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16 avril 2024 2 16 /04 /avril /2024 03:31

« Pour le scrutin européen du 9 juin, il est indispensable de nous rapprocher des formations politiques pour lesquelles l'idéal européen demeure une boussole. » (Motion de l'UDI, le 23 mars 2024).



 


La vie politique est parsemée de petits événements, de réactions, de rebondissements, de polémiques inutiles, de malentendus, de mauvaise foi, et tout s'en va aussi vite que ça arrive. Pourtant, il y a des décisions qui restent plus longtemps que d'autres. C'est peut-être passé inaperçu, mais le conseil national de l'UDI réuni à Paris le samedi 23 mars 2024 a (un peu) marqué l'histoire du centrisme en France.

L'UDI est un petit parti centriste créé en 2012. J'écris "petit" car il est le résultat d'une situation explosée du centre en France. Avant 2002, c'était assez facile, les centristes des nombreuses obédiences historiques (radicaux, démocrates chrétiens, libéraux, indépendants, etc.) étaient regroupés au sein d'une confédération créée par Valéry Giscard d'Estaing en 1978 (dans l'optique des législatives qui avaient lieu quelques semaines plus tard) sous l'appellation UDF, un nom qui reprenait le titre de son livre ("Démocratie française") et qui ressemblait à l'UDR, la formation gaulliste enterrée en 1976 avec le lancement du RPR.

Jacques Chirac et Alain Juppé ont profité de la sidération politique provoquée par la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002 pour imposer à marche forcée le regroupement de l'UDF et du RPR en UMP (à l'époque, Nicolas Sarkozy y était opposé). Depuis 1981, l'UDF et le RPR avaient presque toujours des candidats uniques aux élections législatives, avaient toujours gouverné ensemble et leurs différences étaient plus de l'ordre de la tradition philosophique que du projet politique.

Beaucoup d'élus UDF ont alors rejoint l'UMP, craignant pour leur réélection. Pourtant, il n'était pas besoin d'être un devin pour imaginer que c'était le RPR qui allait manger l'UDF et pas l'inverse ! Parmi deux élus de poids qui ont rejoint l'UMP, Pierre Méhaignerie (vice-président de l'UMP) et Philippe Douste-Blazy (secrétaire général de l'UMP) qui ont tous les deux regretté de s'être fait berner et qui ont quitté l'UMP en 2012 pour soutenir François Bayrou.

Quelques rares élus UDF (et la plupart des militants) ont en effet refusé la fusion dans l'UMP. Ils étaient menés par François Bayrou, le président en titre de l'UDF à l'époque, et aussi par Gilles de Robien, le représentant de la composante libérale. Même si l'UMP était bien plus importante que le RPR en 2002, le résultat restait le même dans l'électorat de droite et du centre, une rivalité UMP-UDF. À celle-ci, il faut ajouter aussi que le choix de nommer un ancien jeune giscardien Jean-Pierre Raffarin à Matignon à 2002 a achevé de perturber tout le jeu politique au centre.

L'élection présidentielle de 2007 a renforcé l'éclatement des centres car François Bayrou, qui a atteint 18% des voix, un sommet historique pour le centre, comptait capitaliser (à tort) ces voix dans l'antisarkozysme. La plupart de ses soutiens, de centre droit, ont préféré rejoindre Nicolas Sarkozy au second tour, ce qui a fait le schisme du Nouveau Centre derrière Hervé Morin (à la tête d'un groupe parlementaire, puis bombardé Ministre de la Défense), tandis que l'UDF canal historique, transformé en MoDem (surnom du Mouvement démocrate que n'a jamais apprécié son leader), se retrouvait avec seulement deux députés, François Bayrou et Jean Lassalle (oui, le même que le futur candidat aux deux dernières élections présidentielles).

L'élection présidentielle de 2012 aurait pu conduire les centristes à se retrouver. Le Parti radical, fondu à l'UMP, avait retrouvé sa liberté et son autonomie car il refusait le discours dangereusement sécuritaire de l'UMP. Mais non seulement François Bayrou a perdu la moitié de ses voix de 2007 (9%), mais par antisarkozysme, il a décidé de soutenir François Hollande au second tour. Faute politique pour lui puisqu'il a même été battu dans sa circonscription législative. Et François Hollande a été d'une grande ingratitude puisqu'il n'a jamais cherché à l'inclure dans la nouvelle majorité, gardant son logiciel archaïque de la gauche plurielle, PS, radicaux de gauche et éventuellement écologistes, sans même d'ouverture politique comme cela avait été le cas en 1988.

À la fin de l'année 2012, le rassemblement a toutefois lieu avec la création de l'UDI, un sigle pas loin de l'UDF et beaucoup croyaient à la renaissance de cette UDF si regrettée. Le MoDem de François Bayrou restait ce qu'il était, son écurie personnelle, mais observait d'un œil attentif et bienveillant la création de l'UDI sous la houlette de Jean-Louis Borloo, véritable fédérateur, et on revoyait un peu tout le monde, des anciens CDS, des anciens PR, des anciens radicaux (qui n'avaient pas formellement disparu), même le Nouveau Centre d'Hervé Morin l'a rejoint.

Bref, les ego étaient restés au vestiaire et ce nouveau mouvement apportait un peu plus d'espoir, confirmé dans la perspective des élections européennes de 2014 : en automne 2013, l'impensable arriva, l'alliance entre le MoDem de François Bayrou et l'UDI de Jean-Louis Borloo. L'objectif était une liste commune aux élections européennes de 2014 (qui ont été assez bonnes pour cette alliance dite "L'Alternative" : 9,9% ; les centrisme fait habituellement autour de 10% dans son noyau électoral et le MoDem avait fait 8,5% en 2009), et l'idée d'envisager une candidature de cette alliance à l'élection présidentielle de 2017 faisait son chemin (mais qui, à part François Bayrou ?).


Malheureusement, la santé de Jean-Louis Borloo a vacillé (on craignait le pire) et il a quitté la vie politique au printemps 2014. Les rivalités anciennes ont repris le dessus, le Parti radical a quitté l'UDI pour tenter de vivre la réunification des radicaux (avec les radicaux de gauche ; ils étaient séparés depuis 1971), mais la réunification a finalement échoué, tandis qu'Hervé Morin, soucieux de son alliance avec l'UMP (et de son indépendance), a fait quitter le Nouveau Centre (devenu Les Centristes) de l'UDI. Pour autant, l'UDI résista à ses problèmes existentiels et est probablement le parti le plus souvent cité lorsqu'on parle des centristes (grâce en particulier à son groupe pléthorique au Sénat). Il tenta une liste autonome aux élections européennes de 2019 (conduite avec un certain courage par Jean-Christophe Lagarde) et si elle n'a pas obtenu de siège et que c'était décevant, son score de 2,5% n'était pas un trop mauvais résultat vu le contexte.

Entre 2014 et 2019, il y a eu 2017. Bien évidemment, le centrisme a été bousculé par l'arrivée d'un nouveau-venu dans la vie politique, Emmanuel Macron et son mouvement créé il y a huit ans, LREM (En marche, puis Renaissance). Emmanuel Macron n'avait rien d'un centriste, même s'il est très pro-européen. Les centristes, c'est d'abord la décentralisation, les territoires, et Emmanuel Macron serait plutôt dans la reprise en main par l'État des responsabilités des collectivités locales. Emmanuel Macron, c'est "et la droite, et la gauche", alors que le centrisme, c'est "ni droite ni gauche". Ce qui est très différent.

En fait, les centristes auraient été réunis en 2017 s'il n'y avait pas eu cette affaire Pénélope. En effet, François Bayrou soutenait la candidature d'Alain Juppé, si bien que tous les centristes se prêtaient au jeu de la primaire LR de novembre 2016. L'idée était d'éviter une nouvelle candidature de Nicolas Sarkozy. Finalement, Alain Juppé a échoué, mais la victoire de François Fillon était compatible avec le projet politique des centristes, d'autant plus que l'ancien Premier Ministre a porté beaucoup d'attention aux parlementaires, y compris centristes (et qu'il avait quelques centristes parmi ses collaborateurs de campagne). La victoire annoncée de François Fillon (qui aurait parié autre chose ?) laissait entendre une réunification des centristes autour d'un même candidat puis du futur Président de la République.

L'effondrement de François Fillon à cause de son "affaire" a convaincu François Bayrou de quitter rapidement ce navire amiral pour rejoindre Emmanuel Macron, tandis que les militants et sympathisants centristes avaient déjà massivement rejoint ceux des socialistes modérés qui avaient quitté l'autre navire amiral, le PS. Aux élections législatives, le MoDem est devenu un groupe important (et incontournable) à l'Assemblée Nationale et, pour la première fois depuis 1981, les centristes étaient au pouvoir par eux-mêmes, sans être la cinquième roue de LR ou du PS.


Le centrisme entre 2017 et 2024 s'apparente donc à une sorte d'auberge espagnole : il y a les centristes collés à LR, que sont encore Les Centristes d'Hervé Morin, candidats ensemble aux élections européennes de 2019 ; il y a les centristes de l'UDI, dans l'opposition au macronisme, parfois très forte, mais qui veulent garder une certaine indépendance vis-à-vis de LR qui n'apporte même plus l'avantage d'une perspective de victoire ; en enfin, il y a des centristes au sein de la majorité macroniste, le MoDem et le Parti radical, bien sûr, mais aussi d'autres issus de LR avant 2017, comme Horizons, le mouvement créé par Édouard Philippe. Quant aux membres de Renaissance, le parti macroniste, on ne sait pas trop bien si ce sont des centristes ou pas, rares sont ceux qui le revendiquent, en tout cas.

Pourtant, cette situation est assez stupide, car il n'y a pas la place pour tout ce monde. Depuis 2017, le marché électoral est divisé en trois : un grand ensemble central autour du macronisme, l'extrême droite fédérée autour du RN et l'extrême gauche fédérée autour de FI. LR et le PS se retrouvent donc en frontière autour du macronisme et pensent que pour exister, ils préfèrent prendre les positions des extrémismes respectifs pour s'opposer à Emmanuel Macron à garder un semblant de raison. Une double faute historique, à mon sens.


Le projet européen, heureusement, est une valeur sûre du centrisme et c'est aussi un point commun essentiel avec le macronisme. Ce n'est donc pas une surprise même si c'est remarquable que le conseil national de l'UDI a largement approuvé le 23 mars 2024 la motion présentée par le sénateur du Nord Olivier Henno et le sénateur des Hauts-de-Seine Hervé Marseille, par ailleurs président de l'UDI et président du groupe UDI au Sénat.

Que dit cette motion ? D'abord, elle fait le constat que l'Europe nous protège et réussit à le faire : les crises récentes ont montré l'importance et la nécessité de l'Europe (vaccins contre le covid, soutien à l'Ukraine, maîtrise du pouvoir d'achat lors de la crise inflationniste en remettant en cause sa doctrine monétaire, etc.). Mais parallèlement, jamais l'Europe n'a été autant critiquée : « Les discours populistes qui affirment que l'Europe serait la cause des maux qu'elle combat, comme un médecin serait coupable des maladies qu'il soigne, trouvent malheureusement un écho parmi nos concitoyens qui attendent impatiemment des solutions répondant à leurs préoccupations. ».

De plus, l'Europe n'a jamais été autant menacée à l'extérieur : « Menaces terroristes, crises migratoires amenées à s'intensifier sous la pression climatique et des conflits géographiques, agressions économiques et diplomatiques contre nos intérêts, déstabilisation de nos démocraties par la prolifération d'attaques cyber et informationnelles. Nous n'ignorons pas que les extrêmes qui protestent de leur patriotisme sont aussi ceux qui sont prompts à justifier les agressions des puissances extérieures, à commencer par celles de la Russie. ».


D'où la conclusion de l'UDI en forme de credo : « Ce n'est pas moins d'Europe qu'il faut. C'est mieux d'Europe dont nous avons besoin. Pour une France forte, nous avons besoin d'une Europe puissance. (…) Nous avons besoin de fédérer les Européens sur de grands projets stratégiques. (…) Pour nous, l'identité européenne se conjugue avec notre identité nationale. ».

Et d'ajouter : « Notre contribution politique n'a de sens dans ce contexte que si elle participe au renforcement de la sensibilité centriste au Parlement Européen. (…) Il est vital de rassembler les énergies pour combattre et s'opposer, pour préparer l'Europe aux défis internes et aux menaces externes qu'elle va affronter. ».

Bref, l'UDI a décidé de faire alliance avec la Macronie et à rejoindre la liste Renaissance de la majorité présidentielle. Il n'était pas difficile pour l'UDI de se mettre sous la direction de la tête de liste Valérie Hayer car, avant 2019, elle était adhérente de l'UDI et avait commencé son engagement politique en faisant campagne aux élections européennes de 2014. De son côté, Renaissance a accueilli avec une grande joie l'UDI pour renforcer la liste et la campagne.

Dans sa défense de cette stratégie, Olivier Henno a proposé aussi un concept de différenciation (auquel je ne crois pas du tout !) : « J'ajoute qu'il y a quelque chose qui est aussi important pour nous, c'est la notion de différenciation (…). C'est la différenciation stratégique selon les élections. Ce n'est pas forcément l'ADN de la Cinquième République, ça. Mais c'est l'ADN des centristes. On n'est pas obligés, sur toutes les élections, d'avoir toujours les mêmes alliances, les mêmes partenaires. Suivant les élections, ajuster nos alliances, c'est tout à fait intelligent, pertinent, (…) c'est ce qui se pratique dans un certain nombre de pays européens, et ça n'a rien de choquant. ».

 


Je me permettrais de répondre à Olivier que si, c'est choquant, car il faut être clairs devant les électeurs. Le MoDem et François Bayrou, entre 2007 et 2017, avait agi ainsi (avec des majorités municipales très différentes, à droite ou à gauche en 2008), et sa stratégie était devenue illisible. On sait très bien que ces élections européennes sont le dernier scrutin avant l'élection présidentielle de 2027, et l'enjeu sera crucial alors que le RN est aujourd'hui donné favori : soit une alliance avec les macronistes, soit une alliance à droite qui, forcément, d'une manière ou d'une autre, fera la courte échelle à l'extrême droite. La clarté, ce n'est pas de faire la gazelle effarouchée pour aller jusque dans la majorité présidentielle dans un seul scrutin, c'est de s'y engager pleinement pour soutenir son projet national qui ne peut s'inscrire que dans son projet européen.

