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4 avril 2024 4 04 /04 /avril /2024 04:39

« Cette expression [mort cérébrale] avait pour but essentiellement que je ne passe pas ce troisième sommet, pour ce qui me concerne, à discuter uniquement des contributions budgétaires des États membres, ce qui fut le cas des deux précédents, de manière quasi-exclusive. Et plutôt de s’interroger, ce qui est, me semble-t-il, notre devoir à l’égard de nos soldats et de nos concitoyens, sur les finalités stratégiques de l’Alliance. Et j’assume d’avoir lancé ce débat. » (Emmanuel Macron, le 4 décembre 2019 à Londres).




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L'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, NATO en anglais) a été fondée il y a 75 ans, le 4 avril 1949. Un certain nombre de pays européens et nord-américains ont signé en effet un traité d'alliance militaire défensive contre toute atteinte à l'intégrité territoriale de l'un d'eux. L'agression militaire contre l'un des membres a pour conséquence la solidarité de ses membres face à cette agression.

Ce type d'alliance n'est pas nouvelle et pendant toute la première moitié du XXe siècle, elle a régi certaines relations entre les pays, même si, finalement, les Accords de Munich ont trahi certaines alliances défensives ( par le lâchage de la Tchécoslovaquie au nom de la supposée "paix"). La guerre de Corée a conduit l'Alliance à créer également un commandement militaire intégré le 19 décembre 1950 (à l'origine, dirigé par le général Dwight Eisenhower), une organisation permanente, assurant ainsi des capacités militaires propres à l'OTAN, ce qui distingue cette alliance des autres alliances défensives dans l'histoire géopolitique, car ce commandement intégré est unique au monde.

Les douze membres fondateurs de l'OTAN sont : les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Italie, le Canada, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, le Luxembourg, le Portugal, la Norvège et l'Islande. L'OTAN s'est ensuite élargie dix fois : le 18 février 1952 avec la Grèce et la Turquie ; le 9 mai 1955 avec l'Allemagne ; le 30 mai 1982 avec l'Espagne ; le 3 octobre 1990 en intégrant l'Allemagne de l'Est lors de la Réunification de l'Allemagne ; le 12 mars 1999 avec la Pologne, la Hongrie et la République tchèque ; le 29 mars 2004 avec la Roumanie, la Bulgarie, la Slovénie, la Slovaquie, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie ; le 1er avril 2009 avec la Croatie et l'Albanie ; le 5 juin 2017 avec le Monténégro ; le 27 mars 2020 avec la Macédoine du Nord ; le 4 avril 2023 avec la Finlande et enfin, le 7 mars 2024, avec la Suède, malgré les réticences de la Turquie et de la Hongrie (les deux derniers élargissements ont été provoqués par la tentative d'invasion des troupes russes en Ukraine).


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Depuis 1950, des troupes américaines stationnent en Europe avec l'accord, évidemment, des pays qui les accueillent, pour assurer la défense de leur territoire. Il y a eu jusqu'à 413 000 soldats américains en 1955, mais depuis la chute de l'URSS, les États-Unis se sont progressivement désengagés du territoire européen, y laissant environ 100 000 soldats en 1995.

Il faut être clair : pendant ces plus de soixante-dix ans de fonctionnement, la plupart des pays européens, et en particulier l'Allemagne, ont sous-traité la défense militaire de leur territoire aux États-Unis. Cet accord tacite permettait aux Américains d'être les gendarmes du monde tout en ayant une influence politique déterminante en Europe de l'Ouest, à l'époque de la guerre froide et du Pacte de Varsovie. Il faut cependant rappeler deux exceptions, le Royaume-Uni et surtout la France qui ont, tous les deux, pris la décision de leur indépendance militaire en développement une force de dissuasion nucléaire indépendante de celle des États-Unis, sans pour autant en faire profiter d'autres pays européens.

La chute de l'URSS a naturellement provoqué l'élargissement de l'OTAN à l'Est, non pas par une volonté hégémonique d'un supposé Occident mythifié, mais en raison de la demande des pays de l'Europe centrale et orientale, très compréhensible car anciennement sous le joug soviétique, qui ont vu leur indépendance avec la Russie et leur sécurité se concrétiser par l'appartenance à cette alliance défensive.

Les rapports entre la France et l'OTAN ont toujours été assez passionnels, du genre : je t'aime, moi non plus. Fiers de leur indépendance, les Français voient d'un œil toujours suspicieux la présence de troupes américaines en Europe, d'autant plus que l'antiaméricanisme, renforcé avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, mais déjà très présent depuis la Libération, notamment par deux motivations plus ou moins complémentaires, l'anticapitalisme (extrême gauche) et l'antisémitisme (plutôt d'extrême droite mais l'extrême gauche y excelle aussi), fait oublier tout ce que les Européens doivent aux troupes américaines aux deux dernières guerres (des cimetières militaires américains rappellent cette histoire).

Le premier moment de désaccord entre la France et l'OTAN concerne la remilitarisation de l'Allemagne. Au début des années 1950, le gouvernement français la refusait absolument pour éviter de recréer une Allemagne militairement puissante, échaudé par les deux précédentes guerres mondiales. Toutefois, les États-Unis voulaient cette remilitarisation, car l'Allemagne, grande puissance économique de l'Europe, devant contribuer elle aussi à la défense européenne (cette exigence a été exprimée dès janvier 1948 par le général Matthew Ridgway qui considérait que sans contribution allemande, l'Europe de l'Ouest ne pourrait pas repousser une agression soviétique).

C'est à cette époque que la tentative de la Communauté Européenne de Défense (CED) a ouvert des perspectives intéressantes : il s'agissait de créer une union de défense principalement autour de la France et de l'Allemagne, permettant d'éviter une militarisation de l'Allemagne. C'était le compromis qu'ont trouvé Robert Schuman (Ministre des Affaires étrangères pendant la moitié de la durée de la Quatrième République) et Jean Monnet avec les États-Unis le 16 septembre 1950. Le projet a abouti à un texte de traité publié le 1er février 1952 approuvé par le Conseil de l'OTAN de Lisbonne et par les six pays européens membres de la CECA. Le Chancelier allemand Konrad Adenauer a accepté ce principe sous la condition que l'Allemagne fédérale retrouvât son entière souveraineté (elle était encore occupée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ; ce furent les Accords de Bonn du 26 mai 1952).

Le Traité de la CED fut finalisé le 27 mai 1952 à Paris, signé notamment par Antoine Pinay, Konrad Adenauer et Alcide De Gasperi, selon les grandes lignes du plan présenté par René Pleven le 8 octobre 1950. Ce projet, qui mettait mal à l'aise toute la classe politique française, a finalement échoué à cause des parlementaires français, sans débat de fond, par l'adoption d'un rejet préalable le 30 août 1954 (par 319 voix contre 264). Le principal argument de la menace communiste avait été réduit par la mort de Staline et la fin de la guerre en Corée. On a reproché à Pierre Mendès France, pas très chaud mais partisan de la CED, d'avoir précipité l'examen de la ratification et de l'avoir involontairement sabordée. Il faut bien se rendre compte que la CED était la première tentative d'union européenne politique bien avant le Traité de Rome, et que c'est Emmanuel Macron qui tente aujourd'hui de reprendre l'initiative sur ce sujet pour faire face au désengagement progressif des États-Unis.

L'échec de la CED a entraîné l'adhésion de l'Allemagne fédérale à l'OTAN le 9 mai 1955 (conformément aux Accords de Paris signés le 23 octobre 1954), ce qui a entraîné la formation du Pacte de Varsovie (mené par l'Union Soviétique) dès le 14 mai 1955. Si la Quatrième République n'a pas su construire une défense européenne (pour l'instant, la Cinquième République non plus), elle a su néanmoins mettre la France sur les rails de l'indépendance nucléaire en amorçant le développement de la force de frappe (par la politique de Félix Gaillard).


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Un autre moment important entre la France et l'OTAN fut en 1966. Le Général De Gaulle, soucieux de l'indépendance de la France et de sa souveraineté, bien qu'elle ait toujours fait partie du camp atlantiste, a annoncé le retrait de la France du commandement intégré de l'OTAN lors de sa conférence de presse du 21 février 1966 (il en a averti le Président américain par une lettre du 7 mars 1966).

De Gaulle avait soutenu sans faille les États-Unis lors de la crise des missiles à Cuba. Au conseil des ministres du 14 octobre 1962, il avait en effet déclaré : « Les répercussions [de la crise de Cuba] sur la sécurité européennes sont évidentes. Si les Américains cédaient sur Cuba, il faudrait céder sur Berlin. Là, ce serait une décision à prendre entre alliés. Si les intérêts de la France sont respectés en Europe comme nous aurons respecté ceux des États-Unis en Amérique, nous ne sortirons pas de l'OTAN. (…) Nous n'avons pas à participer au blocus de Cuba. Mais si la sécurité de l'Europe est en cause, ce qui est probable, nous agirons aux côtés de nos alliés. Si c'est la guerre, nous la ferons aux côtés des Américains. ».

Mais revenons à la sortie du commandement intégré de l'OTAN. À mon humble avis, cette demi-mesure fut une erreur : soit il voulait montrer une indépendance totale et il aurait dû quitter l'OTAN elle-même, soit il trouvait d'autres voies diplomatiques pour exprimer ses réserves de souveraineté. C'était d'autant une erreur que la France bénéficiait d'accueillir le siège de ce commandement intégré, à Paris, et qu'il a dû donc être transféré à Bruxelles. De plus, la France, par la suite, a participé à de nombreuses interventions militaires de l'OTAN (notamment dans l'ex-Yougoslavie, en Afghanistan et en Afrique) mais n'avait pas accès au commandement intégré, ce qui réduisait beaucoup plus sa souveraineté que si elle avait eu droit de participer aux décisions opérationnelles. Le Président Nicolas Sarkozy a annoncé la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN le 7 novembre 2007 au Congrès américain à Washington, effective au Sommet de l'OTAN à Strasbourg-Kehl le 3 et 4 avril 2009 (après un vote par les députés français le 17 mars 2009) : « La France reprend donc toute sa place dans l'Alliance parce que la position de la France n'était plus comprise. Nous sommes de la famille, nous sommes dans la famille. Nous sommes des alliés, nous sommes des amis. Nous avons nos convictions, nous voulons être des alliés et des amis debout. ».

Il faut rappeler le premier argument de De Gaulle pour quitter le commandement intégré : « En raison de l'évolution intérieure et extérieure des pays de l'Est, le monde occidental n'est plus aujourd'hui menacé comme il l'était à l'époque où le protectorat américain fut organisé en Europe sous le couvert de l'OTAN. ». De Gaulle en a exposé cinq, en tout, dont deux en rapport avec le développement de l'arme nucléaire. La plupart de ses arguments étaient avant tout des arguments pragmatiques et si les conditions venaient à changer, De Gaulle aurait probablement changer aussi d'avis. Seul, le dernier avait valeur idéologique : « La volonté qu'a la France de disposer d'elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire en son propre rôle et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée. (…) Au total, il s'agit de rétablir une situation normale de souveraineté, dans laquelle ce qui est français, en fait de sol, de ciel, de mer et de forces, et tout élément étranger qui se trouverait en France, ne relèveront plus que des seules autorités françaises. C'est dire qu'il s'agit là, non point du tout d'une rupture, mais d'une nécessaire adaptation. ». Plus tard, le 13 octobre 1965, De Gaulle a confié à Alain Peyrefitte : « L'Alliance est souhaitable tant qu'une menace subsiste à l'Est ! L'Alliance, oui, mais pas l'OTAN, pas l'organisation militaire intégrée aux ordres des Américains. ».

Dans une tribune publiée dans "Le Monde" du 19 avril 1991, le gaulliste François Fillon, qui était déjà un bon connaisseur des affaires de défense comme président de la commission de la défense à l'Assemblée Nationale entre 1986 et 1988, a évoqué l'OTAN ainsi : « La France aurait intérêt à placer ses alliés au pied du mur en proposant une véritable européanisation de l'alliance atlantique, en concurrence avec l'actuel projet de simple replâtrage de l'OTAN sous leadership stratégique américain. Le plan mis en avant poserait clairement les conditions dans lesquelles nous serions prêts à participer pleinement à une OTAN repensée : retour à l'esprit du traité de 1949, prééminence des organes de décision politiques sur la structure militaire, européanisation de tous les commandements, y compris le poste suprême, adoption d'une stratégie nucléaire clairement dissuasive rejetant tout concept de bataille, même conventionnelle, enfin coopération et interopérabilité des forces plutôt que leur fusion. ».

Nicolas Sarkozy, quant à lui, a développé une réflexion plutôt de simple retour. Pendant sa campagne présidentielle, le 7 mars 2007 à La Défense, il a déclaré : « Ce serait enfin une erreur d'opposer la politique européenne de défense à l'Alliance atlantique, alors même que l'Union Européenne et l'OTAN sont deux organisations plus complémentaires que concurrentes. En revanche, nous devons veiller avec nos partenaires européens à ce que l'OTAN n'évolue pas, comme sembleraient le souhaiter les États-Unis, vers une organisation mondiale effectuant des missions aux confins de l'humanitaire, du militaire et des activités de police internationale. L'OTAN n'a pas vocation à se substituer à l'ONU. Elle doit conserver un ancrage géopolitique clair en Europe et une vocation strictement militaire. ».


Une fois élu Président de la République, il a répété cette doctrine devant les ambassadeurs de France le 19 août 2007 : « Opposer l’Union à l’Otan n’a pas de sens : nous avons besoin des deux. Mieux : je suis convaincu qu’il est dans l’intérêt bien compris des États-Unis que l’Union Européenne rassemble ses forces, rationalise ses capacités, bref organise sa défense. Nous devons progresser avec pragmatisme, avec ambition, sans a priori idéologique, avec pour principal souci la sécurité du monde occidental. Parce que les deux mouvements sont complémentaires, je souhaite que dans les prochains mois nous avancions de front vers le renforcement de l’Europe de la défense et vers la rénovation de l’OTAN et de sa relation avec la France. ». Et la confirmation devant le Congrès américain le 7 novembre 2007 : « Je le dis à la tribune de ce Congrès : plus l'Europe de la défense sera aboutie, plus la France sera résolue à reprendre toute sa place dans l'OTAN. Je souhaite que la France, membre fondateur de notre Alliance et qui est déjà l'un de ses premiers contributeurs, prenne toute sa place dans l'effort de rénovation de ses instruments et de ses moyens d'action, et fasse évoluer dans ce contexte sa relation avec l'Alliance en parallèle avec l'évolution et le renforcement de l'Europe de la défense. Le temps n'est plus aux querelles théologiques, nous n'avons plus le temps ! Le temps est à des réponses pragmatiques pour rendre les outils de notre sécurité plus efficaces et plus opérationnels face aux crises. L'Union Européenne et l'Alliance doivent marcher la main dans la main. Notre devoir est de protéger nos concitoyens, nous les protégerons ensemble, une Europe de la défense crédible et forte au sein d'une Alliance rénovée. ». Et au Sommet de l'OTAN à Bucarest, le 3 avril 2008, Nicolas Sarkozy était déjà l'un des promoteurs du "en même temps" : « Laissons cheminer l'Europe de la défense, et nous continuerons à cheminer vers l'OTAN. Je le redis, ce sont les deux en même temps, pas l'un ou l'autre, attendons le sommet [de Strasbourg-Kehl]. ».

