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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 16:48

François Hollande prendrait-il les Français pour des gogos ? Jamais la langue de bois n’aura fait autant de dégâts dans la cohésion nationale de la France en provoquant une colère populaire chaque jour de plus en plus justifiée.


yartiInversion01Dans quelques heures, les nouvelles statistiques du chômage portant sur le mois d’octobre 2013 vont être rendues publiques. Celles du mois de septembre 2013 ont été catastrophiques pour le pouvoir en place et pour le pays : 60 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en un mois, soit 3,3 millions en tout, un record (et uniquement pour la première catégorie).

Le Président de la République François Hollande vient de commettre son second parjure en quelques mois. En déplacement improvisé dans les ateliers du groupe de chimie Solvay, dans la matinée du jeudi 28 novembre 2013 à Aubervilliers, il a en effet prudemment remisé dans son placard la promesse butoir de la fin de l’année 2013 pour l’inversion de la courbe du chômage : « ça prendra le temps nécessaire. Ce qui compte, c’est la tendance. ».

Plus exactement, le Président de la République a déclaré ceci : « C’est vrai que j’ai fixé l’objectif de l’inversion de la courbe du chômage, pour parler plus clair encore, de la baisse du chômage. (…) C’est une bataille que nous avons engagée, elle se fera mois par mois, et nous devons y travailler sans cesse et ça nous prendra tout le temps qui est nécessaire. Ce mois-ci, comme les autres mois. Ce qui compte, c’est cette tendance que nous devons maintenant imposer : le chômage doit cesser d’augmenter. ». Beau parleur, beau phraseur, qui joue avec les mots (mais aussi avec le désastre humain que représente le chômage).

Cela faisant pourtant depuis le 9 septembre 2012 (« Nous devons inverser la courbe du chômage d’ici un an. ») que le pouvoir mène le peuple en bateau, enfin, en barque, ou plutôt en pédalo. L’exécutif avait inlassablement soutenu que le chômage baisserait d’ici la fin de 2013 (dès le début de cette année, on avait prudemment repoussé l’échéance de septembre à décembre). Au point de devenir sourd à la réalité du pays. Il s’était basé, non sur une relance de l’activité, mais sur un effet mécanique de la courbe démographique. Cela n’a cependant pas suffi. Il faut dire que la politique économique brouillonne, illisible et instable (les entreprises ne savent pas sur quel pied danser) et des annonces décourageantes (comme la suppression du statut de l’auto-entrepreneur) n’ont pas dû aider à redresser la conjoncture. L’annonce d’une refonte du système fiscal a plutôt fait l’effet d’une déflagration thermonucléaire.

Le 5 novembre 2013, le Ministre de l’Économie et des Finances Pierre Moscovici y croyait encore : « L’objectif d’inversion de la courbe du chômage d’ici la fin de l’année 2013 est maintenu. ». Le 20 novembre 2013 encore, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault s’était montré toujours confiant : « L’objectif, c’est que la courbe s’inverse à la fin de l’année, mais elle ne s’inversera que si la croissance revient. ».

Même les moins malins des citoyens savaient que l’Élysée et son gouvernement fonçaient dans le mur des évidences en persévérant si longtemps dans ce déni de réalité.

C’est le second parjure, parce que François Hollande avait déjà vite renoncé à soutenir que le déficit public serait de 3% du PIB pour l’année 2013 (on en est maintenant très loin) après avoir sans arrêt martelé pendant des mois qu’il n’était pas question de s’éloigner de cet objectif. La méthode Coué n’a pas l’efficacité escomptée.

Inutile de dire que la valeur de la parole présidentielle en a pris un sérieux coup supplémentaire, et on se demande vraiment quelle est la raison réelle de cette persévérance dans l’erreur : sincérité suicidaire dans son aveuglément intégral ? incapacité complète à gouverner ? inexpérience majeure de l’exercice du pouvoir ? ou aider au mieux le FN à faire son lit électoral pour empêcher l’UMP de reconquérir le pouvoir ?

Toujours est-il que le petit mécano avec sa boîte à outils se trouve bien ennuyé d’avoir prêché si inutilement dans le désert. En fait, ce n’est pas dans le désert, c’est dans un monde parallèle, un monde que seuls les éléphants socialistes sont capables d’entrer… mais incapables d’en ressortir pour s’occuper des Français.

Ce n’est pas une pratique présidentielle, c’est une comédie de boulevards. Ou même une tragédie pour les millions de personnes touchées de près ou de loin par le chômage. Ce n’est pas un fléau venu des cieux, c’est une inadéquation circonstancielle et structurelle entre nos forces de production et nos ressources humaines.

Circonstancielle car le traumatisme de la crise de 2008 est encore palpable. Mais structurelle aussi car depuis trente ans, le monde est en crise durable, et en France, il n’y aura pas de retour à la (grande) croissance (supérieur à 3 ou 4%) avant longtemps ; il faudra bien faire avec si peu.

Ce n’est pas en disant que l’essentiel est dans la compétitivité des entreprises que cela réussira. C’est en donnant les conditions réelles de cette compétitivité : pas avec des usines à gaz comme le CICE, mais avec des allégements, réels, tant administratifs que fiscaux ou sociaux. Avec un climat qui favorise la création d’activités, ce qui exclut la chasse aux sorcières dogmatiques des "riches" patrons (le cas de PSA est encore l’arbre qui cache la forêt des entrepreneurs qui prennent des risques) et ce qui devrait encourager l’État à récompenser les "faiseurs d’emplois".

Mais la première condition pour que le climat soit propice à cette reprise d’activité, à l’investissement et au redressement économique, c’est d’abord la confiance, et cette confiance a un seul mot d’ordre : la vérité.

Le pouvoir doit parler le langage de la vérité aux Français et cesser une fois pour toutes de les infantiliser comme un médecin de l’ancienne école qui veut rassurer le patient en phase terminale. Il faut en finir avec le Père Noël et son improbable hotte remplie d’emplois venus des cieux. Il faut le langage de Churchill qui promettait du sang et des larmes. C’est la première condition pour sortir de ce monde parallèle d’idéologies et de théories mal digérées. Et redonner courage à ceux qui travaillent.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 novembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande.
Jean-Marc Ayrault.
Pierre Moscovici.
Réforme fiscale.
Auto-entrepreneur ?

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27 novembre 2013 3 27 /11 /novembre /2013 07:45

« On aura beau multiplier les concours Lépine de la fiscalité, une ponction trop lourde sera toujours une charge et un frein sur l’activité économique. » (François Bayrou, 7 octobre 2013)


yartiReformeFiscale01Le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a "lancé" ses consultations ce lundi 25 novembre 2013 pour préparer sa réforme fiscale. Précisons bien qu’il s’agit de "sa" réforme fiscale et de la réforme de personne d’autre.

Il y a un petit côté magique dans ce coup politique extraordinaire qui a mis sur le fait accompli non seulement tous les ministres, le Ministre des Finances Pierre Moscovici compris, premier concerné, absent de la première journée de consultations pour cause de voyage en Chine, mais aussi, apparemment, le Président de la République François Hollande lui-même ! Il a profité de l’éloignement présidentiel en Israël (Pierre Moscovici était aussi en Israël) pour envoyer son missile fiscal.

Jean-Marc Ayrault a délivré son message dans "Les Échos", le soir du 18 novembre 2013, en ces termes : « Le système fiscal est devenu très complexe, quasiment illisible, et les Français, trop souvent, ne comprennent plus sa logique ou ne sont pas convaincus que ce qu’ils paient est juste, que le système est efficace. Or, dans un État démocratique, l’impôt est un acte citoyen : c’est la contribution à l’effort collectif, c’est la base du pacte social. (…) Jusqu’ici, nous avons répondu à l’urgence pour redresser la barre. Il nous faut désormais bâtir pour l’avenir. (…) Cette remise à plat va bien évidemment nécessiter un dialogue approfondi. (…) Au terme de la concertation, le gouvernement prendra ses responsabilités comme il l’a fait pour les retraites (…). Il faut avoir le courage et la lucidité de remettre les choses à plat. (…) L’objectif, c’est de parvenir à des règles plus justes, plus efficaces, et plus lisibles. ».

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Commentant l’initiative du Premier Ministre, le président de la Commission des finances du Sénat, Philippe Marini (UMP), qui est pourtant favorable au principe d’une réforme fiscale, a refusé la méthode adoptée sans cohérence : « Une vraie initiative en termes de stratégie fiscale doit être menée en début de quinquennat, et pas après dix-huit mois de démarches incertaines et contradictoires. ».

L’instinct de survie est ce qu’il y a de plus résistant dans tout écosystème et l’environnement politique n’y échappe guère. À court terme, l’audace de Jean-Marc Ayrault lui vaut quelques semaines de répit. On le disait "partant" bien avant la fin de l’année, la maire de Lille Martine Aubry avait même déjeuné avec François Hollande à l’Élysée il y a quelques jours, et le voici remis en selle avec la bénédiction obligée de l’Élysée.

Il est sûr qu’à force d’entendre les opposants de toutes parts réclamer à corps et à cris une réforme fiscale, Jean-Marc Ayrault les a pris au mot et leur a répondu "chiche !" ; François Hollande ne peut même pas protester, puisqu’elle faisait partie de l’une de ses promesses électorales de 2012.

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Non seulement Matignon a repris l’initiative là où le gouvernement s’était enlisé avec l’écotaxe sur le thème du matraquage fiscal et de "l’hyperfiscalité", selon l’expression de François Bayrou qui expliquait dans "Les Échos" du 7 octobre 2013 : « L’hyperfiscalité est un frein au moral des entreprises et des ménages, à l’efficacité, à l’investissement, à l’esprit d’entreprise. Elle interdit les anticipations et décourage la prise de risque. Il y a en plus l’aspect improvisé et bricolé qui prend des allures de record. Mais le fond de l’affaire est que lorsque les prélèvements sont trop lourds, il n’y a pas de bonne base sur lesquels les asseoir. On aura beau multiplier les concours Lépine de la fiscalité, une ponction trop lourde sera toujours une charge et un frein sur l’activité économique. ».

Le leader centriste a bien compris l’ADN de ce gouvernement : l’improvisation et le bricolage. Pourtant, il n’avait pas encore été au courant de cette annonce (c’était un mois et demi avant), une annonce qui a surpris tous les ministres, c’est dire le degré d’impréparation.

Mais dans cette audace de Matignon, qui a dû bluffer tous les hiérarques du PS, il y a une part de provocation quasi-suicidaire.

Car comment aboutir à une réelle réforme fiscale qui satisfasse les Français dans une situation politique, économique et sociale aussi dégradée que celle d’aujourd’hui ?

Le Premier Ministre a assuré que cette réforme fiscale se ferait "à imposition constante". Vous l’avez donc bien compris, cela signifie tout simplement que "vous" payeriez plus après cette réforme. Pourquoi ? Parce que ce gouvernement considère qu’un ménage est riche lorsqu’il gagne plus de 1 700 euros net par mois. C’est donc le seuil facilement prévisible à partir duquel on payerait forcément plus (ce qui est déjà le cas depuis dix-huit mois).

À court terme toujours, Jean-Marc Ayrault peut donc se donner une image d’ouverture de responsable qui consulte le peuple, à savoir, les organisations syndicales et patronales, les formations politiques et parlementaires etc. (à l’exception du FN, semble-t-il). Les consultations du 25 novembre ont déjà montré une extrême inquiétude des syndicats. Force ouvrière, avec raison à mon sens, a pleinement insisté sur son opposition très ferme à la retenue à la source.

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En fait, au sein des services de Bercy, il n’y a pas d’improvisation : les réformes sont déjà prêtes depuis belle lurette, depuis des années, mais elles risqueraient d’être politiquement explosives.

De quoi s’agit-il ? Essentiellement de la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu (IR). Dit comme cela, cela ne veut pas dire grand chose. En traduction plus libre, cela donne : instaurer un taux progressif à la CSG (actuellement à taux presque unique) en fonction de l’ensemble des revenus du ménage.

Comme on le voit, la créativité initiée par le Premier Ministre Michel Rocard (la CSG a été appliquée à partir du 1er février 1991) est sans limite : les pointilleux s’apercevront qu’une part de la CSG payée sur le salaire reste imposable sur le revenu, exactement de la même manière que l’État assujettit à la TVA ses propres taxes sur l’énergie (l’imagination fiscale est un trésor de subtilités). En 2013, la CSG devrait recueillir plus de 90 milliards d’euros, soit 50% de plus que l’impôt sur les sociétés et 20% de plus que l’impôt sur le revenu. Quant à la TVA, elle récolterait le double de la CSG (186 milliards d’euros).

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L’élément majeur de cette supposée "justice fiscale" serait donc d’imposer plus lourdement …tous les revenus qui ne sont pas issus de salaires, à savoir, les revenus du capital. Y aurait-il alors un effet néfaste sur l’investissement qui ne va déjà pas très fort en ce moment ? C’est fort probable. La taxation de l’épargne des gens (PEL, PEA, assurance-vie etc.) a déjà beaucoup découragé l’investissement. La CSG à taux progressif renforcerait immanquablement ce cercle vicieux alors que l’investissement est la pierre angulaire de toute reprise de l’activité et de l’emploi.

