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8 août 2025 5 08 /08 /août /2025 04:57

« Quand je suis arrivée à la tête du parti, on nous expliquait que le PS était un cadavre à la renverse et qu'il faisait pitié. Ce n'était pas faux. Depuis, nous avons réussi à travailler collectivement et je suis très fière de ce travail. » (Martine Aubry, le 25 août 2011 dans "Le Parisien").



 


Le titre paraphrase une formule choc de Dominique Strauss-Kahn, son camarade et rival socialiste, lors d'un journal de 20 heures sur TF1, celui du dimanche 18 septembre 2011, après sa mésaventure du Sofitel : « J'ai manqué mon rendez-vous avec les Français. ». Il était pourtant le favori des sondages pour l'élection présidentielle de 2012... et le destin a pris une autre voie.

L'ancienne ministre Martine Aubry, qui fête ses 75 ans ce vendredi 8 août 2025, a, elle aussi, manqué son rendez-vous avec les Français. Ou ses rendez-vous. Elle a démissionné de son poste de maire de Lille le 21 mars 2025 après presque vingt-quatre ans de mandat et peut-être qu'on ne retiendra que cela d'elle, succédant à Pierre Mauroy, trente ans de maire de Lille, alors qu'on aurait pu imaginer plus. Ce mandat, et les RTT (jours de réduction du temps de travail).

Car de toutes les femmes qui pouvaient sérieusement peser dans la vie politique et l'avenir de la France, c'est-à-dire devenir Première Ministre avec une véritable autorité politique ou Présidente de la République élue au suffrage universel direct, comme Simone Veil, Ségolène Royal, Marine Le Pen, Michèle Alliot-Marie (et je pense qu'il n'y a plus d'autres exemples de ce cercle très fermé), Martine Aubry avait sans doute le plus de chance de réussir, de gouverner.

Fille de Jacques Delors, ce qu'elle n'a jamais vraiment mis en avant au point de garder le patronyme de son premier mari malgré son divorce, Martine Aubry a surtout hérité de ses hésitations, de cet obstacle ultime avant de franchir le Rubicon, celui de son ambition personnelle qu'elle a toujours mise après une ambition collective. Ni la fille ni le père n'ont jamais imaginé d'être le numéro un en France, d'être le roi (ou la reine) alors qu'ils croyaient avant tout au travail en équipe.

 


Pourtant, Martine Aubry ne manquait pas d'occasions de sortir du lot. Énarque (maître de requêtes au Conseil d'État), passionnée très tôt par la politique, elle est passée par les cabinets ministériels et par le groupe Péchiney (en tant que directrice générale adjointe) avant d'être bombardée très influente Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle (un secteur qu'elle connaît excellemment) du 16 mai 1991 au 29 mars 1993 dans les gouvernements dirigés par Édith Cresson et Pierre Bérégovoy.

À cette sortie du gouvernement pour cause de nouvelle cohabitation, elle a rapidement acquise la réputation d'une bosseuse mais aussi d'une personnalité politique très forte, capable d'autorité et de vision, aux convictions solides, même si elle a refusé de se présenter tant aux élections législatives de mars 1993 qu'aux élections européennes de juin 1994.


Elle a acquis une belle réputation au point que deux années plus tard, alors que son père Jacques Delors venait de renoncer à se présenter à la Présidence de la République, Martine Aubry, jeune femme de 44 ans, se trouvait en tête des sondages pour désigner le futur candidat socialiste à l'élection présidentielle de 1995. Pour elle, pas question d'y aller maintenant, c'était trop tôt, elle ne se considérait pas en condition pour y aller, sans doute se sentant trop jeune, trop inexpérimentée dans la vie politique.

Lionel Jospin y est allé, qui lui a confié la mission de rédiger son programme (avec son ami Claude Allègre) et qui lui a donné un brevet d'excellence dans son meeting du 18 avril 1995, considérée comme la « femme politique la plus brillante d'aujourd'hui ». Deux autres personnalités ont eu un tel brevet dans l'histoire politique française : Raymond Barre proclamé « le meilleur économiste de France » par Valéry Giscard d'Estaing, et Alain Juppé proclamé « le meilleur d'entre nous » par Jacques Chirac. Des expressions qui ont collé à leur peau pour le bonheur de leurs dénigreurs.

Si Lionel Jospin n'a pas été élu en 1995, il a réussi à étonner les observateurs politiques focalisés sur le duel entre Jacques Chirac et Édouard Balladur en s'arrogeant la première place du premier tour, ce qui lui a apporté la victoire aux élections législatives anticipés de juin 1997, deux ans plus tard, et l'a conduit à diriger le gouvernement pendant cinq ans, de juin 1997 à mai 2002.

