Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 03:46

« Les Français n’ont jamais autant adhéré aux valeurs de droite que je porte : autorité, défense de notre identité et promotion de la liberté économique. Plus que jamais, je pense que je peux gagner. Ma victoire peut être la base, autour des Républicains, d’un rassemblement de tous les électeurs de droite (…). Quand la droite est de droite, il n’y a pas de place à l’extrême droite. » (Éric Ciotti, "Le Figaro" du 25 novembre 2021).



_yartiCiottiEricB01

La révélation de cette précampagne pour la candidature LR à l’élection présidentielle, c’est Éric Ciotti. Les trois autres candidats Valérie Pécresse, Michel Barnier et Xavier Bertrand sont d’une autre stature, plusieurs fois ministres, longue expérience politique, parfois chef de parti, ils n’ont pas été Premier Ministre ni Président de la République comme l’avaient été les candidats à la candidature LR en 2016, mais ils avaient déjà acquis une certaine légitimité à gouverner et les trois étaient premiers ministrables. Quant à Philippe Juvin, c’est le "petit candidat qui veut se caser", au demeurant brillant. Éric Ciotti, c’était le petit candidat qui est devenu grand. Le vilain petit canard.

À la veille du congrès LR, tout reste possible. Le vote des adhérents aura lieu le 1er et 2 décembre 2021 pour le premier tour. Éric Ciotti a réussi à amorcer une dynamique qu’on ne ressent pas chez ses concurrents. Pourquoi ? Probablement parce qu’il n’a rien à perdre, il s’était présenté parce qu’avec l’absence de Laurent Wauquiez, il trouvait qu’il manquait une voix, la voix la plus droitière de LR.

L’un de ses thèmes est d’être contre la prudence car il n’y aurait plus le temps d’être prudent, la prudence serait un luxe. C’est une réaction aux thèmes de Michel Barnier, dont on disait qu’il était le chouchou de l’appareil militant, et qui, tout en soutenant les mêmes délires droitiers (à cet égard, il n’y a pas beaucoup de différences entre les candidats), prône systématiquement la prudence, qu’on ne peut pas tout bouleverser, que la société française est fragile et on l’a vu à chaque grande réforme (la dernière en date est la réforme des retraites avortée). Mais Éric Ciotti fait au contraire connaître sa différence et avec lui, ce sera du tout ou rien, ça passe ou ça casse : « Mon projet est un projet de rupture radicale. Pour redresser la France, nous devons fermer le robinet d’eau tiède. ».

Comme François Fillon dont il se réfère, il suit son fil de campagne et montre aussi son originalité. Et pourtant, il y a une certaine imposture à se référer à François Fillon. Certes, il est le seul candidat LR à avoir participé au grand meeting du Trocadéro le 5 mars 2017. Toutefois, une personnalité comme François Baroin, qui était également au Trocadéro, s’est affirmée par la suite piégée par ce meeting, car il était prévu que François Fillon annonçât son abandon.

_yartiCiottiEricB02

Mais l’imposture est ailleurs, elle est que François Fillon, dès sa défaite au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, a clairement annoncé qu’il appelait à voter pour Emmanuel Macron afin de faire barrage à Marine Le Pen. Or, Éric Ciotti, au contraire, se vante d’être le seul candidat LR à ne pas avoir voter pour Emmanuel Macron au second tour (il a voté pour François Baroin), ce qui montre qu’il n’a pas suivi du tout la ligne politique de François Fillon. Et au début de sa candidature, il avait maladroitement annoncé que dans le cas d’un second tour entre Éric Zemmour et Emmanuel Macron, il voterait naturellement pour le premier (maladroitement car lorsqu’on est candidat, on devrait toujours se placer dans l’hypothèse où l’on gagne).

Malgré cette contradiction (les gens ont la mémoire courte), Éric Ciotti a prouvé sa grande faculté à mobiliser les militants. Il se revendique de beaucoup de monde, ce qui est presque "mignon" (naïf) car à force de vouloir ratisser trop large, il risque d’éveiller les soupçons d’hypocrisie (même si je ne doute pas de sa sincérité, les identités politiques sont toujours complexes). Ses revendications sont ainsi nombreuses : François Fillon, Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac, De Gaulle, Georges Pompidou, mais aussi Philipe Séguin, Charles Pasqua, Valéry Giscard d’Estaing, et même Simone Veil ! Des personnalités pas forcément compatibles les unes avec les autres.

Dans son discours au conseil national de LR le 20 novembre 2021 (une sorte de grand oral devant les militants), il a rappelé les trois axes de sa campagne : l’autorité, l’identité et la liberté. Les deux premiers thèmes sont donc des thèmes essentiellement zemmouriens, qui a aussi pour volonté de conforter l’idée qu’il est le meilleur candidat anti-Macron. Dans cette surenchère droitière, les candidats LR se revendiquent les plus anti-Macron mais jamais ils ne se montrent comme les candidats les meilleurs pour faire barrage à la (double) extrême droite ; il est là, le malaise du congrès LR.





Le programme d’Éric Ciotti est un livret de 30 pages intitulé "Pour que la France reste la France" (qui est une sorte de déclinaison de la phrase zemmourienne : "La France n’a pas dit son dernier mot") avec des parties assez élaborées. Et avec l’exploit de n’insérer aucune photo du candidat !

Il met Emmanuel Macron dans le même sac que François Hollande et évoque les dix ans de désastre, ce qui est peu sérieux dans l’analyse politique : « Depuis 2012, notre pays est engagé comme jamais sur la pente du déclin. Emmanuel Macron est depuis dix ans l’un des principaux responsables de cette décennie du déclassement. ».

Le député de Nice commence d’ailleurs très fort son programme avec ces phrases que ne renierait pas l’extrême droite qui déteste la France d’aujourd’hui : « Oui, notre pays est menacé de dissolution. Je refuse que la France disparaisse. Le peuple de France ne veut pas disparaître. Le peuple français refuse que ses valeurs, ses modes de vie, son identité, son histoire soient effacés. ». Management par la peur. Ce n’est pas ce qui va renforcer la grandeur de la France.

Parmi les propositions phares (je n’évoque pas la sécurité et l’immigration qui ont été longuement débattues), il y a notamment : la suppression des droits de succession (pour les patrimoines de moins de 5 millions d’euros), l’élargissement des exonérations des donations entre grands-parents et petits-enfants à 150 000 euros tous les cinq ans, la sortie de la résidence principale de l’impôt sur la fortune immobilière, l’instauration d’un taux unique à 15% pour l’impôt sur le revenu, la baisse de l’impôt sur les sociétés de 25% à 20%, le retour aux 39 heures pour les fonctionnaires, payées 38 heures, la suppression de 250 000 postes de fonctionnaires, le rétablissement du septennat renouvelable une fois, l’abrogation de l’interdiction de cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat d’exécutif local (François Fillon avait refusé de rétablir la possibilité de ce cumul en 2017), la suppression du Conseil Économique, Social et Environnemental, la suppression du mille-feuilles territorial au profit de deux collectivités : les communes et les "provinces" (une cinquantaine), une nouvelle réforme des retraites (âge légal de départ à 65 ans, alignement public/privé, suppression des régimes spéciaux, indexation des pensions sur le coût de la vie), l’abrogation de la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain), l’exonération des plus-values immobilières imposables pour un bien détenu depuis plus de dix ans, la "destruction des grandes cités, des zones de non-droit", l’inscription des racines judéo-chrétiennes dans la Constitution, l’interdiction du burkini dans les piscines publiques et sur les plages, la reconnaissance de Jérusalem comme capital de l’État d’Israël, l’instauration de l’uniforme obligatoire au collège et au lycée, la levée des couleurs, le chant de la Marseillaise, la fin du collègue unique et l’apprentissage dès 14 ans, l’interdiction de l’écriture inclusive à l’école et dans l’administration, la programmation de six nouveaux EPR (centrales nucléaires), le développement d’un plan hydrogène et électricité dans les transports (mais Emmanuel Macron vient déjà de renforcer le plan hydrogène à 9 milliards d’euros le 16 novembre 2021 à Béziers) , etc.

Ce catalogue à la Prévert est sans aucun doute trop précis dans tous les domaines mais a le mérite de montrer que le candidat a réfléchi à une vision globale de la France et des Français (tandis que Michel Barnier, par exemple, considère que le Président de la République donne simplement les grandes impulsions).

Cela dit, on y lit quelques contradictions et je prends cet exemple de la politique familiale qui propose, avec raison, de « rétablir l’universalité des allocations familiales pour rendre son efficacité à notre politique familiale ». Cependant, elle entre en contradiction à ce penchant sécuritaire énoncé quelques pages précédentes : « supprimer les allocations familiales pour les parents dont les enfants ne respectent pas les valeurs de la République » (cette dernière mesure est d’ailleurs triplement douteuse mais ce n’est pas le sujet).

Dans une interview accordée à Marion Mourgues pour "Le Figaro" publiée le 25 novembre 2021, Éric Ciotti a annoncé qu’élu Président de la République, il nommerait Laurent Wauquiez Premier Ministre et Bruno Retailleau Ministre de l’Intérieur. Il a clairement affirmé que « l’urgence absolue est de faire battre Emmanuel Macron », pas de faire barrage à l’extrême droite. Il a d’ailleurs dit à cet égard : « Quand la droite est de droite, il n’y a pas de place pour l’extrême droite. ». Sauf que dans son programme, il devrait plutôt dire : quand la droite est d’extrême droite.

Il a proclamé encore : « Si je gagne ce congrès, je conduirai une politique de droite sans ouverture ni hésitation. (…) Je suis profondément convaincu de pouvoir être le pivot républicain d’un vrai projet de renaissance française autour des valeurs de la droite. ». Le rêve d’Éric Ciotti est de rassembler les électeurs LR avec ceux de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour. Et pourtant, la formule de Jean-Marie Le Pen revient sans cesse : il vaut mieux l’original que la copie.

Mais cette formule peut se retourner en sa faveur : pour l’instant, en effet, c’est un combat interne. Par une erreur de discernement des trois candidats "modérés" (Xavier Bertrand, Michel Barnier et Valérie Pécresse), ils ont cassé cette image de "modérés" pour aller errer sur des zones de l’extrême droite pour lesquelles ils ne sont pas vraiment crédibles. Avec ce critère, Éric Ciotti est le plus crédible, le plus cohérent, et surtout, le plus constant : lui a toujours été ainsi.

Dans tous les cas, alors qu’il voudrait récupérer notamment « les électeurs qui nous ont quittés pour Emmanuel Macron », comme ce serait une urgence absolue de faire battre le Président sortant, je ne vois pas comment ceux-ci pourraient revenir. À moins d’une opération du saint Esprit. Cette semaine sera décisive dans la précampagne présidentielle et Éric Ciotti croit sérieusement à ses chances. Le terreau lui est effectivement favorable.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (15) : quatrième débat LR.
Élysée 2022 (14) : L’envol d’Éric Ciotti ?
Renaud Muselier.
Philippe Juvin.
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

_yartiCiottiEricB03



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211129-ciotti.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-14-l-envol-d-eric-237563

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/28/39239238.html




 

Partager cet article
Repost0
29 novembre 2021 1 29 /11 /novembre /2021 03:54

« Le doute est un état mental désagréable, mais la certitude est ridicule. » (Voltaire).



_yartiLePenZemmour01

On vit une époque formidable. Peut-être arrive-t-on à la fin de la précampagne présidentielle et que dans quelques jours, on va vraiment s’attaquer aux choses sérieuses : lundi 29 novembre, fondation de Ensemble Citoyens, la maison commune de la majorité, le week-end suivant, congrès de LR et désignation de son candidat et auparavant, entre les deux, la probable déclaration de candidature du polémiste Éric Zemmour.

Samedi 27 novembre 2021, Éric Zemmour s’est retrouvé dans un trou d’air. Répondre, à Marseille, par un doigt d’honneur à une militante qui lui a fait la même chose, c’est donner une image déplorable du débat public, une sorte de cour de récréation où les gestes infantiles et immatures l’emportent sur les arguments. Une France de racailles, c’était donc ça que voudrait nous imposer Éric Zemmour ? Tout s’éclaire.

Il faut donc envisager une baisse dans les sondages, mais qui sera peut-être compensée par une hausse lors de sa déclaration de candidature (à moins qu’il ne renonce finalement), mais la désignation du candidat LR pourrait aussi l’affecter. Donc, il faut rester bien sûr prudent dans les analyses qui se basent sur les sondages actuels, il y aura probablement encore de grandes évolutions avant la fin de la course.

Éric Zemmour est certes un peu en perte de vitesse dans les sondages d’intentions de vote et Marine Le Pen, sa rivale d’extrême droite, a repris le dessus sur lui, j’ai vu un sondage qui leur donnait respectivement 14% et 19% (avec Emmanuel Macron à 25% et Xavier Bertrand à 13%), et cela peut évoluer. Il faut quand même remarquer que ce n’est pas non plus l’effondrement, c’est plutôt un tassement pour celui qui est parti de 4%-5% et qui a atteint jusqu’à 18% d’intentions de voix en seulement un mois et demi. Il y a une sorte de surenchère médiatique (elle y est encore), et des potentiels électeurs qui, ne le connaissant pas vraiment, ont trouvé sympathique ce vent neuf pourraient se retourner en connaissant un peu mieux le genre d’idées que véhicule le polémiste. Le pire reste cependant le décalage entre le discours qui se voudrait intellectuel, en fait faussement intellectuel, toutes ses références historiques sont des affirmations tronquées ou des interprétations de mauvaise foi, et les actes, et le dernier en date, ce doigt d’honneur, qui est l’objet irrésistible d’un jeu de mot du numéro de "Libération" du 29 novembre 2021 ("doigt dans ses bottes"), ne participe pas à la cohérence du candidat potentiel.

_yartiLePenZemmour02

Néanmoins, malgré toutes les provocations pendant ces deux derniers mois, Éric Zemmour a quand même tenu le choc dans les sondages et les deux candidats d’extrême droite se sont retrouvés durablement en deuxième et troisième places, cumulant à eux deux autour de 33% des intentions de vote (c’est monté jusqu’à 36%), ce qui est énorme et personne des autres camps ne peuvent pavoiser, notamment pas le candidat LR qui, quel qu’il soit, n’a jamais pu se retrouver plus haut qu’à la quatrième place.

Alors, que se passerait si Emmanuel Macron s’effondrait ? Certes, sa cote de popularité est très bonne, autour de 51% (c’est incroyable pour un Président français en fin de mandat, mais il y a des raisons à cela). L’inconvénient d’être au pouvoir, c’est qu’il faut l’exercer, et le calendrier est aujourd’hui rarement maîtrisé avec les multiples crises, cette trentaine de réfugiés qui périssent dans la Manche, ou encore, ce nouveau variant omicron qui inquiète tout le monde (ou presque). Bref, cette popularité est très fragile et s’il fallait par exemple reconfiner pendant la période de Noël, le Président de la République verrait ses chances se réduire pour sa réélection (j’espère en revanche que ses décisions, quand il s’agit de la vie des personnes, ne seront pas prises sous ce prisme).

