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14 février 2022 1 14 /02 /février /2022 03:56

« Le beau, c’est la forme. Preuve étrange et inattendue que la forme, c’est le fond. Confondre forme avec surface est absurde. La forme est essentielle et absolue ; elle vient des entrailles mêmes de l’idée. Elle est le Beau ; et tout ce qui est beau manifeste le vrai. » (Victor Hugo, 1865).



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La candidate LR Valérie Pécresse était sous pression depuis une quinzaine de jours dans la perspective de son grand meeting de ce dimanche 13 février 2022 au Zénith de Paris. La cause, ce sont les sondages dangereusement immobiles : sa candidature fait du surplace et celle du polémiste Éric Zemmour progresse, au point qu’avec Marine Le Pen, les trois candidats seraient au coude à coude pour la qualification au second tour.

Disons-le clairement, un meeting n’est pas un match de football, et s’il y a des supporters, des commentateurs, etc., un meeting n’a jamais fait gagner des voix. En revanche, il peut en faire perdre. De plus, un bon orateur, charismatique, fait certainement un bon candidat, mais ce n’est pas une compétence pour en faire un bon Président de la République. C’est clair aussi que Valérie Pécresse n’est pas une bonne oratrice, mais Jacques Chirac et François Mitterrand non plus ne l’étaient pas vraiment à leurs débuts. Et celui qui a modernisé à l’époque les campagnes électorales, Valéry Giscard d’Estaing, était assommant de technocratie dans ses discours de campagne.

Autant le dire tout de suite, la prestation de Valérie Pécresse était plutôt médiocre. Certains participants (peu nombreux mais c’est généralement très rare car les participants sont déjà des très convaincus) sont même partis bien avant la fin à cause de l’ennui. Je ne jette pas la pierre, car j’imagine la difficulté de l’exercice. Dans les pressions, on parlait de "fendre l’armure" (expression déclinée ad nauseam par les éditorialistes, à tel point qu’une journaliste interrogeant un commentateur lui a demandé préventivement de ne plus lui sortir l’expression !). Les "gens" ne connaissent pas Valérie Pécresse. Les "gens" ne la voient pas en Présidente de la République. Alors, il fallait parler d’elle. Elle ne l’a fait que pendant les vingt dernières minutes, plutôt de manière réussie, d’ailleurs, même si on n’exprime pas sa pudeur revendiquée en le criant devant plus de 7 000 militants.

Alors, par charité chrétienne, je vais commencer par ce qui allait bien. Un meeting, c’est une grand-messe, c’est-à-dire surtout du théâtre, et quand c’est un "one-man-show", ou plutôt, "one-woman-show", on attend de l’acteur l’excellence. Donc, on ne s’étonnera pas si la forme compte autant que le fond.

La première chose, je suis désolé d’en parler mais ne pas en parler sous prétexte que c’est une femme serait un oubli. La tenue vestimentaire est peu importante pour les hommes car elle est souvent sans originalité, costume cravate. À la rigueur, la distinction se fait avec ou sans cravate. Pour une femme, le champ des possibles vestimentaires est beaucoup large, si bien qu’il y a plus à en dire. Valérie Pécresse a conquis le congrès LR avec son tailleur rouge vif. On n’imagine pas l’intérêt du rouge vif en politique. Ségolène Royal aussi l’a utilisé, mais pas seulement des femmes. Laurent Wauquiez aussi, l’hiver, portait à sa période de gloire un anorak rouge. Dans un groupe, c’est le premier personnage qu’on regarde. Mais cela ne fait pas trop "femme d’État". Le choix de Valérie Pécresse de se mettre en noir de bas en haut relève d’un grand classicisme, très adapté à sa personnalité, et à une sobriété qui rappelle la gravité de la fonction à laquelle elle postule, elle a eu raison.

Le meeting lui-même a été organisé selon les standards d’un grand parti comme LR a toujours su faire, sans originalité ni innovation, comme chez Jean-Luc Mélenchon, mais avec une bonne efficacité, une salle remplie (malgré le covid-19), des centaines de jeunes qui font la claque, les drapeaux tricolores agités désormais traditionnels dans tous les meetings, même chez les centristes à l’époque de François Bayrou, et une scène à la forme réfléchie. Pour ce Zénith, il y avait trois sortes de pistes de ski (c’est la saison des JO), chacune avec l’une des couleurs du drapeau national. Oubli à mon avis pas très pertinent, il n’y a aucune adresse Internet devant la tribune ou sur le fond bien en évidence pour "aller plus loin", ni aucun logo (elle avait pourtant à disposition un excellent portrait graphique tricolore l’assimilant à une nouvelle Marianne et un excellent logo en forme de V de la victoire). Chose peu habituelle, la tribune était transparente, on voyait ses jambes.

Valérie Pécresse était enfin seule, immensément seule à la tribune. Ni Éric Ciotti, ni Michel Barnier, ni d’autres n’étaient présents derrière ou à côté d’elle comme si elle n’était qu’une marionnette jusqu’à maintenant. C’est elle et elle seule la candidate. Il semble qu’elle ait même refusé la participation de Nicolas Sarkozy qu’elle avait rencontré le 11 février 2022.

Malheureusement, le discours était complètement décousu, sans structure, allant et revenant, mélangeant programme et confidences, et finalement, par sa diction trop lente, par ses répétitions de thème, par ses nombreux clichés, ses enfonçages de portes ouvertes, voire par l’emprunt à d’autres candidats, comme à Fabien Roussel pour sa défense du pavé charolais, j’avais l’impression que c’était une juxtaposition de lieux communs, d’extraits des programmes des autres, des phrases sans transition, sans queue ni tête, ce qui provoquait un profond ennui car rien de nouveau n’avait été émis pendant une heure. Quelle formule, quelle idée restera-t-il de ce Zénith ?

La seule chose qu’on pourrait réellement retenir, et qui visiblement ne sera pas retenu, c’était qu’elle voulait transférer Molière au Panthéon, comme si c’était pour cela qu’on élisait un Président de la République, et pire, comme si c’était implicitement pour comparer, contrebalancer avec le transfert de Joséphine Baker au Panthéon avec une arrière-pensée plutôt curieuse (et puante) : y aurait-il des Français plus français que les autres ?

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Pire encore, dès les premières phrases, Valérie Pécresse a évoqué le "grand remplacement" : « Il n’y a pas de fatalité, ni au grand déclassement, ni au grand remplacement ! ». Avec cette phrase particulièrement scandaleuse dans sa bouche, elle s’est disqualifiée car elle donnait raison aux théories complotistes les plus extrémistes et même les plus racistes. Elle donnait raison à Éric Zemmour qui a fait du "grand remplacement" son premier cheval de bataille, et dans ce registre, elle ne l’égalerait jamais, d’autant plus que ce n’est pas sa philosophie.

Qui a donc rédigé un discours si mauvais ? Sûrement pas la plume (les plumes) de François Fillon en 2017 qui était bien plus profond et qui montrait un véritable amour de la France (ses 20% malgré ses affaires n’étaient pas usurpés).

La plupart des phrases étaient des slogans à l’emporte-pièce. Au fil de ses paroles, Valérie Pécresse a esquissé les contours très flous et ambigus de sa "Nouvelle France", comme s’il fallait redéfinir une nation tous les cinq ans. Par nécessité, elle a attaqué nommément le Président Emmanuel Macron (elle ne l’a pas fait pour ses autres adversaires), mais de manière très mal. Tout ce qu’elle a reproché à Emmanuel Macron, elle aurait pu le dire à la campagne 2017 puisqu’il s’agissait de maladresses de campagne de 2017, bien avant son élection : le crime contre l’humanité pour l’Algérie (entre-temps, Emmanuel Macron a largement montré son évolution ou sa maturité), l’inexistence de la culture française (il est largement revenu sur cette expression malheureuse), etc. Bref, c’est très étrange de critiquer l’Emmanuel Macron d’avant le début de son quinquennat, comme si rien de ce qu’il a fait en tant que Président de la République n’était critiquable (ce qui est bien sûr faux). Étrange et passéiste. On dirait cru à un mauvais copier-coller de la campagne de François Fillon. Très mauvais même.

Elle a parlé d’écologie mais sans conviction alors que c’est un domaine, à droite, qu’elle pourrait largement valoriser, notamment comme élément qui la distingue, et qu’elle a montré comme présidente du conseil régional d’Île-de-France. Elle a mieux convaincu lorsqu’elle a parlé de la lutte contre le communautarisme et qu’elle a évoqué la chartre de la laïcité, une première du genre, qu’elle a fait signer à toutes les associations qui souhaitent recevoir des subventions du conseil régional.

Elle a parlé de sa France en y mettant un fourre-tout sans fil rouge, parlant de sa France de Péguy et de sa France de Marie Curie. Elle est même allée jusqu’à la France de Gergovie, oserais-je lui susurrer qu’elle a trop lu d’albums d’Astérix car les Français de nos jours ne sont pas vraiment les descendants de ces Gaulois… Elle a énuméré une succession de slogans comme : « La France de l’innovation et pas la France de la précaution », ça pour les écologistes, ou : « La France, ce n’est pas une nostalgie, c’est une énergie », ça pour les zemmouristes. On sent la prétention de la plume au service de la seule forme, mais qui tombe à plat car artificielle.

Plus concrètement, elle a confirmé qu’elle voulait la hausse des salaires de 10% en cinq ans, je n’ai pas entendu que c’était financé par l’État (pourtant, après le refus catégorique du Medef, c’est ce qui était prévu, ce qui n’augure rien de bon pour l’équilibre budgétaire dont elle se dit la championne), et elle a donné l’exemple d’un employé au salaire de 1 400 euros net par mois qui, à la fin de l’année, aura gagné 500 euros par an. Ce qui lui permet de faire sa première référence à Nicolas Sarkozy, avec son slogan travailler plus pour gagner plus (là encore, comme ses attaques contre Emmanuel Macron, comme sa référence au kärscher, pas ici mais en début de campagne, j’ai l’impression qu’elle vit toujours dans le passé, incapable d’inventer des nouvelles expressions, d’imprimer, comme on dit, de nouvelles formules).

Sa seconde référence à l’ancien Président, c’est lorsqu’elle s’est présentée et qu’elle s’est donnée trois références en politique : Jacques Chirac, qu’elle a rejoint en 1997 quand tout le monde l’avait quitté après l’échec de la dissolution, Simone Veil qui l’a parrainée lorsqu’elle s’est fait élire députée en 2002 (pourtant, Simone Veil n’était pas elle-même députée), enfin, Nicolas Sarkozy qui l’a nommée ministre (pour une réforme des universités très difficile qu’elle a réussie avec brio). Tout de même, citer dans le même discours Simone Veil et le "grand remplacement", il fallait oser. Simone doit se retourner au Panthéon.

Elle a aussi cité François Fillon quand elle a parlé de la dette publique, et que l’ancien Premier Ministre affirmait qu’il dirigeait un État en faillite. Là encore, de la part de Valérie Pécresse, c’est très maladroit de citer cette phrase qui avait vertu de boutade et pas de proclamation, devant des catégories professionnelles qui demandaient de l’argent et le chef du gouvernement répondait simplement que l’État n’avait plus d’argent à leur donner. Après cette déclaration, à cause de la crise de 2008, son gouvernement a pourtant fortement endetté le pays pour relancer l’économie nationale, et Emmanuel Macron a fait de même pendant la crise sanitaire. La référence est donc peu efficace.

Si en plus elle voulait se montrer antisociale, elle n’aurait pas fait autrement que proclamer que tout bénéficiaire du RSA soit dans l’obligation de fournir 15 heures par semaine à la collectivité : c’est le meilleur moyen d’enfermer les plus pauvres dans la précarité, comme si ces heures bénévoles devaient les aider à retrouver un emploi qui se recherche à plein temps (là encore, cette droite ne comprend rien à la solidarité nationale). Pour les retraités, la candidate LR a proposé que le minimum retraite soit égale au SMIC, lorsque toutes les annuités ont été acquises.

Quel crédit apporter à la présidente de la "région capitale" lorsqu’elle souhaite une "vraie décentralisation" basée sur la "simplification" et le "bon sens" ? Il faut toujours se méfier de la simplification et du bon sens. Le bon sens, c’est comme la "nature", chacun y met ce qu’il entend. Quant aux simplifications, cela fait une trentaine d’années qu’il y a des sous-ministres chargés de la simplification administrative ou de la réforme de l’État, et étrangement, cela a rendu les choses encore plus compliquées, car on n’enlève pas de la complexité, on rajoute un élément pour modifier la complexité en le rendant encore plus complexe (il y a de nombreux exemples depuis une trentaine d’années, comme le CICE).

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Intéressant a été le passage de Valérie Pécresse sur l’échec. Reprenant la philosophie anglo-saxonne qui veut qu’un échec, c’est d’abord une bonne expérience qui empêchera d’échouer une seconde fois de la même manière, elle a proclamé assez audacieusement : « Si vous avez échoué, c’est d’abord que vous avez tenté ! ». Crédible aussi son laïus sur les jeunes et leur richesse pour l’avenir : « Je veux donner sa part de chance à chaque enfant de France ! ».

En revanche, lorsqu’elle a dit qu’elle était "indomptable", c’était moins crédible car cela ne lui ressemblait pas. Comme lorsqu’elle a parlé de "réconciliation" qui était pourtant un thème important, elle a eu raison d’insister sur le besoin de réconciliation et surtout, sur la méthode pour réussir les réformes, mais pourquoi l’a-t-elle dit en criant avec agressivité ? Elle me faisait penser à Anne-Aymone Giscard d’Estaing, que son mari avait demandé d’accompagner pour les vœux aux Français de l’année 1975, et, timide, elle disait sur un ton glacial qu’elle souhaitait les vœux les plus chaleureux. On ne souhaite pas la réconciliation sur un ton agressif.

Et pour ceux qui avaient mal écouté pendant l’heure vingt de son discours, elle a résumé à la fin, aux micros qui l’attendaient "après-match", le contenu de son long et ennuyeux discours en trois verbes : elle veut « protéger, reconstruire et réinventer ». Protéger serait macronien, c’est un thème souvent utilisé par Emmanuel Macron pour justifier la construction européenne. Restaurer serait plus zemmourien.

Comme je l’ai expliqué, le fait de ne pas être une excellente oratrice n’est pas un problème, c’est une question d’entraînement et si elle s’améliore, on oubliera cela très vite, elle a deux mois encore. Certes, les commentaires qu’on lit à la suite des vidéos de sa prestation, sont sans pitié, évoquant un une vidéo qu’il a crue mise en ralenti, un autre un sketch digne des Inconnus, etc. mais je soupçonne que les militants zemmouriens ont envahi les réseaux sociaux pour rédiger massivement ce genre de commentaires peu flatteurs.

En revanche, ce qui me gêne énormément, c’est que Valérie Pécresse ne sort pas de sa stratégie complètement inefficace : en reprenant à son compte la théorie du "grand remplaçant" (que Michel Barnier a tenté le soir d’expliquer, complètement à côté de la plaque), elle signifie clairement qu’elle cherche à concurrencer Éric Zemmour, et pourtant, l’original est toujours meilleur que la copie (dirait l’autre), elle ne gagnera pas les électeurs tentés par l’extrême droite mais elle repoussera définitivement les anciens électeurs de François Fillon (ils seraient 26% selon un sondage) qui soutiennent désormais Emmanuel Macron, concluant qu’il n’y a plus que trois candidats d’extrême droite et le Président sortant.

Bref, aujourd’hui, Valérie Pécresse s’est ultradroitisée, pire que ce qui l’avait fait justement quitter LR il n’y a pas si longtemps. C’est un terrible gâchis, car Valérie Pécresse vaut bien plus que d’être mise sous tutelle par les ultradroitiers de son parti qui n’ont pas gagné la primaire. Oui, Valérie Pécresse a du mérite d’être candidate, oui, elle est crédible quand elle parle de sa ténacité, de sa force de caractère à une époque où il était impensable qu’une femme puisse être élue Présidente de la République, mais il faut bien l’avouer ce soir, sur le plan des idées, elle s’est complètement plantée, et je ne comprends pas qu’un seul centriste puisse encore aujourd’hui la soutenir… à moins de vouloir des ministères.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 février 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (30) : la Nouvelle Valérie Pécresse ?
Discours de Valérie Pécresse au meeting du 13 février 2022 au Zénith de Paris.
Programme 2022 de la candidate Valérie Pécresse.
Situation des parrainages pour les candidats de la présidentielle de 2022 (mise à jour régulièrement).
Éric Woerth.
Élysée 2022 (29) : Emmanuel Macron sera-t-il candidat un jour ?
Élysée 2022 (24) : Valérie Pécresse, entre savoir-faire et savoir-plaire.
Élysée 2022 (19) : l’effet Valérie Pécresse.
Élysée 2022 (18) : Valérie Pécresse, naissance d’une leader.
Second tour du congrès du parti Les Républicains le 4 décembre 2021.
Élysée 2022 (16) : ce sera le duel Ciotti-Pécresse.
Élysée 2022 (15) : le quatrième et ultime débat des candidats LR.
Élysée 2022 (14) : L’envol d’Éric Ciotti ?
Renaud Muselier.
Philippe Juvin.
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220213-pecresse.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-30-la-nouvelle-valerie-239378

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/02/12/39345502.html








 

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11 février 2022 5 11 /02 /février /2022 03:51

« J’ai trouvé que ma formation politique, dont je suis membre depuis 1981, a dérivé. »




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C’est par cette petite phrase que l’ancien ministre LR Éric Woerth a expliqué le 9 février 2022 dans "Le Parisien" qu’il soutenait la candidature du Président Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2022. Un soutien qui n’a pas surpris, même s’il a déçu ses amis de LR, comme Gérard Larcher, le Président du Sénat. À l’Assemblée Nationale où il préside la stratégique commission des finances depuis juin 2017, il a quitté le groupe LR pour rejoindre, en tant que membre apparenté, le groupe LREM.