Devenu Premier Ministre, François Fillon a confirmé l'évolution de la position française sur l'OTAN lors de l'examen d'une motion de censure le 17 mars 2009 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale : « Quatre événements nous poussent à réinvestir l'OTAN : premièrement, la Présidence française de l'Union Européenne, qui a redonné du sens à l'action politique et à l'autonomie diplomatique de l'Europe, comme l'a montré la crise géorgienne ; deuxièmement, l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui doit servir de levier pour accentuer l'efficacité et le rayonnement de l'Union Européenne ; troisièmement, l'arrivée d'une nouvelle administration américaine, dont il faut saisir au plus vite les potentialités, avant que les habitudes ne reprennent le dessus ; quatrièmement, la redéfinition du concept stratégique de l'OTAN, qui date de 1999. (…) L'OTAN doit d'abord être un instrument de défense destiné à la protection de ses membres. Elle doit être avant tout une alliance militaire, fondée sur des valeurs communes, et non une sorte de fer de lance occidental agissant partout et sur tout. (…) Nous voulons stopper ce jeu à somme nulle qui consistait à monter l'Europe de la défense contre l'OTAN et l'OTAN contre l'Europe de la défense. Nous voulons sortir l'Europe de cette impasse en allant convaincre nos partenaires là où ils sont, c'est-à-dire à l'OTAN ! Et il est difficile de dire (…) que notre pleine participation à l’OTAN va affaiblir l’Europe de la défense alors même que l’ensemble des pays de l’Union Européenne salue la décision que nous venons de prendre. ».

Ancienne Ministre de la Défense pendant cinq ans, Michèle Alliot-Marie expliquait aussi dans une tribune publiée dans "Le Figaro" le 18 février 2009 : « Dans le commandement de l'OTAN, la France élargira sa capacité d'action sur le plan militaire et diplomatique, elle aura les moyens de peser plus sur les choix stratégiques. En participant à toutes les structures, il devient possible d'exercer une réelle influence non plus seulement sur les décisions, mais aussi et surtout sur la conduite des opérations. Notre vision, notre savoir-faire dans le rapport aux populations, ce que nos alliés appellent la "French touch", pourra être prise en compte en amont et dans le déroulement de toute intervention. Nos responsabilités seront ainsi davantage en conformité avec la réalité des moyens militaires que nous déployons. ». Elle affirmait aussi la raison de la sortie du commandement intégré en 1966 : « Entre 1958 et 1966, la France gaulliste y participait donc. Pourquoi l'avoir quitté ? Essentiellement pour préserver notre pleine autonomie sur le programme nucléaire naissant, gage de notre indépendance. Aujourd'hui, la force de dissuasion nucléaire française existe et, à la différence de 1966, nous pouvons participer au commandement militaire sans renoncer en rien à notre souveraineté entière sur l'arme nucléaire. ».

L'élection de Donald Trump à la Maison-Blanche en novembre 2016 a changé l'OTAN pratiquement autant que, plus tard, l'agression des troupes russes en Ukraine. En effet, adepte de la tradition isolationniste des États-Unis, Donald Trump s'est focalisé sur les coûts de l'OTAN, énormes pour les États-Unis et il voulait que les pays européen contribuassent plus pour leur défense. De quoi inquiéter la Chancelière allemande Angela Merkel au Sommet de l'OTAN à Bruxelles les 11 et 12 juillet 2018 : « Ce que nous avons considéré comme tout à fait naturel pendant de nombreuses décennies, à savoir que les États-Unis se voient comme le garant de l'ordre dans le monde entier (…), n'est plus aussi certain pour l'avenir. ».

Mais la position de la Turquie du Président Erdogan n'était plus non plus tout à fait claire (avec son intervention en Syrie mais aussi, plus tard, en Grèce), ce qui renforçait le diagnostic avec le Président français Emmanuel Macron, mais dans des termes plus éloquents. Avant le Sommet de l'OTAN à Londres les 3 et 4 décembre 2019, Emmanuel Macron a en effet balancé dans une interview à "The Economist" le 7 novembre 2019 : « Ce qu’on est en train de vivre, c’est pour moi la mort cérébrale de l’OTAN. Nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’OTAN qui est la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination. Il n’y a pas eu de planification ni de coordination par l’OTAN. Il n’y a même pas eu de déconfliction par l’OTAN. ». Le Président français a ensuite reçu à l'Élysée le Secrétaire Général de l'OTAN Jens Stoltenberg le 28 novembre 2019. À cours d'une conférence de presse commune, Emmanuel Macron a déclaré : « J’assume totalement d’avoir levé les ambiguïtés (…). Il fallait peut-être un “wake-up call” ! ».

Aujourd'hui Joe Biden est à la Maison-Blanche et soutient l'effort de défense européenne comme le voudrait la tradition atlantiste. Mais les perspectives d'une élection nouvelle de Donald Trump à la Maison-Blanche en novembre 2024 inquiète de nouveau les partenaires européens dans un contexte de guerre en Ukraine et de tensions très fortes avec Vladimir Poutine. Plus que jamais, la création d'une armée européenne est une nécessité géopolitique. L'Europe doit pouvoir être défendue quels que soient les aléas électoraux des États-Unis. Pour retrouver cette souveraineté européenne, l'Europe doit former l'Europe de la défense qui n'a été, jusqu'à maintenant, qu'une belle mais vaine expression.

L'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie ont demandé leur adhésion à l'OTAN, preuve, s'il le faut, que cette alliance défensive est leur seul garant de la protection de leur territoire face aux visées expansionnistes de Vladimir Poutine. Pour les Pays Baltes, la Pologne et la Roumanie, ils sont déjà membres de l'OTAN et sont donc plus assurés du soutien militaire des États-Unis.

Actuellement, l'OTAN a quatre fois plus de chars que la Russie, trois fois plus de sous-marins, quatre fois plus d'hélicoptères, six fois plus de blindés, huit fois plus d'avions, près de cinq fois plus de navires, trois fois plus de chasseurs, quatre fois plus de canons, et seize porte-avions (contre zéro). L'OTAN est vingt fois plus puissante que la Russie, avec 3,2 millions de soldats face à 1,2 million de soldats russes. L'OTAN n'a donc pas à craindre militairement la Russie, mais elle peut craindre le désengagement des Américains qui concentrent la plus grosse partie de cette puissance.


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En 2023, les États-Unis étaient les plus gros contributeurs avec un budget de la défense de 860 milliards de dollars (3,5% du PIB) devant l'Allemagne 68 milliards de dollars (1,6% du PIB), le Royaume-Uni 66 milliards de dollars (2,1% du PIB), la France 57 milliards de dollars (1,9% du PIB), etc. Consciente de son voisin russe, la Pologne dépensait 29 milliards de dollars (3,9% du PIB) en 2023.

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Le dernier Sommet de l'OTAN a eu lieu à Vilnius, en Lituanie, les 11 et 12 juillet 2023. À cette occasion, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a été invité et a demandé une adhésion qu'il n'était pas possible d'accepter tant que l'Ukraine était en guerre (en raison de la solidarité défensive). Dans une sorte de délire paranoïaque téléguidée par un refus d'un modèle ukrainien de démocratie, Vladimir Poutine a axé la motivation de son agression contre l'Ukraine dans un contexte d'une supposée agression de l'OTAN contre la Russie, ce qui est totalement faux.

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Au contraire, jusqu'en 2022, l'OTAN était en "mort cérébrale" car les États-Unis se redéployaient dans le Pacifique avec la défense de Taïwan face à la Chine. La guerre en Ukraine a réveillé l'Europe sur le besoin de se défendre par elle-même, alors que les budgets publics déficitaires avaient rogné depuis une trentaine d'années tous les budgets de la défense (l'armée ne râlant jamais). Non seulement Emmanuel Macron a tenté d'éveiller les consciences en parlant de "mort cérébrale", mais il a renforcé le budget de la défense de la France dès 2017, puis avec une loi de programmation militaire, ce qui est inédit dans l'histoire de notre République. Au lieu de laisser l'OTAN s'endormir tranquillement d'une sédation définitive, Vladimir Poutine l'a réveillée si bien que même deux pays dont la neutralité faisait partie de leurs fondamentaux ont adhéré à l'OTAN, la Finlande et la Suède. Aujourd'hui, la position géostratégique de la Russie est en plus mauvaise posture qu'au début de l'année 2022 ; l'OTAN renaît !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
75 ans de l'OTAN : retour sur les relations tumultueuses avec la France.
Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.


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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240404-otan.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/75-ans-de-l-otan-retour-sur-les-253635


 

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3 décembre 2022 6 03 /12 /décembre /2022 04:02

« Les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain en France ont été inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. » (Communiqué de l'UNESCO du 30 novembre 2022).




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Les boulangers français sont contents : leur gagne-pain et leur art sont reconnus comme un bien culturel parmi les plus précieux de la planète. Autrement dit, la baguette de pain est un produit spécifique, particulier qu'il s'agit de protéger dans les temps futurs.

L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), une émanation de l'ONU, a donc statué positivement sur la candidature de la baguette de pain : « La baguette implique des savoir-faire et des techniques particuliers : elle est cuite tout au long de la journée dans de petites fournées et le résultat varie en fonction de la température et de l’hygrométrie. Elle génère des modes de consommation et des pratiques sociales qui la différencient des autres pains : un achat journalier à l’origine de la fréquentation régulière des boulangeries ; une forme longue qui nécessite des présentoirs spécifiques. Sa croustillance et son moelleux offrent une expérience sensorielle particulière. ».

Il suffit de voyager de temps à temps à l'étranger, même dans des pays proches de la France (limitrophes) pour s'apercevoir que la baguette de pain est un bien unique en France et qu'elle manque à l'étranger. C'est aussi l'exotisme des voyages à l'étranger, ne plus avoir sa baguette croustillante à côté de son assiette. Les voyageurs savent donc bien que la baguette est unique et particulière, spécifique à la France. C'est d'ailleurs étrange qu'il n'y ait pas plus de boulangers français à l'étranger. On serait donc tenté de crier cocorico ! Du pain et des jeux.

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L'UNESCO a insisté sur l'aspect traditionnel et culturel : « Le procédé de fabrication traditionnel comprend plusieurs étapes : dosage et pesage des ingrédients, pétrissage, fermentation, division, détente, façonnage manuel, apprêt, scarification (signature du boulanger) et cuisson. La baguette se distingue des autres pains car elle est composée de seulement quatre ingrédients (farine, eau, sel, levure et/ou levain) à partir desquels chaque boulanger obtient un produit unique. ».

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Bon, on pourrait croire que c'est une arnaque intellectuelle, car cette inscription sur cette liste, si je puis faire ce jeu de mot, ne mange pas de pain ! Protéger un patrimoine matériel, physique, son inscription parmi le patrimoine mondial de l'humanité, cela a un sens car elle permet de débloquer des fonds, des crédits, des subventions, etc. pour la restauration ou la rénovation de ce bien. Mais pour les biens immatériels, c'est-à-dire des procédés, des transformations, à quoi cela peut-il bien servir à part faire accroître sa notoriété internationale ?

Dès 1972, année d'adoption de la Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, certains pays ont fait remarquer qu'il existait aussi un patrimoine non physique, appelé patrimoine immatériel. Progressivement, certains programmes se sont rapprochés du patrimoine immatériel. Le 15 novembre 1989, une "recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire" a été adoptée à Paris. En 1993, c'est le programme des "trésors humains vivants" qui a été proposée par la Corée du Sud, afin de créer une seconde liste, celle-ci du patrimoine immatériel qui serait confiée à un comité chargé de les sélectionner.

Si ce dernier programme n'a finalement pas été retenu, le programme de la "proclamation des chefs-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité" a été lancé en 1997, en reprenant la définition incluse dans la recommandation de 1989 : « l'ensemble des créations émanant d'une communauté culturelle fondées sur la tradition, exprimées par un groupe ou par des individus et reconnues comme répondant aux attentes de la communauté en tant qu'expression de l'identité culturelle et sociale de celle-ci, les normes et valeurs se transmettant oralement, par l'imitation ou par d'autres manières. Ses formes comprennent, entre autres, la langues, la littérature, la musique, la danse, les jeux, la mythologie, les rites, les coutumes, l'artisanat, l'architecture et d'autres arts. ».

L'objectif était clairement énoncé : « encourager les gouvernements, les ONG et les communautés locales à entreprendre des actions d'identification, de préservation et de mise en valeur de leur patrimoine oral et immatériel ».

Quelques années plus tard, la définition a été modifiée et fut adoptée avec la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel le 17 octobre 2003 (mise en application à partir du 20 avril 2006 selon son article 34). En 2015, 163 États avaient ratifié cette convention. Pour que la candidature soit acceptée, il faut que le patrimoine ait une "valeur exceptionnelle", qu'il soit "enraciné dans la tradition", qu'il puisse "affirmer l'identité culturelle des communautés concernées", qu'il fasse preuve de "l'excellence de la mise en œuvre d'un savoir-faire", qu'il illustre une "tradition culturelle vivante" ou qu'il puisse être "menacé de dégradation ou de disparition".

Le Comité du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO, qui a accordé à la baguette de pain le statut de patrimoine culturel immatériel de l'humanité, s'est réuni à Rabat entre le 28 novembre et 3 décembre 2022 pour examiner 56 candidatures d'inscription à la liste dans laquelle plus de 500 éléments ont été enregistrés.

