« Faites confiance à Emmanuel Macron pour s’affranchir des influences. Il est intelligent. Il y a les faits. Et il décide. Emmanuel Macron fait l’objet d’un procès politique permanent que je ressens comme injuste. Et je n’aime pas l’injustice. Bien sûr, il a pu commettre quelques erreurs… » (Jean-Pierre Chevènement, le 8 avril 2022).
La campagne du second tour est en pleine action : courte mais intense. Les deux candidats se battent, labourent, attaquent, se défendent, proposent, accusent… Mais il y a un argument particulièrement spécieux qui vise à dire : Tout sauf Macron. Vraiment ? Emmanuel Macron est-il si nul que ça au point n’importe qui devrait le remplacer ? Même l’extrême droite la plus inconséquente, la plus incompétente et la plus démagogique, prête à bafouer les libertés fondamentales inscrites dans la Constitution ou le bloc de constitutionnalité ?
Ce Macron bashing, on en a l’habitude. Rappelez-vous Jacques Chirac en mars 2002 et même encore en février 2007, juste avant d’annoncer qu’il ne se représenterait pas à l’élection présidentielle. On l’a attaqué sans arrêt, à le traiter de voyou, de voleur, de roi fainéant. Et pourtant, 82% des Français l’ont réélu en mai 2002. Cette impopularité intrinsèque à la fonction présidentielle, on l’a retrouvée aussi dès 2007, voire dès 2005, avec Nicolas Sarkozy, pourtant porté à la Présidence de la République en mai 2007 et en 2012, le Tout sauf Sarkozy a été l’un des slogans les plus stupides de la campagne présidentielle de 2012, mas aussi l'un des moteurs les plus efficaces. Il n’y a pas eu de Tout sauf Hollande car François Hollande a déclaré forfait trop tôt. Il était donc prévisible de le retrouver aussi pour Emmanuel Macron qui, en tant que Président de la République sortant, n’échapperait pas à la règle d’être tenu pour responsable de tout ce qui ne va pas dans ce beau et grand pays, sans être responsable de tout ce qui va bien (pour les rarissimes optimistes qui aiment leur pays et savent voir ses atouts autant que ses atours).
Il y a donc une réelle incohérence entre ceux qui élisent le Président de la République et ceux qui voudraient le "lyncher", car ce sont les mêmes. Ou pas. Car ce sont des extrémistes, évidemment. Cette haine pue l’extrémisme à plein nez. C’est un argument stupide car il ne relève plus de l’argumentation mais de l’émotion un peu puérile. Cette haine est une rancœur, celle en fait que certaines personnes ont pour tous les dirigeants, quels qu’ils soient et même s’ils les ont eux-mêmes choisis. Tout le monde disait que Nicolas Sarkozy était le pire de tous et puis on a eu François Hollande et ainsi de suite…
Euh, non, justement, pas ainsi de suite, car Emmanuel Macron, s’il suscite tant de haine, c’est parce qu’il est le meilleur d’entre tous, le meilleur acceptable et d’ailleurs, la majorité relative des Français l’a compris puisqu’elle l’a placé en tête du premier tour avec plus d’un millions d’électeurs en plus qu’en 2017. Ce n’est pas anodin.
Certains pensent que le bilan du quinquennat est un boulet, c’est leur avis, mais il n’est pas argumenté. Globalement, non seulement la France va mieux en 2022 qu’en 2017, mais heureusement qu’Emmanuel Macron était là pour gérer les nombreuses crises des temps présents, et d’autres viendront encore : gilets jaunes, crise du covid-19, guerre en Ukraine. Chaque crise a provoqué des conséquences sur l’économie, sur la société qui ont traumatisé le peuple, et Emmanuel Macron a su, par ses réactions opportunes, apporter les meilleures solutions, les solutions appropriées, les solutions adéquates, même si, comme l’explique Jean-Pierre Chevènement, il a commis des erreurs, comme tout le monde.
Le "quoi qu’il en coûte" a été salutaire pour les deux ans de pandémie, elle a sauvé des dizaines de milliers d’entreprises, des centaines de milliers d’emplois, par le financement du chômage partiel, par les prêts garantis par l’État, il a sauvé l’économie et il l’a fait dans une logique anti-libérale (on l’accuse tellement de libéralisme, qui n’est pas pourtant un gros mot), à tel point qu’il a reçu des félicitations sur sa gestion de crise.
Nous avons aussi la chance, nous Européens, d’avoir eu Emmanuel Macron, comme dirigeant d’un pays européen à grand charisme et comme Président du Conseil de l’Union Européenne, alors que la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine. Quelle aurait été la réaction européenne sans Emmanuel Macron ? Quelle aurait été la souveraineté de la France et de l’Europe sans la diplomatie volontariste d’Emmanuel Macron qui a sa propre ligne qui n’est pas calquée sur les États-Unis (on le voit par exemple sur l’emploi du mot "génocide"). Quand il a dit le 2 avril 2022 : « Nous sommes les vassaux de personne ! », c’est d’autant plus vrai qu’il faut en avoir le courage, et c’est son cas.
Pour une fois, justement, après cinq ans où il a fait ses preuves, où il a "fait le job", les Français peuvent se permettre de réélire un Président compétent, courageux et acharné, c’est-à-dire bosseur, travailleur, qui potasse les dossiers, qui se remet en cause, qui revoit les mises à jour pour se refaire une nouvelle idée des sujets, qui est dans la permanente correction, adaptation aux temps d’un monde troublé qui évolue sans cesse.
Nous avons la grande chance d’avoir un candidat expérimenté, qui a connu toutes les vicissitudes de la fonction présidentielle, qui l’a respectée tout en la modernisant (nous ne sommes plus à l’époque de De Gaulle, né au XIXe siècle ; du reste, cet aspect "décontracté" a été inauguré dès 1974 par Valéry Giscard d’Estaing qui a été un révolutionnaire en la matière), qui a une vision globale de l’intérêt des Français et de la France.
Répondant aux questions de Natacha Polony, Franck Dedieu et Étienne Campion, dans un entretien publié dans "Marianne" à la veille du premier tour, le 8 avril 2022, l’ancien ministre souverainiste Jean-Pierre Chevènement a bien mesuré l’enjeu : « Je serai de toute façon mieux en mesure d'influer [en le soutenant] qu’en m’enfermant dans une abstention boudeuse, comme le font beaucoup d'hommes de gauche sincères, par manque d'imagination et aussi parce que la gauche n’a pas fait le travail intellectuel nécessaire à toute réorientation de fond. ».
Il ne soutient pas Emmanuel Macron par défaut mais par adhésion : « Je ne suis pas de ceux qui se larmoient sur la félonie supposée d'Emmanuel Macron. Il a fait le ménage. Je l'en félicite. Je considère qu'il a permis de tourner une page qui, enfin, nous autorise à imaginer autre chose. ». Quand il a parlé de "faire le ménage", il voulait insister sur le fait d’avoir fait imploser les partis de gouvernement qui n’étaient plus que des écuries présidentielles, sans vision, sans réflexion, sans travail sur le terrain, sans autre consensus qu’une soupe de libre concurrence européenne sans répondre aux besoins du peuple. Emmanuel Macron a créé un nouveau paysage politique et comme à chaque crise, ce changement a ses risques (qui ne proviennent pas d’Emmanuel Macron) mais aussi ses opportunités.
Jean-Pierre Chevènement s’inquiétait déjà du second tour dont les intentions de vote restent toujours aussi serrées : « Le feu est à la maison. Ce matin [8 avril 2022], un sondage donne 47,5 % des voix à Marine le Pen au second tour. 2,5 %, c’est la marge d’erreur. Et pendant ce temps-là, vous cherchez des poux dans la tête d’Emmanuel Macron ! (…) Honnêtement, en politique, il faut faire des choix. Quel autre choix un citoyen responsable et épris de progrès peut-il faire que d’apporter un soutien résolu à Emmanuel Macron ? Le grand danger, face à Marine Le Pen, c’est la démobilisation et plus encore, l’aversion ressentimenteuse que suscite Emmanuel Macron chez une gauche que son sectarisme aveugle. ».
Mais alors, pourquoi se mobiliser ?
Pour son bilan et pour son projet. J’évoquerai ici son bilan. Oui, il a un bilan extraordinaire et s’il n’est pas parfait, déjà parce qu’il n’a pas eu beaucoup de temps (deux ans de crise sanitaire sur cinq ans de mandat, c’est beaucoup), il a su au moins mettre la France dans de bonnes rails.
Le pouvoir d’achat ? Il a prouvé qu’il savait comprendre les besoins des Français. Il a permis les lunettes et les prothèses dentaires et auditives 100% remboursées. Il a supprimé la taxe d’habitation. Il a permis des petits-déjeuners scolaires gratuits et des déjeuners scolaires en cantine à 1 euro (plus de 2,5 millions de repas ont ainsi été servis depuis 2019) ainsi que les repas en restauration universitaire à 1 euro (20 millions de repas servis). En outre, le prix du gaz et de l’électricité a été bloqué, une indemnité inflation de 100 euros a été versée à tous les Français. L’allocation aux adultes handicapés (AAH) a été augmentée de 100 euros par mois. 1,3 automobilistes ont bénéficié d’une prime de conversion pour passer à un véhicule électrique ou hybride. Entre 2017 à 2021, le pouvoir d’achat a progressé de 5,5% tandis qu’entre 2007 et 2012, de 0,5% et de 2012 à 2017, de 0,2%. En particulier, un salarié au SMIC gagne 170 euros supplémentaires chaque mois, grâce à la baisse des charges et à la hausse de 100 euros de la prime d’activité, soit plus de 2 000 euros par an !
Sur le front de l’emploi, le chômage a baissé malgré la crise sanitaire pour arriver à une situation jamais connue depuis 15 ans, à 7,4% en 2022 (ce taux était de 9,5% en 2017). Le chômage des jeunes n’a jamais été aussi bas depuis 1981. 700 000 contrats d’apprentissage ont été signés, qui ont doublé en cinq ans. Avec le plan "1 jeune, 1 solution", environ 4 millions de jeunes ont trouvé un emploi. En 2021, la situation a été inédite puisqu’il y a eu deux fois plus d’ouvertures d’usines que de fermetures.
Sur l’école : 350 000 écoliers du primaire ont bénéficié d’un enseignement dans des classes dédoublés avec 12 élèves au maximum. Sur la culture : le Passe Culture de 300 euros pour les jeunes à 18 ans. Sur la lutte contre le climat : en cinq ans, les émissions de CO2 ont chuté de 12%, soit deux fois plus rapidement qu’entre 2012 et 2017. Sur la défense et la sécurité : le budget des armées a augmenté de 27% depuis 2017, une progression inédite. 10 000 nouveaux postes de policiers et de gendarmes ont été créés depuis 2017.
Au-delà de la gestion de la crise sanitaire et de l’intense activité diplomatique du Président de la République sortant, on pourrait ainsi multiplier les exemples pour démontrer que le bilan est très honorable, mais c’est surtout qu’à l’élection présidentielle, il faut se tourner vers l’avenir et c’est le projet présidentiel qui influence une majorité d’électeurs sur lequel je reviendrai dans les prochains jours.
« On peut s’émouvoir sur les formes d’expression qui paraissent familières que j’assume totalement ! » (Emmanuel Macron, le 7 janvier 2022).
Oui, ce qu’a dit le Président de la République Emmanuel Macron le 4 janvier 2022 dans "Le Parisien" contre les personnes non-vaccinées était violent. En disant : "J’ai envie de les emmerder" et en leur retirant même la considération de citoyens par leur irresponsabilité collective face à la pandémie de covid-19, il a exprimé une colère, un ras-le-bol général, avant tout celui des soignants qui ont à assumer, eux, le flux énorme des malades du covid-19 parallèlement à la déprogrammation d’opérations pour les patients atteints d’autres pathologies qui pourrait leur être fatale. Beaucoup de Français en ont aussi marre de ces gens qui refusent la vaccination, qui sont égoïstes et qui ne comprennent pas leur responsabilité individuelle face à cette épidémie globale. Car cette violence, c’est aussi celle de la pandémie actuelle elle-même.
Entre 200 et 300 décès par jour et avec la montée fulgurante, cela va être en hausse pour les prochaines semaines. Il ne s’agit pas d’avoir peur, il s’agit de protéger au maximum les Français. 125 000 morts, c’est mille fois plus que les victimes du Bataclan, c’est la mortalité de 30 années sur les routes de France. La peur, elle est plutôt du côté des militants antivax, qui ont peur de se faire vacciner alors que des milliards de personnes avant eux se sont fait déjà vacciner sans problème et sans effet secondaire grave. Oui, ne pas se faire vacciner, c’est moralement plus grave que de voler une pomme : c’est prendre le risque de contaminer et peut-être de tuer ceux qu’on aime, les plus précieux des êtres.
L’épidémiologiste Dominique Costagliola, directrice de recherches à l’INSERM, a rappelé le 7 janvier 2022 sur BFM-TV que « la vague delta n’est pas du tout terminée ». Elle a ajouté en le déplorant : « Si on dit qu’il y a eu 400 000 cas lundi, ave 20% de delta, c’est 80 000 personnes infectées par delta (…) avec tous les problèmes de prise en charge qu’il pose. ». En fait, il semblerait que le delta soit plus faibe. Le variant delta semble encore très présent dans le Sud-Est de la France, et ce variant est très virulent : « C’est ça qui explique que c’est la région [PACA] avec le plus de tensions en réanimation. ».
Pour l’instant, rien n’indique que le variant omicron soit aussi virulent que delta (il semble plutôt moins virulent), mais avec le nombre de nouveaux cas, en absolu, le risque reste de saturer le système hospitalier. L’observation de ce qui se passe en Grande-Bretagne semblerait dire que la vague delta sature les réanimations et la vague omicron sature les hospitalisations conventionnelles. Mais pour Dominique Costagliola est restée très dubitative : « Ce n’est pas si clair de savoir si c’est lié au virus lui-même ou au fait que ça arrive sur des populations globalement extrêmement vaccinées. ». La chercheuse est restée très prudente : la baisse des hospitalisations « ne veut pas dire que c’est moins grave sur les non-vaccinés, sur les immunodéprimés ou même peut-être chez les enfants ».
Dominique Costagliola s’est aussi inquiétée du sort des enfants contaminées. Le 6 janvier 2022, il y avait 314 enfants de moins de 10 ans hospitalisés pour covid-19, dont 61 en soins intensifs, ce n’est pas négligeable : « Ce qui est le plus inquiétant (…), c’est le bond des hospitalisations et des hospitalisation en réanimation (…). On a explosé tous les pics qu’on avait eus auparavant (…). Laisser le virus circuler chez les enfants n’a pas l’air d’être du tout une bonne idée. ». Depuis la rentrée du 3 janvier, 9 202 classes ont été fermées, sur plus de 500 000, et 47 453 enfants ont été testés positif (sur 12 millions d’élèves).
Santé Publique France, à cause du nombre fulgurant des tests positifs, a eu des problèmes pour indiquer les statistiques le jeudi 6 janvier 2022. Les tests sur les prélèvements du lundi 3 janvier 2022, dont certains résultats n’ont été obtenus que trois jours plus tard, ont été positifs pour 409 370 d’entre eux, ce qui est un nouveau record. Pour ce 7 janvier 2022, Santé Public France a annoncé 328 214 nouveaux cas en une journée. Au 4 janvier 2022, le taux d’incidence était de 2 391,7 personnes contaminées en une semaine par 100 000 habitants (le seuil critique était de 50 !). Depuis le lundi 3 janvier 2022, il y a eu 1 661 428 nouveaux cas, soit plus de 332 000 par jour.
Cette violence, c’est aussi cette annonce, ce vendredi 7 janvier au soir, du décès du député du Pas-de-Calais José Évrard des suites du covid-19. Ancien communiste, élu avec l’étiquette FN en 2017, devenu membre de Debout la France après être passé chez Les Patriotes, José Évrard avait milité contre le passe sanitaire. Il fait malheureusement partie des plus de 125 000 victimes françaises de cette pandémie.
Au cours d’une conférence de presse commune avec Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne (avec qui il s’était auparavant au Panthéon devant la tombe de Jean Monnet et celle de Simone Veil), le vendredi 7 janvier 2022 au Palais de l’Élysée, le Président Emmanuel Macron a assumé ses propos : « Il fallait tirer la sonnette d’alarme pour que les choses avancent plus rapidement. ». Et il les a justifiés : « Ce mouvement, vous le voyez partout en Europe. Certains font l’obligation vaccinale au-dessus d’un certain âge, mais la plupart des pays mettent des contraintes de la vie sociale en disant "si vous n’êtes pas vaccinés, vous n’avez pas accès à ce lieu". ».
Il a également affirmé : « Être citoyen, c’est avoir des droits et des devoirs, et ce sont d’abord des devoirs. Le concept de liberté (…) s’arrête là où la liberté de l’autre est entravée, là où la vie de l’autre peut être en danger. ». Des devoirs moraux, puisque la vaccination n’est pas obligatoire, au contraire de pays comme l’Autriche ou l’Italie. L’Italie a pris la décision, il y a deux jours (5 janvier), de l’obligation vaccinale pour les plus de 50 ans à partir du 15 février 2022 et l’Autriche (dont le Chancelier Karl Nehammer vient d’être testé positif au covid-19, sans symptômes grâce à ses trois doses de vaccin) la met en œuvre dès le 1er février 2022 pour les personnes âgées de plus de 14 ans.
