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11 janvier 2013 5 11 /01 /janvier /2013 07:03

Interférences de Noël entre vie personnelle et vie professionnelle : les responsables politiques ont-ils le droit de prendre des vacances ? Peut-être pas à l’île Maurice ou à Zanzibar…


yartiFilippetti01Ah, c’est difficile de concilier sa vie privée avec son travail lorsqu’on est une personnalité publique. Aurélie Filippetti, la nouvelle Ministre de la Culture, est une femme sympathique, intelligente et peut-être même le modèle enfin trouvé de la femme en politique : ni thatchérienne, ni barzachienne, bref, une femme, ni plus ni moins, responsable politique comme les autres.

Les vacances de Noël ont été l’objet d’une sérieuse vigilance de la part de l’Élysée. Les trop grandes critiques des vacances du mois d’août alors que la crise secouait les citoyens avaient fait un mauvais effet. Ce qui est un peu stupide, car tout Président de la République qu’il soit, c’est comme le conducteur d’un autocar, il valait mieux que François Hollande fût bien reposé pour attaquer l’automne 2012 (surtout après une année si éprouvante et épuisante pour lui) plutôt qu’il décidât n’importe quoi ou n’importe comment sous le coup de la colère ou de la fatigue.

Pour cette raison, François Hollande avait donné une consigne très stricte à ses ministres : pas de séjour à moins de deux heures de Paris (deux heures en avion, cela donne encore quelques belles possibilités !). La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem avait ainsi annoncé avant Noël : « Le Président a rappelé qu’une année fait 365 jours et qu’il attend de chacun présence et vigilance. ». Seuls, les ministres Victorin Lurel et George-Pau Langevin avaient été autorisés à passer les fêtes de Noël dans leur famille en Guadeloupe.

C’est dans cette perspective qu’une stérile polémique a commencé en début de semaine à de se développer au sujet d’Aurélie Filippetti. Les rumeurs faisaient état de ses vacances sur l’île Maurice. Qui est un peu plus éloignée que les deux heures en avion préconisées.

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Son cabinet a alors immédiatement démenti. Mais la revue people "Voici" a  méchamment sorti des photographies d’elle sur une plage mauricienne (ici). Il a donc bien fallu qu’elle confirmât l’information. Privée pourtant.

L’affaire est remontée jusqu’à l’Élysée qui a dû se fendre d’un communiqué amical : le Président « a autorisé Aurélie Filippetti à partir si loin à titre exceptionnel, pour des raisons privées. La ministre de la Culture n’est pas, dans son ministère, dans un rythme d’urgence quotidienne, à l’inverse du Ministre de l’Intérieur. ». En clair, ses responsabilités étant mineures, ce n’était pas grave qu’elle fût si éloignée de son ministère.

Car c’est cela l’essentiel. La ministre a dû se justifier : « Ce voyage m’a été offert par mon compagnon. Dès que j’ai connu la teneur de ce cadeau, j’en ai averti le Président de la République qui m’a autorisé à partir. ».

Sa collègue Cécile Duflot avait, elle aussi, créé la polémique (bien avant d’être ministre) pour être allée aux Maldives en avion avec donc un bilan carbone désastreux (mais c’est sa mise du Japon dans l’hémisphère sud à l’époque de Fukushima qui avait plutôt concentré l’ironie des pourfendeurs de cette diplômée bac+5 en géographie).

Le sujet est sensible. C’est cela qui a fait démissionner Michèle Alliot-Marie en février 2011 du Ministère des Affaires étrangères, pour des vacances de Noël trop tunisiennes au goût des observateurs du début des révolutions arabes. Cela n’a pas empêché celles de Jean-François Copé d’avoir été marocaines et celles de François Fillon l’auraient également été sans la présence de son rival à l’UMP (selon le journal "Marianne").

La charmante et jeune ministre Aurélie Filippetti doit cependant commencer à sentir son cuir s’épaissir avec sa brillante trajectoire politique. Évoquée par elle-même comme une victime potentielle de Dominique Strauss-Kahn lorsqu’elle était jeune militante, elle avait également dû subir il y a quelques années la honte, le désespoir et la fureur (ce sont des mots d’elle) pour une triste affaire privée que le cabinet de Nicolas Sarkozy avait odieusement ébruitée dans les médias (histoire racontée dans "Sarko m’a tueR", un livre de témoignages recueillis par Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au journal "Le Monde").

Sa vraie maladresse a été que son cabinet ait démenti une information vraie et prouvée même si elle ne concernait personne publiquement. Elle s’en est tirée sur Europe 1 avec cette pirouette : « Je considérais que ce séjour relevait de la vie privée, et je considérais que je n’avais pas à les en informer [à en informer mon cabinet], dès lors que je restais joignable et en contact permanent avec mon cabinet. ».

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La polémique s’est d’ailleurs délocalisée ce vendredi 11 janvier 2013 de la rue de Valois au quai d’Orsay en épinglant le Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui a passé « quelques jours de repos » en fin d’année sur l’archipel de Zanzibar, au large de la Tanzanie (selon Europe 1 qui a révélé l’information la veille). Une conseillère du ministre a juste précisé : « Je pense qu’il a informé le Président de la République de cette destination. ».

Ces deux destinations ne sont pas a priori politiquement condamnables (au contraire de la Tunisie en fin 2010). Seulement, ce que les ministres devraient savoir, c’est qu’en fonction, souvent de courte période, ils n’ont PLUS de vie privée, tous leurs faits et gestes prennent un sens particulier. C’est quand même facile de comprendre cette règle et ils ne sont d’ailleurs pas obligés de l’accepter. C’est comme se montrer au volant d’une belle voiture de sport quelques mois avant une possible candidature à l’élection présidentielle : dans tous les cas, ce n’est jamais malin et pas très psychologue vis-à-vis du peuple, tout cadeau d'amoureux que ce fût…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 janvier 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Sur une plage mauricienne (photo).
François Hollande.
Laurent Fabius.
Mélenchon vs Cahuzac.

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/aurelie-filippetti-et-laurent-128778

 

 

 

 

 

 

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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 07:37

Petit retour sur les vœux présidentiels et sur l’année 2013 qui s’annonce pour la France… Après le volontarisme de vitrine sarkozyen, voici le vous-allez-voir-ce-que-vous-allez-voir impuissant de François Hollande.


yartiHollandie01Ceux qui ont critiqué le manque de stature présidentielle de Nicolas Sarkozy ne devraient pas être déçus par son successeur : ils pourront toujours continuer à fustiger l’attitude du Président de la République. L’allocution des vœux qu’il a prononcée le 31 décembre 2012 à la télévision confirme une fois encore que la France manque sérieusement d’un capitaine sachant fixer le cap et pouvant anticiper sur les événements.


L’autosatisfaction non compassionnelle

Pour François Hollande, l’année 2012 est l’année de son élection, celle d’un miraculeux coup de poker qu’il croyait jouer pour 2007 mais qu’il a finalement gagné en 2011 et 2012. Il a réussi à la fois à prendre de vitesse son parti (prêt à se livrer à Dominique Strauss-Kahn) sous le regard dubitatif des autres éléphants, et à séduire les Français (agacés par l’attitude peu présidentielle de Nicolas Sarkozy) d’une manière inespérément normale.

Et finalement, même lorsqu’il parle du chômage, il n’a pas pu s’empêcher d’être optimiste et d’esquisser un discret rictus, le sourire un peu niais de l’autosatisfaction de sa double campagne efficace et rude. Lui est arrivé alors que rien n’est commencé sur le front de l’emploi.

N’est pas Mitterrand qui veut. Dans ses vœux, François Mitterrand, dont le degré d’honnêteté intellectuelle et de sincérité politique est désormais connu de tous, avait quand même su parler aux plus défavorisés sur un ton compassionnel crédible. Feindre la compassion n’est pas donné à tous. N’est pas non plus Churchill qui veut : on ne promet pas du sang ni des larmes quand on arbore un joli sourire d’autosatisfaction.

N’est pas non plus Pierre Mendès France qui veut (voir aussi plus bas) : « Certains redoutent qu’un langage loyal et ferme sur la situation présente n’entraîne le découragement. C’est qu’ils n’ont pas foi dans la volonté et dans l’aptitude de la nation à se redresser. » disait l’ancien Président du Conseil, ce que François Hollande a commenté le 5 janvier 2013 ainsi : « La vérité, c’est de dire que ce sera très difficile. La volonté, c’est de dire qu’on va se mobiliser pleinement. ».


Droit dans ses bottes ? face au mur ?

François Hollande n’est pas crédible parce qu’il s’évertue à rester aveugle alors qu’il pourrait ouvrir les yeux. Rien que les perspectives de la croissance pour 2013, bien trop faibles pour faire redémarrer l’emploi (comme l’a rappelé Jean-Luc Mélenchon dans son débat un peu brutal face à Jérôme Cahuzac le 7 janvier 2013). Non seulement le gouvernement refuse de revoir à la baisse sa perspective de 0,8% alors que tous les organismes indépendants tablent plutôt sur 0,1-0,2% (ce qui, du reste, signifie mécaniquement qu’il y aura un nouveau plan de rigueur après l’été 2013 pour maintenir l’objectif du déficit public à 3% du PIB), mais il croit au Père Noël. C’est peut-être encore l’époque (du moins en Russie), mais ce n’est pas très sérieux quand on prétend gouverner un pays de 66 millions d’habitants.

Ses propos restent incantatoires : il a affirmé que tout devait être fait pour favoriser l’emploi. Mais encore heureux que c’est son objectif ! La France compte aujourd’hui 3 132 600 demandeurs d’emploi. Et encore, sans compter les emplois précaires ou à temps partiel. La lutte contre le chômage, cela aurait dû être l’objectif principal de tous les gouvernements depuis au moins trente ans ! Le chômage non seulement mine la population par la précarité et la paupérisation croissantes, mais aussi les comptes publics et la fragile cohésion sociale prête à se déliter dans de errements sécuritaires ou sociétaux.


Promesse peu raisonnable

Dans sa conférence de presse du 13 novembre 2012, puis dans ses vœux du 31 décembre 2012, François Hollande a promis aux Français l’inversion de la courbe du chômage pour la fin de l’année 2013. D’une part, cela signifie que l’année 2013 va être socialement catastrophique, que des pans entiers de l’économie vont encore s’effondrer (le rythme est entre 30 000 et 45 000 emplois détruits par mois). Mais d’autre part, cette promesse n’est pas très responsable : l’État a peu de leviers (mais il en a), et la conjoncture économique internationale aura une influence bien plus grande que les incantations hollandiennes.

D’autant plus irresponsable et hasardeuse qu’elle n’a même plus la nécessité d’un objectif électoral, et donc, c’est le crédit de la parole publique qui va en prendre un coup si d’aventure, ce que je ne souhaite évidemment pas, cette promesse n’était pas tenue. Pierre Mendès France avait coutume de dire : « Ne rien promettre qu’on ne puisse pas tenir ».

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François Hollande, qui ne disconviendrait pas d’en être l’un des héritiers politiques, aurait mieux dû s’en inspirer (le comble, c’est qu’échaudé par le dossier Florange, il a rappelé paradoxalement cette citation dans la ville même de Pierre Mendès France, à Louviers, le 5 janvier 2013, puis à Val-de-Reuil, à propos du dossier Petroplus : « Nous ne devons jamais promettre au-delà de ce que nous sommes absolument sûrs de pouvoir tenir. (…) L’État fera son devoir, mais l’État ne peut pas être le repreneur, et ça, les salariés le savent parfaitement. »).

Car qu’adviendrait-il en cas de situation morose en fin 2013 ? La dépréciation complète non seulement de la parole présidentielle mais également de toute parole de responsable politique prétendant gouverner. Et cela ne pourrait profiter qu’à ceux qui dénoncent les promesses jamais tenues en promettant paradoxalement encore bien plus, par simple démagogie électorale. Bref, cela profiterait aux extrémismes.


Les outils du Président Hollande

Quelles sont les éléments qui pourraient rendre optimiste François Hollande sur le front de l’emploi ? Il y a trois pistes sociales sur lesquelles il compte beaucoup pour l’année 2013.

1. Les "emplois d’avenir"

Le dispositif a déjà été voté avec la loi n°2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d’avenir (chapitre IV du titre III du livre Ier de la 5e partie du Code du travail), et est donc déjà opérationnel.

Ce sont 150 000 emplois aidés pour les associations ou les collectivités locales. 75% du SMIC est payé par l’État (35% dans le secteur marchand) et le reste par l’employeur. Il s’agit de CDI ou de CDD de trois ans. Le coût public est estimé à 1,5 milliards d’euros par an. Son but est de « faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à une qualification pour des jeunes en difficulté ».

Ce dispositif n’est pas nouveau ; il y a presque trente ans, le Premier Ministre Laurent Fabius avait déjà proposé le même type d’emplois aidés avec les TUC (décret n°84-919 du 16 octobre 1984 portant application du livre IX du Code du travail aux travaux d’utilité collective). Par la suite, d’autres gouvernements y ont eu recours sous d’autres appellations.

Cette mesure ne fera rien pour créer des emplois (sinon artificiellement, peut-être avec quelques effets d’aubaines dans des collectivités locales majoritairement gérées par des proches du gouvernement) et ne vient pas dans une logique économique, mais elle permet au moins à 150 000 jeunes de se réinsérer dans la vie active, et cela n’est pas négligeable malgré tout. Ce n’est pas un hasard si des parlementaires centristes et même certains de l’UMP ont finalement voté cette loi.

2. Les contrats de génération

Le dispositif résulte d’un accord entre les partenaires sociaux le 22 octobre 2012 après un mois de négociations. Le projet de loi portant création du contrat de génération est encore en discussion au Parlement. Il a été adopté au Conseil des ministres du 12 décembre 2012 et déposé le même jour sur le bureau de Claude Bartolone avec un engagement de procédure accélérée. La discussion en séance publique pour la première lecture à l’Assemblée Nationale se déroulera du 15 au 18 janvier 2013. C’est le premier projet de loi à être examiné par l’Assemblée Nationale en janvier et l’objectif est de l’appliquer dès fin mars 2013.

L’idée est d’encourager le recrutement en CDI d’un jeune (moins de 26 ans) tout en maintenant l’emploi des plus âgés (à partir de 55 ou 57 ans). Pour les entreprises de moins de 300 salariés, des allégements de charges sont prévus.

Le recrutement d’un jeune de moins de 26 ans et le maintien d’un "senior" de 57 ans et plus (ou le recrutement d’un "senior" de 55 ans et plus), permettra à l’entreprise de moins de 300 salariés d’avoir une aide de 4 000 euros par an pendant trois ans.

De plus, s’il n’y a pas eu de licenciement économique sur le poste dans les six mois précédents, et aucun licenciement de salarié âgé de 57 ans et plus pendant la période de versement de l’aide, l’entreprise de moins de 300 salariés bénéficiera de 1 000 euros par trimestre (pour le maintien du jeune et du "senior").

Pour les plus grandes entreprises, le gouvernement n’a prévu que des pénalités en cas d’absence de négociation sur l’embauche de jeunes dans l’entreprise.

Ce dispositif devrait concerner 100 000 contrats en 2013 puis 130 000 contrats par an les années suivantes, ce qui impliquerait environ un demi million de jeunes sur tout le quinquennat. Il coûterait à l’État 180 millions d’euros la première année (2013) et cela monterait jusqu’à 1 milliard d’euros en 2016.