Ce choix d’un fidèle gaulliste qui a réussi à rester fidèle pendant les années 2000 tant à Jacques Chirac qu’à Nicolas Sarkozy, n’apportera peut-être pas beaucoup de voix, au niveau national à Emmanuel Macron (dans le département de l’Oise, en revanche, si), mais ce soutien est surtout un tremblement de terre interne aux Républicains.

L’argument (qui d’ailleurs n’a pas "pris") sur le Président qui aurait "cramé" la caisse, utilisé par la candidate Valérie Pécresse, n’a plus beaucoup de sens à partir du moment où le meilleur représentant de l’orthodoxie budgétaire s’appelle justement Éric Woerth. Diplômé IEP Paris et HEC, il a commencé sa vie active comme consultant pour de l’optimisation fiscale. D’un point de vue professionnel, il a longtemps été le monsieur gros sous du RPR et de l’UMP, directeur administratif et financier du RPR en 1993, et de la campagne de Jacques Chirac en 1995, trésorier de l’UMP en novembre 2002, président de l’association du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Il a surtout été un ministre des comptes publics (voir plus loin) très rigoureux.

L’argument n’est pas financier, mais non plus affectif vis-à-vis de Valérie Pécresse dont il pouvait se sentir proche politiquement, à fois chiraquienne et sarkozyste. Et surtout, de "droite modérée". Or, depuis quelque temps, LR n’est plus de droite modérée mais en compétition permanente avec l’extrême droite. Éric Woerth avait cru que Valérie Pécresse serait candidate avec ses valeurs, elle-même avait quitté LR en 2019 parce qu’elle s’inquiétait de cette dérive droitière, et depuis décembre 2021, il y a cette impression que la candidate LR est prise en otage par les plus extrémistes de LR, chargés de faire de la surenchère avec le candidat Éric Zemmour, chargés de faire du populisme sans en avoir l'air.

En deux mois de campagne, c’est bien la nausée que ressent Éric Woerth : ce n’est plus son parti, plus ses valeurs, plus sa droite, et on pourrait même ajouter, ce n’est plus "sa" Valérie Pécresse. À quoi cela servirait-il de faire de la surenchère avec Éric Zemmour sinon pour l’aider idéologiquement à justifier ses nombreuses prises de position scandaleuses ?

Éric Woerth a d’ailleurs résumé assez bien lorsqu’il dit qu’il faut préparer la France de demain, celle de ses enfants, et pas revenir à la France d’hier, celle où il était enfant. Le problème de positionnement est d’ailleurs crucial pour Valérie Pécresse : si elle fait du Zemmour, on préférera voter Zemmour à elle ; si elle fait du Macron, autant aussi voter Macron. On ne votera donc pour Valérie Pécresse que si on sort des idéologies, des positionnements et des programmes et qu’on veut voter Pécresse pour Pécresse, comme on a voté Chirac pour Chirac ou Sarkozy pour Sarkozy.

Or, aujourd’hui, Valérie Pécresse s’efface politiquement derrière les idées de son ancien adversaire Éric Ciotti. Qu’en serait-il si, une fois élue Présidente, Valérie Pécresse serait toujours aussi influencée par différentes pressions politiques qu’elle ne manquerait pas de connaître ? Un chef doit cheffer, c’est valable aussi pour une candidate. Son programme doit être le sien et pas celui d’un autre.

C’est donc cette déception que constate Éric Woerth : ce que propose Valérie Pécresse n’est plus ses valeurs, plus sa vision de la France. Face à elle, un Président sortant qui a déjà l’expérience, qui a su bien gérer la crise sanitaire et qui est le plus adapté à relever les nombreux défis du prochain quinquennat : « Nous avons besoin de réformes et de stabilité. On ne peut pas avoir un Président débutant tous les cinq ans. ». C’est sûr que parmi les adversaires du futur candidat Président, personne ne peut démontrer son aptitude à parler pendant cinq heures seul avec Vladimir Poutine !

Éric Woerth a suivi une carrière politique assez classique. Conseiller régional de Picardie à 30 ans, de mars 1986 à juillet 2002, après s’être présenté aux municipales de mars 1983 à Creil, sa ville natale, dans l’Oise, il s’est présenté à Chantilly en mars 1989, puis a été élu maire de Chantilly de juin 1995 à juin 2017, suppléant du député RPR Arthur Dehaine (maire de Senlis) de 1997 à 2002, puis son successeur dans la circonscription, depuis juin 2002, élu et réélu député de l’Oise sans discontinuité sauf ses entrées au gouvernement.

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Homme de confiance de Nicolas Sarkozy, il a été trois fois ministre : Secrétaire d’État chargé de la Réforme de l’État du 31 mars 2004 au 31 mai 2005 dans le troisième gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, il a été nommé, dans les deux premiers gouvernements de François Fillon, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État du 18 mai 2007 au 22 mars 2010, puis Ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique du 2 mars 2010 au 13 novembre 2010, chargé notamment de la très cruciale réforme des retraites.

En début 2010, on le disait même premier-ministrable. Néanmoins, en novembre 2010, il n’a pas été reconduit dans le gouvernement suivant en raison de ses implications dans des affaires judiciaires qui ont abouti, pour lui, à un non-lieu et à une double relaxe (il pourrait d'ailleurs y avoir une relation de cause à effet entre son importance pour la réforme des retraites et la possibilité de Matignon, et ces affaires qui ont surgi soudainement). Nicolas Sarkozy lui a redonné un gage de confiance lorsque l’ancien Président a fait son retour à la présidence de l’UMP/LR en étant son secrétaire général de LR du 15 décembre 2015 au 29 novembre 2016.

Il est peu probable qu’à 66 ans, le député de l’Oise entende faire fructifier son soutien en cas de second quinquennat, par exemple en revendiquant un ministère (celui des finances serait le plus adapté). Certes, il pourrait attendre son bâton de maréchal pour un retour au gouvernement, sorte de revanche après son obligation de quitter son ministère en 2010, mais il reste encore impliqué dans d’autres affaires qui ont trait au financement de la campagne de Nicolas Sarkozy.

Ces derniers jours, il n’était pas le seul à rejoindre Emmanuel Macron parmi les élus ou anciens ministres LR, parfois proches de Nicolas Sarkozy : la veille, le 8 février 2022, Catherine Vautrin, présidente de l’agglomération de Reims et ancienne sous-ministre, a elle aussi apporté son soutien à Emmanuel Macron, et également Caroline Cayeux, maire de Beauvais, le 9 février 2022, l’ancienne sous-ministre Nora Berra et la maire de Calais Natacha Bouchart le 11 février 2022. Cela commence à faire beaucoup de personnalités qui n’ont jamais été au centre mais à droite, et qui ne se retrouvent plus dans les positions hystérisées de leur (ancien) parti.

En suivant la ligne droitière des ultras de LR (dont certains ont d’ailleurs rallié Éric Zemmour), Valérie Pécresse est tombée dans un piège infernal en alimentant la campagne de ses adversaires d’extrême droite et en créant un écart entre sa nature modérée et son discours ultradroitier. En ne faisant pas campagne sur les thèmes qui la caractérisent le mieux, elle s’empêche d’être elle-même l’incarnation d’un projet présidentiel cohérent. Éric Woerth n’a fait que prendre acte de ce constat.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 février 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Éric Woerth.
Élysée 2022 (29) : Emmanuel Macron sera-t-il candidat un jour ?
Élysée 2022 (24) : Valérie Pécresse, entre savoir-faire et savoir-plaire.
Élysée 2022 (19) : l’effet Valérie Pécresse.
Élysée 2022 (18) : Valérie Pécresse, naissance d’une leader.
Second tour du congrès du parti Les Républicains le 4 décembre 2021.
Élysée 2022 (16) : ce sera le duel Ciotti-Pécresse.
Élysée 2022 (15) : le quatrième et ultime débat des candidats LR.
Élysée 2022 (14) : L’envol d’Éric Ciotti ?
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Philippe Juvin.
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
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7 février 2022 1 07 /02 /février /2022 03:41

« J’ai d’abord l’obsession que la phase aiguë de l’épidémie et le pic de la crise géopolitique actuelle soient derrière nous. Je ne peux pas raisonnablement expliquer aux Français que je vais m’adonner à ce temps démocratique important, alors que je leur ai dit que je serais Président jusqu’au bout et que nous avons une crise à la frontière ukrainienne qui menace notre sécurité collective. » (Emmanuel Macron, "La Voix du Nord", le 1er février 2022).




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Le Président de la République Emmanuel Macron se rend à Moscou ce lundi 7 février 2022 dans l’après-midi pour rencontrer le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine et chercher à renouer les liens pour préserver la paix et la sécurité en Europe, puis il ira à Kiev le lendemain pour rencontrer son homologue ukrainien. Emmanuel Macron n’est toujours pas candidat à l’élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022, mais il est en tête de tous les sondages depuis des mois, il vient, le 3 février 2022, d’atteindre les 500 parrainages d’élus (on peut lire la situation au jour le jour ici), mais il n’a pas le temps de faire campagne car il doit d’abord sauver le monde, remettre l’Europe sur les rails, éradiquer le variant omicron et se donner une nouvelle stratégie au Mali. Ouf !

Le problème, c’est qu’avec cette logique, le Président sortant ne sera jamais candidat. D’un jour à l’autre, le nombre de tuiles qui peuvent tomber sur le nez est incommensurable : un attentat djihadiste, une crise financière, une inondation, un tremblement de terre… tout peut arriver et il arrivera bien un moment où il faudra quand même se déclarer. Ou alors, laisser son tour.

Ce qui est amusant, d’ailleurs, c’est que les autres candidats, tous déclarés (la dernière incertitude concernait Christian Taubira), attendent la venue dans l’arène d’Emmanuel Macron pour que la bataille présidentielle commence enfin. C’est là l’erreur des adversaires : une campagne présidentielle ne doit jamais se référencer aux autres, juste exposer son projet, suivre son fil, faire soi-même son agenda, ne rien attendre des autres et encore moins d’Emmanuel Macron. À moins, bien sûr, que toute sa campagne soit basée avant tout sur l’opposition au Président sortant. Mais avec François Hollande en 2012, on a vu ce que cela donnait de voter par défaut contre un Président sortant, Nicolas Sarkozy en l’occurrence.

Emmanuel Macron a déjà eu tous ses parrainages, et ce n’est pas une surprise, il suffisait que chaque député de la majorité lui trouvât un maire prêt à le parrainer pour dépasser largement le seuil imposé. Ce qui est plus surprenant, c’est que ses parrains l’ont parrainé dès le 3 février 2022 alors que les autres candidats dont l’implantation locale est suffisamment solide pour n’engendrer aucune inquiétude, ils n’en sont pas encore là : seulement 324 pour Valérie Pécresse, 266 pour Anne Hidalgo, 159 pour Fabien Roussel (les autres soutenus par un parti ayant moins d’implantation locale, l’arrivée de leurs parrainages au Conseil Constitutionnel se fait logiquement de manière plus aléatoire). Il y a donc un "désir fort" d’Emmanuel Macron, parmi les élus locaux !

La situation d’un Président sortant à la veille d’une élection où il sollicitera sa reconduction est inédite dans l’histoire de la Cinquième République (et dans l’histoire tout court). Jusqu’à maintenant, jamais un Président sortant n’a été aussi populaire et surtout (car ce sont deux éléments distincts), jamais un Président sortant n'a bénéficié d’un niveau aussi important d’intentions de vote, en gros, autour du quart de l’électorat, et cette base a été stable pendant tous les soubresauts de la précampagne présidentielle depuis l’été dernier.

Je prends en compte, bien sûr, les Présidents sortants qui ont été effectivement en charge du pouvoir au moment de l’élection présidentielle, pas ceux qui, bénéficiant d’une cohabitation qui a rendu impopulaire le gouvernement en exercice, et donc, qui a rendu leur passivité populaire, pouvaient imaginer une réélection sans bilan, à savoir François Mitterrand et Jacques Chirac (pour ce dernier, la réélection était toutefois hautement improbable). Finalement, deux prédécesseurs seulement ont été dans ce cas de 2022 (j’exclus volontairement De Gaulle qui n’avait pas été élu au suffrage universel direct en décembre 1958).

Valéry Giscard d’Estaing était donné largement favori à sa réélection, d’autant plus que François Mitterrand, représentant de la vieille gauche, avait su faire taire les ambitions velléitaires de son rival moderne Michel Rocard. À partir du début du mois de février 1981, il a décroché dans les sondages. L’affaire stupide des diamants l’a complètement plombé (le 27 janvier 1981, interview sur Antenne 2), j’écris stupide car au début, il avait refusé de se défendre sur le sujet, ce qui était pris pour une marque de mépris. Il a déclaré sa candidature très tardivement, le 2 mars 1981 (qui est l’équivalent du 15 février 2022 par rapport au premier tour) et le "citoyen candidat" n’a pas pu rattraper son retard sur son concurrent socialiste.

Nicolas Sarkozy, dans une situation plus comparable et plus proche des moyens de campagne actuels (réseaux sociaux, chaînes d’information continue, web permettant de vérifier facilement et rapidement des données factuelles, etc.), s’est déclaré, lui aussi, tardivement, le 15 février 2012, mais il avait avancé de deux semaines sa déclaration car il avait décroché dans les sondages. En fait, il n’avait jamais été en tête face à François Hollande et restait dans la position de challenger (ce qui était nouveau). Selon lui, il lui aurait manqué quinze jours pour remonter dans "l’opinion publique" et prendre l’avantage. C’est son interprétation, et sans même évoquer la tonalité ultradroitière de sa campagne, il n’était pas nécessaire d’être devin pour imaginer la destinée d’un candidat qui annonçait la hausse de la TVA à moins de trois mois du premier tour !

Le seul élément de comparaison qu’on pourrait faire dans cette précampagne, ce serait en 1988, avec François Mitterrand, qui a annoncé encore plus tardivement que les autres sa candidature (le 22 mars 1988) et qui s’est trouvé assez soutenu par une vague de fond, mais il ne conduisait plus la politique de la nation depuis deux ans (il est d’ailleurs amusant de voir que les premières affiches favorables à Emmanuel Macron reprennent son profil comme les affiches de précampagne qui louaient la génération Mitterrand).

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Il ne faut pas cependant considérer que tout est joué. Comme dans chaque élection, jamais rien n’est joué d’avance, sinon, la succession des Présidents de la République aurait été très différente : Édouard Balladur en 1995, Lionel Jospin en 2002, Ségolène Royal en 2007, Dominique Strauss-Kahn en 2012 et Alain Juppé en 2017. Depuis près de trente ans, il y a donc une sorte de malédiction qui s’abat sur le candidat favori. Méfiance, donc !

Jamais aucun candidat n’a gagné une élection présidentielle sur son bilan de sortant. Il peut bien sûr la perdre à cause de son bilan, mais lorsque le bilan est considéré comme positif (c’était le cas pour Édouard Balladur et Lionel Jospin, je parle de la perception, pas forcément de la réalité qui sera jugée par les historiens), ce n’est pas suffisant : il faut proposer aux Français une vision originale et séduisante de l’avenir de la France, une vision qui les fasse rêver, ou du moins, qui les enchante (ce qu’avait réussi à faire François Hollande dont la duplicité était pourtant évidente, mais ça a marché).

Depuis De Gaulle exclu (il y a eu la guerre d’Algérie), je crois qu’on peut raisonnablement dire qu’Emmanuel Macron a eu la Présidence la plus difficile qu’un Président n’ait jamais eu à exercer : non seulement il y a eu la crise des gilets jaunes qui était plus qu’un simple mouvement social, mais surtout, il y a eu la pandémie de covid-19, d’une gravité mondiale exceptionnelle depuis plus d’un siècle. Et la moindre des choses qu’on puisse dire (et j’y reviendrai), c’est qu’Emmanuel Macron a plutôt bien gére la crise sanitaire, malgré sa durée et sa complexité. La décrue maintenant très rapide de l’épidémie du variant omicron (une descente de plus de 26% des nouveaux cas quotidiens en une semaine), venue à ce moment de la campagne, pourrait nourrir (stupidement) le complotisme, comme si le virus s’arrêtait juste avant l’élection.