Sans compter des mesures beaucoup plus dures qu’en France dans d’autres pays du monde en cas de non-vaccination : la suspension des allocations-chômage au Canada à partir du 2 janvier 2022, le paiement des coûts en cas d’hospitalisation en soins intensifs à Singapour (soit 16 200 euros), le refus de délivrance du permis de conduire en Indonésie (dans certaines régions), l’isolement numérique (blocage de la carte SIM) dans le Pendjab au Pakistan depuis le 10 juin 2021, etc. (selon Vincent Geny dans "Marianne" le 6 janvier 2022).
À cause des cas contacts, du 31 décembre 2021 au 6 janvier 2022, près de 10 millions de tests ont été réalisés en France, soit 25% de plus que la semaine précédente et depuis le 3 janvier, plus d’un test sur quatre concerne les enfants.
Ce qui est clair, c’est que la vaccination réduit considérablement les risques d’être contaminés et surtout d’être hospitalisés comme malades de la forme grave. La vaccination est une cause nationale d’urgence. C’est la raison du passe vaccinal voté par les députés le 6 janvier 2022.
Les données de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) sont sans ambiguïtés à ce sujet. Entre le 29 novembre et le 26 décembre 2021, 56% des personnes entrées à l’hôpital en soins critiques après avoir été testées positives n’étaient pas vaccinées, et 42% des décès (alors que les personnes non-vaccinées représentent seulement 8% de la population éligible à la vaccination).
Actuellement, 21 605 personnes sont hospitalisées pour cause de covid-19, dont 3 815 en soins critiques (on se rapproche des 4 000, c’est énorme).
Le choix du gouvernement était simple. Face à une telle violence de l’épidémie à partir de Noël, il n’y avait que deux choix possibles : ou tout fermer, tout confiner, l’économie et les écoles, comme ce fut le cas en mars 2020 avec les conséquences que l’on sait, psychologiques et financières, ou miser totalement sur la vaccination, qui réduit les dégâts humains et sanitaires. Mais pour cela, il ne faut pas laisser dans la nature 5 millions de personnes non-vaccinées, dont 500 000 personnes fragiles qui pourraient toutes se retrouver en réanimation (on ne pourrait alors soigner qu’une personne sur 100 !).
J’ai écrit que la vaccination "réduit" les risque de forme grave, mais pas supprime, car un vaccin n’est jamais efficace à 100%, il y a donc malheureusement des personnes qui font attention, qui ont achevé leur parcours vaccinal, et qui, parce qu’elles sont immunodéprimées, sont contaminées par la flambée épidémique et se retrouvent en réanimation voire à la morgue. C’est pour cela qu’il faut se faire vacciner. Il suffit de regarder le rapport entre nombre de décès ou nombre d’admissions en réanimation et le nombre de contamination, et comparer ce rapport en janvier 2021 et en janvier 2022, pour voir la différence éclatante due à la vaccination : la létalité est beaucoup moins forte parce que la vaccination protège.
Le choix d’imposer le passe vaccinal pour inciter fortement à se faire vacciner a déjà été efficace : le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a annoncé le 7 janvier 2022 que 230 000 primo-injections ont été réalisées en France depuis le lundi 3 janvier, soit un record depuis septembre 2021. Il a ajouté sur les réseaux sociaux : « N’hésitez pas à vous faire vacciner. Protégez-vous, protégez-nous, plus de 3 millions de créneaux vous attendent dans les centres, chez votre médecin, chez votre pharmacien. ».
Au 7 janvier 2022, il y avait 53 180 572 personnes qui ont reçu au moins une injection, 51 962 858 au moins deux injections et 27 641 313 au moins trois injections, soit déjà plus de la moitié des personnes primovaccinées.
Et d’ailleurs, avec le nouveau vaccin du laboratoire américain Novavax (6,4 millions de doses seront livrées à la France au début de février 2022), un vaccin à la technologie traditionnelle, les réfractaires aux vaccins à ARN messager (Pfizer, Moderna) ou à vecteurs viraux qui fonctionnent à peu près de la même manière (Astrazeneca, Janssen, Sputnik V) n’auront plus beaucoup d’arguments pour refuser de se faire vacciner. Autorisé par les autorités sanitaires européennes le 20 décembre 2021, ce vaccin constitue un grand espoir pour convaincre les derniers hésitants et se protéger tout en protégeant les autres.
Quant à l’aspect politique des choses, Emmanuel Macron a eu raison de choquer puisque cela a permis de se focaliser sur les services de réanimation et cela a permis d’augmenter significativement le nombre de primovaccinations. Peut-être aussi que la disparition des frères Bogdanoff a joué un rôle dans ce phénomène car ils étaient très populaires. En clair, les candidats de l’opposition sont tombés dans le piège du buzz : en faisant comme de vulgaires trolls sur Internet, ils ont alimenté la polémique, et ainsi, nourri pendant trois jours au moins le sujet qu’avait mis à l’ordre du jour le "maître des horloges", certainement pas pour des raisons électorales (les mesures restrictives, il s’en passerait bien volontiers en période électorale, il préférerait parler du rebond économique, de la baisse du chômage, etc.).
En fait, Emmanuel Macron est plutôt coincé entre un calendrier européen très chargé de la Présidence française, un calendrier sanitaire imposé par les deux variants delta et omicron qui pourrait se prolonger jusqu’en février au moins (et certainement au-delà de l’élection présidentielle), et bien sûr, le calendrier électoral qui se rétrécit. Quant à ses trois concurrents possibles du second tour, Éric Zemmour, Marine Le Pen et Valérie Pécresse, chacun a dans son propre électorat une proportion non négigleable des pro-vaccins et des antivax, et prendre une position claire est difficile et très délicat pour eux (sortir de l’ambiguïté ne se fait qu’à ses dépens, disait l’autre).
Avec une exception quand même, et c’est courageux de sa part : Valérie Pécresse n’a jamais hésité et a toujours soutenu l’idée du passe vaccinal. Son problème est que son propre parti est très divisé sur ce sujet (voir les votes du groupe LR). Quand Éric Zemmour dit qu’il ne veut pas parler de la crise sanitaire, ce n’est pas l’avis des Français touchés de plein fouet par cette double vague, d’autant plus s’ils sont parents ou salariés. Pour l’instant, Emmanuel Macron est bien celui qui s’occupe le plus de la sécurité des Français. Le vrai régalien, c’est bien lui. Concrètement. Et pécuniairement.
« Vous n’avez pas le droit d’être violent contre les maires, les députés et le Président, aussi parce que vous pouvez les changer à chaque échéances. » (Emmanuel Macron, "Le Parisien", le 4 janvier 2022).
Avertissement : dans cet article, j’userai d’un verbe et de ses dérivés dont on dit qu’ils sont vulgaires. Comme ils concernent maintenant un vocabulaire présidentiel préélectoral, je me permettrai d’en user également à tort et à travers (j’éviterai toutefois de recommencer !). Et ce verbe, c’est emmerder.
Il y a eu une seconde suspension de l’examen du projet de loi sur le passe vaccinal (j’y reviendrai) dans la nuit du 4 au 5 janvier 2022 à l’Assemblée Nationale : si la première suspension, la nuit précédente, a été la conséquence conjointe d’un amateurisme des députés de la majorité et d’une manœuvre politicienne des députés de l’opposition, cette suspension a été, elle, provoquée par des propos provocateurs du Président de la République Emmanuel Macron, interrogé par sept Français pour une longue interview publiée dans "Le Parisien", rendue publique sur Internet le mardi 4 janvier 2022 à 20 heures 46.
Le moins qu’on puisse dire, et je le regrette, comme semble le regretter l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe sur France 2 le lendemain, c’est que le naturel revient parfois au galop. Malgré son introspection du 15 décembre 2021 (sur TF1 et LCI) sur les mots qui ont fâché ou qui ont choqué, Emmanuel Macron s’est de nouveau lâché en toute conscience.
Pour quelle raison ? Je ne sais pas. Soit parce qu’il croit pertinent (pas moi) de parler un français vulgaire avec des citoyens de tout horizon qu’ils rencontrent (c’était le cas puisque ce n’étaient pas des journalistes qui l’interrogeaient), et dans ce cas, c’est une grande condescendance, même les gens du peuple peuvent comprendre un langage châtié. Soit parce qu’il veut exprimer de la colère, une colère froide et réfléchie, contre les personnes qui ne sont pas (encore) vaccinées. Soit enfin par provocation politique, au même titre que l’histoire du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe à Paris au Nouvel an, incitant ses opposants à vociférer stérilement et plaçant le débat sur ses thèmes voulus (l’Europe, la vaccination). Ou alors, il y a un peu des trois.
Je pense que globalement, c’est une erreur à court terme, ne serait-ce que sur son effet sur le débat parlementaire, mais cela peut être électoralement payant sur du long terme, montrant qu’il est offensif, n’hésitant pas à montrer ses "envies" et ses "colères", renonçant à quémander le vote auprès des 5 millions de Français qui ne sont pas (encore) vaccinés et défendant ceux qui, en revanche, sont aussi en colère contre eux. Je pense que c’est regrettable car un Président de la République doit unir et pas diviser, qu’il doit rassembler tout le monde et même ceux qui vont dans le décor.
De plus, je pense que c’est une erreur de cibler toutes les personnes non-vaccinées, certaines ont été convaincues entre-temps (plusieurs dizaines de milliers par jour) et en les prenant à rebrousse-poil, il n’aide pas dans le travail lent de persuasion des proches ou des soignants. Par exemple, grands sportifs et sans comorbidité, les frères Bogdanoff avaient peur des effets secondaires du vaccin à ARN messager, mais ils n’étaient pas du tout antivax, ils voulaient attendre le vaccin classique développé par l’Institut Pasteur (qui n’arrive pas !). Le ciblage du Président aurait dû être plus fin, concentrer sa colère contre les seuls antivax, une ultraminorité qui a une grande influence parmi les personnes qui ne sont pas encore vaccinées et qui diffuse des mensonges et des fausses informations à longueur de messages sur les réseaux sociaux. Et pas contre les personnes non-vaccinées influençables qui sont plutôt leurs victimes (et dont beaucoup sont mortes de ne pas avoir été vaccinées).
Cela dit, en trois mois (car le premier tour de l’élection présidentielle est dans trois mois !), beaucoup d’eau et de déclarations auront eu le temps de passer sous les ponts, il ne faut donc pas surestimer l’importance de ces propos, d’autant plus qu’Emmanuel Macron n’a pas dit que cela dans une interview de deux heures et quart.
Ce propos introductif étant écrit, je voudrais quand même rappeler que le message principal d’Emmanuel Macron était plutôt le contraire de ce qu’on lui reproche, et le verbe emmerder a déjà été utilisé par un autre Président de la République, Georges Pompidou, qui disait qu’il fallait arrêter d’emmerder les Français, il s’exprimait néanmoins comme Premier Ministre (il me semble), à propos de la sécurité routière (et peut-être des démarches administratives). Emmanuel Macron a voulu dire d’abord ceci : je ne veux pas emmerder les Français avec la crise sanitaire.
Alors, reprenons exactement ses propos, car ils méritent d’être lus dans leur intégralité. Il répondait à une citoyenne inquiète de l’issue du nouveau conseil de défense sanitaire du 5 janvier 2022. La réponse présidentielle était la suivante : « On reste dans la direction qui est donnée en cette rentrée de prudence. Au fond, la ligne est simple : c’est vaccination, vaccination, vaccination, et passe vaccinal. (…) L’idée, c’est de mettre beaucoup de contrainte sur les non-vaccinés et, collectivement, de respecter les gestes barrières. ».
Et un peu plus tard, Emmanuel Macron a enfoncé le clou : « En démocratie, le pire ennemi, c’est le mensonge et la bêtise. Nous mettons une pression sur les non-vaccinés en limitant pour eux, autant que possible, l’accès aux activités de la vie sociale. (…) C’est une toute petite minorité qui est réfractaire. (…) On la réduit, pardon de le dire comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire : à partir du 15 janvier, vous ne pourrez plus aller au restau, vous ne pourrez pus prendre un canon, vous ne pourrez plus boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre, vous ne pourrez plus aller au ciné… ».
Puis, Emmanuel Macron s’est encore emporté encore contre les non-vaccinés en évoquant les places en réanimation, en insistant sur son refus de "tri des malades" : « Nous ne sommes pas aujourd’hui dans une situation où nos services d’urgence ne peuvent pas accueillir tous les patients. Moi, ma responsabilité, c’est que le pays ne se désunisse pas dans ces débats-là. Le fait même que l’on pose la question du refus de soin pour des gens non-vaccinés est un drôle de virus. Et ça, c’est l’immense faute morale des antivax : ils viennent saper ce qu’est la solidité d’une nation. Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen. ». On lui reprochera aussi cette dernière phrase qui n’a pas beaucoup de sens, sinon de la colère, mais pour des propos relus (selon Olivier Beaumont, l’un des journalistes en charge de ces entretiens, « l’interview a été relue par l’Élysée, mais il n’y a eu aucune retouche. »), les émotions ne sont pas en jeu.
Le message est donc clairement concentré sur le refus des personnes non-vaccinées à se faire vacciner. Ce n’est pas une lubie macronienne, c’est une réalité sanitaire. La France est plongée dans une double vague, celle du variant omicron (dont on parle beaucoup et qui explose) mais aussi, celle du variant delta qui n’est pas redescendue (on est au sommet du pic delta) et qui focalise toute l’attention dans les services de réanimation.
Cette colère, elle est aussi la conséquence du nouveau record de la journée du mardi 4 janvier 2022 : 271 686 nouveaux cas pour cette seule journée, avec un record du taux de positivité (16,8% au 1er janvier 2022 ; ce n’est donc pas l’augmentation du nombre de tests qui explique l’augmentation exponentiel du nombre de cas détectés, mais bien la réalité épidémique), un taux d’incidence de 1 930 personnes contaminées en sept jours pour 100 000 habitants (soit 1,3 million de Français contaminés cette dernière semaine !). C’est aussi 20 186 personnes hospitalisées (soit 2 881 de plus en un jour) dont 3 665 admis en réanimation (soit 460 de plus en un jour), autant de place dont les patients atteints d’autres pathologies, parfois graves, ne pourront pas bénéficier, et aussi 297 décès à l’hôpital rien que pour la journée d’hier (351 en comptant aussi les décès dans les EHPAD et assimilés). Et ce sont très majoritairement des personnes non-vaccinées qui occupent ces lits de réanimation (j’y reviendrai), c’est-à-dire que ces tragédies humaines et sanitaires pourraient être évitées par la vaccination.
C’est cette colère que véhicule le Président de la République, fort du soutien de plus de 91% des personnes de plus de 12 ans qui ont accepté la vaccination. D’ailleurs, les réactions à ses déclarations polémiques sont partagées. Pour les oppositions politiques, c’est un scandale, posture prévisible et qui peut être confortable à quelques semaines de l’élection (même lorsqu’on est d’accord avec la politique du gouvernement, c’est le cas de Valérie Pécresse : « J’ai été indignée par ses propos (…). Ce n’est pas au Président de choisir les Français, il faut arrêter ce quinquennat du mépris. »). Mais pour les professionnels de la santé, ses déclarations sont complètement compréhensibles et reflètent même le sentiment de bien des médecins hospitaliers. Ainsi, le professeur Éric Caumes a déclaré sur BFM-TV le 5 janvier 2022 : « Le médecin comprend ce dérapage, probablement contrôlé. ».
Emmanuel Macron a pour autant confirmé qu’il n’était pas question de rendre la vaccination obligatoire, qu’il n’y aurait évidemment aucun tri de malades et certainement pas entre vaccinés et non-vaccinés, et qu’il n’y aurait pas de nouvelles mesures supplémentaires de restriction prévues à ce jour. À ceux qui veulent l’obligation vaccinale (dont les socialistes), Emmanuel Macron a répondu : « Comment on le contrôle et quelle est la sanction ? C’est ça, le vrai sujet. Je vais forcer des gens à aller se faire vacciner ? Les emprisonner et puis les vacciner ? Vous allez me dire : "vous êtes quelqu’un de bizarre, vous…". On ne fera pas ça. Leur mettre des amendes ? Si j’ai des gens très modestes qui ne sont pas vaccinés, je vais leur mettre 1 000 euros, 2 000 euros, d’amende ? ».
Pour être mieux compris, au lieu de dire : "J’emmerde les non-vaccinés", Emmanuel Macron aurait plutôt dû dire : "Les non-vaccinés m’emmerdent, en tant que chef de la Nation et garant de la protection de la santé des Français". Dans son compte-rendu du conseil des ministres du 5 janvier 2022, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a dit exactement la même chose : « Le Président veut aller au bout de notre travail, pour que les Français soient tous vaccinés. ». Il a ajouté : « Les propos du Président me semblent très en deçà de la colère de la majorité des Français. ». Et de poser la question crûment : « On va se parler franchement. Qui emmerde la vie de qui aujourd’hui, qui empêche la vie de reprendre ? ». En approuvant les propos présidentiels sur l’irresponsabilité et le citoyen : « S’opposer à la vaccination, c’est s’écarter de la citoyenneté. ».