L'ancien Premier Ministre Pierre Mauroy a vu aussi en elle sa successeure à la mairie de Lille. Le parachutage ne s'est pas forcément bien passé au début, mais toujours est-il qu'aux élections municipales de juin 1995, juste après l'élection présidentielle, Martine Aubry a été élue première adjointe au maire de Lille sur la liste de Pierre Mauroy. Encore une fois, un mandat d'héritière et pas de conquérante, mais qui montrait son envie de s'implanter politiquement et de compter durablement dans la vie politique. Elle a même tenté de conquérir le club deloriste Témoins tenu par François Hollande et Ségolène Royal.

Juin 1997 a été l'heure de gloire de Martine Aubry. Élue députée du Nord (pour la première fois) après la dissolution décidée par Jacques Chirac, elle a été la première des ministres de la "dream team" de la gauche plurielle. Numéro deux dans le gouvernement Jospin en tant que Ministre de l'Emploi et de la Solidarité du 4 juin 1997 au 18 octobre 2000, elle était placée juste avant Dominique Strauss-Kahn, lui nommé à l'Économie et aux Finances, et les deux ministres étaient considérés comme les premiers-ministrables d'un Premier Ministre en tête des sondages de la prochaine élection présidentielle de 2002.


À cause de sa filiation avec Jacques Delors considéré comme un socialiste de l'aile droite, Martine Aubry, pour éviter cette étiquette (celle de social-traître), a toujours gauchi ses discours, plus que par sincérité, pour être acceptée par ce que les socialistes appelaient le "peuple de gauche" (expression affreuse et anti-républicaine). Résultat, elle a pris à cœur de réaliser la seule chose économique réellement importante du quinquennant Jospin, et qui restera dans l'histoire politique comme l'une des plus néfastes, à savoir la réforme des 35 heures (de travail par semaine, payées 39 heures). Une réforme anti-économique et anti-sociale qui est passée à court terme grâce à une embellie de la conjoncture économique internationale mais qui a plombé l'économie française les vingts années suivantes.
 


Du reste, si Martine Aubry a été élue maire de Lille en mars 2001 (grâce au retrait et au soutien de Pierre Mauroy), elle a été battue en juin 2002 aux élections législatives (elle avait pourtant démissionné du gouvernement en automne 2000 pour se consacrer à son implantation à Lille).

À partir de 2002, Martine Aubry, de jeune espoir, est devenue une éléphante décevante du parti socialiste. Déjà, elle aurait pu, tout comme Dominique Strauss-Kahn, autre numéro deux jospiniste, prendre la tête du PS et de l'opposition dès l'été 2002 mais faute de vision politique et tactique, les deux, par trop grande prudence, ont laissé le terrain à Ségolène Royal qui s'est alors imposée dans les sondages comme candidate socialiste à l'élection présidentielle de 2007. C'est après la défaite de cette dernière que Dominique Strauss-Kahn, de nouveau en vogue dans les sondages, a tenté un retour mais son acceptation du poste de directeur général du FMI (Fonds monétaire international) l'a rendu politiquement inaudible.

Pour la primaire socialiste d'octobre 2011, la première ouverte à tous les électeurs, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry et Laurent Fabius avaient conclu un pacte dès la démission de François Hollande de la tête du PS en 2008. À Martine le PS et à DSK l'Élysée (aidé par les sondages). Martine Aubry serait alors devenue la Première Ministre de DSK.

Le congrès de Reims en novembre 2008, première étape pour disqualifier Ségolène Royal, a tourné au désastre. Martine Aubry est parvenue à conquérir le poste de première secrétaire du PS (du 26 novembre 2008 au 17 septembre 2012), et à ce titre, la première femme, et la seule femme à avoir été à la tête du parti socialiste, mais d'extrême justesse et après cuisine politicienne, et si elle a pu éloigner le danger que représentait Bertrand Delanoë (maire de Paris), également haut dans les sondages, elle n'a pas pu écarter Ségolène Royal.

Évidemment, le scandale du Sofitel en mai 2011 a bouleversé les choses. Il a fallu attendre plus d'un mois pour que Martine Aubry, peu préparée, ait décidé de reprendre la candidature laissée par DSK en se présentant elle-même à la primaire socialiste d'octobre 2011. Elle a dû sans arrêt justifier qu'elle voulait gagner, ce qui faisait pressentir un faible enthousiasme face à François Hollande qui n'avait jamais cessé d'y penser depuis 1997 ! Conclusion, François Hollande l'a battue au second tour et son poste à Matignon ne pouvait que s'envoler. Martine Aubry a négocié très mal les investitures du PS aux élections législatives de juin 2012, c'est-à-dire en donnant beaucoup trop de sièges aux écologistes, trop par rapport à leur importance réelle dans le pays, si bien que François Hollande, élu Président, s'est retrouvé avec une majorité à l'Assemblée étriquée, voire inexistante si l'on tenait compte des "frondeurs" du PS qui ont pourri son quinquennat.