Une vingtaine d'inscriptions ont déjà été validées en cette session de 2022, des pratiques aussi diverses que "la Semaine sainte au Guatemala", la "transformation du thé" en Chine, "les fêtes de l'ours dans les Pyrénées", "la sonnerie manuelle des cloches" en Espagne, "la pratique de la danse moderne en Allemagne", "la culture du café Khawlani" en Arabie Saoudite, "la coutume du raengmyon de Pyongyang" en Corée du Nord, "la fabrication et la pratique de l'oud" en Iran, etc.

Et pour le moment, 5 inscriptions ont été validées en 2022 dans la "liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente", parmi lesquelles "la xhubleta" en Albanie, "la culture de la préparation du bortsch ukrainien" en Ukraine et "l'art de la poterie du peuple Cham" au Vietnam. Précisons que pour être inscrite sur ces listes, la pratique culturelle en question doit être candidate.

Comme on le voit, il y en a pour tous les peuples, afin qu'aucun ne soit lésé. C'est une liste à la Prévert. On pourrait imaginer que c'est ce qu'on emporterait avec soi dans la grande arche de Noé. Selon la définition de ce patrimoine immatériel, il ne serait donc pas surprenant que la corrida soit inscrite dans une telle liste, celle "nécessitant une sauvegarde urgente", étant donné la propension de nombreux peuples à vouloir légiférer dans le sens de son interdiction.


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Sylvain Rakotoarison (02 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


(Les dessins proviennent de "Superdupont" par Gotlib, Lob et Alexis).


Pour aller plus loin :
La baguette magique.
Le Black Friday.
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Essence : le chèque de 100 euros.
Heure d’hiver : le dernier changement ?
L’industrie de l’énergie en France.
Le scandale de Volkswagen.
Le Jour du Seigneur.
L'aspirine, même destin que les lasagnes ?
Le Plan France 2030 qui prépare l’avenir des Français.
Le plan quantique en France.
Jouer avec les Lego.
Xi Jinping et la mondialisation.
La génération du baby-boom.
La réforme des sociétés anonymes.
L’investissement productif en France.
La France est-elle un pays libéral ?
La concurrence internationale.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221130-baguette-de-pain.html

https://www.agoravox.fr/spip.php?page=auteur&id_auteur=12866&c=nbv

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10 janvier 2020 5 10 /01 /janvier /2020 03:44

« Pas d’harmonie sans l’ordre, pas d’ordre sans la paix, pas de paix sans la liberté, pas de liberté sans la justice. » (Léon Bourgeois, 1909).



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Hommage à une grande dame. Ah, c’était l’objet de dérision, de moquerie, on avait bien ri de la SDN, cette Société des Nations si impuissante à résister aux flots des populismes et des extrémismes. Même les enfants connaissaient ce machin grâce à "Tintin et le Lotus bleu" dans lequel on voit le représentant du Japon quitter avec colère la SDN (j’ai mis au passé car je ne sais plus si les enfants lisent encore vraiment Tintin de nos jours).

Née des ruines de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations est née il y a cent ans, le 10 janvier 1920. Elle est l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui lui a succédé après la Seconde Guerre mondiale. Le fait qu’elle n’a pas empêché l’éclatement de cette Seconde Guerre mondiale a placé la SDN dans les oubliettes de l’Histoire, dans la catégorie des "Belles idées", pas loin du tiroir "Utopies du XXe siècle".

Paradoxalement, son concept fut présenté par un Président des États-Unis, c’était en effet le quatorzième des "Quatorze points" énoncés devant le Congrès américain le 8 janvier 1918 par le Président Woodrow Wilson qui fut à la base de la SDN : « Une association générale des nations doit être constituée sous des alliances spécifiques ayant pour objet d’offrir des garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégrité territoriale aux petits comme aux grands États. ».

La création de la SDN fut ainsi incluse dans le Traité de Versailles signé le 28 juin 1919, après que ce choix fut validé le 25 janvier 1919 par les participants à la conférence de paix (présidée par Clemenceau). SDN, en anglais, se dit : "League of Nations" et "Volkerbund" en allemand. On aurait pu aussi l’appeler la communauté paisible des nations…

Mais le Sénat américain a refusé deux fois de ratifier ce traité (le 19 novembre 1919 et le 19 mars 1920), si bien que les États-Unis n’ont jamais été un membre de la SDN. Le siège fut choisi le 28 avril 1919 à Genève, ville internationale dans un pays neutre, la Suisse. Cette ville était déjà le siège de Conférences mondiales pour la paix au XIXe siècle.

L’idée avait germé dès 1915 aux États-Unis à la suite de l’échec des conférences de paix de La Haye (sa troisième aurait dû se dérouler en 1915 et n’avait pu prévenir la guerre), et Woodrow Wilson restait convaincu que les causes de la Première Guerre mondiale étaient la conséquence directe des diplomaties secrètes. Organiser les relations internationales lui paraissait ainsi un impératif pour la paix.

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Un autre père de la SDN fut le Français Léon Bourgeois (1851-1925), qui fut un homme politique radical, plusieurs fois ministre et même chef du gouvernement du 1er novembre 1895 au 22 avril 1896, et qui a eu l’occasion de présider chacune des deux assemblées parlementaires. Il fut le délégué de la France aux deux Conférences de la paix à La Haye en 1899 et en 1907 (qu’il a présidées) et il avait théorisé durant ces années d’avant-guerre l’idée d’un rassemblement des nations avec deux notions : le désarmement et l’arbitrage pour régler pacifiquement un conflit. Il fut d’ailleurs lauréat du Prix Nobel de la Paix en 1920 pour sa contribution à la création de la SDN (Woodrow Wilson fut lui aussi lauréat du Prix Nobel de la Paix en 1919 pour la même raison, la création de la SDN).

La mission centrale de la Société des Nations fut de préserver la paix mondiale en résolvant les conflits par la négociation et l’arbitrage. Le français et l’anglais furent les deux langues de travail de la SDN à Genève. La Chartre de la SDN (Pacte de la Société des Nations) fut rédigée du 3 février 1919 au 11 avril 1919 (au Crillon à Paris) et fut signée le 28 juin 1919, à l’origine par 45 États dont 26 non européens. Ce nombre est monté jusqu’à 57. Trois objectifs : l’abolition de la diplomatie secrète, le respect du droit international et l’arbitrage comme méthode de résolution des conflits. La mise en application fut fixée au 10 janvier 1920. Il y a eu aussi l’attribution de "mandats", principalement à la France et au Royaume-Uni pour des territoires de l’ancien Empire ottoman et des anciennes colonies allemandes. Le partage du Proche-Orient fut le germe d’autres conflits après la Seconde Guerre mondiale (Liban, Syrie, Irak, Palestine, etc.).

Cette Chartre commence ainsi : « Considérant que, pour développer la coopération entre les nations et pour leur garantir la paix et la sûreté, il importe d’accepter certaines obligations de ne pas recourir à la guerre, d’entretenir au grand jour des relations internationales fondées sur la justice et l’honneur, d’observer rigoureusement les prescriptions du droit international, reconnues désormais comme règle de conduite effective des gouvernements, de faire régner la justice et de respecter scrupuleusement toutes les obligations des traités dans les rapports mutuels des peuples organisés, adoptent le présent pacte qui institue la Société des Nations. ».

La SDN fut composée de l’Assemblée qui réunit tous les représentants des États membres, le Conseil qui est constitué par cinq membres permanents (le Royaume-Uni, la France, l’Italie, le Japon et la Chine ; la République de Weimar, qui était l’Allemagne d’entre-deux-guerres, fut le sixième membre permanent du Conseil le 8 septembre 1926) et neuf autres non permanents désignés par l’Assemblée (à l’origine, entre 1922 et 1926, il n’y a eu que six membres non permanents), du Secrétariat dirigé par le Secrétaire Général, qui dirige le personnel de la SDN et qui a une fonction exécutive (en 1930, la SDN employait 670 personnes de 51 États), enfin la Cour permanente internationale de justice de La Haye (créée en 1922) pour juger des affaires à l’issue d’une guerre (cette cour avait été pensée aux conférences de La Haye de 1899 et 1907).

Comme on le voit, les institutions de l’ONU ont été calquées sur celles de la SDN. C’était la conception française qui privilégiait la création d’organes et de structures, tandis que la conception anglo-saxonne préférait des cadres plus informels.

La première réunion de la SDN a eu lieu le 10 janvier 1920 à Londres et a ratifié le Traité de Versailles. La première séance de l’Assemblée générale de la SDN a eu lieu le 15 novembre 1920 à Genève avec 41 membres. Le nombre de membres a atteint 60 du 28 septembre 1934 au 26 mars 1935. Léon Bourgeois présida la première réunion du Conseil de la SDN le 16 janvier 1920 à Paris, ainsi que celle du 13 mars 1920 à Paris, celle des 9 au 11 avril 1929 à Paris et celle des 16 au 20 septembre 1920 à Paris.

D’autres réunions furent présidées par des Français lorsque le conseil était réuni à Paris ou à Genève, en particulier René Viviani du 29 janvier 1923 au 3 février 1923 à Paris, Paul Painlevé du 2 au 28 septembre 1925 à Genève, Aristide Briand du 26 au 30 octobre 1925 à Paris et du 10 au 15 décembre 1928 à Lugano, et plus tard encore, Joseph Paul-Boncour, André Tardieu et Yvon Delbos. Léon Bourgeois présida aussi l’Assemblée générale de la SDN en 1920 (ce fut le premier Président de cette assemblée), généralement le président change à chaque rentrée de septembre (comme pour l’ONU plus tard). En tout, il y a eu 107 sessions publiques entre 1920 et 1939.

Un autre Français très impliqué dans la SDN fut le deuxième Secrétaire Général de la SDN (il y en a eu seulement trois en tout), le diplomate Joseph Avenol (1879-1952), en fonction du 3 juillet 1933 au 31 août 1940, dont le nom n’a pas franchi les barrières de la postérité parce qu’il était partisan de la conciliation avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, puis, il était favorable au régime de Vichy. Sa gestion fut pitoyable (après ses fonctions à la SDN, il proposa d’intégrer le gouvernement de Vichy, ce qui lui fut refusé, puis, en 1943, il s’exila prudemment en Suisse où il séjourna jusqu’à sa mort).

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La composition de la SDN a souvent changé, en fonction du retrait ou du retour de certains pays. Le 27 mars 133, le Japon a claqué la porte de la SDN après la condamnation de l’invasion de la Mandchourie, l’Allemagne nazie a fait de même le 21 octobre 1933, l’Italie fasciste le 11 décembre 1937, ces trois membres étant membres permanents du Conseil. L’URSS a adhéré le 18 septembre 1934 mais en fut exclue le 14 décembre 1939. Le dernier État à avoir adhéré fut l’Égypte le 26 mai 1937. La SDN fut officiellement dissoute le 20 avril 1946.

La réputation de la SDN reste mauvaise en raison de son incapacité à empêcher la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, il y a eu quelques réussites (certains problèmes ont été résolus grâce à la SDN). La principale source d’impuissance fut qu’il fallait l’unanimité pour prendre une décision (l’ONU reste dans une règle majoritaire avec droit de veto pour les membres permanents, ce qui finalement, revient presque au même). Une autre faille a été que la SDN fermait les yeux sur les décisions des grandes puissances (y compris la France avec l’occupation illégale de la Ruhr, ou l’Italie avec l’invasion de l’Éthiopie). Enfin, l’absence des États-Unis, pourtant "l’âme" de cette nouvelle organisation internationale, a fait qu’il manquait le pays pivot qui est devenu plus tard le "gendarme" du monde (que l’on considère cela de manière positive ou négative).

Les handicaps de la SDN furent analysés et très tôt avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Président Franklin Roosevelt a réfléchi pour créer une nouvelle structure plus efficace, qui fut l’ONU avec pour siège New York, loin des instabilités européennes. L’une a eu seulement un quart de siècle, l’autre déjà trois quarts de siècle.

L’importance du multilatéralisme n’est plus à démontrer, non seulement pour éteindre des conflits qui pourraient s’aggraver, mais pour d’autres sujets d’enjeu mondial, comme la transition climatique. L’exploitation rationnelle et raisonnable des ressources de la planète, et en premier lieu les ressources énergétiques, nécessite une véritable concertation mondiale. Cela n’a pas empêché des guerres, mais pour l’instant, elles ont toujours étaient circonscrites et jamais mondialisées. La SDN, avec tous ses organes institutionnels et ses agences, fut ainsi la précurseure de ce dialogue mondial désormais permanent.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 janvier 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La Société des Nations (SDN).
Les 70 ans d’Israël.
Le Pacte germano-soviétique.
Les Accords de Munich.
Le Pacte Briand-Kellogg.
Le krach de 1929, de sinistre mémoire…
Le péché originel de la République de Weimar.
Le Traité de Versailles.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200110-sdn.html

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27 août 2019 2 27 /08 /août /2019 03:51

« Tous nos défis sont mondiaux (…), tout cela, nous ne les réglerons qu’à l’échelle de la planète, de manière multilatérale. [Sinon], nous laissons la loi du plus fort l’emporter. (…) C’est [la règle du droit] qui nous a faits, c’est cela qui construit la paix dans la durée. (…) Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin du multilatéralisme (…). C’est la règle du droit, c’est l’échange entre les peuples, c’est l’égalité de chacune et chacun d’entre nous, c’est ce qui permet de construire la paix et de relever chacun de nos défis. » (Emmanuel Macron, à l’ONU le 19 septembre 2017).



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Parce que personne n’attendait plus rien du G7, le Sommet de Biarritz réunissant les chefs d’État et de gouvernement de pays produisant 40% du PIB mondial du 24 au 26 août 2019 a été une grande réussite. Ceux qui affichent volontiers un supposé patriotisme, un supposé amour de la France (mais qui ne cessent de dénigrer la France d’aujourd’hui) devraient être fiers d’avoir Emmanuel Macron comme Président de la République. Avec lui, c’est bien la voix de la France qui est audible sur toute la planète. La grandeur d’un pays se mesure aussi par le volontarisme politique de ses dirigeants.

On pourra toujours pérorer sur le contraste entre les mots et les faits, sur l’image et la réalité de ce sommet. La réalité, c’est que la diplomatie se nourrit de mots et d’images, et c’est pour cela que ce sommet a été un succès, et en particulier, évidemment, un succès pour le Président français Emmanuel Macron qui présidait ce G7 à Biarritz.