Gabriel Attal a répété une fois de plus la raison de cette volonté de vacciner tout le monde : « La dose de rappel du vaccin prévient près de 90% des formes graves, y compris vis-à-vis d’omicron. ». Et il a expliqué pourquoi il n’y a pas d’obligation vaccinale : le but est d’arriver à avoir la plus large couverture vaccinale. Or, dans les pays qui ont décidé d'appliquer l’obligation vaccinale, il n’y a pas eu d’augmentation des vaccinations. Au contraire, en France, après l’annonce du passe sanitaire (le 12 juillet 2021) et l’annonce du passe vaccinal (le 17 décembre 2021), il y a eu une forte augmentation des primovaccinations. C’est donc efficace. C’est le seul souci du gouvernement.
Emmanuel Macron est aussi revenu sur la polémique du drapeau européen en évoquant la réaction d’indignation de l’opposition de droite et d’extrême droite : « Cette réaction était disproportionnée et malvenue. Si nous avions retiré le drapeau français, j’aurais pu comprendre. Or le drapeau français est présent lors des cérémonies patriotiques, comme le 8 Mai, le 11 Novembre, le 14 Juillet. Mais si vous passez un jour comme aujourd’hui sous l’Arc de Triomphe, il n’y a pas de drapeau. Ce qui a été fait le 31 décembre au soir et le 1er janvier a été de marquer cette entrée dans la Présidence française de l’Union, en inscrivant notre drapeau européen, car il est aussi le nôtre. Là où il n’y avait rien, nous avons mis le drapeau européen. Donc, c’était une mauvaise polémique. Ce drapeau européen, j’en suis fier. Il faut l’assumer car c’est un symbole de paix. (…) Nos générations n’ont jamais connu la guerre. J’aime l’Europe parce que c’est un projet de paix. ».
Le Président de la République a d’ailleurs évoqué les perspectives de la construction européenne (sur la Santé, sur les réfugiés, sur l’imposition des GAFA, sur une industrie de défense européenne, sur le nucléaire, etc.) et a confirmé son opposition à l’adhésion de la Turquie à l’Europe : « Mais je souhaite qu’elle ait des liens avec notre Europe parce que c’est ce qui l’arrime à nos valeurs et ce qui évite qu’elle dérive encore plus. ».
Sur le plan économique, Emmanuel Macron a fermement défendu sa politique d’aide à l’activité économique en période de crise sanitaire : « Le quoi qu’il en coûte, c’est 15% du PIB. Le coût sur l’ensemble de l’économie, si on ne l’avait pas fait, serait monté à 45% du PIB. Grâce à nos mesures, on ressort avec un chômage qu a baissé et une croissance historique, donc c’était un bon choix. ». Il a par ailleurs exclu toute augmentation des impôts (« tant que je serai dans mes fonctions »).
Après beaucoup d’autres sujets (dont le glyphosate, la drogue et la laïcité), Emmanuel Macron a été bien sûr interrogé sur son éventuelle candidature : « Si je m’exprime aujourd’hui, quelle va être ma capacité à gérer le pic d’une crise sanitaire ? En tout cas, est-ce que je continue à avoir des ambitions, des rêves et des volontés pour mon pays ? Oui. (…) Cette décision se consolide en mon for intérieur. J’ai besoin d’être sûr d’être en capacité d’aller aussi loin que ce que je veux. ». Pour finir par lâcher : « Il n’y a pas de faux suspense. J’ai envie. (…) J’ai toujours été libre, c’est ce qui m’a permis de faire. ».
Au moins, c’est clair, certaines personnes bien informées veulent même croire que le Président ne souhaite pas que sa déclaration de candidature soit un événement mais une évidence qui, chaque jour, s’accroît. Pourtant, à force de faire dépendre son calendrier politique du calendrier sanitaire, le maître des horloges pourrait prendre beaucoup de retard, car avec un tel pic qui devrait être au sommet vers la troisième semaine de janvier dans le meilleur des cas (Gabriel Attal a confirmé ce midi : « La lutte contre l’épidémie est loin d’être terminée. (…) La hausse supersonique des contaminations va se poursuivre plusieurs semaines. »), il ne lui restera plus beaucoup de temps pour faire campagne. Le premier tour de l’élection présidentielle est le 10 avril 2022. L’an dernier à la même époque, nous étions encore en pleine troisième vague.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2021
Françaises, Français,
Mes chers compatriotes de métropole, d’outre-mer et de l’étranger,
À nouveau, cette dernière soirée de l’année est marquée par l’épidémie et les contraintes renforcées qui pèsent sur notre quotidien. Alors en ce moment, j’ai avant tout une pensée pour nos 123 000 compatriotes à qui le virus a enlevé la vie. Une pensée pour tous ceux qui traversent ce moment dans le deuil, la peine ou la solitude.
Je n’oublie pas non plus ceux d’entre vous qui sont touchés par le COVID long comme ceux qui subissent les conséquences psychologiques de la crise sanitaire.
Je veux ce soir, une fois encore, en votre nom à tous, témoigner notre reconnaissance pour nos personnels soignants, nos armées, nos forces de l’ordre, nos sapeurs-pompiers, nos auxiliaires de vie, nos aides à domicile et tant d’autres professions, tous engagés ce 31 décembre comme chaque jour pour nous protéger, pour prendre soin de nous.
Les semaines à venir seront difficiles, nous le savons tous : le virus circule et circulera de plus en plus, des mesures ont été prises par le gouvernement pour y faire face et je vous demande à tous et toute d’y veiller, des secteurs comme la culture, le sport, la restauration, l’hôtellerie, le tourisme, ou l’événementiel vont à nouveau subir les conséquences économiques de cette situation. Nous les aiderons comme il se doit et comme nous le faisons depuis le début de cette pandémie.
Il y aura aussi nombre de nos activités désorganisées en raison de ce nouveau variant si contagieux. Nous veillerons dans ce contexte à assurer la continuité des services publics et de la vie de la Nation. Mais par rapport au même moment l’année dernière où les contraintes étaient beaucoup plus fortes, nous avons pour nous l’arme du vaccin, et les acquis de notre expérience collective. Et donc de vraies raisons d’espérer.
Nous sommes ce soir au moment où je vous parle plus de 53 millions à être totalement vaccinés, ce qui place notre pays dans le peloton de tête mondial. Nous sommes 24 millions à avoir reçu une dose de rappel et notre objectif est de permettre à chacun d’être vacciné et de faire son rappel.
Nous pourrons ainsi surmonter cette vague en limitant au maximum les restrictions. En continuant comme nous l’avons fait depuis le début, de tout faire pour préserver l’activité et ce que nous avons de plus précieux, c’est-à-dire l’école, l’éducation de nos enfants.
Alors ce soir, je veux le redire avec beaucoup de force et de conviction : la vaccination est notre plus sûr atout. Elle réduit fortement la transmission, elle divise par 10 le nombre des formes graves. C’est pour cela qu’une nouvelle fois, j’en appelle aux 5 millions de non-vaccinés. Faites ce geste simple. Pour vous. Pour vos compatriotes. Pour notre pays. Toute la France compte sur vous.
La vaccination est-elle seule suffisante ? Non. C’est pour cela que le respect des gestes barrières contre le virus demeure essentiel, en particulier le port du masque.
Tous ensemble, nous allons donc traverser cette nouvelle épreuve en suivant les mêmes principes que depuis le premier jour.
D’abord nous protéger. Protéger les plus vulnérables, protéger nos hôpitaux et nos soignants, qui sont sous forte pression alors même qu’il faut soigner les autres maladies. Protéger aussi notre économie, et nos emplois, comme nous l’avons fait avec le « quoi qu’il en coûte ».
Ensuite nous attacher, sur la base des faits et de la science, à prendre des mesures proportionnées. C’est exactement ce que le Premier ministre et les ministres ont fait ces derniers jours. Tout faire pour éviter de prendre des restrictions qui pèsent sur nos libertés et veiller à respecter tous nos principes démocratiques.
Enfin, nous appuyer sur la responsabilité de chacun, principalement en se faisant vacciner, pour soi et pour les autres. Être un citoyen libre est toujours être un citoyen responsable pour soi et pour autrui ; les devoirs valent avant les droits.
Un autre motif d’espoir est que, malgré l’épreuve sanitaire, malgré la fatigue, la lassitude, notre pays continue à avancer. Nous n’avons cessé d’œuvrer pour attirer des entreprises et des investissements, ouvrir des usines, créer des emplois. Jamais depuis quinze ans, le chômage n’avait été aussi bas. La réindustrialisation de notre pays est bien une réalité.
Nous avons protégé les travailleurs, aidé les plus modestes d’entre nous, nous avons investi pour défendre la dignité de nos compatriotes en situation de handicap, pris des mesures et des décisions claires pour mieux protéger nos enfants, accompagner nos aînés.
Nous avons formé notre jeunesse. En effet, qui aurait pensé que nous serions capables en cinq ans de doubler le nombre de nos apprentis : près de 700 000 apprentis ces douze derniers mois. Que nous saurions inventer un programme, « 1 jeune 1 solution », qui a accompagné en un an et demi plus de 3 millions de Français vers l’emploi ou la formation.
Là où nous aurions pu tout reporter, nous n’avons jamais renoncé à notre ambition collective.
Le travail avec la réforme de l’assurance chômage, le contrat d’engagement jeunes qui sera mis en œuvre au début du mois de mars prochain ; le pouvoir d’achat avec l’indemnité inflation, le chèque énergie, l’augmentation des salaires des fonctionnaires les plus modestes ; l’urgence écologique et climatique avec le renouvellement de notre parc automobile, le développement des énergies renouvelables, les rénovations thermiques de logements et au 1er janvier la fin des emballages plastique comme de nouvelles mesures inédites pour le bien-être de nos animaux. Notre agriculture avec l’assurance récolte, la retraite minimale à 1000 euros ; le déploiement de 2000 maisons France services, le versement automatique des pensions alimentaires qui bénéficiera notamment aux mères seules ; la gratuité de la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans ; et la réforme de l’Etat, de notre Haute Fonction publique avec entre autres la création de l’Institut National du Service Public, rien que ces dernières semaines et dans les prochains mois, des décisions dont on parlait parfois depuis des décennies, que je viens à la cavalcade ici d’essayer de rassembler ont été prises et seront prises qui changeront la vie.
La France, malgré les épreuves est donc plus forte aujourd’hui qu’il y a deux ans.
Tout cela, c’est grâce à vous, grâce à nous tous, grâce à notre esprit de résistance, notre solidarité, notre civisme, notre engagement et notre esprit d’entreprendre.
Alors au moment où je m’exprime devant vous ce soir, je veux vous dire que je suis résolument optimiste pour l’année qui vient. Optimiste pour notre Nation pas simplement pour 2022, mais pour les années qui viennent. Car l’ambition et la solidarité dont nous n’avons cessé de faire preuve nous autorisent tous les espoirs.
2022 peut être, sera l’année de sortie de l’épidémie, je veux le croire avec vous ; l’année où nous pouvons voir l’issue de ce jour sans fin.
Dans notre pays, en déployant ces campagnes de rappel et en nous organisant comme il se doit pour domestiquer le virus et écraser sa diffusion. Et au niveau mondial en agissant pour vacciner l’humanité. La France qui, dès avril 2020, a été à l’initiative des dons de doses aux pays pauvres, et nous seront au rendez-vous pour amplifier l’effort et ainsi permettre d’entrevoir la fin de ce virus sous sa forme aiguë.
2022 doit être l’année d’un tournant européen.
Notre continent a été tant décrié ces dernières années. On l’a dit divisé, incapable de projets collectifs, en train de sortir de l’Histoire.
Alors même que nous célébrons les 20 ans de la mise en circulation de l’euro notre monnaie commune qui nous aura donné une stabilité monétaire, une place internationale inédites, la crise a démontré qu’unie, notre Europe pouvait être non seulement utile, mais porteuse d’espérance pour tous.
Sans l’Europe, nous n’aurions pas aujourd’hui de vaccin disponible en nombre, y compris pour organiser des campagnes de rappel.
Sans l’Europe, nous n’aurions pas pu bâtir partout à travers notre continent des plans de relance parmi les plus ambitieux au monde et connaître les résultats économiques – croissance, créations d’emplois que nous connaissons.
Alors à partir de minuit, la France prendra la Présidence de l’Union Européenne et vous pouvez compter sur mon engagement total pour faire de ce moment, qui ne survient qu’une fois tous les 13 ans, un temps de progrès pour vous. Un temps de progrès pour la maîtrise de nos frontières, notre défense, la transition climatique, l’égalité entre les femmes et les hommes, la construction d’une alliance nouvelle avec le continent africain, le meilleur encadrement des grandes plateformes de l’internet, et la culture en Europe.
Oui les valeurs que porte notre Union - la démocratie, l’équilibre entre liberté et solidarité, une certaine idée de l’Homme – sont, j’en suis convaincu, celles qui permettront de relever nos défis contemporains. Et notre Europe est bien le seul chemin par lequel la France sera plus forte face aux fracas du monde et des grandes puissances.
2022 sera pour la France une année décisive.
Une année d’action, encore et toujours. Fort de votre confiance, j’agirai jusqu’au dernier jour du mandat pour lequel vous m’avez élu. Bien sûr pour tenir le cap et prendre toutes les décisions nécessaires face à l’épidémie. Et nous aurons aussi à préparer l’avenir, en déployant le plan d’investissement France 2030 qui vise à la fois à faire de nous une Nation forte sur les technologies du futur et à nous rendre plus indépendants. Nous aurons à investir plus fortement encore que nous ne l’avons fait dans l’éducation, la recherche publique, la santé, la culture et l’inclusion de tous les Français.
Nous aurons à prendre de nouvelles décisions pour lutter contre l’islamisme radical, renforcer l’ordre, la sécurité et la tranquillité de tous, pour mieux vous protéger.
Nous aurons à prendre de nouveaux choix industriels en particulier en matière d’énergie, inédit, afin de tenir nos engagements climatiques.
2022 sera une année d’élection, enfin.
Nous aurons à élire au printemps prochain le Président de la République, puis à désigner nos représentants à l’Assemblée nationale. Malgré la pandémie, ces scrutins essentiels devront se dérouler dans les meilleures conditions possibles et toutes les sensibilités politiques du pays doivent y œuvrer. J’y veillerai tout particulièrement.
Nous aurons donc cette année des choix majeurs à faire pour notre Nation. Ces choix, nous les ferons avec la conviction que la France a un chemin singulier, unique, à poursuivre. Nous les ferons, je le sais, en étant fidèles à l’esprit de résistance, l’esprit de tolérance et le choix de notre avenir commun qui nous ont toujours inspirés. Pour ma part, quelles que soient ma place et les circonstances, je continuerai à vous servir. Et de la France, notre patrie, nul ne saura déraciner mon cœur.
Mes chers compatriotes,
J’ai travaillé et nous avons travaillé sans relâche depuis bientôt cinq ans afin que la France soit écoutée et respectée en Europe et dans le concert des Nations. Elle l’est.
À faire progresser notre pays dans l’unité aussi. Chemin bien difficile car il est si aisé d’opposer les générations, les catégories sociales, les origines, les territoires. Mais chemin nécessaire car lorsqu’il est rassemblé, rien ne peut résister au peuple français.
En vous souhaitant ce soir une année pleine de bonheur et d’accomplissements personnels, je forme donc pour nous tous ce vœu : continuons à respecter nos différences, à avoir confiance en ce que nous sommes, à regarder avec courage, audace et lucidité notre avenir pour agir. Décidons pour nous-mêmes d’être tout à la fois enracinés dans notre langue, notre culture, notre laïcité. Et épris de liberté, d’universel, de créativité.
Restons unis, bienveillants, solidaires. Restons du côté de la vie. C’est là, ce que nous nous devons à nous-mêmes.
Alors, 2022 sera l’année de tous les possibles.
Vive notre Europe.
Vive la République.
Vive la France.
Emmanuel Macron, le vendredi 31 décembre 2021 à Paris.
« On ne transforme pas un pays en cinq ans, je continue de me projeter. » (Emmanuel Macron, le 15 décembre 2021).
Enregistrée à l’Élysée le 12 décembre 2021 pour des raisons d’agenda, l’émission "Où va la France ?", la longue interview qu’a accordée le Président de la République Emmanuel Macron à Audrey Crespo-Mara et Darius Rochebin, a été diffusée ce mercredi 15 décembre 2021 à 21 heures sur TF1 et LCI et a été commentée longuement avant même de connaître les propos présidentiels.
Il y a bien sûr le permanent débat sur le Président et le candidat qui a concerné tous les Présidents susceptibles de se représenter, y compris De Gaulle, utilisant les médias en tant que chef de l’État mais qui ferait une campagne souterraine. C’est récurrent : Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy (sauf François Hollande qui a renoncé le 1er décembre 2016).
