, à savoir Pierre Moscovici, l’actuel Ministre de l’Économie et des Finances.

Il est indéniable que Manuel Valls a deux qualités, en plus de son ambition dévorante : il a un réel talent dans la communication politique (c’était son métier), et il est un vrai meneur d’hommes et il est probable que, dans un premier temps, un peu comme à l’époque du gouvernement d’Alain Juppé, les ministres n’oseront pas trop s’exprimer de façon intempestive et désordonné. Manuel Valls, nouveau Jules Moch ?

Cela dit, il y a fort à parier que le petit état de grâce consécutif à cette "nouveauté" ne va pas durer plus d’un mois et que la campagne des élections européennes restera très difficile pour les socialistes. Quelle serait alors la réaction de François Hollande si le FN atteignait la tête des listes aux européennes et que le PS faisait un score encore catastrophique ? Que vaudrait encore Manuel Valls à la bourse de Matignon ?

Indépendamment de l’échéance européenne, il y a de fortes probabilités pour que l’actuelle popularité du ministre Manuel Valls se transforme en impopularité du Premier Ministre Manuel Valls, exactement à l’instar de Dominique de Villepin lorsqu’il est arrivé à Matignon. Ou, du moins, que sa popularité soit indexée sur les statistiques du chômage.

Comme je souhaite la réussite de mon pays, je souhaite donc bonne chance à Manuel Valls ainsi que à sa future équipe gouvernementale. Mais sans aucune illusion…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 mars 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Composition du gouvernement de Manuel Valls (quand elle sera connue).
Second tour des élections municipales du 30 mars 2014.
François Hollande.
Manuel Valls à Matignon ?
Jean-Marc Ayrault.

yartiFH20140331A03


http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-hollande-grincement-de-150122

 

 

 

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15 janvier 2014 3 15 /01 /janvier /2014 07:21

« Tâtonner : tâter dans l’obscurité pour se diriger, pour trouver quelque chose ; faire différents essais dans une direction approximative pour arriver à un résultat. »


yartiFH2014011401C’est exactement cela. Le Président de la République François Hollande ne cesse de tâtonner depuis qu’il a pris ses fonctions à l’Élysée il y a vingt mois. On ne peut pas dire que la direction soit forcément mauvaise (la baisse des déficits publics et l’encouragement à l’activité économique sont deux principes de base plutôt favorables au redressement national) mais visiblement, il y va avec hésitation, voire honteusement, et sans réelle vision du comment alors qu’il sait à peu près expliquer le pourquoi.

Ce mardi 14 janvier 2014, François Hollande s’est prêté en effet au jeu de la conférence de presse très cérémoniale dans le salon d’honneur du Palais de l’Élysée, réunissant à grandes pompes six cents journalistes accrédités de la presse présidentielle et l’ensemble du gouvernement (à l’exception de deux ministres retenus dans des débats au Parlement). Une prestation interminablement longue, comme à son habitude, après huit minutes de retard : trois quarts d’heure laborieux d’introduction (vingt minutes étaient prévues) et deux heures de réponses aux questions des journalistes. Prévue initialement en novembre 2013, c’est sa troisième conférence de presse présidentielle après celles du 13 novembre 2012 et du 16 mai 2013.


Gestion médiatique de la conférence de presse

Avant de poursuivre sur cette intervention, permettez-moi de vous faire part mon incompréhension sur la "gestion" des médias et des journalistes en général : tout a tourné, avant, pendant et après, autour de la vie privée du Président.

Alors que la France ne cesse de voir s’effondrer son dynamisme économique au point de mettre en péril sa cohésion sociale, alors que la France est impliquée dans des interventions militaires qui coûtent la vie à certains de ses soldats, tout le microcosme n’a d’yeux que pour quelques photos prises à la sauvette à l’heure du laitier (qui n’existe plus).

Certes, l’image de la France est passablement écornée auprès de nos partenaires internationaux, certes, la vie privée peut relever de la vie publique lorsqu’il est question d’engager de l’argent public, mais il me semble qu’au lieu de se focaliser sur ce sujet, somme toute mineur, les journalistes présents auraient pu poser quelques questions plus utiles, comme demander de préciser les quelques propositions floues qu’il a lancées au cours de ces trois heures.

Mon autre sujet d’agacement, c’est que les médias parlent presque tous d’un "tournant" dans le quinquennat de François Hollande, alors que je n’y vois rien d’autre que la poursuite d’une conduite dans le brouillard. Comme l’explique la définition du tâtonnement, on change rapidement d’orientation quand on se dirige sans assurance dans le brouillard.


La forme

Passons rapidement sur la forme. Le cérémonial élyséen est bien rôdé et on est loin des velléités initiales d’aller discuter avec les journalistes chez eux. Le Président est normal pour la Ve République, avec ce caractère monarchique, d’allégeance et presque obséquieux des conférences de presse de tous ses prédécesseurs. Seule, la position debout, adoptée aussi par Nicolas Sarkozy, change des conférences gaulliennes ou pompidoliennes.