Comme pour les "emplois d’avenir", ces contrats de génération sont positifs d’un point de vue social car il va favoriser le recrutement de jeunes et décourager le licenciement des "seniors".

Cependant, on peut douter de la pertinence d’associer un jeune et un senior dans la même entreprise. L’idée voulant qu’il y ait un transfert de savoir-faire du second au premier est intéressante mais malheureusement assez dépassée.

D’une part, les nouvelles technologies font que les jeunes en connaissent parfois bien plus que les plus âgés. D’autre part, si les plus expérimentés pourraient apporter avantageusement cette formation aux plus jeunes, tout le monde ne serait pas forcément adapté au rôle de formateur (c’est un métier), et par ailleurs, ce transfert de savoirs professionnels serait plus à l’avantage de l’entreprise que du "senior" qui aurait plutôt intérêt à garder pour lui son savoir-faire pour rester indispensable dans l’entreprise et garantir son emploi (ce sentiment est très répandu depuis plus de vingt ans et sera difficilement évitable).

Certains économistes ont noté que la conception même de ces contrats de génération a balayé le principe général des 35 heures et du partage du temps de travail qui voulait entre autres que les plus vieux devait laisser la place aux plus jeunes. Ici, les "seniors" ne prennent plus l’emploi des plus jeunes, ils y sont au contraire associés.

Autre point positif : ces contrats sont des CDI, ce qui réduit la précarisation du marché du travail, ce qui est un avantage pour les salariés en général.

3. Flexibilité et sécurité du marché de l’emploi

Les 10 et 11 janvier 2013, des négociations s’achèveront entre les partenaires sociaux pour modifier le Code du travail dans un double sens : renforcer les droits des salariés et assouplir les conditions de licenciement des employeurs. La CDFT devrait se retrouver favorablement du côté du MEDEF et du gouvernement tandis que la CGT devrait s’y opposer. La position de FO pourrait donc être déterminante sur le succès ou l’échec de ces négociations.

C’est clair qu’il n’en ressortira rien de très motivant pour les salariés. Qu’ils puissent savoir qu’ils pourraient bénéficier d’une mutuelle de santé même en période de chômage n’est qu’un élément anecdotique dans le drame qu’ils vivraient pour retrouver un autre emploi. Et assouplir les conditions de licenciement, c’est éviter les nombreuses procédures aux prud’hommes, ce qui réduira certes l’insécurité financière des employeurs, mais c’est aussi se risquer à encourager des licenciements abusifs sans aucun recours possible.

Dans tous les cas, ces trois mesures sur le marché de l’emploi n’influeront qu’à la marge sur un redressement économique du pays qui doit d’abord être basé sur des entreprises françaises qui produisent puis trouvent des clients en France ou à l’étranger. Tout le reste n’est qu’accompagnement social, parfois nécessaire, précieux pour les bénéficiaires bien sûr, mais sans logique de reconquête industrielle.

4. Les autres mesures plus économiques

Le pacte pour la compétitivité présenté le 6 novembre 2012 ainsi que le chemin de la réduction du déficit public sont deux autres pistes de redressement plus économique que social sur lequel le gouvernement se fonde.

Si le transfert de 20 milliards d’euros des charges des entreprises est insuffisant et se réalise d’une manière très complexe (crédit d’impôts), il va cependant dans la bonne direction, la même, du reste, que la TVA sociale proposée par Nicolas Sarkozy le 29 janvier 2012 (et mise en œuvre avant de quitter l’Élysée : pourquoi François Hollande est-il revenu sur cette mesure qu’il aurait pu ne pas assumer politiquement mais avec l’avantage d’être déjà réalisée et refaire à peu près la même chose en devant assumer cette augmentation de la TVA lui-même ? C’est un mystère).

Pour la réduction du déficit, les "experts" tablent plus sur un déficit de 3,5% du PIB à la fin de 2013, perspective démentie systématiquement par le gouvernement qui en reste à 3% et qui refuse également toute nouvelle hausse d’impôt (mais qui n’a pas une prévision de croissance crédible). Ce type de grand écart devra bien trouver un épilogue d’ici la fin de l’année 2013.

L’étape suivante qui va être essentielle pour la crédibilité du gouvernement, ce sera bien sûr la réalisation des objectifs de réduction des dépenses publiques. 10 milliards d’euros pour 2013 et sur tout le quinquennat, cela devra aller jusqu’à 65 milliards d’euros. Pour l’instant, comme pendant la campagne présidentielle, rien de bien concret n’a été exposé sur ces économies (énormes) de train de vie de l’État. Pourtant, il suffirait de chercher du côté des collectivités locales pour avoir déjà un début de piste…


Incantations…

Adepte de la méthode Coué, François Hollande reste encore dans son raisonnement de campagne : en gros, avec moi, avec la Providence, la croissance va arriver, probablement des États-Unis d’ailleurs, et grâce à moi (enfin, grâce à l’économie américaine, et peut-être, grâce à l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis plus précisément), la croissance permettra une inversion de la courbe du chômage.

Le 5 janvier 2013 toujours à Louviers, François Hollande a convenu : « Je dois montrer l’exemple. Je suis le premier responsable. Ce qui va ou ne va pas, c’est au Président de la République de l’assumer. Je ne délègue à personne d’autre cette responsabilité d’assumer devant les Français la politique que je conduis. ».

Je lui conseille donc, pour plus d’efficacité, d’allumer quelques cierges à Notre Dame …des Landes !
Et bien sûr, meilleurs vœux à lui.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 janvier 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande et ses moi-je.
Débat Mélenchon vs Cahuzac.
François le clown ?
Le verbe roi.
Les 60 000 fonctionnaires en plus.
Retour à la compétitivité.
La dette publique.

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  http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/2013-bons-baisers-de-hollandie-128675

 

 

 

 

 

 

 

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8 janvier 2013 2 08 /01 /janvier /2013 07:47

Débat improbable entre Jean-Luc Mélenchon et Jérôme Cahuzac, deux personnalités issues du PS. Au-delà de l’aspect médiatique (débat pris comme un simple spectacle où l’on compterait seulement les coups), quelques vérités se sont révélées, notamment sur les intentions gouvernementales et sur le décalage entre les discours de campagne et les décisions présidentielles.


yartiMelCah01En ce début d’année, la télévision publique a gratifié ses téléspectateurs d’un débat politique inédit. En effet, le lundi 7 janvier 2013, Yves Calvi a reçu dans son émission "Mots Croisés" sur France 2 deux représentants de la gauche diamétralement opposés sur la politique économique à suivre : le Ministre du Budget Jérôme Cahuzac et l’ancien candidat à l’élection présidentielle Jean-Luc MélenchonIl y a eu, entre les deux, une sorte de bataille d’arrogance si ce n’était une bataille d’ego.

Ce débat, aussi pugnace que le débat entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sur BFM-TV le 14 février 2011, a d’abord été, évidemment, un spectacle médiatique conçu comme tel. Cependant, il m’a paru utile aussi sur le fond à bien des égards. Il a apporté un éclairage particulier à la politique fiscale du gouvernement pour le moins brouillonne ces derniers mois avec l’avalanche de mesures peu populaires (augmentation de l’impôt sur les revenus, augmentation de la TVA) ou suscitant des polémiques bien stériles (taxe de 75% sur les hauts revenus). Il a également complété l’opinion qu’on pouvait avoir de deux personnages clefs de la vie politique actuelle.


La forme

Les médias savent depuis longtemps à quoi s’en tenir quand ils invitent Jean-Luc Mélenchon. Depuis 2008, il se lâche désespérément, arborant parfois un sourire crispé lorsqu’il flirte trop avec les frontières de l’impolitesse. Ce lundi soir, il n’a pas franchi la limite de l’incorrection mais n’a quand même pas hésité à exprimer sa "sainte" colère contre l’appauvrissement d’une certaine partie de la population. On pourrait même devenir admiratif devant sa capacité d’indignation malgré ses presque trente années de vie politique. C’est de toute façon toujours rassurant de savoir que la politique est encore pratiquée par des personnalités capables d’une telle expression orale, ce qui est très rare.

Moins connu, néanmoins aussi voire plus important que son contradicteur, Jérôme Cahuzac est au cœur de la politique budgétaire du gouvernement. On dit qu’il est intraitable avec ses collègues ministres et très dur en négociations, ce qui fait qu’il n’est pas très aimé mais est très efficace. C’est sans doute pour cette raison que le Président François Hollande l’a nommé à ce poste essentiel. Rappelons que le Budget et l’Intérieur sont les deux postes stratégiques pour toute ambition nationale, postes qui ont été occupés par exemple par les deux prédécesseurs directs de François Hollande, même si parfois, ils sont occupés par des "technocrates" plus que des "animaux politiques".

La manière dont Jérôme Cahuzac a tenu face à Jean-Luc Mélenchon a montré très clairement qu’il est passé de l’image de "technocrate" (connaissant très bien ses dossiers) à une image plus politique. Certains l’imagineraient même comme le successeur de Jean-Marc Ayrault à Matignon, alors que son interlocuteur s’est clairement présenté comme le recours pour la majorité socialiste. Cependant, la supposée affaire du compte en Suisse pourrait se transformer en même boulet fatal sur le chemin de Matignon que l’affaire démarrée en juin 2010 sur Éric Woerth, lui aussi destiné comme Premier Ministre après la réforme des retraites de novembre 2010.

Jérôme Cahuzac a su désamorcer toutes les périphrases mélenchoniennes, et en particulier sa colère à propos de la dette. Il a su lui laisser le bénéfice du doute sur sa sincérité et a même admis la justesse de son diagnostic, mais il a fermement réfuté les solutions qu’il proposait avec un sens de la conviction assez affirmé.

Même sur la forme, connaissant la personne, il a su tenir tête "les yeux en face" à celui qu’il a appelé plusieurs fois le "clown" pour répondre à l’insulte de Jean-Luc Mélenchon parlant de Hollandréou et de Cahuzacréou, pour les associer à la gestion désastreuse de la Grèce par le socialiste Georges Papandréou Jr. C’est d’ailleurs là où la verve de Jean-Luc Mélenchon rencontre les limites de la bonne foi : Jean-Luc Mélenchon n’autorise pas aux autres ce qu’il se permet lui-même de faire comme attaque, comme transformer le patronyme de ses contradicteurs.

Malgré le vouvoiement dû à l’espace public (Jean-Luc Mélenchon a quand même parlé d’Arnaud Montebourg en le tutoyant), on imagine sans mal que ces deux personnalités qui se sont côtoyées au parti socialiste pendant plus de vingt ans doivent très bien se connaître, mais cette émission a montré aussi qu’ils ne doivent pas du tout s’apprécier l’un l’autre.


Le fond

Le fond du discours de Jean-Luc Mélenchon n’est pas nouveau puisqu’il est le même depuis le début de la campagne présidentielle. En revanche, sur les propos de Jérôme Cahuzac, en charge du pays, il était très intéressant de noter une nouvelle inflexion. Elle a d’ailleurs été pointée du doigt par Jean-Luc Mélenchon avec insistance.

Jérôme Cahuzac a en effet annoncé que le gouvernement renonçait à une grande réforme fiscale, qui paraît pourtant nécessaire tant les dispositifs apparaissent comme une usine à gaz généralement illisible même pour les meilleurs des fiscalistes. Jean-Luc Mélenchon a eu d’ailleurs cette analogie très bien trouvée que lorsqu’il fallait imaginer un nouveau dispositif fiscal, c’était comme si l’on pêchait avec une épuisette trouée, tant les niches fiscales réduisaient l’efficacité des mesures.

En fait, il ne l’a pas dit comme cela, mais le Ministre du Budget a considéré que la grande réforme fiscale venait d’être adoptée par le Parlement en décembre 2012, en estimant que le fait que réinjecter les revenus du capital dans l’impôt sur le revenu était une mesure révolutionnaire (et en expliquant les 40% d’exonération comme l’équivalent de l’avoir fiscal). Cependant, j’avais entendu parler de la refonte de la CSG dans l’impôt sur le revenu, réforme qui paraît désormais lettre morte. C’était pourtant le premier cheval de bataille du candidat François Hollande dès janvier 2010, à l’époque où il devait se différencier de ses concurrents socialistes en vue de la primaire en se dressant une stature d’homme raisonnable et sérieux.

Il y a eu un sujet pour lequel aucun des deux débatteurs n’a été convainquant, c’est sur leur engagement lors des différents traités européens, en particulier sur les deux principaux, leur position aux deux référendums, en septembre 1992 pour Maastricht et en mai 2005 pour le Traité constitutionnel européen (TCE). Jean-Luc Mélenchon a voté oui à Maastricht et non au TCE tandis que Jérôme Cahuzac a fait exactement l’inverse. Et si Jean-Luc Mélenchon a fait au moins amende honorable en disant s’être trompé en 1992 ("on a cru que", "on nous a faire croire que"… mais qui prouve que Jean-Luc Mélenchon ne se trompe pas encore aujourd’hui ?), Jérôme Cahuzac a justifié de manière alambiquée la cohérence de ses deux votes (non à Maastricht et oui au TCE) alors que, comme l’a rappelé Jean-Luc Mélenchon, le Traité de Maastricht était inclus dans le TCE.

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Sur la colère mélenchonienne à propos de la dette publique, Jérôme Cahuzac a en revanche véritablement terrassé l’argumentation de Jean-Luc Mélenchon. Pour ce dernier, la France ne devrait la rembourser que lorsqu’elle le pourrait. Et ce n’est pas avec les 132 milliards d’euros d’impôts supplémentaires (!) qu’a proposés Jean-Luc Mélenchon que l’État pourrait venir à bout de ses 1 800 milliards d’euros de dette. Jérôme Cahuzac a pris l’exemple de l’année 2013 où la France devrait emprunter 169 milliards d’euros sur les marchés internationaux (aujourd’hui, à très faibles taux d’intérêts, parfois même  négatifs !) dont une vingtaine de milliards pour la sécurité sociale. Si la France disait qu’elle ne rembourserait plus la dette, elle ne pourrait plus emprunter d’autres milliards et en définitive, elle ne pourrait même plus payer ses fonctionnaires à la fin de l’année (comme en Grèce). Jérôme Cahuzac en a même profité pour fustiger la volonté de Jean-Luc Mélenchon de recruter 30 000 fonctionnaires par an alors que le gouvernement auquel il appartient a, lui aussi, fait du recrutement massif de fonctionnaires son thème de campagne.

Si Jean-Luc Mélenchon n’est pas à l’abri de nombreuses approximations historiques (vite remis en place par Jérôme Cahuzac, notamment sur la CGS sous François Mitterrand, un Président qui semblait être étrangement répulsif pour les deux débatteurs), il a au moins de la (courte) mémoire et il est toujours étonnant de voir à quel point les journalistes n’en ont pas (en l’occurrence Yves Calvi).

Ainsi, lorsqu’il entendait Jérôme Cahuzac parler du retour de la taxation à 75% des hauts revenus (qui a été rejetée par le Conseil Constitutionnel le 29 décembre 2012 en raison de la "non conjugalisation" de la mesure), Jean-Luc Mélenchon a rappelé avec pertinence que le soir du jour où François Hollande, à la va vite, avait annoncé cette proposition, le 27 février 2012, sur TF1, Jérôme Cahuzac, dans cette même émission de "Mots Croisés" sur la chaîne concurrente, avait prouvé qu’il n’avait pas été mis au courant, bien que conseiller budgétaire du candidat socialiste, et avait même exprimé son désaccord un peu mou sur le sujet. Pourtant, cette annonce a permis à la candidature de François Hollande de rebondir deux semaines après l’entrée en fanfare de Nicolas Sarkozy dans la campagne présidentielle.