La palme de la mauvaise foi, dans ce concours sans saveurs, revient malheureusement (je dois le dire) à Valérie Pécresse qui, non seulement, a protesté contre une émission de télévision pour lui tout seul, mais a cru savoir qu’elle obsédait Emmanuel Macron car il aurait fait diffuser cette émission le même soir qu’une autre émission sur BFM-TV où elle était invitée, et refusant d’être en concurrence déloyale (reconnaissant que sa parole vaut moins que celle d’Emmanuel Macron), elle a abandonné cette émission. Sacha Houlié (député LREM) a répondu qu’il fallait une grande immodestie pour penser qu’Emmanuel Macron pensait à elle, il fallait surtout caler son agenda alors qu’il terminait un tour d’Europe avant le début de la Présidence française (il était le 13 décembre 2021 à Budapest pour rencontrer Viktor Orban). Du reste, avec une douzaine de candidats à l’élection présidentielle et une vingtaine de stations de radio ou chaînes de télévision, s’il fallait faire attention à ne pas télescoper les émissions politiques, il faudrait plusieurs années de campagne électorale. C’est vrai que Valérie Pécresse n’a pas eu de chance le 23 septembre 2021 où elle était l’invitée de l’émission politique de France 2 tandis que BFM-TV a tenu un débat contradictoire entre Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon, avec plus d’audience.
Au-delà de l’égocentrisme de la candidate LR (qu’on ne reprochera pas, tous les candidats à l’élection présidentielle doivent être égocentriques), il faut rappeler qu’elle avait été la porte-parole du candidat Nicolas Sarkozy à sa réélection et elle justifiait le 31 janvier 2012 la diffusion de l’émission, également à l’Élysée, de Nicolas Sarkozy le 29 janvier 2012 sur toutes les chaînes (ici, seulement TF1), émission présidentielle dont la programmation n’avait rien de scandaleux, pas plus, en tout cas, que l’émission du 15 décembre 2021. En outre, Emmanuel Macron a bien le droit d’occuper du temps d’antenne alors que Valérie Pécresse a eu, ces dernières semaines, quatre débats et de nombreuses interviews seule dans les médias. On ne peut pas dire qu’elle ait été limitée dans son expression.
Enfin, pour terminer sur la mousse médiatique avant ou après, l’égocentrisme s’est retrouvé également chez Éric Zemmour dans une réaction à l’émission qui aurait pu être faite avant qu’il ne visionnât l’émission, tant le discours était convenu, croyant qu’Emmanuel Macron s’adressait à lui alors qu’il s’adressait à tous les Français (bon, c’est vrai, il y a eu quelques réponses subliminale à Éric Zemmour !).
Venons-en à l’émission, d’abord sur la forme : Emmanuel Macron a été très à l’aise. Il était chez lui, et il est toujours excellent dans les échanges avec des interlocuteurs, toujours meilleur que de lire sur un prompteur un discours parfois long et ennuyeux. Là, malgré les deux heures d’émission, aucun ennui. Et aussi aucune note, sauf lorsqu’il a lu une lettre d’enfants aux prénoms diversifiés lui dire ce qu’ils ont appris de Joséphine Baker et de la République. Emmanuel Macron est un homme qui travaille et aussi un homme qui apprend vite. Ses émissions sont presque parfaites sur la forme, peut-être même trop parfaites car le temps de silence avant de répondre sur la crise sanitaire pourrait être perçu comme le jeu d’un acteur. La scène politique n’est-elle pas du théâtre ? Peut-être, mais pas seulement.
Sur le fond, l’émission a donc commencé avec la crise sanitaire. Avec 65 713 nouveaux cas (le 15 décembre mais l’émission a été enregistrée en 12), nous sommes en plein sommet de la cinquième vague et la perspective d’une nouvelle lame de fond du variant omicron, provenant du Royaume-Uni (depuis le 27 novembre 2021, ce variant occupe désormais la moitié des cas de ce pays), il y a peut-être des mesures fortes à prendre (la prochaine réunion du conseil de défense sanitaire est prévue le 17 décembre 2021).
Quand le journaliste lui a dit que c’était difficile pour lui, Emmanuel Macron a répondu que c’était surtout "pas facile pour nous tous", y compris les soignants. Et il a rappelé les trois piliers de la lutte contre la pandémie : la vaccination, le passe sanitaire et les gestes barrières. Avec cette crise, il s’est transformé : « La crise sanitaire m’a fait toucher les inégalités insupportables qui peuvent exister. ».
Sur le "quoi qu’il en coûte" qui n’apparaît pas comme une mesure "de droite" mais plutôt "de gauche", étatiste, Emmanuel Macron a expliqué que c’était justement parce qu’il avait déjà réformé, en particulier le droit du travail, qu’il a pu faire cette politique du "quoi qu’il en coûte", en bénéficiant de la confiance des investisseurs internationaux, sinon, il n’aurait pas trouvé de quoi la financer. Il a dit plus tard que le plan de relance européen qu’il a conçu avec Angela Merlel en mai 2020 était révolutionnaire, portant sur 700 milliards d’euros.
Dans une première partie, il y avait une certaine envie de solder tous les reproches de communication qu’on lui a faits au début de son quinquennat. Emmanuel Macron reconnaît qu’il ne redirait plus les mêmes choses aujourd’hui et qu’il a pu blesser certaines Français. Il voulait parler crûment, bousculer le système et en réalité, il a plutôt manqué de respect aux Français. Il s’en est aperçu au bout de dix-huit mois. On pourrait dire qu’il a appris, qu’il était victime de son inexpérience d’élu (il suffit d’être élu municipal pour voir à quel point des déclarations blessantes peuvent peser sur la gestion d’une commune), il était plein de fougue, mais il y avait peut-être une certaine forme d’autisme, comme une personne qui ne ressentait pas d’émotion, c’est pour cela d’ailleurs qu’il a souvent dit, au cours de l’émission, qu’il avait appris à aimer les gens, qu’il avait eu beaucoup d’émotion, que dans tous les cas, ce quinquennat a été une fabuleuse expérience, hors du commun.
Parmi les petites phrases qui ont choqué, le fait de traverser la rue pour trouver à un emploi, le fait qu’il y a dans les gares des chefs d’entreprises et des personnes qui ne sont rien, le fait qu’on dépense un pognon de dingue et les pauvres restent des pauvres, etc. Les journalistes ont fait un petit montage et on voyait Emmanuel Macron s’écouter les dire. Grand exercice d’introspection. Peut-être nécessaire pour tourner la page, peut-être trop tardif.
Pour expliquer ces petites phrases (il a dit les regretter et qu’il ne les redirait pas aujourd’hui), il a cité trois choses : la décontextualisation des petites phrases, mais avec les smartphones qui enregistrent tout, les réseaux sociaux, tout est possiblement connu immédiatement par tout le monde 24 heurs sur 24 ; il a compris aussi qu’il y a des mots qui peuvent blesser, et que c’est manquer de respect de ne pas les prendre en compte ; enfin, il voulait bousculer le système, refuser la langue de bois, mais on ne fait rien bouger si on n’a pas du respect. Il a reconnu donc qu’il a blessé des gens, qu’il n’a pas mesuré d’avoir blessé les gens. Mais il a souhaité préserver sa capacité à avoir un idéal, sa capacité à s’indigner, sa ténacité à agir pour transformer la société.
De même, Emmanuel Macron s’est exprimé sur le "président des riches" qu’on lui ressort souvent, ajouté à Rothschild. Déjà, il voudrait ne pas être enfermé dans sa propre caricature qu’il n’est pas, mais il a admis qu’il n’était pas assez sensible à la détresse des autres, qu’il n’avait pas assez mesuré le sentiment d’angoisse (ou d’urgence). Un peu plus tard, il est revenu sur ce sujet en insistant sur le fait que les pauvres ont gagné en pouvoir d’achat (avec des augmentations du minimum vieillesse, de l’allocation adulte handicapé etc.), que les riches ont beaucoup gagné en pouvoir d’achat car il a incité à investir dans l’économie, et que les grands gagnants étaient la classe moyenne avec la suppression de la taxe d’habitation, la réduction de l’impôt sur le revenu, etc.
Emmanuel Macron a aussi estimé qu’il voulait célébrer les réussites économiques comme on célèbre les réussites artistiques ou sportives. Personne n’a fait remarquer que l’étiquette "président des riches" avait été aussi collée à Nicolas Sarkozy dès l’été 2007 avec son bouclier fiscal (qui a bénéficié en fait beaucoup plus aux salariés à bas revenus avec la défiscalisation des heures supplémentaires qu’aux plus riches). C’est un truc d’opposant de gauche, traiter de président des riches, ça marchera toujours. Sur le plan personnel, il faut rappeler (il ne l’a pas fait) que justement, il a quitté la banque Rothschild au sein de laquelle il aurait pu faire une grande carrière très profitable pécuniairement, mais qu’il s’y était ennuyé et avait voulu connaître d’autres expériences.
Autre image qui a choqué, lorsqu’il a visité Saint-Martin, il s’est fait photographier par deux jeunes torse nu qui ont fait un doigt d’honneur : Emmanuel Macron a expliqué que ces jeunes qu’il a croisés dans la rue lui ont parlé de leur mère, il a décidé d’aller la voir au quatrième étage d’un immeuble. « Par tempérament, je ne me protège pas ». Donc, il y est allé comme cela, et « ils ont fait les imbéciles », il n’a pas tout de suite était conscient du selfie ni non plus qu’ils ont dégradé la fonction présidentielle. Emmanuel Macron a donc expliqué qu’il avait appris et qu’il fallait protéger la fonction même s’il ne voulait pas se protéger lui-même. En ce sens, c’est l’anti-Giscard : Valéry Giscard d’Estaing était tellement respectueux de la fonction présidentielle qu’il en devenait goujat, voulant absolument être servi en premier, prenant la meilleure place au lieu de la laisser à son épouse (comme De Gaulle), etc.
Emmanuel Macron a convenu qu’il était peu connu des Français quand il a été élu, « jeune homme de 39 ans », venu sur la place publique seulement depuis sept ans (2014), quand d’autres ont plusieurs décennies d’ancienneté et donc, à la longue, sont connus des Français.
Puis est venu le sujet de la crise des gilets jaunes et c’est intéressant à connaître les deux versions sur sa visite de la préfecture du Puy-en-Velay qui avait été incendiée. Certains ont dit que le Président avait eu très peur, que le retour était angoissant, craignant que la piste d’atterrissage fût occupée par les gilets jaunes, et imaginant une invasion de l’Élysée et un départ en hélicoptère (version de Louis de Raguenel). Cependant, une autre version dit exactement l’inverse, qu’au Puy-en-Velay, Emmanuel Macron ne se serait pas rendu compte du danger qu’il courait (version de Maurice Szafran). La version d’Emmanuel Macron, c’était de dire qu’il avait eu peur pour les Français. Et qu’il n’avait pas fui les manifestants puisqu’il se rendait vers les policiers pour les saluer et remercier.
Il a raconté ainsi sa rencontre avec le personnel de la préfecture. Une femme qui était à un mètre du point de chute d’un cocktail Molotov dans l’escalier, qui connaissait celui qui l’avait envoyé car c’était le père d’une camarade de classe de sa fille, et ce dernier lui a dit qu’ils allaient rôtir. Si cette histoire était fausse, j’imagine qu’elle serait vite démentie par les intéressés. Emmanuel Macron a commenté en disant que « la foule devient folle » et a cité Victor Hugo(« la foule trahit le peuple »). En ajoutant : « J’ai vu les esprits se dissoudre. ». Car tout était possible, il a entendu des leaders politiques justifier la violence.
Emmanuel Macron en a profité pour faire une réflexion à propos de la crise des gilets jaunes et de la crise sanitaire : « toutes les paroles ne se valent pas ! ». Tout le monde est respectable, mais la parole d’un député, qui représente la nation, a une plus grande portée que quelqu’un qui ne représente que lui. Au même titre, un scientifique qui a fait une dizaine d’années d’études est plus pertinent pour parler du virus qu’une personne qui n’a aucune qualification technique. Cela paraît une évidence qu’on a oubliée avec les réseaux sociaux où tout se vaut, et cela ne s’oppose pas au respect qu’il doit à toutes les personnes.
Les journalistes lui ont fait passer un passage de "micro-trottoir" sur la ou les réformes qui resteront de ce quinquennat, et en fait, personne n’était capable de dire quelque chose de concret. Emmanuel Macron lui-même n’a pas voulu jouer à ce jeu. Il n’a pas évoqué de "réforme symbolique" même s’il pouvait en citer quelques-unes. En fait, il a plutôt donner des résultats intéressants (chômage, réindustrialisation, croissance, etc.) qui montrent que la France est mieux outillée qu’en 2017 pour retrouver sa prospérité. Emmanuel Macron a dit plus tard que c’est une véritable crise, transformation, un monde qui meurt et un monde qui naît. Il est persuadé que la France, dans cette décennie, retrouvera son dynamisme économique et que cela ne fait que commencer.
Évidemment, on lui a parlé de la réforme qu’il n’a pas faite et qui était une réforme importante de son programme électoral en 2017 : la réforme des retraites. À ceux qui s’offusquent qu’il ne l’a pas faite, il a répondu simplement qu’il ne pouvait pas la faire en période covid ; cet automne, tous les partenaires sociaux lui ont demandé de les laisser respirer pour rebondir après le covid-19. Emmanuel Macron a rappelé d’ailleurs que la réforme avait été votée en mars 2020 avec l’article 49 alinéa 3 et que sans crise sanitaire, il l’aurait définitivement fait adopter (avant l’été).
Emmanuel Macron a expliqué aussi que le comité des experts n’évoquait pas en 2017 la perspective d’un déficit, alors que maintenant si, ce qui justifie, selon lui, un prolongement de l’âge légal du départ à la retraite qu’il faudra donc prévoir après l’élection. De plus, il a indiqué vouloir travailler sur deux sujets : la pénibilité (qui n’est pas la même quand on prolonge l’âge de la retraite) et le problème de l’emploi des seniors. Au-delà de l’âge légal, Emmanuel Macron voudrait aussi réformer les régimes spéciaux, abandonnant la réduction à un seul régime mais à trois régimes : pour le privé, pour le public et pour l’armée. Il a surtout donné l’idée qu’il fallait produire plus.
Autre point de tension palpable, la dette publique. Emmanuel Macron a énuméré les trois réactions possibles face à la dette : 1° le "après moi le déluge", les générations suivantes paieront… c’est un comportement de gauche, typiquement irresponsable car on ne pourra plus emprunter ensuite ; 2° le "père fouettard" qui fait des coupures budgétaires sur tout, c’est la droite, mais ce n’est pas plus efficace car cela casse la croissance et à la fin, on augmente les impôts ; 3° son option : oui, on rembourse la dette, mais on ne casse pas la croissance, pas d’austérité pour maintenir la croissance et rembourser avec les fruits de la croissance (ce qu’a fait l’Allemagne).
Y a-t-il trop de fonctionnaires ? À cette question, Emmanuel Macron a refusé de répondre, donnant des gages à la gauche. Il a dit que les objectifs de réduire le nombre de fonctionnaires (200 000 pour Valérie Pécresse) était prendre le problème à l’envers. Son objectif, c’est de faire des services publics plus efficaces, et sur ces résultats, réaffecter le cas échéant des fonctionnaires qui ne sont pas de simples pions sur un échiquier. Et puis, lorsqu’on dit qu’on supprime les fonctionnaires, il faut qu’on dise lesquels exactement, car partout, on réclame plus de postes : armée, enseignement, santé, justice, police, etc. Bref, il n’y a pas un endroit où ils sont en sureffectif (sauf peut-être certaines fonctions territoriales, mais aujourd’hui, cela ne me paraît même pas sûr).
Emmanuel Macron a parlé rapidement de l’éducation, de l’obligation d’aller à l’école dès 3 ans, des allégements de classe, de la réforme du baccalauréat, des universités, des réformes qui engagent la France pour les dix prochaines années. Il a également évoqué le contrat industriel avec l’Australie dont le gouvernement n’a pas été correct avec la France et cela pèsera durablement sur nos relations. Il a aussi été interrogé sur les violences faites aux femmes (l’une des priorités de son mandat : Emmanuel Macron a rappelé que lorsqu’il a fait sa grande marche avec les adhérents de LREM pour écouter le peuple, le premier sujet de préoccupation était la violence faite aux femmes, il a ainsi beaucoup agi en ce sens, depuis les commissariats qui doivent prendre les dépôts de plainte jusqu’à la disposition de logements de secours pour les femmes violentées, etc.). Il a parlé aussi des accusations contre Nicolas Hulot, de l’affaire Benalla, etc. Il en est venu à parler de l’assassinat de Samuel Paty (il a eu beaucoup d’émotion en en parlant) et du terrorisme plus généralement et ne veut pas confondre l’islamisme radical et l’islam, comme certains veulent le faire.
À la question : qu’a-t-il le plus appris de ce quinquennat ? Emmanuel Macron a répondu : « J’ai appris à mieux les aimer », "les" signifiant les Français. Il a évoqué ses conversations avec Hubert Germain qui lui racontait que De Gaulle demandait toujours de la bienveillance dans les rapports sociaux, cette bienveillance était l’un de ses thèmes de campagne en 2017.
À plusieurs reprises, Emmanuel Macron a voulu montrer l’actualité de son "en même temps" : il est pour une France "efficace" mais aussi une France "juste", ne pas laisser de côté ceux qui ne sont pas dans la réussite. C’est finalement le slogan habituel des centristes qui résumaient leur philosophie par "l’efficacité économique et la justice sociale", d’où le mélange de droite et de gauche.
Toujours pour répondre à cette question, il a ajouté : « Au début de mon mandat, j’aimais la France, maintenant, j’aime la France, follement, et j’aime les Françaises et les Français. ». Pour conclure enthousiaste : « Nous sommes le pays de tous les possibles ! ».