Je pense qu’il n’y a pas un Français, hors du gouvernement, qui n’aurait pas un mot à dire, d’énervement, de contrariété, d’opposition, d’incompréhension, d’ironie, de lassitude, face aux décisions sanitaires du gouvernement depuis le début de cette crise (moi y compris, en particulier le refus de confinement en janvier 2021), mais la principale vision d’Emmanuel Macron fut de vacciner vacciner vacciner, et l’outil efficace qu’est le passe sanitaire transformé ensuite en passe vaccinal a permis d’avoir l’un des taux de couverture vaccinale les plus élevés du monde (plus de 93,7% des Français de 12 ans et plus ont reçu au moins une dose). Et cette vision a sauvé énormément de vies humaines, d’autant plus de vies qu’on ne savait pas quel serait l’avenir de l’épidémie avec les variants delta et omicron. Les gens ne voteront pas pour cette raison (sinon, le Président sortant aurait un score de dictateur communiste, 93,7% !), mais ils lui en savent gré, et surtout, ils attendent toujours ce qu’auraient fait les autres candidats.

La campagne donc courte d’Emmanuel Macron devra avoir deux objectifs : défendre le bilan du quinquennat qui est loin d’être négatif, et proposer sa vision de la France dans dix, vingt ans. En fait, si l’on veut bien comprendre, cette vision est déjà largement connue, il a parlé de l’horizon 2030 pour la France des technologies, et il a aussi présenté sa vision de l’Europe de demain. Reste à la présenter clairement aux Français pendant ce moment privilégié de dialogues et d’échanges (qui ne doit pas nécessairement passer par un débat télévisé avant le premier tour, dans la mesure où il y aurait l’inégalité d’être un candidat contre tous les autres, mais Emmanuel Macron a toujours apprécié les défis, et il n’a jamais reculé devant une confrontation d’idées).

Le premier risque d’Emmanuel Macron, c’est de croire, ou pire, de faire croire que la réélection est dans la poche. Jusqu’au dépouillement du dernier bulletin de vote, jamais rien ne sera dans la poche en démocratie. La course largement en tête dans les sondages laisse croire, à ses électeurs potentiels, qu’il n’y aurait pas besoin de se mobiliser, ou pire, qu’ils pourraient aider des petits candidats au premier tour en se laissant le second tour pour faire le choix sérieux. L’expérience de 2002 montre que l’éviction dès le premier tour des dirigeants sortants n’est jamais impossible et peut se produire par manque de mobilisation.

Mais il n’y a pas que le risque de démobilisation, il y a aussi le risque d’arrogance en considérant la réélection comme une formalité. Invité à répondre aux questions des téléspectateurs de BFM-TV sur le covid-19 dans la soirée du 2 février 2022, le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a affirmé que le passe vaccinal pourrait être supprimé avant juillet 2022, sans dire que d’ici à cette date, il y aurait deux élections majeures (l’élection présidentielle et les élections législatives) et la nomination probable de deux nouveaux gouvernements différents.

Du reste, depuis le début de septembre 2021, la plupart des grands candidats ont monopolisé les médias, sauf Emmanuel Macron qui, lui, lorsqu’il est présent dans les médias, ne le fait pas pour promouvoir sa candidature mais pour continuer à diriger la France. Laisser la parole aux oppositions sans répliques frontales peut aussi amener à influencer l’électorat, à laisser survivre des idées fausses, surtout lorsqu’on entend les nombreuses inexactitudes pour ne pas dire mensonges. La coalition macronienne Ensemble Citoyen ! a pourtant organisé quatre tables rondes ce dimanche 6 février 2022 dans lesquelles ont participé Édouard Philippe, Olivier Dussopt, Étienne Klein, Richard Ferrand, Laurent Hénart, François Bayrou, Frank Riester, Barbara Pompili, Nicole Notat et Stanislas Guérini. Mais, en absence de candidat, cette convention n’a eu aucun écho médiatique.

La tentation est évidemment très grande de vouloir se frotter à la réalité électorale le plus tard possible. Tant qu’il est en tête dans les intentions de vote, effectivement, il garde une avance qui est toujours acquise jusqu’à la déclaration. Mais ensuite ? Parce qu’il faudra quand même bien se déclarer un jour. À moins de faire la non-déclaration intégrale : remplir toutes les formalités pour être candidat sans communiquer sur le sujet en disant à un moment donné, juste avant la publication de la liste officielle des candidats : "vous en doutiez ?".

François Mitterrand a fait un peu cela en répondant simplement "oui" à la question du journaliste dans le journal télévisé de 20 heures sur Antenne 2, tout comme Jacques Chirac a répondu pareillement à la question de son amie maire RPR d’Avignon le 11 février 2002. S’il y a un conseil à donner à Emmanuel Macron, c’est de ne surtout pas faire comme Lionel Jospin, alors Premier Ministre à la candidature évidente et favorite, le 20 février 2002 : le faire par un fax (déjà un tantinet passéiste et très administratif) !

Pour moi, il y a un risque majeur de se présenter trop tardivement : l’incapacité du candidat à pouvoir rattraper si d’aventure il dévissait à la suite soit d’une boulette personnelle (et on sait qu’il est capable d’en faire, la dernière sur l’envie d’emm@rder les non-vaccinés), soit, moins maîtrisable, d’un événement de politique intérieure, voire de politique étrangère.

Depuis que sa rencontre avec Vladimir Poutine est connue, c’est-à-dire le 4 février 2022, les journalistes dissertent sur les possibilités de réussite de la désescalade. Il est peu probable que Vladimir Poutine aide Emmanuel Macron dans une élection qu’il scrute très attentivement au point de vouloir y influer (au même titre qu’aux États-Unis). On peut donc imaginer qu’Emmanuel Macron n’obtiendra pas grand-chose ou alors un point symbolique pour garder contenance. Le pire, c’est que ces mêmes journalistes vont s’étonner du manque de résultats. Le Président français pourra simplement dire qu’il a essayé, et effectivement, il faut essayer, toute tentative de maintenir la paix est bonne à prendre (rappelons-nous les efforts de la diplomatie avant la première guerre du Golfe en 1990 et avant la guerre en Irak en 2003). Après tout, Nicolas Sarkozy a réussi son initiative diplomatique sur la Géorgie en 2008.

On oublie que cela peut donner aussi une mauvaise image au Président de la République. On peut se souvenir de Valéry Giscard d’Estaing qui était allé rencontrer Léonid Brejnev le 18 mai 1980 à Varsovie (cinq heures d’entretiens) pour tenter de revenir sur l’invasion de l’Afghanistan. Le candidat François Mitterrand n’avait rien trouvé de mieux que fustiger son rival le mois suivant décrit en "petit télégraphiste" (au sommet du G7 à Venise, VGE avait annoncé le retrait d’une partie des troupes soviétiques d’Afghanistan).

VGE a d’ailleurs dit, le 23 mai 1980 de retour de Pologne : « Dans la vie internationale, il y a deux actions différentes : les négociations, qui ont pour objet d’aboutir à des résultats, et des conversations, qui ont pour objet d’échanger des points de vue et des réflexions. (…) Le résultat essentiel, c’est que nous avons maintenant une meilleure connaissance de nos réactions sur la situation actuelle et sur ses développements possibles. ». À cet égard, la conférence de presse d’Emmanuel Macron de ce lundi 7 février 2022 vers 19 heures à Moscou sera instructive.

La Russie ne complique les affaires de l’Europe et de la France pas seulement sur l’Ukraine, c’est le cas aussi du Mali dont le gouvernement est à la fois odieux et ingrat vis-à-vis de la France qui a perdu des dizaines de soldats venus combattre pour protéger le pays du djihadisme, et seulement du djihadisme, justement parce que la France ne veut pas s’ingérer dans les affaires intérieures du Mali. Les milices russes semblent bien plus dociles sur les "souhaits" des dirigeants maliens actuels (issus d’un double coup d’État).

C’est sûr que plongés dans la politique internationale, dans un monde si tendu, la plupart des candidats ne font pas l’affaire. Même Valérie Pécresse, elle a beau parler en russe sur France 5, cela faisait surtout gadget. Elle n’apparaît pas avec une vision personnelle originale et solide, construite depuis des années, des relations internationales et en particulier, des relations avec la Russie de Poutine, comme l’avait développée le candidat François Fillon. Même la reprise par la candidate LR de son combat pour défendre les chrétiens d’Orient n’a paru qu’une surenchère artificielle vis-à-vis du candidat Éric Zemmour alors que François Fillon en avait fait un combat personnel de longue date.

Des éditorialistes ne se privent pas de dire qu’en cas de débat avant le premier tour, on imaginerait bien Emmanuel Macron dire à Philippe Poutou ou à Anne Hidalgo : hier, j’ai téléphoné à Vladimir Poutine et demain, je m’entretiendrai avec Joe Biden. Pas la même catégorie. C’est le principe du Président sortant d’avoir l’avantage de l’expérience même s’il est le plus jeune de tous les candidats.

La véritable leçon des expériences électorales, c’est qu’aucune élection n’est acquise, ni à deux mois, ni la veille de l’échéance (des déplacements de voix peuvent survenir même pendant le samedi de réflexion). L’oublier, c’est se condamner à l’arrogance. Se la rappeler, en guise de leçon d’humilité, c’est être respectueux tant des électeurs que de la démocratie et c’est proposer une autre vision de la France que celles qu’on a entendues et vues trop souvent ces cinq derniers mois avec nausée et écœurement. Il est temps que la campagne commence vraiment, et celle-ci sur des notes positives, optimistes et chargées d’histoire et d’espérance !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 février 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (29) : Emmanuel Macron sera-t-il candidat un jour ?
Situation des parrainages pour les candidats de la présidentielle de 2022 (mise à jour régulièrement).
Enfin, une vision européenne !
Discours du Président Emmanuel Macron au Parlement Européen le 19 janvier 2022 à Strasbourg (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron assume sur les antivax.
Emmanuel Macron dans "Le Parisien" le 5 janvier 2022.
Vœux d’Emmanuel Macron : protéger les Français et renforcer la France par l’Europe.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Introspectif et tourné vers l’avenir, Emmanuel Macron justifie (presque) tout.
Emmanuel Macron l’Européen, Président jusqu’au bout.
La France d’Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 9 novembre 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
COP26 : face à l’alarmisme, le leadership mondial d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron, l’homme qui valait 30 milliards.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220206-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-29-emmanuel-macron-239185

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/02/06/39336788.html











 

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3 février 2022 4 03 /02 /février /2022 03:05

« Avec la France des Jours heureux, je vous propose un pacte pour une République nouvelle qui en finira avec le chômage et redonnera son sens au travail. Qui fera des biens communs sa propriété, en commençant par la santé et l’éducation. Qui proclamera que la jeunesse est une grande cause nationale. Etc. » (Programme de Fabien Roussel en 2022).




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Le jeu de mots est facile avec le candidat communiste à l’élection présidentielle Fabien Roussel. Tombé dans la marmite du parti communiste français quand il était petit (ses parents sont communistes et le choix du prénom Fabien procédait bien de la volonté d’honorer le colonel Fabien, résistant communiste, dont la place à Paris est le siège très fonctionnel du PCF.

Fabien Roussel est un nouveau venu de la scène politique nationale depuis cinq ans, et sa détermination à se présenter en candidature autonome de tout autre considération commence à porter ses fruits. Il faut revenir rapidement à son parcours.

Il est un pur produit de PCF comme il sait en faire, un apparatchik : son père était adjoint de Jacques Mellick à Béthune et travaillait pour "L’Humanité", "l’organe" du parti. Journaliste lui-même (cadreur), Fabien Roussel a collaboré avec FR3 Champagne-Ardenne jusqu’en juin 1997 où il a intégré le cabinet ministériel de la sous-ministre communiste Michelle Demessine (Tourisme), adjointe de Martine Aubry à Lille en mars 2001. En octobre 2001, Fabien Roussel a rejoint le député communiste du Nord Alain Bocquet, également président du groupe communiste à l’Assemblée Nationale, comme attaché parlementaire.

Engagé en politique sous l’étiquette du PCF, Fabien Roussel s’est présenté aux cantonales en mars 2004 à Lille, puis aux municipales de mars 2014 et mars 2020, il a été élu conseiller municipal de Saint-Amand-les-Eaux, sur la liste du maire sortant qui n’était autre qu’Alain Bocquet. Candidat aux régionales de décembre 2015, il a vu sa liste battue dès le premier tour aux Hauts-de-France. Pressenti pour mener la liste communiste aux régionales de juin 2021, il a finalement renoncé au profit d’une liste d’union de la gauche dirigée par l’écologiste Karima Delli.

Touché par le cumul des mandats, Alain Bocquet a renoncé à son siège de député en juin 2017 pour privilégier celui de maire et Fabien Roussel s’est présenté dans cette circonscription (20e Nord) en gardant le député sortant comme suppléant, et est élu au second tour avec 64% contre son adversaire FN.

En octobre 2018, au sein du PCF, la motion d’orientation de Fabien Roussel et André Chassaigne, président du groupe communiste à l’Assemblée Nationale, est arrivée en tête, devant celle du secrétaire national sortant Pierre Laurent. Au 38e congrès du PCF, Fabien Roussel a ainsi été élu secrétaire national le 25 novembre 2018, et a profité de cette nouvelle tribune pour soutenir le mouvement des gilets jaunes.

Comme on le voit, la ligne de Fabien Roussel semble être un repli sur les fondamentaux du PCF car l’approche de l’élection présidentielle de 2022 a provoqué un clivage entre ceux qui souhaitaient poursuivre leur soutien à Jean-Luc Mélenchon comme en 2012 et en 2017 et ceux qui souhaitaient reprendre leur liberté et se recompter, chose qui n’a pas été faite depuis quinze ans. La ligne Roussel l’a emporté sur la ligne Buffet. Fabien Roussel a déclaré officiellement sa candidature le 13 mars 2021 et elle fut ratifiée par les adhérents quelques semaines plus tard.

La candidature de Fabien Roussel est donc une nouveauté dans le paysage politique. Et il n’y a aucune raison pour qu’il se retire car Fabien Roussel n’a rien à perdre. En effet, depuis 1995, aucun candidat n’a obtenu au moins 1 million de voix. Les deux dernières participations furent désastreuses : Marie-George Buffet n’a obtenu que 1,9% en 2007 et Robert Hue 3,4% en 2002 (il avait eu 8,6% en 1995). C’est très loin du score historique de Jacques Duclos en 1969 (21,3%) et du score qu’on disait à l’époque désastreux de Georges Marchais en 1981 (15,4%).

Mine de rien, la candidature de Fabien Roussel, avec de faibles moyens, semble "prendre", certes modestement mais pas de manière ridicule. En tout cas, beaucoup moins que celle de l’ancien ministre et clown Arnaud Montebourg qui a finalement déclaré forfait. Malgré sa faible notoriété, Fabien Roussel est maintenant crédité dans les sondages autour de 3%-4%, avec cette humiliation pour Anne Hidalgo de faire jeu égal avec elle, voire de bientôt la dépasser.

Le patron du PCF n’aura, semble-t-il, aucun problème pour collecter les 500 parrainages, car ce parti est localement très structuré et bien implanté. Le risque, plutôt, c’est que Jean-Luc Mélenchon, qui a jusqu’alors toujours bénéficié du soutien du PCF, ne puisse pas atteindre ces 500 parrainages.

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Pourquoi Fabien Roussel commence-t-il à plaire ? Son franc-parler ? Peut-être parce qu’il a supprimé sur ses affiches électorales toute mention du parti communiste français. Le slogan de janvier 2022 est même "Pas besoin d’être communiste pour voter Fabien Roussel", c’est dire.

À bientôt 53 ans (il les aura entre les deux tours), Fabien Roussel a effectivement une personnalité intéressante, car il fait campagne "à l’ancienne", rencontrant les gens, faisant des meetings, suivant son bonhomme de chemin sans se préoccuper des hystéries médiatique du moment et pas du tout impliqué, même involontairement, dans la "primaire populaire".

Mais surtout, il se fait apprécier par la volonté de rester dans la vieille gauche, celle qui ne s’est pas noyée dans une sorte de communautarisme, dans le wokisme, etc. (il faudra cependant bien lire le programme pour en être certain). Il refuse en effet tous les thèmes de campagne à la mode à gauche (et en particulier chez FI), comme tout ce qui est "sociétal", récusant même les slogans anti-police des militants gauchistes (au contraire, il a étonné en manifestant aux côtés des syndicats policiers le 19 mai 2021). Il y a conforté d’ailleurs un clivage interne qu’on retrouvait sur le soutien à Jean-Luc Mélenchon ou à une candidature autonome.