Et c’est cela qui "cloche" justement dans le pouvoir actuel : François Hollande a su habilement faire une campagne suffisamment subtile pour laisser entendre sur sa gauche qu’il changerait profondément la politique de son prédécesseur, cela pour recueillir les voix sur sa gauche qui auraient pu se déporter sur le candidat Mélenchon. Mais en définitive, que ce soit sur le TSCG, sur l’objectif de réduction du déficit public, du constat de la perte de compétitivité et du besoin de redynamiser les entreprises, si le sens de toutes ces mesures était prévisible, cette politique a toutefois surpris plus d’un électeur de François Hollande (un peu comme les clauses en petits caractères sur les contrats de téléphonie).


L’impopularité très rapide de François Hollande

C’est cette différence entre discours et actes qui mine le parti socialiste depuis juin 1982 et le début de la "rigueur". Que ce soient François Mitterrand, Lionel Jospin ou François Hollande, les rares personnalités socialistes qui ont conquis le pouvoir depuis cinquante ans sont toujours restées dans une phraséologie passéiste digne de la fin du XIXe siècle, alors que leur politique s’est conformée (heureusement) à la modernité rationnelle face à la réalité mondiale. Ce décalage n’est pas sans but puisqu’il s’agit avant tout de capter les électeurs de gauche et d’alimenter artificiellement le clivage gauche/droite pour bénéficier de la bipolarité.

Pourtant, depuis plus de vingt ans, le clivage idéologique n’est plus entre la gauche et la droite ou plutôt entre le PS et l’UMP, mais bien entre ceux qui sont optimistes sur la capacité de la France à rester un grand pays et à s’adapter à la rude concurrence économique internationale (notamment des pays émergents) et ceux qui, plus inquiets et angoissés, préfèrent renoncer à cette compétition et replier la France dans une sorte autarcie, complètement irréaliste puisque aujourd’hui, le moindre produit de consommation est fabriqué sur plusieurs continents à la fois. C’est d’ailleurs sur ce clivage que François Bayrou avait voulu placer l’élection présidentielle de 2012 (en vain), entre ceux qui sont prêts à concourir, même si c’est difficile, et ceux qui préfèrent exclure (les immigrés, les musulmans, les riches, les "capitalistes", etc.).

Dommage que ce débat Mélenchon/Cahuzac n’ait pas eu lieu AVANT l’élection présidentielle. Cela aurait mieux éclairé l’électorat et cela aurait été bien plus honnête pour les électeurs. Du moins pour ceux de François Hollande.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (8 janvier 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jérôme Cahuzac et la taxe de 75% (27 février 2012).
François Hollande.
Jean-Luc Mélenchon.
Jean-Luc Mélenchon vs Marine Le Pen (14 février 2011).
Les 60 000 fonctionnaires de plus.
Retour à la compétitivité.
La dette publique.

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  http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/melenclown-versus-cahuzacreou-a-la-128610

 

 

 

 

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12 décembre 2012 3 12 /12 /décembre /2012 07:14

Patron des enseignants, le ministre aimerait bien les augmenter. Mais le choix présidentiel a été tout autre : le recrutement massif de nouveaux fonctionnaires ne laissera aucune marge pour une éventuelle revalorisation de leur rémunération. Les électeurs avaient été prévenus.


yartiPeillon01J’apprécie plutôt Vincent Peillon, le Ministre de l’Éducation nationale depuis le 16 mai 2012. Avec son petit air d’élu radical socialiste de la IIIe République, il a quitté depuis plusieurs années le devant de la scène de la politique politicienne pour ne se consacrer qu’à son domaine d’origine et de prédilection, l’enseignement. Certifié puis agrégé en philosophie, puis docteur en philosophie (sa thèse a porté sur Merleau-Ponty) et directeur de recherches au CNRS (travaux sur Ferdinand Buisson), ce petit-fils de Léon Blum (un homonyme, spécialiste des reins) a collaboré auprès de Henri Emmanuelli à l’époque où ce dernier était Président de l’Assemblée Nationale (entre 1992 et 1993).

À 52 ans, le voici propulsé numéro trois dans l’ordre protocolaire du gouvernement, juste après le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault et l’ancien Premier Ministre Laurent Fabius. Une position de choix dans le dispositif gouvernemental qui n’était pas forcément évident et un petit exploit personnel. Élu député de la Somme à 36 ans en juin 1997 grâce à la vague anti-Juppé, Vincent Peillon n’a jamais pu se faire réélire au scrutin majoritaire uninominal (à cause de ses positions contre la chasse dans une région qui compte beaucoup de chasseurs) et a dû se contenter de mandats européens (en juin 2004 et en juin 2009) pour poursuivre sa carrière politique.

Faisant partie des enfants terribles du PS avec Arnaud Montebourg (ce dernier dirait "jeunes lions" par opposition aux éléphants), Vincent Peillon avait soutenu avec beaucoup de dynamisme la candidature de Ségolène Royal à l’élection présidentielle en 2007 puis en 2008 au congrès de Reims (il s’imaginait même premier secrétaire du PS en novembre 2008), mais il s’était éloigné d’elle un an après au point qu’il fut accusé de vouloir récupérer les sympathisants de Ségolène Royal au profit de… François Hollande, à la suite d’une polémique où il avait recommandé à l’ancienne candidate de ne pas participer à l’une des conventions de son courant à Dijon le 14 novembre 2009 (et elle était venue quand même, cassant tout le travail de fond qui était prévu à cet atelier par sa mousse médiatique). Dans cet atelier avaient d’ailleurs participé Jean-Louis Bianco, Najat Vallaud-Belkacem, David Assouline, Gabriel Cohn-Bendit et Jean-Luc Bennahmias.

Et de fait, Vincent Peillon s’était écarté du combat politique, renonçant sans hésitation à participer à la primaire socialiste (il souhaitait la candidature de Dominique Strauss-Kahn) et devenu l’un des plus fidèles lieutenants du candidat François Hollande.

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Plutôt étiqueté du centre gauche bien que positionné à l’origine à l’aile gauche du PS (aux côtés de Julien Dray, Benoît Hamon, Henri Emmanuelli et Arnaud Montebourg), il avait organisé une convention mémorable à Marseille où il avait réussi le tour de force de réunir sur la même estrade l’ancien candidat communiste à l’élection présidentielle Robert Hue, le leader écologiste Daniel Cohn-Bendit, l’ancienne candidate radicale de gauche Christiane Taubira, et la numéro deux du MoDem, Marielle de Sarnez le 22 août 2009.

Assez maladroit à certaines occasions, il avait renoncé à débattre avec le ministre Éric Besson et Marine Le Pen dans l’émission "À vous de juger" d’Arlette Chabot le 14 janvier 2010, un lâchage sans précédent qui avait passablement agacé Martine Aubry, la première secrétaire du PS, qui devait ensuite rétropédaler pour sauver l’image de son parti.

Depuis près de sept mois, Vincent Peillon est dans une sorte de nirvana. Il a reçu son bâton de maréchal, le Ministère de l’Éducation nationale, un poste souvent difficile pour booster une carrière politique (les Finances ou l’Intérieur sont bien plus efficaces) mais qui a eu dans les trente dernières années des titulaires prestigieux : Jean-Pierre Chevènement, René Monory, Lionel Jospin, François Bayrou et François Fillon

Très isolé, Vincent Peillon semble se mouvoir sur une autre planète, il se croit le Président de la République autonome de l’Éducation nationale. Il fait son bonhomme de chemin sans se préoccuper de ses collègues ministres et …de la situation financière de la France.

Certes, changeant de celui qui voulait dégraisser le mammouth, ce ministre ne peut paraître que sympathique auprès des enseignants et de tout le personnel éducatif, parce qu’il est l’un des leurs (comme le furent du reste Lionel Jospin et François Bayrou). Le problème, c’est qu’à chacune de ses déclarations, il se fait régulièrement recadrer par le Premier Ministre ou le Président de la République.

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Cela a commencé très tôt puisque quelques heures à peine après son installation rue de Grenelle, il avait fait des déclarations sur les rythmes scolaires, la date des vacances, etc. Des déclarations probablement de bonne volonté mais qui allaient bien trop vite au goût de l’Élysée qui voudrait absolument faire des consultations avant de toucher à ces sujets très sensibles pour les électeurs.

Clef de la cohésion du programme électoral de François Hollande (basé sur la jeunesse et l’éducation), Vincent Peillon est l’un des rares ministres à voir ses effectifs augmenter. La décision de recruter 43 000 enseignants a été prise sur le plan budgétaire, ce qui devrait l’amener à réfléchir sérieusement sur la filière du concours (actuellement, par manque de candidats compétents, 700 postes n’ont pas été pourvus ; comment réussir un recrutement aussi massif ?).

Le 10 décembre 2012 sur RMC, Vincent Peillon a commis sa dernière boulette. Il a déclaré qu’il n’excluait pas une revalorisation du salaire des enseignants : « Je suis prêt, à partir de janvier 2013, à ouvrir la grande négociation qu’il n’y a jamais eue sur les contenus, les carrières, le temps de travail et la question d’une revalorisation. ». Cette déclaration avait un but compréhensible, celui de mobiliser les vocations et d’attirer de jeunes candidats pour les nombreux postes qu’il veut pourvoir.

yartiPeillon03Soyons clair : les enseignants en France sont largement sous-valorisés par rapport à leur niveau universitaire (bac+5 demandé maintenant) et leur travail s’effectue dans des conditions de plus en plus difficiles à cause de l’indiscipline généralisée dans les classes. La dernière grande revalorisation a été réalisée sous le gouvernement de Michel Rocard au début des années 1990. Leur salaire est d’ailleurs déjà calculé en fonction de leurs vacances, forcément plus longues en raison des congés scolaires. Donc, une augmentation de la rémunération des professeurs serait très pertinente (et est très attendue mais chaque profession souhaite toujours revaloriser sa rémunération). Actuellement, un enseignant français débute à 1 660 euros net, salaire qui monte laborieusement à 2 000 euros au bout de dix ans, ce qui fait environ 15% de moins que la moyenne des pays de l’OCDE (et 34% de moins qu’en Allemagne). 


Seulement, cette idée d’augmenter les enseignants va à l’encontre justement du programme présidentiel de François Hollande : il avait misé sur un recrutement massif dans l’Éducation nationale et il avait été très clair, dès ses débats lors de la primaire socialiste, pour dire qu’il ne serait pas question d’augmenter ni les enseignants ni les fonctionnaires en général. C’est du reste ce qui a été indiqué lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2013 le 28 septembre 2012.

Vu l’état des finances publiques, c’est un choix politique que devra assumer François Hollande devant les fonctionnaires : il ne peut pas en même temps en recruter plus et les augmenter.

Nicolas Sarkozy avait été bien plus logique dans ce domaine. Même si sa règle aurait dû un peu mieux s’adapter dans le détail, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite avait pour objectif d’une part, pour moitié, de réduire les dépenses de l’État, et d’autre part, pour l’autre moitié, de revaloriser leurs traitements (c’était en tout cas les déclarations d’intention, je n’ai pas les statistiques après cinq ans d’une telle politique pour affirmer si la moitié du gain économisé est bien passée dans la rémunération des fonctionnaires restants ; toute étude serait intéressante à lire sur le sujet).

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D’ailleurs, les réactions n’ont pas tardé : toujours dans la polémique, Jean-François Copé a immédiatement demandé à Jean-Marc Ayrault de "recadrer" Vincent Peillon et d’exposer clairement les intentions gouvernementales sur ce sujet. Jean-Marc Ayrault est habitué à l’exercice puisque, comme indiqué plus haut, après les rythmes scolaires annoncés dès le 17 mai 2012, l’allongement des vacances de la Toussaint le 14 juin 2012, Jean-Marc Ayrault avait encore dû recadrer son ministre sur ses déclarations en faveur de la dépénalisation du cannabis le 15 octobre 2012, déclarations assez irresponsables pour un Ministre de l’Éducation nationale chargé de veiller à la santé de tous les enfants scolarisés.

Vincent Peillon doit vivre sur son petit nuage d’idéalisme et doit chercher à réenchanter dans son coin le rêve français. Cette petite bulle a pourtant déjà éclaté chez ses amis et dans son électorat. Serait-il insensible au monde extérieur ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 décembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le recrutement des 60 000 fonctionnaires.
François Hollande.
Jean-Marc Ayrault.
Projet de loi de finances 2013.

yartiPeillon06

 

 http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/peillon-mieux-les-profs-127432





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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 13:07

Jean-Marc Ayrault communique à propos de Florange (les 30 novembre et 1er décembre 2012)

Le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a fait état d'un accord entre Mittal et le gouvernement français sur le site des acieries de Florange le vendredi 30 novembre 2012. Les deux textes du gouvernement sur le sujet sont disponibles ci-dessous dans leur intégralité.


Cliquer sur le lien pour télécharger le texte de la déclaration du 30 novembre 2012 (fichier .pdf) :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/interventions/11.30_declaration_du_premier_ministre.pdf



Cliquer sur le lien pour télécharger le texte du communiqué du 1er décembre 2012 (fichier .pdf) :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/communiques/12.1_-_cp_du_premier_ministre_suite_a_laccord_avec_arcelormittal.pdf


SR

 


(verbatim)

Déclaration du Premier ministre sur l'avenir du site de Florange
du 30/11/2012

1 – Depuis son installation, le gouvernement a travaillé sans relâche pour que le site industriel de Florange continue à vivre et à se développer et pour que ses salariés soient protégés.

2 – Le gouvernement avait trois objectifs : pas de plan social, des investissements importants sur le site, et le maintien des hauts fourneaux de Florange pour permettre la préparation d’un projet industriel d’avenir, ULCOS.
Le groupe ArcelorMittal a accepté les conditions que j’ai formulées :

Ce soir, je vous annonce qu’il n’y aura pas de plan social à Florange.

Le groupe Mittal s’est engagé à investir au moins 180 M€ sur les 5 prochaines années à Florange. Ainsi, les activités du site liées à la filière froide, et notamment l’emballage, seront pérennisées et renforcées par un programme d’investissements industriels. Cela permettra de sécuriser les salariés qui travaillent dans ces activités.

ArcelorMittal a réaffirmé son ancrage industriel sur notre territoire, notamment à travers ses sites de Dunkerque et Fos dans leur configuration actuelle. La consolidation de l’activité sur le site à Florange ne se fera pas au détriment d’autres activités similaires en France. Il s’y est engagé.

La faible activité actuelle en Europe ne permet pas d’envisager un redémarrage des hauts fourneaux à court terme. Mais le Gouvernement a obtenu l’engagement du groupe de les maintenir dans un état qui permette, le moment venu, la réalisation d’un projet industriel d’avenir. C’est le projet ULCOS : il s’agit de produire de l’acier de façon économe en énergie et plus respectueuse de l’environnement par la captation du CO2. L’Etat a déjà réservé 150M€ au sein du programme d’investissements d’avenir. Il est prêt à augmenter sa participation pour accompagner activement ce projet. ArcelorMittal a accepté de poursuivre les études engagées en ce sens.

Le Gouvernement a ainsi démontré la capacité d’intervention de l’Etat afin de faire émerger des solutions positives en termes d’emploi, d’investissement et de projet industriel d’avenir. Et ce dans une filière pourtant affectée par une situation particulièrement difficile.