Alors, non, il n’a pas de regret, mais : « Est-ce que j’ai fait des erreurs ? Oui, beaucoup ! Est-ce que j’ai répété ces erreurs ? Non, je crois. ». Effectivement, c’est dans la culture anglo-saxonne de ne pas se formaliser d’avoir fait des erreurs, à condition de ne refaire jamais la même erreur et d’apprendre de ses erreurs. Emmanuel Macron a probablement tendance à faire plus de maladresses par son inexpérience et sa jeunesse, mais il apprend vite et se corrige vite et volontiers, ce qui est très rare chez les Présidents de la République à l’ego en général bouffi.
C’est la transcription que j’ai essayé d’être la plus fidèle de cette émission. Tout est en place pour l’année prochaine. Bien entendu qu’Emmanuel Macron sera candidat même s’il laisse une petite incertitude sincère car la crise sanitaire pourrait l’amener peut-être à prendre des mesures très impopulaires, il en a en tout cas envie en disant que cinq ans, c’est trop court pour réformer. En tout cas, tous les arguments sur son bilan et sa vision de l’avenir ont été posés, aussi un argumentaire pour répondre aux arguments tant de Valérie Pécresse ("il a cramé la caisse") qu’Éric Zemmour (deux visions de la France s’opposent).
Bref, cette émission est du grand art de la communication politique. Introspection et esquisse de programme, mais concrètement, aucune annonce formelle. Probablement que ses oppositions se contenteront de dire : tout ça pour ça ? Je constate que cette émission était indispensable dans le débat public : après l’épisode Zemmour, puis l’épisode Pécresse, la voix de la majorité était inaudible malgré les nombreux arguments bidons des oppositions. À quelques jours de Noël, Emmanuel Macron a remis quelques pendules à l’heure, puis, en janvier, il y aura la grande séquence européenne (le 19 janvier 2022, visite cruciale au Parlement Européen à Strasbourg) et sans doute en février 2022, sa candidature. Nicolas Sarkozy avait regretté d’être parti si tard en campagne, Emmanuel Macron semble avoir la même assurance. Et peut-être regret futur.
« L’avenir, c’est la dernière étape de l’Accord de Nouméa. Un troisième référendum est possible. C’est à vos élus du Congrès de le décider. L’État, fidèle à sa parole, se tient prêt à l’organiser si c’était leur choix. » (Emmanuel Macron, le 4 octobre 2020).
Selon l’Accord de Nouméa signé le 5 mai 1998 et initié par le Premier Ministre Lionel Jospin (inscrit dans les articles 76 et 77 de la Constitution), trois référendums étaient prévus sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Plus exactement, un référendum d’autodétermination était prévu entre 2014 et 2018, suivi éventuellement de deux autres.
La question, négociée âprement le 28 mars 2018 par le Premier Ministre Édouard Philippe et les différents groupes politiques néo-calédoniens, est : "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?".
Le corps électoral est particulier puisque ne peuvent voter que les habitants de Nouvelle-Calédonie installés depuis au moins 1994 (et leurs descendants). Par conséquent, ceux installés il y a moins de 27 ans sont hors du cadre électoral (sont ainsi exclus environ 36 000 électeurs potentiels).
Deux référendums ont déjà eu lieu : le 4 novembre 2018, le "non" l’a nettement emporté avec 56,7% et une forte mobilisation (81,0% de participation) et le 4 octobre 2020, le "non" l’a aussi emporté, mais de manière plus serrée, avec 53,3% et avec une plus forte participation, 85,7%. Les groupes indépendantistes du Congrès (assemblée délibérative de la Nouvelle-Calédonie) ont alors demandé le 8 avril 2021 au gouvernement français l’organisation d’un troisième référendum.
Le Premier Ministre Jean Castex a réuni les dirigeants néo-calédoniens du 25 mai au 3 juin 2021 à Paris pour évoquer cette nouvelle échéance. Le gouvernement a fixé au 12 décembre 2021 la tenue de ce nouveau référendum. L’Accord de Nouméa convient que tout doit être terminé avant fin 2022 (avenir, statuts). Les indépendantistes voulaient la tenue de ce référendum après l’été 2022, pour éviter un télescopage avec les élections nationales françaises du printemps 2022. Au contraire, les loyalistes voulaient son organisation le plus tôt possible afin de clore cette période d’incertitude institutionnelle.
En effet, ces référendums à répétition ont particulièrement freiné l’activité économique de l’archipel en plongeant tous les acteurs économiques dans l’incertitude depuis quatre ans. La situation économique est à l’attentisme, les conséquences étant très différentes selon que la Nouvelle-Calédonie reste française ou pas. Les investisseurs attendent donc.
Mais la crise du covid-19 est également arrivée en septembre-octobre 2021. Alors que la Nouvelle-Calédonie avait été plutôt épargnée jusque-là (les Néo-calédoniens font très attention aux épidémies par culture historique, à la suite d’une épidémie dans les années 1920, et ils ont même voté l’obligation vaccinale le 3 septembre 2021), le bureau politique du FLNKS a pris la décision, le 6 octobre 2021, de demander le report du référendum en raison de la crise sanitaire : « Si , aujourd’hui, le bureau politique du FLNKS demande le report de cette date, c’est surtout parce qu’il nous semble malvenu de faire campagne au sein d’une Calédonie qui sortira meurtrie et divisée de cette crise sanitaire. » (Jean Creugnet le 7 octobre 2021). Le FLNKS a évoqué le risque de participation faible à cause du covid-19 et donc, la possibilité d’un scrutin contestable, et l’impossibilité de faire campagne.
La situation s’est radicalisée en quelques jours. Alors que le Ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu venait de rencontrer tous les protagonistes politiques en Nouvelle-Calédonie, à son retour à Paris, il a découvert le 20 octobre 2021 que le FLNKS a finalement appelé à boycotter le scrutin. La raison, le mois de confinement (depuis le 7 septembre 2021) et les 260 décès dus au covid-19 (pour une population estimée en 2019 à 271 000 habitants, soit environ 0,1%). Les indépendantistes ont aussi menacé de ne pas participer aux négociations après le référendum. Le 9 novembre 2021, ils ont affirmé qu’ils ne respecteraient pas le résultat du référendum s’il était maintenu.
Mais la crise sanitaire a bon dos : elle ne fait que rappeler que la Nouvelle-Calédonie sans la France ne serait pas capable de lutter efficacement contre la pandémie (tests, vaccins, médecins, etc.), ce qui désavantagerait évidemment les partisans de l’indépendance. Beaucoup parlent ainsi d’instrumentation du covid-19 pour reporter le référendum pour des raisons politiques, car le contexte leur est défavorable.
Le 12 novembre 2021, le gouvernement français a maintenu la date du 12 décembre 2021 en raison de l’amélioration de la situation épidémique. La situation a été confirmée le 30 novembre 2021 avec la poursuite de la baisse du taux d’incidence, l’absence de décès depuis le 21 novembre 2021 et parallèlement, une couverture vaccinale très large.
Ce maintien du référendum ravit donc les loyalistes qui veulent en terminer avec ce cycle de trois référendums qui paralyse toute l’économie néo-calédonienne. La participation va donc être le principal critère de succès du référendum dont l’issue paraît peu incertaine (en faveur du maintien dans la République). L’observation dans les différentes provinces donnera aussi une indication cruciale sur la nature et l’ampleur de l’abstention : est-elle due à la crise sanitaire ou au boycott des indépendantistes ? Cette analyse par province devrait permettre de répondre à la question.
Dans les arguments, le choix ne serait pas la France ou l’indépendance, mais plutôt la France ou la Chine qui viendrait reprendre l’influence française (du reste comme Madagascar aujourd’hui). Pendant la campagne du congrès de LR, Xavier Bertrand avait été scandalisé par la neutralité du gouvernement français dans ce référendum, considérant que l’intérêt stratégique de la France était de garder une présence et une influence dans le Pacifique. Mais cette neutralité institutionnelle, voulue pour rendre incontestables les résultats du référendum, n’empêche pas l’engagement de la majorité actuelle dans le camp du "non" à l’indépendance, en particulier de François Bayrou. D’autres personnalités comme Bruno Retailleau (LR) et Jean-Christophe Lagarde (UDI) ont fait également la campagne contre l’indépendance. Probablement qu’on posera une question sur le sujet au Président Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du jeudi 9 décembre 2021. Dans son allocution télévisée du 4 octobre 2020, le chef de l’État disait : « Il nous revient tous ensemble de préparer cet avenir. Le moment est en effet venu de répondre et d’appréhender les conséquences concrètes de tous les scénarios. Et l’État, sans se départir de son impartialité, garantie par les Accords de Matignon, s’engagera dans cette voie. ».
Dans tous les cas, une longue période de discussions et concertations aura lieu après le référendum, soit le "oui" à l’indépendance, et sera rédigée une Constitution qui sera ensuite approuvée par référendum, soit le "non" et dans ce cas, un nouveau statut institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie sera négocié puis ratifié par référendum. Entre autres réformes, le corps électoral qui est beaucoup trop restreint que les droits élémentaires des nationaux (non seulement un citoyen installé après 1994 ne peut voter au référendum, mais aujourd’hui, il ne peut même pas choisir ses représentants au Congrès).
Le risque est donc que tout ce processus de résolution pacifique qui a commencé avec les Accords de Matignon du 26 juin 1988 (il y a trente-trois ans) soit remis en cause par le boycott injustifié des indépendantistes. De toute façon, la crise sanitaire a montré l’importance de la présence française et ce qui était valable en 2021 le sera en 2022, cela ne changera pas vraiment, en quelques mois, la Nouvelle-Calédonie qui ne se transformera pas de manière à ne plus avoir besoin de la France. La mauvaise foi des indépendantistes peut donc révéler tout simplement que la Nouvelle-Calédonie se sent beaucoup mieux dans le cadre de la République française que toute seule au milieu du Pacifique.
« Notre croissance dépasse les 6%, la France est en tête des grandes économies européennes. Le chômage est au plus bas depuis près de quinze ans, et nous sommes l’un des seuls pays du monde où le pouvoir d’achat a continué à progresser, en moyenne, et où la pauvreté n’a pas augmenté. Nous avons réussi cela en maîtrisant nos dépenses publiques, puisque notre déficit sera inférieur à 5% de notre PID dès cette année. » (Emmanuel Macron, le 9 novembre 2021).
Le Président de la République Emmanuel Macron s’est adressé aux Français par une allocution télévisée ce mardi 9 novembre 2021 à 20 heures. C’est la neuvième fois qu’il s’est exprimé ainsi pour la crise sanitaire. À la différence des huit dernières fois, il a évoqué la crise qui reprend de l’ampleur mais a ensuite évoqué la politique générale du gouvernement, ce qui fait de cette allocution aussi un discours de campagne.
Sur la crise sanitaire, Emmanuel Macron a d’abord rendu hommage à ceux des Français, plus de 118 000 personnes, qui sont morts de l’épidémie, et a adressé un message d’émotion aux familles : « J’ai en ce moment une pensée émue et respectueuse pour tous nos compatriotes qui ont disparu et leurs familles. ». Ce qui est le préalable élémentaire avant de parler de l’épidémie : c’est d’abord une véritable tragédie, qui dure depuis deux ans, et des vies humaines sont encore en jeu dans l’avenir, c’est pour cela qu’il ne faut pas parler à la légère de la vaccination, de l’épidémie en général. C’est un drame avant tout, contre lequel il faut lutter de toutes nos forces.
Le même jour, le 9 novembre 2021 le professeur Gilbert Deray rappelait que le variant delta était beaucoup plus virulent et qu’un tiers des personnes admises en réanimation pour le covid-19 avait moins de 60 ans. Contrairement à ce qu’on disait dans les tout premiers jours de l’épidémie, ce n’est pas une maladie qui touche seulement les plus de 90 ans ou les plus de 80 ans. C’est une maladie bien plus agressive. On a calculé maintenant que ce n’est pas quelques mois de vie qu’a abrégés le covid-19, comme la canicule, mais en moyenne, dix ans ! Et selon les experts épidémiologistes, en raison des mauvaises remontées de certaines statistiques, ce ne sont pas 5 millions mais 17 millions de personnes dans le monde qui ont déjà péri du covid-19. Nier la gravité de la maladie est de la démence, et en plus, met en danger la vie d’autrui.
Nier également que la crise est terminée est une erreur : « Nous n’en avons pas terminé avec la pandémie. (…) L’augmentation de 40% en une semaine de notre taux d’incidence et la remontée des hospitalisations sont des signaux d’alerte. ». Ce 9 novembre 2021, il y a eu 12 476 nouveaux cas, c’est une augmentation importante du taux d’incidence : 72,55 pour 100 000 habitants au 5 novembre 2021 avec un taux de reproduction effectif R0 de 1,30 au 6 novembre 2021 qui ne cesse de monter (c’est l’accélération, la dérivée seconde, la pente de la pente).
C’est pourquoi Emmanuel Macron a exhorté les 6 millions de personnes qui ne se sont pas fait vacciner d’aller se faire vacciner, pour se protéger, pour protéger les autres, pour mettre fin à ce cauchemar collectif, et pour pouvoir agir avec liberté partout où le passe sanitaire est exigé. Et en même temps, il a remercié les 51 millions de Français qui ont achevé leur parcours vaccinal, tout en se félicitant que la France a déjà fait 100 millions d’injections du vaccin depuis décembre 2020.
Évoquant la baisse d’efficacité du vaccin au bout de six mois, chose qui est connue depuis trois mois, il a aussi encouragé les Français à avoir le rappel du vaccin, il dit rappel pour ne pas dire troisième dose mais c’est la même chose, afin de garder la même efficacité de protection. Il a annoncé qu’à partir du 15 décembre 2021, cette dose de rappel au bout de six mois après la seconde dose sera indispensable pour maintenir la validité du passe sanitaire des plus de 65 ans, et cette troisième dose sera élargie aux 50 à 65 ans. Il a par ailleurs annoncé pour la fin de l’année les « premiers traitements réellement efficaces contre les formes graves de covid-19 ».
Mais cette partie de l’allocution sur le covid-19 n’a duré que les douze premières minutes sur les vingt-neuf minutes que compte au total l’intervention du chef de l’État (qu’on pourra lire ou écouter dans son intégralité ici). Le reste, c’est un bilan et les perspectives de son action politique, et surtout, c’est une défense pro domo de sa politique (dans le principe qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même).
Il faut dire que la précampagne présidentielle a déjà commencé depuis quelques mois, marquée par l’irruption dans le débat politique du polémiste Éric Zemmour, la primaire écologiste et maintenant par le congrès qui choisira le candidat LR. Et à l’instar du premier débat LR le 8 novembre 2021 sur LCI, tous les candidats putatifs n’oublient pas d’envoyer flèches et attaques plus ou moins efficaces contre la politique d’Emmanuel Macron.
Il y avait effectivement nécessité pour la majorité présidentielle de réagir et de réagir vite pour ne pas se laisser développer des arguments plus ou moins fallacieux. D’ailleurs, selon mes informations, une équipe de communication a déjà été désignée pour organiser la future campagne du Président de la République.
Tandis que ses adversaires ne cessent de noircir la situation de la France (au point de la malmener sinon de ne pas l’aimer), Emmanuel Macron a rappelé que malgré la crise sanitaire, grâce à sa politique du "quoi qu’il en coûte" (chômage partiel, prêts garantis par l’État, etc.) qui a évité de faire plonger 500 000 Français dans la précarité, qui a évité des milliers de faillites d’entreprise, grâce au plan de relance de 100 milliards d’euros, la France est en train de faire le rebond économique, parmi les plus forts de l’Europe, avec plus de 6% de croissance, avec une baisse du chômage historique qui atteint le niveau d’il y a quinze ans, 7% de la population active, avec une progression du pouvoir d’achat, avec des investissements majeurs pour l’avenir (il a rappelé son plan France 2030 qui porte sur 30 milliards d’euros sur cinq ans), avec aussi une politique énergétique qui redonne la souveraineté à la France par la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Et avec un déficit public ramené à moins de 5% du PIB dès 2021.
Considérant qu’il y avait une difficulté de recrutement avec malgré tout 3 millions de demandeurs d’emploi, il a annoncé un durcissement des conditions d’indemnisation du chômage selon la réforme mise en place au 1er octobre 2021 : à partir du 1er décembre 2021, il faudra avoir travaillé pendant six mois dans les vingt-quatre derniers mois pour prétendre être indemnisé et les refus de proposition d’emploi seront sanctionnés par des radiations. En fait, la sanction par radiation existe depuis longtemps mais tout dépend de la manière de l’appliquer : un refus de travail peut être motivé par des conditions très difficiles (éloignement, surqualification, etc.).
Je l’ai déjà exprimé et je le répète même si je soutiens globalement la politique sociale et économique de la majorité, cette vision qui se veut punitive et non encourageante n’est pas pertinente et il n’est pas vrai qu’il y a 3 millions d’emplois non pourvus, c’est en gros le dixième, nous ne sommes donc pas en surrégime, le vrai problème est un problème de qualification, d’adaptation de la qualification du demandeur d’emploi aux emplois non pourvus (d’ailleurs, sur ce point, l’immigration professionnelle reste la solution, faire un travail qu’un Français n’est pas capable d’occuper).