De même, défendant le "droit au blasphème", il a rejeté tout communautarisme, soulignant : « Je pense que les réunions segmentées selon la couleur de sa peau, sa religion ou son sexe, ça divise le combat. ». Il a rendu hommage à "Charlie Hebdo" le 7 janvier 2022, ce qui a, là aussi, troublé une certaine islamo-gauche (dans une candidature locale, le dessinateur Charb l’avait autorisé à utiliser un de ses dessins sur une des affiches). Et toujours en opposition avec les mélenchonistes, Fabien Roussel a redit son attachement à l’énergie nucléaire (« construction de six EPR supplémentaires au minimum »), notamment parce que cette énergie est bon marché et n’émet pas de carbone (ce qui n’est pas nouveau au PCF, il y a toujours eu une forte opposition entre communistes et écologistes sur le nucléaire).

Toutes ces prises de position, en particulier ses positions régaliennes sur la sécurité, très rares à gauche où les candidats sont quasiment tous tombés dans le sociétal ou dans la vacuité, font que Fabien Roussel serait le candidat de gauche préféré de la droite selon certains éditorialistes !

Il a réussi à surmonter son déficit de notoriété par un déclaration qui n’est pas passée inaperçue, prononcée le dimanche 9 janvier 2022 : « Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : c’est la gastronomie française. Le meilleur moyen de la défendre, c’est de permettre aux Français d’y avoir accès. ».

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Ces propos (qui font penser à l’apéro saucisson pinard d’une certaine droite) ont créé la polémique chez les écologistes et les militants végans, mais ces militants l’ont plutôt rendu sympathique car il montre un homme simple, qui ne s’ennuie pas par de considérations tordues et qui reconnaît apprécier les bons côtés de la vie. Il pourrait être la surprise à gauche de la présidentielle, siphonner les voix de Jean-Luc Mélenchon.

Son programme, Fabien Roussel l’a titré "La France des Jours heureux", ce qui est une expression reprise à Emmanuel Macron au cours d’une allocution télévisée lors de la première vague de covid-19 le 13 avril 2020. Écrit en illisible inclusif, il contient 180 points répartis sur 67 pages !

C’est donc long et compliqué à lire, mais peut-être que la plus importante proposition est au fond en contradiction avec le principe même de la candidature de Fabien Roussel : « Le Président de la République n’aura plus qu’un rôle de représentation de la nation et, pour en finir avec sa prééminence, son élection au suffrage universel sera supprimée. ». C’est assez étrange de se dire démocrate et de refuser l’élection du Président de la République par le peuple, d’autant plus que le texte, à mon sens, contient une erreur de rédaction, cela voulait dire : « son élection au suffrage universel direct sera supprimée », car même les Présidents de la Troisième et Quatrième Républiques étaient élus au suffrage universel, mais indirect, par les parlementaires eux-mêmes dépositaires du suffrage universel.

Mais au-delà du fond et de la signification de la démocratie, c’est bien un autre point qui est remis en cause avec cette proposition (numéro132), et qui se retrouve dans beaucoup d’autres propositions : son réalisme. L’élection présidentielle est l’élection reine en France, et personne n’acceptera qu’on leur vole ce rendez-vous si important. Fabien Roussel lui-même a admis que sa candidature avait pour objectif une meilleure visibilité politique du PCF (on voit qu’avec cette philosophie, l’union de la gauche est bel et bien un leurre).

Toujours dans la rubrique réalisme, la proposition 29, qui a le mérite d’être en totale contradiction avec les programmes de réduction des effectifs d’autres concurrents : « Il sera créé 500 000 emplois dans la fonction publique et les services publics. ».

D’autres propositions indiquent des réalisations déjà faites par le gouvernement actuel, comme la numéro 23, qui redécouvre le réseau France Services : « L’aménagement du territoire permettra que l’usager trouve, près de chez lui, un bouquet de services publics de proximité. Ceux-ci répondront aux besoins de la vie quotidienne, avec des horaires adaptés aux attentes de chacune et de chacun. Il sera reconnu aux élus locaux et nationaux un pouvoir de contrôle et d’analyse de la couverture des besoins de la population par les services publics. ».

En fait, dans ce petit jeu présidentiel-ci, l’enjeu n’est évidemment pas l’élection présidentielle elle-même ; il est les élections législatives. Actuellement, il y a deux groupes, un mélenchoniste et un communiste. L’objectif est la survie au moins d’un groupe, avec une domination du PCF. Cette année est donc un baroud d’honneur du parti communiste français. Reste à savoir si c’est le dernier.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Fabien Roussel.
Programme 2022 du candidat Fabien Roussel.
Robert Hue.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220202-fabien-roussel.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-28-cadet-roussel-place-239106

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30 janvier 2022 7 30 /01 /janvier /2022 18:37

« S’il se dégage que c’est à moi qu’il reviendra de tenir le gouvernail, de prendre les rênes, de me bander les muscles (…) et de tenir pour qu’on avance ensemble (…), oui, je serai là. » (Christiane Taubira, le 26 septembre 2021 sur France Inter).



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Il y a de l’ego dans la phrase citée, surtout qu’elle est mise en valeur sur son site Internet, mais quel candidat n’a pas d’ego démesuré pour vouloir diriger un pays de 67 millions de Français, toujours en crise et jamais contents ? On peut dire que la dite "primaire populaire" a fait un chouette cadeau d’anniversaire à Christiane Taubira qui fête ce mercredi 2 février 2022 ses 70 ans, âge symbolique, peut-être un tantinet trop avancé pour une aventure présidentielle, mais elle a encore une forme suffisamment dynamique pour porter un projet national.

Parlons d’abord de cette étrange "primaire populaire". Une sorte d’OVNI de la vie politique. Il faut souligner que lorsqu’on se donne un adjectif, c’est toujours que celui-ci n’est pas évident. Populaire, qu’est-ce que cela veut dire ?

C’est une initiative privée provenant d’un groupe non (médiatiquement) identifié (un collectif ? qui se veut transparent) dont certains membres sont d’origines politiques diverses mais tous "de gauche", et si l’on suit l’idée de départ, ils voulaient organiser une véritable primaire avec tous les candidats de gauche avant l’été 2021 puis à l’automne 2021. C’est une sorte de start-up politique avec deux horizons, un horizon technique, construire un outil de choix d’un candidat (c’est à la fois de l’informatique et de la politique, voire de la philosophie), et un horizon politique, faire parvenir un candidat de gauche au second tour, étant donné que dans les sondages, le total des candidats de gauche ferait autour de 25%, faible, mais suffisant pour franchir l’obstacle du premier tour.


L’objectif politique est confondant de naïveté, mais qui dit que la naïveté n’est pas efficace ? La naïveté, c’est de croire qu’on peut rassembler Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo autour d’un même programme politique alors qu’ils ne sont d’accord sur rien. Mais cette naïveté politique résulte d’une forte colère politique, que peuvent aussi ressentir des personnes comme moi, placées au centre droit et qui supportent peu la phraséologie de gauche, et qui sont écœurées d’entendre depuis quatre jours l’hésitation de la nièce entre sa tante et l’homme qui exprime le mieux ses propres idées, avant qu’on les farcît de semaines et de semaines de l’épopée zemmourienne.

Comme si le débat public devait être préempté par la guéguerre entre Marine Le Pen et Éric Zemmour. À eux deux, selon les sondages actuels, ils ne représenteraient même pas un tiers de l’électorat : laissons la place aux autres ! Ce sont pourtant bien les médias qui mettent artificiellement en scène ce débat factice, qui, je le pense, va profiter à Marine Le Pen, devenue gentille éleveuse de minous, victime du méchant Zemmour prêt à lui débaucher ses meilleurs cadres pour des illusions postprésidentielles.

L’objectif technique prête aussi à discussion. J’ai cru comprendre, dans une interview, que l’inscrit qui voudrait voter devenait décliner sa carte bancaire, pas pour payer quelque chose mais pour être sûr de son identité. Cela a refroidi quelques participants potentiels. Je sais que les organisateurs ont assuré qu’ils ne conservaient pas les données bancaires, mais voter en présentant en guise de carte d’électeur sa carte bancaire me fait toujours froid dans le dos. Mais avec une telle exposition médiatique, je doute toutefois de l’hypothèse d’escroquerie financière.

En revanche, je ne doute pas du biais du mot "primaire" et de la règle de vote (le jugement majoritaire) qui empêche un recomptage. En effet, dans une élection ordinaire, les suffrages exprimés sont le total des suffrages de chaque candidat, un moyen simple de retrouver ses petits et certains assesseurs se sont arraché les cheveux à retrouver les bons chiffres (au même titre qu’on fait ses comptes : le passif doit être égal à l’actif au centime près). Ici, impossible de faire ces vérifications élémentaires (qu’on pourrait dire inutiles puisque le vote est électronique), parce que l’électeur a plusieurs droits de vote. Effectivement, le total des voix de tous les candidats ne fait pas 100% mais beaucoup plus. Cette complexité rend douteuse la conclusion du vote.

En somme, l’électeur ne vote pas, il annote, il pondère, il qualifie : il donne à chaque candidat une note de 1 à 5 et c’est celui qui a le plus de bonnes notes qui gagne. Cette méthode, qui permet d’éliminer un candidat très clivant et détesté mais qui serait le meilleur relativement aux autres moins clivants, reste douteuse dans sa philosophie : à la fin, on vote pour un homme ou une femme à l’élection présidentielle, et on sait bien que les personnes ne sont jamais interchangeables.

Alors, la "primaire populaire", c’est l’idée que si les appareils sont incapables de se rassembler, alors cela doit venir de la base, d’où l’adjectif "populaire". Le problème, c’est que la base, c’est n’importe qui et que le peuple, c’est tout le monde. Bref, tous les candidats, dès lors qu’ils représentent au moins un certain nombre d’électeurs (des centaines de milliers ? le seuil à définir), peuvent se revendiquer "populaires". Heureusement d’ailleurs.

Deux ou trois innovateurs politiques sont-ils "le peuple" ? Certainement pas, mais depuis novembre 2021, il faut bien constater qu’il y a eu une forte mobilisation jusqu’à 466 895 inscriptions (en peu plus en fait, mais il y a eu des suppressions), c’est-à-dire quasiment un demi million. C’est très important si l’on compare aux inscrits de la primaire écologiste de septembre 2021 ou au congrès LR de décembre 2021. Mais cela reste faible en part électorale. Insistons : cette "primaire" est née d’une manière plus que douteuse, sans savoir s’il y a une véritable sincérité (très naïve) ou simplement une manipulation politicienne classique (et il faudra alors en définir l’intérêt).

J’ai écrit "start-up" volontairement, car les créateurs de l’initiative ont réussi à lever des fonds, plusieurs centaines de milliers d’euros, ce qui leur a permis de salarier des personnes dans cette aventure (au 21 janvier 2022, ils ont collecté 1 000 344 euros par les dons de 22 535 personnes).

On pourrait presque dire, finalement, qu’ils ont créé un parti ex nihilo, basé sur la technique et sur la colère de l’absence d’unité de la gauche. C’est clair que c’est original, inédit et surtout, il est difficile d’en penser quelque chose avant encore trois ou quatre jours. En effet, jusqu’en novembre 2021, on pouvait soit se moquer de cette démarche soit en être indifférent, mais maintenant que des centaines de milliers de Français ont participé, c’est moins évident de faire comme s’il ne s’était rien passé. Reste donc les sondages, toujours ces sondages, pour savoir si cela va faire bouger les lignes.

Les cadres de cette primaire ont cherché à faire converger aussi les programmes de gauche, ce qui reste mission impossible, mais je constate que le slogan de cette primaire est la même double priorité que celle de Yannick Jadot : l’écologie et la justice sociale. Déjà utilisée par Anne Hidalgo pour la mairie de Paris, cette formule bientôt ne voudra rien dire. Même à la droite extrême, on serait d’accord avec ces deux préoccupations. Bref, ça ne mange pas de pain, mais n’a rien d’un "délimitateur" de la gauche.

Quatrième et dernier vice d’origine, après l’origine de la démarche (sincérité ou manipulation), le choix douteux du mode de scrutin et l’absence réelle de synthèse programmatique (dont quasiment tout le monde se moque pour aller voter à l’élection présidentielle), c’est le choix des candidats à cette primaire.

Il semblerait qu’il eût fallu des parrainages pour être en situation de postuler. C’était probablement trop tard, mais hier, j’ai tenté ma chance (a posteriori) chez Christiane Taubira et, sans le vouloir en fait, en mettant une adresse email qui n’a même pas été validée, j’ai fait incrémenter le nombre de "parrains" (son site affiche fièrement ce dimanche : "72 429 signatures". Parmi lesquelles la mienne, sans le savoir (heureusement en anonyme). Je crois cependant savoir (là encore, cela ne m’intéresse pas assez pour rechercher plus loin) que les initiateurs ont finalement abandonné l’obligation d’un seuil de parrainages.

Ainsi, plusieurs candidatures se sont présentées : Christiane Taubira (assez tardivement, le 15 janvier 2022), mais aussi, toujours prêt à partir, le candidat permanent à tous les râteliers, Pierre Larrouturou, qui a réussi à se faire élire (enfin) député européen sur la liste du PS, après être allé un temps chez EELV, et encore avant il était à l’UDF et au RPR (dans les années 1990) pour faire du lobbying sur la durée du temps de travail, il a, depuis deux ou trois élections présidentielles, cherché à obtenir les fameux parrainages des maires pour se présenter ; une ancienne adjointe socialiste de la ville de Rennes, Charlotte Marchandise ; et une étudiante quasi-anonyme qui est devenue la "cancre" utile de cette consultation. On voit, l’offre était réduite et l’issue évidente. Depuis 1848, et quoi qu’en dise Lamartine, c’est la notoriété qui l’emporte sur l’adhésion populaire dans une élection uninominale : on ne vote jamais pour un inconnu, on vote toujours si on a des arguments en faveur du candidat ; ce serait le véritable défi de Valérie Pécresse si d’aventure elle se retrouvait au second tour face à Emmanuel Macron.

Pour que cette primaire ait une signification politique, les organisateurs ont donc fait leur "marché" de candidats et ont rajouté Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, François Ruffin, Clémentine Autain et Gaël Giraud (jésuite et économiste, une personnalité hors du commun). Ils ont renoncé à inscrire sur la liste des candidats les trois derniers cités dans la mesure où ils n’ont jamais eu l’intention d’être candidats à l’élection présidentielle de 2022. En revanche, ils ont maintenu les trois premiers candidats sous prétexte qu’ils le sont effectivement.

Le problème, c’est que ces trois candidats ont refusé catégoriquement de participer à cette primaire, eux-mêmes, pour certains, désignés déjà par une (autre) primaire. En obligeant des personnalités à être candidates contre leur volonté, la question se pose sérieusement sur la sincérité du scrutin. Un avocat a même affirmé l’illégalité de cette primaire (dans une tribune au JDD le 15 janvier 2022) car cette primaire ne serait pas une primaire mais un sondage, puisqu’il y a un choix non voulu entre plusieurs personnalités. Or, les sondages sont très strictement encadrés par une réglementation rigoureuse sur le choix de la méthodologie.

Les organisateurs rejettent cette notion de sondage (leur avocat a fait lui aussi une tribune au JDD le 17 janvier 2022) car ceux qui ont voté n’ont rien d’un échantillon représentatif (et de quoi ? puisqu’il n’y a pas que des candidats de gauche, dans la vraie vie). Je ne sais pas s’il y aura une tournure judiciaire dans la suite posthume de cette primaire, mais il est certain que la nature de ces presque 500 000 inscrits pose question, au moins par curiosité : ne sont-ils que des cadres CSP+ un peu bobo sur les bords, ou certains viennent-il vraiment des milieux "populaires", ici au sens "défavorisés" ?

De plus, la candidature de Fabien Roussel (j’y reviendrai) n’a pas été retenue, ce qui ne l’a pas beaucoup ému puisqu’il n’y prêtait aucune attention, mais cela reste étonnant. Dans son FAQ, les organisateurs ont indiqué qu’entre le 11 juillet et le 11 octobre 2021, ils ont fait sélectionner dix candidats, cinq hommes et cinq femmes, par les 130 000 premiers inscrits (les signataires à leur appel). Comme il en restait au final seulement sept, son absence ne s’explique pas plus, si ce n’est sur un point de son programme : le candidat communiste est favorable à l’énergie nucléaire.

Comme je l’exprime dès le début de cette article, rien ne concourt à rendre les résultats de cette primaire, solides et sérieux pour la suite. Mais on peut croire à un effet magique. La politique, c’est souvent de la magie. Comment expliquer une cristallisation sur un thème ou un candidat et une indifférence sur un autre ? C’est souvent les caprices du temps, effet de mode, ou au contraire, précurseur, ou encore plein d’autres éléments absolument impossibles à déterminer exactement (quand on achète le véhicule le plus innovant techniquement seulement pour sa belle carrosserie, cela peut désarmer les plus compétents des raisonneurs).