Certains rejettent alors l’idée, si Emmanuel Macron n’atteignait pas le second tour, qu’il serait absolument impossible que les deux candidats d’extrême droite se retrouvent présents au second tour. C’est vrai que cette probabilité est faible car on pourrait penser que les potentiels électeurs d’Emmanuel Macron, qui s’écarteraient de lui, iraient sur le candidat LR et que ce dernier (ou cette dernière) se retrouverait finalement au second tour face à un candidat d’extrême droite.

C’est sans doute une forte probabilité, mais rien n’est sûr et je n’exclurais pas a priori un cauchemar pour de nombreuses personnes (a priori, pour 65 à 70% de l’électorat si l’on en croit les sondages), un second tour entre Marine Le Pen et Éric Zemmour.

Pourquoi ? Parce que, d’une part, les électeurs potentiels qui se sont détournés de LR ne reviendraient pas nécessairement vers le candidat LR parce que la raison en est politique, trouvant trop droitiers les discours de tous les candidats LR, car tous pêchent dans les mêmes eaux. Réussir à récupérer cet électorat modéré sera d’autant plus difficile pour le candidat LR désigné prochainement qu’il ne faut pas décevoir l’électorat droitier. En somme, mission impossible.

Parce que, d’autre part, en cas de chute dans les sondages, Emmanuel Macron n’aurait pas forcément déçu l’électorat du centre droit, mais plutôt du centre gauche qui est encore très présent (sinon, la gauche n’aurait pas perdu autant d’audience).

Dans cette hypothèse (un effondrement d’Emmanuel Macron aurait une cause, et celle-ci serait politiquement déterminée, favorisant la gauche ou la droite, je parle donc de l’hypothèse de décevoir son aile gauche), ses électeurs potentiels de centre gauche n’iraient donc évidemment pas vers LR mais plutôt vers un candidat dit de gauche, probablement Yannick Jadot ou Anne Hidalgo. Or, le report de voix vers ces candidats ne devrait pas bouleverser la situation pour le second tour et même si c’est une éventualité à faible probabilité, un second tour Le Pen vs Zemmour reste donc possible. Heureusement, cette probabilité a baissé d’un cran depuis ce 27 novembre 2021 mais les soubresauts d’une campagne seront encore nombreux dans un sens ou le sens contraire.

En tout cas, après une période d’hésitation, la campagne de Marine Le Pen a repris un bon rythme et l’existence du polémiste lui offre même le luxe de se montrer et modérée (pas aussi provoquante que lui) et féministe (alors qu’elle n’a jamais porté cette tendance). Ce qui est très fort et en fait son "idiot utile".

Ce qui paraît impossible est toujours possible : le choix des électeurs n’est d’une part jamais fixé avant la date donnée, et reste d’autre part tributaire de raisons très diverses et variées qu’on ne peut expliquer vraiment qu’a posteriori, comme si c’était une rétroévidence (mais personne ne parle de cette évidence avant le scrutin, bien sûr, car il y a une part de mystère dans l’esprit de près de 50 millions d’électeurs).

Parmi les précédents, il y a eu l’élection présidentielle de 1995 qui s’est focalisée sur la rivalité entre Édouard Balladur et Jacques Chirac, rivalité qui allait se projeter, selon certains sondages, jusqu’au second tour (en négligeant de voir que Lionel Jospin faisait lui aussi campagne malgré l’effondrement du PS en 1993). Un second tour Balladur vs Chirac aurait été politiquement assez décevant mais électoralement possible.

Et puis, il y a eu aussi 1969, et l’élection présidentielle de 1969 a été caractérisée surtout par l’effondrement de la gauche qui a mal réagi à mai 68. Résultat, si le candidat communiste Jacques Duclos a fait une excellente campagne et un excellent score, ce n’a pas été suffisant pour retrouver au second tour un candidat de gauche et le clivage a eu lieu entre un candidat gaulliste Georges Pompidou et un candidat de centre droit Alain Poher. Ce second tour ne fut donc pas un "choc des civilisations".

Dans l’état de notre société hystérisée par les problèmes identitaires, son manque de confiance en ses forces, son manque de confiance en sa capacité à construire l’avenir, rien n’interdirait que les deux candidats de la haine de la France actuelle puissent se retrouver en tête du premier tour et en tête-à-tête du second tour.

C’est aussi pourquoi il ne faut pas souhaiter un effondrement d’Emmanuel Macron, car il est le seul capable de faire barrage à l’extrême droite. Les candidats LR disent tous qu’ils veulent être le candidat anti-Macron, pas le candidat anti-extrême droite, et de toute façon, quand on est classé en quatrième position, du moins, très éloigné de la deuxième position, on est candidat anti-rien, on est candidat perdant. Alors, méfiez-vous de ceux qui disent que le pire n’est pas possible…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Faut-il craindre un second tour Éric Zemmour vs Marine Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen.
Marine Le Pen et l’effet majoritaire.
Radio Kaboul dans les sondages : Éric Zemmour au second tour !
Bygmalion : Éric Zemmour soutient Nicolas Sarkozy.
Les prénoms d’Éric Zemmour.
Le virus Zemmour.
Le chevalier Zemmour.
Élysée 2022 (1) : un peuple d’ingouvernables ?
Les Républicains et la tentation populiste.

_yartiLePenZemmour03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211127-zemmour-le-pen.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/faut-il-craindre-un-second-tour-237516

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/27/39238362.html









 

Partager cet article
Repost0
24 novembre 2021 3 24 /11 /novembre /2021 03:39

« Une civilisation débute dans le mythe et finit dans le doute. » (Emil Cioran, 1964).


_yartiJuvinPhilippe01

Cette citation est issue d’un livre d’un désabusé de la vie, "La Chute dans le temps" publié en 1964, l’année de naissance de Philippe Juvin. C’est sur ce dernier que je souhaite m’attarder car il est candidat à l’investiture de LR pour l’élection présidentielle de 2022. Sympathique avec ses faux airs de François Léotard au regard profond, Philippe Juvin étonne par ses transgressions, un peu comme Laura Laune qui dit une vacherie avec le sourire d'une fillette à qui on donnerait le bon dieu sans confession.

À bientôt 58 ans, Philippe Juvin s’est fait une nouvelle notoriété depuis le début de la crise sanitaire, en faisant partie des médecins qui intervenaient souvent dans les médias (toujours pour taper sur Emmanuel Macron). Et il a quelque qualité à intervenir car depuis presque dix ans, il est le chef de service des urgences à l’hôpital Georges-Pompidou de Paris. Il a aussi eu un écho médiatique lors des attentats du 13 novembre 2015, en raison de son implication dans la prise en charge des victimes blessées. Sa candidature à l’élection présidentielle n’est pourtant pas une surprise absolument imprévisible, car il a toujours fait de la politique.

Au-delà d’une brillante carrière de professeur d’université et de médecin anesthésiste, au cours de laquelle il a été médecin militaire volontaire pour les forces de l’OTAN affecté en Afghanistan (en été 2008), Philippe Juvin a toujours été un militant politique, au RPR et un proche de Nicolas Sarkozy dont on dit qu’il fut son médecin traitant. Il a été président de l’UJP (Union des jeunes pour le progrès, mouvement des jeunes gaullistes) de 1989 à 1995. Dès mars 1983, à 19 ans, il a été élu conseiller municipal de La Garenne-Colombes et a été réélu jusqu’à ce jour.

En mars 2001, il a été élu maire de La Garenne-Colombes, et a été réélu jusqu’à maintenant (en 2008, 2014, 2020). Son expérience de maire pendant plus de vingt ans lui est précieuse pour comprendre, sur le terrain, les problèmes de ses contemporains, en particulier en matière de sécurité. Il a été élu sur sa lancée conseiller général de La Garenne-Colombes de mars 2004 à juillet 2009, avec la responsabilité d’une vice-présidence du conseil général des Hauts-de-Seine présidé jusqu’en 2007 par Nicolas Sarkozy. Il a été aussi candidat à sa succession face à Patrick Devedjian.

En juin 2009, la liste UMP ayant fait plus de voix que prévu (29,6% !), Philippe Juvin a été élu député européen (il était placé en cinquième position de la liste de Michel Barnier, ce qui rendait son élection quasi-impossible). Il a été réélu en mai 2014 en troisième position sur la liste d’Alain Lamassoure. Ses dix ans de mandat européen (2009-2019) lui ont apporté aussi une grande crédibilité politique, d’autant plus que malgré ses responsabilités professionnelles et universitaires, il a montré une grande capacité de travail (troisième député européen français le plus actif en 2014-2015). En 2019, il a renoncé à se représenter, mais il n’aurait probablement pas obtenu une place éligible sur une liste devenue nationale avec un potentiel électoral affaibli (il a au préalable postulé pour être la tête de liste LR).

Enfin, depuis juin 2021, il a été élu conseiller régional d’Île-de-France sur la liste de Valérie Pécresse. Il avait quitté le conseil général des Hauts-de-Seine en 2009 quand il a été élu député européen, en raison de la loi sur le cumul des mandats. Comme on le voit, il a déjà une forte expérience élective même s’il ne fait pas partie du sérail des leaders nationaux de l’UMP puis de LR. En interne, Philippe Juvin a soutenu Jean-François Copé en novembre 2012, Nicolas Sarkozy en novembre 2016 et Laurent Wauquiez en décembre 2017.

_yartiJuvinPhilippe02

Je soupçonne sa candidature à la candidature présidentielle comme une opération marketing pour faire sa promotion politique. Une investiture LR aux législatives. Et le ministère de la santé en cas d’élection du candidat LR ! Qui le lui reprochera ? La plupart des candidats aux primaires, même ceux qui n’ont aucune chance, usent d’une telle tribune dans tous les partis, y compris chez les écologistes où Jean-Marc Governatori s’est fait connaître des Français. Pour le congrès LR, il est clair que Philippe Juvin est le candidat le moins connu en politique par rapport aux quatre députés ou anciens députés, parfois anciens ministres au talent de débatteurs assez redoutable.

Depuis environ deux mois qu’il est en campagne (selon les modalités décidées tardivement par LR, il était officiellement candidat depuis le 26 juillet 2021), Philippe Juvin a étonné par sa combativité et ses idées originales, et par sa manière de parler, déterminée et claire. Il existe par la différenciation. Il s’est distingué de ses concurrents par la défense du service public car il a vu les ravages d’une gestion seulement pécuniaire de l’hôpital (c’est aussi le principe du corporatisme de ne pas aller contre sa profession).

Mais il ne s’est pas distingué de la posture extrémiste qu’ont adoptée tous les candidats, y compris ceux qu’on croyait modérés (modérés au point de quitter LR quand son président était Laurent Wauquiez). Et pour preuve, Philippe Juvin a fait une sortie assez inattendue au cours du troisième débat le 21 novembre 2021 sur CNews et Europe 1.

Europe 1, le lendemain, 22 novembre 2021, a même eu cette curieuse formulation : « Un des cinq candidats met particulièrement du piment dans les débats et veut marquer sa différence. Il s’agit de l’anesthésiste Philippe Juvin. » (J’aurais tendance à penser que le piment réveillait et n’anesthésiait pas !).

Philippe Juvin a fait, en quelques phrases, de nombreuses confusions, voulues ou non voulues, mélangeant tout et n’importe quoi et cela donnait ce mélange indigeste : « Et il y a un dernier point que je voudrais ajouter. L’identité, elle sera défendue si nous voulons la défendre. Si nous avons le sentiment que notre identité, notre modèle de civilisation, parce que c’est une civilisation qui est supérieure aux autres. Je crois que nous avons un modèle de civilisation qui est supérieure (…). Nous avons inventé beaucoup de choses. Nous avons inventé l’histoire, la philosophie, la politique, la liberté (…). Et j’assume de croire que notre modèle de civilisation est supérieur aux autres. Et vous savez pourquoi ? C’est quand vous n’êtes pas certains que votre modèle de civilisation est supérieur, eh bien, vous ne le défendez pas. Et moi, je veux le défendre car je pense qu’il est le meilleur... ».





Évidemment, il n’a pas défini "civilisation", "modèle de civilisation", "identité", "supérieur". L’identité n’a rien à voir avec une idée de compétition. Je n’ai pas besoin de me croire supérieur aux autres pour être sûr de mon identité. Je connais mes forces et mes faiblesses, je sais que d’autres sont, dans certains domaines, supérieurs à moi, d’autres probablement inférieurs, mais cela ne m’empêche pas de m’apprécier ! Mais dire supérieur ou inférieur me paraît en plus des concepts complètement dépassés et surtout dangereux et à la limite des "races supérieures" de Jules Ferry

Par ailleurs, on peut défendre son conjoint, l’aimer, sans pour autant le (ou la) classer par rapport à une éventuelle concurrence (le conjoint étant unique, il est par définition celui ou celle qui a été choisi, seul, exclusivement, au contraire de tous les autres). Ce n’est peut-être pas la plus belle femme du monde, la plus sensible, l’homme le plus intelligent, le plus sportif, etc. mais c’est celle (ou celui) qui a été choisi par l’autre (et n’y voyez pas de sexisme dans le choix de mes adjectifs, le principe d’un classement est stupide et parler de supériorité sans dire de quoi exactement est ambiguë et intellectuellement délirant).

De même, l’identité n’est pas en compétition. On ne défend pas son identité en combattant celle des autres. L’identité est un fait, elle est ce qu’elle est, elle est la fierté, la honte, ou ni l’un ni l’autre, elle n’est pas le résultat d’un mérite. Car c’est cela l’important : l’identité n’est pas le résultat d’un mérite. Il n’y a pas à en avoir fier ou honte. Être homosexuel n’est pas une fierté, être Français n’est pas une honte, etc. En revanche, on peut être content d’être Français, mais c’est une chance d’être Français, ce n’est pas une victoire personnelle, pas un succès à un examen, pas une victoire électorale, c’est simplement un état de fait, très souvent par le hasard de la naissance, parfois par le choix conscient de celui qui choisit son pays comme un converti choisit sa religion.

Et que dire de la stupidité de parler de la "civilisation française" ? ou du "modèle de civilisation français" ? Les Allemands seraient-ils différents ? seraient-ils inférieurs ? Les Britanniques ? Les Américains ? Les Russes ? Les Chinois ? etc. Quelle est la différence de civilisation ? Quand on sait que même dans les régions les plus reculées de Madagascar, on trouve des boîtes de Coca Cola vide jonchées sur le sol, que les gens sont tous habillés en jeans, qu’ils communiquent avec des smartphones chinois comme les trois quarts des habitants de cette planète ? Oui, on peut parler de culture, nationale voire régionale, de culture différente, de langues différentes, mais peut-on parler d’une culture supérieure ? d’une langue supérieure ? Peut-être d’une langue plus facile ou moins facile à apprendre, et encore, pour certains individus et pas pour d’autres.