 


Refusant à François Hollande le poste de numéro deux gouvernement à la tête d'un grand ministère de la Culture et de l'Éducation nationale (c'était Matignon ou rien), Martine Aubry a abandonné la tête du PS et s'est repliée à Lille, ne restant plus qu'un recours qui allait se faire de plus en plus oublier au fil des élections présidentielles et municipales suivantes.

Martine Aubry a donc principalement déçu les militants socialistes qui voyaient en elle la leader d'un PS modernisé et conquérant. En fait, elle n'a été qu'une élue locale très influente à Lille mais ignorée au niveau national. Dans sa retraite, il lui restera la carte de la sagesse : délivrer bonnes et mauvaises notes aux dirigeants du moment. Elle ne s'en est déjà pas privée pour Emmanuel Macron (en mauvaises notes, bien sûr), qui, pourtant, avait accompli le rêve de Jacques Delors, son père, à savoir mettre toutes les personnalités politiques de bonne volonté autour d'une table pour trouver les solutions aux enjeux de la France sans se positionner selon un intérêt de parti ou un dogme idéologique.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 août 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les larmes de Martine.
L'inquiétude de Martine Aubry.
Le désir puissant de Martine Aubry.
La future Angela Merkel française ?
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Gisèle Halimi.
Georges Lemoine.
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Jacques Delors.
8e motion de censure pour convenance personnelle (du PS).
Congrès du PS : Saloperies antisémites.
Jérôme Guedj.
Congrès du PS : "l'homme le plus riche du cimetière".
Congrès du PS : Olivier Faure est-il en difficulté ?
Congrès du PS : le choc de complexité !
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Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
Histoire du PS.
Manuel Valls.
Hubert Védrine.
Julien Dray.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
Lionel Jospin.
Claude Allègre.
François Mitterrand.
Mazarine Pingeot.
Richard Ferrand.
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Pierre Joxe.
André Chandernagor.
Didier Migaud.
Pierre Moscovici.

La bataille de l'école libre en 1984.
Bernard Kouchner.
Hubert Curien.
Alain Bombard.
Danielle Mitterrand.
Olivier Faure.
Lucie Castets.

Bernard Cazeneuve
Gabriel Attal.
Élisabeth Borne.
Agnès Pannier-Runacher.
Sacha Houlié.
Louis Mermaz.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco de la candidate socialiste.
Le socialisme à Dunkerque.
Le PS à la Cour des Comptes.

 

 








https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250808-martine-aubry.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/martine-aubry-a-t-elle-manque-son-261834

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/08/09/article-sr-20250808-martine-aubry.html

 




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28 juillet 2025 1 28 /07 /juillet /2025 04:24

« Georges Lemoine nous a quittés. Maire, député, secrétaire d’État, il fut un homme de terrain profondément attaché aux quartiers populaires et à son enracinement chartrain. » (François Rebsamen, Ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation et ancien maire de Dijon, le 25 juillet 2025 sur Twitter).



 


L'ancien ministre socialiste Georges Lemoine est mort à Caen le vendredi 25 juillet 2025, tôt dans la matinée, à l'âge de 91 ans (il est né à Rouen le 20 juin 1934). Avec lui est parti l'un des hiérarques de la période socialo-communistes, promu par ses victoires locales dans l'Eure-et-Loir dont il était l'un des grands barons pendant plusieurs décennies. Il fut un compagnon de route historique de François Mitterrand dans les années 1960.

Il a grandi près de Rennes et est devenu normalien, chargé d'enseignement en littérature. Georges Lemoine a rencontré François Mitterrand en 1965 à la Fédération de la gauche démocratique et socialiste (FGDS) qui l'a fait adhérer à son club politique, la Convention des institutions républicaines (CIR). Aux élections municipales de 1971, Georges Lemoine a mené une liste de centre gauche à Dreux mais a échoué face au maire sortant pourtant membre du petit parti cofondé notamment par François Mitterrand, l'UDSR. Son échec l'a conduit à rejoindre le PS en 1971 (en même temps que les autres mitterrandistes), au congrès d'Épinay, pour le noyauter. En mars 1973, Georges Lemoine a aussi échoué aux élections législatives en Eure-et-Loir, ne parvenant pas à battre le député RI sortant (giscardien).