Car Christiane Taubira est un "animal politique", et il n’y en a plus beaucoup sur la place publique. Jean-Luc Mélenchon en est un aussi, bien sûr.

Le scrutin a eu lieu du jeudi 27 janvier 2022 à 10 heures au dimanche 30 janvier 2022 à 17 heures 05, pendant lequel 392 738 inscrits ont pris part au vote, soit 84,1% (entre nous, il ne faut pas chercher à comprendre pourquoi 15% de personnes qui ont fait la démarche de s’inscrire n’ont finalement pas voté : elles n’avaient peut-être pas de carte bancaire ?).

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Donc, ce dimanche 30 janvier 2022 à 19 heures 12, ce qui devait arriver arriva. Après une introduction longue et laborieuse des organisateurs, la "présidente de la haute autorité de contrôle du vote de la primaire populaire" (ouf), Clara Gérard-Rodriguez est venue à la tribune dévoiler les résultats, et là, terreur ! j’avais l’impression de me retrouver en école primaire dans une distribution des bulletins. Chaque candidat avec un qualitatif "passable", "assez bien". Il manquait juste pour Anne Hidalgo "peut mieux faire".

Impossible, pour le coup, de donner un "chiffre" (élu à 66% par exemple) puisque les totaux dépasseraient les 100%. C’est donc sur un drôle de tableau d’honneur que les résultats ont été "déployés". Et vraiment sans surprise, Christiane Taubira est la première en ligne, avec la mention Bien+ (elle rate de peu le Très Bien, pourtant voulu par 49,4% des votants). Il est communiqué : « 67% des votants et des votantes ont jugé sa candidature au moins "Bien" pour faire gagner l’écologie et la justice sociale". ».

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Au-delà de cette infantilisation à ne pas connaître la réalité des adhésions des candidats, il y a quand même une surprise, ou plutôt une humiliation, puisque Pierre Larrouturou a réussi à obtenir une meilleure "note" que la candidate socialiste Anne Hidalgo. En revanche, le fait que Yannick Jadot soit arrivé devant Jean-Luc Mélenchon est logique puisque beaucoup de militants écologistes croyaient au principe de cette primaire (rappelons que Sandrine Rousseau s’était engagée à être candidate à cette primaire-là aussi).

Comme prévu, donc, Christiane Taubira a gagné le droit de faire le rassemblement à gauche et pas le droit d’être candidate en plus des autres. Mais sans doute que là est l’incompréhension entre cette initiative (dont je ne sais que penser) et l’ambition de Christiane Taubira qui s’est servie de cette primaire comme d’un simple tremplin pour "légitimer" sa candidature, et vu le nombre de ses "électeurs", elle est bien plus "légitimée" que ses désormais rivaux de gauche.

Dans sa réaction dans la soirée, Christiane Taubira a fait de l’humour involontaire en disant, comme si elle avait réellement gagné contre ses rivaux de gauche : « Je prendrai l’initiative d’appeler les autres candidats. » et elle les a cités : Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Fabien Roussel. Cela fait résonner une autre démarche, celle de l’ancien candidat Arnaud Montebourg qui s’est filmé en train de téléphoner aux autres candidats de gauche pour faire l’union et il tombait systématiquement sur un répondeur…





Écoutez le discours de Christiane Taubira du 30 janvier 2022 ! Elle savait qu’elle allait gagner, bien sûr, mais son discours montre qu’elle est une candidate beaucoup plus talentueuse qu’Annie Hidalgo et que Yannick Jadot. Dans la forme, d’abord, puisque non seulement elle a une éloquence indiscutable (ce qu’elle partage avec Jean-Luc Mélenchon), aussi sur l’expression, elle utilise des subjonctifs imparfaits (à ma connaissance, il n’y avait que Raymond Barre et Jean-Marie Le Pen à le faire), et elle utilise de nombreuses références littéraires ou historiques.

Nous en arrivons au fond. On peut croire que c’est de la mégalomanie, mais elle a situé son action dans la lignée de Jean Jaurès mais aussi de Léon Gambetta, de Léon Blum, de Pierre Mendès France et de François Mitterrand (elle ne cite pas les deux autres socialistes qui sont arrivés par eux-mêmes au pouvoir Lionel Jospin et François Hollande). C’est curieux d’y inclure Gambetta qui, aujourd’hui, serait placé à droite même si à l’époque, il faisait partie de la "gauche républicaine". Il n’est pas une référence habituelle à gauche depuis un siècle et demi. Dans le discours, il y a eu beaucoup d’autres références plus nombreuses, en particulier Gisèle Halimi et Robert Badinter.

Christiane Taubira n’a rien dit de très particulier mais elle l’a bien dit et même mieux, elle a montré qu’elle pouvait redonner de la fierté et du rêve à une gauche déboussolée. Comme en 2002 (il est faux de dire qu’elle a fait échouer Lionel Jospin, j’ai déjà évoqué ce sujet ici), Christiane Taubira ne prendra probablement pas de voix aux autres candidats de gauche, mais trouvera plus concrètement ses soutiens parmi les abstentionnistes de gauche et aussi, dans une moindre mesure, chez certains électeurs de "gauche morale" qui étaient acquis à Emmanuel Macron.

D’ailleurs, depuis un mois et demi qu’elle se retrouve dans les sondages, elle n’a pas vraiment fait baisser Anne Hidalgo, et à peine les deux autres. Selon les sondages, son capital de voix est proche soit d’Anne Hidalgo (autour de 3%-4%) soit de Yannick Jadot (autour de 5%-6%). Je serai très curieux des semaines prochaines sur ses intentions de voix mais, aussi étonnant et "magique" (!) que cela puisse paraître, je pense qu’elle va bénéficier d’une montée dans les sondages. On sous-estime beaucoup que de nombreux électeurs de gauche nourrissent une véritable "dévotion" pour l’ancienne garde des sceaux. Son discours me paraît très efficace, même s’il reste creux, aussi creux que les principes mis en avant par les organisateurs de la "primaire populaire", écologie et justice sociale, et une troisième pour la route : démocratie renouvelée. Bienvenue en année 2022 !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Christiane Taubira a 70 ans.
Élysée 2022 (27) : Christiane Taubira choisie par la primaire populaire.
Christiane Taubira se lance !
Christiane Taubira candidate ?
Entre gauche morale et gauche sécuritaire.
Christiane Taubira en pleine sortie...
Christiane Taubira, ministre météore ?
La déchéance de la nationalité.
Le mariage pour tous.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220130-taubira.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-27-le-sacre-ephemere-239043

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/01/08/39296243.html










 

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29 janvier 2022 6 29 /01 /janvier /2022 15:40

On peut lire le programme du candidat communiste Fabien Roussel à l'élection présidentielle d'avril 2022 sur son site Internet.

Cliquer sur le lien pour télécharger le programme (fichier .pdf) :
https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf?1643038967

Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220202-fabien-roussel.html

SR
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20220129-programme-fabien-roussel.html


 

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26 janvier 2022 3 26 /01 /janvier /2022 07:27

« Je vous assure que si on arrête l’immigration, on retrouvera la tranquillité dans ce pays. » (Éric Zemmour, le 26 janvier 2022 sur Public Sénat).




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Approximations, simplifications, généralisations, sophismes… On est gâté pendant cette campagne présidentielle. Au risque d’en faire la publicité, je m’arrête encore un fois sur un exemple d’une candidature de flagrant délire.

Ce mercredi 26 janvier 2022 à 7 heures 30, Éric Zemmour était l’invité de l’émission "Bonjour chez vous !" diffusée en direct sur Public Sénat et animée par la journaliste maison Orianne Mancini, assistée de deux journalistes de la presse régionale, Christelle Bertrand, .de "La Dépêche", et Julien Lécuyer, de "La Voix du Nord". Dans le nouveau format consacré à la campagne présidentielle, le candidat de Reconquête bénéficiait d’une heure, de quoi évoquer de nombreux sujets.

C’était justement pour lui une occasion idéale pour montrer qu’il n’était pas monomaniaque et qu’il se préoccupait aussi de tous les autres sujets, notamment économiques, avec parfois des analyses originales (j’y reviendrai peut-être), comme expliquer la désindustrialisation par les contraintes écologiques.

Malheureusement pour lui, du moins, s’il voulait se démarquer de son image de monomaniaque, les propos qu’il a tenus sur la délinquance et l’immigration ont été tellement une "bombe" médiatique que, de cette émission, rien d’autre n’en sortira ; on ne parlera que de cela. C’est en tout cas ce que le journaliste Yves Thréard, venu commenter la prestation de son ancien collègue du "Figaro", déplorait en s’en prenant au candidat dont il voyait pourtant certaines propositions d’un air plutôt intéressé.

Car, mine de rien, Éric Zemmour, entre la tartine de confiture et le bol de café, est retombé dans la pire de ses obsessions, l’équivalence immigration égale délinquance. Au moins, il a été clair et incisif sur le sujet, ce qui ouvrira peut-être les yeux aux non-réveillés (et ça n’a rien à voir avec le wokisme que je déplore par ailleurs).

Dans ses propos, sur la forme, Éric Zemmour est indéniablement à l’aise, il a toujours eu l’habitude de débattre, c’est un homme des médias et il ne fait que cela depuis vingt ans, une aisance d’ailleurs qui a mis plusieurs fois en gêne les journalistes (moins entraînés que lui) qui l’interrogeaient (par exemple, pourquoi, quand l’invité politique lui a posé une question, une forme oratoire utilisée abusivement par Xavier Bertrand, Julien Lécuyer s’est-il cru obligé de lui répondre et ainsi de se rendre complice du raisonnement bidon, alors qu’il lui suffisait de dire : "je suis journaliste, c’est moi qui pose des questions, c’est vous qui répondez, et pas l’inverse" ?).

Au-delà de l’aisance à débattre et à énumérer ses propositions, de manière assez efficace et structurée (premièrement, deuxièmement, etc.), le ton en revanche était plutôt inquiétant.

Il parlait certes démocratie mais à la manière des populistes, par référendum (ce qui, en lui-même, ne me scandalise pas ; au contraire, certains sujets méritent référendum), mais en court-circuitant tout ce qu’il y a entre le Président de la République et le peuple. C’est vrai qu’il n’aime pas les instances judiciaires suprêmes, je n’en parlerai pas ici, mais cela mériterait un article complet, sur l’État de droit, sur le bloc de constitutionnalité, sur les hommes qui sont à la tête des grands corps de l’État et qu’Éric Zemmour confond avec les instances qui prennent concrètement les décisions nationales, etc. Je n’évoquerai pas ici non plus tout ce qu’il a dit sur la supposée "union des droites" à laquelle je consacrerai probablement un article prochain.

Quand on l’écoute derouler son programme, il dit sans arrêt "je", "je", "je", au point même de décider de l’avenir d’un détenu alors qu’il n’a pas encore été condamné (en l’occurrence Salah Abdeslam). Se prendrait-il pour Louis IX ? En tout cas, toutes les mesures qu’il propose, elles doivent passer au moins par le Parlement voire le peuple, mais sa manière de dire "je" laisse entendre une gouvernance bien plus autocratique que celle de tous les Présidents de la Cinquième République, anciens ou actuel.

Pour être le plus précis possible, j’ai retranscrit ici les propos sur la délinquance et l’immigration. J’ai fait quelques coupes pour ne pas être trop long et éviter les digressions, mais j’ai essayé de respecter le fil du raisonnement du candidat. Pour avoir les propos exhaustifs, il suffit de regarder l’émission dans la vidéo. J’indique quelques interventions des journalistes pour rendre parfois les propos compréhensibles. Ensuite, je commenterai quelques éléments (je ne reprendrai pas tout et je ne disserterai pas sur la véracité des faits ou statistiques présentés par le candidat).

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Éric Zemmour : « Il y a partout une explosion de la délinquance, un ensauvagement généralisé de la société française (…), tout explose, les chiffres de violences sexuelles, les chiffres d’agressions, les chiffres de vols, de meurtres (…). Pourquoi on a un tel ensauvagement ? Première raison, la mère de toutes les raisons, l’immigration. Deuxième raison, le laxisme judiciaire. (…) Je veux l’immigration zéro. (…) Je remets en cause (…) la liberté qu’ont les juges, Conseil Constitutionnel, Conseil d’État, etc., d’imposer leur doxa au peuple qui n’en veut pas. Donc, à partir de maintenant, nous ferons un référendum. Le peuple tranchera. Je mettrai toutes les mesures que je propose, c’est-à-dire la fin du regroupement familial… (…) C’est le juge constitutionnel qui a inventé ce rôle [celui de se référer aux principes fondamentaux] le 16 juillet 1971 (…), c’est déjà un putsch judiciaire. (…). Donc, je disais immigration, c’est le nerf de toutes les batailles, c’est pour ça que nous avons une délinquance aussi explosive, c’est à cause de l’immigration. Donc si on arrêtait l’immigration (…), il n’y aura quasiment plus [de délinquance]. Ça, j’en suis sûr ! ».

(…)

Journaliste : "C’est-à-dire qu’il n’y a que les immigrés qui sont délinquants ?"

Éric Zemmour : « Oui. En tout cas, les immigrés ou des enfants d’immigrés. (…) Deuxième question, donc je supprime le regroupement familial, le droit d’asile ne sera plus qu’une poignée de gens, et pas 130 000 comme aujourd’hui, euh, les étudiants, pareil, euh, enfin, toutes les sources d’immigration, je les taris, d’accord, je supprime l’AME, je supprime les prestations sociales non contributives aux étrangers, je supprime le droit du sol, c’est-à-dire qu’on ne sera plus français parce qu’on est né en France, de parents étrangers (...). Euh voilà, ça, c’est les grandes mesures pour arrêter l’immigration. J’expulse les chômeurs étrangers de plus de six mois. Et nous arrivons à la sécurité : pourquoi il y a autant de délinquance ? C’est aussi à cause du laxisme judiciaire. Trois raisons, très vite. D’abord, l’idéologie de beaucoup de juges qui est une idéologie de gauche (…). Ils ont un pouvoir excessif et ils ont pris le pouvoir au peuple. Je veux le rendre au peuple. (…) Donc je vais instaurer des peines planchers minimales que les juges devront appliquer. Deuxièmement, une véritable perpétuité, et non pas dix-huit ans comme aujourd’hui ; Abdeslam, avec moi, ne sortira pas de prison, jamais. Troisièmement, nous supprimerons aussi le régime de réduction des peines (…). Après (…), j’expulserai les délinquants étrangers, pour vous donner une idée, sur les 60 000 délinquants aujourd’hui en prison, il y a 15 000 étrangers, je les expulserai (…), dès maintenant, je déchoirai de la nationalité française tous les double-nationaux (…). ».

Journaliste : "Vous les expulsez vers où ? (…)"

Éric Zemmour : « On fait un vrai bras de fer (…). Moi, je supprime les visas, y compris pour les dirigeants des pays qui (…) ne reprennent pas leurs ressortissants. Deux, je supprime l’aide au développement. Trois, je saisis les biens des dirigeants étrangers. Quatre, je bloque les fonds de la Western Union qui transfère les fonds des étrangers d’ici vers leur pays. (…) ».

Journaliste : "Vous pénalisez des gens qui n’ont absolument rien à voir avec le problème ?"

Éric Zemmour : « Oui. ».

Journaliste : "Pourquoi rendre responsables des gens qui n’ont absolument rien à voir avec la décision d’États étrangers".

Éric Zemmour : « Je suis désolé, ils sont ressortissants de ces pays. Je vais vous dire. Aujourd’hui, dans de nombreux pays africains, les transferts de fonds venus des immigrés de chez nous est le premier budget de la balance de paiements de ces pays. Donc, si vous voulez, ça permet à ces pays d’avoir la tête hors de l’eau. Donc, ces États devront prendre leurs responsabilités. (…) Il n’y a aucune raison que des pays que nous aidons, par exemple, je pense au Mali, nous avons de jeunes soldats qui meurent pour eux, et ces gens-là refusent dédaigneusement de nous reprendre les clandestins que nous renvoyons ? Mais pour qui nous prennent-ils ? (…) ».

Journaliste : "Quand tout à l’heure, vous nous dites que s’il n’y a plus d’immigration, il n’y a plus de délinquance parce que tous les délinquants sont des immigrés…"

Éric Zemmour : « Ou des enfants d’immigration. ».

Journaliste : "…Ou des enfants d’immigration, donc des enfants français, vous vous rendez bien compte qu’il y a un problème avec ce que vous dites".

Éric Zemmour : « Bien sûr, mais je vous ai dit qu’est-ce que je fais pour ceux qui sont là et qui sont français. Je vous ai dit tout ce que je faisais, d’accord. Je pourrais rajouter pour les mineurs, je réduis la majorité pénale à 16 ans et je supprime les allocations… ».

Journaliste : "Tous les délinquants ne sont pas des immigrés ou des enfants d’immigrés !"

Éric Zemmour : « Si, excusez-moi ! Allez voir dans les prisons françaises et vous verrez. ».

