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David PUJADAS
Patrick, on parle d’Education.
Patrick COHEN
Oui, et aussi, Education et Fonction publique, par définition, puisque dans le cadre que vous avez défini, que faites-vous des niveaux de salaires dans la Fonction publique, parce que si les fonctionnaires sont nombreux – on l’a dit – ils ne sont pas très bien payés, il y a une étude récente de l’OCDE qui montre que les enseignants français sont parmi les plus mal payés des pays développés, en tout cas, ils sont en dessous de la moyenne, est-ce que vous pouvez combiner à la fois une promesse de réembauche, 60.000 postes dans l’Education nationale, pour vous, François HOLLANDE, et la promesse de revalorisation de salaires ?
François HOLLANDE
Vous savez que j’ai fait de l’Education et de l’école la grande priorité, parce que c’est la condition pour nous en sortir, nous en sortir pour chaque famille, parce qu’il faut qu’il y ait un espoir, il faut qu’il y ait une promotion, il faut qu’il y ait une mobilité, j’en ai fait la grande cause pour le redressement de l’économie du pays, si on n’a pas un niveau de formation de qualification, eh bien, on ne pourra pas être compétitif, j’en ai fait une grande cause de civisme, de citoyenneté, parce que si on n’apprend pas les règles de la vie en société, des comportements, de la laïcité, qu’est-ce qui fera que notre société, notre vivre ensemble pourra se poursuivre. Donc, quand il y a eu 100.000 suppressions de postes, 100.000, dans l’Education nationale, j’ai dit : on va faire 12.000 par an, on en a déjà discuté, et on va négocier le contrat éducatif avec les personnels, pas que les enseignants d’ailleurs, puisque dans les 12.000 postes par an, il y aura des enseignants, il y aura des infirmières, il y aura des psychologues, il y aura des surveillants, bref, tout ce qui fait fonctionner nos établissements.
David PUJADAS
Mieux payés ?
François HOLLANDE
Alors, après la question, enfin, on a évoqué la question des finances publiques, donc il faut être sérieux, il faut être sincère, il faut être authentique, donc il va falloir négocier avec les syndicats, ça ne se fera pas la première année ou la deuxième année, il faudra avoir cette politique de revalorisation, parce que vous avez raison, c’est en France que les enseignants sont les plus mal payés, alors, nous en discuterons dans un cadre d’une réforme globale de l’Education.
Patrick COHEN
Martine AUBRY, qu’est-ce qui vous a fait dire que François HOLLANDE avait changé d’avis sur cette question…
Martine AUBRY
Peut-être, pour pouvoir bien répondre…
Patrick COHEN
Puisque vous l’avez dit à plusieurs reprises ces derniers jours…
Martine AUBRY
Oui, non, oui, mais je voudrais juste vérifier, parce que, bon, pour qu’on aille au bout des choses, parce que les Français attendent qu’on soit précis, effectivement, 60.000 fonctionnaires, c’est donc deux milliards cinq, donc tu mets deux milliards cinq sur le budget Education…
François HOLLANDE
A la fin, à la fin de l’année.
Martine AUBRY
A la fin, oui, oui, la dernière année, la dernière année…
François HOLLANDE
Donc c’est 500 millions. Je rappelle que le budget de l’enseignement scolaire, c’est cinquante milliards d’euros, donc c’est 1% du budget. 1%. Voilà ta réponse.
Martine AUBRY
Et c’est donc deux milliards cinq, voilà.
François HOLLANDE
A la fin du quinquennat.
Martine AUBRY
Et quand tu disais : le redoublement, je supprimerai le redoublement, ça coûte deux milliards cinq…
François HOLLANDE
Oui, le redoublement, c’est deux milliards cinq à la fin du quinquennat.
Martine AUBRY
Alors ça veut dire que tu souhaites créer 60.000 emplois, qui coûtent deux milliards cinq, mais tu en supprimes à nouveau 60.000 puisque le redoublement, c’est des profs en moins…
François HOLLANDE
Mais non, le redoublement, c’est des effectifs…
Martine AUBRY
Eh bien oui…
François HOLLANDE
C’est des effectifs en plus, et donc, mieux vaut…
Martine AUBRY
Donc ça veut dire que…
François HOLLANDE
Je ne dis pas qu’il faut supprimer d’ailleurs tous les redoublements, il y a des fois où c’est nécessaire, mais on voit bien qu’il y a une marge, c’est en France qu’il y a le plus de redoublements, c’est en France…
Martine AUBRY
Non, mais ça, on est d’accord…
François HOLLANDE
C’est en France qu’on a le rythme scolaire le plus absurde…
Martine AUBRY
Mais ça veut dire que : on crée 60.000 emplois, ça coûte deux milliards cinq…
François HOLLANDE
Donc il y a des économies que l’on peut faire dans le système…
Martine AUBRY
On en retire 60.000 parce que, on supprime les redoublements, ça veut dire que, finalement, on n’embauche pas d’enseignants complémentaires.