L’une des grandes réussites de ce sommet, c’est le retour du multilatéralisme. Depuis plusieurs années, les institutions de dialogue entre les États se délitent. Donald Trump est un adepte de l’unilatéralisme forcené, qui permet à la première puissance économique et militaire du monde d’imposer ses diktats aux autres États qui, pris isolément, ne sont pas en meilleure position dans un rapport de force avec les États-Unis. Ce pays a quitté aussi certaines instances internationales, comme les Accords de Paris, l’Unesco, etc. La guerre commerciale déclenchée par Donald Trump contre l’Europe, la Chine, le Canada, etc., n’était pas non plus de nature à rassurer l’avenir économique du monde.

Mais d’autres États quittent aussi des instances de dialogue et de décision, c’est le cas du Royaume-Uni qui a bien du mal à concrétiser le Brexit voulu par les électeurs britanniques. La nécessité d’une coopération militaire entre la France et le Royaume-Uni ne fait pourtant aucun doute des deux côtés de la Manche, mais elle devra se poursuivre hors des instances communautaires. La forte audience électorale de Matteo Salvini et de sa Lega pourrait aussi faire craindre un délitement de l’Union Européenne qui est une construction fragile, longue, progressive, et surtout, positive pour l’ensemble de ses États membres. C’est toujours plus facile de détruire que de proposer des solutions concrètes pour résoudre les problèmes d’aujourd’hui.

Même le Brésil rejette le multilatéralisme en repoussant ce 26 août 2019 l’aide proposée par le G7 de 20 millions de dollars pour lutter contre les incendies de la forêt amazonienne. Reconnaissons toutefois que 20 millions de dollars, c’était un montant assez faible, l’Allemagne avait déjà proposé 100 millions de dollars pour une telle aide. Les propos de machiste alcoolique de bistrot qu’a envoyés le Président brésilien Jair Bolsonaro (comparaison des conjointes), qui n’étaient même pas du niveau d’une cour de récréation, aident finalement Emmanuel Macron dans sa démarche constructive sur le plan international, et même sur le plan national.

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L’une des volontés très fortes d’Emmanuel Macron sur le plan international, c’est de remettre le multilatéralisme en marche. Dès sa première intervention devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 19 septembre 2017, Emmanuel Macron avait déclaré : « Regardons la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Avons-nous, par l’absence de dialogue, mieux endiguer la situation (…) ? Pas une seule seconde. Partout où le dialogue, le contrôle, le multilatéralisme se dotent d’armes efficaces, il est utile. C’est cela que je veux pour nous tous et toutes. (…) Nous avons laissé s’installer que le multilatéralisme était en quelques sortes un sport confortable, un jeu pour diplomates assis, l’instrument des faibles, c’est cela, ce qui s’est passé depuis tant et tant d’années. Nous avons laissé croire que le multilatéralisme ne pouvait pas tout régler. (…) Nous avons laissé croire qu’on était plus crédibles et plus forts lorsqu’on agissait de manière unilatérale. C’est faux. (…) Nous avons laissé les dérèglements du monde prendre le dessus. Nous avons traîné à régler le réchauffement climatique, à traiter des inégalités contemporaines qu’un capitalisme déréglé s’est mis à produire. (…) Notre défi (…), c’est de savoir refonder [le multilatéralisme]. ».

Il l’a répété l’année suivante et probablement le répétera cette année en septembre à l’ONU. Pour Emmanuel Macron, le multilatéralisme est nécessaire si l’on veut pouvoir résoudre des problèmes internationaux compliqués. Cette constance dans la réflexion et l’action, Emmanuel Macron l’a toujours eue. C’est rassurant et cela change de François Hollande, par exemple, qui n’avait aucune "doctrine" sur rien et naviguait sans radar ni destination, selon les derniers râles du parti socialiste.

Dans ce G7, Emmanuel Macron avait évidemment le premier rôle puisqu’il le présidait, au point d’avoir beaucoup agacé préalablement les diplomates américains qui considéraient que la plupart des thèmes introduits (en particulier la déclinaison des inégalités) n’avaient qu’un objectif de politique intérieure (se gauchiser) sans de grand intérêt international. Certains des participants de ce G7 étaient par ailleurs en difficulté dans leur pays, ce qui les empêchait de prendre des initiatives sur le plan international. C’était le cas en particulier du Président du Conseil italien Giuseppe Conte, démissionnaire à Rome, et de la Chancelière allemande Angela Merkel qui était visiblement "en fin de règne".

Qu’est-il sorti de ce G7 ? Quelques espoirs et certainement un meilleur climat international. D’habitude, il ne sort rien de concret des G7. La première chose qu’a faite Emmanuel Macron en préparant ce sommet, c’était de ne pas l’enfermer dans une réunion à Sept seulement, mais bien de l’ouvrir à de nombreux autres pays du monde (voir mon article précédent). Éviter la dichotomie pays riches/pays pauvres. Dans les enjeux mondiaux actuels (en particulier sur le climat), tous les pays sont nécessaires et les plus pauvres peuvent même avoir une influence déterminante en raison de leur situation.

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Dans son allocution le 24 août 2019, Emmanuel Macron a même déclaré vouloir exprimer, au sein du G7, la part des positions des anti-G7 qui manifestaient parallèlement : « Je sais que d’autres aussi sont complètement en désaccord avec nous et font parfois des sommets alternatifs. J’écouterai aussi ce qu’ils disent comme j’ai écouté ce matin les propositions ici des villes, des départements et de la région. Mais je veux vraiment les appeler aussi au calme, à la concorde. Nous avons des désaccords, parfois il y a des caricatures, mais je pense que les grands défis qui sont les nôtres, le climat, la biodiversité, la transformation technologique, les inquiétudes dans notre société, la lutte contre les inégalités, cette insécurité qui est partout dans le monde, nous ne les résoudrons qu’en agissant ensemble, qu’en étant davantage réconciliés. Donc, je les appelle vraiment au calme et en leur promettant que j’essayerai d’apporter aussi une part de leur vérité autour de cette table. ».

"Ensemble". Ce mot, Emmanuel Macron l’a répété des dizaines de fois dans sa conférence de presse de clôture du G7 ce lundi 26 août 2019. Le multilatéralisme qu’il prône a eu des résultats non négligeables à Biarritz.

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Le principal résultat, car le sujet est très grave, c’est la venue surprise du Ministre iranien des Affaires étrangères le 25 août 2019 à Biarritz, hors de l’enceinte du G7. La crise sur le nucléaire iranien est dangereuse pour l’équilibre et la paix dans le monde. La remise en cause, par Donald Trump, de l’accord conclu en particulier par son prédécesseur Barack Obama, a créé de fortes tensions et un risque d’escalade très inquiétant. Grâce au volontarisme d’Emmanuel Macron, le climat a changé. Donald Trump a même annoncé le 26 août 2019 que, si les circonstances s’y prêtaient, il rencontrerait le Président iranien.

Donald Trump n’a dans l’esprit que les dollars que son pays peut gagner. C’est regrettable, surtout d’un point de vue politique et humaniste, mais c’est ainsi, c’est une réalité diplomatique et en plus, en période préélectorale, cela a peu de chance de changer. Or, Donald Trump a bien conscience que l’Iran et la Corée du Nord sont deux pays à très fort potentiel économique. Son objectif, c’est le chaud et froid, c’est créer des rapports de force qui mettent les États-Unis en position de force. Mais à force de créer des chauds et froids, le risque est de briser les liens. L’entremise d’Emmanuel Macron a donc été décisive dans ce dossier qui pose aussi un autre problème : le Président iranien doit lui-même faire face aux ultras de son pays qui refusent tout accommodement avec "l’impérialisme américain".

Parmi les autres résultats, on peut citer aussi l’acceptation, dans son principe, d’une taxation des GAFA (grandes entreprises du numérique qui peuvent délocaliser facilement leur fiscalité) qui devrait se faire par un organisme international dont ce n’était pas le but, l’OCDE. Et aussi, l'engagement de gros de l'industrie textile de réduire drastiquement leur pollution en plastiques.

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Les opposants à Emmanuel Macron veulent souligner l’absence d’accord concret. Pourtant, les perspectives des décisions du G7 sont bien concrètes. Et l’essentiel, c’était d’infléchir la position de Donald Trump. C’est là la vraie réussite d’Emmanuel Macron : avoir réussi à créer un nouveau climat favorable au multilatéralisme. Même le différend commercial entre les États-Unis et la Chine, qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences économiques en Europe, pourrait bénéficier de ce nouveau climat.

Certains parlent aussi de bel emballage, de bonne communication. Sauf que tous les G7 n’ont pas profité d’une bonne communication, il doit bien y avoir des raisons à cela. En somme, Emmanuel Macron n’est pas un magicien, il n’est pas un bonimenteur, il est plutôt un Monsieur Loyal du cirque mondial, un entremetteur pour faire avancer les dossiers chauds du monde à venir. En ce sens, je suis fier d’être Français et je ne regrette vraiment pas d’avoir voté pour lui le dimanche 7 mai 2017


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 août 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
G7 à Biarritz : Emmanuel Macron consacré prince du multilatéralisme.
L’ardeur diplomatique d’Emmanuel Macron.
Le Sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 24 août 2019 à Biarritz.
Union Européenne : la victoire inespérée du Président Macron.
La Simone Veil d'Emmanuel Macron ?
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et l’art d’être Français.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron du 25 avril 2019 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président Emmanuel Macron du 16 avril 2019 (texte intégral).
Emmanuel Macron à la conquête des peuples européens.
Gilets jaunes : le syndrome du Fouquet’s.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190826-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/g7-a-biarritz-emmanuel-macron-217489

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/08/27/37593703.html


 

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26 août 2019 1 26 /08 /août /2019 03:53

« Notre monde est à un moment de bascule et je crois que notre vocation à nous, Français, est d’être dans la proposition, l’inspiration, d’essayer de réduire les désaccords, de ne pas céder aux faiblesses du temps présent, d’avoir cet esprit de résistance qui fait se dire "il n’y a pas de fatalité". On doit se battre pour conduire les autres à se battre avec nous contre ces injustices ou ces absurdités. Alors, je vous promets, en votre nom, de faire le maximum pour mettre mes collègues d’accord sur ces sujets, pour qu’on arrive à faire bouger les choses ensemble. » (Emmanuel Macron, le 24 août 2019 à Biarritz).



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Il faut imaginer une allocution télévisée le samedi de l’un des derniers gros week-ends de retour de vacances. Et encore, l’imaginer à 13 heures, même pas le soir ! Peu d’espoir d’être vraiment entendu par tous les Français et d’avoir pour conséquence un gain politique important.

Et pourtant, le Président de la République Emmanuel Macron a eu raison de prononcer une allocution ce samedi 24 août 2019 juste avant l’ouverture du Sommet du G7 à Biarritz. À ma connaissance, c’était même la première fois qu’un Président français s’adressait à ses compatriotes avant un sommet, et pas seulement après. Avant, pour dire ses attentes, les enjeux, et, en quelques sortes, prendre les Français à témoins de son volontarisme diplomatique. Il a fait ensuite un point de presse à la fin de chaque réunion de travail du G7.

L’antimacronmania est telle que tous les faits et gestes présidentiels sont non seulement scrutés et disséqués mais aussi critiqués, fustigés, parfois pour de très mauvaises raisons. Comme l’excessif est insignifiant, ce genre d’opposition systématique n’a, à mon avis, pas beaucoup de chance d’être efficace.

Le critiquer pour une communication excessive ? Au contraire, il a vraiment raison sur la forme. Expliquer aux Français sa politique est même le B.A. BA du métier de Président de la République. Chose que n’a jamais comprise son prédécesseur François Hollande, et pourtant, ce dernier n’était pas avare en déclarations et discours, mais il préférait commenter à expliquer. Quand on est acteur, on explique ; quand on commente, c’est qu’on n’est qu’observateur.

C’est d’ailleurs, de sa part, risqué : expliquer ses objectifs pour le G7, et constater à la fin du sommet qu’ils ne seraient pas tous atteints, c’est laisser entendre un échec qui serait mis à son passif. Pourtant, il a raison parce que la diplomatie, comme l’économie, comme tous les sujets nationaux, est l’affaire de tous, de tous les Français. D’ailleurs, dans son allocution, il n’a pas hésité à réduire ses ambitions : « Nous ne réussirons sans doute pas sur tout et ne m’en voulez pas si parfois nous n’y arriverons pas. La France doit faire le maximum mais nous ne pouvons pas tout, tout seul. ».

On peut certes faire remarquer qu’Emmanuel Macron "se réfugie" dans la politique extérieure. Parce qu’en général, c’est un domaine qui porte plus facilement l’unité sinon le consensus entre les Français. On peut imaginer que c’est un calcul politique, et personne d’ailleurs ne pourrait imaginer qu’un Président ne calcule pas.

C’est de toute façon un bon calcul politique : en laissant son Premier Ministre Édouard Philippe la responsabilité de conduire la politique économique et sociale, et tout le monde sait que l’actualité y est très brûlante (assurance-chômage, retraites, PMA, projet de loi de finances, etc.), Emmanuel Macron reprend de la hauteur présidentielle sur les questions planétaires, avec probablement un souhait, qu’il soit considéré comme l’un des leaders mondiaux de la lutte contre les bouleversements climatiques.

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D’ailleurs, Emmanuel Macron se retrouve justement dans une fenêtre diplomatique exceptionnelle, probablement la plus importante de son quinquennat. En effet, il est le Président du G7 cette année, et aussi, le Président de l’Union Européenne pour ce semestre. En d’autres termes, il est (presque) le Président du monde, et il entend bien en profiter pour faire avancer les dossiers qui le motivent beaucoup.

Président du monde est sans doute un peu exagéré, ce surnom pourrait être associé plutôt au Secrétaire Général de l’ONU maintenant que le pape n’a plus qu’une mission pastorale. Mais il ne faut pas réduire ce Sommet du G7 à Biarritz aux seuls sept pays qui le composent, à savoir la France, les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, le Canada et le Japon. Ce week-end, d’autres pays ont été très présents et représentés, comme l’Espagne, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Chili, l’Australie, ces quatre derniers, partenaires très engagés dans la protection de la planète et la transformation numérique, également le Burkina-Faso, l’Égypte, le Sénégal, le Rwanda et l’Union Africaine pour un partenariat avec l’Afrique, enfin, même l’Iran a été présent avec la présence surprise du Ministre iranien des Affaires étrangères.