Ces engagements d’ArcelorMittal sont inconditionnels. Le gouvernement veillera à ce qu’ils soient respectés scrupuleusement. Il utilisera tous les moyens nécessaires en cas de non-respect.

3- Le gouvernement est donc intervenu pour assurer l’avenir industriel du site de Florange. Mais il s’agit aussi de préparer l’avenir d’une sidérurgie à la pointe de la technologie.
Le projet ULCOS est un projet d’excellence industrielle et d’excellence environnementale. C’est un projet sur lequel l’Etat s’engage avec résolution aux côtés de la Lorraine. Je veux que la Lorraine, si souvent meurtrie dans son histoire industrielle, envisage à nouveau avec confiance son avenir. Je veux que, notamment avec ce projet, elle soit un exemple pour le renouveau industriel de la France, qui est au cœur du nouveau modèle français. Je rencontrerai prochainement les élus lorrains pour poursuivre avec eux le travail sur ce renouveau. Je veux leur rendre hommage, et je salue la détermination des salariés.

4- Le gouvernement n’a pas retenu l’hypothèse d’une nationalisation transitoire, qui a pu être évoquée ces derniers jours. Il a écarté cette solution au vu des engagements qu’il a obtenus d’ArcelorMittal.
La nationalisation, c’est-à-dire l’expropriation par « nécessité publique », peut certes être nécessaire dans des circonstances historiques particulières ou pour sauvegarder des intérêts supérieurs de la Nation.
Mais elle n’est pas efficace face à un problème de débouchés pour une entreprise ou face à un problème de compétitivité.
Je rappelle que le gouvernement a fait le choix du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Il s’agit d’une priorité nationale.
C’est par ce Pacte que nous allons reconquérir la compétitivité que nous avons perdue depuis dix ans.
C’est par la mobilisation de tous les acteurs, sur l’impulsion de l’Etat, que nous regagnerons des marchés, retrouverons le chemin de la croissance et gagnerons la bataille de l’emploi.
Ma conception du rôle de l’Etat est qu’il doit animer, impulser, réguler l’activité économique, et protéger les intérêts stratégiques.
C’est pourquoi, il doit investir lui-même dans les projets d’avenir qui ne sont pas immédiatement rentables. C’est l’exemple d’ULCOS.
C’est pourquoi, il prendra autant que nécessaire des participations dans des entreprises stratégiques dont la survie serait en jeu, comme cela a été le cas avec Alstom.
C’est pourquoi, il renforce la régulation des comportements des acteurs économiques et financiers. C’est le sens de la prochaine loi de séparation des activités bancaires, indispensable pour que la confiance revienne. Et le ministre de l’économie et des finances, Pierre MOSCOVICI, me fera des propositions pour renforcer la législation qui protège nos entreprises des OPA hostiles.
Le gouvernement est au côté des salariés qui se battent pour l’emploi. Il est au côté des élus et des populations qui se battent pour le développement de leur territoire. Il est totalement mobilisé pour le renouveau industriel de la France et le redressement du pays.


 

Communiqué du Premier ministre suite à l'accord avec ArcelorMittal
du 01/12/2012

 

Après l’annonce de l’accord que le gouvernement a obtenu d’ArcelorMittal, des interrogations se sont exprimées du côté des représentants des salariés compte tenu de l’expérience passée. Le Premier ministre veillera scrupuleusement à la réalisation effective des engagements pris hier par ce groupe. Ils sont inconditionnels. Et le gouvernement utilisera tous les moyens de droit nécessaires en cas de non-respect. Ces engagements portent sur l’absence de plan social, sur des investissements d’au moins 180 millions d’euros sur le site de Florange et sur le projet ULCOS.

Le gouvernement a obtenu ces avancées grâce à la pression des salariés et à la mobilisation de l’ensemble des ministres concernés par le dossier, particulièrement du ministre du redressement productif, M. Arnaud Montebourg, qui n’a pas ménagé sa peine pour chercher toutes les solutions possibles comme il le fait sur de nombreux dossiers particulièrement difficiles, contribuant ainsi à créer un rapport de forces favorable à la conclusion de l’accord. Le Premier ministre demande au ministre du redressement productif, au ministre du travail, à la ministre chargée de la recherche et au ministre de l’économie et des finances de s’assurer dans la durée de la réalisation des engagements pris.

 

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15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 06:03

La colère est une courte folie. Les circonstances s’accommodent mal de trop polémiquer alors que des vies humaines sont en jeu. L’esprit de responsabilité devrait être au cœur des préoccupations des ministres. Retour à la …normale.


yartiVallsT01Avec les statistiques, on peut tout faire dire. Seulement, aussi imparfait soit-il, un indicateur n’a d’intérêt que sur le long terme, que sur son évolution au cours du temps. Alors, c’est sûr que la forte augmentation de l’insécurité mesurée par cet indicateur pour le mois d’octobre 2012 ne pouvait pas plaire ce mardi 13 novembre 2012 au ministre en charge de la chose, surtout lorsqu’on se drape de son autorité régalienne toute sarkozyenne et qu’on a ferraillé pendant plusieurs années contre la majorité d’avant avec le concours du même indicateur. Résultat des courses, on veut changer le thermomètre. Pourquoi pas ? mais alors, comment pourrait-on comparer avec le passé ?

Car la situation est aussi mauvaise qu’il y a douze ans. Période où l’opposition d’aujourd’hui était également l’opposition de l’époque. Époque du gouvernement Jospin. Bon, ok, on s’envoie en l’air l’incurie du moment versus l’incurie d’avant, pourquoi pas, c’est de bonne guerre.

Et puis, il arrive un mot de trop. Au centre de l’hémicycle, le ministre est rouge écarlate, en fureur, et il lâche une malheureuse phrase qui dépasse les limites de sa pensée. Il prend à témoin les victimes de l’affaire Merah (qui remue encore) en disant que les députés de l’ancienne majorité étaient responsables du « retour du terrorisme ». À une heure de la conférence de presse du patron, cela fait désordre. La séance a même dû être interrompue par son président, Claude Bartolone, tellement les députés ont été excités (certains ont même foncé physiquement vers le ministre) et la plupart évoquent un "coup de sang" pour ne pas dire que la tête a éclaté en plein vol devant une popularité si flatteuse (Manuel Valls est un ministre aimé à la fois de l’opposition et de la majorité).

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L’heure d’après, son "patron" recadre fermement, son autre "supérieur" également le lendemain matin et le lendemain après-midi, acte de repentance dans l’hémicycle : « Je regrette les propos que j’ai tenus ici dans cette assemblée. (…) [Il y a] nécessité de faire l’union entre toutes les forces politiques, entre tous les Français, pour combattre le terrorisme. ».

Il avait déjà reconnu dès le matin sur BFM-TV : « Dans le chaudron de l’Assemblée Nationale, on peut être emporté par le verbe. Je le regrette bien évidemment. (…) Bien sûr, la droite n’est pas responsable du terrorisme. » tandis que Jean-Marc Ayrault expliquait au même moment sur France Info : « On ne polémique pas sur le terrorisme. Je demande que l’opposition fasse de même. S’il faut réunir à Matignon les chefs des groupes parlementaires pour faire le point sur ces dossiers sensibles, je le ferai, car il y a une question de sécurité nationale. ».

Éric Ciotti, le député UMP de Nice à l’origine de l’incident, commente alors : « Le Président de la République et le Premier Ministre ont dit des choses claires qui s’assimilent à un petit recadrage… un gros recadrage. Aujourd’hui, le Ministre de l’Intérieur a clairement dit qu’il avait commis une erreur hier. ». L’affaire est close.

Close ? Oui bien sûr. Pas de polémique.
Le Président avait été exemplaire pendant la campagne.

Et peu avant sept heures du soir, ce mercredi 14, dans sa petite boutique, nouveau coup de théâtre, tragique et atroce : le président de la Chambre de commerce et d'industrie d’Ajaccio, Jacques Nacer (59 ans), un homme jovial et très actif, se fait assassiner par un terroriste corse. Il y a quelques semaines, le 16 octobre 2012, c’était un avocat corse bien en vue, Antoine Sollacaro (63 ans). Le ministre avait prévu d’aller en Corse le jeudi 29 novembre (Manuel Valls et Christiane Taubira iront finalement dès ce 15 novembre 2012 en Corse).

Vous aviez parlé de retour du terrorisme ?

Olivier Faure, un député francilien de la majorité, réagit à chaud.
Surtout, gardons le consensus national.

Le consensus national ne sera sans doute pas entamé.
Car tout doit être fait pour éviter de nouveaux actes terroristes.
Mais l’aura du ministre aura été sérieusement écornée.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 novembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Manuel Valls, une ambition.
Manuel Valls et les institutions.
Valls vs Bayrou ?
Valls et la primaire socialiste.

Conférence de presse de François Hollande.

yartiVallsT03


 

 http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/manuel-valls-et-le-terrorisme-125856 

 

 


 

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14 novembre 2012 3 14 /11 /novembre /2012 06:34

Pour compenser la légèreté de ses ministres, François Hollande a dû assurer le service après-vente de ses deux plans d’austérité en moins de deux mois. Beau parleur, il a retrouvé son habileté d’homme de campagne électorale mais ne peut faire oublier l’absence de vision et de cohérence d’une politique improvisée qui change de cap tous les mois.


yartiFH1CP01Le Président de la République François Hollande a tenu sa première conférence de presse solennelle dans les salons de l’Élysée le mardi 13 novembre 2012 à dix-sept heures devant la totalité de son gouvernement et quatre cents journalistes dont un quart étrangers. Cela a duré deux heures et demi dont quarante et une minutes d’allocution initiale. Il compte renouveler cet exercice de style tous les six mois pendant tout son quinquennat. Il a ainsi renié sa promesse de faire ses interventions médiatiques hors de son palais. Tant mieux pour les institutions.


Un Président sympathique mais un peu… dans les nuages !

Sur la forme, François Hollande a paru très à l’aise, peut-être même un peu trop souriant même pour des sujets graves. Il savait qu’il passait un grand oral et a fait son travail, celui de défendre une politique qui n’a toujours aucune lisibilité pour les Français et plus particulièrement pour ses électeurs qui le pensaient "de gauche".

Adoptant le ton saccadé de son modèle de campagne, François Mitterrand, parfois à la limite de l’intonation d’une homélie, il a voulu prêcher pour sa paroisse mais uniquement des convaincus. Les autres devront encore attendre pour être convaincus.

Car cette aisance verbale n’a pas su cacher la vacuité de cohérence dans sa politique, l’éloignement avec la réalité sociale et économique du pays, et surtout, une mauvaise foi qui va très mal avec sa volonté de rassembler tous les Français : continuant la stérile polémique de l’héritage (rapport Gallois "cruel", décrochage depuis dix ans etc.), François Hollande aura du mal à poursuivre sur ce mode jusqu’à la fin de son quinquennat. D’autant plus qu’il a imprudemment demandé à être jugé justement sur deux paramètres essentiels de la cohésion sociale : la croissance et le chômage. Il a parlé de rapport indépendant mais le premier Président de la Cour des Comptes a quand même été il y a encore moins de trois ans un député socialiste très militant et ce rapport avait même salué la gestion de son prédécesseur.

yartiFH1CP03


Mauvaise foi et méthode Coué (quand les mots ne reflètent pas la réalité)

La mauvaise foi, c’est aussi lorsqu’il a parlé d’une absence de déficit du commerce extérieur en 2002 et de 70 milliards d’euros de déficit en 2012. En fait, il y aurait eu une balance commerciale positive en 2002 seulement si l’on ne prenait pas en compte les énergies, mais dans ce cas, en 2012, il n’y aurait "que" 25 milliards d’euros et pas 70 millions de déficit commercial (les comparaisons de données différentes sont de la simple tromperie verbale, François Hollande qui sait jongler avec les nombres comme à la Cour des Comptes est très fort en ce domaine).

Tout dans sa phraséologie respire la méthode Coué, car ce qu’il dit illustre l’inverse de ses actes. Pour preuve, le refus de reconnaître un tournant dans sa politique (malgré la hausse de la TVA refusée avec force six semaines auparavant). Pourtant, il est étrange que selon certaines indiscrétions, François Hollande aurait justement préparé sa prestation en regardant la conférence de presse de François Mitterrand annonçant le tournant de la rigueur de 1983 (avec blocage des prix et des salaires et contrôle des changes).

Mais il y a d’autres exemples, comme son affirmation selon laquelle il n’entendrait pas stigmatiser les "riches" ni les "patrons" mais dans les faits, il a reconnu les avoir taxé lourdement (70% de l’effort portera en 2013 sur 20% de la population). Une méthode que les Français connaissent bien puisque Nicolas Sarkozy aussi jouait avec les mots et les faits.

François Hollande n’entendrait pas diviser la société mais il a confirmé qu’il irait jusqu’au bout pour le "mariage pour tous" (appellation complètement stupide, j’y reviendrai) en sachant très bien que cela va diviser durablement la société française. Pourtant, ses promesses ne sont pas paroles d’Évangile puisqu’il a compris au moins qu’il fallait parfois savoir enterrer des promesses, comme le droit de vote pour les étrangers qui ne ferait qu’inutilement diviser les Français (ce qui est important pour lui, ce n’est pas la division des Français mais l’inutilement : il sait qu’il n’aura pas la majorité des trois cinquièmes pour mener à bien cette réforme, donc, il reconnaît implicitement que cela aurait divisé et qu’il n’aurait pas hésité à diviser la société français s’il avait cette majorité qualifiée).


Sur quel pied les entreprises doivent-elles danser ?

Sur l’impôt sur les sociétés, le discours depuis le pacte de compétitivité présenté par Jean-Marc Ayrault est assez confus : le projet de loi de finances 2013 prévoit une hausse de l’impôt sur les sociétés de 10 milliards d’euros, mais six semaines après, parallèlement, il est proposé aux entreprises un crédit impôt compétitivité et emploi (CICE) de 20 milliards d’euros. En définitive, les entreprises vont-elles payer l’année prochaine 10 milliards de plus ou 10 milliards d’euros de moins qu’en 2012 ?

Par ailleurs, la baisse des dépenses de l’État doivent être colossales. Ce n’est pas 10 milliards d’euros comme annoncé le 28 septembre 2012 mais déjà 20 milliards d’euros en comptant le pacte de compétitivité. D’ailleurs, François Hollande a dû préciser lors des questions qu’en fait, en tout sur le quinquennat, c’est 60 milliards d’euros de réduction de la dépense publique, soit 1% de moins chaque année. Vu que le budget prévisionnel 2013 a augmenté les dépenses de 6 milliards d’euros, la crédibilité est fortement atteinte : ou il faudra imposer en plus (CSG ?), ou les engagements sur le déficit public ne seront pas tenus.

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Une clef peut provenir de la concertation sur le financement des prestations sociales : François Hollande a laissé implicitement entendre une hausse de la CSG, qu’il espère décidée par un accord de concertation (il serait étrange que les syndicats le suivent sur ce terrain-là).


Les trois choix présidentiels

Dès le début de son allocution, François Hollande a rappelé ses trois priorités : la réorientation de l’Europe, le désendettement de la France et la compétitivité de l’économie. Sur le premier point, c’est un habillage peu crédible pour justifier l’adoption du TSCG à la virgule près. Cela concerne la dotation pour soutenir la croissance (prévue de toute façon avant son arrivée à l’Élysée) et l’union bancaire.