Le clou de la sortie de Philippe Juvin est sans doute ceci : « Nous avons inventé l’histoire, la philosophie, la politique, la liberté. ». Après cela, si les "non-Français" ne sont pas convaincus de l’arrogance extrême des Français, c’est à désespérer ! La Grèce, Rome, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Suisse, etc. peuvent aussi revendiquer une invention qui, encore une fois, n’est que collective, par petite touche, comme toutes les progressions du monde, scientifiques ou pas.

Et si l’on prend la définition qu’a donnée Auguste Comte dans son "Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société" publié il y a près d’un siècle, en 1922, il dit : « Les éléments dont se compose l’idée de civilisation sont : les sciences, les beaux-arts et l’industrie. ». Alors, c’est râpé pour la France, du moins pour son industrie qui a été délocalisée et qui est loin d’être florissante.

Très drôle aussi, Sonia Mabrouk a cru mal entendre puis, après que Philippe Juvin a "assumé" ses propos, elle s’est tournée vers Xavier Bertrand croyant y trouver un allié en posant la question : « Et vous être d’accord ? ». Mais Xavier Bertrand, flairant le piège, ne s’est pas opposé à cette idée de civilisation française supérieure en simplement disant mollement : « Nous ne sommes pas un pays comme les autres, c’est vrai, c’est vrai ! » et de parler des Lumières, ce qui était politiquement plus correct. Le pire, à mon sens, c’est que les trois autres se sont tus et ont laissé passer.

Quand on confond civilisation et nationalité, c’est pire qu’associer identité et immigration ou insécurité et immigration. Je crois que ce parti est particulièrement malade. Je ne suis pas convaincu qu’il existe un remède. Il ne devra pas s’étonner si les électeurs de centre droit le fuient. Pour dire des horreurs, il y a des partis plus appropriés et plus crédibles. Quant aux autres, plus raisonnables, ils ont déjà trouvé leur chemin, puisque rien ne se profile à LR…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Philippe Juvin.
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

_yartiJuvinPhilippe03



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211121-philippe-juvin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-superiorite-de-philippe-juvin-237366

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/23/39232328.html












 

Partager cet article
Repost0
22 novembre 2021 1 22 /11 /novembre /2021 03:48

Le vrai marqueur de différenciation, ce serait leur réaction à la polémique Lagarde vs Zemmour. Un peu faible et léger lorsqu’on voulait montrer qu’on est le plus apte à prendre les destinées du pays…



_yartiDebatLR2021C01

Non, pas bis mais ter repetita (non placent) ou assueta vigescunt. Ce dimanche 21 novembre 2021 dans la soirée a eu lieu sur CNews et Europe 1, le troisième débat des candidats LR à l’investiture par le congrès à l’élection présidentielle. Michel Barnier, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Éric Ciotti et Philippe Juvin étaient les débatteurs et Sonia Mabrouk et Laurence Ferrari étaient les animatrices.

Autant dire tout de suite que ce débat n’aura certainement pas l’effet de départager les candidats auprès des hésitants. Tous ont été égaux à eux-mêmes, plutôt au meilleur de leur forme, mais c’était déjà le cas aux deux précédents débats, et rien ne semblait vouloir les distinguer dans cette fuite en avant par un antimacronisme primaire particulièrement contreproductif.

En effet, aux yeux des cinq candidats, la France d’Emmanuel Macron serait catastrophique, rien n’aurait été bien fait, ce serait un désastre. Or, l’excessif est toujours insignifiant. Il y aurait plus de crédibilité à dire ce qui allait et ce qui n’allait pas. La résultante, c’est que ces excès d’antimacronisme, paradoxalement proportionnels à leur proximité idéologique, n’étaient pas vraiment convaincants. D’ailleurs, tous ont en permanence mis dans le même sac François Hollande et Emmanuel Macron comme s’ils étaient tous les deux socialistes.

Philippe Juvin a dit par exemple qu’on avait toujours perdu du temps depuis deux ans avec la crise sanitaire, qu’on n’avait jamais anticipé, sans reconnaître que la campagne de vaccination a été une grande réussite (à ce jour, 51 713 486 Français ont reçu au moins leur première dose de vaccin), et que le Président de la République avait anticipé dès le début de l’été en instituant le passe sanaitaire (seul Éric Ciotti s’est permis de dire qu’il avait approuvé et voté la loi d’urgence sanitaire, car lui, c’est sûr, on ne pourrait pas le soupçonner d’une proximité idéologique avec Emmanuel Macron).

Chacun y allait de ses obsessions, et la plupart, sur tous les domaines, comme l’éducation, revenaient toujours à l’immigration ou à la sécurité (Valérie Pécresse : mon école n’est pas celle de la repentance, n’est pas celle où on bafoue l’autorité des professeurs, sans évoquer les programmes, par exemple, ou les moyens concrets de mieux instruire). Ah, d’ailleurs, oui, Xavier Bertrand veut changer le nom du Ministère en Ministère de l’Instruction nationale. À part les cartes de visite et les papiers à en-tête du bulletin officiel, cette mesure est un gadget et je m’étonne que ce soit la rare proposition d’un candidat à la magistrature suprême ! Les pauvres, ils sont épuisés de trouver des propositions percutantes, originales, et surtout, intelligentes et crédibles !

On ne pouvait pas attendre grand-chose d’un débat sur CNews sinon de rabâcher les thèmes de la sécurité en long et en large. Les candidats ont fustigé leur ancien ami politique Gérald Darmanin, actuel Ministre de l’Intérieur, dire qu’il ne voyait pas les gens autour de lui parler d’un problème d’immigration (il vient de Tourcoing), mais plutôt de problèmes de pouvoir d’achat. Michel Barnier a trouvé que Gérald Darmanin avait des problèmes de myopie.

En introduction, chaque candidat devait parler d’un sujet qui leur tenait à cœur. J’ai trouvé que c’étaient Valérie Pécresse et Xavier Bertrand qui s’en étaient le mieux sortis. Valérie Pécresse a évoqué l’éducation, comment elle voyait "son" école (avec la prétention que chaque Président façonnerait "son" école), ensuite Michel Barnier était sur la défensive, parlant des institutions pour mieux évoquer la supposée "arrogance" d’Emmanuel Macron qui décide seul (comme si ce n’était pas le cas de tous ses prédécesseurs) et le besoin d’une meilleure écoute des élus locaux (chez LR, les territoires permettent de concurrencer le terroir du polémiste Éric Zemmour), pour finir par dire qu’il avait l’énergie d’être candidat ou d’être Président (comme si ce n’était pas une évidence). Philippe Juvin sans surprise parle du manque de moyens dans les hôpitaux, assurant gravement que l’hôpital public était en train de disparaître (sans parler du Ségur de la Santé qui a été un effort inédit pour l’hôpital public justement !), et sans surprise non plus, Éric Ciotti a évoqué la sécurité, le politiquement incorrect, et a félicité la chaîne CNews d’en parler souvent.

Enfin, et c’était sans doute le plus intéressant car il n’a attaqué personne, même s’il était là avec ses gros sabots pour se dire "social", c’était un peu trop voyant, Xavier Bertrand a évoqué le handicap (comme si rien n’avait été fait depuis quinze ans), et a souhaité une nouvelle loi pour répondre à la question cruciale des parents : qui s’occupera de mon fils en situation de handicap quand je serai mort ? et le candidat des Hauts-de-France veut mieux aider et accompagner les aidants. Il a fait référence aux trois lois historiques pour le handicap depuis cinquante ans, toutes adoptées quand Jacques Chirac était au pouvoir, à Matignon ou à l’Élysée. Un Jacques Chirac dont il se faisait donc l’héritier. Il a aussi balayé les accusations de : pourquoi n’avez-vous rien fait quand vous étiez au pouvoir ? Ministre de la Santé il y a dix ans, Xavier Bertrand a assuré que ses successeurs n’ont rien fait non plus pour corriger s’il avait mal agi. Défense assez incertaine.

_yartiDebatLR2021C02

Que dire encore de ce débat ennuyeux ?

Michel Barnier veut recréer le service militaire car il a été dit que c’était une bonne occasion de mixité sociale (dans ce cas, pourquoi militaire puisqu’il a été dit que c’était militairement inutile pour la Défense et très coûteux ?), il oublie aussi que toutes les casernes ont été vendues et on n’a plus les moyens d’héberger les nouveaux appelés. Philippe Juvin a dit aussi qu’il voulait une application stricte des peines, il était préférable que les jeunes délinquants fassent dix jours de prison plutôt que la société ferme les yeux, et il a repris l’idée des "casernes désaffectées" pour les loger ! C’est vraiment ne pas connaître la situation foncière de l’armée. Tous les terrains ont été vendus ou en cours de vente pour des raisons budgétaires et aussi d’aménagement urbain des centres-villes (voir par exemple la caserne du centre de Grenoble qui est devenue un centre commercial).

Philippe Juvin ne s’encombre pas de scrupule en suggérant des mesures anticonstitutionnelles, comme proposer une désindividualisation des peines avec la création d’un "délit de bande". On ne sait pas qui a commis un délit mais on sait que c’est la bande, elle sera alors condamnée. Aussi stupide que les punitions collectives en classe, stupide et injuste évidemment, mais la recherche de propositions originales fait vraiment dire n’importe quoi. Cela me fait penser au régime égyptien actuel qui avait jugé et condamné (le 25 mai 2014) des terroristes islamistes "collectivement", avec des peines capitales collectives pour des centaines de prévenus sans avoir étudié précisément les faits et gestes de chaque prévenu. Effarant !

Idem avec la proposition de Valérie Pécresse, déjà développée au deuxième débat, de peines plus sévères si le délit est commis dans un quartier sensible (de banlieue), plutôt que dans des beaux quartiers : là encore, anticonstitutionnelle et injuste. Valérie Pécresse s’est défendue en disant que ce sont des circonstances aggravantes et que c’est déjà le cas quand le délit est commis dans un lieu scolaire par exemple. Michel Barnier n’a pas souligné l’injustice ni l’anticonstitutionnalité de la mesure (tous proposent n’importe quoi) mais a évoqué son inefficacité en disant que avec un tel dispositif, les délits se déplaceraient vers les beaux quartiers !

Je termine sur les commentaires très différents à propos du scandale du jour, une phrase malheureuse de Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, député et ancien maire de Drancy, dite au cours d’une matinale du service public.

En effet, interrogé par Jean-Jérôme Bertolus sur France Info le 21 novembre 2021, s’adressant virtuellement à Éric Zemmour, il a lâché, emporté par la fougue : « Si M. Pasqua était là, il te filerait une balle dans la tête. ». C’est stupide, hyperviolent et inutilement haineux. Jean-Christophe Lagarde, conscient de la boulette d’une violence incroyable, a retiré ses propos quelques heures plus tard et a présenté ses excuses sur Twitter : « Je regrette mon expression totalement inappropriée à propos de Pasqua et Zemmour ce matin, je voulais dire qu’à l’époque, une telle imposture de sa part aurait eu une réplique des plus cinglantes. La violence doit toujours être bannie du débat politique. ».

Éric Zemmour l’a quand même pris pour un appel au meurtre mais a annoncé qu’il ne déposerait pas plainte. Le pseudo-candidat polémiste s’est même amusé en rappelant que Jean-Christophe Lagarde avait été en garde-à-vue en mars 2021 pour détention d’armes à feu : « Malgré ton "mea culpa" de pacotille, je ne t’excuse pas. D’abord, parce qu’en présentant Charles Pasqua comme mon ennemi, tu portes ; atteinte au profond respect et à la sincère amitié que j’ai voués à cet homme unique (…). Ensuite, parce qu’en me menaçant de mort par cet ami interposé, tu ajoutes l’abjection à la falsification, la perversité au bobard. (…) De toutes les racailles qui me prennent pour cible, tu n’es certainement pas la plus dangereuse, mais incontestablement la plus traîtresse. (…) Je te laisse donc à ta juste place politique : ce "centre" qui est le pseudonyme du néant. ». À cause de l’attaque du président de l’UDI, France Info a dû l’inviter à la matinale du 22 novembre 2021, alors que le service public avait décidé de l’inviter seulement à partir de sa déclaration de candidature.

La réaction des candidats LR à cet incident était intéressante à bien des égards. Jean-Christophe Lagarde a annoncé le 8 novembre 2021 qu’il ne se présenterait pas à l’élection présidentielle et qu’il soutiendrait le candidat LR, après avoir envisagé le 31 mai 2021 d’être lui-même candidat.

Le premier à faire part de sa réaction a été Xavier Bertrand qui a dit que Jean-Christophe Lagarde avait présenté des excuses et donc, l’affaire était close. Ensuite, Michel Barnier a réagi sur la petite phrase en disant que ce n’était pas bien, sans évoquer le retrait de la phrase. Éric Ciotti, à l’évidence proche d’Éric Zemmour, a dénoncé la passivité des médias mais aussi de la justice, et a demandé au procureur de la République de se saisir lui-même de cette affaire très grave. Valérie Pécresse a condamné aussi cette petite phrase, tandis que Philippe Juvin a rappelé les excuses de Jean-Christophe Lagarde. On peut donc imaginer quelle est la préférence de Jean-Christophe Lagarde parmi ces candidats.

Le quatrième et dernier débat des candidats LR aura lieu sur France 2 et France Inter le 30 septembre 2021, dans une émission animée par Léa Salamé. Il faudra beaucoup de créativité pour que ce dernier débat ne retombe pas dans l’ennui comme les précédents. Macron-pas-beau en cinq exemplaires et moi-je-suis-le-plus-sécuritaire en cinq exemplaires aussi ne suffiront pas à départager des candidats qui, dans l’élection, seront totalement démunis lorsqu’il faudra renouer avec l’électorat du centre droit qui les aura fui. Ressaisissez-vous, candidats LR !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

_yartiDebatLR2021C03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211121-congres-lr-debat-3.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-13-troisieme-debat-lr-237349

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/19/39226902.html










 

Partager cet article
Repost0
15 novembre 2021 1 15 /11 /novembre /2021 03:00

« La force de la droite doit être de parler de tous les sujets et pas seulement de l'immigration, qui ne couvre qu'une partie des problèmes français. Il faut aussi incarner le camp du progrès. » (Jean-François Copé).