Emmanuel Macron a donc fait sa troisième "rentrée scolaire" avec une frénésie diplomatique probablement nécessaire. Il faut ainsi saluer, avant même le début du G7 : rencontre avec le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine le 19 août 2019 au Fort de Brégançon (rappelons que depuis l’annexion de la Crimée, la Russie a été exclue du G8 redevenu G7), rencontre avec le nouveau Premier Ministre britannique Boris Johnson le 22 août 2019 à l’Élysée, rencontre avec le Premier Ministre indien Narendra Modi le 22 août 2019 à Chantilly, rejet de l’accord commercial entre l’Union Européenne et le Mercosur le 23 août 2019 en raison de la mauvaise volonté du Président brésilien Jair Bolsonaro de préserver la forêt amazonienne (parlant même de "mensonge"), déjeuner de travail avec le Président américain Donald Trump le 24 août 2019 à Biarritz, etc.

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À Vladimir Poutine, Emmanuel Macron a promis de se rendre en Russie aux cérémonies du 9 mai 2020 commémorant le soixante-quinzième anniversaire de la fin de la guerre. À cause de la crise ukrainienne, François Hollande avait refusé de se rendre au soixante-dixième anniversaire, alors que Vladimir Poutine s’était pourtant déplacé en Normandie l’année précédente pour commémorer le Débarquement.

Alors que Donald Trump a remis en cause les Accords de Paris et que Jair Bolsonaro refuse de les appliquer, Emmanuel Macron a salué la bonne volonté de la Russie sur le dossier climatique : « Je me réjouis de la décision de ratification des Accords de Paris qui a été prise par la Russie, qui est un point extrêmement important dans le combat que nous menons en matière climatique et qui est, je crois, un geste diplomatique et de conviction très important de la part de la Russie en soutien de l’agenda de Paris. Je veux aussi avoir un mot de soutien après les incendies terribles qui se sont produits cet été en Sibérie et qui ont mobilisé le Président. Mais de l’Arctique à la situation du permafrost, et à cet agenda climatique-là aussi, je souhaite que nous puissions avancer, et c’est pour moi au cœur de cette recomposition que nous avons à faire parce que, je le disais, notre ordre international vit un moment absolument historique : le multilatéralisme est attaqué et nous avons à penser, à construire une recomposition de cet ordre international. C’est ma conviction profonde, c’est-à-dire réinventer de nouvelles formes de relations et d’actions utiles. » (19 août 2019).

_yartiMacron2019082402

Emmanuel Macron a d’ailleurs tenu à dire, à l’instar de Dostoïevski, que le Russe était le plus russe quand il était le plus européen : « La Russie a toute sa place dans l’Europe des valeurs à laquelle nous croyons. C’est pourquoi la France, et je l’assume, s’est tant battu pour qu’on trouve une solution utile, pertinente au sein du Conseil de l’Europe et c’est sous la Présidence française du Conseil des ministres du Conseil de l’Europe que nous avons trouvé une solution qui permet à la Russie de retrouver sa place, et c’est d’ailleurs au nom de cette place que nous avons pu appeler cet été à ce que la liberté de manifester, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté de se présenter à des élections dans le cadre de tout pays au sein de ce Conseil, soient pleinement respectées aussi en Russie. Parce que je crois à une souveraineté européenne, c’est-à-dire à une Europe plus forte et qui, donc, doit se réinventer dans ce dialogue. » (19 août 2019).

À Boris Johnson, Emmanuel Macron a rappelé sa position sur le Brexit : « D’abord, ma position a toujours été de respecter le choix souverain du peuple britannique de quitter l’Union Européenne. Je le regrette. Si j’avais été un électeur, je n’aurais pas défendu ce choix, mais je crois que la souveraineté des peuples est ce qui fonde les démocraties, et donc, je respecte pleinement ce choix et je pense qu’il faut le mettre en œuvre. Ensuite, ma position consiste à protéger et renforcer le projet européen, le marché unique, notre capacité à décider et construire une Union Européenne plus forte et plus souveraine et c’est pourquoi je me suis toujours positionné pour n’affaiblir en rien ce projet dans les négociations et l’organisation que nous avons à prendre. Et enfin, c’est de préserver et d’approfondir la relation bilatérale ancrée dans l’histoire et tournée vers l’avenir. C’est dans cet esprit que l’Union Européenne a négocié longuement un accord (…). Je veux dire simplement en ami et en allié au Royaume-Uni que c’est à lui seul de choisir son destin. La manière dont il sortira de l’Union Européenne et les fondements de la relation future qu’il veut bâtir avec l’Europe. » (22 août 2019).

_yartiMacron2019082403

Enfin, aux Français, Emmanuel Macron a précisé les trois enjeux de ce Sommet du G7 à Biarritz au cours de son allocution du 24 août 2019 : « D’abord, je crois que ce que, légitimement, vous attendez de nous tous, c’est de pouvoir assurer la stabilité et la sécurité, protéger la paix dans le monde et donc, nous allons discuter des grands conflits ou des grandes situations les plus tendues : l’Iran, la Syrie, la Libye, l’Ukraine et plusieurs autres sujets de crise à l’international. (…) Le deuxième grand enjeu de ce G7, ce sera la situation de l’économie mondiale. Et là-dessus aussi, cela vous concerne directement. Nous devons œuvrer pour avoir plus de croissance, créer davantage d’emplois, et donc, de mieux-être dans nos sociétés. (…) Et puis le troisième sujet, c’est comment rendre ce monde en quelque sorte plus habitable, meilleur, comment lutter contre les inégalités. C’est ce sujet que j’ai mis au cœur de ce G7. Et je veux qu’il soit utile par des actions concrètes. ».

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Pour le premier thème (sécurité et paix dans le monde), l’objectif de la France est d’éviter les escalades de violence et de trouver des "accords utiles". Pour le deuxième thème (économie et emploi), l’objectif de la France est double : « d’abord, convaincre tous nos partenaires que les tensions, en particulier, les tensions commerciales, sont mauvaises pour tout le monde (…), [ensuite], trouver les nouveaux moyens de faire de la vraie relance, c’est-à-dire relancer cette croissance ».

Enfin, le troisième thème (inégalités) est sans doute celui auquel Emmanuel Macron attache le plus d’importance puisqu’il concentre beaucoup de sujets à la fois : l’égalité entre les hommes et les femmes, l’investissement en Afrique, la protection des démocraties et l’information dans l’ère du numérique, et évidemment, le climat et la biodiversité : « Nous devons répondre à l’appel de l’océan qui est derrière moi, ici, à Biarritz, et à l’appel de la forêt qui brûle aujourd’hui en Amazonie de manière, là aussi, très concrète. » (24 août 2019).

Deux pistes. Pour les océans : réduire la vitesse des transporteurs maritimes, ce qui réduira les émissions de CO2, et réduire les déchets et émissions de CO2 par l’engagement ferme et concret de presque la moitié de l’industrie textile mondiale (qui produit 30% des déchets et 8% des émissions de CO2). Pour la forêt : lutter contre les feux de forêt dans l’Amazonie et aider le Brésil et les autres pays touchés à investir dans la reforestation et préserver cette forêt. Il faut rappeler que la France est très concernée par l’Amazonie car la Guyane en fait partie. À ce titre, la France est un pays qui a des frontières communes avec le Brésil.

_yartiMacron2019082401

À ce G7, huit personnalités participent à toutes les discussions : Emmanuel Macron pour la France (67 millions d’habitants ; PIB 2018 de 2,78 T$), Donald Trump pour les États-Unis (327,2 millions d’habitants ; PIB 2018 de 20,49 T$), Shinzo Abe pour le Japon (126,5 millions d’habitants ; PIB 2018 de 4,97 T$), Angela Merkel pour l’Allemagne (82,9 millions d’habitants ; PIB 2018 de 3,99 T$), Boris Johnson pour le Royaume-Uni (66,5 millions d’habitants ; PIB 2018 de 2,83 T$), Justin Trudeau pour le Canada (37,1 millions d’habitants ; PIB 2018 de 1,71 T$), Giuseppe Conte (démissionnaire depuis le 20 août 2019) pour l’Italie (60,4 millions d’habitants ; PIB 2018 de 2,07 T$), enfin, Donald Tusk, Président du Conseil Européen, en fin de mandat (jusqu’au 1er décembre 2019).

Le Sommet de Biarritz s’achèvera à l’issue de la conférence de presse de clôture prévue à 15 heures ce lundi 26 août 2019.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 août 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’ardeur diplomatique d’Emmanuel Macron.
Le Sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 24 août 2019 à Biarritz.
Union Européenne : la victoire inespérée du Président Macron.
Nathalie Loiseau, la Simone Veil d'Emmanuel Macron ?
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et l’art d’être Français.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron du 25 avril 2019 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président Emmanuel Macron du 16 avril 2019 (texte intégral).
Emmanuel Macron à la conquête des peuples européens.
Gilets jaunes : le syndrome du Fouquet’s.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190824-g7-biarritz.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/08/26/37591244.html


 

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25 août 2019 7 25 /08 /août /2019 11:52

« Notre monde est à un moment de bascule et je crois que notre vocation à nous, Français, est d’être dans la proposition, l’inspiration, d’essayer de réduire les désaccords, de ne pas céder aux faiblesses du temps présent, d’avoir cet esprit de résistance qui fait se dire "il n’y a pas de fatalité". On doit se battre pour conduire les autres à se battre avec nous contre ces injustices ou ces absurdités. Alors, je vous promets, en votre nom, de faire le maximum pour mettre mes collègues d’accord sur ces sujets, pour qu’on arrive à faire bouger les choses ensemble. » (Emmanuel Macron, le 24 août 2019 à Biarritz).



_yartiMacron2019082401

Il faut imaginer une allocution télévisée le samedi de l’un des derniers gros week-ends de retour de vacances. Et encore, l’imaginer à 13 heures, même pas le soir ! Peu d’espoir d’être vraiment entendu par tous les Français et d’avoir pour conséquence un gain politique important.

Et pourtant, le Président de la République Emmanuel Macron a eu raison de prononcer une allocution ce samedi 24 août 2019 juste avant l’ouverture du Sommet du G7 à Biarritz. À ma connaissance, c’était même la première fois qu’un Président français s’adressait à ses compatriotes avant un sommet, et pas seulement après. Avant, pour dire ses attentes, les enjeux, et, en quelques sortes, prendre les Français à témoins de son volontarisme diplomatique. Il a fait ensuite un point de presse à la fin de chaque réunion de travail du G7.

L’antimacronmania est telle que tous les faits et gestes présidentiels sont non seulement scrutés et disséqués mais aussi critiqués, fustigés, parfois pour de très mauvaises raisons. Comme l’excessif est insignifiant, ce genre d’opposition systématique n’a, à mon avis, pas beaucoup de chance d’être efficace.

Le critiquer pour une communication excessive ? Au contraire, il a vraiment raison sur la forme. Expliquer aux Français sa politique est même le B.A. BA du métier de Président de la République. Chose que n’a jamais comprise son prédécesseur François Hollande, et pourtant, ce dernier n’était pas avare en déclarations et discours, mais il préférait commenter à expliquer. Quand on est acteur, on explique ; quand on commente, c’est qu’on n’est qu’observateur.

C’est d’ailleurs, de sa part, risqué : expliquer ses objectifs pour le G7, et constater à la fin du sommet qu’ils ne seraient pas tous atteints, c’est laisser entendre un échec qui serait mis à son passif. Pourtant, il a raison parce que la diplomatie, comme l’économie, comme tous les sujets nationaux, est l’affaire de tous, de tous les Français. D’ailleurs, dans son allocution, il n’a pas hésité à réduire ses ambitions : « Nous ne réussirons sans doute pas sur tout et ne m’en voulez pas si parfois nous n’y arriverons pas. La France doit faire le maximum mais nous ne pouvons pas tout, tout seul. ».

On peut certes faire remarquer qu’Emmanuel Macron "se réfugie" dans la politique extérieure. Parce qu’en général, c’est un domaine qui porte plus facilement l’unité sinon le consensus entre les Français. On peut imaginer que c’est un calcul politique, et personne d’ailleurs ne pourrait imaginer qu’un Président ne calcule pas.

C’est de toute façon un bon calcul politique : en laissant son Premier Ministre Édouard Philippe la responsabilité de conduire la politique économique et sociale, et tout le monde sait que l’actualité y est très brûlante (assurance-chômage, retraites, PMA, projet de loi de finances, etc.), Emmanuel Macron reprend de la hauteur présidentielle sur les questions planétaires, avec probablement un souhait, qu’il soit considéré comme l’un des leaders mondiaux de la lutte contre les bouleversements climatiques.

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D’ailleurs, Emmanuel Macron se retrouve justement dans une fenêtre diplomatique exceptionnelle, probablement la plus importante de son quinquennat. En effet, il est le Président du G7 cette année, et aussi, le Président de l’Union Européenne pour ce semestre. En d’autres termes, il est (presque) le Président du monde, et il entend bien en profiter pour faire avancer les dossiers qui le motivent beaucoup.

Président du monde est sans doute un peu exagéré, ce surnom pourrait être associé plutôt au Secrétaire Général de l’ONU maintenant que le pape n’a plus qu’une mission pastorale. Mais il ne faut pas réduire ce Sommet du G7 à Biarritz aux seuls sept pays qui le composent, à savoir la France, les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, le Canada et le Japon. Ce week-end, d’autres pays ont été très présents et représentés, comme l’Espagne, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Chili, l’Australie, ces quatre derniers, partenaires très engagés dans la protection de la planète et la transformation numérique, également le Burkina-Faso, l’Égypte, le Sénégal, le Rwanda et l’Union Africaine pour un partenariat avec l’Afrique, enfin, même l’Iran a été présent avec la présence surprise du Ministre iranien des Affaires étrangères.

Emmanuel Macron a donc fait sa troisième "rentrée scolaire" avec une frénésie diplomatique probablement nécessaire. Il faut ainsi saluer, avant même le début du G7 : rencontre avec le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine le 19 août 2019 au Fort de Brégançon (rappelons que depuis l’annexion de la Crimée, la Russie a été exclue du G8 redevenu G7), rencontre avec le nouveau Premier Ministre britannique Boris Johnson le 22 août 2019 à l’Élysée, rencontre avec le Premier Ministre indien Narendra Modi le 22 août 2019 à Chantilly, rejet de l’accord commercial entre l’Union Européenne et le Mercosur le 23 août 2019 en raison de la mauvaise volonté du Président brésilien Jair Bolsonaro de préserver la forêt amazonienne (parlant même de "mensonge"), déjeuner de travail avec le Président américain Donald Trump le 24 août 2019 à Biarritz, etc.