Les deux autres priorités paraissent évidemment raisonnables mais sans beaucoup d’originalité puisque tout le monde savait que, quel que soit le Président de la République qui aurait été élu, le désendettement et la compétitivité auraient été dans tous les cas les deux objectifs essentiels de ce quinquennat. Tout le monde sauf peut-être les électeurs de François Hollande qui a refusé de reconnaître qu’il les avait trompés en disant qu’il l’avait pourtant prévenu pendant la campagne (en fait, c’était lisible entre les lignes mais les électeurs préfèrent en général ne lire que ce qu’ils ont envie de lire et ce discours était en contradiction avec le fameux discours du Bourget du 22 janvier 2012 où il voulait combattre les puissances du capital !).

Le problème, c’est que ces deux priorités chez François Hollande ne sont que des paroles et pas des actes : le projet de loi de finances 2013 prévoie au contraire un accroissement de la dépense publique et un recrutement massif de fonctionnaires ; quant à la compétitivité, le choc attendu n’aura pas lieu puisque rien ne sera lâché avant 2014. François Hollande l’a même reconnu puisqu’une partie du financement du CICE est l’augmentation de la TVA qui n’aura lieu que le 1er janvier 2014 (il était même fier de reporter cette augmentation mais ne disait pas quelles en étaient les conséquences sur les entreprises : un manque de trésorerie).

Sur ces transferts de charges, François Hollande a essayé de les justifier auprès de son aile gauche : « Ce n’est pas un cadeau, c’est un levier. » en ajoutant qu’il voudrait en faire un pacte de confiance qui privilégierait les investissements aux dividendes (les mots, toujours les mots : rien ne renforce les investissements dans les mesures proposées actuellement).


Même gouvernance que Nicolas Sarkozy

Tout dans sa prestation montre qu’il est un Président aussi "dirigiste" que Nicolas Sarkozy (ce qui ne me choque pas puisque c’est lui que les Français ont élu, autant que ce soit lui qui dirige). Comme toujours, il a fait semblant de laisser gouverner le gouvernement (c’est Jean-Marc Ayrault par exemple qui a annoncé le pacte de compétitivité) mais ensuite, il a ponctué par un très dirigiste : « Et j’y veillerai personnellement. » !


Méconnaissance de l’économie réelle

Dans ses explications économiques, François Hollande est resté prisonnier de clichés éculés qui datent de trente ou quarante ans. Pour justifier la suppression de la "TVA anti-délocalisations" de Nicolas Sarkozy, il a expliqué vouloir maintenir la demande mais a oublié que cette demande favorisait essentiellement les importations et donc les économies importatrices (lui-même n’hésitait pourtant pas à critiquer le déficit commercial que son prédécesseur lui aurait laissé).

Autre cliché, il a affirmé vouloir impliquer dans ses objectifs toute la population, en disant : du chef d’entreprise cherchant à exporter ses produits jusqu’au jeune de la banlieue. De la caricature grandguignolesque ! Laissant entendre que le chef d’entreprise est au sommet de la société et …le jeune de banlieue au plus bas de la société (comme mépris des populations, il n’y a pas beaucoup mieux, mais reconnaissons que c’est plus subtil que Nicolas Sarkozy).

Voulant reprendre une formule de François Mitterrand mais en la démentant, François Hollande a lancé : « Le chômage, tout a été dit mais tout n’a pas été tenté. ». Et rompant avec son optimisme de rigueur, il a prédit une augmentation du chômage pendant encore un an, en 2013, étonnante contradiction avec la "vision" qu’il voulait délivrer et ce pronostic qui n’incite pas vraiment les entreprises à investir (Jean-Louis Borloo a violemment protesté sur le fait qu’un Président de la République puisse observer passivement une hausse du chômage pendant un an). En clair, il est incompréhensible de reporter à 2014 le choc de compétitivité s’il sait d’avance que le pays en aurait besoin un an plus tôt…


En manque d’argument sur la TVA (et duperie)

Sur l’augmentation de la TVA, François Hollande est passé très rapidement sur le taux intermédiaire de 7% qu’il va faire monter jusqu’à 10%, ce qui est énorme. Ce sont les emplois de service, donc non délocalisables, qui vont être le plus touchés par cette augmentation de moitié, le secteur du tourisme, hôtellerie, restauration, transports en commun, livres, musiques, etc.

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François Hollande a eu même l’audace d’emballer cette forte hausse par le fait qu’il a enfin stabilisé « une bonne fois pour toutes » la TVA sur la restauration après dix ans d’instabilités. Certes, mais ce taux ne concerne pas uniquement la restauration. Il concerne aussi tout ce qui est culture et tourisme. Les consommateurs apprécieront… à moins que le Président de la République ne considère que la lecture d’un livre ou la visite d’un musée sont des activités superflues pour les Français à bas revenus ? En ce sens, les députés EELV ont raison de concentrer leurs critiques sur ce taux intermédiaire et de ne pas protester contre l’augmentation du taux normal.

En effet, François Hollande ne s’est appesanti que sur l’augmentation de 0,4% du taux normal et pour montrer la différence avec son prédécesseur (un argument de cour de récréation), il a simplement évoqué le fait qu’il n’a pas attendu la fin de son mandat pour augmenter la TVA (un argument à double tranchant d’ailleurs !). Et puis, visiblement à court d’arguments, il a lâché pour finir un magistral « Mais j’assume ! » montrant toute son incohérence (et justifiant les critiques qu’il a donc essuyées).

Toujours à court d’argument, il a également voulu démontrer la justesse de sa politique en donnant l’argument des marchés : "les marchés n’ont pas réagi mal, donc ma politique est bonne". Déduction vaseuse… et désastreuse dans l’opinion publique.


Un grand sens de la formule

Indéniablement bon communiquant, François Hollande a montré son sens de la formule, qu’elle ait été minutieusement préparée ou improvisée en réponse à certaines questions. Je cite quelques exemples à saluer d’un point de vue littéraire.

« Je ne prépare pas une nouvelle élection, je prépare une nouvelle génération. »

« Le déclin n’est pas notre destin. »

« Ma seule boussole, c’est la justice. »

« Plus c’est difficile, plus l’apaisement est indispensable. »

« Président normal, Président responsable, aucune addiction, aucune substance. »

Sur les doutes des écologistes arrivistes, François Hollande a rappelé vouloir gouverner avec trois partis (le PS, le PRG et EELV) et pas seulement un seul qui a pourtant la majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Il a cependant réclamé de la solidarité gouvernementale : « Une majorité a besoin de cohérence et elle a besoin de respect. ».


Manuel Valls sévèrement recadré

Sur l’incident qui s’était déroulé au Palais-Bourbon quelques minutes avant la conférence de presse où le Ministre de l’Intérieur Manuel Valls avait complètement "pété les plombs" selon beaucoup de députés, qui, en répondant à une question d’Éric Ciotti sur la sécurité, avait rendu responsables les députés de l’opposition du « retour au terrorisme » en évoquant l’affaire Merah, François Hollande a sérieusement recadré son ministre en insistant sur le besoin de consensus national autour du terrorisme : « Ne perdons pas notre temps, ne nous divisons pas, ne polémiquons pas ! ».


Hollande bashing : le sourire aux lèvres

Très fort en répliques et en humour, François Hollande a aussi commenté l’actuel "Hollande bashing" dans les unes des hebdomadaires (c’est vrai que ceux-ci se sont livré cette semaine à une surenchère qui fait vendre, paraît-il : "Y a-t-il vraiment un Président en France ?" pour "L’Express" ; "Hollande off" pour "Le Nouvel Observateur" ; "Le grand méchant doute" pour "Le Point" ; "Le grand virage du pouvoir : explosif" selon "Marianne").

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Peu fortiche en anglais (il a fait une grosse faute dans sa lettre de félicitation à la réélection du Président Barack Obama qui montre qu’il n’a jamais utilisé concrètement cette langue), il a traduit tout cela par « punching-ball » et a accepté le jeu qui veut qu’avec les médias qui fonctionnent « vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et même plus ! », les moindres faits et gestes des personnalités politiques sont immédiatement commentés. Et il a fait une réponse très convaincante : « J’ai connu des situations personnelles tellement plus difficiles. Être Président de la République est une réponse à mes détracteurs ! ». Ce sens de la formule va sans doute permettre au Président de la République de renouer des relations positives avec les journalistes.


Chine, Syrie, Mali

En politique étrangère, François Hollande a fait trois déclarations importantes : d’une part, il a annoncé qu’il se rendrait à Pékin au printemps 2013 sur l’invitation des nouveaux dirigeants chinois ; d’autre part, il a annoncé que la France reconnaissait officiellement la nouvelle opposition syrienne récemment unifiée comme la seule représentante du peuple syrien ; enfin, il a insisté pour dire que la présence d’islamistes radicaux au Nord du Mali était un vrai danger pour la France et renforçait les risques terroristes sur le territoire national.


Une occasion perdue

En définitive, si l’on regarde avec du recul, le "programme" du quinquennat de François Hollande aurait pu être adopté par une majorité de Français. Mais sa volonté de stigmatiser ses opposants (pour faire semblant d’appliquer une politique de gauche) lui réduit considérablement sa base électorale. Comme toujours avec la gauche, il a refusé d’admettre que sa politique n’est que la continuité de celle de son prédécesseur. Cette hypocrisie ne peut servir que les intérêts des extrêmes : déjà, le FN a communiqué sur ce thème… tandis que Jean-Luc Mélenchon, qui avait appelé à voter sans condition pour le candidat du PS, n’a plus qu’à manger son chapeau, à défaut de couleuvre.

Aujourd’hui, il est clair que François Hollande ne serait pas réélu. Sa seule chance politique ne pourrait provenir que d’une conjoncture mondiale plus clémente dont il n’aurait été ni l’initiateur ni le moteur.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 novembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rapport Gallois et choc de compétitivité.
La conférence de presse comme si vous y étiez (par Télérama).
Sur la TVA sociale.
Loi de finances 2013.
Rapport de la Cour des Comptes du 2 juillet 2012.
Comment ayraultiser l’autérité ?
Confiance et hypocrisies…
La grande farce socialo-écolo.

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 http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-verbe-roi-1e-conference-de-125824 

 





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13 novembre 2012 2 13 /11 /novembre /2012 11:19

Un choc mou, c’est une collision où l’énergie cinétique des corps qui s’entrechoquent se transforme plus ou moins totalement en énergie interne : autrement dit, le choc fiscal, c’est quand un gouvernement fonce dans le mur et que les contribuables paient la casse qui s’en suit.



yartiGallois01Le 5 novembre 2012, l’ancien patron d’EADS Louis Gallois a rendu son rapport sur la compétitivité de la France dans la mondialisation (téléchargeable ici) demandé par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault le 11 juillet 2012 et prévu initialement pour le 15 octobre 2012. Il fait suite à un premier rapport sur l’état des finances publiques demandé par le même Premier Ministre le 17 mai 2012 et remis le 2 juillet 2012 par la Cour des Comptes. Le lendemain, le 6 novembre 2012, Jean-Marc Ayrault a fait une importante déclaration pour présenter ses décisions visant à renforcer la compétitivité de l’industrie française (dont on peut retrouver le texte intégral ici).

Cette annonce est donc quasi-historique puisqu’elle va décolorer définitivement un quinquennat rose déjà bien pâli après l’annonce du projet de loi de finances 2013.


Agenda ubuesque

On pourra donc se poser beaucoup de questions sur l’agenda complètement dément que le gouvernement s’est choisi : dans la même semaine, présenter les mesures de compétitivité (le 5), le mariage des couples homosexuels (le 7), la commission Jospin sur les institutions (le 9) dans une semaine internationale où les dirigeants politiques des deux premières puissances économiques mondiales sont choisis (le 6 aux États-Unis, à partir du 8 en Chine), c’est à la fois manquer de sens politique et surpasser de loin la boulimie législative que les socialistes critiquaient tant à l’époque de Nicolas Sarkozy.

Mais le pire est sans doute l’incohérence entre l’annonce du projet de loi de finances pour 2013 faite lors du conseil des ministres du 28 septembre 2012 et cette annonce du 6 novembre 2012 dans un calendrier pourtant parfaitement maîtrisé par le gouvernement puisqu’il est lui-même le commanditaire du rapport Gallois. Or, ce besoin de "choc de compétitivité" n’est pas nouveau ! Il a même été compris et exprimé dès le 29 janvier 2012 par le Président Nicolas Sarkozy.

La méthode des socialistes est donc étrange et je suis vraiment dubitatif sur l’origine de ces changements de cap tous les deux mois : cynisme ? incompétence ? impréparation malgré dix années dans l’opposition ? (qu’ont-ils fait à part se chamailler entre éléphants ?), improvisation ? mensonge ? J’ai du mal à comprendre tant de zigzags.

Je parlais il y a peu de François Hollande comme d’un clown, peut-être est-il déjà arrivé à la phase "Le Roi se meurt" où l’absurdité l’emporte sur la raison ? Qu’il agonise est une chose, mais la France ?


1. La baisse de 6% du coût du travail

La principale mesure prise par le gouvernement est un transfert de 20 milliards d’euros des charges des entreprises. C’est deux tiers de ce qui est proposé par le rapport Gallois. Cela aurait pu être mieux mais c’est déjà pas mal, on va dire ! En clair, cela va baisser le coût du travail de 6% pour les entreprises qui embauchent des salariés jusqu’à 2,5 SMIC. La limitation est un peu saugrenue dans la mesure où l’innovation, la vente, l’exportation devraient être aussi encouragées et elles passent généralement par des cadres à haute valeur ajoutée.

Malheureusement, le choix de sa mise en application est doublement contreproductif. L’idée était pourtant bien de créer un choc de compétitivité, c’est-à-dire de mettre les entreprises dans une situation nouvelle qui les encouragerait à programmer de nouveaux investissements immédiatement.

Or, le choix, ce n’est pas de réduire les charges sociales directement, ce qui serait facile à concevoir et à appliquer. Non, c’est de proposer un crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (le sigle est déjà créé : CICE !) qui remboursera le "trop perçu" de cotisations sociales en crédits …versés l’année suivante !

D’une part, ce nouveau dispositif (usine à gaz, dit-on) va coûter très cher à la fois aux entreprises (les experts-comptables auront au moins du travail !) et à l’État (non seulement pour l’aspect opérationnel mais avec tous les risques de fraude que cela pourra occasionner). D’autre part, cette baisse de charges pourtant importante (et attractive) ne se fera concrètement que pour l’année 2014, cela donne une idée de la connaissance de ce gouvernement sur ce que sont les entreprises dont certaines peinent déjà à finir l’année 2012 ! Beaucoup licencieront avant même de recevoir ce fameux "CICE" arrivé trop tard…

Méthode Shadok ! Enfin, non, je crois plus au cynisme dans ce domaine-là. Car il faut bien comprendre que le gouvernement cherche à gagner sur les deux tableaux : donner un cadre nouveau pour la compétitivité (ce qui est louable) et se discipliner sur le budget de l’État (ce qui est aussi louable). En ne finançant ce choc de compétitivité que pour l’année 2014, le gouvernement croit réussir, d’une part, à tenir l’engagement des 3% de déficit public pour 2013 et, d’autre part, à relancer l’industrie, mais en définitive, il risque de se retrouver dans le perdant-perdant : les entreprises, qui, concrètement, n’attendront rien avant 2014, n’investiront rien de plus par incertitude du lendemain et l’État devra quand même payer ce "CICE" à contretemps (qu’adviendra-t-il si une entreprise dépose entre temps le bilan ?).