Journaliste : "Vous le dites vous-mêmes, si le chiffre est important, ce n’est pas la totalité des détenus des prisons françaises".

Éric Zemmour : « Si. Vous savez, au Japon, il n’y a quasiment pas d’immigration, les prisons sont vides. Posez-vous la question. (…) Évidemment, ce n’est pas du 100%, mais je vous assure que si on arrête l’immigration, on retrouvera la tranquillité dans ce pays. ».

Journaliste : "Ça veut dire que ça n’enlèvera pas la délinquance…"

Éric Zemmour : « Elle sera marginale, comme dans tout pays normal. Aujourd’hui, nous avons une délinquance folle. Un ensauvagement devenu démesuré. C’est la conséquence d’une immigration folle. ».

(…)

Sur la défense excusable, mesure exposée à son meeting le 22 janvier 2022 à Cannes, un journaliste a demandé : "C’est un permis de tuer ?". Un autre constatait : "Ça va au-delà de la légitime défense".

Éric Zemmour : « Absolument (…). La légitime défense, pour être légale, a des contraintes telles qu’il n’y en a jamais. (…) Je veux changer cela. Aujourd’hui, c’est les policiers et les honnêtes citoyens qui ont peur, et pas les voyous. (…) Ce qui est accepté, c’est qu’il n’y ait plus de proportionnalité. Vous avez, aujourd’hui, il doit y avoir une proportionnalité de la menace. Moi, je pense qu’il ne doit plus y avoir de proportionnalité. Les voyous doivent prendre leurs risques, voilà. S’ils attaquent quelqu’un, c’est eux qui doivent avoir peur. Ce n’est plus les policiers ou les citoyens qui doivent avoir peur. ».




Ce qui marque, dans ces propos, c’est la manière dont Éric Zemmour parle des "immigrés" et des "étrangers" (l’immigré se réduit à enfant d’immigré lorsqu’il est français), il en parle comme quand il parle des enfants en situation de handicap ("ces enfants", "ces gens", "ces pays" d’Afrique, etc.). La haine des immigrés transparaît implicitement avant même qu’ils ne fassent quelque chose et d’ailleurs, ils doivent être punis en raison de dirigeants étrangers qui ne veulent pas se mettre d’accord avec la France. De même, quand il compare l’immigration à une source qu’il veut tarir, ce n’est pas vraiment ce que j’appellerais de l’humanisme. On ne parle pas ainsi, sans mépris, de la condition humaine.

Parfois, Éric Zemmour ne sait même plus de quoi il parle dans sa logorrhée, il parle de "clandestins" alors qu’il évoque entre autres l’expulsion d’étrangers qui ont perdu un emploi, qui étaient pourtant bien des étrangers en situation régulière et bien établis quand ils avaient un emploi (le pire, en récupérant bassement la mort de soldats français au Mali). Avec lui, l’étranger est forcément en situation irrégulière, délinquant (et il oublie aussi qu’il n’y a pas que des délinquants, il y a des criminels, et Salah Abdeslam est un prévenu soupçonné de crime, pas de délit).

Éric Zemmour est pris en flagrant délit d’incohérence. Au début de ses propos, il explique que sur 60 000 délinquants en prison, il y a 15 000 étrangers (chiffres à vérifier). Puis il dit par la suite le contraire, que tous les délinquants sont immigrés ou enfants d’immigrés avec un argument tordu : « Allez voir dans les prisons françaises et vous verrez ! ». Comme si cela se voyait qu’une personne est étrangère ou pas. Je passerai d’ailleurs sur le fait qu’il confond, il ne parle pas d’enfants d’étrangers mais d’enfants d’immigrés. Ça ne veut rien dire : il y a des nationaux et des étrangers. Tout le reste est subjectif. Un Antillais peut être plus français que lui si on prend la généalogie. Qui est l’immigré ?

Autre argument tordu, la prison au Japon : peu d’immigration, peu de détenus (à vérifier par ailleurs). Il faut alors comparer la sociologie japonaise, il pourrait avantageusement lire Amélie Nothomb et son fameux roman "Stupeur et Tremblements", la discipline est aussi caractéristique des Japonais que la rouspétance des Français. Les comparaisons ne peuvent être valables qu’entre pays comparables, évidemment.

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Le principal contre-argument, c’est Éric Zemmour lui-même qui l’apporte puisqu’il admet quand même « Évidemment, ce n’est pas 100%. ». Si je reprends donc les chiffres qui a lui-même donnés (dont on peut douter), 15 000 sur 60 000, c’est maxi 25%, pas 100% ! Donc, en suivant simplement ses propos, sans rien remettre en cause des données apportées, c’est n’importe quoi.

Ou alors, il faut partitionner la citoyenneté française, il y a les "bons" et les "méchants", les "honnêtes gens" (et les policiers) et les "voyous" (qui sont aussi "immigrés", "délinquants", etc.). Il faut dire à Éric Zemmour, la France, c’est aussi ses voyous, dont beaucoup sont très français, c’est malheureux car je préfère voir les entrepreneurs les innovateurs dans la France, mais la France, c’est un tout, et malheureusement, il n’y a pas que du beau dans la France.

Cela dit, l’argument est normal (et récurrent), puisque la clef de voûte, c’est de dire : l’immigration fabrique notre délinquance, supprimons l’immigration, nous supprimerons la délinquance. C’est complètement stupide de généraliser, puisqu’il y a de tout, et de nombreux étrangers sont au contraire bien plus respectueux des lois (et de la politesse) que bien des Français.

Les électeurs crédules qui peuvent croire à cette promesse du candidat Zemmour, la fin de la délinquance par la fin de l’immigration, ce qui n’a jamais existé nulle part dans aucune histoire d’aucun pays depuis le début de l’humanité, ce pourraient être les mêmes électeurs crédules qui croyaient au grand soir, qui pensaient qu’il n’y aurait plus de chômage en nationalisant les grandes entreprises en 1981, en réduisant le temps de travail en 1997 ou encore en taxant à 75% les millionnaires en 2012. C’est la même supercherie, si ce n’est qu’elle se développe à l’extrême droite au lieu de la gauche.

Dans son diagnostic, Éric Zemmour évoque une "explosion de la délinquance". Depuis cinquante ans, les candidats populistes parlent tous d’explosion de la délinquance. Dans les années 1970, il suffit de relire les débats parlementaires dans le Journal Officiel, l’obsession sécuritaire avait déjà contaminé de nombreux parlementaires, et à l’époque, il n’y avait pas d’extrême droite. À chaque élection majeure, la dite explosion de délinquance revient à tous les coups. C’est électoralement efficace, c’est un marronnier. Beaucoup d’électeurs se font abuser ainsi.

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Plus grave, c’est une question d’Orianne Mancini qui revenait sur l’idée qu’il n’y aurait que les immigrés qui sont délinquants (voir au début de la transcription). Elle voulait souligner que c’était fort de café et que c’était n’importe quoi, elle dit même : « Vous vous rendez bien compte qu’il y a un problème avec ce que vous dites ? ». Mais Éric Zemmour a cru que le problème, c’était parce que certains immigrés étaient français et qu’il ne pouvait donc pas les renvoyer chez eux (car en France !), alors, il a répondu : « Bien sûr, mais je vous ai dit qu’est-ce qu’on fait pour ceux qui sont là et qui sont français. ». Il n’a pas compris que le problème n’était pas du tout dans le fait que certains soient français, mais simplement que son équation est complètement fausse, réductrice, complètement démente même.

Si cela peut faire ouvrir vraiment les yeux, ce ne sera donc pas inutile. Éric Zemmour est un idéologue dont l’obsession est de rendre les étrangers responsables de tous les malheurs de la France. Pourtant, il suffit de regarder dans les autres pays la situation de la délinquance pour comprendre que ce n’est pas un problème de nationalité mais un problème avant tout social.

Pour finir avec sujet, je note enfin que le candidat polémiste, qui revient donc à ses anciennes polémiques, la nature revient toujours au galop, ne manque pas d’humour à vouloir plus de sévérité des juges. Venant de la part d’une personne qui a été condamnée le 18 février 2011 par la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris pour provocation à la discrimination raciale, cela ne manque pas d’humour, en effet. Mais en fait, cela ne me fait pas rire du tout : les idées de Jean-Marie Le Pen dominent la campagne dans les médias depuis septembre 2021 et personne ne semble s'en rendre compte.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Éric Zemmour et l’obsession de l’immigration.
Éric Zemmour et les enfants en situation de handicap : la mauvaise conscience ?
Le débat Éric Zemmour vs Bruno Le Maire : victoire de la raison !
Bruno Le Maire.
Éric Zemmour, l’imposture permanente ?
Le Théâtre de Villepinte.
Éric Zemmour, l’adolescent retardé.
Faut-il craindre un second tour Éric Zemmour vs Marine Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen.
Marine Le Pen et l’effet majoritaire.
Radio Kaboul dans les sondages : Éric Zemmour au second tour !
Bygmalion : Éric Zemmour soutient Nicolas Sarkozy.
Les prénoms d’Éric Zemmour.
Le virus Zemmour.
Le chevalier Zemmour.

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24 janvier 2022 1 24 /01 /janvier /2022 03:37

« Pourquoi j’ai voulu devenir Président ? Je n’étais pas assez bon pour devenir footballeur… » (François Hollande, le 23 janvier 2020 à Noisy-le-sec).



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C’était il y a deux ans, le 23 janvier 2020, l’ancien Président de la République François Hollande visitait le lycée Théodore-Monod de Noisy-le-sec. Il était reçu par les lycéens et discutait avec eux, leur expliquait ce qu’était la politique, l’élection, la Présidence… Intéressant et instructif, ce reportage de Sophie des Déserts publié dans "Paris Match" le 19 février 2020 et intitulé : "François Hollande, l’obsession du retour" avec pour sous-titre/chapeau : « L’ancien Président prend son temps, mais pense n’avoir pas fait son temps. À demi-mot, il prépare sans répit sa reconquête du pouvoir. ».

On s’en doute, François Hollande a été meurtri de devoir céder l’Élysée à son ancien protégé, Emmanuel Macron. Le ne l'a jamais digéré. Il aurait sans doute préféré que François Fillon lui succédât (ce qui écarterait alors la thèse du complot politique !). Depuis 2017, il a déjà sorti trois livres et ne cesse de faire des tours de France, tant pour vendre ses ouvrages (qui "marchent bien") que pour discuter avec les Français.

Comme Valéry Giscard d’Estaing, il a une sorte d’amertume politique, l’idée de l’ingratitude des Français (pourtant, il ne s’est même pas représenté, quitter l’Élysée était donc son propre choix). Et cette envie, cette "obsession", comme l’indiquait l’hebdomadaire, de revenir au pouvoir. Pour l’instant, jamais aucun ancien Président n’a réussi un "come-back" à l’Élysée, mais François Hollande a déjà brisé beaucoup de règles, comme celle de n’avoir jamais été au pouvoir, jamais été au gouvernement, jamais été membre du conseil des ministres avant d’avoir été amené à le présider.

À 67 ans, il ne sent pas encore gâteux, et il s’ennuie, il n’a jamais fait que de la politique (à sa sortie de l’ENA, dans la botte, on lui a conseillé de prendre la Cour des Comptes car cela laissait du temps pour faire de la politique). Il aurait même tout fait pour court-circuiter la sortie d’un livre de son ancien Premier Ministre Bernard Cazeneuve, pourtant un proche, pour éviter de laisser germer une candidature crédible au PS.

Car au PS, la situation est désastreuse. Après quatre mois et demi, Arnaud Montebourg a annoncé le 19 janvier 2022 le retrait de sa candidature… sans aucun écho médiatique, comme s’il était dans un monde parallèle. Personne ne s’en était aperçu. Anne Hidalgo patauge embourbée dans la semoule des 3% et Christiane Taubira espère tirer son épingle du jeu avec la "primaire populaire". Alors, évidemment, quand il y a si peu de candidats socialistes valables, ça donne des ailes, mais il est le seul à y croire, même son fidèle Stéphane Le Foll, candidat malheureux à la candidature, n’est pas partant pour recommencer le processus.

À la question d’un journaliste de France Inter à la matinale du 20 octobre 2021 : "Vous ne serez plus jamais candidat ?", François Hollande a prudemment répondu : « Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve ! ». Son malheur, c’est que si lui ne sait pas, les Français, eux, savent et ne semblent pas vouloir revoter pour cet "ennemi de la finance".

Ce n’est donc pas très étonnant que l’ancien Président de la République ait récidivé, toujours devant des lycéens. Il participait au travail d’une classe, des adolescents qui ont eu pour mission d’interroger l’ancien chef de l’État sur le "métier" de Président de la République. Cette discussion a été diffusée sur France 3 ce dimanche 23 janvier 2022 dans le "19/20".

À une question d’Adam (15 ans), François Hollande a répondu, à peine gêné : « Pour l’instant, je ne suis pas candidat, tu as remarqué. Mais comme ça ne va pas bien, c’est vrai qu’on pourrait se dire "est-ce qu’une candidature de plus serait utile ?", je ne sais pas, je ne pense pas d’ailleurs. J’ai les mêmes idées qu’avant et je continue à les défendre. Et un ancien Président peut très bien refaire de la politique et, c’est arrivé, être candidat à l’élection présidentielle. (…) Je vais en tout cas prendre la parole bientôt. Je vous remercie de toutes vos questions, vous me mettez dans les retranchements, là ! ».

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Des propos assez flous, sinon qu’il annoncerait quelque chose, mais quoi ? Je suppose qu’il rêverait de participer à une compétition contre Emmanuel Macron. Mais les rapports de force lui sont très défavorables, il n’y a aucune place pour l’expression d’une nouvelle offre politique à gauche. Et Anne Hidalgo a finalement su trouver les mots pour caractériser cette sortie hollandienne dans les médias. Sur RTL le lendemain, elle s’est rassurée en disant que François Hollande ne manquait pas d’humour.

Et pourtant, François Hollande y croit, il est convaincu que la social-démocratie a encore de l’avenir en France. L’ancien premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis organise même un "séminaire de la social-démocratie" le samedi 29 janvier 2022 à Saint-Ouen. L'ancien Président y sera-t-il ?

François Hollande n’a peut-être pas tort, les vaincus peuvent rapidement redevenir les vainqueurs : en Allemagne, il y a six mois, personne n’aurait mis un centime sur le retour du SPD à la Chancellerie, et pourtant, Olaf Scholz dirige maintenant le gouvernement allemand. Même en France, les exemples sont nombreux. Par exemple, en mars 1993, effondrement du parti socialiste au point de provoquer le suicide de Pierre Bérégovoy un mois plus tard… et quatre années sont passées, juin 1997, Lionel Jospin devenu Premier Ministre.

Ce qu’il n’ose pas imaginer, et c’est pourtant le cas, c’est que c’est Emmanuel Macron qui a pris cette place du candidat social-démocrate (lui parle de candidature progressiste), ce n’est pas François Hollande, qui s’était d'ailleurs toujours refusé à utiliser cette expression au profit de socialiste, une expression aussi calamiteuse que les échecs qui caractérisent le socialisme. Dans l’histoire du PS, seul Dominique Strauss-Kahn avait osé employer dès 2002 cette expression de social-démocratie, ni Jacques Delors ni Michel Rocard, et Bertrand Delanoë, ancien maire de Paris, avait même troublé ses camarades en 2008 en se revendiquant social-libéral.

Pour être clair, François Hollande attend la "primaire populaire" avant de se prononcer. Christiane Taubira a fait peut-être le bon choix car 467 000 personnes se seraient inscrites pour y participer, ce qui ferait la primaire la plus "nombreuse" de cette élection présidentielle de 2022. Elle est la seule candidate connue face soit à d’autres candidats de gauche qui refusent d’y participer, soit à des personnalités qui cherchent, pour l’occasion, à s’assurer leur petite minute de notoriété. L’enjeu n’est donc pas l’issue du scrutin mais plutôt, comment les sondages évolueraient si Christiane Taubira était désignée par cette primaire, comme ce serait le plus probable ?

En tout cas, les Français peuvent être rassurés : avec l’ancien couple d’éléphants Ségolène Royal et François Hollande, le PS peut encore rester plombé encore dix ou vingt ans.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (26) : François Hollande candidat ?
François Hollande veut américaniser les institutions françaises.
Christiane Taubira se lance !
Anne Hidalgo.
Ségolène Royal.
Jean-Luc Mélenchon.
Bernard Tapie.
Paul Quilès.
Michel Delebarre.
Pierre Moscovici.
François Hollande, vous éteindrez la lumière en sortant...
Hollande et le fichage systématique des trombines.
(Pas du tout candidat).
(Presque) pas candidat ?
La lepénisation de François Hollande.
Hors-sol.
Sept maux sur ordonnances.
L’entre-soi.
Le discours au Théâtre du Rond-Point le 3 mai 2016 (texte intégral).
Grande nation cherche Président de la République.
La méthode de François Hollande, efficace à 0%.
Le livret citoyen.
François Hollande, le grand calculateur.
François Hollande et le manque d’ambition.
François Hollande et Angela Merkel.
La déchéance de la République ?
L’annonce de la déchéance de la nationalité (23 décembre 2015).
La démission de Christiane Taubira (27 janvier 2016).
François Hollande sécuritaire (16 novembre 2015).
Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

_yartiHollandeFrancois2022012303





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220123-hollande.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-26-francois-hollande-238890

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/01/24/39317993.html









 

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15 janvier 2022 6 15 /01 /janvier /2022 03:38

« Je prends le risque de la démocratie et j’accepterai le verdict, c’est la plus belle des légitimités. » (Christiane Taubira, le 9 janvier 2022, à Bondy).