Le président du Medef Pierre Gattaz a été abasourdi par l’annonce de Matignon : « Il dit qu’il veut améliorer la fiscalité, mais sans toucher aux niveaux de prélèvements obligatoires. (…) La CSG progressive va toucher la classe moyenne et l’épargne. C’est dogmatique et politique, alors qu’il faudrait une fiscalité intelligente. » (19 novembre 2013).

Parmi les chantiers qui vont sortir de la boîte de Pandore, il devrait aussi y avoir la fiscalité des collectivités locales qui pèse actuellement environ 120 milliards d’euros, reposant sur des valeurs locatives complètement fantaisistes établies il y a plus de quarante ans.

Le plus grave, c’est que la situation se prête très mal à engager une réforme fiscale qui bouleverserait la vie des Français. Car plusieurs conditions sont manquantes pour son succès.

D’une part, pour être valable et durable, la réforme devrait recevoir l’adhésion d’une grande majorité des Français. Or, 80 à 85% des Français sont déjà en colère contre ce gouvernement aveugle, sourd et autiste. Comment une majorité de l’opinion publique pourrait-elle faire confiance à une équipe en bout de course ?

D’autre part, ce qui importe le plus aux contribuables, ce n’est pas la simplicité ou la complexité des impôts et taxes (au contraire, celle-ci dénote justement une prise en compte de cas multiples), c’est simplement le niveau global des prélèvements obligatoires. Aujourd’hui, la coupe est pleine et rééquilibrer l’imposition, à pression constante, c’est faire nécessairement des mécontents, et pas seulement chez ceux, très rares, qui gagnent plus d’un million d’euros par an.

Par conséquent, une réforme fiscale ne peut réussir sur du long terme que si elle est associée à une baisse effective de la pression fiscale, du moins pour le plus grand nombre des contribuables. C’est d’ailleurs le meilleur moyen de la rendre populaire.

Évidemment, sur ce point, il y a une impasse, pas seulement pour la majorité présidentielle mais aussi pour l’opposition. L’ancien Ministre des Finances François Baroin en a convenu sur RTL le 25 novembre 2013, dans la situation budgétaire actuelle, il serait irresponsable de baisser l’imposition (pourtant trop élevée).

Ce n’est donc qu’en période de relative "prospérité" (réduction des déficits publics, retour à la croissance etc.) qu’une telle réforme pourrait s’imaginer. C’est ce qu’avait d’ailleurs rappelé prudemment le Ministre des Finances Pierre Moscovici le 5 novembre 2013 (il y a donc peu de temps) : « C’est une fois que la croissance aura repris que, peut-être, nous pourrons passer à des réformes plus importantes. ».

Par ailleurs, le gouvernement croit-il vraiment que les initiatives économiques vont se renforcer dans un climat de terreur fiscale renouvelée, de peur et d’inquiétude sur l’instabilité fiscale et sociale qui en fait autant d’épées de Damoclès pour les entrepreneurs et créateurs d’activités ? Cette annonce au contraire renforcera l’attentisme des investisseurs à un moment où il est d’autant plus crucial de les attirer mieux qu’un frisson de reprise se fait sentir chez nos partenaires économiques.

La résultante de tout cela, c’est que la réforme fiscale doit passer APRÈS la nécessaire réduction de la dépense publique. Il faut de la marge pour faire ce type de réforme et sans marge, pas d’adhésion populaire, pourtant indispensable si les pouvoirs publics ne veulent pas engendrer une grève de l’impôt. Jusqu’à maintenant, les citoyens français ont été, pour la plupart, honnête et légaliste et sont conscients de la nécessité de payer des impôts : il ne faudrait pas les noyer dans une situation à laquelle ils ne pourraient plus faire face financièrement, malgré toute leur bonne volonté.

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Finalement, la solution la plus souhaitable, ce serait que cette réforme fiscale ayraut-hic soit oubliée par le prochain gouvernement qui sera probablement nommé après les désastres électoraux de l’année 2014. Après tout, l’essentiel de ce qu’on demande aux gouvernants en temps de crise, c’est qu’ils mettent en œuvre tous les moyens de l’État au service d’un retour à l’activité économique créatrice d’emplois. Et l’un de ces moyens, c’est de baisser considérablement les dépenses publiques qui valent aujourd’hui 57% du PIB ! Tout le reste n’est que considérations purement politico-politiciennes, qui n’ont comme incidence que la colère grandissante de la "France d’en bas" qui se meurt.

Dans leur tour d’ivoire des palais nationaux, visiblement, les éléphants socialistes sont encore loin des réalités du peuple. Que faudrait-il donc pour qu’ils ouvrent les yeux et s’alarment vraiment du sort de leurs compatriotes ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 novembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’impôt retenu à la source, est-ce une bonne idée ?
François Hollande.
Jean-Marc Ayrault.
L’écotaxe.
Jean-Marc Ayrault dans "Les Échos" du 18 novembre 2013.

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  http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/ayrault-et-l-impossible-reforme-de-144313

 

 

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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 07:02

« Vous qui, comme moi, êtes citoyens du monde, ne vous demandez pas ce que les États-Unis peuvent faire pour le monde, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le monde ! » (John F. Kennedy, 1961).


yartiJFK01Il y a exactement cinquante ans, le vendredi 22 novembre 1963, à Dallas, vers midi, le plus jeune Président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy a été assassiné à l’âge de 46 ans après seulement deux ans et demi de mandat à la Maison-Blanche.

Beaucoup de manifestations ont lieu à cette occasion notamment pour saluer la mémoire d’un homme qui aura beaucoup compté dans le monde d’après-guerre, d’un charisme exceptionnel et devenu de son vivant l’une des légendes comme l’Amérique aime se façonner, aux côtés de George Washington et d’Abraham Lincoln, une personnalité qui a marqué toute une génération, pas seulement dans son pays mais aussi dans le monde entier.

Ce sera sans doute aussi l’occasion de reparler des circonstances de son assassinat, complot ou pas complot, même si les enjeux, un demi-siècle plus tard, apparaissent maintenant assez incertains, mis à part l’intérêt purement scientifique des historiens et la curiosité des gens en général.

L’une des phrases qui a beaucoup impressionné les Américains, ce fut lors de son discours d’investiture comme 35e Président des États-Unis le 20 janvier 1961 : « Vous qui, comme moi, êtes Américains, ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. Vous qui, comme moi, êtes citoyens du monde, ne vous demandez pas ce que les États-Unis peuvent faire pour le monde, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le monde ! ».


Un nouveau concept en communication politique, la Nouvelle Frontière

Je profiterais plutôt de l’occasion de ce cinquantenaire pour m’arrêter à un célèbre discours de Kennedy, celui d’acceptation de son investiture lors de la Convention du parti démocrate le 15 juillet 1960 au Los Angeles Memorial Coliseum (texte qu’on peut relire ici). Il n’était donc pas encore élu et son concurrent républicain, le Vice-Président Richard Nixon, poulain du grand général Dwight Eisenhower, était plutôt le favori.

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C’était son fameux discours sur la nouvelle frontière (« new frontier ») qui a imprimé les États-Unis pour la décennie des années 1960, avec comme point le plus symbolique, des hommes marchant sur la Lune le 21 juillet 1969 (le programme spatial fut formellement lancé le 25 mai 1961 : « Notre nation doit s’engager à faire atterrir l’homme sur la Lune et à le ramener sur Terre sain et sauf avant la fin de la décennie. » ; mission remplie).

Il est des expressions qui sont irrémédiablement associées à certaines personnalités. "Nouvelle frontière" colle à JFK comme "Nouvelle société" colle à Jacques Chaban-Delmas (pour ne prendre qu’un exemple parmi de multiples).

Le concept de "frontière" a été même replacé assez curieusement par Nicolas Sarkozy dans sa campagne présidentielle de 2012, mais avec un sens très différent du sens kennédien. Alors que Kennedy l’imaginait pierre angulaire d’ouverture et de progrès, cette frontière circonstancielle néosarkozyenne se voulait plutôt caresser les partisans du protectionnisme frileux et ceux qui veulent fermer les frontières et supprimer l’immigration.

Dans l’acceptation kennédienne, on pourrait aussi citer le pseudo-Dominique de Villepin croqué dans une excellente bande dessinée "Quai d’Orsay" (par Abel Lanzac et Christophe Blain, éd. Dargaud), dont l’adaptation cinématographique est actuellement diffusée dans les salles. Le personnage est montré excité par ses propres réflexions qu’il ne peut s’empêcher de faire partager à son malheureux bras droit : « Il faut inventer un nouvel esprit de la frontière. La frontière, c’est la conquête, c’est l’ouest, les espaces libres… le défi… Depuis la fin des territoires vierges et de la conquête spatiale, on a perdu l’esprit de la frontière. C’est ça qu’il faut retrouver. (…) La nouvelle frontière, c’est le grand souffle. C’est la conscience collective. (…) La nouvelle frontière, c’est se tourner vers l’autre. C’est l’amour. Les Américains, eux, ils sont toujours en train de courir après l’ancienne frontière, la conquête, les territoires… ».

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Mais laissons l’humour plus ou moins fidèle à la réalité et revenons à ce fameux discours de Kennedy du 15 juillet 1960.


Le discours du 15 juillet 1960

Dans le texte, Kennedy expliquait avec plein de dynamisme : « For the problems are not solved and the battles are not all won, and we stand today on the edge of a New Frontier, the frontier of the 1960’s, a frontier of unknown opportunities and perils, a frontier of unfulfilled hopes and threats. (…) But I tell you the New Frontier is here, whether we seek it or not. Beyond that frontier are the uncharted areas of science and space, unsolved problems of peace and war, unconquered pockets of ignorance and prejudice, unanswered questions of poverty and suplus. (…) But I believe the times demand invention, innovation, imagination, decision. I am asking each of you to be new pionners on that New Frontier. My call is to the young in heart, regardless of age, to the stout in spirit, regardless of party, to all who respond to the Scriptural call : "Be strong and of a good courage ; be not afraid, neither be thou dismayed" !  ».

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Ce qui peut se traduire approximativement (je ne suis pas traducteur) par :

« Pour tous les problèmes que nous n’avons pas résolus et les batailles que nous n’avons pas toues gagnées, nous somme aujourd’hui devant une nouvelle frontière, la frontière des années 1960, une frontière d’occasions à saisir et de périls inconnus jusqu’alors, une frontière des espérances inassouvies et des menaces. (…) Mais je vous dis que nous sommes devant une nouvelle frontière, que nous le voulons ou non. Au-delà de cette frontière, s’étendent des champs inexplorés de la science et de l’espace, des problèmes non résolus de paix et de guerre, des poches d’ignorance et de préjugés non encore réduites, des questions laissées sans réponse sur la pauvreté et de la surproduction. (…) Mais je crois que notre époque demande de l’invention, de l’innovation, de l’imagination et de la décision. Je demande à chacun d’entre vous d’être les nouveaux pionniers de cette nouvelle frontière. Mon appel est aux jeunes de cœur, quel que soit l’âge, aux vaillants d’esprit, quel que soit le parti, à tous ceux qui se reconnaissent dans cet appel : "Soyez forts et courageux ; n’ayez pas peur, ne soyez pas non plus inquiets" ! »

Parmi les deux idées fortes, c’est qu’un candidat dit à son peuple : "Soyez les pionniers de la nouvelle frontière" et "n’ayez pas peur, soyez courageux", une interpellation d’ailleurs que reprendra dès le début de son pontificat le pape Jean-Paul II ("N’ayez pas peur !").

Cela fait en effet rêver d’avoir un futur chef d’État si capable de "manager" ainsi les citoyens pour les conduire vers le progrès.

L’heure, aujourd’hui, est évidemment bien loin des Trente Glorieuses. Elle serait plus celle "des pleurs et des larmes" de Churchill. Mais des responsables comme François Hollande l’ont-ils bien compris ?

J’avais, il y a quelques jours, fait état d’un certain nombre de carences de l’actuel Président de la République française qui semblait vivre en dehors de toute réalité du pays, enfermé dans le monde clos d’un socialisme sémantique et idéologique qui ne plaît qu’à ses seuls camarades de parti.

La comparaison est bien sûr très déplaisante et l’on aurait pu aussi la faire pour son prédécesseur. Alors, évitons les querelles politiciennes et préférons imaginer quelle serait la "Nouvelle frontière" de notre nouveau monde.


Invention et décision

Elle requiert, comme Kennedy le dit, à la fois de l’imagination, de l’inventivité et de la décision, c’est-à-dire à peu près ce qu’est incapable de fournir l’actuel pouvoir en France. Des idées nouvelles, évidemment qui soient pertinentes par rapport aux problèmes actuels (il ne s’agit pas d’innover pour innover, mais de rechercher des solutions nouvelles aux problèmes posés), mais aussi, si l’on est convaincu qu’elles seraient bonnes à mettre en place, de la volonté politique, un esprit de décision et de la ténacité pour aller jusqu’au bout de ses projets.

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En 1960, Kennedy avait mis la priorité sur trois sujets qu’il considérait comme essentiels : la lutte contre la pauvreté en reprenant les théories keynésiennes de l’État-providence ayant déjà inspiré le "New Deal" de Franklin D. Roosevelt, la lutte contre la ségrégation (permettre notamment à tous l’accès à l’école publique) qui fut surtout menée par son successeur Lyndon B. Johnson ("Great Society"), enfin, l’ambitieux programme Apollo pour concurrencer les Soviétiques sur le terrain de la science et de l’espace.