2. La TVA

Qui dit dépense (les 20 milliards d’euros de CICE) dit financement de cette dépense. Or qu’a-t-il été décidé ? D’augmenter la TVA ! Ce gouvernement est dans une logique quantique où l’indétermination est telle que le curseur, une fois "les paquets d’onde réduits", arrive sur n’importe quoi. En juillet 2012, le gouvernement et sa majorité parlementaire avaient abrogé la TVA compétitivité décidée par Nicolas Sarkozy (passage de 19,6% à 21,2%). Le 27 septembre 2012, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault en était presque à jurer comme un enfant pour dire que jamais, au grand jamais il ne toucherait à la TVA de tout le quinquennat. N’importe quel observateur savait bien que pour réduire à zéro les déficits publics, il faudrait bien toucher un jour ou l’autre à la TVA et à la CSG.

Il n’a pas fallu six semaines pour que le gouvernement de dédise ! 10 milliards d’euros vont être trouvés avec l’augmentation de la TVA. Les deux taux : passage de 19,6% à 20,0% et passage de 7,0% à 10,0%. Quant à la TVA réduite pour l’énergie, l’alimentation et les cantines scolaires, elle sera réduite de 5,5% à 5,0%.

Si l’on ne peut que louer la simplification des taux (5, 10 et 20%), on ne peut que regretter que d’une part, cette mesure fera rentrer moins d’argent que la TVA qui a été abrogée en juillet (10 au lieu de 13 milliards d’euros) et que d’autre part, le passage de 7 à 10% est en fait un quasi-doublement en deux ans, amorcé au quinquennat précédent (décision du 7 novembre 2011 du 2e plan de rigueur), car ce taux intermédiaire était encore en 2011 de 5,5% et concerne beaucoup de consommateurs : loyers, livres, restauration, travaux de rénovation dans les habitations, etc. Il aurait été plus juste d’augmenter un peu plus que de 0,4% le taux normal et de laisser à 7,0% la taux intermédiaire. L’augmentation de 1% du taux normal aurait fait gagner environ 8 milliards d’euros. Bref, le principe de la mesure de Nicolas Sarkozy non seulement a été reprise et validé mais reste officiellement contesté dans la communication gouvernement (une communication de cour de récréation du genre : "je fais la même chose mais ce n’est pas pareil parce que c’est moi").

Ce qui est remarquable, c’est le ministre le plus populaire qui a gagné la bataille interne de la compétitivité : Manuel Valls était en effet partisan de la "TVA productivité" de 1 à 2% le 15 septembre 2011 mais s’était résolu à en critiquer principe (+1,6%, donc bien entre 1 et 2%) en février 2012 par simple antisarkozysme. Le voici maintenant l’inspirateur implicite de la politique du gouvernement et, disons-le, son Premier Ministre bis.

L’autre moitié des recettes, c’est une réduction de la dépense publique. Si le gouvernement trouve ces 10 autres milliards d’euros comme il a prétendument baissé de 10 milliards d’euros les dépenses du budget 2013, à savoir concrètement en les augmentant en fait de 6 milliards (on ne recrute pas gratuitement 60 000 fonctionnaires), le déficit aura bien du mal à être contenu.


3. Le rapport Gallois et son interprétation polémique

Un article de "L’Express" du 2 novembre 2012 faisait part de la morosité d’un certain nombre d’élus socialistes (en particulier François Rebsamen, André Vallini et Marie-Noëlle Lienemann) qui critiquaient le fait que le gouvernement n’avait pas assez "communiqué" sur le supposé "héritage désastreux" du quinquennat précédent.

Le problème, c’est que le rapport Gallois est le second rapport en cinq mois qui, au contraire, donne raison à la direction suivie par le quinquennat Sarkozy. Le premier, c’était le rapport de la Cour des Comptes du 2 juillet 2012 qui indiquait que la France s’était engagé dans le cercle vertueux du désendettement depuis deux ans.

Quant au rapport Gallois, il conforte également la politique suivie des dernières années sur le besoin de compétitivité (le principal enjeu de l’élection présidentielle de 2012 qui n’a pas été assez mis en valeur, à cause des deux principaux candidats).

Les conclusions et propositions du rapport sont sans contestation : Louis Gallois propose de maintenir cinq dispositifs créés les trois dernières années visant à favoriser le développement des jeunes entreprises innovantes, et surtout, à faire une réduction « massive des charges sociales jusqu’à 3,5 SMIC, de l’ordre de 30 milliards d’euros, soit 1,5% du PIB, vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique ».

Or, c’était exactement ce qu’avait voulu faire le gouvernement de François Fillon en février 2012 avec l’instauration de la TVA compétitivité qui devait démarrer le 1er octobre 2012 et qui devait transférer 13 milliards d’euros. À l’époque, j’avais émis des réticences sur deux points : l’agenda qui ne me paraissait pas raisonnable (on ne prend pas une décision si importante trois mois avant une échéance électorale si cruciale), et le principe de la "TVA sociale" ne m’avait jamais paru pertinent (ce qui n’empêche pas que l’augmentation de la TVA était nécessaire pour redresser les comptes publics).

Du coup, les socialistes ont cherché à profiter du rapport Gallois et des mesures du 6 novembre 2012 pour taper sur l’opposition de façon complètement absurde. Ils insistent pour dire que le rapport Gallois est calamiteux pour le bilan du quinquennat précédent (alors qu’au contraire, il donne raison à la politique menée à l’époque !) et insistent même pour dire que jamais il n’y a eu un effort aussi fort en faveur de la compétitivité, sans rappeler qu’en juillet 2012, ils avaient supprimé de manière totalement dogmatique la TVA compétitivité décidée par Nicolas Sarkozy et François Fillon !

Ils vont même plus loin puisqu’ils prétendent que le décrochage de l’industrie française a commencé il y a dix ans, donc, à partir du moment où la "droite" était revenue au pouvoir. Cette affirmation est, malheureusement il faut le dire, stupide. Elle le serait tout autant si l’on affirmait l’inverse (que le décrochage se serait fait sous la gauche).

Car le gouvernement est bien impuissant face à la conjoncture économique mondiale. Il n’est ni responsable des faillites, ni à l’origine des réussites et de la croissance. Il ne peut qu’accompagner dans le bon ou le mauvais sens l’économie nationale. Ce n’est pas le gouvernement qui crée des emplois, ce n’est pas lui qui produit des casseroles, ce n’est pas lui non plus qui vend ces casseroles (il faudra d’ailleurs l'expliquer au ministre Arnaud Montebourg). C’est très prétentieux de croire que les gouvernements ont un impact déterminant sur la conjoncture économique mondiale, qu’elle soit à la croissance ou à la récession.

Or, entre 2002 et 2012, les gouvernements UMP ont eu deux graves crises mondiales à gérer (donc, qui n’ont rien à voir avec nos petites querelles idéologiques franco-françaises) : l’éclatement de la bulle Internet et des télécommunications et la crise financière de 2008. D’ailleurs, les courbes du rapport Gallois montrent bien la crise de 2008 (baisse généralisée en 2009) et montrent aussi que le décrochage industriel en France a eu lieu dès 1998, donc sous Lionel Jospin. On pourra aussi en rajouter avec les 35 heures qui ont freiné la croissance de la fin des années 1990 et qui ont plombé l’économie et gelé les salaires des plus faibles depuis dix ans.

De plus, les statistiques objectives prouvant la désindustrialisation de la France sont à manier avec précaution. Bien sûr qu’il y a eu hélas beaucoup de pertes réelles d’emplois industriels (et pour le troisième trimestre 2012, 50 400 emplois ont encore été détruits), mais il faut aussi rappeler que depuis dix ans, beaucoup d’emplois industriels sont désormais comptabilisés comme des emplois de service avec l’externalisation massive dans les grandes entreprises. Un informaticien gérant l’informatique d’un groupe industriel était considéré comme un emploi industriel et le même faisant la même chose dans le même groupe mais de manière externalisée, c’est-à-dire employé par une société de service faisant une prestation à son ancien employeur, est considéré comme un emploi de service : ce transfert n’a fait perdre aucun emploi, ni à l’industrie ni au pays. Or, il n’y a aucune donnée sur ces transferts statistiques qui doivent être pondérés.


L’avenir ?

L’avenir industriel, c’est d’avoir la foi et d’être vraiment croyant ! Un certain candidat avait dit qu’il chercherait la croissance avec les dents. Son successeur, visiblement, croyait que sa seule présence élyséenne suffirait pour que les trompettes de la croissance sonnent le gloria.

Car les décisions du gouvernement auraient pu être positives (20 milliards d’euros de transferts de charge, cela reste colossal et très favorable) mais elles ont été "packagées" de manière complètement absurde si bien qu’elles risquent de ne pas avoir l’effet escompté.

L’avenir politique du quinquennat, lui, est déjà plié : ni sur sa gauche (qui déjà proteste contre les "cadeaux au patronat") ni sur sa droite (qui conteste la méthode et en particulier le CICE) le gouvernement ne pourra compter. Pire : il ne pourra même pas compter sur la pédagogie d’une vision claire et cohérente car justement, il vient de démontrer qu’il n’en a jamais eue.

C’est tout le challenge de la conférence de presse du Président François Hollande prévue ce mardi 13 novembre 2012 à 16h00 : alors qu’il a donné doublement raison à son rival Nicolas Sarkozy sur deux points majeurs de la politique nationale, à savoir le TSCG et la compétitivité, il devra convaincre ses électeurs qui lui ont déjà retiré leur confiance en seulement trois mois de pouvoir ! La baudruche ne cesse de se dégonfler. Et la France avec, hélas (le gouvernement allemand en vient même à donner des leçons d’économie à la France, chose qui ne s’était jamais produite dans le quinquennat précédent).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 novembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rapport Gallois du 5 novembre 2012 (à télécharger).
Déclaration de Jean-Marc Ayrault du 6 novembre 2012 sur la compétitivité (texte intégral).
Sur la TVA sociale.
Loi de finances 2013.
Rapport de la Cour des Comptes du 2 juillet 2012.
Comment ayraultiser l’autérité ?
Confiance et hypocrisies…
La grande farce socialo-écolo.

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http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/competitivite-et-rapport-gallois-125750

 

 



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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 12:53

Après la remise du rapport Gallois la veille, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s'est réuni en séminaire sur la compétitivité le 6 novembre 2012 à l'issu duquel le Premier Ministre a fait état de ses conclusions.

Cliquer sur le lien pour télécharger la déclaration de Jean-Marc Ayrault (fichier .pdf) :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/interventions/11.06_declaration_de_jean-marc_ayrault_premier_ministre_a_lissue_du_seminaire_gouvernemental_sur_la_competitivite.pdf


SR




Verbatim :

Déclaration du Premier ministre à l’issue du séminaire gouvernemental sur la compétitivité

Hôtel de Matignon, Mardi 6 novembre 2012
Seul le prononcé fait foi

Mesdames, Messieurs

Aujourd’hui, avec la présentation du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, nous ouvrons une étape majeure et décisive dans la sortie de crise de notre pays et de son économie.
Dès son installation, mon gouvernement a pris la pleine mesure de la gravité de la situation.
Le 17 mai, j’ai saisi la Cour des comptes sur la situation de nos finances publiques, dont chacun mesurait la dégradation.
Dans ma déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier, j’ai affirmé : "Un pays qui n’a pas d’industrie est un pays qui n’a pas d’avenir… Mon gouvernement entend mettre un terme à ce décrochage".
J’ai mandaté le 11 juillet dernier Louis Gallois, grand industriel et grand serviteur de l’Etat, homme de dialogue et de convictions, en lui demandant de formuler des propositions pour reconstruire notre compétitivité.
La situation de notre pays appelle des décisions ambitieuses et courageuses.
Oui, la France a besoin d’un nouveau modèle, conforme à ses valeurs et sa singularité, mais qui la replace au cœur de l’économie mondiale.
Ce nouveau modèle français consiste à retrouver le chemin de la création d’emplois et à ne plus nous financer par le déficit permanent.
C’est toute l’ambition de l’action que, sous l’impulsion du Président de la République, nous menons depuis mai dernier.
Je voudrais en rappeler ici les principes :
Tout d’abord, nous avons stabilisé la zone euro, condition essentielle à la santé de nos économies, et réorienté la construction européenne vers la croissance.
Ensuite, nous avons engagé le redressement de nos finances publiques par un collectif d’été et un premier budget de combat contre la crise.
Enfin nous avons relancé le dialogue social, avec, déjà, un premier résultat : l’accord sur le contrat de génération.
Le changement de méthode et de cap que les Français ont choisi le 6 mai dernier n’a de sens que si nous nous attaquons pleinement au cœur du problème : la relance du moteur de l’économie française.
C’est l’objectif de ce pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Il répond à une double ambition :

Doter enfin notre grand pays d’une stratégie claire dans la mondialisation.
Garantir, par la performance économique, et non par les déficits, la qualité de notre système de solidarité nationale.
Etre plus compétitifs pour être plus solidaires, et non pas, comme le prétendent les libéraux et la droite, être moins solidaires pour être plus compétitifs.
Au service de cette ambition, nous avions besoin d’un diagnostic indépendant.
J’avais donc demandé à Louis Gallois de dresser un état des lieux sans concessions de notre industrie nationale.
Nous l’avons aujourd’hui, il est d’une grande sévérité pour les 10 dernières années qui viennent de s’écouler mais il permet de mettre fin aux polémiques inutiles, alors que nous avons besoin de nous rassembler autour d’une responsabilité nationale, celle de renouer avec la performance économique.
Le gouvernement s’est mobilisé. J’ai réuni à trois reprises ces dernières semaines les ministres, pour préparer des décisions ambitieuses qui ont été adoptées ce matin. Vous y retrouverez la quasi-totalité des préconisations de M. Gallois.

Mon gouvernement en a l’intime conviction, la situation actuelle n’est en rien une fatalité.
La France n’est pas condamnée à la spirale du déclin, mais un sursaut national est indispensable pour reprendre en main notre destin.
Ce sursaut exige la mobilisation de chacun. Nous avons aujourd’hui une responsabilité collective, le gouvernement, les collectivités locales, les partenaires sociaux, les entreprises, le monde de la recherche, le monde agricole, les banques, les salariés, celle de construire une économie performante, conquérante dans la mondialisation, et créatrice d’emplois en France. C’est une démarche vitale si nous voulons préserver un modèle social solidaire et fidèle à nos valeurs. Car mon gouvernement n’a pas vocation à appliquer quelques rustines de plus à un système à bout de souffle, mais bien à donner à la France les atouts nécessaires pour qu’elle réussisse dans la compétition mondiale.

Nous partons de loin. Car l’économie française s’est laissée distancer par ses partenaires européens.
Sans reprendre le détail du diagnostic sévère porté par Louis Gallois pour conclure au "décrochage" de l’économie française depuis ces dix dernières années, je reprendrai trois indicateurs :

La part de l’industrie dans la valeur ajoutée est tombée de 18% en 2000 à 12,5% en 2011, derrière l’Allemagne, mais aussi l’Italie.
Nos parts de marché en Europe ont chuté de 12,7% en 2000 à 9,3% en 2011 ;
Notre balance commerciale s’est inversée : hors énergie, elle était excédentaire de 17 milliards en 2002, elle est aujourd’hui déficitaire de plus de 25 Md€.
La France est dans un "cercle vicieux", celui qui conduit nos entreprises, par manque d’innovation et mauvais positionnement, à comprimer les coûts et leurs marges, et donc à limiter leur capacité à investir et innover pour monter en gamme.
Pour défendre leurs positions à court terme dans une compétition toujours plus dure face aux pays émergents et face à nos partenaires européens, nos entreprises sont ainsi conduites à sacrifier l’avenir, et donc les emplois et les produits de demain.
Or la baisse des prix ne peut pas être une stratégie durable. La France doit agir sur l’ensemble de ses coûts de production :

Sur le coût du travail, par rapport à nos principaux concurrents européens, car les coûts salariaux entre France et Allemagne ont divergé.