Quant au dernier bataillon centriste arimé solidement à LR, à savoir Les Centristes, on s'interroge réellement sur la possibilité ou pas de repartir avec la liste menée par François-Xavier Bellamy. L'unique députée européenne sortante de ce parti, Nathalie Colin-Oesterlé, s'inquiète de la place qu'elle occuperait dans cette liste. Elle est prévue à la huitième place (avec Nadine Morano qui resterait toujours à la quatrième place), ce qui rendrait sa réélection plus qu'improbable (en 2019, elle était à la sixième place). Les Centristes pourraient donc être prêts, eux aussi, à quitter LR pour ces élections européennes et, pourquoi pas, à rejoindre la liste Renaissance de Valérie Hayer.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La convergence des centres ?
Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Le 8 mai, l'émotion et la politique.
Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
Enfin, une vision européenne !
Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !
 






https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240323-centrisme.html

https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/la-convergence-des-centres-253810

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/17/article-sr-20240323-centrisme.html




 

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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 03:57

« Les porteurs de pancartes, ceux qui scribouillent, jacassent et babillent, le chœur des pleureuses et le cortège des beaux esprits, des milieux qui ne vivent que de manœuvres, d’intrigues et de ragots. » (Raymond Barre, le 26 septembre 1978).

 


Pourquoi ne suis-je pas étonné que le centenaire de Raymond Barre semble laisser complètement indifférente la classe médiatico-politique actuelle ? En effet, l'ancien Premier Ministre est né il y a 100 ans, le 12 avril 1924, à Saint-Denis, à La Réunion. Très malade et hospitalisé depuis plusieurs mois, il est mort d'une crise cardiaque à 83 ans le 25 août 2007 au Val-de-Grâce, l'hôpital parisien des grands politiques (aujourd'hui fermé). Ève Hegedüs, d'origine hongroise, qu'il a épousée en novembre 1954, est morte à 97 ans au début du mois de novembre 2017 à Genève. Je ne suis pas étonné de cet oubli généralisé parce que Raymond Barre était un homme d'État qui, aujourd'hui, fait figure de passé révolu (on n'en fait plus comme ça !). Et probablement aussi parce qu'il y a eu quelques révélations posthumes qui n'étaient pas du meilleur effet pour sa postérité (lire plus loin).

J'ai toujours claironné mon barrisme et je le claironne encore aujourd'hui ("quoi qu'il en coûte" !), même si c'est un peu vain et même s'il devient très difficile d'expliquer ce qu'est le barrisme en 2024. Comme avec De Gaulle, il n'est pas question d'imaginer ce qu'aurait pu penser, dire, faire une personnalité qui, aujourd'hui, a disparu, mais ses leçons de vie ont toujours été très instructives.

Si je me suis engagé en politique, c'était pour le soutenir, lui, Raymond Barre, candidat à l'élection présidentielle de 1988. Je notais d'ailleurs frénétiquement les noms de ceux qui le soutenaient aussi, en puisant dans les nombreuses notes confidentielles des journaux, des soutiens clairs et publics et des soutiens plus flous, qui n'osaient pas trop de le dire en raison de leurs attaches partisanes à droite mais aussi à gauche. D'ailleurs, certains de ces soutiens ont pu décevoir par la suite (c'était le cas de Philippe de Villiers, Christine Boutin, Charles Millon, etc.). J'étais même content d'avoir pu convaincre quelques électeurs socialistes modérés déçus par le cynisme de François Mitterrand.

Ce qui est terrible lorsqu'on s'engage pour une personne, c'est qu'on risque de penser que seule sa pensée est la bonne. Le problème, c'est qu'elle n'est pas immortelle, au-delà de ne pas être infaillible, et que la pensée politique ne peut pas se référer qu'à une seule personne pour l'incarner. C'était longtemps le problème du gaullisme, mais De Gaulle avait pour lui non seulement son mythe de l'homme du 18 juin, mais aussi celui du fondateur de la Cinquième République. C'est aussi le problème de l'actuel Président Emmanuel Macron que je soutiens : sur quels fondements de philosophie politique agissent les responsables politiques ?

C'est donc mon engagement auprès de Raymond Barre qui m'a permis d'affiner mes convictions politiques et philosophiques et pas l'inverse. Très globalement, la philosophie générale du centre droit, on pourrait parler du parti bourgeois ou orléaniste, c'est le pragmatisme économique, à savoir la paix par la prospérité. Avec un zeste de social et d'humanisme. Mais dans notre monde complexe, c'est très réducteur et surtout, très incomplet.

Pour autant, Raymond Barre n'était pas mon gourou et, heureusement, contrairement à d'autres leaders politiques (comme chez les insoumis par exemple), il n'a créé aucune secte ! Raymond Barre était un humain avec ses failles. Il en avait beaucoup : il n'a pas participé à la Résistance alors que des plus jeunes que lui l'ont fait (il avait 20 ans en avril 1944 ; il a fait son service militaire en 1945 à Madagascar), il a été parfois maladroit (avec des phrases franchement limite comme celle-ci, lors de l'attentat de la rue Copernic le 3 octobre 1980 : « Je rentre de Lyon plein d'indignation à l'égard de cet attentat odieux qui voulait frapper des Israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. C'est un acte qui mérite d'être sévèrement sanctionné. », laissant croire, sémantiquement, que les Juifs n'auraient pas été innocents), et à la fin de la vie, plus par entêtement narcissique qu'autre chose, il a tenu des propos proches de l'antisémitisme qui pourraient illustrer le naufrage de la vieillesse. Enfin, après sa mort, le 3 juillet 2019, une enquête journalistique a dévoilé qu'il avait gardé en Suisse quelques millions cachés au fisc, j'avais l'intention d'écrire sur ce sujet mais je ne l'ai pas encore fait (à l'époque, tous les grands candidats avaient des relations troubles avec l'argent, car une campagne présidentielle coûte cher et il n'y avait pas encore de financement public de la vie politique).

Si j'appréciais Raymond Barre, c'était parce qu'il synthétisait à lui seul deux amours, l'amour de la France et l'amour de l'Europe. Il synthétisait aussi deux courants politiques qui, souvent, se sont combattus : le gaullisme, et la démocratie chrétienne. J'utilise l'expression "démocratie chrétienne" à défaut d'une meilleure expression, qui pourrait être aussi "catholicisme social" mais ce serait encore plus réducteur, car la France est un pays laïque, et c'est très bien, mais ce courant se retrouve dans le reste de l'Europe et aussi en Amérique latine. On pourrait l'appeler le courant démocrate social à condition de ne pas le confondre avec le courant social-démocrate. Aujourd'hui, il pourrait être appelé le courant démocrate européen.

Le gaullisme comme un serviteur de l'État. Lors du conseil des ministres du 21 juin 1967, Georges Pompidou, alors Premier Ministre, a proposé le nom de Raymond Barre pour la prochaine Commission Européenne. Il était déjà très réputé en économie, auteur à 35 ans des deux tomes "Économie politique" de la collection Thémis des PUF (Presses Universitaires de France) que des générations d'étudiants ont potassés (sortis en 1959 et réédités plus d'une quinzaine de fois, traduit en anglais, allemand, espagnol, russe, arabe, etc.), « le premier manuel moderne d'économie des facultés de droit » selon Jean-Claude Casanova, ancien élève et futur collaborateur. De Gaulle n'y a vu aucune objection, et son Ministre des Affaires sociales Jean-Marcel Jeanneney a approuvé dans la même instance, selon les notes d'Alain Peyrefitte : « Je me félicite du choix de Raymond Barre. C'est un gaulliste sûr et un économiste de premier ordre. Je suis convaincu qu'il aura dans la Commission autant d'autorité morale que Marjolin [auquel il allait succéder]. ». Jean-Marcel Jeanneney le connaissait bien car Raymond Barre avait travaillé dans son cabinet lorsqu'il était Ministre de l'Industrie entre 1959 et 1962, en tant que son chef de cabinet et ils ont été amené à mettre en application le Traité de Rome dans les secteurs industriels.

Raymond Barre, lui, aurait voulu être nommé en 1967 Commissaire général au Plan, mais De Gaulle préférait bénéficier de son expertise à Bruxelles, ce qui montrait que De Gaulle ne négligeait pas du tout les instances européennes. Raymond Barre avait démarré sa carrière d'universitaire à Tunis (en tant que professeur agrégé de droit et de sciences économiques), où il a rencontré sa future épouse, et aussi un de ses étudiants, Jean-Claude Paye qui a dit plus tard : « Ce qui nous frappait le plus : son aptitude à établir des liens entre l'économie, la politique et l'histoire. ». Observateur et transmetteur, il est devenu rapidement acteur comme Vice-Président de la Commission Européenne chargé de l'Économie et des Finances du 7 juillet 1967 au 5 janvier 1973. Il a en particulier conçu la future Union économique et monétaire qui allait conduire au Serpent monétaire européen (SME), lui-même débouchant sur la future monnaie unique de l'Europe, l'euro (le SME consistait à encadrer le cours des monnaies européennes entre une cote maximale et une cote minimale, si bien que cela stabilisait les monnaies européennes et réduisait les risques de spéculations).

Plus gaulliste que son prédécesseur Roberd Marjolin (porté par un certain supranationalisme) à la Commission, Raymond Barre a tout de suite suscité, malgré la méfiance initiale, la sympathie de ses partenaires européens pour son réalisme, son pragmatisme, son professionnalisme et sa convivialité (il était un bon vivant, comme sa silhouette pouvait en témoigner), ce qui a agrandi sa crédibilité internationale. Et aussi sa crédibilité auprès de De Gaulle qu'il a convaincu de ne pas dévaluer le franc en décembre 1968 malgré des spéculations consécutives à mai 68. Pour autant, le franc a été de nouveau attaqué en raison de l'incertitude créée par le référendum d'avril 1969 dont l'échec était prévisible, si bien qu'arrivé à l'Élysée, Georges Pompidou a pris la décision finalement de dévaluer le franc en août 1969. Pour Raymond Barre, c'était le point de départ d'une longue période d'inflation (toutes les années 1970 et première moitié des années 1980).

Valéry Giscard d'Estaing l'a bien compris et l'a choisi pour diriger ensuite la France : Président, il l'a nommé Ministre du Commerce extérieur du gouvernement de Jacques Chirac le 12 janvier 1976, puis, alors qu'il était encore inconnu du grand public, Premier Ministre le 25 août 1976 (cumulant le Ministère de l'Économie et des Finances jusqu'au 31 mars 1978), et il est resté à Matignon jusqu'au 21 mai 1981, à la fin du septennat, malgré des périodes de surmenage (comme en octobre 1979). L'économiste s'est plu à faire de la politique (et c'était difficile avec, dans sa majorité, les empêcheurs de gouverner en rond qu'étaient les députés RPR),

C'est la raison pour laquelle j'ai évoqué la synthèse Europe et France. Europe, car l'Européen convaincu a construit l'union économique et monétaire, seule la puissance européenne pourrait rivaliser économiquement avec les autres grands ensembles régionaux, mais aussi France, car il était un gardien pointilleux des institutions de la Cinquième République, et c'est d'ailleurs étonnant qu'il le fût plus que des gaullistes qui s'autoproclamaient du Général De Gaulle. Ainsi, il a soutenu le septennat et a toujours rejeté le quinquennat, il a aussi rejeté le principe de la cohabitation, considérant qu'un Président de la République qui n'avait plus de majorité à l'Assemblée Nationale, avait perdu la confiance du peuple et qu'il fallait relégitimer cette confiance d'une manière ou d'une autre. Le 7 octobre 1984, il affirmait : « Il y a là [avec l'idée de cohabitation] une trahison du principe fondamental de la Cinquième République et derrière cela, se profile le retour à un Président qui inaugure les chrysanthèmes avec un Premier Ministre et un gouvernement entre les mains des rivalités des partis. ».

 


Raymond Barre était contre le régime des partis, et d'ailleurs, il était contre le principe des partis, refusant de se faire enrégimenter par un appareil de parti, beaucoup trop électron libre pour suivre des consignes partisanes (ou en donner, d'ailleurs). Mais cet état d'esprit fut aussi sa perte car au moment de se présenter à l'élection présidentielle, il lui manquait une machine de guerre électorale efficace face au RPR (Jacques Chirac) et au PS (François Mitterrand). Lui ne pouvait se reposer que sur ses propres réseaux politiques (REEL, dirigés par Charles Millon) et sur l'UDF, une confédération de partis d'élus et pas de militants, eux-mêmes composés de nombreux électrons libres, souvent jaloux de leur indépendance politique et qui, souvent, monnayaient leur soutien au candidat le plus offrant.

J'appréciais en effet beaucoup son indépendance d'esprit, sa capacité de réfléchir par lui-même, indépendamment des modes et des sondages, quitte à soutenir des dispositions impopulaires le cas échéant (il proclamait à Matignon : « Je préfère être impopulaire qu'irresponsable ! »). J'appréciais également son ton professoral (très peu électoraliste !), qui lui donnait une réelle autorité. J'étais d'ailleurs très étonné par sa grande popularité après 1981, qu'on pouvait sans doute expliquer par le besoin d'avoir un peu de sérieux dans l'économie alors que le gouvernement socialo-communiste faisait dans la surenchère des dépenses publiques (qu'on paie encore aujourd'hui, quarante-trois ans plus tard). Cela n'a pas suffi à le faire élire à l'Élysée en 1988 parce qu'il avait été un candidat assez médiocre, incapable de faire rêver, une campagne très peu dynamique (mal-menée d'abord par Philippe Mestre), il aurait dû être présent partout, réagir à tout, initier trente-six mille débats sur des sujets importants ou anecdotiques. Bref, dans la compétence de candidat, Jacques Chirac et François Mitterrand était nettement meilleurs que lui.

Au lieu de se retirer de la vie politique après son échec de 1988, Raymond Barre s'est finalement prêté au jeu politique classique. Député de Lyon depuis 1978 (André Santini, député UDF, s'amusait à témoigner : « Barre, c'est mon compagnon de chambre : il dort à côté de moi à l'Assemblée ! »), il a été élu maire de Lyon de juin 1995 à mars 2001, et à ce jour, les Lyonnais le considèrent comme le meilleur maire qu'ils ont eu. Il faut dire qu'il a poursuivi avec succès le projet de Michel Noir d'ouvrir la ville traditionnellement très repliée sur elle-même pour la faire rayonner internationalement, ce que savait faire Raymond Barre par sa grande expérience du pouvoir. Une ville lumière !

Parmi les défauts de Raymond Barre, on pourrait bien sûr affirmer qu'il manquait un peu d'anticipation sur la réalité des dangers politiques de l'avenir. Il restait très anticommuniste, et il était très prudent sur la politique d'ouverture de l'URSS de Mikhaïl Gorbatchev, ne tombant pas dans la gorbamania comme la plupart des dirigeants ouest-européens. En revanche, il n'avait pas vu venir, malgré le développement de l'audience électorale de Jean-Marie Le Pen, la menace durable et inquiétante d'une extrême droite populiste non seulement en France, mais aussi en Europe voire dans le monde entier (en particulier sur le continent américain). Sans doute était-ce sa génération qui voulait cela, puisqu'il est né quand l'Union Soviétique avait un an. Toutefois, son humanisme l'encourageait à prôner des idées que rejette l'extrême droite, en particulier sur le respect des immigrés. En 1988, Raymond Barre disait ainsi : « La France a été dans le passé et sera dans l'avenir une société composée de communautés de provenances diverses et de cultures variées. La France, comme les États-Unis, est un creuset. Aucun autre pays, à l'exception de la Yougoslavie, n'a une composition ethnique si hétérogène. (…) L'unité française s'est construite sur, et contre, une extraordinaire diversité ethnique et culturelle. ».