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Et c’est bien le monarque qui gouverne (ce qui est normal puisque les Français l’ont élu pour cela). À chaque nouvelle intervention présidentielle correspond un nouveau "train" de mesures économiques et sociales. Il n’y a en ce sens aucune continuité, ce ne sont que des discontinuités permanentes dans la politique du gouvernement.

Ce gouvernement a d’ailleurs reçu le soutien rassurant du chef de l’État : alors que, dans ses vœux aux Français, François Hollande avait carrément oublié la grande réforme fiscale initiée par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault il y a quelques semaines (le 25 novembre 2013), il l’a confirmée et a affirmé que le gouvernement continuerait sa politique avec l’objectif de 2017, sans néanmoins vouloir répondre aux questions sur un éventuel remaniement. La logique institutionnelle du quinquennat fait que le Premier Ministre a de grandes chances de rester pendant tout le mandat présidentiel, vu que Matignon n’est plus un fusible puisque le Président est toujours en première ligne (mardi encore).

François Hollande continue toujours à singer François Mitterrand dans sa manière de parler ; pourtant, il n’a jamais été meilleur que lorsqu’il était naturel et authentique (avant 2010). Un journaliste lui a demandé quel était celui dont il était le plus proche, Lionel Jospin ou Tony Blair et il a répondu qu’il se sentait proche de lui-même, en ne marchant sur les traces de personne.

Sur la forme, à part cette raideur de l’expression, François Hollande a été plutôt bon, très présidentiel, réussissant à garder un peu son humour mais en laissant un souvenir principalement de gravité et de combativité en raison du contexte actuel qui n’est pas à la fête.

Il a cependant commis quelques boulettes, ne sachant pas par exemple quand auront lieu les prochaines élections européennes (il a parlé de "juin" alors qu’elles auront lieu le 25 mai 2014), ou encore, montrant qu’il ne sait pas vraiment conduire correctement une automobile (ou un scooter ?) : après avoir parlé d’une "accélération" dans ses réformes, François Hollande a répondu à un journaliste qui lui demandait s’il s’agissait d’un "tournant" et il a expliqué que non, puisque à un tournant, on serait obligé de ralentir (au code de la route, on m’avait appris qu’au contraire, pour négocier un virage, il fallait accélérer un peu).

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Il a aussi lancé des formules qui n’ont pas vraiment d’effet, comme : « En dix-huit mois, il n’y a jamais eu autant de réformes structurelles que depuis des années, je dis bien des années ! ». En insistant sur le "des années", cela n’avait pas beaucoup de sens sans préciser combien, dix ans, cinquante ans etc. car si c’était deux ans, ce serait un peu une lapalissade.

Souvent botteur en touche, François Hollande a aussi adopté largement la tactique de Nicolas Sarkozy de renvoyer une question miroir aux journalistes, comme : « Est-ce que vous croyez que c’est facile ? » (facile de présider, facile d’augmenter les impôts, etc.). De même, je ne suis pas sûr que le contribuable qui l’a écouté dire que sa première mesure était d’augmenter les impôts, que ce n’était pas facile car sa cote de popularité a dégringolé, se douterait que le Président ait bien compris ses problèmes de pouvoir d’achat.

Passons maintenant au fond.


L’information essentielle

Pour moi, l’annonce qui engage le plus les Français et la France, ses valeurs et son éthique, et qui me paraît particulièrement scandaleuse, c’est sa décision de mettre en place l’euthanasie active. Sans même attendre un nouvel avis du Comité d'éthique. Pour moi, c’est un coup porté aux valeurs les plus importantes de la République. En annonçant cette réforme d’une "aide médicalisée" à mourir, il s’est soumis aux lobbies des marchands de la mort (j’y reviendrai plus tard).

Ce qui est navrant, c’est qu’aucun journaliste n’a semblé utile de l’interroger sur ce sujet très important, et un nouveau "fait divers" avec implications judiciaires (concernant Vincent Lambert au CHU de Reims, à ne pas confondre avec feu Vincent Humbert) commence même à être exploité dans cette optique d’imposer l’euthanasie active alors que la loi Leonetti du 22 avril 2005 est suffisante pour répondre à tous les cas sans empêcher la justice d’enquêter sur tous les homicides de quelque nature que ce soit.

Cela dit, François Hollande voulait mettre avant tout sa prestation sous le signe de l’économie et du social.


Le pacte de responsabilité

S’il fallait résumer en une seule expression la conférence de presse présidentielle, ce serait avec le "pacte de responsabilité". C’est une nouvelle expression sortie de la sacoche du bricoleur en chef le 31 décembre 2013 et dont il fallait bien étoffer le concept. Et ce pacte sera officiellement "lancé" par François Hollande le 21 janvier 2014 à l’Élysée.

Il s’agirait d’une sorte de contrat entre l’État et les entreprises, l’État s’engagerait à faciliter la vie des entreprises (baisse des charges, simplification administrative) et les entreprises s’engageraient à embaucher. Encore une fois, ce type de contrat, intéressant sur le papier, ne fonctionnerait qu’en lisière de l’économie : les entreprises recrutent seulement s’il y a un marché, des clients, des investisseurs pour produire. Pas parce que l’État le veut ou le leur demande gentiment.