Son implantation politique en Eure-et-Loir (depuis 1963) allait pourtant le faire gagner quelques mois plus tard, en septembre 1973 aux élections cantonales, remportant le canton de Chartes-Sud-Est et l'amenant à siéger au conseil général d'Eure-et-Loir de septembre 1973 à octobre 1988 et de mars 1994 à mars 2008. Emporté par une vague favorable à l'union de la gauche, Georges Lemoine est élu maire de Chartres en mars 1977 avec sa liste socialo-communiste face au maire sortant, le centriste Jean Laillet (CDS), qui a mené une liste CDS-RI-RPR (Jean Laillet avait été élu maire de Chartres le 12 mai 1975 pour succéder à Marcel Gaujard décédé en cours de mandat). Georges Lemoine a obtenu dès le premier tour 50,6% des voix, et son concurrent seulement 36,7%, handicapé par une troisième liste divers droite.
 


Chartres fut alors son premier mandat de baron local. Georges Lemoine fut élu et réélu maire de Chartres de mars 1977 à janvier 1998, devant quitter son siège de maire en raison du cumul des mandats, mais se faisant élire à la place premier adjoint au maire de janvier 1998 à mars 2001 en conservant son bureau de maire (ce qui montrait bien l'hypocrisie du non-cumul des mandats). En outre, Georges Lemoine a présidé l'agglomération de Chartres jusqu'en mars 2001. En octobre 1981, à cause d'un différend avec son premier adjoint, pour le limoger, il a démissionné et a été réélu comme maire.

Georges Lemoine a voulu que Chartres puisse devenir une grande ville de congrès et de salons en favorisant une forte capacité hôtelière. Il a aussi implanté une zone très étendue d'entreprises industrielles et du tertiaire, profitant de l'axe de l'autoroute A11 (allant vers Paris). Toutefois, après le constat d'une situation financière très difficile, il a augmenté fortement les impôts en 1997, ce qui n'était pas très populaire !

L'année suivant sa victoire municipale, Georges Lemoine a remporté les élections législatives en mars 1978 sur son rival sortant de 1973. Il fut alors élu et réélu député de mars 1978 à mars 1993, battu en 1993, puis élu de juin 1997 à juin 2002. En particulier, Georges Lemoine est réélu député de Chartres en juin 1981 contre une ministre sortante du gouvernement de Raymond Barre, Monique Pelletier.
 


Influent député-maire de Chartres, Georges Lemoine est devenu très logiquement ministre lors de la victoire de François Mitterrand en 1981, membre des gouvernements de Pierre Mauroy et Laurent Fabius de 1981 à 1986, précisément Secrétaire d'État chargé de l'Énergie du 22 mai 1981 au 23 juin 1981, puis Secrétaire d'État à la Défense du 23 juin 1981 au 23 mars 1983, enfin Secrétaire d'État chargé des DOM-TOM du 23 mars 1983 au 20 mars 1986. En 1981, selon l'AFP, il aurait refusé l'Éducation nationale.

Grand maître de la fédération d'Eure-et-Loir du PS, Georges Lemoine a commencé à trouver face à lui des contestataires en interne. Le département ayant eu une tradition radicale, et le député-maire de Chartres étant plutôt de centre gauche, ce dernier a favorisé l'éclosion d'un parti régional incluant socialistes et radicaux de gauche. Mais le problème fut la division aux élections régionales de mars 1992 : parallèlement à la liste officielle du PS conduite par son adjointe Maryvonne Radix (également sa successeure au conseil général), existait une liste dirigée par le radical de gauche François Huwart (futur député et futur ministre) que certains ont cru soutenue par Georges Lemoine.

Battu par le candidat RPR aux législatives en mars 1993, Georges Lemoine s'est représenté à nouveau aux élections cantonales en mars 1994 contre la sortante Maryvonne Radix, son adjointe qu'il a démise en raison de son investiture du PS. Georges Lemoine a alors gagné cette élection dès le premier tour sur les apparatchiks du PS qui l'ont alors exclu du parti.
 


Malgré l'état épouvantable des finances de Chartres après une vingtaine d'années de gestion de la ville, Georges Lemoine a réussi en juin 1997 à se faire réélire député de justesse (à quelques centaines de voix près) grâce à la vague de la gauche plurielle. Il a préféré rester député et abandonner son mandat de maire pour le non-cumul (en janvier 1998), mais est resté en fait toujours le maître de cérémonie à Chartres jusqu'en mars 2001 où il a presque tout perdu : la mairie et la présidence de l'agglomération (plusieurs listes se sont affrontées et c'est la liste dissidente de droite qui a gagné, celle de Jean-Pierre Gorges, DL, élu maire et président de l'agglomération). Georges Lemoine a toutefois sauvé son mandat de conseiller général en se faisant réélire au conseil général en mars 2001.