_yartiDebatLR2021B01

Ce dimanche 14 novembre 2021 à 20 heures 45 sur BFM-TV et RMC a eu lieu le deuxième débat des cinq candidats à la candidature LR à l’élection présidentielle de 2022. Apolline de Malherbe et Maxime Switek ont animé ce débat. Il y avait une caractéristique stratégique puisque la date limite des adhésions à Les Républicains pour participer au scrutin était le surlendemain, mardi 16 novembre 2021. Au moins 125 000 personnes ont adhéré à LR, ce qui bat les inscriptions à la primaire semi-ouverte des écologistes de septembre 2021. En revanche, ce nombre est loin des 200 à 300 000 adhésions de l’UMP à l’époque de Nicolas Sarkozy. Michel Barnier a eu la chance d'être placé au centre et avec sa grande taille, il pouvait se montrer leader.

Avec ce deuxième débat, on a l’impression de routine. Une impression de voir un nouvel épisode d’une téléréalité. Les cinq candidats, Michel Barnier, Valérie Pécresse, Éric Ciotti, Xavier Bertrand et Philippe Juvin ont été globalement "bons", c’est-à-dire qu’ils ont été tous à la hauteur des attentes de leurs soutiens. Ce qui, d’ailleurs, n’arrange pas les affaires de LR : en effet, si un candidat se montrait "mauvais", ce serait un choix en moins à faire.

C’est même le contraire du point du vue du choix : ceux dont on disait qu’ils étaient des "petits" candidats ne sont pas à négliger.

Éric Ciotti est toujours très clair et courtois dans ses propos, ses propos sont extrémistes (j’y reviendrai) mais il les dit avec une politesse sympathique qui en fait un bon camarade. Il a un projet qui se distingue par son côté caricatural, pas seulement sur la sécurité et l’immigration (désormais deux thèmes toujours accolés, ce qui signifie le triomphe idéologique de Le Pen père) mais aussi sur l’économie et la fiscalité (je l’ai déjà présenté, il propose la flat tax, 15% à taux unique).

Éric Ciotti n’hésite pas à prôner le "quoi qu’il en coûte" dans sa version sécuritaire, c’est-à-dire la fermeté contre les rodéos, contre les zones de non-droit… même si la fermeté peut faire de la casse, humaine. C’est du "quoi qu’il en coûte humainement". Pourtant, l’intérêt de la nation, c’est aussi d’éviter des catastrophes humaines, des morts inutiles, et jouer au bourrin n’a rien d’une politique de fermeté, c’est même de la provocation et c’est mettre certains quartiers en état de guerre. Pas très responsable.

Philippe Juvin est un peu différent. Dans l’émission de Laurent Ruquier du 13 novembre 2021 ("On est en direct"), un de ses chroniqueurs se moquait gentiment. Comment David Pujadas (dans le premier débat) a-t-il pu poser la question à Philippe Juvin sans pouffer de rire : "Si vous étiez Président de la République, que feriez-vous pour…" etc. Et Philippe Juvin a répondu sans rire : "Quand je serai Président de la République, je…". Pour ce débat-ci, il a reculé d’un cran sa prétention en disant plutôt "Si je suis Président"…

Cela n’ôte pas qu’il parle clairement et intelligiblement. Il a été député européen, il est maire, il est conseiller régional… et il a la démarche du candide, c’est-à-dire que lorsqu’il a compris un truc, il le réexplique bien. Il a aussi le réflexe professionnel de bosser un dossier : il potasse quand il ne sait pas. Cela donne un peu de lucidité, par exemple : pourquoi dire que les règles européennes ne permettent pas de faire de la richesse industrielle alors que l’Allemagne y réussit avec les mêmes contraintes ? Cela donne aussi quelques propositions, il se distingue des autres surtout par sa défense du service public. Il refuse de réduire le nombre des fonctionnaires, au contraire, il pense qu’on a besoin de services publics dans les zones de non-droit. Son problème, c’est qu’il fait quelques propositions ponctuelles (qui sont originales, qui valent ce qu’elles valent), mais sans un projet d’ensemble, sans une vision d’ensemble.

Ces deux candidats pourraient parfaitement franchir le premier tour. Je ne pense pas pour Philippe Juvin, car il a le gros handicap de ne pas vraiment faire partie du sérail et d’être d’abord un médecin, mais Éric Ciotti, militant député depuis quatorze ans, fait partie des meubles de LR, et j’imagine qu’il a beaucoup de militants qui le soutiennent, et pas seulement en Alpes-Maritimes.

Pourtant, beaucoup d’observateurs en restent aux trois "grands" candidats : Michel Barnier, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse.

_yartiDebatLR2021B02

Après le manque de combativité du premier débat, on pensait que Michel Barnier serait un peu plus alerte dans ce deuxième débat. Oui, il l’a été mais à peine plus. Il reste plutôt dans une mollesse de caractère et dans le flou des mesures. Son envie est le consensus et la réconciliation : réconciliation de la famille LR et réconciliation des Français. Pourtant, depuis deux mois, il s’est discrédité. Son image de centriste européen avait un avantage : il pouvait rattraper les sympathisants LR attirés par Emmanuel Macron. En prônant un droit du sang pour Mayotte et la Guyane (trop d’étrangères se faisant accoucher en France pour avoir la nationalité française), en limitant voir supprimant l’immigration légale, il a pris de court tous ses concurrents ...par leur droite (par ailleurs, après avoir parlé de Mayotte et de la Guyane, il a dit "Et chez nous", excluant ainsi du territoire national ces deux territoires). Conséquence logique, ceux des anciens sympathisants qu’il pouvait attirer repartent.

À force de frayer avec les grands de ce monde, Michel Barnier a ce même défaut qu’avait eu Dominique Strauss-Kahn (heureusement, pas tous ses défauts), celui d’être coupé avec les classes populaires et de ne s’adresser qu’à une élite (par exemple, quand il parlait du rapport d’un magistrat de la Cour des Comptes). Par ailleurs, en donnant l’exemple à Meaux avec la police municipale armée et en vidéoprotection, Michel Barnier laisse entendre qu’il est soutenu par son maire, Jean-François Copé, encore présent dans les médias mais ses propos sont rarement repris et amplifiés.

Xavier Bertrand, lui, est ultra-agaçant avec ses réponses sous forme de questions : "Vous trouvez ça normal qu’il y ait plus de pauvres ?" (ce n’est pas exactement ses propos, mais c’est à peine caricatural). S’il ne le faisait qu’une ou deux fois, cela ne se verrait pas, mais il le fait à chaque question, avec un silence à la fin de la réponse-question et le regard fixe : ce n’est pas aux journalistes de répondre aux questions, c’est aux candidats ! Il essaie en fait une façon de faire de Nicolas Sarkozy qui avait beaucoup fonctionné entre 2002 et 2007, mais qui a ensuite beaucoup agacé. Il essaie de l’imiter, l’imiter mal, et c’est à mon sens contre-productif. En ce qui me concerne, je n’entends plus que ses questions, pas ses réponses.

Quant au "gaullisme social" revendiqué ad nauseam par Xavier Bertrand, il faut le répéter, c’est stupide d’accoler l’adjectif social au gaullisme, cela voudrait dire qu’il existe des gaullismes antisociaux. C’est un tout, le gaullisme, et c’est une époque. Dire ce que penserait le Général De Gaulle de notre situation : dette publique, covid, crise entre la Pologne et la Biélorussie etc. C’est juste de la récupération.

Xavier Bertrand aussi a parlé du référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie qui aura lieu le 12 décembre 2021, il a été scandalisé par le silence et la neutralité d’Emmanuel Macron alors que c’est un territoire stratégique pour rester présents dans la zone Indien-Pacifique. Valérie Pécresse a été plus convaincante sur le sujet en rappelant qu’il n’y a pas vraiment d’incertitude sur l’issue de ce référendum puisque les indépendantistes le boycottent. Elle affirme que ce dernier référendum va enfin refermer le processus des Accords de Matignon qui, depuis 1988, avaient plongé l’île dans l’incertitude du lendemain et découragé les investisseurs.

Enfin, venons-en justement à Valérie Pécresse. Elle a été combative comme dans le premier débat, et même mieux qu’au premier débat. Si je devais mettre un avantage à l’un des candidats pour ce deuxième débat, ce serait pour elle. Elle a son projet, elle le déroule sans anicroche, elle montre sa détermination, elle montre aussi sa crédibilité de pouvoir l’appliquer là où Xavier Bertrand et Michel Barnier sont sur leur piédestal et restent flous. Valérie Pécresse a la culture du résultat et utilise beaucoup mieux que Xavier Bertrand son expérience de présidente du conseil régionale d’Île-de-France. Et elle le fait tant dans le domaine régalien (sécurité) que dans le domaine économique (entreprises).

_yartiDebatLR2021B03

Le deuxième débat comportait quatre parties, mais la première partie sur l’immigration a duré bien plus qu’un quart du temps imparti. À les écouter tous, je dis bien tous, on a le tournis avec l’évolution idéologique de LR. Tous font de la surenchère lepeniste, et même zemmourienne. Seul Michel Barnier a montré son agacement aux journalistes sur des questions qui font toujours référence à Éric Zemmour, mais malgré cela, ils cherchent à l’évidence l’électorat de l’extrême droite. C’est un mystère : plus ils s’enfoncent dans cette stratégie, plus ils renforcent Emmanuel Macron qui essaie d’être raisonnable et de ne pas être influencé par un influenceur médiatique extrémiste.

Car l’idée qu’ils pourraient rallier ceux qui soutiennent aujourd’hui le polémiste est un leurre : ils ont perdu cet électorat parce qu’ils sont trop mous sur l’immigration (tous sauf Éric Ciotti) et donc, auprès de cet électorat (probablement anciennement LR), ils ont perdu toute crédibilité et ce n’est pas parce qu’ils répéteront ce que dit le polémiste extrême qu’ils seront plus crédibles alors que justement, Michel Barnier, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse avaient construit leur image, par leurs propos et par leurs actes, dans une idée modérée de la droite (d’ailleurs, ils parlent tous de la droite et ils oublient le centre dont certains soutiendront pourtant le candidat issu de LR).

La palme du sophisme de cette soirée est à attribuer à Éric Ciotti qui a dit, en introduisant ses propos sur l’immigration : « Seule la fermeté sera gage d’humanité. ». La formule est belle, dite avec un grand sourire, mais c’est de la novlangue. Refuser le regroupement familial, par exemple, c’est peut-être arrêter des abus, certes, mais c’est aussi empêcher des enfants de rejoindre leur père aussi. Au lieu de dire à tout bout de champ qu’on ne peut plus accueillir les immigrés, qu’il faut qu’ils s’assimilent, il faudrait peut-être se donner les moyens d’une bonne intégration, d’une bonne assimilation, par exemple, lever des armées de professeurs de français en langue étrangère, des professeurs d’éducation civique, d’histoire, de géographie, de droit, etc.

Philippe Juvin, à cet égard, avait une formule juste inverse : la première chose à laquelle il pense, c’est à la préoccupation humanitaire des migrants venus de Biélorussie et qui commencent à mourir de froid et de faim (déjà une dizaine de décès). Et c’est parce qu’il y a cette humanité qu’il peut ensuite prôner la fermeté. Professeur de médecine, il a évidemment déclaré qu’il soignait toute personne se présente à son service, quelle qu’elle soit, car c’est sa vocation de soigner, de réduire la souffrance humaine.

Tous les propos honteusement extrémistes sur l’immigration sont des propos théoriques à vocation démagogique. J’ai connu un élève de terminale moldave de 17 ans qui était un excellent élève et qui aurait dû continuer ses études, mais en juillet, il a été expulsé comme sa mère parce qu’ils étaient en situation irrégulière (c’était à l’époque du gouvernement de Dominique de Villepin et de Nicolas Sarkozy à l’Intérieur). Il ne faisait de tort à personne et au contraire, il aurait été la fierté de la France comme il aurait été fier d’être français. Les Leonarda provocatrices sont peu nombreuses par rapport à ceux qui veulent travailler, qui aspirent juste à une vie normale. Le voyage était déjà traumatisant, et je conçois qu’on ne peut pas recevoir tout le monde, mais il faut aussi observer, d’où le problème à Calais, que les migrants ne veulent pas forcément aller en France mais en Allemagne ou en Grande-Bretagne.

Le clou de l’extrémisme quasi-unanime de cette partie a été d’associer l’immigration et le terrorisme. Je ne m’étendrai pas sur le sujet car cela ne grandit pas ces candidats qui n’ont pas compris que la surenchère profite à Marine Le Pen et à Éric Zemmour qui, à eux deux, représentent dans les sondages actuellement autour de 35% ! On préfère toujours l’original à la copie. En donnant raison aux thèses extrémistes, loin de se faire élire, ils ne font que renforcer leurs réels adversaires, ils justifient leurs positions extrêmes. Et même les attaques incessantes contre Emmanuel Macron, une sorte de passage rituel obligé, sont sans conviction parce qu’ils savent que les sympathisants LR qui sont restés à LR détestent Emmanuel Macron (les autres ont quitté LR depuis longtemps).

On pourra aussi disserter sur une autre surenchère, au moins ils ne courent pas après les écologistes, c’est à qui proposera le plus de réacteurs nucléaires. Il faudra quand même pouvoir les financer. Tous ont critiqué Emmanuel Macron d’avoir changé de cap (qui provient d’une étude de François Bayrou), mais je n’ai pas entendu le candidat François Fillon en 2017 ni Nicolas Sarkozy en 2012 dire qu’il fallait lancer un nouveau plan nucléaire (le "problème", qui n’en est pas un, de Fessenheim n’est pas nouveau). C’est bien toute la société qui considère que finalement, le nucléaire est le moindre mal pour en finir avec les énergies fossiles. Le "On a perdu beaucoup de temps" est aussi de la faute de l’UMP de l’époque.

Tous ces jeux de rôles, qui montrent une communication politique à l’évidence maîtrisée, font que les trois principaux candidats sont des clones. Je serai rassuré quand, après le congrès du 4 décembre 2021, le discours sera ajusté à toute la France et pas aux seuls adhérents de LR. Au risque de l’incohérence, j’espère qu’ils modifieront la tonalité de leur discours.

Même Jean-François Copé s’en rend compte. Refusant de prendre publiquement partie, le maire de Meaux, interviewé dans "Les Échos" du 15 novembre 2021, a déclaré : « La force de la droite doit être de parler de tous les sujets et pas seulement de l'immigration, qui ne couvre qu'une partie des problèmes français. Il faut aussi incarner le camp du progrès. ». J’y reviendrai.

Le seul point positif de ces deux premiers débats, c’est que LR devient une force de proposition et qu’on écoute désormais des responsables LR sur leur vision de l’avenir. Cela fait quatre ans et demi que ce parti était inaudible et invisible, en partie parce qu’il n’avait pas été présent au second tour de l’élection présidentielle de 2017.