Rien ne marche alors, on tâtonne comme on peut. C’est donc le énième outil d’une boîte à outils déjà bien fournie, après le pacte de compétitivité, après les emplois aidés etc. C’est surtout la conclusion que son CICE (crédit impôt compétitivité emploi) ne fonctionne pas puisqu’il s’agit finalement de le remplacer. C’est un véritable constat d’échec et François Hollande rendrait les choses un peu plus éclairantes s’il avait eu l’humilité de dire qu’il s’était trompé.

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C’est le rapport Gallois qui avait proposé une baisse des charges le 5 novembre 2012. Au lieu de cela, François Hollande avait décidé huit jours plus tard de construire une usine à gaz : pas de baisse de charges mais un crédit d’impôt qui serait versé par l’État aux entreprises d’un montant équivalent à une baisse des charges. Une logique toute shadok : pourquoi faire simple alors qu’on peut faire compliqué ? En 2014, il s’agit de 12 milliards d’euros (4% de la masse salariale) et en 2015, de 20 milliards d’euros (6%).

Ce qui est proposé, c’est finalement d’abandonner (sans le dire !) le CICE et de revenir à la solution (nettement plus simple) préconisée dans le rapport Gallois, à savoir une baisse des charges sur les salaires, et la décision est de supprimer d’ici 2017 les cotisations familiales, soit entre 30 et 35 milliards d’euros. C’est donc une baisse supplémentaire de 10 à 15 milliards d’euros par rapport au pacte de compétitivité. C’est donc toujours cela de gagné pour les entreprises, pour augmenter leurs marges et favoriser les investissements (et donc l’emploi). Il a d’ailleurs annoncé aussi que le CIR (crédit impôt recherche) serait facilité pour les PME-TPE et pourrait aussi porter également sur les dépenses d’innovation.

Sur le fond, la direction me paraît donc plutôt bonne, favoriser l’investissement. Mais la méthode est désastreuse. Car évidemment, cela nécessitera bien de trouver les 30 à 35 milliards d’euros ailleurs (j’y reviendrai plus loin) mais l’effet sur le monde économique n’est qu’édulcoré. Si le 13 novembre 2012, François Hollande avait annoncé un choc de compétitivité de 35 milliards d’euros (au lieu des 12 milliards seulement deux ans après), cela aurait eu un effet beaucoup plus dopant pour l’économie française.

Surtout que François Hollande a bien compris que le principal problème de la France, ce n’est pas sa capacité à être dynamique économiquement (elle en a les moyens ; la France a une excellente recherche scientifique, de grandes entreprises mondiales très performantes, comme Airbus) mais le manque global de confiance en eux-mêmes des Français. Or, la méthode Hollande plombe cette confiance.

Cette méthode, c’est de ne pas dire clairement les choses, sans doute parce que dans l’esprit présidentiel, les choses ne sont pas encore très claires. Il a cependant franchi une étape sémantique supplémentaire en se revendiquant clairement de la social-démocratie. Il avait d’ailleurs déjà cité deux fois ce mot ("je suis social-démocrate" et "c’est une démarche social-démocrate") quand le journaliste Ivan Levaï lui a posé la question "Quand allez-vous donc vous dire social-démocrate ?" ; l’éditorialiste aurait mieux fait d’écouter avant de poser sa question, il a été gentiment "cassé" par le Président.


Le pacte de "déresponsabilité"

L’autre mesure des deux principales annoncées le 14 janvier 2014, ce fut la réduction des dépenses publiques. Pour baisser le déficit public, il s’est donné un objectif de baisser de 50 milliards d’euros les dépenses publiques d’ici 2017 : 18 milliards en 2015, 18 milliards en 2016 et 17 milliards en 2017.

Là aussi, l’objectif est louable et il a eu raison quand il a parlé de vouloir créer un cercle vertueux (moins de déficit, donc moins de dette, donc moins d’impôt, donc plus de pouvoir d’achat, donc plus de croissance, donc plus d’emplois, donc moins de déficit etc.).

Pourtant, j’ai vu repointer l’illusionniste du Bourget, dans ces tirades sur la baisse de réduction des dépenses publiques. Déjà, il a fait une affirmation fausse en disant qu’il a baissé de 15 milliards d’euros les dépenses publiques. C’est faux. Il a au contraire augmenter de 20 milliards d’euros les dépenses publiques. Mais il a parallèlement augmenter de 35 milliards d’euros les impôts et taxes, ce qui a réduit effectivement le déficit de 15 milliards d’euros. Il aurait mieux fait de ne pas avoir d’abord augmenté de 20 milliards d’euros les dépenses publiques, cela aurait été plus cohérent dans son discours et plus efficace pour ses objectifs.

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Comment va-t-il s’y prendre ? Là, François Hollande a sorti un lapin de son chapeau : le futur "conseil stratégique de la dépense publique" qui va siéger tous les mois pour dire ce qu’il faudrait réduire dans la voilure sans avoir d’effet sur les missions sociales de l’État. En clair, il se déresponsabilise complètement du processus très politique de réduire les dépenses. C’est pourtant à lui de prendre les décisions, pas à un comité Théodule qui n’aurait d’ailleurs de légitimité que si toutes les formations, du moins parlementaires, y étaient représentées.