Sur la pauvreté, Kennedy avait tracé dans son discours une analyse de la surproduction engendrée par l’automatisation des tâches et créant (déjà) du chômage en masse.


Et aujourd’hui, en France ?

Quelle pourrait être la traduction de cette Nouvelle Frontière en 2013 en France ?

Pour la lutte contre la pauvreté, il y a une mesure pour l’instant très minoritaire mais qui a le mérite d’avoir été proposée tant par des personnalités situées très à gauche (altermondialistes par exemple) que par des personnalités plutôt situées à droite, comme Dominique de Villepin et Christine Boutin, ou considérées comme "libérales" comme feu Jacques Marseille, à savoir le revenu inconditionnel de subsistance. Au contraire de toutes les aides sociales actuelles, l’élément innovant est dans l’adjectif "inconditionnel", qui serait compensé par une imposition à ceux qui n’en auraient pas besoin. Son principe a quelques avantages mais son financement resterait évidemment la clef de la mesure : faudrait-il retirer tous les autres "acquis sociaux" et ne faire qu’un transfert ? ou au contraire, faire une imposition nouvelle qui ferait supporter aux plus aisés un tel type de revenu ? Cela dépendrait aussi, bien sûr, du montant à fixer.

Pour la lutte contre la ségrégation, la problématique en France serait plutôt le rapport entre les citoyens français et les étrangers qui souhaitent s’installer en France. Rappelons que les États-Unis favorisent l’immigration, ce qui leur permet d’attirer les "meilleurs cerveaux". Il faudrait aussi rappeler que la fuite des cerveaux, de France, ce n’est pas seulement le départ de diplômés français à l’étranger, c’est aussi la "non-entrée" de cerveaux étrangers en France (j’ai eu l’occasion de connaître plusieurs personnes étrangères très diplômées qui ont été découragées de venir ou de rester en France, ce qui constitue une véritable perte pour le "génie français"). Quelle seraient les mesures pour attirer les "cerveaux" vers la France ? Je n’ai pas de réponse dans ce climat très défavorable si l’on en juge les sondages concernant par exemple l’expulsion de Leonarda.

Peut-être serait-ce une tentative de réponse au deuxième point, la troisième partie de nouvelle frontière selon Kennedy serait évidemment d’investir massivement dans les nouvelles technologies, pas celle de 2013 mais celles qui seraient utiles en 2030 ou 2050. Un candidat à l’élection présidentielle, Jacques Cheminade, avait évoqué, de façon apparue comme très farfelue, un investissement vers la conquête de la planète Mars. Je ne sais pas, je ne crois pas que ce fût très pertinent (je peux me tromper), mais il y a d’autres conquêtes technologiques à entrevoir, que ce soit dans le domaine de l’énergie (évidemment), dans le domaine de la médecine, dans le domaine de l’informatique et de la communication, dans le domaine des matériaux, dans le domaine de l’alimentation etc. Cela nécessite des investissements très onéreux, peu de retours rapides sur investissement, mais, au contraire des dettes souveraines basées sur les coûts de fonctionnement d’une société qui vit au-dessus de ses moyens, un endettement pour des investissements est une solution saine pour les générations à venir. Et la conquête de nouvelles frontières de la science, c’est aussi, avant tout, la réussite d’une instruction efficace à l’ensemble des citoyens. Pas la peine de découvrir de nouvelles connaissances si l’on n’est pas déjà capable de transmettre les connaissances actuelles aux générations futures et leur donner la clef pour en découvrir de nouvelles.

Deux autres éléments pourraient être ajoutés à ces précédents.

La nouvelle frontière pourrait être aussi un "Grenelle de la France industrielle" : répertorier, secteurs après secteurs, tous les domaines où la France est performante, pourrait progresser, savoir pourquoi certains secteurs entiers sont partis à l’étranger, parfois pas très loin (abattoirs, scieries, etc.). Dans sa campagne présidentielle de 2012, François Bayrou avait proposé de lancer un plan de reconquête industrielle exactement dans le même esprit que le chantier qu’avait ouvert le Chancelier Gerhard Schröder pour relancer l’industrie allemande (avec le succès que connaît l’Allemagne moins d’une décennie après).

Enfin, en dernier point, l’essentiel à mon sens pour les peuples et la démocratie, redonner à l’idée européenne une valeur positive et entreprenante. Depuis une dizaine d’années, servie par des responsables nationaux frileux ou maladroits, l’Union Européenne n’a qu’un rôle ingrat de pompier dans l’immense incendie des dettes souveraines provoqués par des gouvernements nationaux inconséquents (là aussi, en bon barriste, François Bayrou avait insisté sur l’enjeu capital de la dette publique, et cela dès …2002 !).

Il faut savoir ce qu’on veut. On critique avec raison le déficit de démocratie dans le fonctionnement des institutions européennes (pas élues directement à part les parlementaires, peu identifiables, bureaucratiques, etc.) alors que les décisions européennes prennent une part croissante dans les décisions nationales. De deux choses l’une : ou l’on enterre cette Union Européenne comme certains esprits forts le professent, ce qui serait une catastrophe française dans l’émergence du monde multipolaire actuel où l’effet de taille est essentiel ; ou l’on réforme en profondeur le fonctionnement de ces institutions si décriées.

Quelle serait cette nouvelle frontière européenne ? Ce serait de franchir le "plafond de verre démocratique" actuel. Une mesure toute simple, toute nette, mais qu’il serait très difficile à faire admettre par tous les gouvernements nationaux bien sûr : élire au suffrage universel direct à l’échelle européenne le prochain Président du Conseil européen pour un mandat de même durée que celui du Parlement européen et lui laisser le choix libre de nommer une Commission européenne dont la composition devra être ratifiée par les députés européens. Quand je dis "libre", cela signifie sans condition d’appartenance nationale comme c’est le cas actuellement (imaginez l’efficacité de la gouvernance française si le gouvernement français était composé uniquement d’un ministre issu de chacune des régions françaises, le critère géographique n’étant pas forcément un critère de compétence).

Je serais d’ailleurs prêt à parier que ceux qui fustigent à longueur de propos le déficit démocratique de l’Europe seraient les premiers à refuser une telle élection au suffrage direct…

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La Nouvelle Frontière peut être, aujourd’hui, française ou européenne

Laissons Kennedy et son mythe américain aux Américains et à l’histoire du XXe siècle, et imaginons plutôt le nouveau mythe français et européen, avec ces cinq priorités : lutte contre la pauvreté par un revenu universel inconditionnel, remise à plat du concept de citoyenneté et de nationalité, investissement massif dans la recherche et l’innovation, Grenelle de la France industrielle et démocratisation des institutions européennes. Mais pour cela, il faudrait des gouvernants courageux, visionnaires, créatifs et charismatiques…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 novembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours de John F. Kennedy du 15 juillet 1960 à Los Angeles (texte intégral).
Gerald Ford.
Zéro pointé pour Hollande.
Nouveau monde.
Quai d’Orsay.

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http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/nouvelle-frontiere-144069

 

 

 

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12 novembre 2013 2 12 /11 /novembre /2013 07:22

Veut-on tirer sur une ambulance ? Peut-on encore critiquer François Hollande ? Faut-il s’interdire de faire du "Hollande bashing" sous prétexte que c’est à la mode ?


yartiFHzero30Les huées sur les Champs-Élysées pendant la cérémonie d’hommage aux morts pour la France le 11 novembre 2013 contre le Président François Hollande sont scandaleuses en ce jour particulier de concorde nationale et constituent une véritable insulte aux familles des victimes de guerre.

Pour autant, tout en respectant l’institution présidentielle, il faut bien constater que le plus impopulaire des Présidents offre un large flanc à la critique.

Je n’ai pas voté pour François Hollande et donc, je ne peux pas être un déçu du hollandisme. Je n’attendais rien de lui et pourtant, il est arrivé quand même à me surprendre par sa vacuité. Je l’avais placé plus haut dans mon estime au moment de son élection à la Présidence de la République que maintenant.

Effectivement, l’homme avait deux atouts que je trouvais très précieux, son humour subtil allant jusqu’à l’autodérision (ce qui est assez rare dans la classe politique aux ego surdimensionnés), et son naturel de pondération et de modération.

Mais c’est sa campagne présidentielle qui l’a transformé. En mal. Lui, le "centriste" européen, est devenu une sorte de singe de François Mitterrand version pré-1981, avec toutes les inepties idéologiques qui lui étaient associées, à la limite du couteau entre les dents (mais sans menace des chars soviétiques devant la Tour Eiffel).

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Sa tirade très efficace contre la "finance internationale" et sa taxation à 75% l’ont placé comme une sorte de héros du "peuple de gauche" (résultat d’une stratégie électorale visant à éviter l’hypertrophie à son détriment du vote pour Jean-Luc Mélenchon).

Il fallait être bien naïf pour le croire, mais à mon grand étonnement, comme à chaque scrutin présidentiel d’ailleurs (1981 et changer la vie, 1995 et la lutte contre la fracture sociale, 2007 et ensemble, tout est possible, etc.), la posture a été électoralement payante. D’où la descente actuelle aux enfers des sondages (au contraire d’un produit vendu dans les hypermarchés, ce n’est pas "satisfait ou remboursé").

Évidemment que François Hollande a été élu par défaut, par antisarkozysme primaire, par opposition au caractère d’apparence assez peu conciliatrice d’un Président sortant qui, finalement, a beaucoup remonté la pente pendant les dernières semaines de la campagne. Il a été élu aussi par imitation (assez ridicule à mon goût) de la posture mitterrandienne de 1981. Trente et un ans : à chaque génération son 10 mai, a-t-il réussi à faire passer dans les cœurs du "peuple de gauche".

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Alors que justement, cette clownerie mitterrandesque (pratiquée à l’aide d’un coaching mis en œuvre par deux comédiens depuis l’été 2010) lui a retiré tout l’intérêt que sa personnalité aurait pu apporter à la vie nationale. Jouer au sérieux obséquieux nécessite d’avoir la carrure de crédibilité qui va avec. Là, cela fait plutôt petit "caïd" de banlieue poussant du coude et levant le menton (comme son prédécesseur du reste).

Qu’importe ! Aujourd’hui, il est Président de la République française avec la légitimité que lui consacre une élection au suffrage universel direct. Il est donc peu raisonnable et antirépublicain de réclamer parfois de manière violente sa démission.

Mais le voici, après seulement dix-huit mois, consacré comme le plus impopulaires des Présidents de la Ve République, c’est un exploit assez remarquable. Cela fait depuis septembre 2012 qu’il chute vertigineusement. Les électeurs semblent lui dire : "ça va, on a compris, suivant !" (c’est le "suivant" qui risquerait de faire peur : serait-il encore pire que l’actuel ?).

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Et encore, il a déjà le record d’impopularité, mais ce n’est pas fini ("ce n’est pas tout", comme diraient les documentaires assez énervants qui gangrènent la télévision TNT) : le chômage ne cesse de grimper, la note de la France continue à se dégrader (par Standard & Poor’s le 8 novembre 2013), des industries continuent à se déliter, les impôts et taxes continent à grimper (contrairement à ce qu’affirme pompeusement la communication gouvernementale qui en devient inaudible), et les incapacités décisionnelles de l’Élysée continuent lentement à ne pas être digérées par les Français, que ce soit sur Leonarda, l’écotaxe, etc. le fragilisant à outrance.

Faut-il alors en rajouter dans le "Hollande bashing" ? Faut-il croire à une dissolution de l’Assemblée Nationale ? Faut-il croire qu’il changera ? Il n’y a aucune raison institutionnelle, et ceux qui l’espèrent (certains parmi mes amis) croient un peu trop au Père Noël, à mon sens.

Au contraire, il serait plutôt du genre à baisser la tête et à continuer à courir en espérant un improbable miracle économique (lui aussi croit au Père Noël), celui du retour spontané à la croissance malgré la conjoncture fiscale à 32 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. Foncer tête baissée, il l’avait fait quand tout le monde riait de ses ambitions présidentielles en 2010. Son expérience personnelle le conforte dans son "autisme".

J’avais cru qu’en sortant de HEC et de l’ENA, qu’en "travaillant" à la Cour des Comptes (officiellement, car il n’a jamais fait que de la politique), François Hollande aurait été capable par exemple de faire la grande réforme fiscale dont la France a besoin. Il en avait fait le thème phare de sa précampagne de primaire en 2010.

Mais non, tout cela est oublié ! Tout ce qu’il disait n’était que du vent, comme un joueur d’échecs, manipulant les concepts pour son jeu, cherchant seulement à gagner (et il a gagné), sans se préoccuper du "quoi faire après".

C’était du vent et ses défauts l’ont largement emporté dans sa pratique du pouvoir. J’en avais listé trois qui collent maintenant à la peau non seulement de l’Élysée mais du pays.


1. Son inexpérience ministérielle.

L’Élysée doit bien sûr être accessible à tous les citoyens (ne serait-ce que pour permettre les alternances), mais ne pas avoir connu l’exercice du pouvoir comme ministre est évidemment un handicap majeur pour comprendre les rouages de l’État. Et s’il avait été performant, il en aurait eu l’occasion, tant au cours du second septennat de François Mitterrand que du "quinquennat" gouvernemental de Lionel Jospin (comme sa condisciple Ségolène Royal).