Le Président de la République a évoqué aussi la réforme des retraites qu’il a donc abandonnée cette année (il serait temps : comment aurait-il pu recommencer un tel chantier à exactement quatre mois de l’élection présidentielle ?), mais il n’a pas dit son dernier mot puisqu’il reste convaincu que la réforme se fera plus tard, qui consistera à prolonger l’âge légal du départ à la retraite, à une meilleure égalité en supprimant des régimes spéciaux et en garantissant un minimum de 1 000 euros par mois pour un taux plein. De plus, le gouvernement n’attendra pas pour revaloriser la retraite des agriculteurs, applicable le 1er décembre 2021. Par ailleurs, il veut que ceux qui souhaitent continuer à travailler au-delà de l’âge légal puissent le faire. (On ne redira jamais assez qu’il ne sert à rien d’augmenter l’âge de la retraite en maintenant un niveau de chômage très élevé des seniors : au lieu d’une pension, ils recevront une indemnité chômage, mais concrètement, cela restera le même problème pour son financement).
Autre chantier qu’il compte mettre en œuvre dans le futur proche, le cinquième pilier de la sécurité sociale, pour financer la dépendance, qui sera financé en travaillant plus. Son credo, ce soir, c’était de favoriser le travail sous toutes ses formes.
Parlant de la réindustrialisation de la France, Emmanuel Macron a fixé : « Notre objectif est clair : que les produits et les technologies qui feront l’économie, les emplois et en quelque sorte, les vies de 2030 ne viennent pas seulement des États-Unis ou d’Asie, mais bien aussi de France et d’Europe. Certains pensent ce rêve inatteignable. Je crois tout le contraire. Je crois que cela relève même de l’ambition faisable, du volontarisme lucide, si aujourd’hui nous continuons de mener les réformes, les transformations et si nous investissons. ».
Rappelant qu’il s’apprête à prendre la Présidence de l’Union Européenne le 1er janvier 2022, il a annoncé une meilleure protection des frontières extérieures, une plus grande régulation des géants du numérique, une stratégie pour réduire nos émissions de CO2 compatible avec notre souveraineté industrielle et technologique.
Emmanuel Macron a terminé son allocution télévisée par une foi en l’avenir inoxydable et en imitant le pape Jean-Paul II : N’ayez pas peur ! Un véritable hymne à l’avenir, réponse implicite au défaitisme et au déclinisme zemmouriens.
Il a notamment proclamé : « Nous avons surmonté ensemble une conjonction inédite de crises : la pandémie, ses conséquences, le terrorisme, les désordres géopolitiques et j’en passe. J’ai tâché de transcrire tout ce que nous sommes en train de faire, mais durant tous ces mois, nous sommes restés soudés, fidèles à ce que nous sommes, profondément humains. Je vois bien l’incertitude, les doutes parfois la fatigue, quelquefois la colère quand je viens à votre rencontre, qui se manifestent. La période est difficile, pour beaucoup d’entre vous, angoissante. Mais regardez ce que nous avons réussi ces derniers mois en agissant ensemble. Unis, nous avons réussi l’impensable. Je vous le dis avec beaucoup de conviction : n’ayons pas peur ! Croyons en nous ! Croyons en la France ! En une France qui reste elle-même, forte de son histoire, de sa culture, de sa langue, de sa laïcité, de ce qui nous l’unit. Forte de son esprit de résistance à la dilution dans un monde qui va, à la soumission, aux dogmes, aux obscurantismes, au retour du nationalisme. Forte de sa volonté d’embrasser l’avenir et de continuer d’assumer sa part d’universel. Croyons en nous, nous le méritons ! ».
Situer toujours son action dans la perspective d’un bilan et de l’avenir. Emmanuel Macron a toujours su garder le cap, a toujours voulu écrire le récit de la France qu’il veut pour les Français. Ce n’est pas le même récit que celui d’Éric Zemmour et il est dans la construction positive. Pas dans un défaitisme immobilisant, paralysant qui ne cherche pas à sortir le pays de ses démons. La France d’Emmanuel Macron est dans l’espérance du progrès pour tous.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 9 novembre 2021
Françaises, Français,
Mes chers compatriotes de métropole, d’outre-mer et de l’étranger,
Je tenais, en cet automne 2021, à revenir vers vous pour répondre aux interrogations, parfois aux inquiétudes qui sont les vôtres sur notre situation sanitaire, économique, sociale et géopolitique.
Depuis près de deux ans, nous sommes confrontés à une pandémie exceptionnelle.
Nous avons tous ensemble tenu et, je le crois, fait à chaque étape les choix collectifs indispensables pour protéger chacun d’entre nous et nous protéger comme Nation.
Nos décisions se sont toujours fondées sur la connaissance scientifique, sur l’impératif de nous protéger, sur la volonté d’agir de manière proportionnée et sur la conviction que la responsabilité individuelle et collective, sont notre première force.
C’est cela qui nous a conduit à décider à deux reprises d’un confinement quand il le fallait, au printemps puis à l’automne 2020. Ensuite, à tenir bon avec un couvre-feu et des règles adaptées à chaque territoire au début de cette année 2021 alors que beaucoup de nos voisins fermaient tout.
Nous avons depuis le début de cette année 2021 pu disposer de vaccins, en acheter puis en produire.
L’Union Européenne a ainsi produit plus de 2 milliards de doses de vaccins durant cette année, soit, plus qu’aucune autre puissance du monde.
S’agissant de la France, depuis la première vaccination en décembre 2020, nous avons injecté en dix mois plus de 100 millions de doses.
51 millions d’entre vous sont aujourd’hui complétement vaccinés, ce qui fait de nous l’un des pays du monde les mieux protégés.
Grâce au pass sanitaire et à la stratégie mise en œuvre depuis le mois de juillet dernier, nous sommes parvenus à maîtriser l’épidémie.
En rappelant ces choix et nos résultats, j’ai, en cet instant, une pensée à la fois respectueuse et émue pour tous nos compatriotes qui ont disparu, et pour leurs familles, et, je veux à nouveau remercier nos soignants, nos associations, toutes celles et ceux qui ont contribué à tous ces efforts.
Pour autant, nous n’en n’avons pas terminé pour avec la pandémie.
D’abord, parce que des dizaines de milliers de nos compatriotes sont touchés par ce qu’on appelle le « COVID long » dont les symptômes – qui sont, la perte de goût, de l’odorat, l’épuisement, la dégradation de la santé mentale, font l’objet d’une prise en charge spécifique.
Ensuite parce que, nous le savons, il nous faudra vivre avec le virus et ses variants jusqu’à ce que la population mondiale dans son ensemble soit immunisée. Et c’est pour cela que d’ailleurs dès le début, la France s’est engagée pour donner des doses aux pays les plus pauvres et les pays en voie de développement. Nous sommes au rendez-vous de cette solidarité internationale et nous continuerons de le faire.
Nous n’en n’avons pas terminé parce qu’à court terme, l’Organisation Mondiale de la Santé le dit, la cinquième vague a commencé en Europe. Au Royaume-Uni et en Allemagne, plus de 30 000 nouveaux cas supplémentaires sont enregistrés chaque jour. Et si, grâce à vos efforts, la situation en France est plus favorable, l’augmentation de 40% en une semaine de notre taux d’incidence et la remontée des hospitalisations sont des signaux d’alerte. De même que la situation dans certains territoires d’Outre-mer où la vaccination demeure encore insuffisante dans bien des cas, et qui ont beaucoup souffert ces derniers mois. Je veux ici leur dire à nouveau la solidarité nationale et leur dire que tout continuera d’être fait, comme depuis le début de la crise.
Tout cela doit nous conduire à la plus grande vigilance et nous pousser à agir.
Parce que nous avons fait le nécessaire pour nous protéger, nous pouvons continuer à maîtriser la situation si chacun d’entre nous prend sa part.
Mon premier message est ainsi un appel. Un appel à l’esprit de responsabilité des six millions d’entre vous qui n’ont encore reçu aucune dose de vaccin.
Vaccinez-vous. Vaccinez-vous pour vous protéger. La vaccination est ouverte à tous sauf aux enfants de moins de 12 ans. Je rappelle qu’une personne vaccinée a 11 fois moins de chances de se retrouver à l’hôpital en soins critiques. Je rappelle aussi que des milliards d’individus sur la planète ont déjà eu le vaccin et que nous avons maintenant déjà un certain recul.
Vaccinez-vous pour pouvoir vivre normalement : avec le vaccin, il vous sera possible d’obtenir un pass sanitaire et ainsi de vous rendre librement dans les cafés, les restaurants, les lieux de culture, de sport, de loisirs sans tests PCR.
Être libre dans une Nation comme la France implique d’être responsable et solidaire. Je compte donc sur vous.
Face au regain de l’épidémie, les plus vulnérables sont nos aînés et ceux qui souffrent d’obésité, de maladies cardio-vasculaires, de maladies respiratoires ou de diabète sévère.
Toutes les études montrent en effet que 6 mois après le vaccin, l’immunité diminue et donc le risque de développer une forme grave réaugmente.
La solution à cette baisse d’immunité est l’injection d’une dose de vaccin supplémentaire : ce qu’on appelle, le rappel.
Une campagne a été lancée depuis la fin de l’été pour tous les plus de 65 ans et les plus fragiles, il nous faut aujourd’hui l’accélérer.
Si vous avez été vacciné il y a plus de six mois, je vous appelle à vous protéger en prenant rendez-vous, dès maintenant, auprès d’un centre de vaccination, de votre médecin ou de votre pharmacien. Il est possible de faire ce rappel en même temps que le vaccin contre la grippe.
À partir du 15 décembre, il vous faudra justifier d’un rappel pour prolonger la validité de votre pass sanitaire.
Les personnes qui ont moins de 65 ans voient aussi la protection conférée par le vaccin diminuer au fil du temps. D’ailleurs au moment où je vous parle, plus de 80% des personnes en réanimation ont plus de 50 ans. C’est pourquoi une campagne de rappel sera lancée à partir du début du mois de décembre pour nos compatriotes âgés de 50 à 64 ans.
Nous avons saisi les autorités scientifiques afin qu’elle puisse nous indiquer dans les tous prochains jours les modalités pratiques et les échéances à suivre. De la même manière que nous avions organisée, vous vous en souvenez sans doute, durant le premier semestre, la campagne de vaccination.
Le vaccin, pour efficace soit-il, ne suffit pas.
Dans ce contexte de reprise épidémique, il nous faut en même temps redoubler de vigilance.
Tous les assouplissements un moment envisagés seront donc reportés pour conserver les règles actuellement en vigueur. Même si je sais combien cela est difficile, le port du masque à l’école sera donc pour le moment maintenu.
L’application des gestes barrière qui protègent autant contre le COVID19 que contre les maladies contagieuses de l’hiver, doit aussi faire l’objet d’une attention accrue. Nous avions tous un peu relâché nos efforts, et c’est bien normal. Il faut donc les reprendre.
Les contrôles pour l’application du pass sanitaire dans les établissements concernés et pour les entrées dans les ports, les aéroports, les gares, seront renforcés.
Et nous continuerons, comme nous avons toujours fait, à adapter nos décisions territoire par territoire en fonction de l’évolution de l’épidémie.
C’est donc grâce à la vaccination, au pass sanitaire, aux gestes barrière que nous pourrons continuer de vivre, ne pas restreindre d’autres libertés et ne pas refermer des activités.
Enfin, c’est parce que la France a très tôt misé sur la recherche sur les traitements, et que nous avons su en commander très en amont, que nous bénéficierons d’une nouvelle arme pour lutter contre le virus avec l’arrivée dès la fin de l’année des premiers traitements réellement efficaces contre les formes graves de COVID 19.
Durant cette période, notre Nation s’est toujours attachée à protéger chacun de nous sur le plan éducatif, économique et social.
Nos enfants : nous avons été l’un du pays du monde qui a le plus ouvert ses écoles.
Nos jeunes : nous avons accompagné les étudiants avec le repas à un euro, et des aides spécifiques pour les boursiers.
Les plus précaires : grâce à une politique d’hébergement social inédite et aux aides exceptionnelles versées, nous avons évité à près d’un demi-million de nos compatriotes de basculer dans la pauvreté.
Nos artistes, artisans, indépendants, salariés, entrepreneurs ont été accompagnés avec le chômage partiel, les prêts garantis par l’Etat, le fonds de solidarité et de nombreuses aides sectorielles.
Nous continuons et continuerons d’adapter nos réponses en fonction des besoins, c’est pourquoi, par exemple, les prêts garantis par l’Etat seront prolongés jusqu’en juin 2022.
Nous avons aussi soutenu nos soignants. Nos soignants qui ont tant donné durant la crise et éprouvent aujourd’hui une légitime fatigue. Ils ont été augmentés de 200 à 400 euros nets par mois en moyenne. 500 établissements hospitaliers vont être restaurés, des milliers de maisons de retraite rénovées grâce à un effort sans précédent de 19 milliards d’investissement partout sur le territoire. Ces mesures, qui s’ajoutent à beaucoup d’autres comme la fin du numerus clausus pour les médecins ou l’augmentation du nombre de postes d’infirmiers font que jamais depuis la création de la Sécurité sociale, nous n’avions autant investi dans la santé. Il le fallait.
Il le fallait après des décennies d’abandon, de sous-investissements, mais il nous reste, je le sais, encore beaucoup à faire.
Cette stratégie du quoiqu’il en coûte couplée aux 100 milliards du plan de relance que nous avons décidé grâce à notre initiative européenne, nous a permis, non seulement de résister à la crise mais de rebondir plus fort aujourd’hui.
Notre croissance dépasse les 6%, la France est en tête des grandes économies européennes. Le chômage est au plus bas depuis près de quinze ans, et nous sommes l’un des seuls pays du monde où le pouvoir d’achat a continué à progresser, en moyenne, et où la pauvreté n’a pas augmenté. Nous avons réussi cela en maîtrisant nos dépenses publiques, puisque notre déficit sera inférieur à 5% de notre PIB dès cette année.
Tout cela c’est le fruit de nos choix collectif et c’est aujourd’hui encore, que nous devons prendre de nouvelles décisions pour rester maîtres de nos vies comme citoyens et maîtres de notre destin comme Nation pour les années qui viennent. Oui, car nous avons devant nous une forme d’accélération du monde, des grandes décisions qui sont à prendre.
D’une part, notre situation économique reste toujours à consolider dans un monde où les tensions sur les approvisionnements et les coûts des matières premières et de l’énergie, génèrent pénuries et inflation. Je sais que beaucoup d’entre vous le vivent.
D’autre part, parce que nous ne devons pas viser seulement 7% de chômage, mais bien le plein emploi. Nous sommes en train progressivement tous ensemble de faire en sorte que chaque Française, chaque Français, puisse, par son travail, construire sa vie, mener à bien ses projets.
Notre économie crée des emplois comme jamais. Au point que, dans des secteurs comme la restauration, le BTP, les services, l’artisanat ou l’industrie, tous les entrepreneurs me disent peiner à recruter aujourd’hui.
Au moment où 3 millions de nos compatriotes se trouvent encore au chômage, cette situation heurte le bon sens.
Pour la dépasser, pour faire en sorte que toutes les offres d’emplois soient pourvues, nous devons agir sur tous les fronts.
Depuis quatre ans, le travail paie mieux avec l’augmentation de la prime d’activité de 100€ au niveau du SMIC, avec la défiscalisation des heures supplémentaires et des pourboires, avec des baisses d’impôts inédites. Par rapport au début du quinquennat, c’est au minimum 170 euros de pouvoir d’achat par mois en plus pour les bas salaires. Il faudra dans les années à venir poursuivre ces choix, et financer notre modèle social en taxant moins le travail encore.
Nous avons aussi beaucoup formé.
Avec 15 milliards d’euros mobilisés depuis 2017, jamais autant de moyens n’avaient été engagés pour la montée en compétences des moins diplômés et des demandeurs d’emplois.
Pour notre jeunesse aussi, nous avons déployé un effort spécifique, avec la réforme de l’apprentissage et de l’alternance, atteignant en ce moment même des chiffres records, et grâce au plan 1 jeune 1 solution, nous avons aidé 3 millions de jeunes à trouver une formation, ou un emploi ou un accompagnement. Ce qui fait qu’au moment où je vous parle, le taux de chômage pour les jeunes est au plus bas depuis plus de quinze ans.
Pour les 500 000 jeunes sans emploi et les moins qualifiés, j’ai annoncé dans la lignée de ce que je vous avais dit le 12 juillet dernier, le lancement pour le 1er mars 2022 du Contrat Engagement Jeune.
Un Contrat et non un Revenu parce qu’aux droits que nous ouvrons – à avoir 20 heures de suivi intensif, une allocation pouvant aller jusqu’à 500 euros - correspondent des devoirs – devoir d’assiduité, devoir de suivre les formations proposées et de s’engager pleinement.
Plus largement, pour que le travail permette de vivre dignement et paie toujours davantage que l’inactivité, nous conduisons en ce moment même une indispensable réforme de l’assurance chômage.
Depuis un mois, les règles ont commencé à changer pour rendre la reprise du travail plus attractive dans tous les cas.
Et à partir du 1er décembre de cette année, une nouvelle étape va s’engager : il faudra avoir travaillé au moins 6 mois dans les deux dernières années pour pouvoir être indemnisé, alors qu’aujourd’hui les droits au chômage sont ouverts au bout de quatre mois de travail.