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Après bien des hésitations, Christiane Taubira va annoncer sa candidature à l’élection présidentielle. C’est du moins ce qu’elle a prévu de faire ce samedi 15 janvier 2022 à 11 heures lors d’un déplacement à la Croix-Rousse, un quartier populaire de Lyon. Ce serait un clin d’œil aux canuts, ces ouvriers de la soie de l’essor industriel lyonnais. Elle avait annoncé le 17 décembre 2021 qu’elle envisageait de se présenter pour tenter d’unifier la gauche particulièrement éclatée pour l’élection présidentielle de 2022 et qu’elle comptait prendre une décision d'ici au 15 janvier.

Déjà dimanche dernier, le 9 janvier 2022, lors d’un déplacement à Bondy, Christiane Taubira avait annoncé qu’elle se rangeait au principe de la dite "primaire populaire" qui a déjà réuni 300 000 participants potentiels pour désigner un candidat commun de la gauche socialiste et écologiste sur Internet du 27 au 30 janvier 2022 selon le mode de scrutin d’un délégué de classe (à peu près).

Bien qu’elle s’en défende, l’ancienne garde des sceaux va donc probablement rajouter de la confusion à la confusion à gauche, car pour l’instant, aucun candidat de gauche n’obtient plus de 10% des intentions de vote dans les sondages et le total, autour de 25%, montre un paysage politique éclaté où le meilleur candidat des électeurs de gauche seraient même plutôt… Emmanuel Macron. J’insiste pour parler des "électeurs de gauche" car je refuse, au contraire de beaucoup de gauchistes ou de bobos, de parler de "peuple de gauche" qui n’a jamais existé, un peuple est un peuple, entier ou rien du tout, il n’y a pas de partition du peuple, il n’est ni de gauche ni de droite, et les alternances prouvent que beaucoup d’électeurs passent de l’un à l’autre, voire au centre (le pire, c’est que depuis quelques mois, j’entends aussi l’expression "peuple de droite", tout autant inexistant, et invoqué par des soi-disant amoureux de la Nation).

Il faut dire qu’elle est la seule à vouloir se prêter au jeu de cette étrange primaire dont l’origine est assez opaque et qui voudrait engager les autres candidats de gauche, en particulier Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Fabien Roussel, contre leur volonté, puisqu’ils refusent d’y participer. Ce qui est très novateur et un tantinet totalitaire : si ces personnalités ne veulent pas y participer, comment les intégrer dans les décomptes ? Pire : il semblerait que non seulement ces personnalités refusent d’y participer, c’est-à-dire que quoi qu’il en soit, elles seront candidates quand même, mais parallèlement, et c’est très hypocrite, en particulier au PS et à FI, elles cherchent à faire de l’entrisme en y faisant participer le maximum de leurs soutiens, car une victoire à cette primaire, même bidon, est toujours bonne à prendre des ces temps difficiles.

C’est ce noyautage, qui est une technique spécifiquement gauchiste, dont Christiane Taubira ne semble pas mesurer l’importance possible, elle qui a quelques soutiens, mais pas énormément, l’ancien député PS de la Nièvre Christian Paul, le radical de gauche Guillaume Lacroix, la présidente PS du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay ainsi que le responsable du service d’ordre du PS Éric Plumer (qui a formé Alexandre Benalla !). Le maire PS de Marseille Benoît Payan est prêt aussi à la soutenir. Si elle gagne cette primaire.

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Jean-Luc Mélenchon, qui se reprend à rêver du grand soir après la grève des enseignants du 13 janvier 2022, se sent indispensable et irremplaçable. Fabien Roussel n’a aucune raison de se désister, il veut incarner la présence du parti communiste français pour de nombreuses raisons internes et externes (dernière présence à une présidentielle il y a quinze ans). Yannick Jadot, qui a déjà subi une primaire écologiste particulièrement serrée et éprouvante et qui, comme les autres candidats de gauche, stagne dans les sondages, ne veut absolument pas entendre parler de cette "primaire populaire", et espère encore un renvoi d’ascenseur du PS : que la candidate PS s’efface derrière lui comme lui l’avait fait en 2017 derrière Benoît Hamon (avec le succès que l’on sait), ce qu’a pourtant suggéré Ségolène Royal le 12 janvier 2022 sur LCI à son amie et candidate attitrée du PS avec une pointe de cynisme narquois (Serait-elle donc jalouse de ne plus être dans la course ? Pourtant, elle l’avait bien rappelé, qu’elle était disponible !).

Ah, Anne Hidalgo, nous y voilà. Saviez-vous qu’elle a présenté son programme présidentiel le 13 janvier 2022 dans la matinale de France Inter (par ailleurs première radio de France) ? Personne ne l’a su. Ce n’est pas que cela n’a pas imprimé, c’est qu’il n’y avait même pas d’imprimante ! Elle avait bien choisi son moment, la première grève nationale de l’année 2022. Mais au-delà d’avoir envoyé son programme comme une bouteille à la mer, elle n’est décidément pas faite pour être candidate. Car elle avait étonné tout le monde le 8 décembre 2021 en annonçant vouloir participer à la "primaire populaire" (alors qu’elle l’avait toujours refusé). Eh bien, un mois plus tard, Anne Hidalgo a encore retourné son tailleur et refuse à nouveau d’y participer, sous prétexte que ses concurrents n’y participent pas. Ne cherchez pas à comprendre, tant d’instabilité pourrait faire de réels dégâts à la tête de l’État. Si elle n’est pas capable d’avoir une stratégie pour sa campagne, comment pourrait-elle en avoir une pour le pays ?

En clair, elle a affirmé qu’elle mènerait sa candidature jusqu’au bout (au bout de quoi ?). Ce qui ferait quelque chose de très surréaliste si Christiane Taubira sortait vainqueure de cette primaire : il y aurait alors deux candidates pseudo-socialistes. Du reste, des sondages ont déjà testé cette configuration et cela donne plus d’intentions de vote à deux qu’avec seulement l’une ou l’autre participant seule au scrutin présidentiel. C’est justement l’effet non arithmétique des élections. Le mystère, c’est que les électeurs surnuméraires de ces sondages proviennent de …l’électorat d’Emmanuel Macron ! Et d’abstentionnistes. Christiane Taubira est en effet apprécié chez les macronistes de gauche, et ce n’est pas étonnant puisqu’elle était à l’origine balladurienne puis radicale de gauche, donc centriste de gauche.

Plus le temps passe et plus la candidature d’Anne Hidalgo est une erreur de casting du parti socialiste ; Stéphane Le Foll aurait fait largement mieux l’affaire. Les mauvaises nouvelles n’arrivent jamais seules. Si l’on en croit "Le Parisien" du 14 janvier 2022 (ce quotidien devient un journal de référence essentiel pour la campagne présidentielle, note au passage), la collectivité (énorme) que gère Anne Hidalgo est en plein naufrage, le budget de la ville de Paris est en alerte rouge, son endettement colossal vient d’engendrer des coupes budgétaires drastiques que la maire de Paris aurait voulu les plus discrètes possible. Pour la discrétion, c’est raté. Et coïncidence des agendas (?), quand Christiane Taubira annoncera sa candidature (en principe) à la Croix-Rousse, la candidate du PS sera en déplacement dans la banlieue lyonnaise, comme si les deux voulaient se marquer à la culotte.

Enfin, dernier impétrant surnuméraire, Arnaud Montebourg cherche aujourd’hui à sortir de ce bourbier personnel en gardant une certaine dignité. Ses quatre mois de campagne ont été une catastrophe, ne serait-ce que dans son organisation et parmi ses rares soutiens complètement divisés sur le programme à promouvoir. Pourtant, il oscillait entre 1% et 3% des intentions de vote dans les sondages, ce qui, avec une bonne campagne, auraient pu faire pousser jusqu’à 5% voire 10% le cas échéant. L’initiative de Christiane Taubira est donc pour lui un divin recours ; s’effacer derrière elle, ce serait très honorable. Pour Christiane Taubira, ce serait un soutien de tout premier ordre, les ministres de l’Économie et de la Justice de François Hollande alliés pour le meilleur (et le pire).

En 2017, il y avait aussi beaucoup de candidatures à gauche. Il y a eu un effet siphonage de voix qui s’est opéré vers le candidat Jean-Luc Mélenchon car il était le meilleur à l’époque. Je ne sais pas ce que vaudrait Christiane Taubira comme candidate déclarée, son organisation, son programme, son charisme, ses soutiens, tandis qu’elle serait particulièrement désagréable avec son entourage selon de nombreuses personnes (elle a usé de nombreux dircab pendant ses années de ministre), mais elle a une chose qu’aucun autre candidat de gauche ne possède en 2022 : elle incarne la "gauche morale".

Personne ne peut dire vraiment pourquoi, même en essayant de se dire que sa défense de la loi sur le mariage pour tous serait de même ordre que la défense de la loi sur l’IVG par Simone Veil ou de la loi sur l’abolition de la peine de mort par Robert Badinter (ce qui me paraît moralement assez douteux ; il ne faut pas confondre moral et sociétal), mais c’est comme cela qu’elle est perçue par de nombreux électeurs potentiels de gauche. Il suffit d’écouter les auditeurs dans les émissions auxquelles elle participe, cela fait un an qu’ils lui demandent de se présenter comme si elle était une femme providentielle. Alors, elle les a écoutés et la voilà, elle va tout chambouler. Ou presque !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (25) : Christiane Taubira se lance !
Christiane Taubira candidate ?
Entre gauche morale et gauche sécuritaire.
Christiane Taubira en pleine sortie...
Christiane Taubira, ministre météore ?
La déchéance de la nationalité.
Le mariage pour tous.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220114-taubira.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-25-christiane-taubira-238664

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12 janvier 2022 3 12 /01 /janvier /2022 03:32

« Je suis une femme qui gagne et une femme qui fait. » (Valérie Pécresse).



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Elle a dit aussi : « Je suis une femme de droite et une femme droite. J’ai envie de gagner et j’assume avoir un projet plus puissant, plus à droite et plus réformateur. ».

Ce mercredi 12 janvier 2022, un sondage, réalisé par Elabe pour BFM-TV, "L’Express" avec SFR, a mis du baume au cœur de la candidate LR Valérie Pécresse : elle ferait jeu égal avec Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle, 50%-50%. C’est nouveau, car depuis plusieurs semaines, la campagne de Valérie Pécresse patinait un peu, principalement caractérisée par une trompeuse rivalité, pour atteindre le second tour, entre elle, Marine Le Pen et Éric Zemmour, orchestrée par les sondages et les médias.

Depuis le 10 janvier 2022, l’IFOP et OpinonWay ont mis en place des systèmes de sondages tous les jours avec le même échantillon. L’intérêt est de voir les différences avec le temps en fonction des différents événements de la campagne. Ce n’est pas nouveau et certains instituts de sondages avaient déjà adopté ce genre de sondages "rolling" pour l’élection de 2017. L’intérêt est relatif et surtout, bousille l’intérêt d’une campagne. J’ai du mal à comprendre comment de grands professionnels de la politique, de la communication ou du journalisme soient capables de mettre dans les sondages autre chose qu’une simple indication photographique, très mineure comparée aux défis d’une campagne électorale.

Certes, c’est une tentation générale (j’aime aussi bien lire les sondages, mais je sais qu’ils ne sont jamais prédictifs, c’est un peu comme le R0 de l’épidémie, on l’apprend toujours en différé). Certes encore, il reste moins de trois mois avant le premier tour, ce qui signifie qu’il va y avoir une accélération (exponentielle) du temps dans les prochaines semaines (une multiplication d’événements, de déclarations, de réactions, de contre-réactions, etc.). Valérie Pécresse ne s’y est pas trompée et elle a compris que ce serait une campagne de mouvements, pas de positions. Donc, elle bouge, ou plutôt, elle cherche à bouger, mais sans beaucoup de résultats.

Jean-Luc Mélenchon a dit le 9 janvier 2022 que la gauche n’avait pas besoin d’union, mais de mobilisation. Je pense que c’est une remarque valable pour tous les candidats.

Contrairement à ce qu’a affirmé Ségolène Royal le 12 janvier 2022 (pour suggérer à Anne Hidalgo de s’effacer derrière Yannick Jadot), François Mitterrand n’a pas gagné avec le Programme commun. En 1974, François Mitterrand était le candidat de la gauche unie, et à part Arlette Laguiller et René Dumont (que je place à gauche pour faire court), il n’avait aucune concurrence à gauche dès le premier tour, et il a perdu. En 1981, l’union de la gauche avait éclaté quatre ans plus tôt, il avait de nombreux concurrents à gauche (sans compter LO et écolos), avec les candidatures de Georges Marchais, Huguette Bouchardeau et Michel Crépeau… et il a réussi quand même à gagner.

A contrario, si Lionel Jospin, alors favori, a échoué en 2002, ce n’est pas à cause de la multiplicité des candidatures à gauche issue de la majorité de son gouvernement sortant (Jean-Pierre Chevènement, Noël Mamère, Robert Hue et Christiane Taubira). Les électeurs de gauche qui ont voté pour ces candidats "périphériques" (ou "de diversion") ne voulaient pas de Lionel Jospin car ils étaient très conscients qu’en votant pour d’autres candidats, ils plomberaient son résultat du premier tour, ce qui serait plus difficile au second tour. Donc, l’absence du scrutin de ces candidatures n’aurait pas rapporté beaucoup de voix à Lionel Jospin et aurait plutôt fait augmenter l’abstention.

Le maître mot de Jean-Luc Mélenchon, la mobilisation, est donc bien plus crucial que l’union. L’union est un facilitateur, mais n’est certainement pas suffisant et est probablement dérisoire, voire pas forcément nécessaire.

Valérie Pécresse, elle, a déjà résolu un sacré problème : elle a réussi à faire l’unité de son parti retrouvé, Les Républicains, autour de sa candidature. Beaucoup de ses compagnons ressemblent un peu à des "malgré nous" mais ils jouent l’unité, l’union, à part quelques débauchages finalement individuels et prévisibles, au nombre d’un à ce jour (Guillaume Peltier, qui retrouve ses anciennes amours en politique, voir plus loin).

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Elle était la meilleure candidate de ceux qui se sont présentés à la primaire LR et donc, elle a été désignée. Personne ne doute de sa capacité à gouverner ; énarque, elle a un CV flatteur. Au-delà d’avoir été conseillère du Président Jacques Chirac, d’avoir été cinq ans ministre du Président Nicolas Sarkozy, à des ministères difficiles : l’Enseignement supérieur et la Recherche (elle a fait voter une loi très importante sur l’autonomie des universités, notamment financière), et le Budget. À cela, il faut ajouter depuis six ans présidente du conseil régional d’Île-de-France avec des réalisations concrètes et des engagements clairement tenus. Sa désignation a ainsi rehaussé le niveau du candidat LR dans les sondages autour de 16%-17%, bien plus haut que ne pouvait espérait Xavier Bertrand qui ne jurait que par les sondages.

La candidate LR a donc réussi la première partie de son contrat : unifier son parti derrière sa candidature et avoir un programme ferme et déterminé. En outre, elle a réussi à se placer dans les sondages à un niveau suffisamment crédible pour rendre sa victoire possible et permettre de mobiliser ses électeurs potentiels pour aller jusqu’à la victoire. Elle ne risque pas non plus, contrairement à ce que certains expliquent, une fuite de son parti vers d’autres horizons, en particulier zemmouriens.

Le départ de Guillaume Peltier est une bonne prise pour Éric Zemmour car il lui manquait une personnalité qui sache faire de la politique, qui ait un certain charisme (il est très bon en communication), qui connaisse le Parlement, qui sache organiser un parti et une campagne électorale, et en plus, ce départ est intellectuellement probablement sincère. En revanche, il est individuel et ce n’est pas une perte pour LR, c’est presque un soulagement. Car il a proposé l’augmentation du SMIC de 20%, ce qui n’était pas du tout dans le programme LR. Guillaume Peltier avait soutenu Xavier Bertrand à la primaire interne mais ce dernier avait refusé de le choisir comme directeur de campagne malgré ses offres de service. Il n’a pas de "disciples" attitrés au sein de LR, son principal ami de "La Droite forte" issue de l’UMP-LR, c’était Geoffroy Didier qui, depuis au moins six ans, est à fond pour Valérie Pécresse (il est en outre vice-président du conseil régional d’Île-de-France, ceci explique peut-être cela, ou réciproquement).