François HOLLANDE
Mais si, pourquoi, je ne comprends pas le raisonnement ?
Martine AUBRY
Mais si, puisque…
François HOLLANDE
On peut avoir moins de redoublements et avoir plus d’enseignants, pour suivre les élèves, c’est l’objectif, je préfère qu’il y ait plus d’enseignants pour suivre des élèves qui seront amenés à ne pas redoubler…
Martine AUBRY
Eh bien oui, mais si le redoublement coûte deux milliards cinq, c’est parce qu’il coûte des enseignants…
François HOLLANDE
Plutôt que d’avoir des redoublements avec des effectifs constants. Pour moi, c’est plus clair.
David PUJADAS
Si le redoublement coûte deux milliards et demi, vous dites ?
Martine AUBRY
Eh bien, ça veut dire que ça coûte deux milliards et demi en professeurs, donc si on veut les retirer, là, je ne parle pas de… parce que, je ne parle pas de l’idée même du redoublement, on redouble beaucoup plus en France qu’ailleurs, ça, c’est vrai, et il faut… c’est la facilité. Mais je pense qu’il y a certains redoublements qui sont nécessaires, donc on ne peut pas tous les retirer, loin de là, c’est à peu près 10% de redoublements dans le secondaire. Mais ça veut dire que si on dit : je finance les deux milliards cinq par le non redoublement, ça veut dire qu’on retire des professeurs, que par ailleurs, on dit qu’on va ajouter.
François HOLLANDE
Mais on les mettra dans le suivi des élèves, enfin, je ne comprends pas très bien le raisonnement, mais…
Martine AUBRY
Mais si, mais alors, tu n’as pas une économie de deux milliards cinq…
François HOLLANDE
Mieux vaut les mettre dans le service aux élèves plutôt que d’avoir ce système-là qui est absurde ; on a des effectifs beaucoup plus importants avec aussi les redoublements, bien sûr.
Martine AUBRY
Oui, alors moi, je n’ai pas dit ce que j’allais faire sur l’école, parce que je crois que réellement, rajouter des enseignants, c’est absolument nécessaire, on l’a dit, mais je crois que, vraiment, on est face à une crise profonde de l’école, et il faut la refonder profondément, j’y travaille depuis deux ans maintenant, avec les syndicats d’enseignants et avec les parents d’élèves, et d’ailleurs, je recommencerai dès le lendemain de la primaire, car je veux pouvoir, dès l’automne, quand je serai élue présidente de la République, faire voter un pacte éducatif sur cinq ans, qui donne une véritable révolution à l’Education nationale. Il ne suffit pas de rajouter des enseignants, il faut changer les pédagogies, il faut changer les rythmes scolaires, il faut remettre la formation des enseignants, ça coûte cher, il faut leur donner la possibilité de travailler en commun, et il va falloir payer pour ça, il faut revaloriser les salaires, lorsqu’il y a ces tâches complémentaires qui arrivent. Et moi, je le dis parce qu’il faudra être courageux pour le dire, je pense que comme on ne pourra pas tout faire en même temps, et que certaines choses, celles que je viens de dire, sont absolument nécessaires, il faudra mettre moins d’élèves là où il y a des quartiers en difficulté, là où il y a des difficultés, et il ne faudra pas hésiter à en mettre plus là où les gens vont bien. Donc je vais commencer dès le lendemain de la primaire cette négociation pour que ce pacte éducatif puisse être effectivement en place à l’automne 2012, et rentrer en application en 2013.
David PUJADAS
Un dernier mot rapide, François HOLLANDE, parce qu’on avance…
François HOLLANDE
Oui, une précision, mais qui n’enlève rien à ce qui a été dit, si nous voulons rétablir la formation pour les enseignants, et c’est indispensable, c’est le seul métier aujourd’hui où on recrute, d’ailleurs, de plus en plus difficilement, parce qu’il y a de moins en moins de vocations, compte tenu de la raréfaction des postes qui sont ouverts…
Martine AUBRY
Et des salaires bas…
François HOLLANDE
Et des salaires bas, eh bien, si nous voulons rétablir une année de formation, c’est 16.000 postes, 16.000 postes, parce que pendant que les enseignants nouveaux sont formés, eh bien, ils ne sont pas devant les élèves, donc c’est dire l’ampleur de la tâche et la raison de ma proposition.