Battu encore par Jean-Pierre Gorges aux élections législatives de 2002 à la suite de la déconvenue présidentielle de Lionel Jospin, Georges Lemoine ne fut plus que l'ombre de lui-même en tant que conseiller général d'Eure-et-Loir (d'un conseil général dominé par le RPR) et conseiller municipal de Chartres (d'un conseil municipal dominé par la droite), jusqu'en mars 2008.

À l'issue des élections cantonales de mars 2004, Georges Lemoine a quitté le groupe socialiste et a rejoint dans ses votes la majorité UMP-UDF, souhaitant s'allier avec le groupe UDF qui a refusé. En mars 2008, il a tenté sa réélection aux cantonales mais a été éliminé au second tour lors d'une triangulaire (en dernière place) et a échoué aussi à se faire élire au conseil municipal d'une très petite commune, Favril. N'ayant plus aucun mandat électif en mars 2008, Georges Lemoine a tenté un quasi-ultime combat en septembre 2008 lors d'une élection législative partielle sur son ancienne circonscription mais sans soutien du PS, il n'a obtenu que 14,5% et a été éliminé dès le premier tour. Depuis 2017, l'actuel député de cette circonscription est le macroniste Guillaume Kasbarian qui fut Ministre du Logement puis de la Fonction publique du 8 février 2024 au 23 décembre 2024.
 


Et comme il a eu le soutien du micro-parti d'extrême gauche POI (parti ouvrier indépendant), issu du parti des travailleurs, Georges Lemoine en est devenu membre jusqu'à la fin de sa vie alors qu'il était plutôt positionné au centre gauche. Ce qui l'a conduit à se présenter une dernière fois en mars 2011 aux élections cantonales (sur un autre canton) avec l'étiquette du POI, ne recevant que 5,7% des voix (cinquième position) dans ce canton qui fut gagné par le candidat du PS. Il faut préciser qu'il existe un député POI depuis 2022, intégré au groupe des insoumis.

De septembre 1973 (il avait 39 ans) à mars 2008 (il avait 73 ans), Georges Lemoine a eu ainsi une carrière politique de près de trente-cinq ans, ce qui reste très long même si, à partir des années 1990, sa vie politique fut de plus en plus chaotique, pêchant par ses dissensions avec le parti socialiste parisien (face au sien en Eure-et-Loir), jusqu'au point de se retrouver seul politiquement les dernières années d'activités politiques.

Son ancien "complice" radical de gauche, François Huwart, qui fut député-maire de Nogent-le-Rotrou et ministre dans le gouvernement de Lionel Jospin, semble être parmi les rares personnalités politiques de gauche sincère dans l'expression de son émotion à l'annonce de sa mort : « Sa disparition me fait vraiment de la peine, parce que j’avais de l’estime et de l’admiration. C’était un homme de gauche et un homme libre, pas à la merci de la myopie des partis politiques. Je garde de lui l’image d’un homme très érudit et chaleureux, que je rencontrais dans sa maison de campagne au milieu de ses livres. Je l’ai connu très jeune puisque lorsque j’ai passé le concours de Normale supérieure, il faisait partie du jury. Il était d’une grande fidélité et a été très injustement attaqué par des gens qui lui ont décoché des flèches empoisonnées et qui, aujourd’hui, à sa mort, le couvrent de louanges hypocrites, alors qu'ils savent bien qu'il a terminé sa vie dans la solitude. » ("L'Écho républicain"). En d'autres termes, les hommages rendus aujourd'hui par des membres, actuels ou anciens, du parti socialiste sont à prendre avec les pincettes de l'hypocrisie. Étrange Georges Lemoine.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 juillet 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gisèle Halimi.
Georges Lemoine.
Jacques Delors.

8e motion de censure pour convenance personnelle (du PS).
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Jérôme Guedj.
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Le socialisme à Dunkerque.
Le PS à la Cour des Comptes.











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22 juin 2025 7 22 /06 /juin /2025 04:05

« La politique commence par des valeurs, une exigence première. » (Jérôme Guedj, le 16 juin 2025 sur BFMTV).



 


Dans un autre monde, ou plutôt, dans le monde d'avant, avant-populisme, avant-complotisme, avant-extrémisme, j'aurais trouvé le député PS de Massy Jérôme Guedj (53 ans) comme un adversaire politique redoutable, parce qu'il a du talent et qu'il est de l'aile gauche du PS et, donc, parce qu'il n'a pas les mêmes options politiques que moi. Mais il se trouve que, sans trahir ses convictions qui ne sont pas du tout les miennes, il a montré un vrai courage politique à s'attaquer à un extrémisme, celui du populiste de gauche qu'est Jean-Luc Mélenchon.