Enfin, Pole Emploi passera en revue les centaines de milliers d’offres d’emploi disponibles sans réponse dès les prochaines semaines.
Les demandeurs d’emplois qui ne démontreront pas une recherche active verront leurs allocations suspendues.
Le 12 juillet dernier, j’avais évoqué devant vous la nécessaire réforme des retraites.
La situation sanitaire que nous vivons et qui est en train de se dégrader partout en Europe, le souhait unanime exprimé par les organisations syndicales et professionnelles de concentrer les efforts sur la reprise, le besoin de concorde dans ce moment que vit notre Nation, font que les conditions ne sont pas réunies pour relancer aujourd’hui ce chantier.
Pour autant, notre volonté de sauver notre modèle par répartition et d’en corriger les inégalités n’a pas changé.
Ce 1er novembre, la retraite minimale pour les agriculteurs, qui est attendue depuis si longtemps, est entrée en vigueur.
Et dès 2022, il faudra, pour préserver les pensions de nos retraités et la solidarité entre nos générations, prendre des décisions claires. Elles feront légitimement l’objet de débats démocratiques indispensables. Mais elles devront suivre à mes yeux des principes simples.
Travailler plus longtemps en repoussant l’âge légal.
Aller vers un système plus juste en supprimant les régimes spéciaux, en harmonisant les règles entre public et privé et en faisant en sorte qu’au terme d’une carrière complète, aucune pension ne puisse être inférieure à 1 000 euros.
Aller enfin vers plus de liberté, c’est-à-dire permettre de partir en retraite progressivement, d’accumuler des droits plus rapidement pour celles et ceux qui le souhaitent, d’encourager le travail au-delà de l’âge légal, aussi, pour celles et ceux qui en ont envie.
La retraite ne doit être ni une contrainte ni une angoisse, mais un choix plus libre, plus simple, plus lisible.
***
Aujourd’hui comme hier, vous le voyez, le travail continue donc d’être notre boussole, le fil rouge de notre action.
Non seulement parce que pour chacun d’entre nous, c’est le travail qui nous permet de créer des liens, d’augmenter notre pouvoir d’achat, de progresser tout simplement dans la vie en accédant à la propriété, en protégeant notre famille, nos proches, en concrétisant nos projets.
Mais aussi parce que sur le plan collectif, le travail de tous est ce qui nous permet, en tant que Nation, de faire nos choix, et de garantir notre indépendance.
C’est par le travail, et par plus de travail, que nous pourrons préserver notre modèle social, nos retraites, la prise en charge des malades, l’accompagnement des familles, la meilleure inclusion à l’école, au travail ou dans des structures adaptées pour les personnes en situation de handicap.
C’est par le travail aussi que nous permettrons à nos aînés de vivre plus longtemps chez eux ou d’être mieux accompagnés. Une cinquième branche de la Sécurité Sociale a été créée, elle sera pleinement mise en œuvre dans les mois qui viennent, et d’ici au 1er janvier, les professions du soin et de l’aide à domicile auront vu leurs salaires revalorisés. Nous sommes en train collectivement, en ce moment même, malgré la pandémie, de construire pas à pas un véritable service public de l’autonomie pour nos aînés. Nous le finançons et le financerons par davantage de travail.
C’est par le travail de tous que nous pourrons continuer de rendre notre Etat plus solide.
Nous avons depuis 2017 recruté 10 000 policiers et gendarmes, nous avons substantiellement augmenté le budget de la Justice, d’une manière inédite.
Les résultats sont là : 36 attentats terroristes déjoués, la baisse d’un quart du nombre de cambriolages et de vols de véhicules, des saisies et des arrestations record en matière de trafic de drogue.
Mais très clairement, nous sommes lucides sur le travail qu’il reste à faire. La violence, de retour dans toutes les sociétés occidentales, exige d’aller plus loin.
Nous devons ainsi poursuivre et renforcer nos actions pour lutter contre les violences faites aux femmes, pour mieux protéger nos enfants.
Et dans le prolongement des travaux du Beauvau, une loi de programmation pour nos sécurités intérieures est en cours de discussion. Elle sera présentée au premier trimestre 2022 et donnera plus de moyens et allégera les contraintes bureaucratiques de nos forces de l’ordre.
Nous avons aussi lancé les Etats Généraux de la Justice qui, réunissant tous les acteurs, déboucheront au printemps sur des mesures fortes à la fois pour que la Justice soit rendue plus vite et que les peines prononcées soient réellement exécutées.
C’est par le travail de tous enfin que nous pourrons bâtir notre indépendance énergétique.
Nous vivons chaque jour les conséquences de la situation actuelle : le plein plus cher à la pompe, la facture de gaz et d’électricité qui augmente. Ce que nous vivons ces dernières semaines nécessite des réponses d’urgence. C’est pour cela d’ailleurs que le Gouvernement a bloqué les prix du gaz, C’est aussi pour cela que ceux d’entre vous qui gagnez moins de 2000 euros nets par mois, allez recevoir une indemnité inflation exceptionnelle de 100 euros.
Mais si nous voulons payer notre énergie à des tarifs raisonnables et ne pas dépendre de l’étranger, il nous faut toute à la fois continuer d’économiser l’énergie et d’investir dans la production d’énergie décarbonée sur notre sol.
C’est pourquoi, pour garantir l’indépendance énergétique de la France, pour garantir l’approvisionnement électrique de notre pays et atteindre nos objectifs, en particulier la neutralité carbone en 2050, nous allons, pour la première fois depuis des décennies, relancer la construction de réacteurs nucléaires dans notre pays et continuer de développer les énergies renouvelables.
Ces investissements nous permettront d’être à la hauteur de nos engagements. Au moment où nous allons clôturer la COP 26 à Glasgow, c’est un message fort de la France.
***
Vous le voyez bien et nous le pressentons tous, dès à présent nous nous nous préparons à affronter les défis de l’avenir.
Car nous vivons une révolution profonde.
Avec la pandémie, nous avons éprouvé notre vulnérabilité : ce virus soudain a bloqué le monde entier.
Nous avons redécouvert notre dépendance vis-à-vis de l’étranger y compris pour des produits de première nécessité les masques, le paracétamol ou d’autres.
Nous avons réappris avec le vaccin que l’innovation pouvait tout changer et parfois en quelques mois avec une rapidité inédite.
En même temps, les grands enjeux d’avant la crise n’ont pas disparu : la protection de la planète, le défi démographique, le vieillissement, la montée des inégalités.
Nous avons donc d’une manière inédite, tant de décisions à prendre en même temps, tant d’investissements historiques à faire.
Pour relever tous ces défis, pour maîtriser notre destin, le marché seul ne suffit pas. Il faut assumer une intervention publique forte avec, dans quelques domaines clé, des investissements importants. Des investissements de la Nation, des investissements aussi de l’Europe.
C’est pour cela que j’ai lancé le plan France 2030, doté de 30 milliards d’euros sur cinq ans.
Pour investir dans 10 secteurs très porteurs d’avenir comme la décarbonation de l’industrie, le véhicule électrique, l’avion zéro carbone ou encore la culture, la santé, le spatial ou le maritime. Pour éduquer et former nos jeunes dans ces métiers d’avenir.
Pour sécuriser en France la production de composants et de technologies essentiels comme les semi-conducteurs, la robotique ou le cyber.
Notre objectif est clair : que les produits et les technologies qui feront l’économie, les emplois et en quelque sorte les vies de 2030 ne viennent pas seulement des Etats-Unis ou d’Asie, mais bien aussi de France et d’Europe.
Certains pensent ce rêve inatteignable.
Je crois tout le contraire. Je crois que cela relève même de l’ambition faisable, du volontarisme lucide, si aujourd’hui nous continuons de mener les réformes, les transformations et si nous investissons.
Oui, la France a les moyens de conforter ses positions de grande puissance éducative, industrielle, agricole. D’innover, de créer et produire en tenant nos objectifs climatiques et de biodiversité si nous investissons, si levons les freins à l’action, les complexités inutiles et les corporatismes.
***
Mais la France ne sera pas forte seule.
Les enjeux sont tels, dans le choc des puissances continentales qui se déploie sous nos yeux, que seule une entente européenne, solidaire et volontaire, peut apporter à chacun de nos pays européens, un relais et une force de frappe.
Il suffit d’ouvrir les yeux pour mesurer combien nos intérêts se rencontrent et s’accordent.
C’est dans ce contexte du choc des puissances américaine, chinoise, russe et de déstabilisation de nombreuses zones du monde que notre pays aura dans deux mois la charge de présider l’Union européenne.
Car les orientations de l’Union ne sont pas lointaines ou évanescentes.
Elles sont même la trame de nos vies et des années qui viennent.
Sans l’Union européenne, nous n’aurions pas si vite disposé du vaccin.
Nos partenaires ne sont pas des étrangers. Sur ce continent qui nous a été donné par le destin, ils sont confrontés aux mêmes vagues, aux mêmes orages que ceux que nous rencontrons.
C’est donc avec eux que nous tâcherons dans les prochains mois de mieux affronter les défis qui sont les nôtres.
Ensemble, de mieux protéger nos frontières extérieures.
Ensemble, de continuer à rebâtir avec l’Afrique une relation de paix, de stabilité et de croissance.
Ensemble, de mieux réguler les géants du numérique.
Ensemble, de bâtir une stratégie crédible de réduction de nos émissions de Co2, compatible avec notre souveraineté industrielle et technologique.
Ce nouveau modèle d’investissement et de croissance auquel je crois pour la France et pour l’Union européenne est celui que je défendrai en votre nom dès janvier prochain en prenant la présidence de l’Union.
***
Mes chers compatriotes,
Nous avons surmonté ensemble ces derniers mois une conjonction inédite de crises – la pandémie, ses conséquences, le terrorisme, les désordres géopolitiques et j’en passe.
J’ai tâché à la cavalcade de retranscrire tout ce que nous sommes en train de faire et ce qu’il convient de conduire pour les mois à venir.
Mais durant tous ces mois, nous sommes restés soudés, fidèles à ce que nous sommes, profondément humains.
Alors je vois bien, je sens bien, j’entends bien, l’incertitude, les doutes, parfois la fatigue, quelque fois la colère, quand je viens à votre rencontre, qui se manifestent.
La période est difficile, pour beaucoup d’entre vous angoissante.
Mais regardez ce que nous avons réussi ces derniers mois en agissant ensemble. Unis. Nous avons réussi l’impensable.
Alors je vous le dis avec beaucoup de conviction, n’ayons pas peur !
Croyons en nous !
Croyons en la France !
En une France qui reste elle-même.
Forte de son histoire, de sa culture, de sa langue, de sa laïcité, de ce qui l’unit.
Forte de son esprit de résistance à la dilution dans un monde qui va, à la soumission, aux dogmes, aux obscurantismes, au retour du nationalisme.
Forte de sa volonté d’embrasser l’avenir et de continuer d’assumer sa part d’universel.
Croyons en nous, nous le méritons !
Vive la République.
Vive la France.
Emmanuel Macron, le mardi 9 novembre 2021 à Paris.
« Ce sont nos actions, nos résultats, leur suivi transparent qui redonneront une pleine confiance à notre jeunesse, mais surtout qui nous permettront d’agir utilement et d’obtenir les résultats indispensables pour nous-mêmes et les générations à venir. » (Emmanuel Macron, le 1er novembre 2021 à Glasgow).
Originellement prévue en novembre 2020 mais repoussée pour cause de pandémie de covid-19, la COP26 s’est ouverte à Glasgow, en Écosse, le 31 octobre 2021 et le lendemain, le lundi 1er novembre 2021, fut consacré aux discours des 120 chefs d’État et de gouvernement réunis à cette occasion. Cette conférence, qui s'achèvera le 12 novembre 2021, est cruciale puisqu’il s’agit d’engager toutes les nations dans la lutte contre le changement climatique. L’objectif commun est de ne pas dépasser une augmentation de 1,5°C de la température moyenne de la planète d’ici à la fin de ce siècle.
On pourra penser tout ce qu’on voudra, j’ai toujours pensé que cette lutte contre les bouleversements climatiques, aussi prétentieuse soit-elle (l’humain a-t-il vraiment un pouvoir sur la planète ?), n’a pas besoin d’écologistes mais de diplomates. C’est un sujet par excellence d’ordre planétaire, et l’effort de la seule France, qui représente 1% des émissions de CO2, aussi sacrificiel qu’il puisse être, n’aura aucune efficacité s’il n’est pas suivi des principaux grands pays pollueurs. Par conséquent, ce qui compte, c’est la négociation internationale. Ce n’est pas par hasard que la COP20 à Paris en décembre 2015 était présidée par Laurent Fabius, le Ministre des Affaires étrangères, et pas par Ségolène Royal, la Ministre de l’Écologie.
Il suffit de regarder les "derniers" de la classe en matière d’écologie qui sont parfois les premiers de classe en matière industriel. Le premier pollueur en émission de CO2 est la Chine, pour un quart du total, avec 10 175 millions de tonnes de CO2 émis en 2019. Ensuite, les États-Unis avec 5 285 millions de tonnes, l’Inde 2 616 millions de tonnes, la Russie 1 678 millions de tonnes et le Japon 1 107 millions de tonnes. Mais parmi tous les chefs d’État, il manquait à l’appel notamment ceux des nations parmi les plus pollueuses, à savoir la Chine, la Russie et la Turquie.
Prenant la parole le premier comme puissance invitante au Scottish Event Campus, n’hésitant pas à se référer à James Bond, le Premier Ministre britannique Boris Johnson a usé d’un alarmisme de style : « L’humanité a longtemps joué la montre sur le climat. Il est minuit moins une sur l’horloge de l’Apocalypse. Nous devons agir maintenant ! ». Le Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres était lui aussi alarmiste, affichant l’objectif de la conférence internationale de "sauver l’humanité", et il était passablement déçu par l’absence de grande décision au G20 de Rome un jour auparavant.
Quant à la Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, elle a rappelé l’objectif des vingt-sept États membres, réduire de 55% les émission de CO2 d’ici à 2030, par rapport au niveau de 1990 : « Fixez un prix du carbone, car la nature ne peut plus payer ce prix. ».
Le Président américain Joe Biden n’était pas lui-même à l’aise, présentant les excuses des États-Unis pour être sortis de l’Accord de Paris à cause de Donald Trump. Par ailleurs, la Chancelière allemande Angela Merkel, que la France a prévu de recevoir une dernière fois ce mercredi 3 novembre 2021 à Beaune, est sur le départ du gouvernement de son pays. À ce petit jeu, le Président français Emmanuel Macron a raison de penser qu’il doit prendre le leadership international des nations les plus volontaristes en matière climatique.
Plusieurs raison à cela : d’une part, comme dit précédemment, il n’y a pas beaucoup de nations réellement ambitieuses dans ce domaine, dont les dirigeants sont forts sur le plan international et suffisamment forts sur le plan intérieur. Le Président français et le Premier Ministre britannique sont des exceptions. D’autre part, la France a une responsabilité politique à faire appliquer l’Accord de Paris d’il y a six ans. Enfin, Emmanuel Macron va devenir, le 1er janvier 2022, le Président de l’Union Européenne et à ce titre, aura la capacité à impulser le mouvement avec plus d’échos et d’influence.
Bien entendu, les contradicteurs d’Emmanuel Macron, en particulier les écologistes (rappelons-nous que nous sommes déjà en campagne présidentielle, une période de postures et d’hypocrisies politiciennes plus que de recherche de l’intérêt général), n’hésiteront pas à insister sur la différence entre les beaux discours et les faits réels. Néanmoins, on n’a jamais vu des résultats arriver sans discours volontariste au préalable, et dans ce domaine, ils sont plutôt rares. Les propos d’Emmanuel Macron peuvent être parfois considérés comme incantatoires, ils sont d’abord à objectifs précis et ils sont à méthode claire.
Il a bien compris que l’alarmisme était inefficace et même contreproductif. Au début des années 1970, à l’époque de René Dumont, il y a eu beaucoup de propos alarmistes qui prédisaient le cauchemar environnemental dans les trente années qui suivaient… et l’excessif est toujours insignifiant. Et démobilisateur. L’alarmisme paralyse plus qu’il ne fait agir : après tout, si c’est trop tard, à quoi bon se sacrifier avant de crever en beauté ?
Donc, s’il y a bien une nécessité dans la lutte contre le changement climatique, c’est le réalisme, le principe de réalité : l’humain ne peut modifier qu’un tout petit peu l’évolution climatique de la planète. Il faut être modeste. Mais ce principe de réalité doit aussi s’appliquer dans les moyens : il faut que les mesures ne soient pas punitives ni socialement asphyxiantes. Il faut que les peuples adhèrent au même objectif, qu’ils y trouvent leur intérêt et qu’ils s’y retrouvent, et pas seulement dans cinquante ou cent ans mais tout de suite, c’est pourquoi il faut insister sur cette révolution qui s’amorce et qui a vocation à être créatrice d’innovations.
Le (court) discours d’Emmanuel Macron (qu’on peut écouter ici) s’est ainsi borné à faire de la méthode : « Si nous sommes attendus collectivement aujourd’hui, c’est pour retrouver (…) ce qui a permis il y a six ans à tous d’avancer et de bâtir un accord (…), trois valeurs essentielles : l’ambition, la solidarité et la confiance. ».