J'expliquais que l'UDF l'avait soutenu à l'élection présidentielle de 1988 et pas le RPR. Il était gaulliste et démocrate chrétien, un courant qui a existé avec le MRP, des résistants gaullistes et centristes (comme Edmond Michelet, Maurice Schumann), mais Raymond Barre n'était pas un ancien résistant. Les gaullistes étaient totalement polarisés par Jacques Chirac et le RPR, et seul le courant centriste a soutenu Raymond Barre, le CDS (Centre des démocrates sociaux) d'ailleurs nettement plus sincèrement que le Parti républicain (ex-RI, parti de VGE), ce qui a justifié mon engagement au CDS à l'époque.

Malheureusement, il n'existe plus de Raymond Barre dans la classe politique d'aujourd'hui. Les centristes, dont le courant est aujourd'hui représenté par Emmanuel Macron, même si c'est très différent historiquement, car les centristes, c'est l'Europe et la décentralisation (la subsidiarité), or, le macronisme est certes européen mais plutôt jacobin, les centristes restent avec ce péché originel de vouloir revenir à la Quatrième République (avec le MoDem, le Parti radical, l'UDI, etc.). Ce n'est pas exactement cela, mais leur propension à soutenir par exemple le scrutin proportionnel en est un symptôme. Au contraire, Raymond Barre défendait les institutions gaulliennes avec le scrutin majoritaire qui permettent d'avoir un gouvernement fort, efficace et démocratique, avec une majorité solide (pas toujours !), alors que les centristes aiment rarement la figure de l'homme providentiel (ou de la femme providentielle).

À ma connaissance, seulement quatre grandes biographies ont été publiées sur Raymond Barre : "Un certain Raymond Barre" de Pierre Pélissier (éd. Hachette, 1977), "Monsieur Barre" d'Henri Amouroux (éd. Robert Laffont, 1986), "Raymond Barre" de Christiane Rimbaud (éd. Perrin, 2015) et "Raymond Barre aujourd'hui" de Jacques Bille (éd. Temporis, 2020). Nul doute qu'on le découvrira plus tard, après une traversée du désert...


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 avril 2024)
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Pour aller plus loin :
Mon Raymond Barre à moi !
Un véritable homme d’État (25 août 2017).
Disparition de Raymond Barre (25 août 2007).
Raymond Barre absent de l’élection présidentielle (12 avril 2007).
La dernière interview de Raymond Barre le 1er mars 2007 sur France Culture (texte intégral).
Triste vieillesse (8 mars 2007).
 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240412-raymond-barre.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/mon-raymond-barre-a-moi-253864

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/12/article-sr-20240412-raymond-barre.html




 

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10 avril 2024 3 10 /04 /avril /2024 03:39

« Il y a toujours eu chez lui un mélange de discrétion et de timidité, d'autorité et de charisme. (…). Dominique avait une éthique très forte, la volonté de séparer le fait du commentaire, à l'anglo-saxonne. » (Patrice Duhamel, le 13 avril 2014 dans le JDD).

 


J'ai une petite pensée pour Dominique Baudis qui s'est éteint il y a dix ans, le 10 avril 2014 d'une très cruelle maladie. J'allais écrire, les bottes aux pieds, ou plutôt, le costume de Défenseur des droits, premier titulaire de la fonction constitutionnalisée. Il a pu appliquer concrètement son humanisme et son empathie pendant près de trois ans auprès des citoyens en conflit, parfois kafkaïen (comme cette homonyme d'une personne décédée qui a perdu ses allocations, sa retraite, tous ses droits sociaux), avec l'administration. Il manque des personnalités de cette envergure aujourd'hui dans la classe politique, même si on a changé d'époque.

Journaliste passionné par la vie politique (il a commenté les séances des questions au gouvernement à l'Assemblée Nationale le mercredi après-midi sur FR3 au début des années 1980), homme engagé très jeune dans la démocratie chrétienne (par tradition familiale), il a fait la campagne de Jean Lecanuet en 1965 (et s'est fait élire conseiller municipal de Boulogne-Billancourt en 1971 sur la liste du maire Georges Gorse), Dominique Baudis est devenu en trois ans un homme politique national incontournable de l'opposition au gouvernement socialo-communiste, devenant de 1983 à 1986 : maire de Toulouse (élu en mars 1983 à la succession de son père Pierre Baudis qui a fait deux mandats), député européen (élu en juin 1984), conseiller général de Haute-Garonne (élu en mars 1985), député de Haute-Garonne (élu en mars 1986) et président du conseil régional de Midi-Pyrénées (élu en mars 1986, à une époque où on n'avait pas encore commencé à limiter les mandats).

Il a fait beaucoup d'allers et retours entre les médias et la politique, avec aussi un intérêt pour l'Orient. Journaliste, il a été correspondant de TF1 pendant plusieurs années au Liban, très attentif au sort des chrétiens d'Orient, ce qui a pu expliquer le choix de Jacques Chirac de le nommer à la présidence de l'Institut du monde arabe entre 2007 et 2011.

Journaliste très charismatique, il remplaçait Yves Mourousi et Roger Gicquel aux journaux télévisés de TF1 entre 1977 et 1980, puis, il a assuré la présentation du Soir 3 sur FR3 entre 1980 à 1982. Un de ses collègues, Patrice Duhamel, se rappelait, pour le JDD ("Journal du dimanche"), le 13 avril 2014 : « L'époque était joyeuse, nous étions une bande de jeunes journalistes célibataires, Patrick de Carolis, Bruno Masure, Dominique et moi-même… Sa flamme s'est imposée à la rédaction. ». Dominique Baudis a quitté l'audiovisuel public pour se présenter à la mairie de Toulouse et faire de la politique à 100%. Il a toutefois succédé à Alain Peyrefitte à la présidence du comité éditorial du journal "Le Figaro" en mai 2000 (jusqu'en 2001). Son bâton de maréchal de journaliste, il l'a reçu de Jacques Chirac avec sa nomination à la présidence du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA, futur Arcom), entre 2001 et 2007. À cette tâche, il a introduit la TNT (télévision numérique terrestre) et a lutté (sans beaucoup de succès) contre la pornographie.

Bien sûr, c'est l'homme politique qui a le plus marqué les Français. Mais Dominique Baudis, très soucieux de sa liberté, a refusé toutes les offres de ministre qu'on lui proposait. Il a marqué surtout par son action pour Toulouse et celle en faveur de l'Europe, mais il a souvent flirté avec les sommets de la scène nationale. Patrice Duhamel : « Il aurait pu faire une grande carrière politique, il avait l'étoffe d'un Premier Ministre ! Mais il a refusé trois ou quatre fois d'entrer dans un gouvernement pour se consacrer à son mandat de maire de Toulouse. ».

En fait, on pourrait même aller plus loin : Dominique Baudis avait l'étoffe d'un Président de la République. Au-delà de convictions très fortes, il avait un charisme qu'il avait gagné par son métier de journaliste mais aussi par son tempérament, un sourire irrésistible et pourtant, il mettait aussi de la distance dans les relations personnelles. Il faisait partie de ces gens qui ont une autorité naturelle et qui peuvent impressionner naturellement.

Malgré sa grande prudence qui l'amenait plutôt à préférer les discours consensuels aux propos tranchés, il a pris la tête de la "fronde" des jeunes députés (et jeunes maires) de l'opposition UDF-RPR après l'échec présidentiel de mai 1988 et après les municipales de mars 1989 pour renouveler la classe politique dans l'optique des européennes de juin 1989 : c'étaient les Rénovateurs. Lui qui était un habitué des journaux télévisés, comme présentateur, il a marqué aussi l'histoire politique comme invité, à deux journaux télévisé, dont l'un en avril 1989, où il demandait à Valéry Giscard d'Estaing, "les yeux dans les yeux", de quitter la présidence de l'UDF qu'il venait de reprendre en 1988 (l'autre JT en 2003, voir plus loin).

Il y a eu des rendez-vous politiques manqués, comme l'abandon, au dernier moment, de l'idée de conquérir la présidence du CDS au congrès d'Angoulême en octobre 1991, trop démocrate-chrétien pour "tuer le père" Pierre Méhaignerie (finalement, la guerre de succession a eu lieu en décembre 1994 entre Bernard Bosson et François Bayrou). Au cours de ce second septennat de François Mitterrand, Dominique Baudis avait montré quelques ambitions, il a ainsi rivalisé avec Philippe Séguin (un ancien rénovateur, lui aussi) en mars 1993, lui disputant le perchoir (il l'a manqué de quelques voix).

Son combat national, Dominique Baudis l'a quand même obtenu. Soutenu par VGE et Alain Juppé et préféré à Jean-François Deniau, il fut désigné par l'UDF et le RPR tête de liste aux élections européennes de juin 1994, de nouveau réunis dans cette campagne. Rassemblant plus du quart des électeurs, sa liste était la première, et de loin puis qu'il avait près du double de la deuxième liste, celle menée par Michel Rocard, premier secrétaire du PS, ancien Premier Ministre, pour qui ce fut l'enterrement de ses ambitions présidentielles. Il retourna au combat électoral des européennes (pour la troisième fois) en juin 2009 (avec un scrutin cette fois-ci régional).

 


Ses réalisations les plus marquantes restent Toulouse, avec trois mandats (1983 à 2001). À la mort du maire emblématique, France 3 avait fait un rapide bilan : d'abord, l'implantation du métro à Toulouse, mais aussi la transformation des abattoirs en musée d'art contemporain, la construction de la Cité de l'Espace pour faire de la Ville rose la ville du spatial français par excellence, la construction de la médiathèque Marengo et d'un des plus grands Zénith de France. Mais l'essentiel n'était pas seulement dans le "quoi", aussi dans le "comment". Dominique Baudis voulait gérer comme un bon père de famille, c'est-à-dire en respectant l'argent des contribuables. Ainsi, il a refusé d'endetter sa ville à une époque où beaucoup d'édiles municipaux, départementaux et régionaux dépensaient à tort et à travers avec des hôtels du département, etc. parfois mégalomaniaques.

Il aurait sans doute été réélu s'il avait sollicité un quatrième mandat municipal, mais il souhaitait changer radicalement (en présidant le CSA et en quittant la vie politique active). Il retourna à la vie politique dans une dernière excursion entre 2009 et 2011 (comme député européen).

Entre-temps, il y a eu l'affaire Alègre qui l'a traumatisé au printemps 2003 : deux prostituées l'ont accusé des pires crimes, les plus abominables : proxénétisme, viol, acte de barbarie, pédophilie voire meurtre. "La Dépêche du midi" (dirigée par un rival régional, Jean-Michel Baylet), "Le Monde" (avec un journaliste d'investigation à moustaches devenu fondateur et star d'un site Internet très couru), et les médias en général ont été abominables avec la rumeur en le chargeant sans vérification, si ce n'est le témoignage assez léger des deux prostituées. Dominique Baudis s'est invité au journal télévisé de 20 heures sur TF1 le 18 mai 2003 pour évoquer l'affaire et démentir toutes les accusations, mais cela a eu l'effet inverse, celui de nourrir la rumeur et même son émotion devenait un signe de culpabilité. La justice l'a blanchi définitivement plusieurs années plus tard, mais cette histoire est restée une blessure très vive. Il a imaginé qu'on l'avait accusé parce qu'il avait combattu la pornographie à la télévision, ce qui dérangeait ce genre de milieu glauque. C'était aussi un moyen de connaître ses véritables amis... Sa veuve s'est exprimée en 2016 à ce sujet en y voyant une guerre entre deux familles (Baylet, centre gauche, et Baudis, centre droit) avec la fin des arrangements qui existaient entre la mairie de Toulouse et "La Dépêche du midi" quand Dominique Baudis est devenu maire avec l'idée de mieux gérer les deniers publics.

La dernière mission de Dominique Baudis fut à sa hauteur : Nicolas Sarkozy l'a nommé en juin 2011 Défenseur des droits, un nouveau poste prévu par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique du 29 mars 2011. Cette fonction reprenait celle du Médiateur de la République avec beaucoup plus de champs d'action, de responsabilités et surtout de moyens. Il était alors le digne héritier de, notamment, Antoine Pinay, Robert Fabre, Jacques Pelletier et aussi Bernard Stasi, des hommes modérés au contact avec la réalité humaine qui ont joué le rôle de David contre le Goliath de l'administration française. Ses successeurs furent Jacques Toubon en 2014 puis Claire Hédon en 2020, l'actuelle Défenseure des droits.

Le très bon score des européennes de 1994 aurait pu intégrer Dominique Baudis dans le cercle très restreint des présidentiables français. Il ne voulait sans doute pas s'y astreindre. Dans un livre biographique publié en 2001, Stéphane Baumont précisait : « Pourquoi l’une des figures les plus symboliques de la République de la Province comme de la démocratie d’opinion n’a-t-elle pas plus encore marqué notre histoire contemporaine ? Autant de questions qui reflètent le mystère et l’énigme Baudis : un homme faisant de la politique autrement, charismatique mais atypique, rigoureux mais sensible, homme d’action autant que de réflexion, acteur contemporain autant qu’écrivain. Dominique Baudis, un cas unique dans le paysage politique français… au-delà des partis, loin des idéologies, une forme de conquête du bonheur, un destin inachevé. ». Écrivain, en effet, car, au cours de son existence, il a publié dix livres (principalement historiques).

Un Prix Dominique Baudis Science Po a été créé au début des années 2020 pour récompenser chaque année « trois courtes productions vidéo non-professionnelles produites à l’aide d’outils du quotidien (téléphone portable, ordinateur personnel, logiciels grand public, etc.) et visant à mettre en valeur un engagement dans les domaines cités ci-dessus (engagement public, défense des droits, rapprochement des peuples, information publique) » avec ces trois critères en particulier : « lien avec les engagements de Dominique Baudis ; caractère impactant de l’engagement mis en valeur (fond) ; angle original dans la présentation et clarté du narratif (forme) ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 avril 2024)
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Pour aller plus loin :
Hommage d'État (16 avril 2014).
Homme d’État (10 avril 2014).
Premier Défenseur des Droits (4 juin 2011).
Ex-jeune loup de la politique française (15 juin 2011).
La rumeur dans le milieu politique.
Les Rénovateurs (1).
Les Rénovateurs (2).
La famille centriste.
Dominique Baudis.
Valérie Hayer.
François Bayrou.
Henri Grouès.
Jean-Jacques Servan-Schreiber.
Jean-Marie Rausch.
René Monory.
René Pleven.
Simone Veil.
Bruno Millienne.
Jean-Louis Bourlanges.
Jean Faure.
Joseph Fontanet.
Marc Sangnier.
Bernard Stasi.
Jean-Louis Borloo.
Sylvie Goulard.
André Rossinot.
Laurent Hénart.
Hervé Morin.
Olivier Stirn.
Marielle de Sarnez.
 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240410-baudis.html

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8 février 2024 4 08 /02 /février /2024 09:24

« Je ne fais pas carrière. Je ne candidate pas. Je ne suis candidat qu'à une seule chose, c'est un lien avec le pays dans ses profondeurs pour identifier ce qui va mal et le résoudre. » (François Bayrou, le 8 février 2024 sur France Info).