Sa seule carte de visite, c’est celle de premier secrétaire du Parti socialiste pendant onze ans (un record historique depuis Guy Mollet). On voit d’ailleurs qu’il continue à se croire le chef du PS, à vouloir réaliser des synthèses improbables entre les courants, à vouloir ménager des partenaires électoraux qui ne lui rapportent rien, et cela de manière complètement déconnectée de la réalité sociologique de la France.

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Et dans les faits, il confond son ancien boulot de chef du PS et son mandat actuel de chef de l’État. C’est assez grave. Il est par exemple complètement aberrant de vouloir toujours garder au gouvernement toutes les tendances de sa majorité même lorsqu’elles sont autant divergentes et contradictoires.


2. Son indécision

Le deuxième défaut est son esprit consensuel. Cela aurait pu être au contraire un extrême avantage. Cela l’a sans doute aidé à conquérir le pouvoir face à Nicolas Sarkozy trop friand de créer des clivages dans une société déjà très fragile. La France a besoin d’unité nationale et elle pouvait être impressionnée par ce faiseur de synthèse (François Bayrou a été impressionné, mais il en est revenu).

Hélas, il n’est faiseur de synthèse qu’au sein du PS (et avec brio, pouvoir recoller les morceaux d’un parti scié en deux par le TCE lors du référendum du 29 mai 2005, est une performance rare dans l’histoire politique), mais ne sait pas la faire au sein de la République.

Pour preuve, le profond clivage qu’il a provoqué, l’esprit léger, avec le mariage gay. Quand dix à trente mille Bretons manifestent (parfois avec une violence condamnable), le gouvernement est en émoi, mais quand un million marchent plusieurs dimanches dans la rue pour s’opposer au "mariage pour tous", il reste impassible. Pourquoi ? Où est la synthèse de la cohésion républicaine ?

En fait, son esprit consensuel n’est pas propice à l’unité nationale mais à un balladurisme d’État, à savoir, à une sorte de doctrine de l’indécision qui veut qu’on recule plus que l’on n'avance, ce qui peut même aller jusqu’à se transformer en un impensable jugement de Salomon. C’est là son troisième défaut.


3. Ni pour ni contre une certaine éthique

C’est qu’il n’a aucune morale ni aucune éthique. Je ne dis pas qu’il est immoral, pas du tout, mais que la morale ou l’éthique lui sont aussi étrangères que le reste. L’éthique n’est qu’une variable d’ajustement à sa communication.

J’avais insisté sur ce point au moment de l’élection présidentielle. Ses faits et gestes prouvent qu’ils ne sont pas gouvernés par des principes et des valeurs, du moins cohérentes. Et cet opportunisme sans colonne vertébrale est grave pour la France.

Le mariage gay n’est pas l’unique illustration de cette affirmation, ni même la pire. Sa réaction visant à isoler Leonarda de sa famille est plus grave. Mais il y a aussi l’autorisation de l’expérimentation sur les embryons humains à un moment où la science n’en a même plus nécessité pour progresser. Il y a aussi les funestes perspectives sur l’euthanasie active et le suicide assisté, sur la PMA voire la GPA s’il était trop poussé par ses ultras.

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Et même, ce qui n’était pas surprenant quand on observait bien les positionnements entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012 (et la course auprès de l'électorat du FN), dès le lendemain du premier tour, François Hollande a usé du thème de l’immigration sans aucune éthique ; il n’a pas hésité à manier l’amalgame immigration/insécurité habituellement servi par l’extrême droite, en continuant à pourchasser les gens du voyage et en défendant son ministre Manuel Valls qui a laissé entendre la prétendue impossibilité d’une communauté entière à s’intégrer à la société nationale, confortant certaines thèses que son parti était pourtant censé réprouver.

Pire, son absence de considérations éthiques l’a même engagé dans un processus douteux de déclaration de guerre contre la Syrie qui, sur la lancée d’une intervention militaire au Mali considérée comme une réussite mais qui n’a pas été sans effet sur les vies humaines, lui a fait croire qu’une nouvelle guerre viendrait à propos dans une situation intérieure désastreuse pour son image présidentielle. Le comble, c’est que la France n’a plus les moyens d’une intervention militaire en Syrie, la Défense étant le premier poste budgétaire à être en chute libre (le moins soumis aux clientélismes, puisque l’armée reste la grande "muette").


4. Mauvaise communication interne et externe

Je peux même rajouter un quatrième défaut, visible seulement depuis qu’il est en situation et peu prévisible : sa totale inaptitude à la communication politique. Un bon manager est celui qui est capable de bien gérer sa communication interne et externe.

Sur le plan interne, à part l’exemple du limogeage de Delphine Batho dont les accusations très graves ont fait un flop médiatique, il n’a aucune autorité vis-à-vis de ses ministres pour leur imposer un minimum de solidarité gouvernementale : Arnaud Montebourg, Manuel Valls, Christiane Taubira, Cécile Duflot, Benoît Hamon, Vincent Peillon… tous rament dans des directions différentes et le pauvre Premier Ministre Jean-Marc Ayrault est même submergé par les demandes de communication publique de ses ministres, par une sorte de grève du zèle des conseillers ministériels, alors qu’il aurait bien d’autres choses à faire.

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Ce qui en résulte, c’est un aspect brouillon, une absence complète de vision, de cap, une succession de décisions à court terme, sans cohérence, sans logique, sans suivi (comme le plan pour Marseille, dernier avatar de cette politique).

Sur le plan externe, ce n’est pas mieux. François Hollande fait fort ; il rate toutes ses interventions télévisées. Certes, il a réussi, un temps, à séduire quelques dizaines de journalistes en caressant leur ego dans le sens du poil en les invitant personnellement à ses deux premières conférences de presse semestrielles (en fera-t-il une troisième en novembre 2013 ?) mais à aucune prestation, il n’a délivré de message. Alors, à quoi servent-elles ? À rien. À énerver le citoyen téléspectateur contribuable et consommateur en même temps. Il ne s’est contenté que de son autosatisfaction et de sa boîte à outils.

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Même sur la Syrie, où la position de la France, dissonante, grave, n’a jamais fait l’objet d’une allocution télévisée, alors qu’il en est capable pour un affaire mineure comme l’expulsion de Leonarda et sa famille.


5. Amateurisme et idéologie

L’incompétence de François Hollande n’est pas seulement gouvernementale, elle est aussi parlementaire. Il faut dire qu’il ne s’était pas particulièrement investi dans ses quatre mandats de député. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS pendant quinze ans (1997-2012) aurait pu quand même être un peu plus performant, mais non : le mardi 5 novembre 2013, événement inouï dans la République, le Sénat a rejeté en première lecture le projet de réforme sur les retraites (qui ne résout cependant toujours pas leur financement) à …l’unanimité ! Pas un seul sénateur n’a voté pour le texte certes très modifié, mais dans ce cas, que font ces parlementaires de la majorité ? Le Parlement a-t-il déjà connu pareille absurdité ? À quoi joue-t-on ?

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Et sur l’écotaxe, qui porte sur seulement 1,15 milliards d’euros par an, soit, comme le rappelle l’ancienne ministre Chantal Jouanno (UDI) sur LCP le 8 novembre 2013, une goutte d’eau par rapport au matraquage fiscal de 32 milliards d’euros, le gouvernement est mauvais en tout ; il commence à remettre en cause une mesure qu’il a lui-même fait reconfirmer par le Parlement (à l’unanimité) en février 2013 (Chantal Jouanno a parlé de « concours du plus hypocrite ») alors qu’il aurait pu la remettre en cause il y a un an et demi avec beaucoup moins de frais pour l’État (les portiques n’étaient pas encore montés). 

De même, le principe d’un contrat de partenariat privé/public n’est ni nouveau ni un problème. La gestion des radars sur la route a également été confiée à une entreprise privée. Ce n’était pas le rôle de l’État qui, de toute façon, n’avait pas la technologie pour faire le repérage par satellite des camions.

Les Français ont été mis sur le fait accompli pour l’écotaxe. Moi-même je me suis étonné de la construction des portiques, même inquiété, alors qu’il aurait pu être assez pertinent de communiquer avant leur construction pour expliquer à quoi cela allait servir, d’autant plus que taxer les camions auraient pu être une mesure populaire auprès des automobilistes empruntant souvent les routes et gênés par la densification du trafic des poids lourds.

Chaque jour apporte sa séquence d’incompétence, les impairs, les maladresses, ou les gaffes du pouvoir actuel. Il ne serait peut-être même plus utile de s’opposer à lui, le pouvoir le fait lui-même à la manière d’un chat qui se mordrait la queue.

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Certains membres de cabinet ministériel restent abasourdis devant l’amateurisme flagrant de cette équipe gouvernementale, de son incapacité à comprendre la réalité sociale et économique du pays. Aucun ministre n’a jamais été salarié ne serait-ce que quelques mois d’une entreprise privée. Comment comprendre le fonctionnement d’une entreprise, ses difficultés, sociales, commerciales, fiscales ?

Tous sont des forts en thème, certes, avec probablement des personnalités intéressantes, mais d’abord des idéologues et des théoriciens qui basent leurs décisions sur des idéologies (comme refuser de continuer les internats d’excellence ou casser le statut de l’auto-entrepreneur), en dehors de toute logique sur le terrain. La réforme des rythmes scolaires (encore une mesure ubuesque) l’illustre aussi à merveille.

Dans ce gouvernement, tout n’est que considérations politiciennes, dans un but de positionnement vis-à-vis de certains groupes politiques ou de certains groupes de pression, tant à l’intérieur de la majorité qu’à l’extérieur (positionnement d’ailleurs très inefficace puisque le pouvoir, en voulant contenter tout le monde, mécontente tout le monde).

Cet amateurisme fait grincer les dents à bien des collaborateurs de ministres qui s’inquiètent de leur trajectoire professionnelle. Certains ainsi évitent d’approfondir un sujet imposé par leur ministre parce qu’ils savent qu’il sera rejeté par le Conseil d’État (inutile de travailler pour rien). La taxe de 75%, la loi sur le logement, la loi sur le bonus/malus énergétique… combien de textes proposés et votés par ce pouvoir ont été annulés parce que contraires aux principes constitutionnels élémentaires de notre République ?

Après dix-huit mois de pratique du pouvoir, rester débutant relève du cancre, même si les François feront sans doute le nécessaire pour éviter le redoublement.


Monarchie élective

L’éditorialiste Jean-François Kahn a été très sévère dans son analyse publiée dans "Marianne" du 4 novembre 2013 : « Il est inapproprié à la situation. À cette situation qui, hier, assommait le pays, le taraude aujourd’hui et risque de l’enflammer demain. Or, cette inadéquation est devenue un problème. Disons-le même plus franchement : c’est devenu LE problème. (…) On avait besoin d’un moteur ; on n’a hérité que du mécanicien. Pas un démiurge, un bricoleur. (…) Demain, quoi ? Sur fond de dégoût et de consternation, les aigreurs corporatistes déchaînées serviront de marchepied aux rages les plus revanchardes. (…) Ce qu’il va se passer ? Qui en doute ? Un jour ou l’autre, un sondage affligera le Président d’une impopularité au-dessous des 20%. Séisme. » et de proposer le retour à un régime parlementaire où le gouvernement gouvernerait réellement : « Le Président qui décide de tout, intervient sur tout, s’approprie tout, redevient un arbitre, un juge de paix, une référence. Il ne gouverne plus, il préside. Il n’impulse plus, puisque, de toute façon, il n’impulse pas, il incarne. ».

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Et on peut se poser effectivement la question : le principe de l’élection présidentielle au suffrage universel direct, voulue par De Gaulle en 1962 pour apporter une onction populaire incontestable au chef de l’État, permet-il de choisir le "meilleur d’entre nous" ?

Aujourd’hui, c’est fort possible que depuis trente ans, elle ne fait que distinguer le meilleur candidat en campagne électorale (François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande) mais est-ce si pertinent que cela que de mettre à la tête de l’État le meilleur bateleur de France ?

Monsieur Hollande,
Ne pensez plus au PS,
Ne pensez plus à votre majorité,
Ne pensez plus à vos illusions,
Ne pensez plus à votre réélection,
Mais pensez à la réalité,
Pensez à la France et aux Français.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
La République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Seconde conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

yartiFHzero31



http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/hollande-jusqu-ou-descendra-t-il-143542

 

 

 

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22 octobre 2013 2 22 /10 /octobre /2013 07:23

L’équivalence immigration/insécurité était le fonds de commerce exclusif et récurrent du Front national. Elle semble partagée maintenant par l’ensemble de la classe politique.


yartiLeonardaD01Comme beaucoup l’ont déjà écrit, l’expulsion de Leonarda et de sa famille, ainsi que la polémique qui en a suivi, ont été un révélateur de quelques caractéristiques essentielle de l’Exécutif : indécision, irresponsabilité, incapacité à appréhender une situation dans son ensemble, décalage avec le pays, etc.

Si cette information, concernant le cas de quelques individus, a pris une dimension si grande, confirmée et transformée en affaire d’État par le Président de la République François Hollande lui-même, c’est parce qu’elle est symbolique de l’évolution de la société politique d’aujourd’hui.


Une victoire idéologique du FN ?