Esprit partisan et embrouilleur

Mais la démarche de François Hollande ne paraît pas vraiment consensuelle. S’il a annoncé que le gouvernement mettrait en jeu sa responsabilité sur le pacte de responsabilité, il a dénoncé par avance l’opposition de ne pas vouloir le redressement de la France si jamais elle désapprouvait ce pacte (alors qu’il n’a pas indiqué qu’il voulait la consulter pour le définir en commun).

D’ailleurs, la démarche paraît bien partisane quand, au détour d’une question sur ce qui le distinguait de Nicolas Sarkozy, il a expliqué que lui, il n’avait pas augmenté la dette publique de 600 milliards d’euros de 2007 à 2012 (voir les conclusions de la Cour des Comptes du 2 juillet 2012 sur le sujet), avec une mauvais foi phénoménale puisqu’il n’a pas évoqué du tout la crise de septembre 2008 et que, dans l’opposition, il avait critiqué le projet de relance trop peu ambitieux du gouvernement de l’époque (il faudrait savoir ce qu’on veut). En revanche, il ne s’est pas privé d’évoquer la crise depuis 2012 (qu’il n’avait pas appréciée à sa juste mesure ! …devant les électeurs). Inutile aussi de faire le bilan de vingt mois sur le front du chômage pour faire des comparaisons…

Sur la baisse du déficit public, François Hollande a montré par ailleurs dans ses propos une nette propension à embrouiller le cerveau de ses auditeurs. En effet, il a décidé de réduire de 50 milliards d’euros les dépenses de l’État pour réduire le déficit. J’en prends acte. Mais au détour d’une question, il a expliqué aussi que le financement du pacte de responsabilité se ferait par la baisse des dépenses publiques.

Alors, le magicien pourra-t-il tromper longtemps son auditoire ? Ces 50 milliards d’euros ne peuvent pas se dédoubler : ils ne pourraient pas être affectés en totalité à la réduction du déficit public si, parallèlement, il finançait les 35 milliards d’euros du pacte de responsabilité. Ce qui paraît d’autant plus prévisible qu’il ne veut (selon lui) plus imposer davantage les ménages ni les entreprises. En fait, cet énorme effort sur l’État ne ferait qu’une réduction de 15 milliards d’euros du déficit, ce qui serait nettement insuffisant.


Rationaliser les collectivités territoriales

Pour réduire les dépenses publiques, François Hollande a bien sûr indiqué quelques vagues pistes avec notamment la réforme des collectivités territoriales. Il avait abrogé la réforme de Nicolas Sarkozy et il avait même rajouté de la complexité entre les collectivités, et voici que quelques mois après, il voudrait proposer une nouvelle réforme (quelle instabilité). À noter le beau mot de Pouria Amirshahi, un député socialiste qui s’exprimait quelques heures plus tard sur BFM-TV : « Les histoires de mille-feuilles, c’est la tarte à la crème ! ».

Il y a beaucoup à faire pour "rationaliser" le fonctionnement des collectivités locales. François Hollande l’a d’autant mieux admis qu’il a rappelé qu’il a été maire, président de conseil général, et même député européen. Il a évoqué le précédent heureux du département du Rhône (dont le conseil général est présidé par Michel Mercier, ex-MoDem et ancien Ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy) et de la communauté urbaine de Lyon (présidée par le sénateur socialiste Gérard Collomb) pour se répartir les compétences entre zone urbaine et zone rurale.

Mais il a oublié aussi le précédent de l’unification de l’Alsace, pourtant très identitaire, qui n’a pas été capable de faire aboutir le 7 avril 2013 la fusion pourtant logique des trois collectivités (deux départements, une région).

Or, la méthode de François Hollande consiste ici à demander aux élus de s’autodétruire : cela ne fonctionnera pas. Il faudrait passer par la loi, être plus contraignant, et éventuellement, faire ratifier par référendum la refonte complète du maillage territorial (de plus grandes régions, des départements en complément rural aux intercommunalités urbaines, etc.).


Trois sujets sur lequel il a été convaincant

François Hollande s’est bien sorti de la question sur la liberté d’expression et l’interdiction confirmée par le Conseil d’État contre des spectacles à connotations supposées antisémites. Il a estimé que le meilleur moyen de lutter contre l’antisémitisme, c’est de lutter contre l’irrespect de toutes les religions, évoquant à mots couverts les initiatives des Femen.

Son bilan de l’action de la France au Mali a été également très convaincante, sur le rétablissement de l’État de droit, l’organisation d’élections et la mise en place d’un fonds de 3 milliards d’euros d’aide internationale dont 800 millions déjà débloqués. Sur le Centrafrique, c’était un peu moins clair si ce n’est la nécessité de l’intervention pour éviter un massacre annoncé. François Hollande a aussi insisté sur le fait que la France aurait été techniquement et immédiatement prête à envoyer des missiles à la Syrie si la situation l’avait exigé.