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Alors que la composition du nouveau gouvernement était encore en pleine négociation (après quatre semaines des premières nominations), le président du MoDem François Bayrou a annoncé à l'AFP, dans la soirée du mercredi 7 février 2024, que finalement, il abandonnait l'idée d'être membre de ce gouvernement
(c'est d'ailleurs peut-être plus prudent : le parquet de Paris vient de faire appel ce 8 février 2024 du jugement du tribunal de Paris relaxant François Bayrou).

Coup de gueule, peut-être coup politique, assurément coup d'ego. Le plus dur est sans doute venu du président de la commission des affaires étrangères, le sage Jean-Louis Bourlanges, qui semble considérer en substance que François Bayrou n'aidait ni le MoDem, ni la majorité, ni la France
. Son communiqué est sans complaisance : « Le MoDem est en pleine incohérence. François Bayrou a décidé sans aucune concertation avec personne d'afficher un désaccord de fond avec la majorité présidentielle tout en recommandant aux députés de rester à bord et de participer au gouvernement ! Si nous n'étions vraiment pas satisfaits de la place qui nous était proposée, il eût été envisageable de pratiquer le soutien sans participation. Nous sommes en train de choisir l'inverse : la participation sans soutien. Ce qui revient à affaiblir dangereusement notre camp tout en nous discréditant nous-mêmes. C'est politiquement inepte et moralement dégradant. » (8 février 2024). François Bayrou rejette l'idée d'un "caca nerveux" ou d'un "caprice" (« Je sais bien qu'on peut toujours caricaturer les choses ! »), mais son attitude interroge quand même.

Depuis qu'il est relaxé par la justice après près de sept années de cauchemar, selon son expression, François Bayrou est revenu en grandes pompes dans l'actualité politique. Celui qui a démissionné du Ministère de la Justice après un mois en juin 2017, s'est retrouvé au centre des réflexions sur les prochaines nominations gouvernementales. Évidemment, le Ministère de l'Éducation nationale était dans tous les esprits (bien que sa nomination aurait fait un petit côté vintage, vu qu'il hantait déjà ce ministère il y a trente ans), et ce poste était d'autant plus facilement libérable que le principe de l'éviction de son actuelle locataire Amélie Oudéa-Castéra semblait acquis à l'Élysée. (On parle maintenant de l'ancienne Garde des Sceaux Nicole Belloubet pour la rue de Grenelle, alors qu'elle n'avait vraiment pas brillé pour ses talents politiques).

Mais apparemment, pour le maire de Pau, les mesures envisagées pour l'enseignement par le Premier Ministre Gabriel Attal ne sembleraient pas en phase avec la philosophe générale du leader centriste (ce qui ne m'étonne pas, on l'imagine mal prôner des classes de niveau !). Gabriel Attal lui aurait alors proposé le Ministère des Armées, qu'il a refusé dans la mesure où la Défense est l'un des rares domaines qui, selon lui, irait bien depuis cinq ans. Du reste, ce n'est pas très valorisant pour l'actuel locataire, Sébastien Lecornu, de se savoir considéré comme une simple variable d'ajustement !

François Bayrou aurait alors souhaité un grand ministère des territoires, de la réforme de l'État, de l'aménagement du territoire, de la simplification (là, il aurait pris une part des attributions de Christophe Béchu). Il a critiqué le fait que sur quatorze ministres, onze viennent de la région parisienne, et aucun d'une région en dessous de la Loire. On aurait pu aussi imaginer le Quai d'Orsay pour lui qui en avait rêvé en mai 1995, lors de l'élection de Jacques Chirac, mais Valéry Giscard d'Estaing avait fait en sorte que cela n'arrivât pas !

On apprenait aussi le soir du 7 février 2024 que les députés du MoDem étaient réunis au Ministère de l'Agriculture autour de François Bayrou. Certes, François Bayrou est lui-même un ancien agriculteur, mais la raison du lieu de cette réunion, c'est que Marc Fesneau, le seul ministre MoDem, est à l'Agriculture (personne n'a posé la question sur : pourquoi le Ministère de l'Agriculture financerait-il la réunion d'un groupe parlementaire au lieu de l'Assemblée Nationale ?). Beaucoup de députés MoDem étaient remontés contre François Bayrou dont ils ne comprenaient pas la position (dont Jean-Louis Bourlanges, donc).


Alors que les nominations n'ont toujours pas été décidées, François Bayrou était l'invité de la matinale de France Info ce matin du jeudi 8 février 2024 pour tenter d'expliquer pourquoi il ne rentrerait pas au gouvernement tout en assurant que le MoDem restait partie intégrante de la majorité gouvernementale et qu'il continuerait à participer au gouvernement. Il m'a peu convaincu.

On aurait pu comprendre un véritable clash politique (qui aurait été majeur), le MoDem se retirant de la Macronie et François Bayrou de nouveau sur orbite d'une nouvelle candidature à l'élection présidentielle de 2027 (même s'il aurait dans ce cas-là déjà 76 ans, après tout, c'est très jeune par rapport à Joe Biden et juste un an de plus que Vladimir Poutine !). Emballé dans un certain nombre de raisons politiques plus ou moins convaincantes, cela aurait été cohérent. Alors, candidat quand même ? La réponse on ne peut plus floue : « Je n'ai jamais renoncé à aucun des devoirs qui sont les miens, aucune des responsabilités qui sont les miennes ! ».

Mais à partir du moment où le MoDem continue à rester un partenaire de la majorité, comment expliquer que le MoDem soit au gouvernement, mais sans François Bayrou sinon comme une crise aiguë d'égocentrisme plus que de centrisme ? Peu, parmi les députés MoDem, auront du mal à l'expliquer à ceux qui le leur demanderont.


Qu'il n'ait pas eu toute la reconnaissance politique du Président Emmanuel Macron comme il l'aurait espéré, c'est probable voire certain. Mais cet épisode semble un peu comme un événement particulièrement dérisoire dans l'océan des urgences politiques actuelles.

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Pourtant, François Bayrou est loin d'être vide et creux en politique. Il a beaucoup de choses à dire, et originales : « Le pays a besoin de plus de compréhension politique de ce qui se passe à la base et de moins de technocratie gestionnaire. Ça va, c'est clair ? (…) Mon soutien [au nouveau gouvernement] ne se marchande pas, à condition que soit entendue l'inquiétude qu'un très grand nombre de Français ressentent, qui se traduit dans tous les sondages et qui se traduit dans des intentions de vote qui sont, pour moi, pas normales. (…) Oui, nous sommes membre à part entière de la majorité qui veut reconstruire le pays. ».


Alors, François Bayrou a dû ainsi rassurer les macronistes mais en donnant un horizon : « L'enjeu de 2027, c'est précisément qu'on arrive à réconcilier la France qui se bat en bas avec la France qui décide en haut. Je pense que c'est très important, que c'est une crise qui vient de loin, de décennies, et cette crise-là, il faut que 2027, et les années qui précèdent, servent à montrer un chemin pour en sortir. ». Son obsession, c'est bien sûr la perspective insupportable pour beaucoup d'une possible arrivée au pouvoir du RN.

Je me suis bien amusé, le soir du 7 février 2024 en regardant quelques chaînes d'information continue, notamment BFMTV, de voir des personnalités qui, jusqu'à maintenant, n'avaient pas montré un seul epsilon d'idées proches de François Bayrou, commençaient à lui rendre hommage, à l'admirer (comme un homme de l'ancien monde qui avait plus de densité que les petits jeunes des réseaux sociaux d'aujourd'hui qu'on a aujourd'hui en politique) simplement parce qu'il avait rouspété contre Emmanuel Macron.


C'est vrai que toute ambition présidentielle au centre va nécessiter un certain doigté politique au futur candidat pour dire qu'il comprend les opposants du peuple à Emmanuel Macron mais qu'il en est aussi l'héritier. Après tout, Nicolas Sarkozy avait bien réussi à convaincre ses électeurs que son élection en 2007 allait créer un changement après la Présidence de Jacques Chirac, pourtant l'un était l'enfant terrible de l'autre au sein du RPR. C'est peut-être ce qu'a commencé François Bayrou ce 7 février 2024.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (08 févvrier 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Mais quelle mouche a donc piqué François Bayrou ?!
François Bayrou totalement innocenté par la justice !
François Bayrou, le gentil organisateur du CNR.
François Bayrou, le parrain de Marine Le Pen.
François Bayrou a 70 ans.
François Bayrou et la préservation du modèle social français.
François Bayrou relance le programme nucléaire français.
François Bayrou et l'obsession de la proportionnelle.
Marielle de Sarnez.
François Bayrou sera-t-il le Jean Monnet du XXIsiècle ?
Vive la Cinquième République !

_yartiBayrou2024A04




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https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/mais-quelle-mouche-a-donc-pique-252993

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5 février 2024 1 05 /02 /février /2024 11:21

« Depuis le début, j'ai dit que les accusations étaient infondées. Pour moi, le cauchemar s'achève ! » (François Bayrou, le 5 février 2024).




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Le président du MoDem, maire de Pau et Haut-Commissaire au plan François Bayrou avait annoncé depuis longtemps qu'il serait présent ce lundi 5 février 2024 à 10 heures pour le prononcé de la décision de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, salle d'audience 2.01 (salle Victor-Hugo). L'affaire a été jugée en première instance entre le 16 octobre 2023 et le 21 novembre 2023.

Sûr de lui, il était donc bien présent lorsque le président du tribunal a annoncé son acquittement : « François Bayrou n’avait pas demandé aux eurodéputés d’employer des assistants parlementaires sans leur donner de travail. Ces derniers ne l’ont pas incriminé. (…) Personne n’a déclaré que le président du MoDem avait sollicité l’engagement d’un eurodéputé en ce sens, avant ou après les élections européennes. Il n’est donc pas établi que François Bayrou s’est rendu complice de détournement de fonds publics. (…) Il ne ressort d'aucune pièce que François Bayrou a demandé ces contrats d'assistants parlementaires. (…) Aucun élément ne permet aussi d’affirmer qu’il avait connaissance de faits délictueux. (…) Il n'est pas établi qu'il s'est rendu coupable de complicité. ».


En quelques phrases, voilà François Bayrou relaxé de l'affaire dite des assistants parlementaires du MoDem qui lui pourrissait la vie publique depuis longtemps. Cela fait en effet presque sept ans que François Bayrou a souffert de cette affaire judiciaire, et il faut dire que l'un de ceux qui ont contribué à l'élection du Président Emmanuel Macron avait été nommé Ministre d'État, Ministre de la Justice en mai 2017 mais il n'était resté qu'un mois dans ses fonctions après sa mise en cause dans cette affaire. Lui qui faisait de la probité politique son fer de lance, chargé par le Président de la République de faire cette fameuse loi de moralisation du monde politique qu'il appelait tant de ses vœux, a dû ronger son frein pendant ces sept années.

Devant les journalistes, François Bayrou n'a pas caché son amertume : « Non, il n'y avait pas une volonté de détournement de fonds du Parlement Européen ! (…) Tout ce qui a été porté comme accusations et mises en cause contre un mouvement politique était sans cause. (…) La cible de cette affaire, hélas, c'était moi ! ».

Le parquet avait en effet accusé François Bayrou d'avoir construit un "système" frauduleux au MoDem où les députés européens du MoDem employaient, par l'intermédiaire du Parlement Européen, des assistants parlementaires qui, dans la réalité, faisaient le travail de permanents du MoDem et pas de collaborateurs de leur député européen de rattachement, ce qui signifiait un détournement de fonds systémique. François Bayrou a toujours crié son innocence contre ces accusations.

François Bayrou a évoqué un grand gâchis politique et un grand gâchis humain, ayant une pensée pour l'ex-numéro deux du MoDem Marielle de Sarnez, qui a succombé à la maladie et qui était complètement effondrée par les accusations également portées contre elle.

Le président du MoDem a tenu à rappeler trois éléments majeurs : il est enfin reconnu innocent par la justice, le tribunal a reconnu qu'il n'y avait pas de système délibéré pour détourner de l'argent et qu'il n'y a jamais eu d'enrichissement personnel, de la part d'aucune des personnes mises en cause. Il a reconnu toutefois que sans doute des collaborateurs parlementaires n'avaient pas dû travailler comme ils auraient dû il y a vingt ans, mais qu'il était difficile de retrouver des preuves de leurs actions il y a si longtemps.


Le parquet avait requis, contre le maire de Pau, trente mois d’emprisonnement avec sursis, 7 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité avec sursis, pour complicité, par instigation, de détournement de fonds publics européens, l'accusant d'être coupable de faits portant « atteinte aux valeurs de probité et d’exemplarité qu’il promeut ». Il a maintenant dix jours pour éventuellement faire appel de la décision du tribunal, mais sur le plan politique, la relaxe de François Bayrou était essentielle pour que le mouvement politique du relaxé reprenne du poids politique.

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En effet, alors qu'il avait eu beaucoup d'influence sur la composition du gouvernement d'Élisabeth Borne en 2022, et aussi des précédents, François Bayrou, qui ne voulait pas de Gabriel Attal à Matignon, n'a pas eu beaucoup d'influence sur la composition d'un gouvernement qu'il juge beaucoup trop à droite.

Ainsi, les rumeurs reprennent un tour différent avec cette relaxe puisqu'il serait question d'un retour de François Bayrou au Ministère de l'Éducation nationale. L'intéressé n'a pas commenté ces rumeurs et s'est bien gardé de dire, comme l'a souhaité par exemple, ce lundi matin, Richard Ramos, député MoDem du Loiret, s'il serait candidat à l'élection présidentielle de 2027, mais il entend désormais que son mouvement, le MoDem, joue un rôle plus important au sein de la majorité et pour la prochaine campagne présidentielle.


En revanche, si deux autres personnes du MoDem mises en examen ont été également relaxées, d'autres ont été condamnées plus ou moins sévèrement. Ainsi, quatre anciens députés européens MoDem ont été condamnés, notamment : Janelly Fourtou à douze mois de prison avec sursis, 50 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis (beaucoup plus sévère que la réquisition du parquet), Bernard Lehideux (trésorier du groupe ALDE, maintenant Renew, au Parlement Européen) à dix-huit mois de prison avec sursis, 50 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis, Anne Laperrouze à douze mois de prison avec sursis, 15 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis, et Jean-Luc Bennhamias à douze mois de prison avec sursis, 30 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis.