La vraie surprise serait le choix de Valérie Pécresse. Elle serait en mesure de créer un coup de tonnerre et de redistribuer toutes les cartes. Car pour l’instant, les sondages d’intentions de vote se basent sur du vide. Tant qu’on ne connaît pas tous les candidats, ces sondages resteront sans intérêt car très virtuels. Rappelons-nous qu’en fin janvier 2017, Jean-Luc Mélenchon avait 9% d’intentions de vote (et Benoît Hamon avait 17%). Au premier tour, Jean-Luc Mélenchon a eu 19% (et Benoît Hamon 6%). De quoi faire réfléchir sur un argumentaire uniquement fondé sur les sondages.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Michel Barnier.
Éric Ciotti.
Hubert Germain.
Édouard Philippe.
Éric Zemmour au second tour !
Christian Estrosi.
Jean Castex.
Jean-Louis Borloo.
Nicolas Sarkozy.
Jacques Chirac.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Lucette Michaux-Chevry.
Michel Jobert.
Pierre Mazeaud.
Michel Debré.
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

_yartiDebatLR2021B04




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211114-congres-lr-debat-2.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-12-surencheres-237196

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/14/39220110.html





 

Partager cet article
Repost0
11 novembre 2021 4 11 /11 /novembre /2021 03:11

« La question de la sécurité maritime illustre parfaitement cette "déterritorialisation" de l’action diplomatique et militaire : l’Europe a d’ailleurs réussi un test majeur en s’imposant comme le chef de file des opérations de lutte contre la piraterie dans l’océan Indien et dans le golfe d’Aden. Cette opération militaire navale, "Atalante", lancée en 2008 sous la Présidence française de l’Union Européenne, reste une référence et peut constituer un modèle utile ailleurs. » (Michel Barnier, 2014).




_yartiBarnierMichelB02

Il était une fois un parti Les Républicains qui se cherchait un candidat. À la différence de 2016 où il y avait pléthore, au moins trois voire quatre candidats potentiels dont la stature était incontestable (Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Fillon, voire Bruno Le Maire), en 2021, aucune personnalité ne semble évidente ou naturelle pour le rôle. Depuis le début de l’année 2021, trois personnalités cependant se dégageaient, associées aux territoires, et plus exactement aux régions dont le conseil régional allait être renouvelé en juin 2021 : Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez qui ont été réélus présidents de leur région respective (Hauts-de-France, Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes).

Après bien des difficultés, les dirigeants de LR ont organisé une primaire fermée, dans le cadre d’un congrès du parti : le 4 décembre 2021, les militants désigneront leur candidat. Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ont donc annoncé leur candidature, bien qu’ayant quitté leur parti depuis 2017 (ils ont entre-temps repris leur carte).

Quant à Laurent Wauquiez, probablement le plus ambitieux, dans un éclair de lucidité, il a renoncé à se porter candidat. L’ex-président de LR garde une forte ascendance parmi les militants de LR. Bruno Retailleau, influent président du groupe LR au Sénat et très proche de François Fillon, lui aussi ambitieux, a renoncé à la compétition dans le même éclair de lucidité. Face à ces deux défections, Éric Ciotti est sorti du bois et a présenté une candidature qui, malgré ce qu’il affirme (qu’il va créer la surprise), est une candidature de témoignage pour représenter justement les idées qui n’y étaient pas encore représentées. Philippe Juvin aussi se présente, préparant de longue date l’échéance, là encore pour développer ses idées.

Pendant longtemps, les commentateurs raisonnaient donc par le duel entre Xavier Bertrand et Valérie Pécresse. Mais c’était sans compter avec Michel Barnier. Lui aussi est un ambitieux. L’air de rien, il a d’abord cherché à être désigné Président de la Commission Européenne en 2019, mais la faible influence des représentants français du PPE (à savoir LR) au Parlement Européen l’a handicapé (et d’autres facteurs aussi). Sa candidature n’était toutefois pas illogique après avoir siégé pendant dix ans à la Commission Européenne dont il connaît parfaitement les rouages et après avoir été le négociateur en chef du Brexit du côté de l’Union Européenne depuis 2016, soit une fonction diplomatique et technique (économique) particulièrement délicate où il a fait preuve d’une vision de l’avenir et d’une étonnante fermeté.

Depuis deux ans, Michel Barnier travaille donc sur sa candidature à l’élection présidentielle. Fidèle, il l’a toujours été en restant adhérent de LR, ce qui lui donne un avantage sur Xavier Bertrand et Valérie Pécresse. Il est connu pour être un pro-européen convaincu et pour être le spécialiste de deux dossiers, l’environnement et les affaires européennes.

Étrangement, il souffre d’un handicap de notoriété, ce qui lui donne l’avantage de la nouveauté, alors que non seulement, c’est le plus âgé (il a eu 70 ans au début de l’année, le 9 janvier ; il est de la même génération que Jean-Louis Borloo, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon), mais il a une très longue expérience politique, une ancienneté de presque cinquante ans. En ce sens, il bat tous ses concurrents, ceux internes de LR comme ceux, à l’extérieur, adversaires de la prochaine élection présidentielle, il aurait même battu en ancienneté Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon pourtant à la carrière déjà très remplie.

_yartiBarnierMichelB01

Il a été élu pour la première fois à 22 ans, en 1973 comme conseiller général de Bourg-Saint-Maurice. Au même moment, il a travaillé pour le Ministre de l’Environnement Robert Poujade. Gaulliste depuis toujours, il a fait une remarquable carrière d’élu de Savoie : élu député à 27 ans en mars 1978, élu à 31 ans en mars 1982, président du conseil général de Savoie sur la gauche sortante (réélu jusqu’en septembre 1999). C’est à ce titre qu’il a promu et organisé, avec Jean-Claude Killy, les jeux olympiques d’Albertville en 1992.

S’il a raté le coche de la première cohabitation, il a réussi la performance assez rare de faire partie du gouvernement du Premier Ministre Édouard Balladur en 1993 (à l’Environnement) puis d’Alain Juppé après la victoire de Jacques Chirac, en 1995 (aux Affaires européennes). Ensuite, après un mandat court au Sénat (1997 à 1999), il a eu une trajectoire très européenne, avec une double incursion nationale (il est rentré au gouvernement, aux Affaires étrangères puis, au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, à l’Agriculture, sujet ô combien européen).

Ainsi, Michel Barnier est surtout un "ancien jeune" au point d’avoir fait partie des Douze Rénovateurs du printemps 1989 dont le but était de "virer" Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing et de faire émerger une nouvelle génération. Ces douze rénovateurs sont, pour la plupart (pas tous) devenus des personnages clefs de la vie politique ultérieure : Philippe Séguin, François Bayrou, François Fillon, Michel Barnier, Dominique Baudis, Bernard Bosson, Philippe de Villiers, Charles Millon, François d’Aubert, Étienne Pinte, Michel Noir et Alain Carignon.

Alors, c’est vrai qu’il a un argument de poids : il a toute l’expérience qu’on peut attendre d’un candidat à la Présidence de la République, expérience d’élu local, expérience de parlementaire (il a connu trois assemblées différente : Assemblée Nationale, Sénat et Parlement Européen), expérience ministérielle et expérience européenne au plus haut niveau (à la Commission Européenne). Il a le revers de l’expérience, l’âge, 71 ans en 2022 (il a annoncé qu’il ne ferait qu’un mandat, comme Alain Juppé en 2016).

Pour être élu, il faut d’abord vaincre au sein de LR puis gagner l’élection elle-même. Pour l’instant, la bataille est interne. Michel Barnier a officiellement déclaré sa candidature le 26 août 2021 au journal de 20 heures de TF1. "Le Canard enchaîné" a affirmé qu’il aurait même promis Matignon à François Baroin. D’un point de vue interne, il bénéficie d’un double avantage : d’une part, fidèle au parti gaulliste depuis 1973, à l’époque où il militait à l’UJP (Union des jeunes pour le progrès, le mouvement de jeunes de l’UDR), il a gardé des bons réseaux personnels à l’intérieur de l’appareil ; d’autre part, il bénéficie d’un allié inattendu, la bienveillance de Laurent Wauquiez.

J’ai écrit "allié" et je n’écris pas le soutien de Laurent Wauquiez car ce dernier a annoncé qu’il resterait neutre, mais à l’évidence, son choix se portera sur Michel Barnier qui, comme lui, connaît les rouages européens et qui a le mérite de ne pas avoir quitté le parti quand lui était président (c’est pourquoi il y a une détestation contre Xavier Bertrand et Valérie Pécresse qui ont quitté LR parce que Laurent Wauquiez en était le président).

_yartiBarnierMichelB03

J’ai écrit "inattendu" car en 2015, il y a eu une forte rivalité entre Michel Barnier et Laurent Wauquiez, les deux convoitant la présidence de la nouvelle grande région Auvergne-Rhône-Alpes et Michel Barnier a été scandalisé que LR lui ait préféré Laurent Wauquiez. Par ailleurs, le profil de Laurent Wauquiez est à la droite dure (malgré sa revendication d’être la "droite sociale", son combat et obsession contre "l’assistanat" en font plutôt le représentant de la droite "asociale"), diamétralement opposé à l’image de centre droit, libéral, européen et social, de Michel Barnier.

Laurent Wauquiez a en tout cas mis ses réseaux au service de Michel Barnier et le résultat est là : il a reçu le plus grand nombre de parrainages, et surtout, il a reçu le plus de soutiens de parlementaires LR. L’appareil, donc, choisit Michel Barnier. Et cette primaire est fermée, c’est-à-dire que seul le parti compte.

Sur le plan des idées, Michel Barnier a surpris avec sa proposition de "moratoire" sur l’immigration, sa volonté de faire un référendum et de faire une révision constitutionnelle sur l’immigration, ainsi que ses critiques contre l’Union Européenne. En prenant une posture étonnamment droitière, alors que Xavier Bertrand et Valérie Pécresse sont déjà perçus comme Macron-compatibles et de centre droit, il permet de représenter des militants qui restent plus à droite que leurs électeurs traditionnels.

Dans son livre "Se reposer ou être libre" sorti en 2014 (éd. Gallimard), Michel Barnier identifiait le vrai problème de l’Europe : « La vraie Europe existera lorsque les Polonais se sentiront concernés par le Mali et lorsque les Français se montreront plus impliqués dans les événements d’Ukraine et de Moldavie. ». Faire vivre l’Europe au quotidien, dans son identité quotidienne est donc l’un des enjeux du candidat.

Le 11 octobre 2021 sur BFM-TV, au micro de Jean-Jacques Bourdin, Michel Barnier a été assez convaincant dans ses propositions qui ont été réfléchies de longue date, même si ses attaques contre Emmanuel Macron, passage obligé pour gagner la primaire, semblaient un peu surjouées. Il a proposé un vrai Schengen et pas l’actuel qui est une passoire. Il s’oppose fermement aux Britanniques qui remettent en cause l’accord sur le Brexit (notamment sur la pêche). Sur la Pologne, il estime que le sujet n’est pas les aspects constitutionnels, mais les aspects politiques, en gros, la Pologne veut-elle, oui ou non, rester dans l’Union Européenne ? Si oui, elle doit respecter les différents traités, notamment sur l’État de droit.

Sur le plan constitutionnel (les traités européens ont-ils plus d’importance que la Constitution ?), la réponse de Michel Barnier était simple : la loi suprême est la Constitution, si une disposition d’un traité international était anticonstitutionnel (le Conseil Constitutionnel peut le dire), alors il est procédé à la révision de la Constitution, donc, c’est bien la Constitution qui prime sur le traité qui ne sera applicable qu’en accord avec la Constitution.

Je fais une parenthèse ici. Le débat juridique et constitutionnel n’a donc aucun intérêt et d’ailleurs, ceux qui en parlent pour prétendument retrouver la souveraineté nationale sont des bonimenteurs puisqu’une révision de la Constitution n’a rien d’une décision étrangère ni européenne et donc, leur proposition ne changera pas juridiquement cet état de fait. Jamais l’Europe ne s’est construite sans l’accord conscient et volontaire des parlementaires français, eux-mêmes représentants du peuple. Quant à ceux qui parlent des référendums, ils parlent du non de 2005 mais oublient le oui de 1992, le peuple français dans sa toute souveraineté a approuvé l’euro, la monnaie unique, l’union économique et monétaire, ils l’oublient trop souvent. Je referme la parenthèse personnelle.

Dans cette émission de Jean-Jacques Bourdin, Michel Barnier a aussi exposé son idée de diviser en deux le Ministère de l’Intérieur : il veut un Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique chargé de la police, de la gendarmerie, du système pénitencier, et un Ministère de la Décentralisation pour s’occuper de tout le maillage territorial. Là aussi, c’est original, c’est issu d’une réflexion d’un élu d’expérience sur le terrain.

Dans les sondages de bruits de couloir, on dit que la candidature de Michel Barnier est en pleine montée. En tout cas, un récent sondage le place devant Valérie Pécresse, ce qui est nouveau, mais il reste en dessous de Xavier Bertrand.

La posture de Michel Barnier, candidat originellement centriste et propositions très droitières sur l’immigration et sur l’Europe, montre aussi la capacité de rassembler un électorat partagé, pouvoir mettre d’accord les libéraux pro-européens et les jacobins souverainistes n’est pas à la portée du premier venu en politique. Jacques Chirac avait réussi, Nicolas Sarkozy avait réussi, et Michel Barnier semble capable de le faire. Cela nécessite une grande habileté politique, et un discours parfois ambigu. Bruno Le Maire, à la primaire LR de novembre 2016, avait tenté de le faire en se droitisant à l’extrême (cela ne lui avait pas réussi), mais six mois plus tard, on le retrouvait comme Ministre de l’Économie et des Finances d’Emmanuel Macron.

Il y a une semaine, j’aurais pu écrire que Michel Barnier était le favori qu’on n’attendait pas, un peu à l’instar de François Fillon qui a fait une montée soudaine et spectaculaire quelques jours avant la primaire LR de novembre 2016. Mais le premier débat télévisé du 9 novembre 2021 sur LCI rend le pronostic plus incertain.

En effet, la belle combativité de Valérie Pécresse (qui s’en prenait surtout à Michel Barnier), insistant sur l’orthodoxie budgétaire, a rendu Michel Barnier un peu léger sur toutes les questions économiques. Et même plus généralement, si les idées de Michel Barnier sont parfois originales et proviennent d’une réflexion de longue haleine, elles ne sont pas assez travaillées. Pire : aucun chiffrage, donc aucun engagement, car il considère que ce n’est pas le rôle d’un Président de la République d’aller autant dans le détail. Pourtant, c’est une demande des électeurs d’être précis : on ne peut s’engager que sur des propositions concrètes, fermes, pas sur des principes. C’est la différence entre idée et projet (c’est le cas dans l’industrie).