Et il faut savoir mesurer ce courage, car il n'est pas seulement un courage politique, intellectuel, celui des idées, mais aussi un courage personnel, psychologique, car Jean-Luc Mélenchon, longtemps sénateur socialiste de l'Essonne (de 1986 à 2009) et numéro deux du conseil général de l'Essonne, a été le mentor politique du jeune Jérôme Guedj implanté dans la même ville, le même département que lui. Jérôme Guedj a été lui-même numéro deux du conseil général de l'Essonne de 2008 à 2011 puis son président de 2011 à 2015. Jérôme Guedj, énarque de la même promotion que Laurent Solly, Emmanuel Moulin, Sophie Boissard et Frédéric Mion, a même commencé en politique comme attaché parlementaire de Jean-Luc Mélenchon.

Mais parfois, les idées doivent secouer les amitiés. Jérôme Guedj fait partie de cette gauche laïque, celle qui ne transige pas avec les valeurs républicaines, celle de la laïcité notamment mais plus généralement, il ne transige pas avec l'esprit de responsabilité. Un parlementaire doit tout faire pour réduire les fractures sociales, doit tout faire pour renforcer l'unité d'une nation à la cohésion très fragile, traversée par des clivages plus qu'idéologiques. Il ne doit donc pas mettre de l'huile sur le feu pour accroître les divisions dans une société.

Son mentor a divergé vers une autre planète, vers un islamo-gauchisme qui dit clairement, cyniquement, son objectif, récupérer les voix d'une certaine catégorie de la population française pour atteindre le Graal politique, à savoir le second tour de la prochaine élection présidentielle, après trois échecs massifs (et pourtant clairs) en 2012, 2017 et 2022.

Ainsi, Jérôme Guedj, au contraire de la plupart de ses camarades socialistes mollassons, a refusé l'investiture de la nouvelle farce populaire (NFP) dans sa sixième circonscription de l'Essonne (Massy, Palaiseau, Igny,Chilly-Mazarin) lors de la campagne des élections législatives de l'été dernier, parce qu'il ne voulait pas être élu avec l'aide des insoumis dont il rejette tout. Il a même bénéficié de l'absence d'un candidat Renaissance alors que c'était en 2017 la circonscription de l'actuelle ministre Amélie de Montchalin. Et FI lui a placé une candidate à sa gauche qui a fait 25,3% au premier tour mais qui s'est désistée en sa faveur au second tour pour le conforter dans son duel face au RN.

Pourquoi est-ce que j'évoque Jérôme Guedj ? C'est parce qu'il est "la" figure, la seule figure qui s'est dégagée du très piteux congrès du parti socialiste du 13 au 15 juin 2025 à Nancy. La SFIO avait déjà organisé deux de ses congrès à Nancy, en 1907 et en 1929, et c'est bien l'image d'un PS proche de la SFIO, aussi archaïque que la SFIO, avec un chef aussi mou que Guy Mollet, qui s'est dégagée durant ces quelques heures de meetings. Je m'en réjouis, cela évitera de marquer d'un congrès socialiste la belle ville de Nancy !

 


À Nancy, il n'y avait plus aucune incertitude sur la reconduction de premier secrétaire sortant, Olivier Faure, qui est dans cette fonction depuis le 7 avril 2018 et qui devrait y rester jusqu'en 2027 au moins. À ce titre, en termes de longévité, il égalise avec les trois chefs historiques du PS depuis 1969, j'oserais dire les trois seuls chefs historiques du PS, à savoir François Mitterrand (du 16 juin 1971 au 24 janvier 1981), Lionel Jospin (du 24 janvier 1981 au 14 mai 1988 et du 14 octobre 1995 au 2 juin 1997) et François Hollande (du 27 novembre 1997 au 26 novembre 2008). Il faut insister sur le fait que ces trois personnalités sont les seules personnalités socialistes à avoir obtenu, seules, le pouvoir exécutif par leur propre mérite, soit comme Président de la République élu par les Français, soit comme Premier Ministre de cohabitation soutenu par une majorité parlementaire. Je pense qu'Olivier Faure ne devrait pas suivre le chemin de ses trois prédécesseurs, puisque le PS ne vaut plus que 1,7% à la bourse de l'élection présidentielle... et ce congrès de Nancy a confirmé qu'aucune impulsion n'a été donnée à ce parti moribond pour qu'il décolle de ce niveau vaseux.

C'est la raison pour laquelle, au printemps 2025, Jérôme Guedj, pourtant de l'aile gauche, a rejoint l'aile droite menée par Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen, qui souhaite rompre définitivement avec Jean-Luc Mélenchon, France insoumise et leur islamo-gauchisme flirtant avec l'antisémitisme le plus cynique.