_yartiMacron2019082404

À Vladimir Poutine, Emmanuel Macron a promis de se rendre en Russie aux cérémonies du 9 mai 2020 commémorant le soixante-quinzième anniversaire de la fin de la guerre. À cause de la crise ukrainienne, François Hollande avait refusé de se rendre au soixante-dixième anniversaire, alors que Vladimir Poutine s’était pourtant déplacé en Normandie l’année précédente pour commémorer le Débarquement.

Alors que Donald Trump a remis en cause les Accords de Paris et que Jair Bolsonaro refuse de les appliquer, Emmanuel Macron a salué la bonne volonté de la Russie sur le dossier climatique : « Je me réjouis de la décision de ratification des Accords de Paris qui a été prise par la Russie, qui est un point extrêmement important dans le combat que nous menons en matière climatique et qui est, je crois, un geste diplomatique et de conviction très important de la part de la Russie en soutien de l’agenda de Paris. Je veux aussi avoir un mot de soutien après les incendies terribles qui se sont produits cet été en Sibérie et qui ont mobilisé le Président. Mais de l’Arctique à la situation du permafrost, et à cet agenda climatique-là aussi, je souhaite que nous puissions avancer, et c’est pour moi au cœur de cette recomposition que nous avons à faire parce que, je le disais, notre ordre international vit un moment absolument historique : le multilatéralisme est attaqué et nous avons à penser, à construire une recomposition de cet ordre international. C’est ma conviction profonde, c’est-à-dire réinventer de nouvelles formes de relations et d’actions utiles. » (19 août 2019).

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Emmanuel Macron a d’ailleurs tenu à dire, à l’instar de Dostoïevski, que le Russe était le plus russe quand il était le plus européen : « La Russie a toute sa place dans l’Europe des valeurs à laquelle nous croyons. C’est pourquoi la France, et je l’assume, s’est tant battu pour qu’on trouve une solution utile, pertinente au sein du Conseil de l’Europe et c’est sous la Présidence française du Conseil des ministres du Conseil de l’Europe que nous avons trouvé une solution qui permet à la Russie de retrouver sa place, et c’est d’ailleurs au nom de cette place que nous avons pu appeler cet été à ce que la liberté de manifester, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté de se présenter à des élections dans le cadre de tout pays au sein de ce Conseil, soient pleinement respectées aussi en Russie. Parce que je crois à une souveraineté européenne, c’est-à-dire à une Europe plus forte et qui, donc, doit se réinventer dans ce dialogue. » (19 août 2019).

À Boris Johnson, Emmanuel Macron a rappelé sa position sur le Brexit : « D’abord, ma position a toujours été de respecter le choix souverain du peuple britannique de quitter l’Union Européenne. Je le regrette. Si j’avais été un électeur, je n’aurais pas défendu ce choix, mais je crois que la souveraineté des peuples est ce qui fonde les démocraties, et donc, je respecte pleinement ce choix et je pense qu’il faut le mettre en œuvre. Ensuite, ma position consiste à protéger et renforcer le projet européen, le marché unique, notre capacité à décider et construire une Union Européenne plus forte et plus souveraine et c’est pourquoi je me suis toujours positionné pour n’affaiblir en rien ce projet dans les négociations et l’organisation que nous avons à prendre. Et enfin, c’est de préserver et d’approfondir la relation bilatérale ancrée dans l’histoire et tournée vers l’avenir. C’est dans cet esprit que l’Union Européenne a négocié longuement un accord (…). Je veux dire simplement en ami et en allié au Royaume-Uni que c’est à lui seul de choisir son destin. La manière dont il sortira de l’Union Européenne et les fondements de la relation future qu’il veut bâtir avec l’Europe. » (22 août 2019).

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Enfin, aux Français, Emmanuel Macron a précisé les trois enjeux de ce Sommet du G7 à Biarritz au cours de son allocution du 24 août 2019 : « D’abord, je crois que ce que, légitimement, vous attendez de nous tous, c’est de pouvoir assurer la stabilité et la sécurité, protéger la paix dans le monde et donc, nous allons discuter des grands conflits ou des grandes situations les plus tendues : l’Iran, la Syrie, la Libye, l’Ukraine et plusieurs autres sujets de crise à l’international. (…) Le deuxième grand enjeu de ce G7, ce sera la situation de l’économie mondiale. Et là-dessus aussi, cela vous concerne directement. Nous devons œuvrer pour avoir plus de croissance, créer davantage d’emplois, et donc, de mieux-être dans nos sociétés. (…) Et puis le troisième sujet, c’est comment rendre ce monde en quelque sorte plus habitable, meilleur, comment lutter contre les inégalités. C’est ce sujet que j’ai mis au cœur de ce G7. Et je veux qu’il soit utile par des actions concrètes. ».

_yartiMacron2019082405

Pour le premier thème (sécurité et paix dans le monde), l’objectif de la France est d’éviter les escalades de violence et de trouver des "accords utiles". Pour le deuxième thème (économie et emploi), l’objectif de la France est double : « d’abord, convaincre tous nos partenaires que les tensions, en particulier, les tensions commerciales, sont mauvaises pour tout le monde (…), [ensuite], trouver les nouveaux moyens de faire de la vraie relance, c’est-à-dire relancer cette croissance ».

Enfin, le troisième thème (inégalités) est sans doute celui auquel Emmanuel Macron attache le plus d’importance puisqu’il concentre beaucoup de sujets à la fois : l’égalité entre les hommes et les femmes, l’investissement en Afrique, la protection des démocraties et l’information dans l’ère du numérique, et évidemment, le climat et la biodiversité : « Nous devons répondre à l’appel de l’océan qui est derrière moi, ici, à Biarritz, et à l’appel de la forêt qui brûle aujourd’hui en Amazonie de manière, là aussi, très concrète. » (24 août 2019).

Deux pistes. Pour les océans : réduire la vitesse des transporteurs maritimes, ce qui réduira les émissions de CO2, et réduire les déchets et émissions de CO2 par l’engagement ferme et concret de presque la moitié de l’industrie textile mondiale (qui produit 30% des déchets et 8% des émissions de CO2). Pour la forêt : lutter contre les feux de forêt dans l’Amazonie et aider le Brésil et les autres pays touchés à investir dans la reforestation et préserver cette forêt. Il faut rappeler que la France est très concernée par l’Amazonie car la Guyane en fait partie. À ce titre, la France est un pays qui a des frontières communes avec le Brésil.

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À ce G7, huit personnalités participent à toutes les discussions : Emmanuel Macron pour la France (67 millions d’habitants ; PIB 2018 de 2,78 T$), Donald Trump pour les États-Unis (327,2 millions d’habitants ; PIB 2018 de 20,49 T$), Shinzo Abe pour le Japon (126,5 millions d’habitants ; PIB 2018 de 4,97 T$), Angela Merkel pour l’Allemagne (82,9 millions d’habitants ; PIB 2018 de 3,99 T$), Boris Johnson pour le Royaume-Uni (66,5 millions d’habitants ; PIB 2018 de 2,83 T$), Justin Trudeau pour le Canada (37,1 millions d’habitants ; PIB 2018 de 1,71 T$), Giuseppe Conte (démissionnaire depuis le 20 août 2019) pour l’Italie (60,4 millions d’habitants ; PIB 2018 de 2,07 T$), enfin, Donald Tusk, Président du Conseil Européen, en fin de mandat (jusqu’au 1er décembre 2019).

Le Sommet de Biarritz s’achèvera à l’issue de la conférence de presse de clôture prévue à 15 heures ce lundi 26 août 2019.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 août 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’ardeur diplomatique d’Emmanuel Macron.
Le Sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 24 août 2019 à Biarritz.
Union Européenne : la victoire inespérée du Président Macron.
Nathalie Loiseau, la Simone Veil d'Emmanuel Macron ?
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et l’art d’être Français.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron du 25 avril 2019 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président Emmanuel Macron du 16 avril 2019 (texte intégral).
Emmanuel Macron à la conquête des peuples européens.
Gilets jaunes : le syndrome du Fouquet’s.

_yartiMacron2019082408



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https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/l-ardeur-diplomatique-d-emmanuel-217457

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17 septembre 2018 1 17 /09 /septembre /2018 04:51

« Seuls, des conflits avaient jusqu’à présent modifié les rapports de forces, dans un sens ou dans un autre. Conflits armés parmi lesquels il faut naturellement compter non seulement les quatre guerres israélo-arabes, mais aussi les luttes arabes internes, en Jordanie et au Liban, avec des organisations palestiniennes équipées militairement, et, dans le second cas, du moins, poussées au combat par l’URSS. Dans la semaine dernière, le schéma selon lequel le Proche-Orient est condamné au blocage total dans les intervalles qui séparent les conflagrations appartient au passé. Même si cet électrochoc, avant hier inimaginable, le spectacle du chef de l’État égyptien en train de haranguer la Knesset, ne peut suffire à faire disparaître immédiatement, par sa seule magie, les casse-tête territoriaux et humains de la région, il permettra au moins que les intéressés commencent à les analyser ensemble, de façon réaliste. » (Jean-François Revel, "L’Express" du 21 novembre 1977).


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Il y a quarante ans, le 17 septembre 1978, les Accords de Camp David furent signés à la Maison-Blanche à Washington, par le Premier Ministre israélien Menahem Begin et le Président égyptien Anouar El-Sadate. Ils aboutirent au premier traité de paix entre Israël et un pays arabe et restent encore partiellement en application. Camp David est une résidence du Président des États-Unis dans le Maryland, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de la capitale Washington.

À l’origine, nouvellement élu, le Président américain Jimmy Carter voulait trouver un moyen pour régler le conflit arabo-israélien qui perdurait depuis la naissance de l’État d’Israël en 1948. Il voulait redémarrer le processus de paix amorcé à la conférence de Genève en 1973 après la guerre du Kippour. Pour cela, il a renoncé à envoyer un émissaire auprès de chaque pays arabe et a préféré une méthode qui s’est avérée plus efficace : mettre tous les protagonistes dans une même pièce et les faire sortir seulement lorsqu’une solution d’entente serait trouvée. Mais pour cela, il fallait aussi les faire entrer, c’était moins simple. Méthode qui a permis aussi la conclusion, bien plus tard, des Accords d’Oslo, le 13 septembre 1993, également sous la médiation d’un Président américain, Bill Clinton, signés par le représentant palestinien Yasser Arafat et les deux représentants d’Israël Yitzhak Rabin et Shimon Peres.

Du côté égyptien, la défaite de la guerre du Kippour en 1973 a fait radicalement changer les stratégies d’alliance. Sadate, leader du monde arabe, a en effet abandonné la promotion du nationalisme arabe voulu par son prédécesseur Nasser pour ne défendre que les intérêts de l’Égypte et des Égyptiens. Ainsi, il s’éloigna de l’URSS et se rapprocha des États-Unis. L’une des raisons fut économique. Les nombreuses venues d’Henry Kissinger quelques années auparavant montrèrent que Sadate avait besoin de conforter son pouvoir au Caire par l’appui d’un protecteur puissant.

Du côté israélien, le Premier Ministre de l’époque était Yitzhak Rabin, général "faucon" et travailliste, et son Ministre de la Défense Shimon Peres. Rabin s’est brouillé rapidement avec Jimmy Carter mais l’histoire a voulu que Rabin renonçât à se représenter aux élections législatives du 17 mai 1977 à cause d’une affaire financière. En lice, Shimon Peres contre le leader du Likoud, Menahem Begin, considéré comme un obstacle à la paix. Les Américains ont misé sur Shimon Peres, mais, contre toute prévision, ce fut Menahem Begin qui fut élu. C’était la première fois que les travaillistes furent battus à des élections de toute la courte histoire d’Israël. Begin a pris ses fonctions le 20 juin 1977, soit cinq mois après Jimmy Carter.

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À la suite des élections israéliennes, le général Moshé Dayan, en retrait depuis quelques années, est devenu Ministre israélien des Affaires étrangères. Ce dernier, très populaire lors de la Guerre des Six Jours, a été rendu responsable des grosses pertes dans l’armée israélienne (Tsahal) lors des premiers jours de la guerre du Kippour. Son interlocuteur égyptien fut Boutros Boutrous-Ghali, Ministre égyptien des Affaires étrangères du 17 novembre 1977 au 15 décembre 1977 et du 17 septembre 1978 au 17 février 1979. Ces hommes furent les négociateurs principaux des Accords de Camp David. Moshé Dayan entretenait de bonnes relations avec les Américains depuis longtemps.

Jimmy Carter aurait voulu relancer le processus de paix dans la région de manière globale, en y incluant une délégation palestinienne, mais Menahem Begin a exclu toute évacuation de la Cisjordanie, de Gaza, du Golan et de Jérusalem-Est, et voulait surtout des discussions bilatérales avec l’Égypte. Au contraire des travaillistes, il n’était pas opposé à la rétrocession du Sinaï (occupé depuis 1967).

Sadate était déjà allé plus loin dans cet esprit pacifique. N’imaginant pas l’influence des États-Unis sur Israël, il décida de commencer des négociations directement avec les Israéliens. Scandalisant les autres pays arabes, l’Égypte a reconnu implicitement l’État d’Israël lors de la rencontre historique de Sadate avec Begin à Jérusalem le 19 novembre 1977. Les deux hommes d’État ont prononcé des discours historiques à la Knesset devant les députés israéliens le 20 novembre 1977. Le fait que Sadate ne voulait pas forcément la résolution globale des problèmes au Proche-Orient permettait cependant à Begin d’avoir un interlocuteur de poids, l’un des plus puissants pays arabes. Une vraie reconnaissance régionale d’Israël (qui coûta la vie à Sadate).

Les conséquences immédiates, ce furent les ruptures de relations diplomatiques de l’Égypte le 5 décembre 1977 avec l’Irak, la Libye, la Syrie, le Yémen du Sud et l’Algérie. Mais un processus de paix bilatérale (entre Israël et l’Égypte) fut amorcé.

Des archives nationales (des notes diplomatiques) du Département d’État américain (Ministère américain des Affaires étrangères), qui ont été déclassifiées le 26 mars 2014, ont montré que les discussions étaient très difficiles. Ainsi, lors d’un entretien avec Cyrus Vance, le Ministre américain des Affaires étrangères (Secrétaire d’État), Moshé Dayan l’a mis en garde contre toute exigence sur les territoires occupés : « Si l’on propose la paix à Israël contre l’évacuation totale des territoires, je m’opposerai à la paix. Sadate veut vraiment la paix, la Jordanie aussi, ainsi que les habitants des territoires, puisqu’ils n’ont pas créé de front supplémentaire lors de la guerre du Kippour. (…) [Mais] aucun gouvernement israélien n’acceptera le retrait total même en contrepartie d’un accord de paix. Il est possible de trouver une solution intermédiaire comprenant une grande évacuation du Sinaï, une petite évacuation du Golan et une consultation des habitants des territoires sur l’évacuation des Israéliens de là-bas. ».