Au cours du débat, Michel Barnier a montré une faible réactivité et a fait beaucoup de pirouettes comme celle de dire qu’une fois désigné, il rassemblerait tous les candidats de la primaire et construirait avec eux le futur programme de LR. Sauf que c’est trop facile de dire : mon programme, c’est vos idées ! Jean-Marie Le Pen avait formulé ce principe en 1988 mais c’est pire que démagogique, c’est creux. Michel Barnier vaut mieux que cela. Il doit évidemment se mouiller un peu plus. Il a encore trois autres débats pour corriger le tir.

_yartiBarnierMichelB05

Son réel avantage, c’est que son âge lui donne une autorité naturelle que n’ont pas les autres. Il peut rappeler qu’il parlait d’égal à égal avec Angela Merkel ou Boris Johnson ou encore Colin Powell. Il a un discours crédible pour être le candidat de l’apaisement et de la réconciliation, le candidat qui rassure et qui ne clive pas. Mais s’il était désigné, il aurait beaucoup de mal à se positionner : ayant conquis LR par la droite, il lui faudrait alors se déporter vers le centre s’il voulait concurrencer Emmanuel Macron sur son cœur de cible. À être trop flexible, on en retire seulement l’impression de mollesse.

Michel Barnier a donc encore du chemin à parcourir avant de convaincre les Français, mais il est l’exemple même du responsable politique de sa génération, celle qui n’a jamais réellement eu le pouvoir au plus haut niveau et qui pourtant était douée. La droite et le centre sont passés directement de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy, en oubliant la génération de ceux qui sont nés entre 1940 et 1955. Dommage, c’étaient les plus éclatants et les plus prometteurs des années 1980. Michel Barnier essaie de leur rendre justice…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Pas très loin de la Présidence de la Commission Européenne.
Michel Barnier.
Éric Ciotti.
Hubert Germain.
Édouard Philippe.
Éric Zemmour au second tour !
Christian Estrosi.
Jean Castex.
Jean-Louis Borloo.
Nicolas Sarkozy.
Jacques Chirac.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Lucette Michaux-Chevry.
Michel Jobert.
Pierre Mazeaud.
Michel Debré.
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

_yartiBarnierMichelB04





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211015-barnier.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-11-michel-barnier-236972

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/15/39178771.html





 

 




 

Partager cet article
Repost0
9 novembre 2021 2 09 /11 /novembre /2021 03:22

« Les chances sont équivalentes pour tous et cette élection est très ouverte. Contrairement à ce que l’on entend parfois, le match n’est pas joué d’avance et j’entends bien créer la surprise. Aucun sondage ne peut prévoir le choix des militants. » (Éric Ciotti, "Le Figaro" le 20 octobre 2021).



_yartiDebatLR2021A03

Ce lundi 8 novembre 2021 s’est déroulé de 20 heures 40 à minuit sur LCI le premier des quatre débats entre les cinq candidats à la candidature LR à l’élection présidentielle de 2022. Ils seront départagés du 1er au 4 décembre 2021 par les adhérents de LR (environ 120 000 personnes) dans le cadre d’une primaire fermée.

Ces cinq candidats sont : Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Michel Barnier, Éric Ciotti et Philippe Juvin. Les trois premiers sont connus depuis longtemps, Éric Ciotti aussi mais moins exposé, et Philippe Juvin, chef de service et professeur de médecine, ancien député européen et maire d’une ville de la région parisienne, s’est fait surtout connaître à l’occasion de la crise sanitaire.

Ce débat animé par Ruth Elkrief et David Pujadas en collaboration avec "Le Figaro" et RTL a été beaucoup trop long, trois heures vingt, si bien qu’on peut se demander si des auditeurs s’étaient perdus en route. Pourtant, ce débat était plutôt dense et utile, même si chacun a eu du mal à trouver le bon ton entre la saine compétition et le besoin d’unité.

Je m’attendais à voir Michel Barnier faire une bonne prestation, parce qu’il avait une grande expérience politique. Et pourtant, incontestablement, ce fut Éric Ciotti qui l’a largement emporté. Il faut dire que le députe de Nice, qui est allé à Cannes le matin même sur les lieux d’un attentat qui a visé des policiers, n’attendait rien de la compétition, considéré comme un "petit candidat", se présentant surtout pour présenter ses idées qui ont le mérite d’être franches et massives. Il n’y avait donc aucun enjeu pour lui, et il était sans doute le plus détendu.

Et il a mené tout le débat en imposant le débat autour de ses idées. Et très surprenant, lui qui est connu pour ses idées sur la sécurité, l’immigration, qui reprend allègrement la considération du "grand remplacement" du polémiste Éric Zemmour et qui se vante chaque fois de ne pas avoir voté Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle de 2017 (il a glissé un bulletin au nom de François Baroin), il s’est d’abord distingué sur ses idées économiques.

Prônant un programme libéral, reprenant le programme de François Fillon dont il est resté fidèle, il a proposé 250 000 fonctionnaires en moins, la suppression de la moitié des niches fiscales, la transformation de l’impôt sur les revenus (actuellement 78 milliards d’euros) par une "flat tax" de 15% (l’impôt ne serait plus progressif) qui ferait malgré tout rentrer 30 milliards d’euros de recettes supplémentaires qu’il réinjecterait dans la baisse des charges salariales pour augmenter le pouvoir d’achat. Il est aussi pour la suppression des droits de successions.

Ancien président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, il a aussi souhaité la suppression des métropoles, des départements et des régions au profit d’une unique collectivité, la province. Tandis que Xavier Bertrand veut reprendre l’idée de Nicolas Sarkozy des conseillers territoriaux élus à la fois sur le département et sur la région.

Éric Ciotti a déroulé son programme, était très à l’aise dans le débat, absolument pas agressif, sans chercher à mettre en difficulté ses contradicteurs. En ce sens, il a adopté la même attitude de débat que François Fillon lui-même en 2016, ne s’occupant pas de la concurrence et exposant ses idées. Son programme a d’ailleurs été beaucoup travaillé même s’il est très clivant. Et il a été le seul à s’être adressé exclusivement aux militants LR, ceux qui votent au congrès, et pas aux Français en général.

Le perdant, à mon avis, était Michel Barnier qui était très flou et qui n’a pas été percutant, peut-être à cause de l’âge. Il a bien sûr défendu l’idée d’être un Président de réconciliation, mais des pans entiers de son programme ne sont pas clairs, en particulier son moratoire sur l’immigration qui fut l’occasion de plusieurs attaques de la part de Valérie Pécresse. Michel Barnier a expliqué qu’il refusait de promettre des choses démagogiques, si bien qu’il n’a pas été très précis, et de plus, souhaitant réunir sa famille politique après le congrès, il veut coconstruire son programme avec ses anciens concurrents après le congrès.

Xavier Bertrand n’a pas été très bon, il a interrompu plusieurs fois les animateurs pour prendre du temps à l’arraché, la première, cela s’est passé sans réaction et à la fin, à la troisième fois, Ruth Elkrief a été ferme et n’a pas cédé. Xavier Bertrand a proposé une super-prime d’activité, ce qui n’était pas vraiment une bonne idée, sorte d’assistanat qu’il a pourtant contesté pour l’actuel gouvernement. Il a été celui qui a le plus souvent critiqué Emmanuel Macron, même si Valérie Pécresse et Michel Barnier l’ont fait aussi, et tous les trois ont absolument exclu d’appartenir au futur gouvernement d’Emmanuel Macron si ce dernier est réélu.

Le principal argument de Xavier Bertrand est aussi creux que son programme : je suis le mieux placé dans les sondages, je suis le mieux placé pour battre Emmanuel Macron. Sauf qu’actuellement, il est placé dans les sondages en quatrième position, avec à peine 13%, très loin de pouvoir être présent au second tour. Alors mieux placé pour battre Emmanuel Macron ? C’est la méthode Coué.

Philippe Juvin est celui qui a proposé le plus de différences sur le fond, refusant la baisse du nombre de fonctionnaires, valorisant au contraire le service public. En revanche, sur la forme, il s’est déjà mis à la place du Président, alors que cela semble peu vraisemblable. Comme disait Daniel Cohn-Bendit, l’élection présidentielle rend fous les responsables politiques.

Il y a eu beaucoup de tartes à la crème. En particulier, Michel Barnier qui a dit qu’on pouvait dégager de l’argent en luttant contre la fraude sociale et la fraude fiscale… comme si on ne luttait pas déjà contre ces fraudes. Cela fait quinze ans que cet argument est éculé, c’est d’ailleurs l’argument privilégié de Jean-Luc Mélenchon. Si c’était si simple de lutter contre les fraudeurs, ce serait déjà fait ! C’est juste la tarte à la crème pour équilibrer des dépenses qu’on propose. Et pourtant, tous les candidats ont critiqué Emmanuel Macron comme le Président qui fait des chèques sans provision.

Valérie Pécresse a été assez combative, elle a été la plus mordante, attaquant surtout Michel Barnier (et un peu Xavier Bertrand). Dans un dernier sondage, elle a été dépassée par Michel Barnier, mais tous les deux restent derrière Xavier Bertrand. Elle a montré la plus grande détermination à réduire la dette publique.

Là encore, tarte à la crème, elle pense réduire de 200 000 le nombre de fonctionnaires en supprimant les postes administratifs et en créant des postes "sur le terrain", ce qui ne veut rien dire ; quand Michel Barnier constatait que les usagers manquaient d’interlocuteurs dans leurs démarches administratives, elle n’a pas précisé si un guichetier, c’est un post "administratif" ou un poste "sur le terrain".

Tarte à la crème aussi, car Valérie Pécresse a évoqué la suppression de plein d’agences et de comités administratifs qui ne serviraient à rien… argument régulièrement évoqué depuis quinze ans également, et cinq minutes plus tard, parlant de la carte vitale qu’il a transformée (en y mettant la photo) en tant que ministre de la santé, Xavier Bertrand a rappelé qu’il avait créé avec le ministre Éric Woerth un "comité" pour réduire les fraudes à la carte vitale. Mais personne n’a fait remarquer que justement, c’est ce genre de comité que Valérie Pécresse dit vouloir supprimer !

Michel Barnier veut, comme Philippe Juvin, une réduction des impôts de production, et Xavier Bertrand sert la tarte à la crème de la baisse des charges pour éviter les délocalisations en Pologne. Le coût du travail est trop fort… mais à moins de réduire drastiquement le niveau de vie des salariés français, on ne pourra jamais concurrencer les pays comme la Pologne sur le coût du travail, donc, ce n’est pas cela la solution d’une réindustrialisation.

Michel Barnier a mouché deux fois David Pujadas contre son insistance sur des points de détail, sur les éoliennes (le journaliste a beaucoup trop insisté) et sur le grand remplacement (le journaliste voulait avoir une petite phrase mais personne n’est tombé dans le piège).

_yartiDebatLR2021A02

Comme disait le politologue Pascal Perrineau en présentant aux dirigeants de LR les derniers sondages, au cours de ce premier débat télévisé, "personne ne tue le match". Tous les candidats étaient à peu près de même force, avec des propositions souvent proches, à en avoir la nausée sur l’immigration (les Le Pen semblent avoir gagné la bataille idéologique).

Leur vision très électoraliste de noircir le mandat d’Emmanuel Macron sans reconnaître la baisse du chômage, le début d’une réelle réindustrialisation, la gestion de la crise sanitaire, la hausse du pouvoir d’achat, le fait que la France est le pays européen le plus attractif économiquement montre qu’ils sont unis dans la même mauvaise foi. Cela peut plaire aux militants LR, mais cela ne permettra certainement pas de rassembler une majorité de Français.

Je reste déçu et désolé de voir ce qu’est devenue l’ancienne coalition UDF-RPR qui valait 44% des voix, c’est devenu un syndic de faillite, une sorte de syndicat d’élus locaux repliés sur eux-mêmes et évalués autour de 10% ; une grande proportion de l’électorat LR est déjà partie chez Emmanuel Macron qui est le meilleur défenseur de l’esprit de conquête et d’ouverture pour l’avenir.

En fait, ce qui me désole, c’est que des Valérie Pécresse, des Xavier Bertrand, des Michel Barnier (pas Éric Ciotti) sont tellement proches d’Emmanuel Macron qu’ils se sentent obligés de l’attaquer à chaque détour de phrase pour ne pas être suspectés de collusion. Pour autant, dans quelques mois, il faudra bien constituer une majorité. Et une alliance LR-Emmanuel Macron sera peut-être une conclusion logique sinon naturelle. Alors, les postures d’avant élections n’engagent que les électeurs…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Éric Ciotti.
Hubert Germain.
Édouard Philippe.
Éric Zemmour au second tour !
Christian Estrosi.
Jean Castex.
Jean-Louis Borloo.
Nicolas Sarkozy.
Jacques Chirac.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Lucette Michaux-Chevry.
Michel Jobert.
Pierre Mazeaud.
Michel Debré.
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

_yartiDebatLR2021A01




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211108-congres-lr-debat-1.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-10-eric-ciotti-gagnant-237059

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/06/39207810.html






 

Partager cet article
Repost0
9 octobre 2021 6 09 /10 /octobre /2021 19:16

« Soucieux avant tout de l’intérêt général, nous croyons au dépassement des clivages artificiels et au rassemblement de toutes les bonnes volontés au service du pays, dans le respect des différences et des sensibilités. » (Manifeste du nouveau parti Horizons, le 9 octobre 2021).



_yartiHorizonsA02

L’ancien Premier Ministre Édouard Philippe réussira-t-il à recomposer le paysage politique après que celui-ci s’est décomposé depuis une vingtaine d’années ? Rien n’est sûr, si ce n’est qu’une fois encore, les courants politiques ne peuvent se créer sans s’incarner en une personnalité majeure de la vie politique française.

Je date le début de la décomposition du paysage politique français non pas en 2017 avec l’élection du Président Emmanuel Macron à l’issue d’un second tour où aucun des deux grands partis de gouvernement (LR et le PS) n’était présent, mais en 2002, quand l’un des deux grands partis de gouvernement n’était pas présent au second tour (le PS).

En effet, juste après le premier tour du 21 avril 2002, Jacques Chirac, Président sortant et candidat, et son très proche Alain Juppé ont décidé de profiter de l’état de sidération déclenché par la présence de Jean-Marie Le Pen pour phagocyter l’UDF dans le RPR par la création de l’UMP. L’opération a mollement réussi puisque les élus UDF ne les ont pas tous suivis et il est resté une UDF résiduelle dirigée par François Bayrou.

Jusque-là, la droite et le centre se composaient de deux grands partis, le RPR (qui n’a rien à voir avec l’image nostalgo-dépressive du polémiste Éric Zemmour) et l’UDF, l’un d’origine gaulliste (mais déjà à l’époque, certains supposés "gardiens du temple" gaullistes considéraient que le RPR n’avait plus rien de gaulliste mais était avant tout chiraquien), et l’autre d’origine centriste avec trois grandes tendances historiques, les démocrates-chrétiens (MRP, Centre démocrate, CDP, CDS), les libéraux (ou indépendants : CNIP, RI, PR, DL) et les radicaux (ce grand et vieux parti radical et radical socialiste qui avait refusé l’union avec les communistes en 1972).