D'autres cadres du MoDem ont aussi été condamnés, notamment : Michel Mercier (ancien Ministre de la Justice et ancien trésorier de l'UDF, puis du MoDem) à dix-huit mois de prison avec sursis, 20 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis, Jean-Jacques Jégou (ancien député et ancien sénateur, trésorier du MoDem et ancien mandataire financier du candidat Bayrou à l'élection présidentielle de 2012) à douze mois de prison avec sursis, 10 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis, et Alexandre Nardella (directeur financier du MoDem) à dix-huit mois de prison avec sursis, 20 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis.

La relaxe de François Bayrou est intervenue peu après celle du Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti le 29 novembre 2023 et celle de l'ancien Ministre du Travail Olivier Dussopt le 17 janvier 2024. Elle interroge toujours sur l'excès de publicité médiatique lorsqu'une personnalité politique est mise personnellement en cause par la justice et ses conséquences politiques alors que son innocence est reconnue bien plus tard. Lorsqu'un prévenu est mis hors de cause, ne faudrait-il pas prévoir des dommages et intérêts à réclamer à la justice elle-même pour atteinte à sa réputation ?


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (05 février 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Bayrou totalement innocenté par la justice !
François Bayrou, le gentil organisateur du CNR.
François Bayrou, le parrain de Marine Le Pen.
François Bayrou a 70 ans.
François Bayrou et la préservation du modèle social français.
François Bayrou relance le programme nucléaire français.
François Bayrou et l'obsession de la proportionnelle.
Marielle de Sarnez.
François Bayrou sera-t-il le Jean Monnet du XXIsiècle ?
Vive la Cinquième République !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240205-bayrou.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-totalement-252919

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2024/02/05/40197226.html








 

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22 décembre 2023 5 22 /12 /décembre /2023 04:47

« C'est une manœuvre de garçon de bain du Rassemblement national (…), une manœuvre grossière pour nous dire : au fond c'était mon texte qui l'a emporté parce que c'était dans la confusion, mais c'est faux ! » (Emmanuel Macron, le 20 décembre 2023 sur France 5).




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Peut-être connaissez-vous depuis six ans et demi Bruno Millienne ? Journaliste, imposant dans son éloquence, Bruno Millienne (64 ans) a été élu député MoDem de la 9e circonscription des Yvelines (entre autres, Les Mureaux) en juin 2017 (contre le député LR sortant) puis réélu en juin 2022 (contre un candidat RN). Il fait partie depuis 2017 de la Macronie parlementaire, mais dans une petite galaxie indépendante où il ne mâche pas ses mots et sait parfois s'opposer à l'Élysée sur des points techniques. Depuis juillet 2022, il a été nommé porte-parole du groupe MoDem à l'Assemblée Nationale, mais c'est depuis 2017 qu'il intervient régulièrement dans les médias.

Invité le soir du 20 décembre 2023 par LCI pour réagir aux propos du Président Emmanuel Macron sur France 5, Bruno Millienne appuyait le chef de l'État sur son analyse de la loi Immigration. Bien sûr que non que ce texte n'est pas une victoire du RN, ne serait-ce que parce que la loi Immigration va permettre la régularisation de milliers de sans-papiers et interdire aux mineurs d'être retenus dans des centres de rétention administrative. Il regrettait que certains de ses collègues de Renaissance et du MoDem (son parti) n'aient pas apporté leur vote à ce texte (59 députés, soit un peu plus du quart des troupes), et par ce fait, aient laissé entendre que ce texte serait d'inspiration d'extrême droite (car adopté par l'extrême droite), ce qu'il n'est pas (Gérald Darmanin avait expliqué aux parlementaires que ce texte aurait été adopté même sans l'apport des voix du RN car beaucoup de députés de la majorité qui ont voté contre l'ont fait en raison du soutien du RN). C'était le piège du RN tendu à la majorité.

Mais ce piège est petit face aux autres pièges qu'a tendus le RN par ses manœuvres politiciennes. Le plus gros contre les députés LR qui ont perdu l'avantage politique de cette loi Immigration dont ils ont été les inspirateurs. Dans la perception populaire, LR n'a rien gagné alors que c'était leur véritable victoire politique. Ils vont devoir ramer pendant des mois pour expliquer qu'ils ont réussi à imposer leurs vues au gouvernement.


Un autre piège non négligeable du RN a aussi été tendu à la gauche. C'était le sens de la colère de Bruno Millienne contre les députés de gauche qui se sont fait avoir comme des bleus. Elle est complètement tombée dans le panneau ! Cela a commencé avec le vote de la motion de rejet préalable pour la première lecture du texte. Cette motion a été déposée par le groupe écologiste et un député écologiste avait confié à Bruno Millienne qu'ils ne pensaient pas, à gauche, que le RN allait la voter. C'était une motion de rejet par automatisme, mais ils ne souhaitaient pas son adoption, ils voulaient surtout discuter du texte. La surprise du vote de la motion de rejet par le RN et une partie de LR a remis en cause l'équilibre du texte amendé en commission des lois, bien moins dur que la version du Sénat.

Résultat, non seulement le texte n'a pas pu être examiné en séance publique, mais ce fut le texte du Sénat qui a servi de base aux négociations de la commission mixte paritaire. Les cris de gazelles effarouchées de la gauche moralisante contre le texte final sont donc très hypocrites. Il est certain que sans le vote de la motion de rejet, le texte aurait été bien moins dur que l'actuel, d'autant plus que les députés de gauche avaient obtenu la garantie du gouvernement qu'il n'engagerait pas sa responsabilité sur ce projet de loi, laissant ainsi une grande autonomie aux parlementaires.

Bref, le vote de la motion de rejet le 11 décembre 2023 par les députés RN, puis, leur revirement complet en votant le texte le 19 décembre 2023, dans des manœuvres politiciennes incompréhensibles sur le fond, ont apporté une complète confusion au jeu parlementaire. La gauche s'est particulièrement discréditée en fustigeant ce texte supposé d'extrême droite tandis que plus de 70% des Français, selon des sondages, approuveraient la version finale.


Il est clair qu'il y a un énorme fossé entre une pseudo-élite intellectuelle bobo pseudo-gauchiste et ce qu'on appelle le peuple, ou les gens, qui attendent des résultats des politiques publiques. Depuis 1980, certains ont évalué à trente le nombre de lois sur l'immigration (je n'ai pas vérifié), cela prouve bien que ce sujet est très sensible, et pour l'instant peu efficace puisqu'il faut encore légiférer après.

François Hollande qui parade aujourd'hui dans les médias et veut donner des leçons à Emmanuel Macron, ferait mieux de se taire et de rester discret en matière de valeurs républicaines, car son projet de déchéance de nationalité était bien plus inspiré par l'extrême droite que cette loi Immigration. Lui aussi a oublié son esprit de responsabilité et veut surfer sur une contestation à gauche peu portée par le peuple.

L'objectif d'Emmanuel Macron était donc très clair avec ce texte qualifié de bouclier pour les Français : rendre plus efficace la lutte contre l'immigration clandestine en simplifiant les procédures d'expulsion, sans pour autant sortir de l'État de droit et de nos valeurs républicaines. Et surtout, car c'est ça la politique, en finir avec ce fonds de commerce électoral particulièrement vaseux de l'extrême droite depuis près de cinquante ans. C'est un élément indispensable pour ne pas laisser un boulevard à l'extrême droite dans la perspective de l'élection présidentielle de 2027.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (21 décembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bruno Millienne : la gauche piégée par une manœuvre de garçon de bain.
Loi Immigration : le service après-vente d'Emmanuel Macron.
Commission mixte paritaire et adoption de la loi Immigration.
Article 49 alinéa 3 et projet de loi Immigration.
Motion de rejet préalable et projet de loi Immigration.

Loi Immigration : le risque du couperet...
Des bleus à l'A.M.E. (aide médicale d'État) : entre posture et protection.
L'affaire Leonarda, dix ans plus tard...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Aymen Latrous Aymen Latrous n’est pas Leonarda !
Mamoudou Gassama, un héros en France.
Leonarda sous le feu des projecteurs.
L’immigration irlandaise.
Immigration : l'occasion ratée de François Hollande.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231220-bruno-millienne.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/bruno-millienne-la-gauche-piegee-252134

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/12/21/40150817.html





 

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26 novembre 2023 7 26 /11 /novembre /2023 04:10

« Figure de la vie politique et du parti socialiste, il œuvra sa vie durant pour défendre ses idéaux de progrès et de fraternité, avec une érudition qui n’empêchait pas la franchise. » (communiqué de l'Élysée du 25 novembre 2023).




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C'est l'un de barons originels du macronisme qui vient de mourir ce samedi 25 novembre 2023 à Lyon à l'âge de 76 ans. Né le 20 juin 1947 à Chalon-sur-Saône, Gérard Collomb avait indiqué sur Twitter le 16 septembre 2022 qu'il souffrait d'un cancer de l'estomac. Il a reçu les hommages de nombreuses personnalités politiques, en particulier du Président de la République Emmanuel Macron, mais aussi de François Bayrou, Élisabeth Borne, Yaël Braun-Pivet, François Hollande, etc., et même Marine Le Pen.

L'hommage de Marine Le Pen n'est pas anodin, parce qu'à sa démission de Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur, le 3 octobre 2018, Gérard Collomb avait prononcé des mots qui ont été par la suite repris ad nauseam par l'extrême droite : « C’est la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République. (…) Aujourd’hui, on vit côte à côte (…), je crains que demain, on vive face à face. », mais toujours en omettant la suite du discours où il appelait à adopter « une vision d'ensemble » pour éviter la ghettoïsation et « recréer de la mixité sociale », élément complémentaire bien sûr systématiquement effacé des discours de l'extrême droite qui, aujourd'hui, a le toupet d'associer cette déclaration supposée prophétique aux récents événements comme les émeutes à la suite de la mort de Nahel ou à l'assassinat de Thomas à Crépol le week-end dernier.

Gérard Collomb, qui tenait déjà ce genre de discours dès juin 2015 dans un discours au 77e congrès du PS, bien avant d'être ministre donc, avait refusé de débattre à l'époque des émeutes de cet été, probablement aussi à cause de sa maladie, car il refusait ce rôle de pseudo-prophète et se savait instrumentalisé par l'extrême droite. Du reste, la collombamania de Marine Le Pen était très nouvelle puisque lorsque l'ancien "édile" de Lyon officiait comme "premier flic de France", celle-ci réclamait à grands cris sa démission, notamment en janvier 2018 en fustigeant la « culture du déni » du ministre et son « angélisme de la vieille gauche ».


En fait, Gérard Collomb n'a jamais été un type normal chez les siens. Certes, professeur agrégé de lettres classiques, franc-maçon (qu'il se disait volontiers) et engagé au sein du parti socialiste dans les années 1970, il avait été élu jeune député de Lyon dès juin 1981, au lendemain de son 34e anniversaire, dans la foulée de la victoire de François Mitterrand à la Présidence de la République. Il était typique de ces élus socialistes vainqueurs de l'année. Mais c'était aussi le départ d'une très longue et prestigieuse carrière politique qui l'a amené à exercer les mandats de député de 1981 à 1988 (il a échoué aux législatives de 1988, 1993 et 1997), puis de sénateur de 1999 à 2017, et enfin, son bâton de maréchal, maire de Lyon de 2001 à 2020 sauf pendant son ministère (et président du Grand Lyon de 2001 à 2017). François Mitterrand l'a nommé au Conseil Économique et Social en 1994 (il y resta jusqu'en 1999) pour compenser sa perte de mandat parlementaire.

Conseiller municipal depuis 1977 (pendant quarante-six ans !), il avait tenté de conquérir la mairie de Lyon déjà en 1989 et en 1995, alors que c'était une forteresse de la droite classique voire traditionnelle. C'était justement en adoptant des positions barro-compatibles qu'il a pu séduire les Lyonnais et devenir le successeur de Raymond Barre, également dans un contexte de division du centre droit (comme Bertrand Delanoë en avait aussi bénéficié à Paris au même moment). Depuis une vingtaine d'années, prenant soin d'être un représentant attentif et reconnu des Lyonnais, il était devenu une sorte de "socialiste de droite", poisson volant étonnant qui était toutefois la raison de ses victoires municipales successives.


Très tôt, Gérard Collomb s'est converti au macronisme. Il voyait en Emmanuel Macron le moyen de rendre les socialistes plus adaptés à la réalité économique du monde nouveau. Il n'est pas exagéré de dire qu'il fut pour Emmanuel Macron un faiseur de roi, c'est d'ailleurs ce que le nouveau Président de la République a confié à l'oreille de son prédécesseur, François Hollande, quand il a pris ses fonctions le 14 mai 2017 : « Je lui dois tout. ».


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Oui, tout pour pouvoir être un candidat à l'élection présidentielle victorieux. Ce fut Gérard Collomb qui s'est occupé des parrainages des élus locaux alors qu'Emmanuel Macron n'a jamais su ce qu'était un maire (encore maintenant), et surtout, il a été l'entremetteur, précieux et crucial, pour convaincre François Bayrou de se rallier à la candidature d'Emmanuel Macron, ces quelques pourcentages de voix supplémentaires qui ont fait la différence dans la dynamique de campagne. Il a aussi obtenu du candidat marcheur de retirer de son programme la dépénalisation de certaines drogues, mauvais signal quand au contraire il faut plus d'autorité.

Lorsqu'il a rencontré des journalistes de "L'Express" le 24 novembre 2021 pour évoquer ses relations avec Emmanuel Macron, Gérard Collomb a lâché un peu d'amertume : « Je croyais qu’Emmanuel Macron était mon meilleur ami. Finalement, j’étais peut-être le dernier des naïfs. ». Au fil des mois pendant qu'il était Place Beauvau, Gérard Collomb s'est éloigné d'Emmanuel Macron. Il a été particulièrement affecté par l'affaire Benalla, dont il avait si peu d'information qu'il en était humilié, lui qui aurait dû être l'homme le mieux informé de France. Le 19 septembre 2018, renonçant à moyen terme à ses fonctions de ministre, il a annoncé qu'il comptait se représenter à la mairie de Lyon, prenant ainsi plus de recul. Après plusieurs tentatives de démission (l'Élysée les rejetait), il a enfin obtenu l'autorisation de quitter le gouvernement, et finalement de quitter la macronie. Le premier des ministres a donc perdu toute influence auprès de celui qu'il a fait roi.