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Enfin, j’ai trouvé François Hollande convaincant aussi sur l’Europe et la construction européenne. Pas sur le flou de certaines initiatives qu’il souhaiterait prendre avec l’Allemagne (sur la transition énergétique), ou sur une gouvernance de la zone euro qui devient de plus en plus nécessaire (le dernier sommet européen a finalement décidé uniquement pour les membres de la zone euro). Mais pour sa volonté de ne pas renoncer à se dire favorable à la construction européenne à l’occasion des élections européennes, à ne pas laisser le terrain aux "populistes" qui sont, selon lui, avant tout des "extrémistes" qui veulent saccager ce beau projet européen : « Je ne laisserai pas faire au cours des prochains mois ceux qui veulent en terminer avec l’idée européenne, pas seulement France, il y en a, parfois même au gouvernement ! » [Il s’est rattrapé en disant qu’il parlait de membres de gouvernements étrangers]. Il a évoqué pour cela le centenaire de la Première guerre mondiale et cette patiente construction de la paix sur le continent.


De l’utilité d’un pape

François Hollande a été particulièrement impoli en justifiant sa (première) visite au Vatican le 24 janvier 2014 ; il a dit ("sauf le respect qui lui est dû") qu’il pensait le pape François "utile". Parler d’utilitarisme pour se justifier d’aller voir le pape me paraît d’un très mauvais goût, comme s’il s’agissait d’instrumentaliser le pape.

Et en quoi serait-il utile ? Pour favoriser la paix en Syrie, pour protéger les chrétiens d’Orient pourchassés dans les pays musulmans et (là, j’ai "halluciné", comme on dit), pour conforter le prochain sommet mondial sur l’environnement en 2015 (Nicolas Hulot est déjà allé au Vatican dans ce but).

Je ne sais pas comment seront ressenties ces déclarations au Vatican, mais je pense que Nicolas Sarkozy a été bien plus performant dans ce domaine diplomatique.


Au lourd maintien

François Hollande m’a donné l’impression qu’il ne savait toujours pas où il allait. Il est certes pragmatique, il cherche ce qui pourrait effectivement redonner de l’emploi en France, mais il ne redonnera pas la confiance car il n’est pas franc avec les Français. Comment ne pourraient-ils pas douter alors que lui-même doute sans cesse de sa propre politique ?

Empêtré médiatiquement par une stupide affaire affective (Dominique Strauss-Kahn n’est finalement pas le seul) et incompris sur sa politique économique, François Hollande croit pouvoir redorer son image auprès de ses anciens électeurs les plus à gauche en renonçant scandaleusement aux valeurs de la République par sa décision d’autoriser l’euthanasie active. J’espère qu’une mobilisation sera réelle pour rappeler au Président de la République un minimum d’éthique sur ce sujet essentiel de la vie et de la mort, abordé avec une si grande légèreté.

Cette conférence de presse m’a finalement fait penser à une chanson populaire écrite par Charles-François Panard (1694-1765), ancien clerc de procureur, intitulée "Le Hollandais" (citée dans un ouvrage de Louis Montjoie) et qui commence ainsi :

« Un Hollandais, riche comme  un Crésus,
Au lourd maintien, à face ronde,
Se dit un jour : "Consacrons mes écus
Aux jouissances de ce monde ;
Rassemblons à la fois
Les objets dont le choix
Offre au mortel la plus suave ivresse
Pour me bien divertir ce soir,
Dans mon logis je veux avoir
Pot de bière, pipe et maîtresse". »

La chanson finit tristement :

« Faibles mortels, c’est ainsi qu’à vos yeux
Le bonheur s’envole en fumée,
Soit qu’à l’amour vous adressiez vos vœux,
Soit à l’or, à la renommée.
Un grand perd ses États,
Un gourmand un repas,
L’auteur sa rime, un traitant sa richesse.
Hélas ! au moment de jouir,
On voit tomber, s’éteindre ou fuir,
Pot de bière, pipe et maîtresse ! »


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 janvier 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Une empathie combative ?
L’humour présidentiel à la radio.
Jusqu’où descendra-t-il ?
La courbe du chômage…
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
La République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Seconde conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-hollande-grand-tatonneur-146415


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1 janvier 2014 3 01 /01 /janvier /2014 07:48

Pas évident de souhaiter bonne année à une nation en pleine défiance. François Hollande a réussi cependant à montrer qu’il pouvait rebondir et aller dans la bonne direction. Reste que du discours présidentiel aux actes, il y a souvent un fossé...


yartiFHvoeux201401Se prêtant à l’exercice traditionnel des vœux télévisés le 31 décembre 2013 à 20 heures, le Président de la République François Hollande s’est voulu "combatif" après une année de grande impopularité où quatre Français sur cinq rejettent sa politique.

Enregistrés à l’avance, ces vœux de dix minutes n’étaient pas une perfection dans la forme, avec une image mal réalisée (le fond plaqué de la cour de l’Élysée a rendu la séquence proche d’une vieille série télévisée) et un ton était haletant et peu posé, mais François Hollande pouvait-il faire mieux ? Sans doute pas.