Sur le coût des services à l’industrie, qui ont également crû trop rapidement ces dix dernières années. Je rappelle que les services consommés par l’industrie représentent un coût comparable à la masse salariale de l’industrie elle-même.
Nous devons agir, enfin, sur l’investissement et l’innovation de nos entreprises. Nous devons davantage investir dans la recherche et le développement, pour monter en gamme, conquérir de nouveaux marchés, et reprendre place en position de force dans la compétition mondiale.
La France a des atouts importants : des pôles industriels d’excellence mondiale, de grands groupes puissants, un tissu de PME innovantes, une recherche reconnue mondialement, des formations d’excellent niveau, des services publics et des infrastructures de grande qualité.
Et notre jeunesse est notre meilleur atout. C’est cette jeunesse que François Hollande a placée au cœur de ses engagements. C’est sur elle que nous nous appuierons pour mettre au cœur du nouveau modèle français un haut niveau de formation, l’innovation, la créativité et l’invention, qui ont fait la force de notre pays.

Ce nouveau modèle repose sur la montée en gamme de notre économie. Cela doit être la clef de la stratégie française dans la mondialisation.
Nous devons donc agir sur tous les leviers de la compétitivité, avec une priorité, relancer la dynamique d’investissement et de création d’emplois. Il s’agit de redonner des marges de manœuvre à nos entreprises.
Dans cet objectif, le gouvernement a décidé de retenir une première mesure, massive, et sans précédent, l’allègement de 20 milliards d’euros du coût du travail.
Cet allègement sera mis en œuvre sur trois ans, avec un allègement de 10 milliards dès la première année, et de 5 milliards supplémentaires chacune des deux années suivantes. Il sera donc de 20 milliards en régime de croisière.
Il portera sur les salaires compris entre 1 et 2,5 fois le SMIC. Cela représentera l’équivalent d’une baisse d’environ 6% du coût du travail.
Il prendra la forme d’un crédit d’impôt, le "Crédit d’impôt pour la Compétitivité et l’Emploi" (CICE), avec un effet immédiat sur les impôts des entreprises au titre de l’exercice 2013, et, pour les PME qui le demandent, un effet en trésorerie dès l’année prochaine.
Ce crédit d’impôt aura un impact sur toute la chaîne de production en France, dans l’industrie comme dans l’agriculture et les services. Et il incitera les grands groupes, dont la réussite fait la fierté de la France, à créer et maintenir les emplois en France.

Ces 20 milliards d’euros seront financés, pour 10 milliards par des économies supplémentaires dans les dépenses publiques, et pour 10 milliards par la restructuration des taux de TVA et la fiscalité écologique.
C’est d’abord en réduisant les dépenses publiques que nous financerons la première moitié de l’effort.
La France doit s’engager dans un effort national de réformes structurelles, afin de réaliser des économies durables, tout en modernisant ses services publics dans l’intérêt des Français. Nous devons nous inspirer des réformes conduites par nos partenaires européens, notamment les Scandinaves, qui ont su se réformer avec succès en profondeur pour conforter leur modèle social ambitieux, relancer leur économie et faire reculer le chômage.
Ces réformes porteront sur l’action publique dans son ensemble. Non seulement l’Etat, mais également ses agences, les collectivités locales, dans le cadre de la nouvelle étape de décentralisation, et la sécurité sociale. Nous réformerons, non pas pour détricoter, mais pour rendre plus justes et plus efficaces notre modèle social et nos services publics. Nous réformerons pour repenser les modes d’intervention publique et dégager des économies durables et structurelles. Et nous réformerons en y associant tous ceux qui prennent leur part de l’action publique. C’est la clé du succès d’un Etat moderne.
Ces économies nouvelles dans les dépenses produiront leurs premiers résultats en 2014 et atteindront 10 milliards d’euros au total en 2015, à mesure de la montée en puissance du coût du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Ces économies s’ajouteront à celles déjà prévues dans notre programme budgétaire.
Cet effort est exigeant Mais il est à notre portée : 10 milliards d’euros d’économies, c’est moins de 1 % de la dépense publique totale, qui atteint 1 100 milliards d’euros ; c’est 0,5% de la richesse nationale, qui se monte à 2000 milliards d’euros.
La deuxième partie du dispositif sera financée par une modulation de la TVA et une nouvelle fiscalité écologique, sans prélèvement supplémentaire pour les contribuables en 2013.
La nouvelle fiscalité écologique, telle que la conférence environnementale l’a annoncée, sera discutée dans le cadre de la transition énergétique et prendra effet en 2016.
Quant à l’évolution de la TVA, elle aura lieu au 1er janvier 2014. Le gouvernement proposera en effet :

que le taux intermédiaire, qui porte notamment sur la restauration et les travaux de rénovation des logements, soit porté, de 7% aujourd’hui, à 10% :
et que le taux normal soit porté de 19,6% à 20%.
En revanche, le taux réduit, celui qui porte sur les produits de première nécessité, en particulier l’alimentation, sera abaissé, de 5,5% aujourd’hui, à 5%. Cette mesure vise plus particulièrement les ménages modestes, qui consacrent une part importante de leur budget à l’alimentation et à l’énergie. C’est une mesure de justice sociale et de soutien à la consommation.
Ce crédit d’impôt n’a pas d’impact sur le financement de la protection sociale. Mais, comme je l’avais annoncé, j’ai saisi ce matin le Haut conseil du financement de la protection sociale qui regroupe notamment les partenaires sociaux, pour qu’il travaille à la réforme de son financement.

Ce crédit d’impôt qui concerne toutes les entreprises y compris celles qui n’ont pas d’impôt à acquitter et qui a pour but de redonner des marges de manœuvre aux entreprises n’est qu’une dimension du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Le gouvernement entend agir sur tous les leviers de la compétitivité, pour favoriser l’innovation, la créativité, et la qualité, en ciblant les PME et les Entreprises de taille intermédiaire, qui recèlent les gisements de croissance et d’emploi les plus prometteurs.
Avec ce pacte nous voulons garantir aux PME des financements performants et de proximité. Trop de PME sont confrontées à des difficultés de financement, qui limitent leurs capacités à exporter, à se développer, voire menacent leur survie.
Plusieurs mesures concrètes garantiront aux PME et aux ETI l’accès aux financements dont elles ont besoin. C’est le sens du fonds de 500 M€ qui sera rapidement mis en place pour aider celles qui sont confrontées à des difficultés de trésorerie, et de l’action que nous mènerons pour mieux faire respecter les délais de paiement. Et nous aiderons nos PME innovantes à accéder à la commande publique.
Les PME bénéficieront également des 42 milliards de la Banque publique d’investissement, engagement majeur du Président de la République. Et la réforme bancaire, qui sera présentée en conseil des ministres le 16 décembre, permettra de mettre la finance davantage au service des entreprises.
Nous voulons également accélérer la montée en gamme de nos entreprises. Cela signifie favoriser l’innovation et la spécialisation, qui sont la clé du rétablissement de notre balance commerciale. Nous allons créer de nouveaux instruments de soutien au financement de l’innovation, réorienter les pôles de compétitivité et favoriser l’usage du numérique.
Nous voulons aussi que les acteurs économiques français fassent preuve d’un plus grand "esprit d’équipe". C’est ce que j’appelle le "produire ensemble". Le gouvernement entend renforcer les filières industrielles, où, grandes entreprises et PME, donneurs d’ordre et sous-traitants, doivent apprendre à dialoguer, à construire des stratégies partagées et à s’épauler notamment à l’export. Nous devons promouvoir ensemble la "marque France" ! Pas seulement une signature mais un nouvel état d’esprit.
Le Gouvernement s’est fixé un objectif, l’équilibre commercial hors énergie en 2017. Nous devons soutenir plus vigoureusement nos entreprises à la conquête de marchés à l’étranger, et renforcer l’attractivité de notre pays pour les investissements étrangers créateurs d’emplois. Un accompagnement personnalisé à l’international sera proposé à 1000 ETI et PME de croissance, grâce à la BPI. Et les dispositifs publics de financement export seront profondément rénovés.
L’Etat doit également faciliter l’entreprenariat en simplifiant l’environnement réglementaire et fiscal. Car la principale préoccupation des chefs d’entreprise au quotidien, c’est la complexité et l’instabilité des normes. Nous simplifierons dès 2013 cinq démarches administratives essentielles pour les entreprises. Et nous stabiliserons sur la durée du quinquennat cinq dispositifs fiscaux clés pour l’investissement et la vie des entreprises.
Nous devons enfin offrir aux jeunes et aux salariés des formations tournées vers l’emploi et l’avenir. Le système éducatif doit former plus de jeunes qualifiés pour les besoins de notre économie à horizon 10 ans. Le Pacte comporte plusieurs mesures en la matière, qui rejoignent les chantiers déjà engagés de la refondation de l’école, et de la formation professionnelle. Et nous porterons à 500 000 le nombre d’apprentis.

Le succès du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi suppose l’engagement de l’ensemble des acteurs de l’économie française et en premier lieu des entreprises de notre pays.
Un pacte, c’est un engagement réciproque. J’attends de chacun qu’il prenne ses responsabilités. Le gouvernement a décidé aujourd’hui une mesure sans précédent pour permettre le redressement de notre économie. Cette mesure demandera à l’ensemble de la communauté nationale un effort dans la durée.
Les marges financières dont les entreprises pourront disposer pour investir ou embaucher au titre du crédit d’impôt doivent être utilisées à bon escient et dans la transparence. Les comités d’entreprise devront être régulièrement informés de l’utilisation du crédit d’impôt. Un comité de suivi du pacte associant l’Etat et les partenaires sociaux sera mis en place pour dresser à intervalles régulier un constat partagé sur le bon fonctionnement du dispositif.
J’attends également des entreprises l’exemplarité en matière de rémunération et de civisme fiscal, comme en matière de gouvernance. Je souhaite à cet égard que les partenaires sociaux débattent rapidement des modalités de l’entrée de représentants des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises.
J’appelle aussi les grands groupes à jouer davantage "collectif" au sein des filières et à l’export, où les grandes entreprises doivent davantage aider les plus petites ; les soutiens de l’Etat aux grandes entreprises seront désormais conditionnés à leur capacité à nouer un partenariat avec leurs fournisseurs et sous-traitants.
J’attends enfin, et c’est un élément essentiel de la compétitivité, de tous les partenaires sociaux qu’ils contribuent à faire aboutir la négociation engagée sur la sécurisation de l’emploi. Il n’y a pas de compétitivité sans un dialogue social solide dans la durée.

Mesdames, Messieurs,
La France vient de connaitre 10 ans de décrochage industriel. Prolonger cette tendance serait plus qu’un risque ou une négligence, ce serait la certitude du déclin.
Vous l’avez compris, dans une situation historique, mon gouvernement choisit la voie de la responsabilité. L’effort que nous engageons marquera notre destin collectif. Il doit permettre à la France d’échapper au déclin qui nous guette si nous continuons à repousser à demain les décisions indispensables.
Mon gouvernement est le premier gouvernement à prendre en même temps l’entière mesure des trois déficits dont nous souffrons : déficit du dialogue social, déficit des comptes publics et déficit de compétitivité de notre économie.
Dans l’effort collectif, chacun aura sa part de responsabilité. Cette démarche correspond aux engagements pris par le Président de la République devant les Français. Elle est résolument de gauche, car son objectif c’est l’emploi et le redressement du pays dans la justice.
J’ai demandé ce matin à tous les ministres de se mobiliser pour mettre en œuvre ce pacte. Je rencontrerai très rapidement l’ensemble des partenaires sociaux. Tous les six mois, je réunirai les ministres concernés pour faire le point de son état d’avancement, et j’ai demandé à Louis Gallois de m’apporter son concours pour en suivre la mise en œuvre. Il l’a accepté.
J’en appelle à une transformation qui doit nous permettre de rester fidèles à la promesse de la République. La performance que nous construisons renforcera notre solidarité. C’est cela le nouveau modèle français. C’est de conjuguer compétitivité et solidarité, responsabilité et dialogue, effort et justice.
La France doit retrouver son rang de grande puissance industrielle et les Français doivent reprendre confiance dans l’avenir et celui de leurs enfants.
Le temps des décisions fortes est venu.
C’est ce que je viens de faire, avec mon gouvernement, ce matin.
Je vous remercie.
Jean-Marc Ayrault, 6 novembre 2012

 

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1 octobre 2012 1 01 /10 /octobre /2012 07:32

Le vrai problème de ce projet de budget 2013, c’est que l’effort est demandé aux Français pour compenser l’accroissement des dépenses massives décidées par le gouvernement. Et cet emballage de l'emballement entraîne une série de sérieuses désinformations de la part de la communication gouvernementale.


yartiPLF201301Depuis le conseil des ministres du 29 septembre 2012, le projet de loi de finances pour 2013 est désormais connu et les députés de la majorité socialiste voteront probablement (après discussion) la plupart des mesures préparées par le gouvernement. On peut se procurer les documents originaux à ce lien.

La veille, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault avait déjà tenté à la télévision de disserter sur le sujet, de façon bien fade et ennuyeuse, et apparemment peu suivi puisque seulement trois millions de téléspectateurs (sur les soixante-six millions que comptent les Français touchés par ce projet) avaient daigné regardé l’émission.

Rappelons déjà que le projet de loi de finances correspond à l’acte politique le plus important d’un gouvernement et d’une majorité parlementaire. En effet, l’argent étant le nerf de la guerre, comme on dit, c’est la manière de percevoir et de dépenser un budget qui caractérise la réalité d’un pouvoir institutionnel. Le reste, en particulier les mesures sociétales qui ne coûtent pas un rond, ce n’est que diversion pour la galerie, surtout en période de grave crise économique.


Rigueur et justice fiscale : pourrait cependant mieux faire

Reconnaissons ensuite que ce budget 2013 a deux atouts que je souligne ici : d’une part, il poursuit l’effort de redressement des finances publiques mis en œuvre par le gouvernement précédent (finances mises à mal par la crise de septembre 2008), et d’autre part, il institue une nouvelle tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu, pour les revenus supérieurs à 150 000 euros, à 45% (François Bayrou était allé plus loin puisqu’il proposait 50%), ce qui mécaniquement renforce la justice sociale sans mettre à mal l’indispensable nécessité de préserver la motivation d’entreprendre (ce qui n’est pas du tout le cas pour la taxe à 75%, j’y reviendrai).