Mais avant de parler de ce congrès (ce qui relève de l'exploit, le vide n'attirant que l'indifférence et l'inconsistance), rappelons les résultats des votes des adhérents préalablement à ce congrès.

Le 27 mai 2025, trois candidats : Olivier Faure a recueilli 10 299 voix, soit 42,0%, Nicolas Mayer-Rossignol 9 897 voix, soit 40,4%, et Boris Vallaud 4 313 voix, soit 17,6% Il faut souligner le faible nombre des adhérents inscrits, 39 829, et la faible participation, seulement 24 547, soit 61,6% (plus d'un tiers des adhérents ne se sentait pas concerné !). Il n'y aurait eu que 38 votes blancs ou nuls.

Le 5 juin 2025, le second tour pour départager Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. C'est le premier qui a gagné, mais de manière très serrée malgré le soutien de Boris Vallaud, avec 12 689 voix, soit 51,1%, battant le second avec 12 120 voix, soit 48,9%, avec une participation à peine plus forte, 25 164, sot 63,2% des inscrits. En outre, il y a eu 355 votes blancs ou nuls.

 


Ce congrès du PS n'a apporté aucune idée nouvelle, rien que des discussions d'ordre tactique et politicien sur les relations entre le PS et FI. En gros, l'enjeu était : faut-il tenter de gagner en mettant les valeurs de côté ou perdre avec ses valeurs ? Olivier Faure, qui a besoin des insoumis dans sa circonscription seine-et-marnaise, ne peut pas se séparer trop fermement de FI, si bien que la ligne politique adoptée est l'autonomie avec FI mais accord ponctuel avec ces populistes de gauche.

Jérôme Guedj a dénoncé les ambiguïtés mortifères pour le PS d'Olivier Faure qui expliquait le 12 juin 2025 dans "Libération" qu'il n'y aurait pas d'accord national avec FI mais en complétant aussitôt le contraire : « Je ne confonds pas les échéances : à l'échelle d'une commune, un adjoint à l'urbanisme qui vient de LFI, où est le problème ? C'est déjà le cas. ».

Quelqu'un a-t-il entendu le discours de clôture du congrès d'Olivier Faure le 15 juin 2025 ? Non ? Ça ne m'étonne pas, puisque ça ne sert à rien. Aucune nouvelle idée, ai-je écrit. Mais pourtant, il est ressorti un seul discours de ce congrès de Nancy, c'est celui prononcé par Jérôme Guedj le 14 juin 2025, la veille (comme ce n'est pas une guest star, il n'a eu le droit qu'à une parole subalterne). Pourtant, c'est bien son discours qui est resté dans les mémoires et qui va sans doute y rester pour longtemps.

Pour résumer, Jérôme Guedj, qui s'était fait traiter de "sioniste génocidaire" par des élus insoumis il y a quelques semaines, a riposté en disant que leur gourou était un (je cite) "salopard antisémite". Comme pour se faire une idée, il vaut mieux avoir cette expression dans son contexte, voici la phrase complète, prononcée par un vrai tribun (il a été à bonne école) :
 


« Quand je dis à Jean-Luc Mélenchon qu'il n'est pas possible et souhaitable de défendre la revendication de la Palestine de la mer à la rivière, je défends la position historique des socialistes, notamment celle de François Mitterrand à la Knesset en 1982, qui est celle de la solution à deux États, de la sécurité d'Israël et de la reconnaissance de l'État palestinien. Et qu'à ce moment-là, à ce moment-là, je deviens le "sioniste génocidaire" pour Jean-Luc Mélenchon et les siens, et que j'ai une meurtrissure terrible à dire devant ce congrès que pour la première fois de ma vie, j'ai dû dire de l'homme que j'ai aimé profondément, qu'il est devenu un "salopard antisémite", avec des propos qui sont pour nous absolument insupportables. Alors, nous devons avoir cette nuance. Nous devons la revendiquer. Sur la laïcité (…), sur la République sociale, sur l'ensemble des territoires perdus de la République... Et de là où je suis, je termine par là, je suis un fervent défenseur du rassemblement de la gauche et des écologistes, mais je nous adjure collectivement : ne vendons pas notre âme aujourd'hui au nom de ces huées fanatiques. Il n'est plus possible d'avoir le moindre point de contact avec ceux qui, aujourd'hui, abîment la gauche, l'universalisme, la République et la laïcité. ».

Quels sont ces "propos absolument insupportables" ?


Jérôme Guedj a rappelé qu'il était régulièrement l'objet d'attaques antisémites de la part des insoumis, en particulier de leur gourou en chef, par des allusions nauséabondes, comme cette phrase piochée dans son blog : « On voit clairement une honte émerger de ces couinements. L’ambiguïté du propos est un signe dans son milieu de fanatisme. L’intéressant est de le voir s’agiter autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions. ». La réaction du député de l'Essonne à la lecture de cette note : « J’ai vu là, pour la première fois, l’expression délibérée d’un propos antisémite. ».