Il a d’abord laissé entendre qu’il comprenait tous ceux qui lui en veulent, et en particulier les contribuables en admettant (en avouant !) que les impôts étaient bien trop lourds pour les Français. La méthode Coué, dont il n’a pas encore réussi à se débarrasser (sale maladie), en rappelant que les résultats "bons" sont là mais tardent à venir (ce qui constitue un paradoxe hollandien), a donc semblé s’éclipser derrière une séquence de Docteur Jekyll et Mister Hyde, car regretter les hausses d’impôts tout en les décrétant ne convaincra pas beaucoup de Français de sa sincérité… Le 1er janvier 2014, justement, la TVA est en hausse, parfois de manière brutale (passage de 7 à 10%).

Mais avait-il le choix vu le contexte budgétaire ?

Le problème, et il l’a répété ce 31 décembre, c’est que François Hollande n’aurait pas prévu une telle crise. Il pensait, lorsqu’il était candidat, que la croissance reviendrait par sa simple présence à l’Élysée. Une sorte d’opération du saint Esprit. La plupart des "connaisseurs" de l’économie avaient beau rappeler la réalité, les rêves (à réenchanter) ne s’arrêtent que lorsqu’ils deviennent cauchemars.

Sur le discours présidentiel, il n’y a rien de vraiment critiquable sur le fond. Au contraire, il a même annoncer une série de mesures pour 2014 qui pourraient être intéressantes même si le moment de ces annonces était mal choisi. Mais comme pour le discours du Bourget, on remarquera que François Hollande est un beau parleur mais un piètre acteur, un piètre réalisateur.

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Le pacte de responsabilité avec les entreprises ? Pourquoi pas, c’est sympathique, en effet. Une sorte de contrat gagnant/gagnant : l’État réduit les contraintes sur les entreprises et les entreprises embauchent. Oui, mais le problème, c’est que les entreprises n’embaucheraient pas pour les beaux yeux de François Hollande. Elles embaucheraient parce qu’elles auraient besoin de salariés supplémentaires parce que leurs activités seraient en croissance, parce que l’environnement seraient favorables, pas parce que l’État le déciderait (du reste, cela met à mal aussi le principe des baisses des charges : cela ne créerait pas d’emploi si celui-ci n’avait pas une raison avant tout économique). C’est un peu ce qu’a rappelé Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem en réaction à cette allocution présidentielle.

Réduire les dépenses de l’État ? C’est une nécessité que François Hollande n’avait semble-t-il pas compris l’été 2012 lorsqu’il a voulu recruter en masse de nouveaux fonctionnaires. 2014 va sans doute faire "mal" à l’État puisque le Président de la République s’est engagé sur sa propre personne à réduire la voilure étatique. Nul doute que cela va provoquer des remous.

Peut-être d’ailleurs que la piste, c’est la profonde réforme des collectivité locales qu’il va proposer cette année 2014 : réduire le trop grand nombre d’échelons administratifs. C’est pertinent mais concrètement, il a abrogé la réforme (mal ficelée à mon sens) réalisée par son prédécesseur et a remultiplié le nombre des élus (avec un redécoupage complet des cantons qui laissent augurer une grande manipulation électorale pour mars 2015).

yartiFHvoeux201402

Autre annonce qui peut paraître pertinente sans pour autant être analysable puisque son contenu est encore dans l’attente, c’est cette "initiative" avec l’Allemagne pour la construction européenne. Faut-il donc que les considérations de politique intérieure prennent en otage la vision européenne pour essayer d’en esquisser les futurs aspects ?

En oubliant le million de manifestants bons enfants dans les rues contre le mariage gay, François Hollande a également insisté sur le dialogue social en évoquant tant l’accord du début 2013 sur le code du travail que celui de la fin de l’année sur la formation professionnelle. Si le dialogue se réduit à la méthode pour un passage en force de l’euthanasie active, alors, effectivement, il y a dialogue… mais biaisé.

François Hollande a néanmoins eu de la chance puisque le même jour, il a pu annoncer la libération d’un otage français au Cameroun, le père Georges Vandenbeusch, que, accompagné de Laurent Fabius, le Président de la République a accueilli tôt à l’aéroport de Villacoublay le lendemain matin. Il a cependant rappelé la présence d’autres otages français et également la disparition de neuf soldats français au Mali et en Centrafrique.

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Sa conclusion également n’était pas sans pertinence : dire que c’est une chance d’être Français est une évidence pour beaucoup de nations au monde, mais comment peut réagir celui qui vient de perdre son emploi, ou un autre qui vient de voir s’effondrer une grande partie de son pouvoir d’achat à cause de la hausse délirante des taxes et des impôts ? Sûrement pas un sentiment de fierté. Plus l’idée d’une colère incomprise.

L’exercice présidentiel n’était donc pas aisé, mais l’épreuve a été passée avec un relatif succès sur ses objectifs : montrer qu’il comprenait les difficultés des Français (malgré sa joie d’être à l’Élysée), et laisser entendre qu’il allait (enfin) prendre de bonnes décisions. Il sera évidemment jugé à ses actes. François Hollande donnera probablement des précisions sur ses intentions dans sa nouvelle conférence de presse programmée pour le 14 janvier 2014.