Le 16 octobre 2013, j’écrivais : « Ce n’est pas à Brignoles que le Front national a gagné. C’est dans l’esprit de bien des personnalités politiques, réparties sur tout l’échiquier politique (…). ».

C’est passé assez inaperçu, mais la courte allocution présidentielle du 19 octobre 2013 a confirmé ce que j’avais évoqué. Cela n’a pas été repris par beaucoup d’observateurs mais c’est, à mon sens, très important.

En effet, François Hollande, pour justifier l’expulsion, a fait appel (avec raison) aux règles de droit, à savoir, à la loi, qu’il faut appliquer tant qu’on ne la change pas (je n’ai pas entendu beaucoup de parlementaires qui ont protesté contre l’expulsion de Leonarda proposer une modification des lois existantes). Il ajoutait alors : « Et la force de la loi, c’est aussi la condition pour qu’il y ait à la fois une politique d’immigration et une politique de sécurité. ».

Les bras ne pouvaient plus m’en tomber car ils étaient déjà tombés avec la proposition d’isoler une adolescente de sa famille, mais cette phrase est probablement bien plus grave que la proposition indécente à une mineure.

Car justement, mettre en parallèle, par opposition, immigration et sécurité, c’est laisser croire que les "immigrés" sont a priori des facteurs d’insécurité. Il faudrait d’ailleurs définir correctement le mot "immigré", sont-ils des étrangers ? des naturalisés qui sont donc devenus des citoyens français comme les autres ? à partir de combien de générations cesse-t-on d’être un "immigré" ? etc.

Depuis trente-cinq ans, il n’y en avait qu’un qui faisait cette équivalence globalisante sans prendre en compte la responsabilité individuelle des personnes, c’était Jean-Marie Le Pen et le parti qu’il a fondé, le FN. Et sa fille Marine Le Pen ne l’a jamais démenti et a repris régulièrement cette assertion démagogique.


Immigration et sécurité

En somme, c’est dire que les immigrés sont, dans leur essence, des délinquants, du moins, des délinquants en puissance, et que si on réduisait efficacement l’immigration, on contribuerait à lutter contre l’insécurité. Alors que la maîtrise de l’immigration est principalement motivée par des considérations économiques et financières.

Il y a une trentaine d’années, cette équivalence basée sur aucun raisonnement, fondée uniquement sur l’émotion et la xénophobie, était combattue par quasiment toute la classe politique confondue.

Les arguments pour réfuter cette équivalence ne manquent pas : la responsabilité personnelle est l’élément clef ; les contre-exemples sont très nombreux où, au contraire, le migrant a apporté beaucoup à la France, pas seulement en terme de gloire (sportive, culturelle, cinématographique, industrielle, économique, etc.) mais aussi en terme de patriotisme (les nouveaux arrivants sont beaucoup plus amoureux de leur pays d’adoption que les autres) ; enfin, s’il semble effectivement s’avérer qu’une part des délinquants proportionnellement plus grande que dans la population totale est d’origine étrangère (ce qui peut être vrai mais provient surtout du ressenti du téléspectateur des journaux télévisés), ce n’est pas une relation de cause à effet (d’origine étrangère donc délinquant) car la cause est plus généralement sociale (peu aisé donc délinquant) et les migrants sont, par définition, en moyenne, moins aisés que les nationaux puisqu’ils ont tout perdu en émigrant, leur situation professionnelle (parfois très confortable) ainsi que leur éventuel patrimoine d’origine.

Tous ces arguments sont des évidences de bon sens. On ne peut reprocher à des "immigrés" qu’à titre individuel des faits concrets. Pas collectivement et vaguement. En s’en prenant globalement à une population pour des faits jamais précisés, on ne fait que stigmatiser cette population.


À droite et au centre, quelques imprégnations

Il est exact que depuis longtemps, des personnalités parmi les plus importantes de la droite et du centre avaient commencé à "se lepéniser" ponctuellement dans la formulation de leur expression : "le bruit" et "l’odeur" de Jacques Chirac (à Orléans le 19 juin 1991), "l’invasion" de Valéry Giscard d’Estaing (au "Figaro Magazine" du 21 septembre 1991), mais cela ne les avait pas empêché de garder des digues politiques et institutionnelles, à savoir, en situation de pouvoir, de rester responsables et raisonnables.

Cependant, depuis une dizaine d’années et l’arrivée de Nicolas Sarkozy comme leader incontesté de la droite, certaines digues ont sauté. Ce fut la création du Ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, laissant croire que l’immigration pouvait mettre en péril l’identité nationale des Français (il faut vraiment avoir beaucoup de faiblesse dans sa propre identité pour croire qu’elle peut être ébranlée par l’arrivée de nouveaux arrivants), une mesure qui avait choqué non seulement des personnalités de gauche mais également de la majorité sarkozyste, comme Simone Veil.

Nicolas Sarkozy n’a pas cessé de prononcer des discours qui allaient parfois dans le sens de la stigmatisation de certaines catégories de la population, jusqu’au discours de Grenoble et jusqu’à l’évocation d’une apparence musulmane (le délit de sale gueule), ce qui a encouragé certains parlementaires de son aile droite à faire de la surenchère (à base de saucisson et de vin rouge).


La nouveauté : imprégnations à gauche aussi

Beaucoup d’électeurs modérés ont cru qu’en votant François Hollande en 2012, ils auraient enfin évacué toute cette rhétorique d’exclusion qui a clivé la société française pendant de nombreuses années, et ce choix souvent au détriment de leurs convictions sur la politique économique et fiscale à tenir. Ils ont donc aujourd’hui de quoi être déçus car on s’aperçoit que le pouvoir écolo-socialiste tient le même type de rhétorique.

Les propos du 24 septembre 2013 du Ministre de l’Intérieur Manuel Valls, motivés par son ambition présidentielle elle-même alimentée par une forte popularité (ceci expliquant cela), sur les "Roms" montrent que la stigmatisation des populations étrangères (et parmi les plus faibles d’entre elles, les "Roms") n’est donc plus l’apanage de la droite plus ou moins extrême mais également de la gauche gouvernementale.

L’amalgame de François Hollande du 19 octobre 2013 constitue cependant un nouveau sommet dans la lepénisation des esprits car elle est prononcée par le Président de la République en personne, élu d’une majorité des Français, garant de la cohésion nationale. Elle renforce évidemment le parti originaire de l’idée (on préfère l’original à la copie), à savoir le FN.


Hollande, tout sur la forme, rien sur le fond

Je sais bien que François Hollande n’est pas un méchant homme et qu’il n’a aucune animosité envers personne. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est surtout son absence totale de valeur. Il n’a aucune éthique personnelle, aucun guide moral dans son esprit pour son action. C’est cela qui effraie. C'est cela qui le transforme en pion docile qui véhicule complaisamment les idées du FN.

En prononçant la phrase citée, il n’a fait que reprendre ce qu’il croit entendre "du peuple", comme si c’était une vérité acquise, il veut surtout essayer de surfer sur l’écume de l’opinion publique, pour ne pas la prendre à rebrousse-poil, sans se rendre compte qu’il renforce le clivage de la société.

En fait, il doit plutôt être un "sans opinion" sur tout. Donc, toute décision (ou indécision plutôt) n’a qu’une fonctionnalité parasitaire : ici, essayer de raccommoder les deux ailes de sa majorité ; là, ménager deux tendances incompatibles, etc.

C’est comme ça que sa politique fiscale et sociale est illisible et incohérente. C’est comme ça qu’il a laissé filer la bioéthique dans les marécages de la marchandisation du corps humain (ce fut le cas sur les embryons humains, cela risque d’être le cas avec la PMA et l’euthanasie active, peut-être plus tard la GPA). C’est comme ça qu’il a coupé la France en deux avec un "mariage pour tous" qu’il a toujours boudé pour lui-même. C’est comme ça qu’il a confirmé l’expulsion d’une famille entière dans un pays qui n’est pas le sien tout en se proposant d’isoler l’un des enfants pour tenter de faire un geste aux lycéens protestataires. C’est comme ça aussi qu’il a failli engager la France dans une guerre terrible et irresponsable en Syrie sans avoir pris la mesure des conséquences géopolitiques que cela entraînerait.

On peut imaginer que dans la tête de François Hollande, il ne s’agit que de jouer dans un but très politicien (maintenir sa majorité, protéger son seul atout Manuel Valls, etc.) sans comprendre qu’il dirige un pays en crise profonde et durable et qu’il a besoin de tenir un cap (depuis dix-huit mois, il n’a cessé de répéter qu’il avait un cap et qu’il savait décider, mais pourquoi insister autant si ce n’est pas parce que ce n’est justement pas du tout visible ?).


Vers un post-lepénisme ?

Cette contribution à la lepénisation a été également observée par l’éditorialiste Daniel Schneidermann qui, en regardant l’émission "Mots croisés" du 21 octobre 2013, consacrée à Leonarda et contestée par Marine Le Pen, qui aurait voulu parler de sujets plus graves, remarquait le 22 octobre 2013 avec grande pertinence : « Que se passe-t-il à cet instant ? Cette horreur : devant son poste, on se sent exprimé par Marine Le Pen. Quelques secondes, on se sent totalement en accord avec elle. Un par un, elle nous enlève les mots de la bouche. (…) Ensuite, on réfléchit. On tente de comprendre à quoi l’on vient d’assister. Simplement à ce moment inouï : la dénonciation, par Marine Le Pen, de la lepénisation du débat public. Le simple fait que Calvi et France 2 aient décidé de consacrer l’émission "Mots croisés" à ce sujet unique, est l’éclatante consécration de sa victoire. Et cette victoire actée, engrangée, il est temps pour Casanovette de partir à la conquête de territoires nouveaux, de pousser son avantage aussi loin que possible. (…) Alors que le système se débat, englué, dans le lepénisme, elle est déjà dans les vastes plaines du post-lepénisme. ».

Il a raison, Daniel Schneidermann. Maintenant que son idéologie est bien ancrée dans les consciences, Marine Le Pen pourrait même se payer le luxe d’apparaître modérée et raisonnable, comme elle l’avait fait le 17 septembre 2013, lors de l’affaire du bijoutier de Nice en rappelant que ce n’était pas un cas de légitime défense et que des innocents auraient pu recevoir une balle perdue dans la rue.


Pourquoi certains ministres ne démissionnent pas ?

Tout cela fait qu’il est donc un peu logique que les professionnels de la posture au sein même de la majorité, que ce soit au PS ou chez les écologistes d’EELV, on commence à s’inquiéter sérieusement du virage élyséen, tout en s’accrochant paradoxalement à ses avantages ministériels : la lepénisation des esprits est désormais revendiquée au plus au niveau de l’État.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 octobre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rapport du 18 octobre 2013 sur l'expulsion de Leonarda (à télécharger).
La dignité humaine n’est pas une variable d’ajustement.
Le Kosovo a bon dos.
Le jugement de Salomon.
Message de Benoît XVI pour la journée mondiale des migrants et des réfugiés (12 octobre 2012).
Koztoujours sur Leonarda (18 octobre 2013).
Dominique Quinio sur Leonarda ("La Croix" du 16 octobre 2013).
Le candidat François Hollande et les "Roms" (27 mars 2012).
Les valeurs de la République à Grenoble (30 juillet 2010).
Hollande et Sarkozy, même combat (23 avril 2012).
Le syndrome bleu marine.
Lampedusa (3 octobre 2013).
La gauche dans le piège (Gérard Grunberg le 22 octobre 2013).

yartiLeonardaD02


 

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/leonarda-la-lepenisation-de-142564

 




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20 octobre 2013 7 20 /10 /octobre /2013 09:29

Après l'expulsion de Leonarda et sa famille le 9 octobre 2013, puis la polémique qui en suivit à partir du 14 octobre 2013, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a demandé le 16 octobre 2013 à Manuel Valls de faire une enquête administrative d'inspection pour connaître la régularité des faits. Ce rapport a été remis à Manuel Valls le soir du 18 octobre 2013 à son retour (précipité) des Antilles, et présenté à François Hollande et Jean-Marc Ayrault le matin du 19 octobre 2013 juste avant l'allocution présidentielle à 13h15.


Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport complet (fichier .pdf) :
http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/Leonarda_Dibrani.pdf


Sur Leonarda, lire en particulier ceci :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-120678542.html



SR


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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 07:52

« Prestidigitation : Art de produire l’illusion d’opérations de magie par des manipulations, des artifices, des trucages ; illusionnisme » (Petit Larousse).


yartiFH2013091501Le Président de la République François Hollande s’est exprimé pendant trente-sept minutes lors d’une interview à l’Élysée avec Claire Chazal sur TF1 le dimanche 15 septembre 2013. Il ne l’avait pas fait depuis deux mois.

À l’origine, François Hollande devait présenter la position française sur la Syrie mais ce sujet n’a duré que quinze minutes (moins de la moitié de l’intervention télévisée), si bien que cette nouvelle prestation est apparue à la fois désordonnée, sans fil conducteur et sans message concret à délivrer aux Français.

Sur la forme, il a poursuivi son mimétisme mitterrandien jusqu’à en adopter la pose des mains, ne minimisant aucun signe régalien (drapeaux, lustres, rideau, fauteuils) montrant qu’il était bien le chef de l’État (les visites au siège des chaînes de télévision sont maintenant bien oubliées).