Il a montré le chemin à parcourir : « Nous savons que notre objectif, c’est le 1,5°C pour la fin du siècle. (…) Notre trajectoire actuelle nous amène à 2,7°C. (…) La clef de notre action collective est que, dans les jours qui viennent, avant la clôture de cette COP, il puisse y avoir suffisamment d’engagements pour revenir au 1,5°C, plutôt à des stratégies nationales qui crédibilisent cet objectif, en particulier en accélérant nos stratégies d’ici 2030. ».
1. L’ambition
Emmanuel Macron a rangé les Européens dans le camp des "bons élèves" : « À ce titre, la France, mais plus largement l’Union Européenne, le Royaume-Uni, sont aujourd’hui au rendez-vous de ces engagements. Notre défi est maintenant de les mettre en œuvre. Et je n’en sous-estime ni l’importance ni la difficulté. (…) C’est une transition énergétique. C’est une transition du modèle économique, cette transition doit être juste et accompagnée socialement. Et cette transition est celle qui permettra aussi de créer de nouvelles opportunités, de nouvelles créations d’emplois, à travers justement des innovations profondes, la construction de nouveaux secteurs et de nouvelles opportunités. ».
Et il n’a pas oublié les "mauvais élèves" : « La clef pour les quinze prochains jours ici (…) est que les plus gros émetteurs dont les stratégies nationales ne sont pas conformes à notre objectif du 1,5°C, c’est que ces plus gros émetteurs rehaussent leurs ambitions dans les quinze jours qui viennent. C’est le seul moyen de recrédibiliser notre stratégie et d’avoir des stratégies d’ici [à] 2030 qui permettent de rendre crédible le 1,5°C. ».
2. La solidarité
La solidarité, entre États, c’est le synonyme de répartition des budgets, bref, de l’aide financières des nations les plus riches aux plus pauvres : « Nous ne pouvons vaincre ces défis internationaux que si nous sommes coordonnés et si nous agissons ensemble. Dans un contexte où le dérèglement climatique, en quelque sorte, son injustice au carré, ce sont les pays les plus pauvres, en Afrique, au Pacifique, dans les Caraïbes, qui aujourd’hui vivent les premières conséquences de la crise climatique. Ce sont ceux qui bien souvent n’ont pas porté les modèles de développement qui ont causé cette crise et ce dérèglement qui en vivent les premiers les conséquences. Petites îles, territoires vulnérables, peuples autochtones sont les premières victimes des conséquences du dérèglement. ».
100 milliards de dollars par an jusqu’en 2025 (qu’Emmanuel Macron a souhaité être scrutés dans un suivi par l’OCDE), plus après 2025 : « La clef (…), ce sont les 100 milliards de dollars par an de 2020 à 2025. Aujourd’hui, là aussi, la France et l’Union Européenne sont au rendez-vous de leur juste part, et même un peu au-dessus. ». En effet, l’Europe contribue à 25 milliards de dollars par an, dont la France à 7 milliards de dollars par an, dont plus d’un tiers consacré à l’adaptation.
Selon le Président français, les nations riches doivent toutes contribuer : « Toutes les économies développées doivent désormais contribuer à leur juste part, car le leadership exige l’exemplarité. Nous devons donc trouver tous les moyens pour que les pays les plus riches accélèrent ce financement (…). Je veux appeler ici tous les pays qui ne sont pas au rendez-vous de leur juste part à prendre leurs responsabilités d’ici à la fin de cette COP pour pouvoir tenir cet engagement pris à Paris [les 100 milliards de dollars]. ». Il a cité en exemple l’accord fait avec l’Afrique du Sud pour l’aider à réduire sa dépendance au charbon : « Cet accord témoigne qu’on peut répondre aux défis d’une transition juste, équitable et ambitieuse. ».
3. la confiance et la transparence
En guise de réponse aux critiques de Greta Thunberg, Emmanuel Macron veut un suivi transparent de toutes les actions : « Nos jeunes qui ont été convoqués dans beaucoup de nos débats veulent nous voir prendre des engagements (…), ils veulent voir nos actions suivre et ils veulent que ce soit mesurable. C’est pourquoi (…) nous devons suivre avec rigueur et transparence un cadre commun de bon suivi de nos actions. ».
Au-delà de la transparence, Emmanuel Macron a prôné la cohérence : « Tout cela n’avancera que si nous sommes cohérents et que nous arrivons à lier cet agenda contre le dérèglement climatique avec deux autres agendas, celui de la biodiversité et celui du commerce. (…) Les forêts tropicales doivent être protégées, c’est cohérent, c’est un élément essentiel (…). La grande muraille verte (…) est une initiative essentielle qui doit nous permettre de lutter tout à la fois contre la désertification et proposer des solutions économiques. Et notre mobilisation pour les océans est indispensable. ».
Et pour en finir avec des traités commerciaux qui oublient les exigences climatiques : « Nous ne pouvons plus continuer à avoir une planète qu’on fait fonctionner selon une grammaire et des règles qui n’intègrent pas en son cœur, ces contraintes. Nos accords commerciaux doivent refléter nos engagements climatiques. L’organisation de nos chaînes de valeur doit refléter nos exigences climatiques. ».
Pas seulement du blabla (comme le craignent certains militants écologistes), mais aussi du concret. Malgré tous les discours d’ouverture qui ont occupé la tribune, la journée du lundi 1er novembre 2021 a été positive et efficace. La présidence britannique a annoncé en effet qu’un accord avait été signé avec plus de 100 dirigeants de nation, dont ceux de l’Union Européenne, du Canada, de la Russie et du Brésil, pour mettre fin, d’ici à 2030, à la déforestation et à la dégradation des terres. Les objectifs sont ambitieux pour 2030 : il est question de 100 millions d’hectares de terres dégradées, et 250 millions de tonnes de CO2 à séquestrer d’ici à 2030. Actuellement, les projets commencés sont sur un horizon de 110 millions de tonnes de CO2. Emmanuel Macron a donc bon espoir de poursuivre sur cette lancée avec de nouveaux projets pour 140 millions de tonnes restant de l’objectif en 2030.
En exposant ainsi les règles du jeu du travail international, Emmanuel Macron veut à l’évidence jouer à Monsieur Loyal des décisions climatiques du monde : il en a l’énergie, l’envie et aussi la capacité politique. Qui d’autres, en France, parmi les futurs candidats à l’élection présidentielle, pourrait atteindre un tel niveau de leadership ? Honnêtement ?
« L’art abstrait est le plus difficile de tous. Pour pouvoir s’y adonner, il faut être un bon dessinateur, avoir une grande sensibilité pour la composition et les couleurs et, c’est le plus important, être un authentique poète. » (Kandinsky, 1931).
Le Premier Ministre Jean Castex est venu présenter ce jeudi 21 octobre 2021, au journal de 20 heures sur TF1, la nouvelle mesure du gouvernement pour le pouvoir d’achat.
La raison ? L’augmentation brutale du prix de l’essence, indexé sur celui du gaz, qui a beaucoup grimpé ces dernières semaines. Un signe d’ailleurs pas forcément négatif de l’économie mondiale qui est à un fort rebondissement économique après un an et demi de crise sanitaire mondiale. Cette relance a provoqué un peu partout des pénuries importantes, en particulier dans les matières premières, les composants et l’énergie. Pour l’automobiliste moyen, cela se résume depuis la fin de l’été à un plein qui coûte environ 20 euros plus cher.
Pour le gouvernement, il y avait une triple urgence à réagir et à "régler" le problème.
La première, c’est la crainte d’un nouveau mouvement de protestation du genre des gilets jaunes qui non seulement avait démarré avec l’augmentation du prix des carburants (la taxe carbone, décidée par le prédécesseur du Président Emmanuel Macron), mais aussi avait pris de l’ampleur en raison de "l’autisme" initial du gouvernement qui n’avait pas compris tout de suite l’ampleur de la colère et qui avait renoncé provisoirement à la taxe carbone sur les carburants beaucoup trop tardivement. Or, l’élection présidentielle est dans cinq mois et un nouveau mouvement de gilets jaunes signerait la fin de la majorité macronienne.
La deuxième urgence provient du calendrier : à la fin de cette semaine commencent les vacances de la Toussaint et non seulement, c’est une période par définition de déplacements (pour ceux qui veulent se recueillir devant leurs disparus qui ne reposent pas forcément dans leur ville), et donc de coûts supplémentaires pour l’essence, mais aucune annonce gouvernementale n’aurait été audible pendant cette période.
Du reste, et c’est la troisième urgence, elle très politique, beaucoup trouvaient déjà que le gouvernement tardait, ce qui permettait aux diverses oppositions d’attaquer sur le sujet (sans avoir elles-mêmes de solution à proposer, mais personne ne le voit !). Le plus grave était surtout les risques de dispersion du gouvernement. Un Bruno Le Maire qui insistait beaucoup pour faire un chèque essence, dont le concept serait particulièrement compliqué à mettre en œuvre (on parlait alors d’usine à gaz), d’autres qui laissaient entendre qu’il fallait plutôt aller vers une baisse des taxes beaucoup plus simples, une Barbara Pompili qui n’avait pas beaucoup d’idée sur le sujet mais qui sentait bien que c’était quand même son domaine ministériel, etc.
Finalement, Jean Castex a sonné la fin de la récréation et a montré son autorité en prenant lui-même le dossier en main devant les Français, même si lui-même n’était pas très assuré pour exposer sa décision (au point de commencer par une phrase qui disait en substance, je ne l’ai pas notée précisément, qu’il avait pris la décision de prendre des décisions sur le sujet).
L’affaire était compliquée car ce qu’il fallait absolument, c’était que la mesure soit visible, c’est-à-dire que les gens ne disent pas que le gouvernement se moque d’eux (il y en aura toujours qui le penseront, le but étant le moins possible), mais "en même temps", qu’elle ne coûte pas trop cher, d’autant plus que le Premier Ministre a réaffirmé que l’objectif du gouvernement reste une limitation du déficit public à 5% du PIB en 2022, soit nettement moins que précédemment.
La baisse des taxes sur les carburants a été rapidement abandonnée pour plusieurs raisons. D’abord, cela coûterait très cher, puisqu’une baisse de 1 centime par litre (qui serait inodore pour les consommateurs) coûterait à l’État 500 millions d’euros, et pour qu’il y a une certaine visibilité (l’impression que le gouvernement ne se moque pas des automobilistes), il faudrait une baisse d’au moins 10 centimes par litre, d’où le coût de 5 milliards d’euros. Ensuite, une baisse généralisée du prix des carburants avantagerait autant les personnes à faibles revenus que les personnes riches.
De plus, l’expérience de la TIPP flottante il y a une dizaine d’années, si elle avait limité la hausse du prix des carburants, cela a montré qu’elle n’était pas visible, or, il faut aussi que la mesure soit psychologique. D’autant plus que depuis 2018, le pouvoir d’achat des Français a nettement augmenté, phénomène qu’on retrouve aussi sur l’évolution du taux de découverts sur les comptes bancaires (les raisons d’un découvert : un tiers parce que la situation du titulaire du compte est financièrement précaire, un tiers à cause d’un gros achat imprévu et un tiers par négligence de gestion du compte), sur le nombre de dossiers de surendettement traités chaque année en baisse, etc. Jean Castex a d’ailleurs affirmé que l’année 2021 sera aussi une année de hausse du pouvoir d’achat (je crains cependant pour lui que les données officielles arrivent après l’élection présidentielle).
En tout cas, ce besoin de visibilité psychologique, c’est la raison pour laquelle le gouvernement avait étudié cette usine à gaz qu’est le chèque essence qui devait être attribué à des personnes qui ont des faibles revenus, qui ont une voiture, qui font des déplacements obligatoires (pas des déplacements de loisir) et avec des véhicules qui ne sont pas des gros consommateurs (on imagine mal subventionner le déplacement d’un 4x4 en ville). Et des déplacements nécessaires en automobile car n’ayant pas d’offre alternative avec des transports en commun !
À cette occasion, on a appris qu’il n’y avait pas de croisement entre les fichiers du fisc et des cartes grises (très étonnant dans un pays où les habitants sont persuadés que l’État les "flique" à tous les coins de rue !). Ainsi, la seule possibilité de faire ce chèque essence était de demander à ceux qui pourraient en bénéficier de remplir un lourd dossier avec tous les documents nécessaires justifiant leur besoin d’aide pour leurs déplacements en voiture considérés comme une nécessité.
Cette piste a aussi été abandonnée, apparemment hier. Trop compliquée. Jean Castex a annoncé un dispositif dont l’objectif est qu’il soit simple, sans formulaire à remplir, sans que les bénéficiaires n’aient à faire de démarche. La règle que le gouvernement s’est donnée est la suivante : un chèque (unique) de 100 euros à verser en une fois à tout Français ayant un revenu inférieur à 2 000 euros net par mois. Le choix du seuil est le salaire médian (il y a autant de personnes qui gagnent moins que de personnes qui gagnent plus que ce seuil). Évidemment, avec un tel critère, même les personnes qui ne possèdent pas de véhicule et qui ne paient donc pas de carburant vont en bénéficier, mais pour Jean Castex, cela ne fait rien car ces personnes sont aussi impactées par l’inflation et la hausse des prix des biens de consommation en général (et cela évitera à l’avenir de faire un chèque pain, un chèque lait, etc.).
Cela concernera à peu près 36 voire 38 millions de Français. Le coût pour le gouvernement sera d’environ 4 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros proviendront de l’impact de la hausse des recettes en TVA sur les carburants. À moins d’avoir été inattentif, je n’ai pas entendu où seraient trouvés les 2 à 3 milliards d’euros manquants, mais ils devront être financés pour ne pas accroître le déficit.
Comme présenté ainsi, ce chèque consommation (il n’y aura rien à faire pour le recevoir, a insisté Jean Castex), je l’ai trouvé très simple, très visible (100 euros, ce n’est pas négligeable, Jean Castex a considéré que la hausse du prix du carburant faisait dépenser en moyenne 80 euros en plus par mois). Je pensais simplement qu’il était possible de la payer simplement, comme un crédit d’impôts, ce que fait le fisc chaque année pour avancer les réductions d’impôts provenant des dons à des œuvres caritatives (par exemple).
Mais la suite m’a paru très compliquée. Pour les salariés, ce sont leurs employeurs qui leur verseront ce chèque, prévu dans le salaire du mois de décembre 2021 (donc fin décembre). Pour les fonctionnaires, ce sera sur leur fiche de paie de la fin janvier 2022. Pour les autres, cela pourrait être plus tard, les indépendants par l’URSSAF, les retraites par leur caisse de retraites (mais il y a le problème des pensions multiples), etc. Mais pourquoi donc s’être ainsi tant compliqué la vie ? Il a lui-même parlé d’usine à gaz qu’il ne voulait pas et son dispositif paraît une vraie usine à gaz, qui, soit dit en passant, sera un coût administratif pour les entreprises qui devront encaisser l’argent de l’État et le redistribuer à leurs salariés (c’est vrai qu’elles sont déjà leurs percepteurs avec le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source).
Il ne faut même pas y voir une malicieuse habileté à verser les 100 euros le plus proche de l’élection présidentielle (sur ce type d’avantages, les électeurs sont souvent ingrats, on préfère râler à approuver). C’est simplement que c’est très compliqué de faire verser par exemple aux retraités un tel chèque (par quel intermédiaire ?). Je ne comprends donc pas pourquoi ce ne sont pas les services fiscaux qui s’en chargeraient, puisqu’il c’est déjà le cas pour la prime de rentrée scolaire, la prime d’activité, etc. Même les personnes non imposables doivent quand même remplir leur déclaration de revenus. Donc, ils existent toujours chez le fisc.
Dans son intervention télévisée, Jean Castex a fait plusieurs fois référence à son intervention du 30 septembre 2021 sur le même plateau du 20 heures de TF1, où il avait annoncé le chèque énergie et le gel du prix du gaz et de l’électricité pour toute l’année 2022 (initialement jusqu’en avril 2022 et prolongé jusqu’en décembre 2022). Certes, il faut savoir réagir dans l’urgence quand la conjoncture internationale asphyxie les consommateurs, mais résoudre les problèmes de pouvoir d’achat à coups de chèques gouvernementaux ne paraît pas très satisfaisant tant politiquement qu’économiquement.
Plus généralement, il y a une certaine ironie du sort pour les écologistes. Sandrine Rousseau a eu l’audace le 18 octobre 2021 chez Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV d’applaudir la hausse de l’essence et de souhaiter qu’elle se poursuive pendant au moins cinq ans, afin de dissuader les Français de prendre leur automobile (comme si c’était seulement pour des trajets de divertissement !). Je ne commente pas cette prise de position, je me dis simplement que la campagne des écologistes va être très très difficile quand il faudra expliquer dans les marchés aux consommateurs pourquoi il faudrait rajouter encore des taxes sur l’essence.
Rendre rare ou chère l’essence paupérisera les automobilistes fauchés mais ne les empêchera pas de rouler car ils ont besoin de se déplacer même dans des territoires où il n’y a pas d’offre de transports en commun. Il faut être réaliste : avant de punir, il faut agrandir l’offre de transports et amener les usagers à y trouver leur intérêt. Sinon, on appellera cela la tyrannie verte.