Quant à moi, puisque c’est également le jour, j’en profite pour exprimer, aux lecteurs qui me font l’honneur de leur attention, mes meilleurs vœux pour la nouvelle année, avant tout de bonne santé, car c’est l’essentiel.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (1er janvier 2014)
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Pour aller plus loin :
L’humour présidentiel à la radio.
Jusqu’où descendra-t-il ?
La courbe du chômage…
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
La République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Seconde conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

yartiFHvoeux201405



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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 07:09

L’État en viendra-t-il à recruter des policiers à poster devant chaque lit de France et de Navarre ? Et devant chaque porte cochère ?


yartiProstitu01La proposition de loi visant à pénaliser les clients de la prostitution a été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale ce mercredi 4 décembre 2013, avec 268 voix contre 138 (dont les députés écologistes). 79 députés se sont abstenus et 92 n’ont pas pris part au vote. Le texte va donc aller au Sénat.

La loi énonce trois éléments :
- Premièrement, elle sanctionne les clients de la prostitution, par une amende de 1 500 euros voire 3 000 euros en cas de récidive (ce qui fait cher la "passe").
- Deuxièmement, elle abroge le délit de racolage passif mis en place en 2003.
- Enfin, troisièmement, elle prévoit quelques mesures pour favoriser la réinsertion des prostituées.

Précisons avant de commenter que le milieu de la prostitution m’est totalement étranger. Je considère même que la plupart des prostituées auraient plutôt un effet répulsif qu’attractif sur ma libido. Je ne sais pas si je suis normal (probablement pas, vu le nombre de fantasmes qui s’inspirent du look des prostituées) mais je reste toujours perplexe face à ce type de demandes que l’État a su très vite taxer comme n’importe quelle autre activité professionnelle.

Précisons également que je reste toujours abasourdi devant les sujets que ce gouvernement considère comme prioritaires (à l’instar du mariage gay) et dont les discussions polémiques polluent les vraies urgences d’aujourd’hui (qui restent avant tout économiques : l’emploi, le logement, la réindustrialisation de la France, le déficit du commerce extérieur, etc.). Je sais que c’est une proposition de loi et pas un projet d’origine gouvernementale, mais la ministre Najat Vallaud-Belkacem semblait prendre à coeur la défense de ce texte devant les députés. Je sais aussi qu’un gouvernement doit pouvoir agir sur plusieurs fronts à la fois, mais point trop n’en faut.

Vu l’importance secondaire du sujet, il ne me paraîtrait pas vraiment raisonnable, par exemple, de vouloir manifester pour défendre le "droit à la prostitution". Il y a d’autres causes bien plus essentielles dans ce monde si imparfait pour se mobiliser ainsi.

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D’un point de vue intellectuel, ce texte peut être compréhensible : au lieu de se focaliser sur l’offre (notamment en rendant délictueux le racolage passif sur voie publique, ce qui ne m’apparaissait pas vraiment souhaitable), la majorité parlementaire s’est concentrée sur la demande, les clients. Et disons-le clairement, pour la très grande majorité, il s’agit d’hommes et pas de femmes.

Sur le plan intellectuel, on peut cependant douter de bien comprendre ce texte : la prostitution reste encore autorisée mais les clients seront pénalisés. C’est un peu hypocrite, c’est comme si on autorisait la libre circulation en automobile mais qu’on obligerait les automobilistes à payer des PV …dans tous les cas !

D’un point de vue moral, il se comprend aussi. Mais en reprenant la morale de la fin du XIXe siècle. Inutile de pointer ici l’incohérence du gouvernement à soutenir un texte qui pénalise les relations extraconjugales à finalités pécuniaires et parallèlement, toute une batterie de textes ou de futurs textes qui rompent avec cette même morale : le mariage gay et l’autorisation d’expérimentation sur des embryons humains, en attendant d’autres sujets que je n’ose même pas imaginer, tant une partie de cette majorité socialiste se montre "ultra" sur ces questions.

Incohérence aussi avec le principal "financeur" des campagnes électorales socialistes qui n’hésitait pas il y a quelques mois à comparer la location d’utérus avec l’utilisation de ses bras pour un ouvrier, on le supposera donc agacé ici qu’on ne puisse plus disposer tranquillement de son corps comme outil de travail.

Incohérence également quand on laisse entendre que la Ministre de la Justice Christiane Taubira préparerait un projet pour dépénaliser la consommation de cannabis.

Je conçois également qu’il n’y a pas de liberté absolue à disposer de son propre corps, pour la simple raison que cet unique principe encouragerait le trafic d’organes. Dans un État de droit, les libertés doivent être encadrées de manière à ce qu’aucun citoyen ne soit lésé, d’une manière ou d’une autre, par la liberté d’autrui.