Les relations se sont normalisées lorsque le Président de la République a remis à son ancien ministre les insignes d'officier de la Légion d'honneur le 8 mars 2022 dans la salle des fêtes du Palais de l'Élysée en présence entre autres de Brigitte Macron, François Bayrou, Christophe Castaner, Yann Cucherat, et de ses enfants Thomas, Alexandre et Anne-Laure et de nombreux élus lyonnais : « Votre secret, c’est le dépassement politique. Vous avez d’ailleurs beaucoup donné de votre santé. Vous êtes aussi cette voix qui n’a jamais peur de s’exprimer. Vous avez été un grand artisan de ce que fut ma victoire. Je sais, cher Gérard, tout ce que je vous dois. Élu Président de la République, c’est naturellement que je vous propose de devenir Ministre d’État. Par amitié, vous acceptez la charge. La tâche est difficile. Pendant vos dix-huit mois, vous n’avez cessé de penser à Lyon. C’est votre chair. Je voulais vous remercier de ce sacrifice. À la tête de ce ministère, vous avez œuvré sans relâche. (…) Je voulais vous dire que vous pouvez être fier de vos dix-mois mois à la tête du Ministère de l’Intérieur. J’ai toujours eu un ministre loyal, franc et déterminé. ».

Les élections municipales de 2020, dans un contexte de grave crise du covid-19 et de forte abstention, a été une catastrophe pour Gérard Collomb, un échec monumental : il était candidat à la présidence de la métropole de Lyon tandis que son poulain Yann Cucherat était candidat à la mairie de Lyon pour le compte de LREM. Finalement, en raison d'une liste LREM dissidente, il n'a obtenu que 17,3%, en quatrième place au premier tour pour les élections métropolitaines, et aux municipales, la liste LREM a été en troisième position avec 14,9%. Pour le second tour, la liste LREM a fait alliance avec la liste LR d'Étienne Blanc, mais cette alliance n'a pas suffi à écarter la victoire de l'écologiste Grégory Doucet.

C'est ainsi que la carrière politique de Gérard Collomb s'est achevée sur un goût d'inachevé, un peu dans cette impression qu'a donnée François Hollande, qui l'a longtemps fréquenté dans les couloirs du parti socialiste, dans son hommage :
« Comme ministre, il n’eut pas le temps de traduire en actes sa lucidité sur les risques de fracturation de notre société. Gérard était doté d’une inépuisable ténacité, d’un rare courage et d’une vive intelligence. ».

Quant à l'Élysée, il a publié un communiqué très complet, en particulier : « Familier des joutes du parti socialiste, secrétaire national à de multiples reprises, responsable d’une des plus puissantes fédérations de France, il tenta d’imposer sa ligne sociale-démocrate, européenne, pragmatique et girondine, auprès des candidats socialistes successifs à la présidentielle. Car Gérard Collomb nourrissait moins une ambition personnelle qu’il ne menait une aventure de pensées et d’idées. Il fut l’un des artisans de l’approfondissement intellectuel entrepris par le parti socialiste, avec la création de la Fondation Jean Jaurès. Porteur de la figure de Saint-Simon, il croyait dans les forces du progrès pour changer la vie. (…) Le Président de la République et son épouse saluent avec chagrin la mémoire d’un ami cher, d’un maire qui voua ses talents exceptionnels de dialogue et d’imagination pour bâtir une ville à son image, d’un homme d’État qui incarnait l’ascension et l’autorité républicaines. ».


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (25 novembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gérard Collomb.
La démission de Gérard Collomb.
Gérard Collomb se prend-il pour le Président de la République ?
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe.
Le deuxième gouvernement d’Édouard Philippe.
La réforme des institutions, côté Place Beauvau.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231125-gerard-collomb.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gerard-collomb-le-depart-d-un-251731

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/11/26/40120990.html







 

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8 février 2023 3 08 /02 /février /2023 03:01

« Il y a une forme de déception puisque l'Assemblée Nationale a passé trois jours à débattre de plus de 2 000 amendements sur un index des seniors (…). Ceux qui nous disent "vous ne faites pas assez pour les seniors" suppriment l'index. » (Olivier Dussopt, le 15 février 2023 sur France Inter).




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L'article 2 du texte, prévoyant l'institution d'un "index des seniors", a été rejeté par les députés ce mardi 14 février 2023 (scrutin n°972), par 256 voix contre 203 députés favorables à l'article, sur 467 votants (parmi les votes pour, seulement 140 députés Renaissance sur 170, 39 MoDem sur 51 et 24 Horizons sur 29). Le groupe Les Républicains a été l'arbitre de ces votes en rejetant l'index seniors par 38 députés LR sur 61 (6 se sont abstenus, les autres, dont Éric Ciotti, n'ont pas participé au vote). Les députés LR ont trouvé que l'index était trop contraignant, ceux de la Nupes et du RN qu'il n'était pas assez contraignant. C'est évidemment un camouflet pour le gouvernement, et ce n'était pas faute d'une meilleure mobilisation de la majorité. En effet, si tous les députés de la majorité avaient voté (à l'exception de la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet qui ne participe jamais aux votes), seulement 46 voix seraient venus en renfort de la majorité et cela aurait été insuffisant pour rattraper les 53 voix de retard.

Adopté au conseil des ministres et déposé sur le bureau de l'Assemblée Nationale le 23 janvier 2023 ("projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, n°760"), le projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement est examiné par l'Assemblée Nationale en séances publiques depuis le lundi 6 février 2023. En plus d'une semaine, on mesure à quel point le débat démocratique a du mal à s'installer même au cœur de la démocratie parlementaire, l'hémicycle du Palais-Bourbon.

En n'ayant qu'une majorité relative, le gouvernement savait que ces débats parlementaires seraient difficiles, mais n'imaginait sans doute pas à quel niveau les députés du groupe FI seraient tombés dans l'invective, l'insulte, les mensonges, l'obstruction. En déposant plus de 18 000 amendements, l'opposition populiste de gauche avait un objectif : dénaturer les débats parlementaires et donner à la rue le rôle principal. Sauf qu'en démocratie, ce ne sont pas les pavés qui gouvernent mais les urnes.

Il est vrai que les quatre journées de manifestations ont été plutôt une réussite malgré le froid hivernal : 1,1 million de manifestants le 19 janvier, 1,27 million de manifestants le 31 janvier, 757 000 manifestants le 7 février et 963 000 manifestants le 11 février (j'ai repris les statistiques du Ministère de l'Intérieur bien plus proches de la réalité que celle des syndicats, si l'on les compare avec le décompte neutre d'Occurrence ; la CGT a donné, de son côté, l'estimation de 2,5 millions tant pour le 31 janvier que pour le 11 février). La prochaine journée a lieu ce jeudi 16 février 2023 et les syndicats promettent un blocage complet du pays à partir du 7 mars 2023.

Mais cette protestation, aussi respectable soit-elle, ne peut remplacer la parole sacrée de l'ensemble des électeurs (et le candidat Emmanuel Macron avait clairement annoncé cette réforme avant le premier tour de l'élection présidentielle de 2022). Alors que le monde se trouve dans une crise stratégique majeure avec l'agression par la Russie de l'Ukraine et ses risques d'embrasement mondial, qu'il est en train de sortir d'une longue crise sanitaire d'une gravité inédite depuis un siècle et que se profilent les menaces du bouleversement climatique en cours, la France risque de se retrouver paralysée dans un bras de fer d'un autre temps.

Au cours du débat parlementaire, les députés FI ont multiplié les incidents afin de retarder le processus parlementaire. Leur objectif, celui de la "bordélisation" de l'Assemblée, c'est de ne pas avoir le temps d'arriver au vote de l'article 7 de la réforme (il y a 18 articles dans le projet !) qui institue l'âge légal de la retraite à 64 ans. Pourtant, ce serait le meilleur moyen de faire prendre leurs responsabilités aux députés, savoir qui vote quoi.

Je citerai juste deux gros incidents, le premier a eu lieu le 10 février 2023 avec le député FI Thomas Portes qui a refusé de présenter ses excuses après avoir publié la veille une photo qui pouvait être considérée comme un appel au meurtre d'Olivier Dussopt, le Ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion. Il a été immédiatement sanctionné d'exclusion de l'Assemblée Nationale pendant quinze jours de séances, la plus sévère des sanctions (qu'un député du RN avait également eue le 4 novembre 2022). Après cet incident, l'Assemblée n'a repris ses travaux que le lundi à 16 heures. Le 13 février 2023, rebelote, si j'ose écrire, avec un autre député FI (qui ne mérite pas qu'on cite son nom) qui a traité Olivier Dussopt d'imposteur et d'assassin. La séance a été interrompue mais, au contraire de Thomas Portes, il a fait amende honorable, a présenté ses (strictes) excuses (Olivier Dussopt le 15 février 2023 :
« Il y a des mots qui ne se pardonnent pas : moi ce que je sais, c'est que j'ai beaucoup de mémoire. »).

Ce climat d'extrême violence verbale n'est pas à la mesure des enjeux politiques et socio-économiques et ne redonnera certainement pas l'envie aux nombreux abstentionnistes des élections législatives de juin 2022 de reprendre le chemin de l'isoloir pour élire la prochaine Assemblée.


Dans ces discussions, le RN se pose en modérateur. Sous la présidence de Sébastien Chenu, vice-président de l'Assemblée, le 13 février 2023, il montrait un désir d'ordre dans les débats qui donnait au RN toute l'illusion d'être un jour responsable et en capacité de gouverner, même si, très temporairement, Marine Le Pen a chuté dans les sondages au profit de Jean-Luc Mélenchon parce qu'elle refuse de se prêter au jeu de rôle des manifestations. Les Insoumis devraient se méfier de leurs comportements particulièrement contre-productifs, leurs électeurs commencent à se dire qu'ils ont élus des voyous, et je pense surtout que ce sont des députés immatures, souvent élus par surprise ou de justesse et qui ne s'y attendaient pas.

Je propose de reprendre succinctement l'historique des débats pour comprendre où les députés en sont.

Tout d'abord, l'opposition a déposé, comme l'y autorise le règlement intérieur de l'Assemblée, trois demandes pour empêcher le débat dès le départ.

La première est une motion de rejet préalable déposée par la présidente du groupe FI Mathilde Panot, qui a été rejetée le 6 février 2023 (scrutin n°908) par 292 députés contre 243 sur 538 votants (parmi ceux qui ont voté pour cette motion, on retrouve 85 députés RN sur les 88 au total, la totalité des 74 députés FI, 26 députés PS sur 31, la totalité des 22 députés EELV et 18 députés PCF sur 22). Sans état d'âme, les députés de la Nupes ont joint leur suffrages à ceux du groupe RN pour tenter de rejeter immédiatement le projet de loi. Il faut insister sur le fait qu'il y a plus de députés RN qui ont voté cette motion de rejet préalable que de députés FI qui en étaient pourtant les initiateurs (ce qui est logique vu que le groupe RN est plus nombreux).

La deuxième demande est la motion référendaire avec une polémique sur laquelle devait être présentée aux votes. Je rappelle juste, pour faire simple, que le règlement de l'Assemblée ne prévoie le vote que d'une seule motion référendaire par texte en examen. Or deux motions référendaires ont été déposées, une émanant du groupe RN et une autre des groupes de la Nupes. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivert a résolu cette difficulté de procédure en procédant à un tirage au sort qui a bénéficié au groupe RN. Au dernier moment, Charles de Courson, du petit groupe technique LIOT, a déposé une troisième motion référendaire qui n'a pas été prise en compte (car trop tardive), tandis que les députés de la Nupes voulaient en profiter pour faire un nouveau tirage au sort. Par ailleurs, le règlement impose que la totalité des signataires de la motion référendaire soit présents en séance pour qu'on puisse procéder au vote. 60 députés RN avaient présentés cette motion et parmi eux, certains députés ont reçu de faux appels téléphoniques qui leur annonçaient qu'une personne proche était à l'hôpital et qu'il fallait aller auprès d'elle, dans le but de les éloigner de l'hémicycle (j'espère qu'une enquête permettra d'en déterminer l'origine).

Cette motion référendaire, qui vise à soumettre le texte examiné au vote populaire, présentée par Marine Le Pen et 59 députés RN, a été rejetée le 6 février 2023 (scrutin n°909) par 272 députés contre 101 sur 381 votants (parmi ceux qui ont voté pour cette motion, on retrouve 86 députés RN et 2 non-inscrits, Emmanuelle Ménard et Nicolas Dupont-Aignan, mais aucun député de la Nupes qui ne voulait pas mélanger ses voix avec le RN).

Enfin, la troisième demande est la "demande de constitution d'une commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi pour une retraite universellement juste" présentée par André Chassaigne, le président du groupe communiste, là encore, comme le permet le règlement de l'Assemblée. J'y reviendrai plus loin.

Il a fallu attendre le 10 février 2023 pour l'adoption de l'article 1er du texte, qui concerne la suppression des régimes spéciaux de retraite (scrutin n°947). Ce premier article a été adopté par 181 députés contre 163 sur 346 votants. Parmi les votes pour, il y avait 117 députés Renaissance, 14 LR, 31 MoDem, 18 Horizons ; parmi les votes contre, 61 RN, 59 FI, 19 PS, 12 PCF et10 EELV. Comme on voit, il y a eu beaucoup de députés absents.

Dans les débats publics, tant dans l'hémicycle (examen du texte et questions au gouvernement) que dans les médias, l'opposition s'est focalisée sur la mesure sociale du relèvement de la pension minimale (qui n'a rien à voir avec le minimum vieillesse). En effet, selon un économiste (Michaël Zemmour), la mesure des 1 200 euros de pension mensuelle ne concernerait pas tous les retraités. Mais à cela, rien de surprenant : le gouvernement a toujours communiqué que ces 1 200 euros étaient dans le cas d'une carrière complète en temps plein avec un salaire au moins au SMIC. Le contraire serait croire au Père Noël. Donc, au fil des interpellations, l'opposition a changé son fusil d'épaule et a réclamé le nombre de bénéficiaires pour lesquelles cette mesure s'appliquerait, dans le but de dire que cela ne concernerait que très peu de monde. C'était encore le sujet des questions au gouvernement lors de la séance du 14 février 2023.

Invité de la matinale de ce mercredi 15 février 2023 sur France Inter, Olivier Dussopt a donné des indications chiffrées. Elles ne sont pas forcément simples à comprendre parce que le système des retraites est compliqué en lui-même, chaque situation personnelle était un cas différent.