Hélas, cet exercice de comédie ne suffit pas à "asseoir" un Président de la République qui, s’il a évidemment la légitimité populaire (il a été élu le 6 mai 2012 et personne ne lui conteste son élection), montre chaque jour depuis seize mois qu’il est loin d’être à la hauteur, son inexpérience tant diplomatique que gouvernementale n’étant pas de mesure à rassurer un pays en pleine crise économique.


La France loin du leadership diplomatique sur la Syrie

Sur la Syrie, alors qu’il avait mis la France dans une situation de belligérant, aux antipodes de 2003, à savoir, à la remorque des États-Unis, François Hollande a voulu seulement se justifier en disant que sans sa fermeté, il n’aurait pu y avoir un accord américano-russe à Genève le 14 septembre 2013 entre John Kerry et Sergueï Lavrov sur le démantèlement des armes chimiques syriennes.

yartiFH2013091502

Pourtant, il n’a pas répondu à la seule question qui prévaut (posée timidement et sans relance par Claire Chazal) : pourquoi la France a-t-elle été absente des négociations de Genève ?

Rien non plus sur la division totale de l’Union Européenne sur ce sujet, et l’incapacité du Ministre français des Affaires étrangères (à savoir Laurent Fabius) de faire vraiment de la diplomatie, à savoir aller dans chaque capitale européenne pour expliquer la position française.

Heureusement pour lui, mais aussi pour le monde et la paix, la bienheureuse initiative russe a permis de faire machine arrière et de renoncer au principe d’une intervention militaire (auquel les Français étaient très majoritairement opposés) sans (trop) perdre la face.


Toujours plus d’impôts et de taxes

Cependant, la rentrée est aussi propice aux réflexions sur l’économie et les finances, d’autant plus que les principales orientations de la loi de finance 2014 ont déjà été présentées. Sur ce sujet-là aussi, comme toujours, le Président français s’est montré flou, sans colonne vertébrale, sans objectif clairement défini.

Cela fait un an qu’il répète qu’il n’y aura plus de nouvelle taxe ou impôt et cela fait un an que les impôts et les taxes ne cessent d’augmenter pour de très nombreux contribuables. La situation budgétaire demande évidemment beaucoup de rigueur mais on a l’impression qu’on perd sur les deux tableaux : d’une part, François Hollande a confirmé implicitement qu’il y aurait bien 12 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires (alors que ses éléments de langage en étaient restés à 3 milliards) ; d’autre part, la perspective d’une réduction du déficit budgétaire s’éloigne de mois en mois (le 11 septembre 2013, le Ministre des Finances Pierre Moscovici a prévenu que le déficit serait de 4,1%du PIB en 2013, au lieu des 3% prévus en 2012 et martelés encore plusieurs mois en début 2013, et encore de 3,6% en 2014).

En somme, on continue à matraquer fiscalement et socialement les personnes et les entreprises, mais on n’assainit toujours pas les finances publiques. Pourtant, le gouvernement semble avoir timidement commencé à envisager la réduction de 15 milliards d’euros dans les dépenses de l’État, cela reste très insuffisant et évidemment, aucune piste n’a été donnée pour aboutir. La vérité, c’est que le pouvoir attend un miracle conjoncturel pour redresser les finances.

François Hollande a même eu le toupet de dire : « J’ai annulé une augmentation de la CSG qu’on annonçait. », comme si les rumeurs (faute de déclarations gouvernementales claires) pouvaient servir de référence à sa propre politique (et sans compter que l’un des points mis en avant dans sa campagne de la primaire, dès 2010, était une profonde réforme fiscale qui viserait à fusionner impôt sur le revenu et CSG, proposition tombée aux oubliettes avec le reste de ses promesses électorales). Ce qui n’empêchera cependant pas une augmentation de 0,15% des cotisations pour les salariés…

yartiFH2013091504

L’augmentation de la TVA prévue le 1er janvier 2014 aura toujours bien lieu, et François Hollande n’a pas été très crédible en expliquant pourquoi il avait supprimé cette augmentation en juillet 2012 (parce que décidée par Nicolas Sarkozy) pour la réintroduire un an plus tard de manière plus sournoise puisque le taux intermédiaire (initialement de 5,5% et passé à 7,0% par l’équipe précédente) va subir une grande augmentation en passant à 10,0% (cela signifie que ce sont tous les emplois des services à la personne et du bâtiment qui vont être le plus touchés, des emplois qui, en plus, ne sont pas susceptibles d’être délocalisés).


Contribution énergie climat

Le dialogue pourrait aussi être cocasse s’il ne s’agissait pas du porte-monnaie des ménages. Ainsi, à la question sur la pression fiscale et sociale, François Hollande a assuré doctement : « Il n’y aura aucune taxe nouvelle qui sera introduite. » mais dès la question suivante, il a évoqué une « contribution énergie climat » qui « va monter en puissance », certes pas en 2014 (donc, en 2015 ?) pour imposer plus lourdement les énergies fossiles.

Claire Chazal n’avait toutefois pas posé la question pour pointer du doigt les contradictions verbales du Président, c’était juste pour entrer dans la polémique (stérile dont les contribuables se moqueraient bien si ce n’était pas leur argent) entre le PS et les prétendus écologistes du gouvernement à propos d’une taxe (supplémentaire) sur le diesel.

Et justement, à cette question : "Y aura-t-il une taxe supplémentaire sur le diesel ?", contrairement aux comptes-rendus qu’on peut lire dans la presse et les médias, François Hollande n’a absolument rien répondu. Il a juste dit, malicieusement : « Il ne faut pas réduire l’écologie à une nouvelle imposition » mais il a bien confirmé cette fameuse "contribution énergie climat" qui va être un mécanisme génial pour l’État de trouver de nouvelles sources de revenus de manière récurrente (rappelez-vous l’introduction en douceur, le 1er février 1991, de la CSG).

Pour compenser le négatif, François Hollande a cependant annoncé un « crédit impôt rénovation thermique » au contour encore flou (décidément, il adore les crédits impôt).


Incapacité à comprendre l’économie

Même sur les heures supplémentaires (la suppression de la défiscalisation qui affecte de nombreux ménages aux bas revenus), François Hollande s’est montré "désinvolte" (selon le mot du président de l’UDI Jean-Louis Borloo) en affirmant sans prouver que la mesure phare du quinquennat précédent aurait coûté 100 000 emplois.

François Hollande a montré une fois de plus son incapacité à comprendre comment s’organise une entreprise, que trente-cinq heures supplémentaires par semaine ne font pas forcément un emploi supplémentaire, comme le voudrait la logique macro-mathématique de la loi sur les 35 heures qui pense que chaque employé est interchangeable et qu’un nouveau recruté vaut un employé expérimenté et opérationnel dans son poste (d’autant plus que les heures supplémentaires sont là pour répondre à une surcharge momentanée à laquelle il faut répondre immédiatement).


Inversion de la courbe du chômage

L’exemple le plus flagrant de ce numéro de prestidigitation reste cependant la réaction présidentielle à propos de l’inversion de la courbe du chômage (rappelons que c’était le 9 septembre 2012 que François Hollande s’était donné un an pour inverser la courbe ; un peu plus tard, il s’était donné jusqu’en fin 2013).

Face à une conjonction qui se détériore toujours sur le marché de l’emploi, François Hollande a en effet déclaré : « On est près du but ! ». À rapprocher de : « La reprise est là ! » lors de sa dernière intervention télévisée, le 14 juillet 2013. Les demandeurs d’emploi vont avoir les bras qui tombent et auraient sans doute envie de lui répliquer : "T’as vu quand t’as bu ?", sans préjuger, bien sûr, de l’ampleur de sa consommation d’alcool.

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Que pourra-t-il bien dire le 31 décembre 2013 à propos de la courbe du chômage ? Est-il possible qu’il prenne ses concitoyens pour des amnésiques chroniques ? Est-ce si incompréhensible que cela que le FN est plutôt à un haut niveau dans les sondages ?


Et le FN, justement ?

Parmi les derniers sujets, un toujours important et récurrent dans les médias, c’est l’hypothèse du Front national au second tour. J’en reparlerai probablement, mais notons que depuis quelques mois, le problème se poserait plus au PS qu’à l’UMP ou à l’UDI en cas d’élimination dès le premier tour au profit du FN.

Les propos de François Hollande de ce dimanche soir ont été affligeants pour deux raisons : d’une part, il a évoqué un "nous" qui excluait près de 18% des électeurs (score à l’élection présidentielle du 22 avril 2012) ; d’autre part, il n’a donné aucun argument qui justifierait de combattre le FN (et pourtant, Dieu sait s’il y en a !).

Il a juste évoqué le pitoyable 21 avril 2002 et son soutien au Président Jacques Chirac au second tour : « La question ne se pose pas ! » s’est-il exclamé. Ben si, justement, si 18% des électeurs ont voté pour Marine Le Pen l’an dernier, si une proportion peu éloignée semble prête à le faire également pour les scrutins futurs, c’est que la question se pose, si ! Et ce n’est pas en considérant que c’est évident qu’il faut combattre le FN que le FN perdra en audience. J’aurais même tendance à dire que l’effet serait le contraire.

François Hollande a eu beau évoquer ses "valeurs" et ses "principes", il n’a pas dit lesquels et pourquoi ils étaient en opposition avec ce que proposerait le FN. Ce type de réponse sur le FN, aussi inadaptée que contreproductive, s’était retrouvé aussi à propos de la construction européenne avec un message équivalent : la question ne se pose pas, l’Europe est une évidence. À partir du moment où une grande proportion de la population a l’impression inverse, la moindre des choses serait d’expliquer, de faire de la pédagogie, et pas de mépriser.


Mépris national

Car c’est bien cela, en final, que François Hollande maîtrise le mieux, mépriser les Français (et plus particulièrement ses électeurs) : prononcer des propos alambiqués, fuyants, brouillons, flous, inconstants, dans l’incapacité de donner une vision forte, tant sur l’économie (on en reste à la perpétuelle "boîte à outils" qui n’a pas évolué d’un pouce en un an) que sur le dossier syrien.

Face aux dénégations répétées sur la pression fiscale, le mieux est de saisir son avis d’imposition reçu à la fin août pour comprendre le degré de sincérité et de manipulation du pouvoir écolo-socialiste.

Puisqu’une réforme sur la formation professionnelle se profile, je propose qu’on forme un peu mieux le locataire de l’Élysée. Le diplôme de onze années de premier secrétaire du PS ne semble pas le plus ajusté à ce poste…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 septembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du FN.
Première année du quinquennat de François Hollande.
Seconde conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).

yartiFH2013091505 


http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/pathetique-numero-de-140993


 

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15 juillet 2013 1 15 /07 /juillet /2013 07:49

« Couard (du latin cauda, queue) : qui manque de courage. »
« Méthode Coué : méthode de guérison par autosuggestion inventée par un pharmacien français. »
(Extrait du "Petit Larousse").


yartiFH14juill201301Finalement, après quelques hésitations (« Je me suis ravisé. »), François Hollande a décidé d’être Président de la République française jusqu’au bout des ongles, à savoir, monopoliser les deux principales chaînes de télévision pour l’interview "traditionnelle" ce dimanche 14 juillet 2013 à 13h05. Durant sa campagne, François Hollande avait promis qu’il se déplacerait dans les studios de télévision pour prendre la parole, mais son besoin de présidentialiser sa personne a été plus fort.

Ainsi, il a pu manier la langue de bois et l’insignifiance du discours présidentiel à vocation incantatoire à l’occasion de cette fête nationale. Un exercice de style que son prédécesseur François Mitterrand maîtrisait parfaitement et qui nécessite en face des journalistes sages et respectueux : Laurent Delahousse (France 2) et Claire Chazal (TF1) étaient en ce sens un excellent choix.

Une occasion aussi en or pour promouvoir son Ministre de l’Intérieur, très populaire, mais très ambitieux, Manuel Valls, qui venait de prononcer un discours de politique générale très remarqué dans le Gard le 13 juillet 2013.


Le budget des militaires…

La seule annonce présidentielle vraiment nouvelle concernait le budget de la défense qui serait, selon lui, "maintenu" en 2014. On se souvient que ce budget avait fait l’objet de nombreuses polémiques dans une perspective de baisse continue des effectifs et des moyens (déjà engagé sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy), ce qui, à terme, ne permettrait plus des interventions unilatérales comme celle du Mali.

Le Mali était d’ailleurs à l’honneur quelques heures auparavant lors du défilé sur les Champs-Élysées, et aussi la Croatie, qui est devenue le vingt-huitième pays de l’Union Européenne le 1er juillet 2013 : je suis très fier que la France puisse accueillir ainsi avec les honneurs ce nouvel arrivant malgré l’indifférence des médias sur le sujet ; mais c’est plutôt honteux qu’il y ait eu des individus qui aient violé l’esprit de l’unité nationale de cette fête en sifflant le passage du chef de l’État (quelle qu’en soit la raison).


Reprise et marquise

Cependant, le sujet de préoccupation majeur des Français reste le chômage et la crise économique. Sur ce sujet, François Hollande a fait preuve, pour le moins, d’un certain entêtement dans sa vision de la réalité jusqu’à oser affirmer : « La reprise, elle est là ! ».

yartiFH14juill201304

La France vient pourtant juste d’être déclassée par une troisième agence de notation, le déficit public n’est pas du tout circonscrit et les dépenses publiques ne cessent de s’envoler sur l’économie réelle, au point de rendre les prélèvements obligatoires étouffants depuis un an. Si bien que si reprise il y a (ce qui n’est pas de l’avis des observateurs économiques), alors elle sera asphyxiée par les taxes et impôts.