Ce regroupement avait un intérêt pour Jacques Chirac, celui de contrôler toute la majorité. Mais ce n’était pas l’intérêt de cette coalition pour le long terme, d’autant plus qu’elle avait déjà eu affaire à des partis vaguement dissidents (MPF de Philippe de Villiers, RPF de Charles Pasqua, etc.). Au lieu de ratisser large sur tout l’éventail de la droite dure au centre gauche, l’UMP n’a fait que garder un noyau dur en mécontentant toutes les autres sensibilités.

La situation du centre droit était donc devenue délicate : en 2007 avec la bonne tenue de la candidature de François Bayrou, l’UDF a éclaté en deux partis, le Nouveau centre (qui est resté dans une alliance traditionnelle avec la droite) et le MoDem de François Bayrou qui est allé jusqu’à voter pour François Hollande en 2012 (inefficacement puisque ce dernier a refusé tout signe d’ouverture, au point qu’il n’a même pas pu se représenter en 2017). En 2012, l’UDI fondé par Jean-Louis Borloo a cru pouvoir rassembler à nouveau tous les centristes mais Hervé Morin a créé la division en 2014 en ressortant de ce parti avec Les Centristes pour prendre son indépendance (plus proche de LR). Depuis 2017, de nombreux partis se sont créés à la lisière du centre droit et de la majorité présidentielle, ce qui est particulièrement compliqué à comprendre pour les électeurs. La vocation du nouveau parti créé par Édouard Philippe est de rassembler toutes ces chapelles (ce qui est peu réaliste) et surtout, de faire naître une nouvelle génération de personnes engagées en politique.

L’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée sur sa gauche a évidemment fait exploser le PS (on ne sait même pas si le PS va maintenir une candidature à l’élection présidentielle de 2022), mais en gouvernant plus sur sa droite, en nommant à Matignon et dans de grands ministères (Économie et Finances, Intérieur) des personnalités issues de LR, Emmanuel Macron a également fait exploser LR.

Seul, le MoDem a bénéficié de cette majorité centrale et François Bayrou imaginait rassembler l’ensemble de la majorité (LREM, MoDem, partis périphériques issus de LR ou d’ailleurs) dans un grand parti démocrate à la française, permettant à LREM de s’associer à un véritable courant politique historique.

La démarche d’Édouard Philippe a donc contrecarré ce grand rassemblement démocrate. N’ayant pas honte de le dire, ce sera un parti et pas un club de réflexion, l’ancien Premier Ministre ne prépare pas l’élection présidentielle de 2027 (ce serait ridicule d’affirmer cela quand l’élection présidentielle n’est même pas encore survenue et que l’on sait que chaque élection présidentielle bouleverse considérablement le paysage politique).

L’objectif d’Édouard Philippe, c’est de structurer le centre droit favorable à Emmanuel Macron (le soutien au Président sortant pour 2022 est un élément essentiel) dans une optique d’en faire un véritable parti organisé et pas un mouvement plus ou moins personnelle et temporaire. L’idée est donc d’être un partenaire loyal et déterminé de la majorité présidentielle actuelle mais aussi de pouvoir accueillir les anciens ou actuels membres de LR un peu en déshérence, en gros, les sans parti fixe.

_yartiHorizonsA01

C’était donc avec cette démarche que Édouard Philippe a créé le samedi 9 octobre 2021, devant une assistance d’environ 3 000 personnes, dans sa ville du Havre, ce nouveau parti baptisé Horizons, Horizons au pluriel. Et avant de définir des hommes et des places, le maire du Havre a voulu d’abord définir les idées, les valeurs, ce qui va être le fondement idéologique de ce nouveau parti. Quatre enjeux, dix valeurs, et dix combats.

Tout d’abord, quatre enjeux principaux ont été définis, ce qu’il a appelé "vertiges" : la démographie, l’environnement, la géopolitique et la technologie. La première réflexion, c’est qu’est utilisé un vocabulaire pas forcément ordinaire pour donner ces enjeux politiques, à part l’environnement (ou l’écologie), passage obligé pour regarder l’avenir en face.

À ma connaissance, la dernière fois que la démographie a été évoquée politiquement était en mai 2021, quand François Bayrou, Haut-Commissaire au Plan, a rappelé son importance capitale dans le maintien de notre modèle social. Sans forte natalité ou croissance démographique, pas de modèle social français pérenne (c’est une simple question numérique : s’il y a plus de retraités que d’actifs, il n’y aura plus de pension de retraite décente, idem pour l’assurance-maladie).

Dans cet enjeu démographique, il y a évidemment l’immigration et cela correspond à l’un des combats énumérés, très équilibré : « Nous combattons les naïfs et les populistes de l’immigration qui estiment que la France est en situation d’accueillir toute la misère du monde ou, à l’inverse, font croire que le pays peut vivre en autarcie derrière des frontières étanches. ». On notera l’expression provenant de l’ancien Premier Ministre Michel Rocard de manière plus ou moins assumée.

L’environnement est un enjeu évidemment majeur mais peu original, même si la précampagne présidentielle semble peu se faire sur ce sujet (le pouvoir d’achat et l’immigration sembleraient des thèmes où il y aurait le plus d’attente de la part des électeurs). On retrouve ce thème dans les valeurs : « Nous défendons une ambition écologique pour la France, fondée sur les notions de progrès, de sobriété et de durabilité. ». En particulier, le nouveau parti proposera une politique de décarbonation de notre économie, la préservation de la biodiversité et un investissement massif dans les énergies et l’agriculture. C’est d’ailleurs intéressant de coupler les deux, car ce sont les deux grands domaines durablement impactés par la transformation écologique.

J’insiste encore une fois : les mots de vocabulaire sont renouvelés, l’expression réfléchie et rigoureuse (Édouard Philippe a toujours tenu, même à l’oral et à l’improviste, à employer les bons mots, le plus rigoureusement possible, ce qui évite aussi de "galvauder" certains mots ou expressions). Ainsi, cela permet d’exprimer des idées, des valeurs et des combats de manière particulièrement précise et rigoureuse.

Comme pour le troisième enjeu, la géopolitique. Il répond à ceux qui ont peur d’une perte de souveraineté ou d’indépendance nationales. On y retrouve, comme pour le quatrième enjeu (la technologie) la première valeur : « Nous avons pour ambition de construire une stratégie globale pour la France afin d’assurer sa compétitivité, sa prospérité et sa puissance sur le long terme. ». Mais aussi : « l’indépendance nationale dans un monde dangereux et instable, où la France doit conserver les moyens de rester maîtresse de son destin ». Et bien sûr : « Nous défendons le projet européen comme la voie de la prospérité et de la souveraineté de la France. Mais nous portons l’exigence d’une Europe plus respectueuse du principe de subsidiarité, de l’intérêt collectif des Européens et des choix fondamentaux du peuple français. ».

Le dernier enjeu, la technologie rappelle la France nation technologique, très à l’unisson d’Emmanuel Macron, avec l’objectif de préparer la France aux enjeux scientifiques et technologiques de demain (par exemple, éviter de renouveler l’incapacité à développer rapidement un vaccin comme l’a hélas montré l’Institut Pasteur).

Dans le manifeste du nouveau parti, il y a donc énumérés dix points positifs, des propositions constructives ("Nous défendons"), mais aussi, au risque de se définir par défaut, d’être négatif, dix points négatifs, ce que n’est pas ce parti ("Nous combattons"). J’en ai déjà cité quelques-uns plus haut.

De ces fondamentaux, il en ressort un courant politique à la fois centriste (décentralisateur, pour la justice sociale, voulant l’équilibre de comptes publics, etc.), très républicain (soutenant fermement la laïcité, l’ordre « meilleure garantie de la liberté et de la prospérité du pays » et un humanisme républicain, notamment pour l’éducation « objectif prioritaire de l’effort national ») et aussi libéral : « Nous défendons la liberté comme valeur cardinale de la République. ».

Cette foi au progrès tant social et technique s’exprime ainsi : « Nous croyons que la science et l’esprit des Lumières doivent éclairer toutes les politiques publiques et servir de fondement au débat démocratique. ». Et s’exprime aussi ainsi : « Nous croyons que la solidarité nationale est une chance et une nécessité, dont la contrepartie est la revalorisation du travail et du mérite comme piliers d’une société prospère et digne. ».

Dans les "combats", certains sont moins intellectuels et plus vagues, mais permettent de se situer dans l’échiquier politique. Au centre droit : « Nos combattons les extrêmes de tous bords qui dressent les Français les uns contre les autres en agitant les peurs et les mensonges. ». Parmi les pédagogues : « Nous combattons les démagogues qui abaissent la controverse démocratique à un jeu d’invectives et bannissent la raison et la mesure du débat public. ». Et encore plus pédagogues ainsi : « Nous combattons les fossoyeurs de l’universalisme républicain qui enferment l’individu dans des identités réductrices et sèment les ferments de la division et de l’inégalité. ». On voit tout de suite à qui cette phrase s’adresse.

Horizons combat aussi des lubies d’extrême gauche : la décroissance « ruineuse pour la pays et impuissante à répondre à l’urgence climatique », l’esprit de défaite, de repentance et de honte « qui méprise la grandeur du récit national et conduit à nier la possibilité d’une culture et d’une histoire communes, qui font la fierté française ».

Enfin, face à tous les démagogues qui voudraient casser nos institutions héritées du Général De Gaulle, le parti d’Édouard Philippe se place en défenseur intransigeant de la Constitution de la Cinquième République : « Nous défendons la démocratie représentative dans le cadre des institutions de la Ve République qui permettent à chaque citoyen de faire valoir son opinion tout en garantissant la force de gouverner du pouvoir exécutif. ».

Parmi les objectifs du nouveau parti Horizons, il y a aussi implicitement la volonté de rassembler ceux des adhérents de LR qui n’y retrouvent plus ses petits, écartelé qu’est cet ancien parti gouvernemental, entre les sirènes des extrémismes et le constat qu’Emmanuel Macron serait finalement son meilleur représentant.

Cette "nouvelle offre politique" va devoir être claire sur sa loyauté avec Emmanuel Macron, même si des représentants de LREM, du MoDem, de l’UDI, d’Agir (parlementaires issus de LR) et de la France audacieuse (créée par Christian Estrosi, maires et élus locaux issus de LR), étaient présents au Havre. Prendre ses marques : avec cette initiative audacieuse, Édouard Philippe a franchi le Rubicon, tout en voulant prendre une part active à la réélection d’Emmanuel Macron que son ancien Premier Ministre ne considère pas comme acquise. La suite prévue, c’est l’organisation d’un grand congrès fondateur en décembre 2021, peu avant la lancée de la campagne présidentielle …et de la Présidence française de l’Union Européenne.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Manifeste du nouveau parti Horizons (texte intégral).
De nouveaux Horizons avec les sans parti fixe du centre droit.
Édouard Philippe.
Le destin national d'Édouard Philippe.
Emmanuel Macron.
Jean Castex.
François Bayrou.
Jean-Louis Borloo.
Que va faire Édouard Philippe ?
Le grand atout d’Emmanuel Macron.
Antoine Rufenacht.
Alain Juppé.
5 ans d’En Marche.
Cédric Villani.
Alexandre Benalla.

_yartiHorizonsA03



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211009-edouard-philippe.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/12/39173864.html




 

Partager cet article
Repost0
6 octobre 2021 3 06 /10 /octobre /2021 14:06

« Zemmour progresse sur certains sujets. Il le fait un peu au détriment de Marine qui est plus passive que lui, moins présente. Notre monde adore le changement, adore la nouveauté. Éric Zemmour a l’avantage de la nouveauté. Il arrive, il est étonnant, il est percutant. Et bien sûr, il secoue un petit peu les édifices existants. » (Jean-Marie Le Pen, le 6 octobre 2021 sur LCI).


_yartiZemmourEricB02

Lucide mais dur pour sa fille. Ce qu’a dit le vieux patriarche de l’extrême droite Jean-Marie Le Pen de la montée vertigineuse du polémiste Éric Zemmour dans les sondages d’intentions de vote semble signer la fin de l’aventure Le Pen dans la vie politique française. Une nouvelle enseigne concurrente paraît plus dynamique et plus à l’écoute des clients, Zemmour.

Il ne faut pas s’étonner qu’on vive actuellement dans la politique des sondages. À six mois de l’élection présidentielle (oui, seulement six mois !), l’incertitude demeure sur l’identité du candidat de LR et sur le maintien de nombreuses candidatures qui, à droite ou à gauche, font finalement le jeu du candidat central, supposé, le Président Emmanuel Macron qui ne sait toujours pas s’il doit se réjouir ou s’inquiéter d’un nouveau larron dans la cour de récréation.

Dans la dernière édition du sondage Harris Interactive pour "Challenges" rendu public ce mercredi 6 octobre 2021, ce que Marine Le Pen craignait est arrivé : après avoir dépassé le candidat LR, quel qu’il soit, la semaine dernière, le polémiste vient de dépasser la candidate du RN, quel que soit le candidat LR, au point de se qualifier au second tour à sa place. Et le "match" du second tour est loin d’être joué quand on connaît les intervalles d’incertitude des sondages.

Ainsi, au premier tour, Éric Zemmour progresserait encore en intentions de vote en atteignant 17% à 18%, devançant Marine Le Pen à 15% ou 16% selon les différentes configurations. Le candidat LR est alors en quatrième position. Au second tour, il perdrait avec 45%, ce qui est un score très solide quand on se rappelle que le Président actuel avait gagné avec 66% des voix.

À l’évidence, la volonté de combattre Éric Zemmour par la morale non seulement ne fonctionne pas mais semble même contreproductive. Ainsi, quand le Président du Sénat Gérard Larcher a dit à la journaliste Sonia Mabrouk, le 29 septembre 2021 sur Europe 1 : « J’ai l’impression d’entendre radio Kaboul » pour décrire la considération que le polémiste aurait des femmes, non seulement cela paraît excessif, mais il renforce la situation victimaire du polémiste (tout le monde m’en veut) et donc, sa cote dans les sondages. Du reste, Gérard Larcher était resté dans le domaine de la morale en étant particulièrement écœuré d’une énième polémique créée par l’éventuel futur candidat à propos des assassinats antisémites de Merah : « J’ai sur le cœur quelque chose. Quand on parle des enfants assassinés à Toulouse, qui n’étaient pas des nôtres parce qu’ils avaient choisi de se faire enterrer en terre d’Israël, pour moi, c’est insupportable. ».