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Voici sa réponse qui montre que la mesure du gouvernement n'est pas aussi négligeable que fustigée par l'opposition : « L'engagement d'une retraite à 85% du SMIC a toujours été pris pour une carrière complète à temps plein. C'est cet engagement que nous allons tenir (…). Grâce à cette réforme, 1,8 million de retraités actuels vont voir leur pension revalorisée. Parmi eux, 900 000 auront une revalorisation comprise entre 70 et 100 euros. Comme ce sont les retraités actuels, et que nous connaissons mieux leurs situations, vous en avez 125 000 qui vont aller jusqu'au maximum des 100 euros de revalorisation. Cela peut paraître peu et en fait, c'est énorme. Cela signifie que nous avons 250 000 retraités supplémentaires qui vont franchir le cap des 85% du SMIC. Lorsqu'on regarde les 800 000 nouveaux retraités, 200 000 auront une pension revalorisée. Parmi eux, un tiers aura une revalorisation supérieure à 70 euros. 40 000 personnes de plus chaque année passeront le cap des 85% du SMIC [parmi les nouveaux retraités] grâce à cette seule réforme. (…) Pourquoi 40 000 sur 200 000 ? Parce que ceux qui resteront en-dessous [de ce seuil] sont ceux qui ont des carrières incomplètes. Sur les 17 millions de retraités, on en a plus de 5 millions qui ont une retraite inférieure à 1 000 euros brut. Et derrière ces 1 000 euros brut, ce sont des carrières très incomplètes. Notre système de retraite renvoie les parcours de vie et les inégalités de vie. ».

Olivier Dussopt a, par ailleurs, confirmé l'information de la veille d'un amendement qui serait déposé par le gouvernement sur l'article 8 du projet de loi sur les carrières longues, une concession pour le groupe LR qui s'est dit satisfait de la décision : « Un amendement du gouvernement va permettre de le mettre en œuvre. On va faire quatre dispositifs : un pour ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans, ils sont très peu nombreux, ils continueront à partir à 58 ans. Nous créerons un dispositif pour ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans. À 60 ans, si vous avez 43 annuités, vous pouvez partir. Il y a un dispositif pour ceux qui ont commencé à travailler entre 18 et 20 ans. À 62 ans, vous pouvez partir si vous avez vos 43 annuités. Enfin il y a un nouveau dispositif si vous avez commencé entre 20 et 21 ans, si, lors de vos 63 ans, vous avez vos 43 annuités, vous partez. ».

Autre sujet très important, la capacité, pour ceux qui ont un métier pénible, de se reconvertir en cours de carrière ou de quitter en douceur leur emploi avec du temps partiel : « La question forte, c'est la capacité que nous avons à trouver du sens et du plaisir dans le travail. (…) Cela renvoie aux questions de pénibilité et de reconversion. (…) Dans le cadre de la modernisation du compte professionnel de prévention pour les métiers les plus pénibles. Nous créons la possibilité d'un congé de reconversion pour vraiment pouvoir changer de métier et se réorienter. Je pense que cette possibilité doit être ouverte plus largement. Changer de métier, avoir un autre avenir, permet de durer plus longtemps (…). Nous allons très largement faciliter pour le secteur privé, et ouvrir le droit dans le secteur public, à la retraite progressive. C'est une façon de lever le pied, décélérer en passant au temps partiel payé par l'employeur et le reste du temps payé par la caisse de retraites tout en continuant à valider des trimestres. C'est aussi une façon d'accompagner la fin de carrière. ».

Le ministre a aussi confirmé que l'article 49 alinéa 3 de la Constitution n'était pas à l'ordre du jour car, avec le groupe LR, il existe une majorité à l'Assemblée en faveur de la réforme : « Nous considérons que nous avons une majorité sur ce texte-là, mais pour avoir une majorité, il faut aller au vote et pour aller au vote, il faut en finir avec l'obstruction. ».





Je termine en revenant à la séance du 7 février 2023 et sur la demande d'une commission spéciale. De la part de l'opposition, tout est bon pour éviter le débat de fond. C'est la raison pour laquelle cette commission spéciale a été demandée alors que l'opposition a bloqué les travaux de la commission des affaires sociales en déposant une vingtaine de milliers d'amendements. La présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a pris la parole pour s'opposer, avec beaucoup de combativité, à la constitution d'une telle commission spéciale.

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Voici son intervention complète : « Chers collègues du groupe GDR [communiste], pourquoi donc vous jetez-vous ainsi dans les bras de la Nupes et de toutes les manœuvres de vos alliés LFI ? Vous qui aimez tant le Parlement et la vie parlementaire, vous voilà alliés de leurs méthodes, de leurs 18 000 amendements, de leur obstruction systématique et de leurs incohérences. Hier, vous qui en appeliez au peuple, vous avez préféré déserter pendant le vote d’une motion référendaire. Pourtant, quand il s’agit de vos motions de rejet, joindre vos voix à celles du Rassemblement national ne vous gêne absolument pas. Si vous ne voulez pas entretenir la confusion entre vous et l’extrême droite, alors cessez d’employer leurs méthodes ! À défaut de pouvoir couper court à nos débats, vous avez désormais recours à un nouveau stratagème reposant sur l’article 31 de notre règlement. Libre à vous, chers collègues, de faire usage de votre droit d’initiative parlementaire, mais comment comprendre que vous souhaitiez débattre des retraites au sein d’une commission spéciale, alors que vous refusez de le faire ici, dans l’hémicycle ? Puisque vous nous invitez au débat, nous y sommes évidemment prêts. Parlons donc, en quelques mots, de votre projet : avec la Nupes, c’est l’obstruction et la taxation ; 18 000 amendements et 130 milliards d’euros d’impôts supplémentaires. Un ouvrier dans l’automobile, qui gagne 2 000 euros par mois et travaille une heure supplémentaire par semaine, perdra 150 euros de salaire net sur l’année, parce que la Nupes veut rétablir les charges que nous avons supprimées sur les heures supplémentaires. C’est la vérité, la triste vérité de votre politique. Un fleuriste paiera 700 euros de charges supplémentaires par mois pour un salarié au SMIC, parce que la Nupes veut supprimer les allégements de cotisations patronales que nous avons votés sur les bas salaires. Parlons aussi des fausses informations, celles qui circulent sur les réseaux sociaux, celles que vous relayez dans les manifestations et, matin, midi et soir, dans les médias. L’une d’entre elles est particulièrement indécente, celle selon laquelle 25% des Français les plus pauvres seraient déjà morts au moment où ils prennent leur retraite. Heureusement, c’est faux, vous le savez pertinemment, mais vous continuez à diffuser cette fausse information. Vous continuez à faire peur et à inquiéter sur un projet qui doit nous rassembler. Parlons enfin de ce contre quoi vous voterez en rejetant demain ce texte. Vous voterez contre le fait de garantir une retraite décente à tous les Français qui ont une carrière complète. Vous voterez contre le fait de percevoir enfin une pension égale à 85% du SMIC net, ce qui est tout simplement de la justice sociale, et ce que nous voulons au sein de la majorité. Vous voterez contre le fait que des Français qui veulent travailler et ne peuvent trouver un emploi en raison de leur âge aient demain la garantie d’en trouver un. Vous voterez contre un index seniors qui permettra de mesurer les inégalités et, surtout, de les corriger, car c’est évidemment ce que nous devons faire. Vous voterez contre l’amélioration de la situation des femmes, dont vous avez tant parlé. Assumons ce débat. Assumons que, demain, avec la réforme, les femmes partiront plus tôt que les hommes. Assumons qu’elles bénéficieront de la revalorisation de la retraite minimale, puisque 60% de ceux qui la touchent actuellement sont des femmes. Assumons que nous allons créer des trimestres supplémentaires pour les aidants familiaux, qui sont principalement des femmes. Oui, le débat a lieu ici et maintenant, pas demain ou après-demain. C’est aujourd’hui que cette réforme doit se mener, et c’est aujourd’hui que nous la mènerons. Car il y va de l’avenir des Français, de l’avenir des plus vulnérables, dont le seul capital est la solidarité nationale et la solidarité intergénérationnelle, autrement dit notre régime par répartition. Vos alliés et vous répétez à l’envi que vos 18 000 amendements visent à enrichir nos débats et non à les obstruer. Faites en donc la démonstration ! Débattons ici et maintenant, et non demain au sein d’une commission spéciale. C’est maintenant que nous devons débattre et voter. C’est pourquoi nous rejetterons votre demande de constitution d’une commission spéciale. ».

Finalement, la demande de commission spéciale a été rejetée le jour même (scrutin n°912) par 260 députés contre 127 sur 413 votants. Parmi ceux qui étaient favorables à cette commission spéciale, 3 RN, 59 FI, 22 PS, 17 EELV et 18 PCF. Et également un non-inscrit, le député Adrien Quatennens, qui a fait dans la soirée du 7 février 2023 sa première intervention depuis l'été et son "affaire", sous les huées de certains députés de la majorité, choqués qu'il ne restât pas discret pendant sa peine de quatre mois de prison avec sursis.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (15 février 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme des retraites 2023 : chemin de Croix à l'Assemblée.
Olivier Dussopt.
Aurore Bergé.

Assemblée Nationale : méthode de voyou !
Sauver nos retraites par répartition.
Réforme des retraites 2023 : le projet du gouvernement est-il amendable ?
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230207-aurore-berge.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/02/15/39814274.html



 

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5 octobre 2022 3 05 /10 /octobre /2022 19:39

« C'est un coup de poignard dans le dos de ces combattantes qu'enfoncent certaines néoféministes en condamnant toute critique du voile au prétexte de ne pas nourrir l'islamophobie. (…) Combien faudra-t-il de morts à Téhéran pour que l'héroïsme des Iraniennes les force à ouvrir les yeux et les oreilles et pour qu'elles cessent de danser le moonwalk de Michael Jackson en faisant semblant de faire avancer la cause des femmes tout en la faisant reculer ? » (Claude Malhuret, le 5 octobre 20220 au Sénat).



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Depuis un mois, de nombreuses manifestations ont lieu en Iran pour s'attaquer à la dictature islamique du Guide suprême. La cause, le catalyseur, a été l'arrestation à Téhéran de la jeune étudiante iranienne d'origine kurde (et sunnite) Masha Amini (22 ans) le 13 septembre 2022 par la police dite des mœurs pour tenue indécente ("port de vêtement inapproprié" : elle portait mal le hijab et avait laissé dépasser une mèche de cheveux).

Le jour même, elle a été conduit à l'hôpital, tombée dans le coma, et elle est morte sans s'être réveillée le 16 septembre 2022, enterrée le lendemain. Selon les autorités iraniennes, elle n'aurait pas été tabassée et serait morte dans la première version d'un problème cardiaque et dans une seconde version d'une maladie au cerveau alors que sa famille a affirmé qu'elle était en excellente santé et qu'elle s'est procurée un scanner faisant état de coups et blessures sur la tête.

Dès le 16 septembre 2022, le peuple iranien s'est mis courageusement à manifester et à protester dans les principales villes iraniennes, en particulier kurdes mais aussi à Téhéran et dans les universités. La police a réprimé violemment les manifestants et entre le 16 septembre et le 2 octobre 2022, l'organisation Iran Human Rights a décompté au moins 92 manifestants iraniens tués. La cible des manifestants est le Guide suprême Ali Khamenei, qui a accusé le 3 octobre 2022 « les États-Unis, le régime sioniste et leurs mercenaires » d'être à l'origine de cette déstabilisation du régime.

Un an après la mort de l'ancien Président Bani Sadr, le peuple iranien et en particulier les femmes iraniennes, se mettent à rêver d'une libéralisation du régime après plus de quarante-trois ans de dictature islamique, tandis que les plus conservateurs du régime avaient gagné l'an dernier l'élection présidentielle avec la victoire du religieux chiite Ebrahim Raïssi, probable successeur du guide de la révolution.

Cette actualité sanglante a ému le monde entier, en particulier en France où des manifestations ont été organisées dans plusieurs grandes villes pour soutenir les femmes iraniennes dans leur liberté de choisir leurs vêtements. Des mobilisations diverses et variées ont eu lieu (en particulier des actrices françaises), et le Sénat a aussi choisi de faire un débat sur le sujet ("Atteintes aux droits des femmes et aux droits de l'homme en Iran") le mercredi 5 octobre 2022 après-midi à l'initiative de son Président, Gérard Larcher.

La séance fut présidée par l'ancien Ministre de la Défense Alain Richard, actuel vice-président du Sénat, et a consisté en des interventions de chaque groupe avec une conclusion prononcée par la Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna qui a résumé l'horreur ainsi : « Une vie détruite. Et pourquoi ? Pour une mèche de cheveux dépassant d'un voile... ».

Parmi les orateurs, il y a eu le sénateur de l'Allier Claude Malhuret, actuel président du groupe Les Indépendants, République et Territoires, ancien Secrétaire d'État chargé des Droits de l'homme entre 1986 et 1988 (le premier du genre), ancien maire de Vichy, ancien président de Médecins sans frontières et cofondateur du site Doctossimo (avec Laurent Alexandre).

Claude Malhuret a le sens de la formule et du mot juste. Il l'a déjà prouvé dans d'autres interventions au Sénat qui sont toujours savoureuses, un brin polémiques certes mais tellement proches de la vérité, en particulier sur la pandémie de covid-19 le 4 mai 2020 et sur le passe vaccinal le 11 janvier 2022.

Soutenant les femmes iraniennes, Claude Malhuret a fustigé les militantes hypocrites qui récupéraient ce combat alors qu'elles défendent le port du voile en France. Comme son intervention a été excellente du début à la fin, je propose ici de la reproduire. La source est le compte rendu intégral des débats du Sénat.

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M. le président (Alain Richard). La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps des dictateurs est revenu. Les démocraties, au terme d'une lutte implacable, avaient vaincu au XXe siècle les deux totalitarismes aux dizaines de millions de morts. Certains les croyaient disparus à jamais.

Sous nos yeux, l'internationale des tyrans se reforme. Le boucher de Moscou, le génocidaire des Ouïghours en Chine, le docteur Folamour de Corée du Nord, le massacreur de femmes de Téhéran et quelques autres se sont regroupés. Leur seul but : se venger, abattre l'Occident, mettre à bas la liberté et, en premier lieu, celle des femmes.

Le pire est que, comme au siècle précédent, ils comptent des alliés dans nos propres pays : les adorateurs de Poutine, indifférents au massacre des Ukrainiens ; les complices de Xi, qui se moquent des Ouïghours et de Taïwan ; les alliés de Khamenei, expliquant, au moment où les Iraniennes meurent, que le voile est seyant ; en un mot, les populistes de tous bords, qui partagent une idée fixe avec les despotes : la haine de la démocratie.

Depuis le début de la révolte en Iran, et jusqu'à la manifestation de dimanche dernier à Paris, ces professionnels de l'indignation, ceux qui battent le pavé chaque semaine pour crier que la police tue ou dénoncer le racisme systémique en France, avaient disparu. Où étaient-ils lors des deux premiers rassemblements en soutien des femmes iraniennes ? En week-end sans doute, comme lors des manifestations pour l'Ukraine ! Leurs comptes Twitter, qui dénoncent chaque jour le patriarcat et l'islamophobie, sont devenus muets : pas un mot de soutien, pas un appel contre la mollarchie et sa police des mœurs ! Pendant qu'à Téhéran, les femmes meurent sous les coups et les balles, ils préfèrent dénoncer le virilisme du barbecue, faire l'éloge d'un gifleur ou juger les harceleurs dans des "comités de transparence", qui sont l'oxymore le plus grotesque inventé depuis la dictature du prolétariat.