Il y a d’ailleurs peu de chance que les personnalités citées par Éric Zemmour et susceptibles de le rejoindre (Nadine Morano, Éric Ciotti, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau, j’en oublie peut-être) le rejoignent, d’abord parce qu’elles ne sont pas forcément si proches de ses idées qu’il ne le croit, ensuite parce qu’elles sont très fidèles à LR (Éric Ciotti est RPR-UMP-LR depuis plus d’une trentaine d’années) et cherchent plutôt à prendre le contrôle idéologique de leur parti (ce qu’ils ont réussi à faire d’ailleurs). Sans compter qu’il y a aussi des élections législatives en juin 2022 et l’investiture de LR y sera stratégique.

C’est d’ailleurs le meilleur argument de l’allié de la candidate LR et ancien rival Éric Ciotti : Valérie Pécresse est la seule qui peut battre Emmanuel Macon (elle est la seule candidate capable de gagner l’élection contre le Président sortant ; un unique sondage, celui d’Elabe réalisé les 6 et 7 décembre 2021, l’a placée devant Emmanuel Macron au second tour avec 52%-48%, mais cela ne s’est pas reproduit). Un argument à prendre avec des pincettes car c’est ce type d’argument qui a plombé politiquement Xavier Bertrand, se contentant de la méthode Coué ("je suis le meilleur") au lieu de faire des propositions concrètes et fortes.

Mais pour l’instant, cet argument de mobilisation n’est que virtuel. Il manque encore la vraie mobilisation, une mobilisation populaire. L’absence de Nicolas Sarkozy et plus encore de Laurent Wauquiez est patente. On n’entend pas non plus François-Xavier Bellamy alors qu’il était le numéro un de LR il y a deux ans comme tête de liste aux élections européennes. De plus, comme Valérie Pécresse est une personne raisonnable et responsable, elle a annulé le grand meeting populaire qu’elle devait tenir le 10 décembre 2021 pour cause de pandémie de covid-19, et ce type de manifestation reste encore l’événement le plus mobilisateur pour y croire. Ce sont les meetings de précampagne d’Emmanuel Macron qui a fait son ascension électorale en 2016. Éric Zemmour aussi a réussi à capter pas mal de militants avec son meeting à Villepinte le 5 décembre 2021. On peut croire que ces événements sont habituels, mais non, ils sont ponctuels, exceptionnels, comme le grand meeting au Trocadéro de François Fillon du 5 mars 2017, ce sont des boosters de mobilisation très forts. En particulier parmi les militants.

Quand Valérie Pécresse a évoqué le kärscher à ressortir de la cave, d’abord dans "La Provence" le 5 janvier 2022, puis le lendemain dans son déplacement à Salon-de-Provence et à Marseille, cela a fait flop alors que ses mots visaient à choquer. D’une part, ses mots étaient malheureux et rappelaient trop Nicolas Sarkozy, comme si elle était incapable de s’exprimer par elle-même, et d’autre part, c’était politiquement très maladroit de sa part. Christophe Castaner a eu ensuite le beau jeu de répliquer qu’en allant dans la cave chercher le kärscher, on y trouverait aussi les 12 500 postes de policiers supprimés pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Le kärscher de Valérie Pécresse a duré une soirée dans les médias, alors l’emmerdement d’Emmanuel Macron dure encore, soit plus d’une semaine, dans les médias et la "mémoire collective". Tous les contempteurs qui continuent à fustiger Emmanuel Macron sur ses propos du 4 janvier 2022 dans "Le Parisien" n’ont pas encore compris qu’en parler le servait (d’ailleurs, les sondages ne semblent pas marqué d’effondrement d’Emmanuel Macron, au contraire, plutôt une consolidation de son "socle").

Quelques jours plus tard, Valérie Pécresse a organisé une conférence de presse assez solennelle le samedi 8 janvier 2022, annoncée la veille. Elle a expliqué tout ce qui la différenciait d’Emmanuel Macron, parlant du « quinquennat de mépris ». Le problème de Valérie Pécresse sur la politique sanitaire du gouvernement, c’est qu’elle est d’accord avec le Président de la République sur le fond, elle est favorable au passe vaccinal, du reste comme Éric Ciotti qui a voté le projet de loi le 6 janvier 2022.

En fait, ce que dit Valérie Pécresse dans ses déplacements n’imprime pas, c’est-à-dire ne marque pas l’actualité, ne marque pas les esprits, ne la distingue pas, ne la différencie pas. Nicolas Sarkozy, l’un des meilleurs connaisseurs des campagnes présidentielles (avec Jacques Chirac), avait pour objectif de sortir une proposition disruptive les deux jours, le temps que ses opposants réagissaient, il avait déjà lâché une autre proposition disruptive, si bien que les opposants n’avaient plus le temps de faire leurs propositions et étaient soumis, noyés, par le calendrier de Nicolas Sarkozy. C’est pourquoi Emmanuel Macron avait parlé de rester maître des horloges pendant la campagne de 2017, lorsqu’on lui avait demandé où en était son programme. C’est aussi ce qui a fait le succès de François Fillon dans sa campagne de la primaire LR de 2016 et même, d’une certaine manière, de ne pas s’être effondré malgré son "affaire" dans la campagne présidentielle de 2017 : ne pas se préoccuper des adversaires et "dérouler" son propre programme, sans créer de polémique contre les autres.

Valérie Pécresse, elle, n’a fait que de la défensive, répondant sans arrêt à Emmanuel Macron avec même un peu trop de zèle pour éviter les critiques de collusion intellectuelle avec le Président de la République. Mais en faisant cela, elle perd du temps qu’elle pourrait mieux consacrer à présenter son programme. Son programme et elle.

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À cette conférence de presse, elle était accompagnée de tous les hiérarques de LR : Gérard Larcher, Président du Sénat, Annie Genevard, première vice-présidente de l’Assemblée Nationale, Christian Jacob, président de le LR, Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée Nationale, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, ainsi que des anciens candidats à la primaire interne Éric Ciotti, Xavier Bertrand et Michel Barnier. Il y avait une impression diffuse que Valérie Pécresse était une marionnette manipulée par tout cet aréopage.

C’est, je pense, un des grands handicaps de Valérie Pécresse, qui peut être rapidement surmonté d’ailleurs. Valérie Pécresse n’est pas très connue, elle n’est pas dans le paysage politique depuis quarante ans (heureusement) et beaucoup d’électeurs qui pourraient voter pour elle ne la connaissent pas. Maintenant que l’union est acquise dans son parti (tout le monde, chez LR, veut sa victoire car c’est la seule voie possible pour que tous retrouvent le pouvoir, après dix ans de traversée du désert), Valérie Pécrese a besoin de personnaliser sa campagne, repousser tout le collectif et faire dans le personnel : "son" programme (et pas celui de LR), "son" style, "ses" décisions. Par exemple, quelqu’un comme François Fillon, très solitaire, n’avait aucun mal à personnaliser, et son refus de revenir sur le cumul de mandat était ferme et définitif malgré la revendication de nombreux élus LR pendant la campagne de 2017. Valérie Pécresse doit montrer son style, sa valeur ajoutée personnelle, quitte maintenant à déplaire à ses amis (qui sont désormais à être en situation de devoir accepter tout de leur candidate).

Ce manque d’incarnation est flagrant pour Valérie Pécresse et elle est d’ailleurs unique parmi les candidats qui sont actuellement à plus de 10% dans les sondages d’intentions de vote : Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, tous, on les connaît, on les aime ou on les déteste, mais ils ont leur personnalité, leur caractère fort parfois, et ils peuvent incarner personnellement le pouvoir. Yannick Jadot et Anne Hidalgo, comme l’était aussi Benoît Hamon, n’incarnent rien personnellement, et c’est peut-être la cause de leur faible attractivité. C’est aussi un atout pour Christiane Taubira qui a une forte personnalité (certains diraient trop forte) et une forte incarnation d’une certaine gauche morale (que ce soit réel ou pas, ce n’est pas le problème, c’est la perception qui compte).

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Il n’y a aucun doute que Valérie Pécresse a un caractère très fort. Défendre sa loi sur l’autonomie des universités sans beaucoup d’appui de ses collègues ministres et avec une forte désapprobation du milieu universitaire nécessitait une ténacité et une personnalité hors normes. À la tête de la région capitale également, elle a fait preuve d’une forte personnalité. Mais il faut que les gens le perçoivent. Il faut qu’elle abandonne les "nous" de politesse de parti en "moi" souvent crié par les machos. Bref, il faut qu’elle quitte ses habits d’élue modèle, qu’elle sorte de sa coquille, et qu’elle devienne cet "animal politique" qui aspire à devenir un Louis XIV ou un Napoléon moderne, c’est-à-dire qui aspire à incarner l’État, et au-delà, qui aspire à incarner la Nation, la République, la France. Ce n’est pas un handicap surmontable, la preuve avec Emmanuel Macron dont les qualités régaliennes se sont révélées dès le soir de son élection à la Pyramide du Louvre. Mais pour se révéler comme cela, il faut d’abord être élu. Il faut qu'elle convainque qu'elle est la meilleure de tous les candidats.

Il y a aussi un autre danger qui guette Valérie Pécresse : sa stratégie électorale. À l’heure actuelle, elle ne cesse d’envoyer des scuds contre Emmanuel Macron, ce qui est compréhensible car c’est le Président sortant et tout candidat non issu de la majorité ferait de même. En 1981, Valéry Giscard d’Estaing était seul contre tous, y compris Jacques Chirac qui faisait pourtant partie de la majorité. Emmanuel Macron ne doit donc pas s’attendre à de l’indulgence de la part de ses concurrents, ce qui est de bonne guerre. Mais est-ce l’intérêt électoral de Valérie Pécresse ? Je ne le crois pas.

J’évoquais au début de cet article la trompeuse rivalité entre Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour : c’est trompeur car elle n’existe pas. Ils ne naviguent dans les mêmes eaux. Certains voudraient même croire qu’ils proposent la même chose, ce qui est complètement erroné (et loufoque) : depuis le début des années 1980, le RPR (si apprécié par des nostalgiques du vintage) a été fondamentalement opposé au FN, à ses thèses, à son idéologie, à ses propositions, à toutes alliances même temporaires avec le FN, et j’ajouterais, même si cela me coûte puisque j’étais à l’UDF, l’UDF a été plus perméable à la tentation d’alliances locales voire régionales avec le FN (voir les élections régionales de 1998 et Charles Millon) que le RPR dont le sens de la discipline et des consignes était plus efficace. Du reste, le FN préférait la victoire de la gauche, qu’elle soit mitterrandienne, jospinienne ou hollandienne à la victoire de ce qu’il définissait comme ses ennemis, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Éric Zemmour est un peu différent car finalement, il a toujours été de la culture RPR (même si son RPR à lui a toujours été idéalisé par rapport à la réalité historique), donc nécessairement compatible avec LR (dont il connaît bien les dirigeants), mais toutefois avec des idées encore plus extrémistes voire immorales que le RN. C’est là l’étrangeté de la situation : avec Éric Zemmour, on prendrait presque Marine Le Pen pour une centriste ! Lui, il voudrait faire ce que le RPR qu’il chérit tant a toujours fermement refusé de faire, une alliance entre RN et LR. Pour le coup, ni le RN ni LR ne la souhaitent car ce serait contreproductif et l’anéantissement de leur fonds de commerce respectif. Les pourcents qu’Éric Zemmour représente dans les sondages d’intentions de vote correspondent aux Français, minoritaires à droite, qui veulent cette alliance.

La stratégie actuelle de Valérie Pécresse est une erreur car elle veut l’emporter sur les thèses les plus droitières face à Éric Zemmour et Marine Le Pen (c’était le seul intérêt de ressortir le kärscher). Mais à ce petit jeu, elle ne sera jamais ni crédible ni meilleure que les deux autres. Mission impossible, on préfère toujours l’original à la copie, comme disait le patriarche. On part de l’idée que le total des sondages Pécresse + Le Pen + Zemmour est un gâteau invariant à se partager. Pourtant, la politique n’a rien à voir avec l’arithmétique, tout comme l’économie (les 35 heures étaient une erreur car le nombre d’emplois n’est pas un invariant, il "suffit" de favoriser l’augmentation de l’activité économique).

Or Valérie Pécresse aurait au contraire intérêt à séduire les électeurs d’Emmanuel Macron qui sont très proches d’elle idéologiquement. Comme on lui reproche cela, le "on" provenant de sa droite, elle fait tout pour s’en démarquer, mais sera-t-elle crédible longtemps dans cette posture impossible et probablement contreproductive ?

La stratégie d’aller vers le centre serait plus pertinente, notamment dans une optique de campagne de second tour (certains électeurs de gauche ont déjà décidé de voter pour elle par réalisme et lucidité, par haine d’Emmanuel Macron et volonté efficace d’éviter sa réélection), mais aussi pour le premier tour : si elle reprend la part perdue des électeurs de François Fillon soutenant maintenant Emmanuel Macron (dont je suis par exemple), non seulement elle pourra consolider son socle pour atteindre le second tour, mais mécaniquement, le socle électoral d’Emmanuel Macron sera fragilisé. Dans ces conditions, c’est donc incompréhensible qu’elle veuille suivre les surenchères ciottiennes. Cela dit, il sera plus difficile à des électeurs d’Emmanuel Macron d’origine de centre droit de retourner vers Valérie Pécresse que de s’être détourné de François Fillon ou de LR en général pour rejoindre Emmanuel Macron il  a cinq ans. Édouard Philippe en sait quelque chose.

Une soutien pourrait être faire changer d’avis la candidate LR, même si celui-ci prêtera le flanc à la critique des plus à droite : dans "Le Point", l’essayiste Alain Minc a apporté le 12 janvier 2022 son soutien à Valérie Pécresse, alors qu’il était proche d’Emmanuel Macron en 2017. Un soutien qui pourrait inquiéter l’ancienne ministre car il n’a jamais soutenu de futurs vainqueurs (en 2017, il avait d’abord soutenu Alain Juppé en 2017).

Cela dit, les raisons du soutien sont les suivantes : Valérie Pécresse, ce serait Emmanuel Macron en mieux ; Valérie Pécresse est une femme et une femme à l’Élysée serait une fierté française (la fierté est le leitmotif de campagne de Valérie Pécresse) ; Emmanuel Macron n’aura pas de majorité à l’Assemblée Nationale (on avait déjà dit cela en 2017) et la situation de crise exige qu’on ne soit pas en cohabitation ; enfin, sa qualification au second tour permettrait d’éliminer les deux candidats d’extrême droite qui sont les deux dangers du moment. Au-delà de ces raisons, Alain Minc a été déçu par Emmanuel Macron : il lui avait conseillé de nommer Valérie Pécresse à Matignon en juillet 2020 car elle avait un grand potentiel et pourrait être la plus redoutable des candidats potentiels de LR ; de plus, il a regretté que son conseil de ne pas présenter de liste LREM contre elle aux régionales en Île-de-France n’ait pas été suivi au profit de petits avantages partisans.

Aujourd’hui, Valérie Pécresse se trouve devant un choix qu’elle devra rapidement prendre : ou continuer à errer sur les terres extrémistes qui ne lui rapporteront rien, ou changer résolument de cap et revenir à sa nature profonde, le centre droit voire le radicalisme à la Chirac, qui irait cibler l’électorat même d’Emmanuel Macron, avec un argument de poids ne faisant pas beaucoup rêver les foules : l’équilibre des comptes publics.

Manque d’incarnation, stratégie incertaine : l’arithmétique des sondages d’intentions de vote n’a jamais opéré (elle n’a pas forcément intérêt à aider par des parrainages LR la candidature d’Éric Zemmour : le polémiste pourrait "détourner" plus de voix LR que de voix RN voire arriver lui-même en deuxième position). Si elle réussit cette transformation d’incarner la Nation et d’être crédible dans le rassemblement des Français, elle pourra faire éclater l’arithmétique et déplacer les lignes. Rien n’est pour l’instant cristallisé (la moitié des électeurs n’a pas encore choisi), et tout, tout reste possible…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée (24) : Valérie Pécresse, entre savoir-faire et savoir-plaire.
Élysée 2022 (19) : l’effet Valérie Pécresse.
Élysée 2022 (18) : Valérie Pécresse, naissance d’une leader.
Second tour du congrès du parti Les Républicains le 4 décembre 2021.
Élysée 2022 (16) : ce sera le duel Ciotti-Pécresse.
Élysée 2022 (15) : le quatrième et ultime débat des candidats LR.
Élysée 2022 (14) : L’envol d’Éric Ciotti ?
Renaud Muselier.
Philippe Juvin.
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220112-pecresse.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-24-valerie-pecresse-entre-238561

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/01/09/39296310.html









 

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