Lors d’une rencontre à l’hôtel King David à Jérusalem le 2 juillet 1978, avec le Vice-Président américain Walter Mondale, Moshé Dayan se montrait assez découragé : « J’ai une expérience de trente ans de négociations sans résultats avec les Arabes, si ce n’est que la plupart de ceux avec lesquels nous avons négocié ont été assassinés. ».

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Finalement, dans le plus grand secret, Jimmy Carter fit réunir Begin et Sadate ainsi que leurs délégations respectives dans sa résidence présidentielle de Camp David pendant treize jours, du 5 au 17 septembre 1978. Les négociations furent très tendues mais Jimmy Carter ne voulait pas arrêter les discussions tant qu’elles n’aboutiraient pas à une entente.

Le 17 septembre 1978, deux accords-cadres furent signés. Le premier n’a pas eu de suite, rédigé avec trop de flou, sur un processus d’autonomie des territoires occupés (Cisjordanie et Gaza). Le second accord fut un grand succès puisqu’il prévoyait un traité de paix entre l’Égypte et Israël (ce traité fut signé le 26 mars 1979 à Washington) avec le retrait d’Israël du Sinaï ainsi que le démantèlement des colonies israéliennes (effectifs en 1982), ainsi que la libre circulation pour Israël de ses navires dans le canal de Suez, dans le détroit de Tiran et dans le golfe d’Aqaba.

Ces accords ont isolé l’Égypte du monde arabe (elle fut même exclue de la Ligue arabe entre 1979 et 1989). Sadate et Begin furent récompensés par la "communauté internationale" en recevant conjointement, dès décembre 1978, le Prix Nobel de la Paix. Contesté par les islamistes fermement opposés à tout accord avec Israël, Anouar El-Sadate fut assassiné le 6 octobre 1981 par un fondamentaliste musulman. Mais son successeur, Hosni Moubarak, a poursuivi sa politique d’alliance avec les États-Unis.

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Plus tard, les États-Unis ont encouragé d’autres conférences de paix, qui aboutirent notamment aux Accords d’Oslo le 13 septembre 1993 (qui ont valu à leurs trois protagonistes, cités plus haut, également le Prix Nobel de la Paix). Mais en 2018, la paix n’est toujours pas atteinte, malgré les nombreuses tentatives…

Pour terminer, voici qu’écrivait l’éditorialiste de la revue "Esprit" en janvier 1978 en réaction à la venue de Sadate à Jérusalem : « On sentait bien que l’événement les dépassait tous, l’histoire avait pris un tournant irréversible, qui faisait augurer du meilleur et du pire. La guerre n’est plus inéluctable, le problème judéo-arabe est soluble. Mais nous assistons à un renversement des rôles : si hier, le refus arabe était politique, l’ouverture juive était spirituelle et culturelle, aujourd’hui, le refus juif serait politique et l’ouverture arabe culturelle. Doit-on toujours distancier ces deux dimensions, ne devrait-on pas les joindre, faire aller ensemble le spirituel et le politique ? » (Cité par l’Université de Sherbrooke).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les Accords d'Oslo.
Les Accords de Camp David.
La naissance de l’État d’Israël.
La guerre, c’est vilain !
Massacre à Gaza.
Jimmy Carter.
Walter Mondale.
Henry Kissinger.
Bill Clinton.
Le prédécesseur de Sadate.
Le successeur de Sadate.
Boutros Boutros-Ghali.
Yitzhak Rabin.
Shimon Peres.
Ariel Sharon.
Yasser Arafat.

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https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/camp-david-l-heure-etait-a-la-paix-207618

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10 septembre 2018 1 10 /09 /septembre /2018 04:12

« Aucune cause juste ne peut être servie par la terreur. » (New York, le 11 septembre 2001).


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En réagissant ainsi, peu après les attentats du World Trade Center, dont c’est le triste dix-septième anniversaire ce mardi 11 septembre 2018, le Secrétaire Général de l’ONU de l’époque, Kofi Annan, reprenait la réflexion si profonde d’un autre Prix Nobel (de Littérature), Albert Camus, contenu dans son excellente pièce "Les Justes". Eh non ! La fin ne justifie pas les moyens. Et la fin de quoi, d’ailleurs ? Que les États-Unis et les Juifs soient rayés de la surface de la planète ? Que l’islam soit la seule et unique religion du monde ?

On ne sait pas trop bien pourquoi les jihadistes tuent, tuent avec une telle conviction qu’ils sont prêts à se tuer en même temps, mais c’est clair que la guerre s’était officiellement déclenchée sur le territoire américain il y a dix-sept ans, au centre des affaires le plus symbolique de ce monde moderne, celui de la technologie, celui de la finance, celui de la consommation, ce système qui a permis de réduire la pauvreté (revenez mille ans en arrière pour faire la comparaison), la famine, la maladie, et même l’oppression et les guerres (vaut-il mieux une guerre tout court à une guerre économique ?).

Se retrouver dans ce nouveau monde, car c’était un nouveau monde, un nouveau paradigme, dont le précédent avait fini avec le mur de Berlin. Le nouveau a commencé dans les ruines du World Trade Center. On y a tout : la folie sanguinaire des jihadistes (qui se poursuit chaque jour encore), la folie des victimes qui surréagissent au point de faire porter le chapeau à d’autres (par exemple, Saddam Hussein qui était pourtant loin d’être un saint !), les amalgames (confondre musulmans et terroristes), les phobiques (ceux qui ont peur de l’islam et les rejettent, je n’écris pas islamophobes dont le terme me paraît connoté), et même les futurs mensonges sur Internet (les "fake news"), mélanges de désinformation et de complotisme motivés par la mauvaise foi, le militantisme, l’antiaméricanisme et l’antisémitisme (car, comme on le voit, on retombe toujours dans ce travers).

On peut d’ailleurs noter que le capitalisme avait fait alliance avec l’islamisme contre le communisme lorsque l’Union Soviétique avait envahi l’Afghanistan (ce qui a renforcé plus tard les talibans). Mais maintenant, c’est le contraire, l’islamisme prenant les États-Unis et le capitalisme (le mode de vie actuel) comme ennemis suprêmes, les néo-communistes y trouvent maintenant leurs comptes dans ce que l’on pourrait appeler le fascisme rouge et vert (un vert qui n’a rien d’écolo).

Revenons à Kofi Annan, diplomate ghanéen, qui est mort le 18 août 2018 à Berne (la capitale suisse), à l’âge de 80 ans (il est né le 8 avril 1938 à Kumasi, d’un père cadre d’une filiale d’Unilever). Il était le Secrétaire Général de l’ONU du 1er janvier 1997 au 1er janvier 2007. Deux mandats de cinq ans. Il a permis à "l’Afrique" d’être représentée pendant quinze ans à la tête des Nations Unies, en raison du rejet des États-Unis d’un nouveau mandat du premier Secrétaire Général de l’ONU d’origine africaine, à savoir Boutros Boutros-Ghali.

Kofi Annan fut diplômé de l’Institut des hautes études internationales de Genève (1962) et du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (1972). Seul dans son cas, il fut l’unique Secrétaire Général de l’ONU à avoir travaillé auparavant pour l’ONU, haut fonctionnaire du sérail. Il a commencé sa carrière diplomatique en 1962 à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), puis à la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, à la Force d’urgence des Nations Unies, au Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (dont le siège est à Genève), et enfin comme sous-secrétaire général au siège à New York, d’abord à la gestion des ressources humaines et coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité en 1987, puis à la planification des programmes, au budget et à la comptabilité en 1990, enfin au maintien de la paix en 1993.

Cette dernière responsabilité fut cruciale dans la suite pour Kofi Annan, et également, la première occasion de le critiquer. Ainsi, responsable de la paix à l’ONU, il ne brilla pas lors du génocide de 800 000 personnes au Rwanda, ne prenant aucune initiative pour le prévenir ou l’arrêter : « La communauté internationale n’a pas été à la hauteur au Rwanda et cela devra toujours être pour nous une source de regrets amers et de chagrin. » (Avril 2004).

Ce fut lors de la guerre civile de l’ex-Yougoslavie qu’il prit des décisions importantes, même s’il n’a pas pu empêcher le massacre à Srebrenica qui l’a marqué à vie : « mon défi le plus important comme Secrétaire Général : faire comprendre la légitimité et la nécessité d’intervenir en cas de violation flagrante des droits de l’homme » (objectif résumé dans son autobiographie).

En août 1995, Kofi Annan accepta les bombardements de l’OTAN contre les Serbes en Bosnie. Cet avantage militaire contre les Serbes a abouti aux Accords de Dayton, négociés dans l’Ohio mais signés à Paris le 14 décembre 1995, qui installèrent la paix entre Serbes et Bosniaques en Bosnie-Herzégovine (accords entre le Président serbe Slobodan Milosevic, le Président bosniaque Alija Izetbegovic et le Président croate Franjo Tudjman).

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Ce fut ces deux caractéristiques sur son CV, haut fonctionnaire à l’ONU connaissant bien les rouages des Nations Unies et allié de l’OTAN dans le conflit de l’ex-Yougoslavie, qui a permis à Kofi Annan de se faire désigner à la tête des Nations Unies alors que Boutros Boutros-Ghali n’avait pas pu se faire reconduire pour un second mandat. Au contraire de ce dernier, Kofi Annan a été reconduit pour un second mandat le 29 juin 2001 par acclamation de l’Assemblée générale des Nations Unies, ce qui lui a permis de diriger l’ONU pendant une décennie, de 1997 à 2007, une décennie qui vit l’ancien monde s’engloutir (guerre froide, URSS, etc.) au profit d’un nouveau monde pas moins inquiétant pour la paix mondiale (terrorisme islamiste, etc.).

Pendant ses deux mandats à la tête de l’ONU, Kofi Annan a cherché à infléchir le cours des événements pour les temporiser et les pacifier. Il est allé ainsi rencontrer Saddam Hussein à Bagdad en 1998 pour se préoccuper, déjà à cette époque, de l’acquisition éventuelle d’armes chimiques. Il a encouragé, en 2000, le vieux Robert Mugabe à quitter le pouvoir au Zimbabwe (sans succès : il resta dix-sept ans encore !). Preuve de son esprit indépendant, il s’écarta de sa loyauté avec le Président George W. Bush pour s’opposer, comme le Président français Jacques Chirac, à la guerre en Irak en 2003. Il reprocha même très vivement aux États-Unis en 2006 de ne plus vouloir du multilatéralisme (mais on était encore loin de l’antimultilatéralisme de Donald Trump).

Kofi Annan voulait que l’ONU fût au service « non seulement [des] États mais [des] peuples » et devînt « l’enceinte où les gouvernements rendent des comptes sur la façon dont ils traitent leurs propres citoyens ».

Parmi ses réussites, Kofi Annan est parvenu à mettre fin en 2000 à la guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée avec la médiation de l’Algérie (la paix a été conclue le 9 juillet 2018), et il a réussi en 2006 à aboutir à un accord entre le Nigeria et le Cameroun sur la péninsule pétrolière de Bakassi.

Parmi ses échecs, au-delà de la guerre en Irak, le refus d’adhésion des États-Unis à la Cour pénale internationale (CPI), et son échec à réformer la composition du Conseil de Sécurité de l’ONU. Kofi Annan voulait rendre la voix des pays émergents plus forte, mais il n’y est pas parvenu.

Moïse Sidibé, de "Guinée News", nuança ces échecs le 22 août 2018 : « Malgré tout ce qu’on pourrait considérer comme échecs et déboires de l’ONU, Kofi Annan a pu tirer son épingle du jeu de ce chaos par sa modestie, par son talent de négociateur, par sa fermeté et par son sang-froid. (…) La particularité de Kofi Annan qu’il faut mettre en évidence est que, malgré et en dépit de cette foule d’échecs, il a eu la reconnaissance des hommes, et à juste titre, le Prix Nobel de la Paix lui a été décerné. ».

En effet, en octobre 2001, Kofi Annan a reçu le Prix Nobel de la Paix 2001 conjointement à l’Organisation des Nations Unis, « pour leur travail en faveur d’un monde mieux organisé et plus pacifique ». Cette raison peut sembler étonnante quelques semaines justement après les attentats du World Trade Center qui ont fait prendre conscience qu’au contraire, le monde ne serait plus jamais sûr et que sa sécurité resterait victime du terrorisme international.

Pour la petite histoire, au début des années 2000, Donald Trump, magnat de l’immobilier, en a beaucoup voulu à Kofi Annan pour avoir refusé son projet de rénovation du bâtiment de l’ONU (inauguré en 1954) pour un budget de près de 2 milliards de dollars !

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Après l’ONU, Kofi Annan prit sa retraite en Suisse avec son épouse suédoise (nièce du diplomate Raoul Wallenberg) et s’est investi dans de nombreux engagements humanitaires ou associatifs et politiques, à la tête de certaines organisations ou fondations, en particulier dans l’aide à l’agriculture africaine, dans la lutte contre la torture, dans la promotion du développement durable, des droits de l’homme et de la paix. Il faisait également partie du comité d’honneur de la Fondation Chirac et de son jury pour attribuer le Prix pour la prévention des conflits et d’autres organisations proches de Nelson Mandela, de Bill Gates, etc. et il a également créé sa propre fondation.

Kofi Annan fut missionné par l’Union Africaine le 23 janvier 2008 comme médiateur dans la grave crise politique au Kenya, dont les violences ont entraîné plus de 1 500 morts et 600 000 personnes déplacées après la réélection le 27 décembre 2007 du Président Mwai Kibaki, contestée par son adversaire Raila Odinga. Il a réussi à calmer la situation quelques semaines plus tard, le 28 février 2008, avec un accord de partage du pouvoir. Devenu finalement Premier Ministre du 17 avril 2008 au 9 avril 2013, Raila Odinga a rappelé le 19 août 2018 ce qu’était la "doctrine Annan" : « La communauté internationale a le droit d’intervenir quand les gouvernements échouent à protéger leurs citoyens. ».