Incontestablement, il y a une dynamique Zemmour qui est en train de prendre le pas sur tous les autres phénomènes. La dynamique de la primaire EELV n’existe pas et Yannick Jadot ramerait à 6% des intentions de voix. La proposition de référendum sur l’immigration de Marine Le Pen lors de sa conférence de presse du 28 septembre 2021 a été repoussée dans les oubliettes de l’actualité immédiate. Quant aux candidats à la candidature LR, ils restent inaudibles et le supposé mieux placé, Xavier Bertrand, peine à montrer qu’il pourrait amorcer une dynamique favorable, même s’il serait le mieux placé pour affronter Emmanuel Macron au second tour (il n’y aurait que 2% d’écart, soit bien moins que la marge d’erreur du sondage).

Si on totalisait l’ultradroite (en y incluant les intentions de vote pour Nicolas Dupont-Aignan), on atteindrait entre 34 et 36% d’intentions de vote, ce qui est considérable. Et parallèlement, la gauche est à un niveau très bas, moins de 30% répartis ainsi : 11% pour Jean-Luc Mélenchon, 6% pour Yannick Jadot, 6% pour Anne Hidalgo, 2% pour Arnaud Montebourg, 2% pour Fabien Roussel (le candidat du PCF) et les candidats d’extrême gauche inaudibles (Nathalie Arthaud et Philippe Poutou).

En bousculant ainsi le jeu chaudement installé des différents partis, Éric Zemmour apporte du suspense et donc de la passion (positive ou négative, puisqu’il fait partie des personnalités les plus détestées de France !) dans une perspective de réélection d’Emmanuel Macron voulue par une majorité de l’électorat.

Comme on le dit souvent, un sondage n’est qu’un sondage, c’est-à-dire une photographie relativement fine d’une situation très instable et mouvante. La cristallisation des électeurs ne se fera pas avant février voire mars 2022. Se baser sur les sondages d’intentions de vote pour choisir un candidat paraît complètement stupide, je l’écris à l’attention des dirigeants LR, car les électeurs, eux, ne sont pas stupides et savent qu’une élection présidentielle, qui engage l’avenir de la nation, n’est pas simplement une course de petits chevaux. Doit y figurer avant tout le choc des projets or, pour les candidats LR, qui pourrait expliquer clairement et simplement les projets des différents candidats à la candidature ? On ne vote pas pour un visage, on vote pour des convictions.

Éric Zemmour a un avantage considérable sur la droite et l’extrême droite : il est le seul à permettre leur unification éventuelle, alors qu’on pouvait penser que seule Marion Maréchal pourrait réaliser un tel exploit. Mais cela signifie aussi la fin définitive de ce qu’était l’ancienne coalition UDF-RPR, puis l’UMP, puis LR qui était au pouvoir pendant la majeure partie du temps de la Cinquième République (dix législatures sur quinze), écrasée qu’elle serait entre un bloc d’ultradroite et un bloc d’ultracentre autour d’Emmanuel Macron, Édouard Philippe et François Bayrou.

Son avantage sur le RN est sans égal : Éric Zemmour n’a aucun passé sulfureux et a toujours fait partie du paysage de la droite dite classique. Du reste, ses idées économiques, s’il en a, restent plutôt libérales et ne détonnent pas avec les idées de LR, ce qui a pour conséquence un attrait supplémentaire de l’électorat de la droite parlementaire.

En revanche, parler de nouveauté comme le dit Jean-Marie Le Pen est assez osé dans la mesure où Éric Zemmour est connu du monde politico-médiatique depuis une bonne trentaine d’années et à l’instar des autres grands éditorialistes, il fait partie complètement du système, bénéficiant de la notoriété que lui apporte la télévision pour diffuser ses idées et vendre ses bouquins.

On pourrait toutefois faire l’analogie, très audacieuse, de cette montée d’Éric Zemmour avec la montée dans les sondages du Premier Ministre Édouard Balladur en 1994. Certes, l’un est dans l’opposition et l’autre était le chef de la majorité, mais la perspective d’une candidature d’Édouard Balladur avait réjoui les électeurs de droite qui ne voulaient plus de la candidature perpétuellement perdante de Jacques Chirac.

Éric Zemmour aussi permet de faire bouger les lignes, d’en finir avec la perpétuelle candidature Le Pen (père et fille, huitième édition depuis 1974), qui préempte beaucoup d’électeurs mais dans le vide puisqu’il n’y a pas de perspective de victoire (c’était très clair en 2017). Avec son commentaire acide, le père a implicitement reconnu qu’il fallait sortir de la logique perdante de la PME Le Pen depuis un demi-siècle ! Et la candidature d’Éric Zemmour a aussi la faculté de détruire la perspective maintes fois martelée depuis cinq ans d’un second tour Macron/Le Pen.

Dès lors qu’il pourrait se qualifier au second tour, le polémiste, qui n’est toujours pas officiellement candidat et qui a eu beaucoup de succès dans son débat avec Michel Onfray le 5 octobre 2021 (devant 3 700 personnes qui ont payé leur place), change complètement la donne de toutes les stratégies. Car rappelons bien ce fait de l’histoire des élections présidentielles : dans aucun sondage d’intentions de vote, malgré une dynamique ascendante, un troisième homme n’avait pu se qualifier au second tour, ni Jean-Pierre Chevènement en 2002, ni François Bayrou en 2007, ni non plus Jean-Luc Mélenchon en 2017.

On imagine mal les candidats professionnels laisser leur place à un extraterrestre de la vie politique. Mais E. T. a encore de beaux jours devant lui, tant qu’il suscite la cristallisation du vide politique, en particulier chez LR…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Radio Kaboul dans les sondages : Éric Zemmour au second tour !
Bygmalion : Éric Zemmour soutient Nicolas Sarkozy.
Les prénoms d’Éric Zemmour.
Le virus Zemmour.
Le chevalier Zemmour.
Élysée 2022 (1) : un peuple d’ingouvernables ?
Les Républicains et la tentation populiste.

_yartiZemmourEric02




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211006-zemmour.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/radio-kaboul-dans-les-sondages-236338

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/06/39166262.html













 

Partager cet article
Repost0
6 octobre 2021 3 06 /10 /octobre /2021 07:53

« Nicolas Sarkozy est un ami, mais contrairement à lui, je ne pense pas que nous devons tenir un discours toujours plus à droite. Plus on va à droite, plus on fait monter le FN. » (Christian Estrosi, le 18 décembre 2015).


_yartiEstrosi04

Ce n’était pas vraiment un secret mais la clarté est toujours appréciée même si on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses propres dépens. Invité de Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV et RMC ce mercredi 6 octobre 2021, le maire de Nice Christian Estrosi a annoncé clairement qu’il soutiendrait la candidature du Président de la République Emmanuel Macron si celui-ci se représentait aux suffrages des Français. Il a aussi fustigé les propos du polémiste Éric Zemmour, notamment sur le choix des prénoms et sur le fait qu’on ne peut pas se réclamer de De Gaulle en faisant l’éloge de Pétain.

Certes, cette idée germait dans sa tête depuis plus d’un an. En effet, il était encore membre de Les Républicains (LR) et dans "Le Figaro" le 31 août 2020, Christian Estrosi a déjà annoncé la couleur : il souhaitait soutenir la future candidature d’Emmanuel Macron sous condition de conclure un accord de gouvernement entre LR et LREM. Un accord qui n’a jamais été esquissé et dont personne ne voudrait.

Mais entre-temps, les relations entre l’élu niçois et son parti se sont considérablement dégradées, surtout à l’époque de la campagne des élections régionales de juin 2021 : partisan d’une liste d’union LR-LREM menée par Renaud Muselier pour sa reconduction à la tête de la région PACA, Christian Estrosi a été très contesté par la direction de LR, si bien qu’il a quitté LR le 6 mai 2021 pour soutenir Emmanuel Macron. Et Renaud Muselier (qui fut son dauphin et remplaçant à la région) a été réélu.

Christian Estrosi a aussi fait partie des 382 maires et élus locaux signataires d’une tribune, dans le journal "Le Monde" le 17 juillet 2021, qui félicitait Emmanuel Macron d’avoir eu le courage d’élargir le passe sanitaire.

_yartiEstrosi01

L’attitude recentrée de Christian Estrosi dans la vie politique est un mystère. Christian Estrosi, ancien champion de motocyclisme (appelé par ses détracteurs motodidacte parce qu’il n’a pas de diplôme) engagé en politique par Jacques Médecin, le maire de Nice de l’époque, a été longtemps un second couteau sarkozyste qui se trouvait plutôt à l’aile très à droite du RPR et de l’UMP en dénonçant une cinquième colonne, en bataillant contre l’immigration, etc. avec des thèmes sécuritaires assez "classiques" qu’on retrouve aujourd’hui à l’extrême droite.

Sa carrière politique a été d’ailleurs assez réussie si l’on en juge par ses très nombreux mandats électoraux que les électeurs lui ont attribués.

Carrière tant locale que nationale. Il avait 32 ans en juin 1988 quand il a été élu pour la première fois député des Alpes-Maritimes, il a été réélu sans discontinuité jusqu’en juin 2016 (sauf entre décembre 1993 et juin 1997 où il a été déclaré inéligible pour des raisons de mauvaise déclaration de ses comptes de campagne), et il a quitté son mandat de député lorsqu’il est entré au gouvernement. Trois fois : il a été nommé Ministre délégué à l’Aménagement du territoire du gouvernement de Dominique de Villepin du 2 juin 2005 au 15 mai 207 sous la Présidence de Jacques Chirac, puis Secrétaire d’État chargé de l’Outre-mer du 19 juin 2007 au 17 mars 2008 puis Ministre délégué chargé de l’Industrie du 23 juin 2009 au 14 novembre 2010 dans le deuxième gouvernement de François Fillon sous la Présidence de Nicolas Sarkozy.

Dès 1989, Christian Estrosi est devenu le patron de la fédération du RPR des Alpes-Maritimes (puis de l’UMP et de LR). Jusqu’en octobre 2018, remplacé par Éric Ciotti (qui lui a aussi succédé à la présidence du conseil général des Alpes-Maritimes en 2008). Éric Ciotti, aujourd’hui candidat à la candidature LR, a envisagé un moment de se présenter aux municipales de Nice contre Christian Estrosi en 2020, puis, après des sondages très défavorables, il y a renoncé.

Élu maire adjoint de Nice (chargé des sports) dès mars 1983 (il avait 27 ans), Christian Estrosi fut élu municipal de Nice de mars 1983 à juillet 1990 et depuis mars 2008, il fut alors maire de Nice de mars 2008 à juin 2016 (mandat qu’il a abandonné pour la région PACA, mais il est resté premier adjoint de juin 2016 à mai 2017) puis est redevenu maire depuis mai 2017 (après l’élection présidentielle), également élu président de la communauté urbaine puis de la métropole de Nice depuis avril 2008 ; conseiller général de Nice de mars 1985 à avril 1993 et de mars 2001 à juin 2009, il fut premier vice-président du conseil général des Alpes-Maritimes de mars 2001 à septembre 2003 puis président du conseil général des Alpes-Maritimes de septembre 2003 à décembre 2008 (mandat qu’il a abandonné pour la mairie de Nice) ; enfin élu conseiller régional de PACA de mars 1992 à août 2002, puis depuis décembre 2015, il fut élu premier vice-président du conseil régional de PACA de mars 1992 à mars 1998 et depuis mai 2017, et président du conseil régional de PACA de décembre 2015 à mai 2017 (mandat qu’il a abandonné pour la mairie de Nice).

C’est justement à l’occasion de sa première campagne pour conquérir la présidence du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur occupée par l’ancien ministre socialiste Michel Vauzelle qu’il a commencé à se recentrer. Ces élections régionales furent le fondement de sa "conversion".

En effet, les résultats du premier tour des élections régionales en PACA le 6 décembre 2015 furent catastrophiques pour la liste qu’il a menée, soutenue par LR, l’UDI et le MoDem : il n’a recueilli que 26,5% des voix, dépassé largement par la liste FN menée par Marion Maréchal-Le Pen avec 40,6%. Derrière la liste de la droite et du centre, la liste socialiste menée par le futur ministre Christophe Castaner n’a atteint que 16,6% et la liste de l’union des écologistes et des communistes, avec 6,5%, ne pouvait pas se maintenir au second tour (en cinquième, la liste menée par l’écolo-centriste Jean-Marc Governatori a quand même obtenu 4,1%).

Dans une telle configuration, sans retrait de la liste socialiste, l’élection de Marion Maréchal-Le Pen à la tête de PACA aurait été très probable, ce qui aurait pu avoir des conséquences politiques nationales très graves à l’élection présidentielle de 2017 alors que les sondages plaçaient régulièrement Marine Le Pen en tête du premier tour dans les intentions de vote. Le retrait pur et simple de Christophe Castaner (et donc, l’absence d’élus socialistes, mais aussi de collaborateurs dans la région, ce qui était un lourd sacrifice pour le parti socialiste qui dirigeait la région), a permis finalement l’élection de Christian Estrosi au second tour du 13 décembre 2015, avec 54,8% (il fut élu président le 18 décembre 2015).

_yartiEstrosi02

Cette élection inespérée a complètement transformé Christian Estrosi : de représentant de l’aile droitière et sécuritaire de LR, il est devenu un… centriste (rappelons qu’il avait fait liste commune avec l’UDI mais aussi avec le MoDem), ayant une grande reconnaissance pour l’esprit de responsabilité des socialistes et en particulier de Christian Castaner qui est devenu un an plus tard l’un des plus grands soutiens d’Emmanuel Macron. Après son soutien à la candidature de Nicolas Sarkozy à la primaire LR de novembre 2016 (l’élu niçois avait songé un moment à s’y présenter lui-même), Christian Estrosi a soutenu très mollement François Fillon.

Depuis 2017, Christian Estrosi voit d’un œil bienveillant l’exercice du pouvoir d’Emmanuel Macron qui, lui-même, n’a pas hésité à lui apporter quelques signes convergents. Comme l’ancien ministre Hubert Falco, maire de Toulon, Christian Estrosi fait partie de ces "grands" maires de France qui souhaitent créer un nouveau parti situé au centre droit et qui soutiendra la candidature d’Emmanuel Macron en avril 2022. Un premier rendez-vous est prévu le samedi 9 octobre 2021 au Havre, où l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe devrait fonder un tel nouveau mouvement politique. À 66 ans, Christian Estrosi a assuré depuis plusieurs années qu’il n’était pas demandeur d’un nouveau ministère. Mais qui peut donc le croire ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Christian Estrosi.
Édouard Philippe.
Emmanuel Macron.
Jean Castex.
François Bayrou.
Jean-Louis Borloo.
Nicolas Sarkozy.
Jacques Chirac.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Éric Zemmour.
Lucette Michaux-Chevry.
Michel Jobert.
Pierre Mazeaud.
Michel Debré.
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

_yartiEstrosi03





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211006-estrosi.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/christian-estrosi-votera-emmanuel-236320

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/06/39165818.html









 

Partager cet article
Repost0


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).