Brouillard fiscal et social

Pire, la hausse des impôts a été quasiment annoncée ce 14 juillet 2013 (alors que l’Exécutif s’était engagé à ne plus les augmenter) avec cette phrase sibylline : « Nous avons des financements à assurer. (…) Je ne ferai d’augmentations d’impôts que si elles sont absolument indispensables. » précisant : « dans l’idéal, le moins possible » ! Avec de telles déclarations qui rendent l’horizon fiscal et social complètement incertain, comment imaginer que les entreprises iront investir dans un futur proche ? Sur quel critère de confiance dans l’avenir ?

Sur les retraites et le déficit de 20 milliards d’euros prévu en 2020, le Président de la République a repris le schéma classique qui avait déjà inspiré son prédécesseur, à savoir que l’espérance de vie gagnant du terrain, il était nécessaire d’augmenter le nombre d’années de cotisation. Il n’a pas exclu non plus d’impliquer les retraités eux-mêmes dans l’effort national de redressement des comptes (sans évoquer une seule fois l’iniquité des régimes spéciaux).


Baisse des dépenses publiques : flou persistant dans les moyens

François Hollande a beau jeu de déclamer : « Je prends l’engagement qu’il y aura moins de dépenses en 2014 qu’en 2013. », il s’était engagé également ainsi l’an dernier et la réalité est qu’il y aura plus de dépenses en 2013 qu’en 2012.

De plus, il n’a pas donné un seul iota du début de commencement des économies qu’il compterait réaliser pour réduire ces dépenses publiques, prêt à sourire à propos du double discours de ses opposants (qui veulent réduire les dépenses publiques mais refusent la baisse de certains budgets de l’État), sans pour autant rassurer sur sa volonté (pourtant proclamée à chaque occasion) de réellement baisser les dépenses publiques (dans l’immédiat, on embauche massivement à l’Éducation nationale sans pour autant changer l’organisation ni les méthodes éducatives).


Exaspérante boîte à outils pour l’emploi

Concernant le front de l’emploi, François Hollande est revenu une énième fois avec sa boîte à outils qui manque singulièrement d’efficacité : il espère ("promet" !) 100 000 emplois jeunes (contrats d’avenir) d’ici la fin de l’année et 70 000 contrats de génération pour le début de l’année prochaine (ces deux dispositifs ne fonctionnent toujours pas malgré l’effet d’aubaine des contrats aidés).

yartiFH14juill201302

La seule réflexion intéressante reste encore ces 35 000 emplois qui ne sont pas pourvus et qui feront l’objet de formations pour les demandeurs d’emploi d’ici la fin de l’année (sans dire comment seront financées concrètement ces formations).


Transition écocynique

Sur l’écologie, François Hollande a sorti son laïus classique sur la transition écologique sans beaucoup de conviction (j’y reviendrai) en insistant sur les gaz de schiste : « Tant que je serai Président, il n’y aura pas d’exploration du gaz de schiste. ». Cela ne l’a pas empêché de garder au gouvernement son Ministre de l’Industrie Arnaud Montebourg qui proposait exactement l’inverse (était-ce une sonde présidentielle ?), sans voir la contradiction avec le renvoi de sa ministre Delphine Batho qui avait franchi la ligne rouge : critiquer son budget.

Pourtant, il n’y a eu aucune question concernant justement les accusations graves portées par Delphine Batho contre les lobbies industriels auxquels serait soumis le gouvernement. Aucune question, aucune réponse donc sur le sujet. Les attaques d’une ex-ministre il y a quelques jours étaient pourtant sans précédent sur la forme et sur le fond. Mais rien. Que de la pusillanimité !


Rien à dire sur des sujets brûlants

Rien non plus (faut-il fustiger les deux journalistes visiblement dans l’allégeance ou dans l’endormissement du soleil de midi ?) sur des sujets très sensibles pour les Français, comme les relations entre la France et les États-Unis, à propos de la révélation d’espionnage des services américains mais aussi à propos du début des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique entre l’Union Européenne et les États-Unis. La France semble douter de l’efficacité des négociateurs européens mais les Français ne sauront pas la position précise de la France sur ce sujet crucial. En a-t-elle au moins une, de position ?

yartiFH14juill201303

Rien non plus sur l’affaire Cahuzac et sur le détricotage méthodique des mesurettes sur la transparence qu’il avait soumises aux parlementaires. Rien sur la cuisine électorale qu’il s’apprête à promulguer pour permettre à dénaturer le vote de ses concitoyens.

Rien non plus, enfin, sur les graves sujets éthiques et sociétaux qui bouleversent la tradition républicaine qui refusait jusqu’à maintenant l’instrumentalisation de la vie humaine, que ce soit sur l’expérimentation sur les embryons humains, sur une possible "PMA pour tous" ou encore sur l’euthanasie et le suicide assisté alors que deux récents rapports sur la fin de vie préconisaient justement de ne pas légiférer sur le sujet.

Bref, le Président François Hollande est loin d’avoir rassuré les Français, loin de les endormir sur sa supposée reprise économique (cela fait penser aux voyants rouges que Pierre Mauroy, alors Premier Ministre daltonien, voyaient imperturbablement au vert en janvier 1983), loin de les calmer sur des réformes sociétales qui feront passer l’économique avant l’humain.


Une extrême gravité

En revanche, François Hollande, sans évoquer les récentes élections législatives partielles qui furent un désastre pour son parti, a récité sa leçon préparée à l’avance pour dénoncer les discours d’exclusion de Marine Le Pen : « J’ai entendu qu’elle voulait faire de son parti le centre de gravité ; c’est d’une extrême gravité ! » et lui d’énumérer pourquoi le programme du FN est d’une "extrême gravité".

Avec ces belles tirades et cette pirouette du jeu de mots, on doute néanmoins de l’effet dissuasif d’aller voter pour le FN dans les mois à venir.


Comment relancer l’économie dans un tel brouillard ?

En somme, voici une intervention télévisée qui n’aura servi à rien. Qui n’aura que chercher à nourrir la présidentialisation de sa personne. Mais, s’il a cherché à obtenir respect des Français pour sa fonction, François Hollande n’aura montré aucun respect pour eux en restant dans un flou qui lui est si coutumier.

On ne s’étonnera donc pas que les voitures, qui roulent aujourd’hui dans un brouillard épais et durable, ne chercheront pas à accélérer leur allure. Aucune entreprise ne souhaite en effet dérailler à grande vitesse…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 juillet 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Première année du quinquennat de François Hollande.
Seconde conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Émission sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13 novembre 2012).
Jean-Marc Ayrault.
Bientôt un remaniement ministériel ?
Le Mali.
La Croatie.
Le 14 juillet en France.

yartiFH14juill201305


http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-hollande-entre-couardise-138666

 

 

 

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11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 09:35

Le gouvernement a présenté le 9 juillet 2013 à l'Université Pierre-et-Marie-Curie, à Paris, l'ensemble des mesures pour les investissements d'avenir d'ici 2025.

Cliquer sur le lien pour télécharger le dossier complet (fichier .pdf) :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/dp_investir_pour_la_france_0.pdf



SR


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9 juillet 2013 2 09 /07 /juillet /2013 21:28

(verbatim)


"Investir pour la France"
09/07/2013


Cliquer sur le lien pour télécharger le discours de Jean-Marc Ayrault du 9 juillet 2013 (fichier .pdf) :

http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/interventions/07.09_-_discours_de_jean-marc_ayrault_premier_ministre_-_investir_pour_la_france.pdf




Discours de Jean-Marc Ayrault à l'université Pierre et Marie Curie

mardi 9 juillet 2013

Mesdames et messieurs les ministres,
mes chers collègues,
mesdames, messieurs les parlementaires,
monsieur le préfet de région,
monsieur le président de la région Ile de France,
mesdames et messieurs les élus,
monsieur le recteur,
monsieur le président de l'université,

merci de nous accueillir ici à l'université Pierre et Marie Curie, où je suis venu vous parler de la France de demain.

Dans cette institution vouée à la transmission du savoir à la jeunesse, dans ce haut-lieu de la recherche scientifique, je suis venu rappeler qu'investir, c'est se projeter dans l'avenir. Que sera la France dans dix et même dans 20 ans ? Pour façonner cette France il faut faire acte d'imagination et de volonté. Je veux une France où les villes et les villages devenus plus denses sauront préserver les terres agricoles, les espaces naturels, et la biodiversité. Je veux une France qui rassemble ces territoires sans en exclure aucun, ces territoires ruraux comme ceux de nos cités ; une France où dans chaque commune des logements de qualité seront accessibles à tous les ménages et leur permettront de réduire leur consommation d'énergie ; une France où l'énergie sera davantage issue de mode de production renouvelable et moins du nucléaire. Je veux une France où le service de santé se sera modernisé, où les dernières innovations thérapeutiques seront accessibles à tous ; une France où les jeunes seront mieux formés, où l'alternance sera vraiment développée ; une France qui valorisera la connaissance au sein d'un grand nombre de pôles universitaires et de laboratoires à rayonnement mondial.

Mesdames et messieurs, je veux une France où les voyageurs et les marchandises circuleront plus facilement grâce à des transports plus performants et plus économes en énergie ; une France qui émettra moins de gaz à effet de serre, où la qualité de l'air et de l'eau sera meilleure ; une France où l'économie circulaire se sera développée, et dont les entreprises intègreront systématiquement les enjeux environnementaux dans leurs décisions. Je veux une France où l'accès à la connaissance sera facilité grâce à l'internet à très haut débit accessible sur tous les territoires. Enfin je veux une France qui aura créé de nouveaux relais de croissance pour ces entreprises, rassemblées au sein de filières bien structurées, conquérantes à travers le monde et capable de créer des emplois durables.

Mesdames et messieurs, cette France là, c'est la France que nous volons et nous y arriverons à condition, à condition de faire en temps utile les choix qui s'imposent, et nous y sommes. Le gouvernement a fait des choix clairs. D'abord redresser les comptes publics, restaurer la compétitivité de nos entreprises, engage des réformes structurelles nécessaires et aussi tout faire en le réformant pour préserver notre modèle social et républicain. Et puis bien sûr réussir la transition écologique grâce à un nouveau modèle de développement.

Ces choix sont intimement liés au plan que je vous présente aujourd'hui. Prenez les finances publiques. Leur maîtrise est indispensable. II est indispensable pour l'avenir de la France. Et chacun admettra que sérieux budgétaire et investissement, l'un et l'autre sont nécessaires au redressement du pays. Et dans l'une et l'autre attitude doit souffler un même esprit. Si l'investissement public est une nécessité, il doit aussi être une discipline. Il doit être ciblé, il doit être réfléchi, rigoureux, en un mot efficace et utile. La France est un pays qui investit davantage aujourd'hui que par le passé. Et davantage que bon nombre de ses voisins. Et parmi les acteurs de l'investissement, il y a les entreprises. Certains de leurs représentants sont présents dans cet amphithéâtre aujourd'hui, et je veux leur dire que l'Etat est avec eux, et ils le savent. Avec le pacte pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, l'Etat a pris ses responsabilités.

Pour stimuler l'investissement privé au service de l'emploi, en instituant un crédit d'impôt, l'Etat a investi 20 milliards d'euros pour aider les entreprises à croître, à innover, à former, à embaucher. En lançant la Banque Publique d'Investissement, l'Etat a répondu aux besoins de financement des entreprises. En simplifiant, en modernisant l'action publique, l'Etat supprime ce qui entrave l'activité.

Mesdames et messieurs je veux que l'Etat encourage tous ceux qui prennent des risques pour la France. Oui, je veux une puissance publique qui impulse, qui anticipe, et qui elle aussi sait prendre les risques nécessaires. L'Etat et les collectivités locales à commencer par les régions et les métropoles doit être en impulsion. Les grandes avancées technologiques sont souvent nées de la combinaison de l'impulsion publique et des énergies privées. Il nous faudra donc unir nos forces et nos efforts. Unir les forces. J'assume et je revendique ma mission d'une France plurielle, et décentralisée, qui se développe autour de plusieurs pôles.

Chaque territoire a son histoire industrielle et sociale, ses atouts, ses défis à relever. C’est dans chaque territoire que doit s’inscrire notre politique d’investissement. Je défends ainsi l’idée qu’investir pour la France, c’est investir dans ces territoires, avec ces territoires. Voilà donc, mesdames et messieurs, ma philosophie, la philosophie qui est la mienne pour l’investissement pour l’avenir de la France.

A présent, je veux vous présenter quelques-unes des politiques et des ressources que l’Etat va mobiliser pour que la France que j’appelle de mes vœux voit le jour dans les années qui viennent.

La France ne subit pas les évènements. Non. La France a un destin, elle a une politique, elle a une ambition et je vais prendre plusieurs axes. Le premier que je vais évoquer, c’est celui du logement. Vous savez tous que nous avons engagé pour stimuler la construction de logements, en cédant à bas prix des terrains publics et en relevant les obligations dans la loi SRU, ça, c’est parti et sur ce dossier fondamental qu’est le logement des Français, je suis, avec le gouvernement, décidé à aller plus loin.