Kofi Annan fut également un émissaire spécial de l’ONU et de la Ligue arabe pour résoudre la crise syrienne entre le 23 février 2012 et le 2 août 2012, date à laquelle il a démissionné, ne voyant aucun moyen pour parvenir à y imposer la paix. Son dernier engagement fut pour sauver les 700 000 Rohingyas forcés à fuir la Birmanie, à la tête d’une commission sur les droits des musulmans rohingyas réfugiés au Bangladesh.

Lors de la COP21, interrogé par François d’Alançon, journaliste spécialiste des relations internationales au journal "La Croix", Kofi Annan a confié le 27 novembre 2015 : « Le leadership est très important sur la question du climat et on ne peut pas compter seulement sur les hommes politiques. La prise de conscience par les citoyens de la nécessité de protéger la planète et de leur pouvoir d’influence à travers leur vote participe de cette pression. Quel est le plus efficace ? Cette approche ou une législation qui pourrait être contestée par les entreprises devant les tribunaux ? ».

Quant à l’avenir de l’Afrique, Kofi Annan fixait cet objectif : « Le continent africain doit combler son retard dans deux domaines : l’accès à l’énergie et le développement des infrastructures pour permettre la croissance du commerce interafricain. L’Afrique, avec ses 620 millions d’habitants sans aucun accès à l’électricité, doit accéder à l’énergie, en particulier l’énergie verte et durable. Avec ses ressources d’énergie hydroélectrique, solaire, éolienne et géothermique, en plus des énergies traditionnelles que sont le pétrole et le charbon, et avec l’aide des pays développés et les investissements du secteur privé, le continent a les moyens de réussir à la fois sa transition énergétique et son développement durable. Une énergie fournie à un prix raisonnable permettrait aux entrepreneurs et aux agricultures africains de faire beaucoup. L’Éthiopie, le Kenya et, dans une certaine mesure, le Rwanda, sont sur cette voie. Au Nigeria, la baisse des cours du pétrole peut favoriser la diversification. En préservant son massif forestier, l’Afrique jouera un rôle clef dans la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité au niveau mondial. » (27 novembre 2015).

Des obsèques nationales ont été prévues pour Kofi Annan le jeudi 13 septembre 2018 à Accra, la capitale du Ghana, où il sera enterré, en présence de nombreux chefs d’État, à l’initiative du Président ghanéen Nana Akufo-Addo qui a expliqué : « Kofi Annan était l’un des hommes les plus illustres de sa génération. C’était un grand frère pour moi. Il m’a donné beaucoup de conseils sur comment gérer des problèmes sensibles, donc, c’est un tournant important dans ma vie. (…) Ce sera un événement majeur pour notre pays. ». Nana Akufo-Addo (74 ans) est Président de la République du Ghana depuis le 7 janvier 2017, mais il fut Ministre de la Justice du 7 janvier 2001 au 1er avril 2003 et Ministre des Affaires étrangères du 1er avril 2003 au 27 juillet 2007, à la fin du mandat onusien de Kofi Annan.

Dernier successeur à l’ONU, Antonio Guterres, a déclaré le 18 août 2018 à New York : « Kofi Annan était une force directrice pour le bien. (…) À bien des égards, Kofi Annan était l’Organisation des Nations Unies. Il a gravi les échelons pour mener l’Organisation dans le nouveau millénaire avec une dignité et une détermination sans pareil. Comme beaucoup d’autres, j’étais fier d’appeler Kofi Annan mon ami et mentor. J’ai été profondément honoré de sa confiance quand il m’a choisi comme Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés sous sa direction. Il est resté quelqu’un à qui je pouvais toujours demander conseil et qui savait partager sa sagesse (…). Il a fourni aux gens du monde entier un espace de dialogue, un lieu de résolution de problèmes et un chemin vers un monde meilleur. En ces temps difficiles et turbulents, il n’a jamais cessé de travailler pour donner vie aux valeurs de la Charte des Nations Unies. Son héritage restera une véritable inspiration pour nous tous. Mes sincère condoléances (…) à tous ceux qui pleurent la perte de ce fier fils d’Afrique qui est devenu un champion mondial de la paix et de l’humanité tout entière. ».

En recevant son Prix Nobel, Kofi Annan avait déclaré en effet : « J’ai essayé de placer l’être humain au centre de tout ce que nous entreprenons : de la prévention des conflits au développement et aux droits de l’homme. » (Cité par "La Croix" du 19 août 2018).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Kofi Annan.
Antonio Guterres.
Les candidats au Secrétariat Général de l'ONU.
Ban Ki-Moon.
Boutros Boutros-Ghali.
Kurt Waldheim.
La COP21.

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27 août 2018 1 27 /08 /août /2018 04:47

« Les hautes parties contractantes déclarent solennellement au nom de leurs peuples respectifs qu’elles condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux, et y renoncent en tant qu’instrument de la politique nationale dans leurs relations mutuelles. » (Article 1 du Pacte Briand-Kellogg signé le 27 août 1928 à Paris).


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Il y a quatre-vingt-dix ans, le 27 août 1928 au Quai d’Orsay, à Paris, quinze États ont signé le fameux Pacte Briand-Kellogg qui a mis la guerre hors-la-loi. Quand on connaît évidemment le déroulement de l’histoire, à moins de cinq années de l’arrivée brutale au pouvoir de Hitler en Allemagne, on peut esquisser un léger sourire (sourire amer) et concevoir l’extrême naïveté dudit traité international. Il faut aussi se remettre dans le contexte. Aristide Briand (1862-1932) avait déjà réussi à négocier les accords de Locarno signés le 16 octobre 1925 avec le Chancelier allemand Gustav Stresemann, ces deux derniers ont d’ailleurs reçu le Prix Nobel de la Paix en 1926 pour cette raison.

Tout est parti du responsable politique français Aristide Briand, qui fut de très nombreuses fois Président du Conseil mais surtout, pendant une longue période, Ministre des Affaires étrangères (sans discontinuité du 28 novembre 1925 au 12 janvier 1932). Partisan de la paix et de tout acte visant à garantir la paix mondiale dans l’avenir, Aristide Briand était l’un des précurseurs les plus enthousiastes de la construction européenne (au même titre que Victor Hugo). Il a même annoncé, comme chef du gouvernement français, le 5 septembre 1929 devant l’assemblée générale de la Société des Nations (dont il avait présidé le Conseil quelques années auparavant) un projet d’union fédérale européenne en concertation avec l’Allemagne (projet qui fut vite abandonné avec la crise économique puis politique en Allemagne).

Mais revenons au 16 octobre 1925 avec les accords de Locarno. Aristide Briand avait insisté à l’époque sur l’importance autant psychologique que concrète de ces accords qui garantissaient la paix en Allemagne, des frontières confirmées, et une sécurité européenne consolidée par plusieurs pactes entre la France, l’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni, la Pologne, la Tchécoslovaquie et l’Italie : « Si les accords de Locarno ne correspondent pas à un esprit nouveau, s’ils ne marquent pas le début d’une ère de confiance et de collaboration, ils ne produiront pas ce grand effet que nous en attendons. Il faut que de Locarno, une Europe nouvelle se lève. ».

À partir de cet événement, Aristide Briand a gagné une grande renommée internationale, celui de devenir le symbole de la paix des années 1920. Pour preuve, le magazine américain "Time" lui a consacré la couverture de son numéro du 9 novembre 1925. Gustav Stresemann fit entrer l’Allemagne à la SDN en 1926, accueillie ainsi par Aristide Briand : « Arrière les fusils, les mitrailleuses, les canons ! Place à la conciliation, à l’arbitrage et à la paix ! ». Ces années furent marquées par une esquisse d’amitié franco-allemande qui fut contestée par la droite française qui y voyait un certain idéalisme utopique si ce n’était une réelle naïveté.

Un an et demi plus tard, toujours comme chef de la diplomatie française, Aristide Briand a adressé un discours au peuple américain le 6 avril 1927 depuis Paris, pour célébrer le dixième anniversaire de l’engagement des États-Unis dans la Première Guerre mondiale : « La France veut autour d’elle une atmosphère de confiance et de paix et ses efforts se sont traduits par la signature d’accords tendant à écarter la menace de conflits. La limitation des armements, recherchée aussi sincèrement par nos deux gouvernements, répond aux vœux ardents du peuple français tout entier, sur qui pèsent depuis plus d’un demi-siècle de lourdes charges militaires et qui a supporté pendant quatre ans sur son territoire des dévastations non encore réparées. ».

L’idée, pour lui, fut alors de négocier un traité entre les États-Unis et la France pour rejeter juridiquement la guerre comme solution politique. Il faut rappeler que les États-Unis n’avaient pas ratifié le Traité de Versailles (à cause de la majorité républicaine du Congrès) et n’étaient donc pas membre de la SDN. Aristide Briand cherchait donc à faire un accord bilatéral pour faire sortir les États-Unis de leur isolationnisme retrouvé et pour les engager dans la voie d’une sécurité collective.

Ce ne fut que huit mois plus tard que les États-Unis ont répondu favorablement à Aristide Briand. Leur Ministre des Affaires étrangères ("Secrétaire d’État") était alors Frank Kellogg (1856-1937), ancien sénateur républicain du Minnesota et ancien ambassadeur des États-Unis à Londres, chef de la diplomatie américaine du 5 mars 1925 au 28 mars 1929. Encouragé par une "opinion publique" américaine favorable à la proposition d’Aristide Briand, Frank Kellogg l’accepta en voulant l’étendre dans un traité avec l’ensemble des pays du monde.

Aristide Briand n’était pas très chaud partisan d’une telle extension car elle pouvait remettre en cause le système d’alliances, et par ailleurs, il était bien conscient que cela ne mangeait pas de pain et que cela ne contraindrait pas vraiment les États signataires, en raison d’une absence de sanction en cas de violation. Surtout, cela remettait en cause l’objectif même de sa proposition, à savoir conclure un accord bilatéral entre la France et les États-Unis pour renforcer la position de la France face à une Allemagne de Weimar qui avait déjà engagées de bonnes relations avec les Américains.

Néanmoins, Aristide Briand se rangea à la vision de Frank Kellogg dans le seul but de maintenir un climat international favorable à la paix. Le 27 août 1928, quinze États ont finalement signé le Pacte Briand-Kellogg : la France, les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, le Japon, la Belgique, la Pologne, la Tchécoslovaquie, l’Irlande, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et l’Inde. Quarante-huit autres États ont pris le train en route et ont signé le pacte dans les mois ou années à venir, en particulier l’Union Soviétique, le Mexique, la Turquie, dont certains de ceux-ci n’étaient pas membres de la SDN (en particulier les États-Unis et l’Union Soviétique), ce qui faisait de cet accord un accord plus large que les résolutions de la SDN. En définitive, cinq États importants refusèrent le pacte, l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, l’Arabie (Saoudite) et le Yémen. Frank Kellogg a obtenu le Prix Nobel de la Paix en 1929 pour ce pacte, auquel fut associé Aristide Briand qui avait déjà reçu le Prix Nobel trois ans auparavant.

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Ce pacte a-t-il été inutile ? N’a-t-il été qu’une simple comédie de pays qui ont eu peur de recommencer la guerre ("plus jamais ça !") ? On pourrait l’imaginer. Imaginer que les mots n’ont plus beaucoup de pouvoir, n’ont qu’une force illusoire face à une agression réelle, face à la violence totale telle que l’a démontré le nazisme futur.

Je ne peux m’empêcher de penser à cette scène de l’excellent film parodique "Mars Attacks !" réalisé par Tim Burton et sorti le 12 décembre 1996, dans lequel les Martiens arrivent sur Terre en scandant comme un mantra : « Nous venons en paix ! Nous venons en paix ! » tout en sortant leur kalashnikov et désintégrateur subquantique. Difficile de trouver cette scène en français sur le Web et en une seule partie. Une autre scène au Congrès américain est aussi de la même farine.













Pourtant, la signature du Pacte Briand-Kellog a été un élément indispensable dans les relations internationales. Un élément juridique et diplomatique indispensable. En effet, pour la première fois, le droit international, et par là, le droit interne d’une soixantaine d’États, interdisaient officiellement la guerre, avec des exceptions néanmoins nombreuses. Ainsi, c’est sur la base de ce pacte que le procès de Nuremberg a eu lieu après la Seconde Guerre mondiale, pour juger les auteurs d’un crime contre la paix. Ce pacte est d’ailleurs toujours en application puisqu’il ne dépendait pas de la défunte SDN.

En revanche, depuis la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU), ce pacte n’a plus beaucoup d’utilité car la Charte des Nations Unies, signée le 26 juin 1945 à San Francisco et ratifiée le 24 octobre 1945, a renforcé l’interdiction juridique de la guerre, l’étendant à tous les cas sauf en cas de légitime défense et sous réserve d’approbation du Conseil de Sécurité de l’ONU (exemple, l’annexion du Koweït par Saddam Hussein en 1990).

En effet, l’article 2 alinéa 4 de ce texte proclame : « Les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. ». À ce jour, cette Charte a été ratifiée par cent quatre-vingt-treize États.

En ce sens, Aristide Briand, qui mériterait d’être célébré plus qu’il ne l’est déjà actuellement en France, a montré une vision très anticipatrice des relations internationales, tant pour le rôle de l’amitié franco-allemande et de la construction européenne dans le maintien d’une paix mondiale durable que dans l’élaboration d’un droit international pouvant supplanter celui d’États ou de dictateurs qui violeraient un principe simple : celui du droit à tout être humain de vivre en paix et dans la sécurité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 août 2018)
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Pour aller plus loin :
Le Pacte Briand-Kellog.
Traité de Vienne.
Les quatorze points du Président Wilson.
La partition des Indes.
Traité de Rome.
Traité de Maastricht.
Traité constitutionnel européen.
Traité de Lisbonne.
La Paix.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180827-pacte-briand-kellogg.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-guerre-ce-n-est-pas-bien-207124

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/08/27/36656485.html



 

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5 juillet 2018 4 05 /07 /juillet /2018 22:10

Né le 5 juin 1923 à Paris, Henri Froment-Meurice a fait ses études à l'ENA où il a rencontré son épouse Gabrielle (qui fut la deuxième diplômée femme de l'ENA en 1949 ; leur fils François est aussi diplômé de l'ENA). D'une famille proche de René Pleven, il fut diplomate français en Égypte, Japon, ambassadeur de France en URSS de 1979 à janvier 1982, puis ambassadeur de France en Allemagne de l'Ouest de 1982 à 1983.

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180702-henri-froment-meurice.html


 

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