Sur l’effort pour réduire les déficits publics, il semble assez vain d’insister aujourd’hui sur cet horizon de 0% à 2017 (j’aurais préféré 2016) afin de commencer à réduire la dette immense de l’État (91,3% prévu pour 2013 !). Les 48,8 milliards d’euros payés pour les intérêts de la dette sont bien trop lourds actuellement (supérieurs à l’impôt sur les sociétés, de 40,3 milliards d’euros en 2012) pour comprendre qu’une telle fuite en avant ne peut plus continuer ainsi (François Bayrou l’avait prédit dès 2002 !). Si d’ailleurs les taux d’intérêt sont aujourd’hui très bas (parfois négatifs !), si bien que la charge de la dette sera probablement inférieure en 2013 à celle de 2012 (de 1,9 milliards d’euros), c’est en raison du climat de confiance des marchés sur la capacité de la France à assainir ses finances publiques. Il faut que le gouvernement en profite pour ne pas décevoir.

Quant à la tranche supplémentaire de 45% de l’impôt sur le revenu, il est vrai que l’équilibre est toujours très précaire entre le trop d’imposition et le trop peu, mais en période de crise, il est normal de rétablir une progressivité qui avait été très édulcorée par le gouvernement d’Édouard Balladur, il y a presque vingt ans.

Cependant, il faut aussi reconnaître aussi que de nombreuses inquiétudes ressortent de l’étude de ce projet de budget et que les affirmations publiques du gouvernement sont souvent erronées. Je vais m’étendre sur quelques éléments clefs de ce budget. Toutes les données de cet article proviennent des documents officiels d’origine gouvernementale (accessibles à ce lien) et ne sont donc pas des interprétations que j’aurais pu formuler sans fondement solide et objectif.


Estimation de la croissance : le gouvernement croit au père Noël

Le premier étonnement vient des estimations de la croissance pour les années à venir. Le gouvernement table sur 0,8% pour 2013, alors que tous les économistes envisagent à peine 0,3%. 0,1% correspond à une rentrée de 1 milliard d’euros dans les caisse de l’État. En clair, cela signifierait que soit l’objectif des 3% pour le déficit ne serait pas tenu, soit il faudrait d’ici le 31 décembre 2013 que le gouvernement trouve 5 milliards d’euros supplémentaires… Rendez-vous dans un an.

Mais ce qui est le plus contestable, ce n’est pas l’estimation pour 2013 mais celle ensuite proposée pour les autres années du quinquennat, à savoir 2% par an à partir de 2014, ce qui est totalement idéalisé. La méthode Coué est l’une des rares méthodes en économie qui ne fait pas rire… Et en effet, il n’y a pas de quoi rire, car le 29 septembre 2012, le Ministre des Finances Pierre Moscovici a voulu rassurer en disant qu’il n’y aurait pas d’effort supplémentaire demandé aux Français à partir de 2014 : qui peut sérieusement croire que les déficits publics seraient réduits à 0% sans effort supplémentaire ? Et qui sérieusement peut imaginer que la mise en place (nécessaire) de la branche dépendance ne demanderait pas un effort substantiel aux contribuables ou aux salariés ?

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Dans le jeu de la désinformation, il y a aussi deux éléments qui frappent.


L’État continue à augmenter ses dépenses : +6 milliards d’euros

Le gouvernement affirme qu’en 2013, l’État réduira ses dépenses de 10 milliards d’euros, soit un tiers de l’effort (j’aurais préféré au moins deux tiers : l’État vit beaucoup trop au-dessus de ses moyens), les deux autres tiers de l’effort allant aux particuliers et aux entreprises. Mais c’est une affirmation erronée. Il suffit de lire le global des dépenses de l’État. En 2012, il est prévu 368,6 milliards d’euros de dépenses et en 2013, on arrive à ….374,6 milliards d’euros !

Au lieu de réduire la voilure de 10 milliards d’euros, il y a 6 milliards d’euros supplémentaires ! C’est donc faux de dire que l’État réduit ses dépenses : il continue toujours de les augmenter. On pourrait toujours rétorquer qu’il y a eu 10 milliards d’euros d’efforts dans différents ministères, mais ils ont été compensés par des dépenses supplémentaires. C’est donc de la réelle désinformation de faire croire que l’État réduit ses dépenses.

D’ailleurs, dans les documents officiels, les estimations de solde général (déficit public) donnent une amélioration de seulement 22 milliards d’euros et pas des 37 milliards d’euros escomptés par la loi de finances rectificative de 2012 n°2 et le projet de loi de finances pour 2013 : 83,6 milliards d’euros en 2012 et 61,6 milliards d’euros en 2013. Où est passée la différence alors que la prévision de croissance est 0,5% de plus meilleure ?


L’État se remet à recruter à tout va : 35 500 fonctionnaires en plus pour 2013

On peut évidemment avoir une petite idée de ces dépenses nouvelles. Et là, c’est le constat que décidément, la gauche ne saura jamais gérer qu’en période de prospérité internationale (comme sous les gouvernements de Michel Rocard et de Lionel Jospin). En effet, pour la première fois depuis 2003, l’État va accroître ses effectifs en 2013. Depuis le 15 mai 2012, il y aura au 31 décembre 2013 au moins 5 491 fonctionnaires de plus ! Alors que depuis cinq ans, le gouvernement avait décidé de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux, ce qui permettait de réduire les effectifs de 30 000 fonctionnaires chaque année.

Par rapport au rythme précédent, c’est plus de 35 000 fonctionnaires en une seule année ! La promesse électorale des 60 000 fonctionnaires dans l’Éducation nationale va coûter cher pour les contribuables, et pas seulement pendant le quinquennat de François Hollande, pendant au moins 50 ou 60 ans (carrière et retraite). En période de crise actuelle, c’est quasi-délirant !

Le gouvernement a d’ailleurs beaucoup de mal à communiquer avec cohérence sur ce sujet. D’un côté, il critique la politique de réduction des effectifs élaborée par ses prédécesseurs avec des mots durs : "destructions d’emplois", "méthode aveugle", "crispant le dialogue social" (et où est donc le dialogue social pour les demandeurs d’emploi victimes de la crise économique ?!).

D’un autre côté, il essaie cependant de justifier la suppression ("destruction") de 12 298 postes de fonctionnaires dans des ministères qu’il juge secondaires (là, les mots sont plus doux : "effectifs stabilisés", "effectifs réduits", "effort de stabilisation", "logique de modernisation", etc.). Et la justification porte sur une jolie expression, les "gisements d’efficacité" : « mutualisation de fonctions supports, simplification des procédures et des structures, optimisation des moyens, meilleure répartition des effectifs entre les différents niveaux d’administration (…) ».

Le problème, c’est que le recrutement de 60 000 fonctionnaires à l’Éducation nationale n’a aucune justification autre qu’électoraliste. D’une part, avec la baisse démographique, il y a moins de besoins car moins d’élèves, certes probablement plus difficiles et donc nécessitant peut-être de plus d’encadrement. D’autre part, la France a déjà un taux d’encadrement très élevé par rapport à ses partenaires européens et les résultats scolaires ne sont pas du tout à la hauteur. L’efficacité du système éducatif n’est pas du tout lié aux effectifs. De plus, l’augmentation des effectifs réduira durablement toute possibilité de revalorisation de la fonction enseignante (le candidat François Hollande l’avait bien averti lors de son débat face à Martine Aubry pendant la primaire socialiste). Enfin, le manque de candidats valables dans les concours va rendre inapplicable une augmentation massive des effectifs sauf à accepter le recrutement de candidats médiocres.

D’ailleurs, la preuve que le gouvernement ne va pas vraiment respecter les fonctionnaires dont il se voudrait pourtant l’émanation, c’est qu’il n’y aurait que 310 millions d’euros d’augmentation en 2013 au lieu des 550 millions d’euros d’augmentation annuelle de 2008 à 2012 (sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy). Fait donc étrange, Nicolas Sarkozy aura augmenté bien plus les fonctionnaires que François Hollande (les données sont là !). Bonjour le "dialogue social" !

Si l’on prend la masse salariale totale de l’État, en incluant également les pensions de retraite (sinon, cela ne signifie pas grand chose sur l’engagement de l’État dans le recrutement de ses fonctionnaires), elle passera de 122,6 milliards d’euros en 2012 à 125,8 milliards d’euros en 2013, soit une augmentation de près de 3%, soit très loin de la réduction de voilure qu’on a voulu faussement communiquer. Les pensions des fonctionnaires à la retraite correspondent à peu près au tiers de ces montants (en 2012, elles représenteront 42,2 milliards d’euros).


9 Français sur 10 ne seront pas touchés par une hausse fiscale : really ?

Sur l’impôt sur le revenu, les mensonges pleuvent de la part du gouvernement. Jean-Marc Ayrault a affirmé que 9 Français sur 10 ne seraient pas touchés par une hausse fiscale, ce qui est entièrement faux. Il y aura au moins 16 millions de foyers fiscaux sur les 36 qui subiront une hausse de l’impôt sur le revenu d’environ 2% en raison du gel du barème.

Rappelons que le barème évolue en même temps que l’inflation et son gel provoque mécaniquement une hausse de l’impôt sur le revenu. Ce gel avait été décidé par le gouvernement précédent et n’est pas en elle-même une mauvais mesure (c’est un moyen relativement inodore politiquement d’augmenter l’impôt). En revanche, il faut l’assumer : en le maintenant, le gouvernement doit dire la vérité aux contribuables et reconnaître cette augmentation.


Faire payer les riches !

La taxe de 75% pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros est évidemment démagogique et confiscatoire et risque bien de donner un signal supplémentaire aux investisseurs étrangers pour ne plus investir en France (rappelons que la France est tout de même le 2e pays européen pour l’investissement étranger). Comment de futurs Bill Gates, Mark Zuckerberg ou Steve Jobs pourraient-ils investir un seul euro (ou dollar) s’ils étaient convaincus que leur enrichissement personnel (qui est la motivation de bien des entrepreneurs, ce qui est certes moralement malheureux mais une réalité matériellement palpable !) aille directement dans les caisses de l’État ? Combien y a-t-il déjà de professions libérales réduisant leurs activités et préférant prendre des vacances et leurs samedis en disant que ce n’est pas la peine de travailler exclusivement pour enrichir l’État ?

Le pire, c’est que le gouvernement lui-même admet que cette taxe nouvelle n’apporterait chaque année que 210 millions d’euros (ce qui est rien à comparer avec les 83,6 milliards d’euros de déficit en 2012 !) et ne concernerait que 1 500 ménages, soit une véritable stigmatisation de ceux qui ont réussi à s’enrichir dans leurs activités professionnelles (il s’agit bien d’activités et pas de rentes sur le capital, il s’agit bien des revenus du travail !). On parle de refuser la stigmatisation de son prédécesseur et on pointe du doigt d’autres catégories de la population qui plus est, sont indispensables (c’est un fait) dans le redressement économique et industriel du pays. Car il faut aussi constater que seuls les gens riches peuvent investir de manière décisive dans de nouvelles entreprises ou dans de nouvelles activités dans des entreprises déjà existantes. Et ce n’est pas l’État qui les remplacerait.

C’est donc une mesure exclusivement idéologique qui n’a aucune justification en terme de ressources de l’État puisque le produit sera ridiculement bas (cela aurait pu au moins se justifier si cela rapportait plusieurs milliards d’euros ! c’est le but des impôts et taxes de contribuer aux ressources de l’État, de manière pragmatique). Or, l’effet psychologique dévastateur qu’une telle mesure va avoir sur les investisseurs étrangers serait catastrophique pour l’industrie que le gouvernement souhaiterait pourtant redresser. L’idéologie ne fait jamais bon ménage avec la raison… De plus, c’est une mesure politiquement inefficace car cela ne permettra même pas au gouvernement d’avoir l’adhésion du Front de gauche.

En revanche, le gouvernement a conservé les avantages fiscaux pour les investissements dans l’outremer. Pourtant, cette niche fiscale ne rapportait rien en terme économiques et n’avait pour but que de réduire l’impôt des …plus riches ! La Cour des Comptes avait évalué à 1,3 milliards d’euros le coût d’une telle niche, soit 6 fois plus que le gain de la taxe de 75%. Tant qu’à faire payer les riches, supprimons cette niche fiscale et ça fera gagner plus d’un milliard d’euros de plus que le projet actuel !


Où est la préoccupation du déficit de la balance commerciale ?

Parmi les autres motifs d’inquiétude, rien n’a été présenté pour réduire le déficit du commerce extérieur, qui est de 71,3 milliards d’euros en 2012. Il faudrait un effort de l’État massif pour inciter les entreprises françaises à vendre à l’étranger. François Bayrou, durant sa campagne présidentielle, avait bien compris la nécessité d’étudier en détails chaque secteur industriel et de voir quelles étaient les actions que l’État pouvait engager pour agir efficacement et concrètement sur ce sujet. L’Allemagne, pourtant très affaiblie économiquement par la réunification, a fait sous Gerhardt Schröder cet exercice essentiel d’introspection nationale, et cela a été couronné de succès dix ans plus tard.

Toujours dans le registre des vagues promesses électoralistes inconsidérées du candidat François Hollande, il y avait la suppression du quotient familial. Il n’est pas supprimé (il y avait déjà eu des dénégations au cours de la campagne présidentielle) mais son plafond a été baissé à 2 000 euros. Cette mesure qui va à l’encontre des familles n’est pas vraiment pertinente en période de crise. Il est au contraire nécessaire de favoriser la natalité et de renforcer les mesures pour les familles. Il y a deux raisons à cela, indépendamment de raisons idéologiques : d’une part, une forte natalité va avoir une influence positive sur la croissance économique (augmentation de la consommation) et d’autre part, elle pourrait aussi à terme réduire les inquiétudes face à la peur de populations d’origine étrangère qui a, elle, un taux de fécondité élevé.


Trop d’impôts tue l’impôt…

Enfin, une autre donnée qui a de quoi inquiéter puisqu’elle est déterminante dans le retour à la croissance ou la plongée en récession, c’est le taux de prélèvements obligatoires qui passerait de 44,9% en 2012 à 46,3% en 2013 (et il est prévu qu’il monterait jusqu’à 46,7% en 2015 !). Ce taux montre à l’évidence que pour réduire le déficit budgétaire, le gouvernement a choisi d’augmenter massivement les impôts et taxes alors qu’il faudrait réduire au maximum les dépenses (parfois très inutilement réalisées ; chaque contribuable en a des multiples exemples dans son environnement proche).


Le résultat de promesses électorales insensées…

Le projet de loi de finances de 2013 est donc une vitrine des promesses incohérentes du candidat François Hollande et risque d’avoir des mauvaises conséquences dans les deux sens. Du côté du déficit, il aurait pu être réduit plus efficacement en réduisant plus la voilure de l’État (en supprimant des niches économiquement inutiles, en ne recrutant pas massivement des fonctionnaires etc.). Du côté de la consommation, le matraquage fiscal supplémentaire (+1,4% de prélèvements obligatoires) ne va pas encourager la relance de la croissance tant annoncée et tant attendue…

C’est dommage, car il partait d’une double bonne volonté, celle, comme le gouvernement précédent, d’assainir les finances publiques, et celle, au contraire du gouvernement précédent trop axé sur l’offre et pas assez sur la demande, de rendre un peu plus de justice fiscale.

Avec de telles incohérences politiques et économiques, ce n’est peut-être pas sans raison que le Président François Hollande et son gouvernement se sont effondrés dans les sondages de popularité et de confiance avec une rapidité déconcertante.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (1er octobre 2010)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Documents à télécharger : le projet de loi de finances 2013.
Comment ayraultiser l’austérité ?
Redresser la France ?
Hollande la farce.
Bilan Sarkozy.
Bayrou avait raison.

yartiPLF201303
 

 

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/loi-de-finances-2013-le-poker-123569

 

 

 

 

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