Quelques-uns d'entre eux ont réapparu dimanche dernier lors du rassemblement place de la République à Paris. Les Iraniens et les Iraniennes présents leur ont donné une grande leçon de laïcité. En signifiant à Mme Rousseau qu'elle n'était pas la bienvenue, ils ont rendu clair pour tout le monde cette évidence : on ne peut pas en même temps être pour le voile à Paris et défendre celles qui brûlent leur voile à Téhéran. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.) En sifflant Mme Manon Aubry, ils ont signifié qu'un parti ne peut pas marcher avec les islamistes en 2019 et soutenir les victimes de la République islamiste en 2022. En un mot, ils nous ont montré qu'on ne peut à la fois être communautaristes et universalistes : il faut choisir.

En Iran, des femmes risquent leur vie pour se débarrasser du voile. Ici, les intersectionnels le présentent comme une liberté. Écoutons ce que leur répond Chantal de Rudder : "Le voile n'est pas un objet cultuel, mais un objet politique. C'est le produit phare de l'islamisme. Et c'est désormais une affirmation anti-occidentale et antidémocratique".

Ce morceau d'étoffe, Bourguiba l'appelait "l'épouvantable chiffon". Aux naïfs qui croient que se voiler est un choix, aux décoloniaux qui n'ont jamais lu un livre d'histoire, il faut rappeler que la lutte contre le voile n'est pas une oppression néocoloniale : les grands dirigeants musulmans ayant compris que la soumission de la femme était l'une des causes principales du déclin de leur pays l'ont combattu. Atatürk, le premier, l'a interdit dans les années 1920 en Turquie ; puis, ce fut Reza Chah dans les années 1930 en Iran, et Bourguiba plus tard en Tunisie. Nasser, en Égypte, s'en moquait publiquement devant le grand mufti d'al-Azhar.

Ce combat, gagné par eux, a été perdu depuis la révolution islamique de 1979. Les femmes iraniennes reprennent aujourd'hui ce flambeau contre les mollahs, les ayatollahs, les dictateurs, les talibans et leur police des mœurs.

C'est un coup de poignard dans le dos de ces combattantes qu'enfoncent certaines néoféministes en condamnant toute critique du voile au prétexte de ne pas nourrir l'islamophobie. C'est un coup de poignard dans le dos lorsque Sandrine Rousseau déclare que le voile peut être un "embellissement" ou que Rokhaya Diallo ose affirmer : "La liberté peut aussi être dans le hijab".

Combien faudra-t-il de morts à Téhéran pour que l'héroïsme des Iraniennes les force à ouvrir les yeux et les oreilles et pour qu'elles cessent de danser le moonwalk de Michael Jackson en faisant semblant de faire avancer la cause des femmes tout en la faisant reculer ?

Le XXIe siècle s'annonce aussi dangereux que le précédent ; il est temps de s'en rendre compte. Ceux qui croient que nous ne sommes pas en guerre ou qui, pour se rassurer, se forcent à le croire commettent une erreur tragique, car les dictateurs et les ayatollahs, eux, savent qu'ils sont en guerre contre nous.

Puissent les admirables femmes iraniennes, les héroïques soldats ukrainiens et les courageux dissidents chinois nous convaincre de nous rallier à leur cri : "Liberté !" (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Claude Malhuret contre la mollarchie.
Masha Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
L'Iran de Bani Sadr.
De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
Incompréhensions américaines (1) et (2).
Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
Dennis Ross et les Iraniens.
Un émissaire français à Téhéran.
Gérard Araud.
Stanislas de Laboulaye.
Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221005-claude-malhuret.html

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26 juillet 2022 2 26 /07 /juillet /2022 05:12

« Le jour du dépassement mondial, c’est aujourd’hui. Le jour du dépassement pour la France, c’est le 5 mai. Et il ne faudrait pas qu’en communiquant sur le 28 juillet, on se dise : on a finalement que 156 jours de dépassement. Si on vivait tous comme des Français, à l’échelle mondiale, le jour du dépassement serait le 5 mai, je le redis, et il nous faudrait 2,9 planètes. » (Christophe Béchu, le 28 juillet 2022 sur LCI).




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Ce jeudi 28 juillet 2022 est le jour du dépassement de la Terre. C’est un jour de l’année calculé par une ONG américaine, le Global Footprint Network, à partir duquel on a fini de consommer l’ensemble des ressources que la planète est capable de regénérer pendant une année. En quelque sorte, en tant que rentiers de la planète, c’est le jour de l’année à partir duquel on ne vit plus des intérêts (ou des dividendes) mais carrément du capital (qui se réduit donc).

On pourra toujours discuter de la manière de calculer cette date, c’est le rapport entre la biocapacité (capacité de production biologique de la Terre) et l’empreinte écologique de l’humanité. Il y a certainement d’autres méthodes de calcul et, je le répète, ici, tout est discutable dans les détails, mais dans la tendance, cela signifie, et intuitivement, on peut l’imaginer, qu’on dilapide le capital planétaire sans lui permettre de "respirer". C’est une manière de communiquer, on pourrait aussi dire que l’humanité aurait besoin d’environ 1,7 planète comme la Terre pour vivre sans dilapider les ressources naturelles. En d’autres termes, nous, humains, vivons au-dessus de nos moyens. Mais nous le savions déjà.

Notons que cette notion n’a rien à voir avec le bouleversement climatique, enfin, presque rien, puisque la pollution censée engendrer ce bouleversement compte quand même dans la part de dilapidation de la planète. Entre autres effets, les réserves minières en chute libre et la biodiversité en danger.

Ce qui est plus intéressant, car donner cette date de manière brutale n’a pas beaucoup d’intérêt sinon de nourrir l’anxiété déjà bien entretenue des populations sur le devenir de la planète, c’est d’en connaître l’évolution.

La perfection serait que cette date soit le 31 décembre 2022, c’est-à-dire, que pendant toute l’année 2022, l’humanité n’ait dépensé comme ressources planétaires que celles que la planète est capable de reproduire par elle-même, naturellement. Mais le second principe de thermodynamique interdit en fait cette perfection (l’entropie est toujours strictement positive dans la réalité). En 1971, il y a plus de cinquante ans, cette date était le 25 décembre (et en apprenant cela, l’anxiété redouble d’intensité).

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Avec la rationalisation de l’industrie et de l’agriculture, la globalisation des échanges et plus généralement de l’économie, un accroissement de la consommation mondiale (qui, insistons là-dessus, a amélioré les conditions de vie de la plupart des Terriens et qui a fait augmenter leur espérance de vie), cette date n’a jamais cessé (en tendance lourde) de reculer jusqu’à ce 28 juillet 2022. J’indique pour les tendances, car de manière ponctuelle, il peut y avoir quelques exceptions vertueuses, en particulier lors des deux chocs pétroliers (1973 et 1979), la crise financière de 2008 et bien sûr, la crise sanitaire du covid-19 (passage du 29 juillet en 2019 au 22 août en 2020). Les vertus pour les uns (moins de pollution) sont des vices pour les autres (paupérisation, chômage, etc.).

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En 2022, on a eu une toute petite amélioration par rapport à 2021 (30 juillet) en raison de la crise du pétrole et du gaz. Globalement, la plupart des pays savent qu’il faut faire un effort pour préserver la planète, mais cette prise de conscience est rarement suivie d’effets efficaces rapidement. En continuant ainsi, le jour de dépassement serait le 28 juin en 2030.

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Bien entendu, il y a aussi une grande disparité selon les pays. Ainsi, pour prendre deux extrêmes, en 2018, le jour du dépassement était le 9 février pour le Qatar et le 16 décembre pour le Maroc, le 20 décembre pour le Vietnam. On peut aussi, comme je l’ai indiqué plus haut, donner l’information en nombre de Terres qu’il faudrait si toute l’humanité vivait comme le pays donné (il suffit de faire une règle de 3) : pour l’Australie et les États-Unis, il faudrait cinq planètes Terre, tandis que l’Inde ne nécessiterait que 0,6 planète (il n’y aurait donc pas de jour de dépassement). Le problème, c’est que 86% de la population mondiale vit dans des pays qui ont besoin de plus d’une planète. Parmi les pays les plus polluants, on peut citer : la Russie, les États-Unis, le Canada, l’Australie.

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Et la France dans tout cela ? Le jour du dépassement était bien plus tôt que le 28 juillet, le 5 mai 2022 (en 1961, c’était le 30 septembre). Cela signifie qu’il faudrait 2,9 planètes Terre pour pouvoir regénérer les ressources naturelles. Il faut cependant se méfier des chiffres. Si tous les pays se comportaient comme la France, il faudrait certes 2,9 planètes Terre, certes, mais la France n’utilise que 1,8 fois plus que ce que la biocapacité de la France peut lui fournir.

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La France se situe dans la moyenne des pays du même genre, un peu au-dessus du Royaume-Uni, du Japon, de l’Italie et de l’Espagne, un peu en dessous de l’Allemagne, de la Suisse, etc. En 2018, on considérait que la France avait cumulé une dette écologique de 33 ans depuis 1961.

Autre évidence : la France ne représente pas grand-chose par rapport à l’ensemble des autres pays du monde. Par conséquent, si la France seule fait un effort, il n’y aura pas un énorme progrès écologique. C’est donc bien un effort mondial concerté qui est nécessaire, et c’est l’objet des COP.

Depuis 2017, le jour de dépassement s’est stabilisé au 5 mai en France et ne pourrait pas s’améliorer mieux que de quelques jours avec les mesures déjà prises antérieurement. Il faut donc impulser de nouveaux comportements. C’état ainsi l’objet de la présence de Christophe Béchu à la matinale de LCI du 28 juillet 2022.

Christophe Béchu est devenu l’une des figures montantes de la vie politique (il a été longtemps un jeune espoir). Secrétaire général de Horizons, le parti de l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe, depuis le 9 octobre 2021, il est depuis le 4 juillet 2022 l’important Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, succédant à Amélie de Montchalin battue aux dernières législatives, après avoir été nommé Ministre délégué chargé des Collectivités territoriales le 20 mai 2022.

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À 48 ans, Christophe Béchu, avocat de formation, engagé longtemps à l’UMP, est un vieux routier de la vie politique. Conseiller municipal à 21 ans, adjoint et conseiller général à 24 ans, il a été élu à 29 ans le plus jeune président du conseil général (de Maine-et-Loire) de 2004 à 2014. Malgré le soutien de l’ancien maire socialiste Jean Monnier et un accord avec le MoDem, Christophe Béchu a échoué de peu à conquérir la mairie d’Angers en mars 2008 face au maire socialiste sortant. Élu député européen en 2009, conseiller régional des Pays de la Loire de 2010 à 2011, sénateur de 2011 à 2017, il a finalement été élu maire d’Angers en 2014, réélu en 2020, fonction qu’il vient d’abandonner au profit de son ministère. Il a soutenu Alain Juppé à la primaire LR de 2016. S’il n’est pas forcément spécialiste de l’écologie, il connaît parfaitement les problématiques des collectivités territoriales.

Sur LCI, Christophe Béchu s’est montré alarmiste sur le chemin à parcourir, et a affirmé : « Les ONG vous disent : si on prend un certain nombre de mesures fortes, on peut reprendre un mois, à l’échelle de notre pays. ».

Et ces mesures nombreuses, lesquelles sont-elles ? C’est de faire 700 000 rénovations thermiques urbaines par an, c’est de diminuer la part de l’automobile dans les transports, d’augmenter la part des véhicules électriques, augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, de limiter l’étalement urbain, faire 25% de terres bio, de réduire de moitié l’utilisation des pesticides, de manger moins de viande, etc. : « Quand vous mettez tout ça bout à bout (…), on est capable de gagner trente-cinq jours. ».

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Christophe Béchu a rappelé aussi que l’engagement international de la France, ce n’est pas seulement de limiter le déficit à 3% (engagement européen), mais aussi de suivre la trajectoire carbone qui demande de réduire de 55% en 2050 les émissions de carbone par rapport à 1990 : « Le sujet de ce jour du dépassement, c’est qu’il a une vertu énorme : c’est cette capacité pédagogique à faire prendre conscience aux gens de l’importance des efforts collectifs que nous avons à faire. Ce qui nous manque, aujourd’hui, malgré les décisions qui ont été prises, c’est une cohérence dans une trajectoire qui permette d’expliquer aux Français que les choix que nous faisons, que les réorientations que nous décidons, que les décisions politiques que nous prenons, elles visent à diminuer le réchauffement climatique, à reculer le jour du dépassement et à faire en sorte qu’on puisse préserver une planète qui soit davantage viable. ».

Le ministre a conclu sur la nécessaire unité des Français pour adhérer à ces mesures de salubrité planétaire : « Il faut faire attention à ne pas être dans un discours d’ayatollah dans lequel, au motif qu’on a des enjeux monstrueux autour de la transition écologique, on en finirait par considérer que la fin du monde justifierait de ne pas se préoccuper totalement de la fin du mois. Parce que la vérité, c’est que pour enclencher cette transition écologique (…), il faut que tous les Français soient en capacité aussi d’enclencher cela. (…) Toute la difficulté, c’est comment on accompagne les Français les plus fragiles, les plus modestes pour ne pas avoir des explosions de budget qui provoquent aussi des explosions sociales, sans dévier d’une trajectoire dans laquelle nous devons sortir des énergies fossiles. (…) Plus on opposera les deux, plus on risquera de faire de la transition écologique un champ de bataille dans un pays qui a besoin d’apaisement et qui a besoin d’unité surtout sur ce sujet. (…) Il ne faut pas une écologie d’invectives, il ne faut pas une écologie de slogans, il faut une écologie de solutions et d’actions. C’est la raison pour laquelle je suis là. ».

Ceux qui fustigeaient Christophe Béchu parce que son CV ne comportait aucune action écologique particulière vont pouvoir se rendre compte que, la limitation du cumul des mandats aidant, l’ancien maire d’Angers est totalement à fond dans la réalisation de ses objectifs de transition écologique. Sa charge mentale est à 100% sur ce sujet, et il semble avoir la capacité à convaincre les Français que c’est le meilleur chemin à prendre pour préserver l’avenir. Il restera aussi à convaincre un Parlement un peu éclaté et très pollué par des postures politiciennes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 juillet 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Christophe Béchu.
Climatisation : faut-il sanctionner les portes ouvertes ?
Agnès Pannier-Runacher.
Essence : le chèque de 100 euros.
La relance du programme nucléaire.
Heure d’hiver : le dernier changement ?
La preuve par la canicule ?
La COP26.
L’industrie de l’énergie en France.
Le scandale de Volkswagen.







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220728-christophe-bechu.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/07/28/39574358.html






 

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