Hier, j’ai signé le pacte entre l’Etat et l’Union sociale de l’habitat qui regroupe tous les bailleurs sociaux de France. Ce pacte formalise nos engagements réciproques. Parmi d’autres mesures, l’Etat va baisser le taux de TVA applicable à la construction de logements sociaux et aux grosses rénovations. En contrepartie, les bailleurs sociaux s’engagent à mutualiser leurs capacités d’investissement, à accélérer la construction de nouveaux logements, 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements sociaux, voilà notre objectif, il est connu, il est ambitieux, nous le tiendrons.

Dans nos villes, la rénovation des quartiers fragiles se poursuit. Le nouveau Programme national de rénovation urbaine sera doté de 5 milliards d’euros. Fin mars, le président de la République a annoncé également un plan de rénovation thermique des bâtiments et des logements précisément qui concernera 500 000 logements par an et qui sera un puissant outil pour lutter contre la précarité énergétique qui touche 4 millions de Français, qui permettra de créer 75 000 emplois.

Pour cela, l’Etat mobilisera 1,5 milliard d’euros pendant les deux années qui viennent. Les ménages pourront bénéficier de cette aide, dès le mois de septembre, via un guichet unique qui sera installé dans tous les territoires, qui facilitera l’accès à l’information et à la constitution des projets. Il s’agit bien sûr – là, c’est très clair – de réduire la consommation de l’énergie, mais on le voit avec l’augmentation du coût de l’électricité, ces prochains jours, il s’agit aussi de diminuer la facture, d’améliorer le pouvoir d’achat des Français en réduisant leur facture de chauffage.

Je suis heureux de vous annoncer aujourd’hui une autre nouvelle d’investissement, c’est le déploiement du compteur électrique Linky, dont on a beaucoup parlé depuis des mois et des mois, qu’on appelle aussi le compteur intelligent, qui remplacera les compteurs traditionnels que chacun connait et qui va faciliter la vie des utilisateurs grâce aux relevés à distance, qui les aidera à maîtriser leur consommation d’électricité en les informant mieux, qui permettra de développer de nouveaux services comme le pilotage automatique des appareils électriques du foyer. Trois millions de compteurs Linky seront installés par ERDF d’ici 2016, tous les logements seront équipés d’ici 2020. C’est un investissement qui est financé par EDF, sur ses fonds propres, estimé au total à 5 milliards d’euros.

J’en viens à un autre point essentiel qui est la question des déplacements, la question de la mobilité et des transports. J’ai reçu il y a quelques jours le rapport de la Commission, avec le ministre des Transports, de la Commission Mobilité 21. C’est un rapport d’une qualité exceptionnelle, je le dis franchement. Sa hauteur de vue contraste avec la démarche du gouvernement précédent qui consistait à aligner sans aucun financement ou plutôt à promettre d’aligner des kilomètres de rails ou de routes sans se soucier de leur impact sur l’économie, sur la vie quotidienne des Français, en un mot sur leur efficacité et leur faisabilité.

Le rapport Mobilité 21 montre qu’aujourd’hui, l’urgence n’est pas de lancer de nouveaux projets pharaoniques ou déficitaires, mais d’agir sur la mobilité quotidienne des Français. Parce que notre patrimoine routier et surtout ferroviaire s’est beaucoup dégradé et que sa performance diminue régulièrement. Parce qu’il nous revient de garantir à tous nos concitoyens des moyens de transport rapides, réguliers, confortables, sûrs, pour aller au travail, pour se former, pour les loisirs. Parce que c’est là qu’il faut encourager tout particulièrement le report vers des modes de transport moins polluants.

En ce qui concerne les grands projets, le gouvernement partage les critères d’analyse proposés par la Commission Mobilité 21 et se fixe comme référence son scénario numéro deux qui prévoit environ 30 milliards d’euros d’investissements, tous financeurs confondus, pour mener des opérations prioritaires.

Accélérer la résorption des nœuds ferroviaires, c’est un préalable à l’amélioration de l’offre, y compris pour les dessertes TGV existantes. Renforcer la continuité des itinéraires de fret, améliorer le maillage du territoire grâce à la rénovation de lignes de chemin de fer classiques ou à la construction de nouvelles lignes.

La France ne tourne pas du tout le dos à la grande vitesse, elle y demeure attachée, d’ailleurs des projets sont en cours et devront être réalisés d’ici 2017. Les études des projets, des autres projets potentiels vont se poursuivre. Les priorités nationales seront actualisées tous les cinq ans et sur la base de critères objectifs et en tirant les conséquences de la reprise de la croissance. Mais entre les TER et les TGV, les trains Intercités doivent impérativement prendre toute leur place, comme l’a annoncé le président de la République.

C’est pourquoi, je vous annonce que les trains Intercités, qui maillent vraiment le territoire et qui facilitent la mobilité, seront intégralement renouvelés entre 2015 et 2025. L’Etat lancera dès cet été une première commande d’un minimum de 500 millions d’euros pour des trains neufs, associés à des voies modernisées, ces nouveaux trains offriront aux Français un service plus efficace, plus confortable, plus accessible et plus accessible financièrement.

Pour servir ces ambitions, j’ai décidé de doter la FIT des moyens nécessaires. Au total, l’effort de la nation pour la mobilité sera de plus de 5 milliards d’euros par an. C’est un effort sans précédent que chacun doit apprécier à sa juste valeur. On doit d’ailleurs y ajouter tout ce qui a déjà été financé et décidé pour le Grand Paris, donc qui se cumule avec cet effort très important.

Les recommandations du rapport Duron doivent désormais être déclinées sur l’ensemble du territoire, particulièrement en ce qui concerne la modernisation et la transformation des réseaux. Cela exige d’établir un diagnostic, puis une programmation fine, en concertation étroite avec les élus locaux qui connaissent les besoins les plus urgents et les plus concrets.

Ce sera l’objet du volet mobilité des futurs contrats de plans Etat/régions, dont je lance aujourd’hui l’élaboration. J’ai annoncé aux préfets ce matin que cette procédure était relancée. Il s’agit des contrats pour la période 2014-2020 qui devront formaliser nos engagements mutuels. Outre les transports avec une approche désormais multimodale, ces contrats de plans Etat/régions devront porter sur l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation, sur le numérique et ses usages, sur la transition écologique et énergétique, c’est-à-dire sur les principaux leviers pour construire les territoires durables de demain.

Les préfets recevront dans les prochains jours des instructions précises pour engager les négociations qui prendront, certes, plusieurs mois, peut-être huit mois, mais j’ai demandé que sur le volet mobilité, les négociations soient anticipées pour être conclues avant la fin de l’année 2013.

Mesdames et messieurs, vous le voyez, l’Etat, les régions, les métropoles investissent chaque jour pour offrir à nos concitoyens des territoires à haute qualité de service. J’ai évoqué le logement, les transports, la mobilité, mais j’aurais pu citer aussi l’école, l’université, j’ai déjà parlé du numérique. D’ailleurs, à propos du numérique, j’ai annoncé en février le déploiement en dix ans de l’Internet à très haut débit, en dix ans, sur tout le territoire français, pour un montant mobilisé de 20 milliards d’euros.

Mais au-delà de ces investissements directs, il faut investir pour l’innovation, pour créer de nouvelles techniques de production, de nouveaux produits, de nouvelles formes de vie économique et sociale, autrement dit pour préparer les investissements de demain.

C’est pourquoi j’ai décidé de lancer un nouveau programme d’investissements d’avenir doté de 12 milliards d’euros. Le PIA aujourd’hui, qui est géré par le commissaire général à l’investissement, Louis Gallois, est un outil remarquable. Il obéit à une méthodologie rigoureuse : l’appel à projets, suivi d’une expertise indépendante des propositions qui sont soumises. Il investit dans tous les secteurs économiques : la transition énergétique, la santé, l’agroalimentaire et bien d’autres. Il exerce un puissant effet de levier sur les collectivités, mais aussi sur les investisseurs privés, puisqu’il intervient pour 20 à 30 % en moyenne dans le financement des projets, il se distingue en cela des interventions traditionnelles de l’Etat.

Ce nouveau PIA répond à deux objectifs stratégiques : le renforcement de notre compétitivité au service de l’emploi et le caractère durable du développement de notre économie. La majorité des financements du nouveau PIA seront soumis à une éco-conditionnalité et 50 % concerneront directement ou indirectement des investissements pour la transition écologique.

Les principaux domaines d’intervention du nouveau PIA seront au nombre de trois. Premièrement, la recherche et l’université, avec une enveloppe supplémentaire de 3,6 milliards destinée notamment à poursuivre le financement des initiatives d’excellence. L’objectif est de créer de nouveaux campus à rayonnement international, de les équiper des matériels de dernière génération et d’accélérer la mise au point des technologies clé.

Deuxièmement, la transition énergétique et écologique et la construction urbaine durable auxquelles seront directement dédiés 2,3 milliards, par l’intermédiaire de l’ADEME, qui recevra environ la moitié de cette dotation. Nous développerons, par exemple, les projets des entreprises du génie écologique, de la sobriété énergétique, du recyclage. Nous acquerrons la maîtrise des technologies des énergies du futur comme la pile à combustible, les réseaux de chaleur, la biomasse et nous généraliserons leur utilisation. Nous agirons enfin pour préserver notre biodiversité.

Et puis, s’agissant de l’industrie, je ne peux pas manquer de rappeler l’annonce que j’avais faite l’année dernière, à la Conférence environnementale, pour que notre industrie de l’automobile réussisse sa mutation avec l’investissement nécessaire pour réaliser la voiture à 2 litres à essence aux 100 kilomètres.

Si l’on tient compte du vaste plan Linky, que j’ai évoqué tout à l’heure, de maîtrise de la consommation d’énergie, ce sont presque 7,5 milliards d’euros qui sont ainsi directement mobilisés en faveur de la transition écologique et énergétique. C’est donc un choix stratégique qui est fait.

Le troisième domaine d’intervention, je viens de l’évoquer à travers un exemple, c’est l’industrie, à laquelle nous consacrons 1,7 milliard d’euros. Il s’agit, là aussi, d’encourager l’innovation, notamment au sein des pôles de compétitivité pour favoriser l’émergence de nouvelles filières à fort potentiel, la robotisation, le déploiement des services sans contact, le développement d’une nouvelle génération de biocarburants, la constitution d’une vraie industrie des dispositifs médicaux, l’utilisation généralisée de réseaux intelligents, voilà quelques-uns des projets que le gouvernement présentera aux entreprises début septembre et que l’Etat soutiendra par de l’investissement, mais aussi par le biais de la commande publique, de la règlementation et de formation dédiée.

Le PIA poursuivra également son engagement en faveur de l’excellence technologique de nos industries aéronautiques et spatiales et de défense, qui exportent, qui embauchent et dont les savoir-faire de pointe irriguent l’ensemble de l’économie.

Le PIA continuera à accompagner le développement des nouvelles technologies dans le domaine de la santé. La France, je l’ai dit tout à l’heure, dispose d’un des meilleurs systèmes de soins au monde, grâce auquel les avancées les plus récentes de la médecine sont mises au service de tous les patients. Mais il n’est pas question de le laisser péricliter.

Ces dernières années, de nombreux espoirs ont été déçus par deux plans successifs pour la rénovation des hôpitaux. C’est pourquoi je me félicite du résultat auquel nous sommes parvenus. D’ici 2022, la France investira 4,5 milliards d’euros chaque année pour la modernisation de son réseau hospitalier dans l’Hexagone et dans les Outre-Mer.

J’ai également voulu ouvrir le PIA à de nouveaux domaines, au premier rang desquels la jeunesse et la formation. Préparer l’avenir, ce n’est pas seulement financer l’innovation technologique, c’est aussi donner leur chance aux jeunes, c’est soutenir leurs initiatives qui surgissent parfois sur notre territoire, dans sa diversité, dans les banlieues comme dans les zones en mutation. Des projets innovants en faveur de l’emploi des jeunes dans les cités, mais aussi le développement de l’apprentissage, la création d’internats de la réussite seront soutenus.

J’ai voulu mettre le Programme d’investissements d’avenir au service de la modernisation de l’Etat, en finançant des projets qui transforment les conditions même de l’action publique, car je veux que la France de demain dispose aussi de meilleurs services publics. Je l’ai dit, l’investissement et le sérieux budgétaire vont de pair.

Afin de respecter la stratégie de financement de l’Etat, les dépenses liées au nouveau PIA monteront en puissance progressivement. Elles prendront le relais du programme d’investissements d’avenir actuel, les recettes issues des cessions de participations de l’Etat contribueront à son financement grâce à une gestion active et responsable du patrimoine de l’Etat.

Mesdames et messieurs, évidemment, je ne suis pas rentré dans tous les détails. J’ai voulu vous adresser l’essentiel du message qui est le nôtre aujourd’hui. J’ai voulu qu’il soit d’abord question d’une vision de la France. mesdames et messieurs, la politique ne se nourrit pas que de décisions. La politique, c’est se projeter dans le temps. C’est être capable de se dépasser et de s’inscrire dans une grande et longue histoire. A cet exercice, j’invite toutes les Françaises et tous les Français. Je les invite à s’y investir et à s’y investir pour la France et j’invite chacun des acteurs qui font et qui feront la France à apporter leur contribution.

Jean-Marc Ayrault, le 9 juillet 2013 à Paris

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