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En revanche, d’un point de vue social, cette décision me paraît aberrante. Encore une fois, il faut revenir à l’objectif : l’objectif n’est pas d’interdire à de misérables hommes d’aller fréquenter des prostituées (en écrivant cela, j’ai vraiment l’impression que la vie politique s’est désormais immiscée sous les couettes), mais de venir en aide aux personnes (essentiellement des femmes) qui ont décidé, parfois par défaut, de "vendre" leur corps pour quelques minutes de plaisir tarifé. Et surtout, d’éviter qu’elles le fassent sous la contrainte.

J’imagine là aussi que devenir prostituée ne doit pas être follement enthousiasmant. Comme on deviendrait acteur ou footballeur. J’imagine que, malgré parfois des articles de pages entières du journal "Le Monde" consacrés à des femmes qui, pour garder un certain niveau de vie, sacrifient quelques-unes de leurs soirées pour remettre à niveau leur porte-monnaie, c’est toujours une honte d’en arriver jusque-là.

Encore une fois, je reste personnellement dans l’incompréhension de ces personnes qui séparent les relations sexuelles des relations affectives. Mais j’admets que la réalité montre que cette séparation, tout comme l’incidence de l’argent à un stade ou à un autre d’une relation, existent parfois. L’État doit-il culpabiliser les miséreux du sexe ? Est-ce son rôle ? (Quand je parle de "miséreux du sexe", cela peut tout autant évoquer les timides, les novices, les aigris, que les malades de la chose, etc.).

Pourtant, si l’esprit de la proposition de loi est louable, à savoir, se focaliser sur les prostituées, les aider à s’en sortir, je pense qu’elle manque à son but. Certes, en abrogeant le délit de racolage passif, on leur enlève une épée de Damoclès, ce que j’approuve.

Mais la proposition ne s’attaque pas au vrai problème : à savoir, le proxénétisme, qui a toujours été réprimé par la loi. Plus clairement, le fait que des personnes soient dans une quasi-obligation de se prostituer à cause de pressions parfois violentes.

Empêcher que les jeunes Roumaines qu’on peut voir sur le bord de certaines routes franciliennes, parfois au péril de leur vie, seules et sans protection pendant une journée, se retrouver piégées dans un réseau qui a dû confisquer leur passeport, oui, ce serait louable.

Mais alors, il faudra aussi m'expliquer pourquoi empêcher "l’activité" de la prostituée (réellement) "indépendante", qui a dû réfléchir suffisamment longtemps avant de franchir cette étape peu heureuse de sa vie, et dont le sens moral ne regarde qu’elle. Et ses éventuels clients. Tant que les deux soient vraiment consentants et majeurs.

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Au contraire, la pénalisation du client va renforcer les réseaux de prostitution qui vont avoir plus les moyens pour cacher leur "business" que les "indépendantes". Il paraît d’ailleurs tout à fait utopique de croire qu’une poignée de députés serait capable de supprimer la prostitution. Utopique et prétentieux. Ce lien vénal entre sexe et argent est aussi mécanique et ancestral que le lien sexe et pouvoir. Il n’est certes pas fatal mais présent dans toutes les sociétés. Le réalisme impose de prendre en compte cet état de fait au lieu de le nier purement et simplement. Comme une autruche.

Mohamed Douhane, policier du syndicat Synergie Officiers, ne dit pas autre chose : « Ce n’est pas en traquant les clients des prostituées qu’on va assécher la prostitution. Au contraire, les prostituées auront le loisir de rentrer dans la clandestinité pour pouvoir travailler. Alors, elles rentreront automatiquement sous l’autorité, sous le contrôle de réseaux proxénètes mafieux. On est vraiment dans la loi ubuesque. » (sur iTélé le 4 décembre 2013).

Et l’idéalisme du texte n’est pas sans conséquence sur l’action de la police qui a d’autres chats à fouetter que d’aller surveiller les porte-monnaie à proximité des oreillers. Le même policier ajoute : « Nous n’avons pas aujourd’hui les effectifs suffisants pour pouvoir pénaliser les comportements des clients. Je crois que nous avons aujourd’hui d’autres priorités que de traquer les clients de prostituées. ».

Bref, même adoptée, ce serait une loi inapplicable, comme de nombreuses autres.

Ce texte, discuté sans concertation avec les personnes concernées (mais y a-t-il un syndicat des prostituées ?), supposé être un outil de défense des femmes et du féminisme, va en fait enfoncer les femmes qui sont déjà dans ce cycle infernal. Les enfoncer financièrement. Les enfoncer physiquement.

En quelques sortes, l’horizon sous-tendu par ce texte va être la mort du commerce de proximité et le renforcement des hypermarchés de la prostitution. Était-ce vraiment cela que voulait le législateur ? Les sénateurs, dans leur sagesse, sauront peut-être infléchir l’impétuosité des députés.

J’ai toujours eu peur quand l’idéalisme était au pouvoir.
Car il est nécessairement totalitaire, imposant sa morale aux autres.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (6 décembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande.
Najat Vallaud-Belkacem.
"Le mariage pour tous".
Dépénaliser le cannabis ?

yartiProstitu05 

 

http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/prostitution-le-retour-a-l-ordre-144685

 

 

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