L'adversaire d'Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol, était sur la même ligne en expliquant, le même jour, qu'il n'était pas possible d'avoir une alliance tant sur le plan national que localement : « Que préférons-nous ? Perdre des élections ou perdre nos âmes ? ».
 


Deux jours plus tard, le 16 juin 2025 au micro de BFMTV, Jérôme Guedj, sans présenter d'excuse publiquement (alors qu'elles ont été exigées par Manuel Bompard, coordinateur de FI), a dit regretter d'avoir employé le terme "salopard" qui n'était pas « conforme à la conception que j'ai du débat politique » en ajoutant que le terme « n'était pas utile, "antisémite" suffisait ». Le divorce entre Jérôme Guedj et Jean-Luc Mélenchon date du 7 octobre 2023 et du refus des insoumis de qualifier le Hamas d'organisation terroriste. Jérôme Guedj a expliqué que le mot était « venu comme ça, (…) dans cette nécessité de secouer [le congrès], là où je voyais poindre une forme d’inertie, parce que le cœur du débat était de savoir si on pouvait continuer à avoir des relations avec la France insoumise ».

Jérôme Guedj n'a pas mâché ses mots non plus pour qualifier l'attitude lâche d'Olivier Faure. Il a regretté le « flottement », le « flou permanent » du premier secrétaire du PS sur l'antisémitisme des insoumis, et il a trouvé franchement « minable » sa réaction dans la matinale de France 2 le 16 juin 2025, ajoutant : « Ce n’est pas un problème personnel que j’ai avec Jean-Luc Mélenchon, c’est un problème qui devrait concerner toute la gauche. ». Jérôme Guedj a été applaudi à Nancy, mais qui sortira publiquement de cette lâche facilité de laisser faire Olivier Faure dans sa complice alliance ?


L'éditorialiste Patrick Cohen ponctuait sévèrement sa chronique du 16 juin 2025 sur France Inter : « Alors un congrès pour rien ? Rien de neuf sur le fond. Ni sur la stratégie présidentielle, toujours aussi floue. Et confirmation qu’il y a deux PS, pas irréconciliables, mais de plus en plus divergents. La gauche non-mélenchoniste qui ne sait pas où elle habite, n’ira pas toquer au parti socialiste. ». Il faut le dire comme c'est : cela fait longtemps que la gauche non-mélenchoniste a rejoint le Président Emmanuel Macron.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 juin 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Congrès du PS : Saloperies antisémites.
Jérôme Guedj.
Congrès du PS : "l'homme le plus riche du cimetière".
Congrès du PS : Olivier Faure est-il en difficulté ?
Congrès du PS : le choc de complexité !
Robert Badinter.
Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
Histoire du PS.
Manuel Valls.
Martine Aubry.
Hubert Védrine.
Julien Dray.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
Lionel Jospin.
Claude Allègre.
François Mitterrand.
Jacques Delors.
Mazarine Pingeot.
Richard Ferrand.
Didier Guillaume.

Pierre Joxe.
André Chandernagor.
Didier Migaud.
Pierre Moscovici.

La bataille de l'école libre en 1984.
Bernard Kouchner.
Hubert Curien.
Alain Bombard.
Danielle Mitterrand.
Olivier Faure.
Lucie Castets.

Bernard Cazeneuve
Gabriel Attal.
Élisabeth Borne.
Agnès Pannier-Runacher.
Sacha Houlié.
Louis Mermaz.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco de la candidate socialiste.
Le socialisme à Dunkerque.
Le PS à la Cour des Comptes.







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250615-congres-ps.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-du-ps-saloperies-261568

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/15/article-sr-20250615-congres-ps.html


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21 juin 2025 6 21 /06 /juin /2025 04:05

« La politique commence par des valeurs, une exigence première. » (Jérôme Guedj, le 16 juin 2025 sur BFMTV).



 


Dans un autre monde, ou plutôt, dans le monde d'avant, avant-populisme, avant-complotisme, avant-extrémisme, j'aurais trouvé le député PS de Massy Jérôme Guedj (53 ans) comme un adversaire politique redoutable, parce qu'il a du talent et qu'il est de l'aile gauche du PS et, donc, parce qu'il n'a pas les mêmes options politiques que moi. Mais il se trouve que, sans trahir ses convictions qui ne sont pas du tout les miennes, il a montré un vrai courage politique à s'attaquer à un extrémisme, celui du populiste de gauche qu'est Jean-Luc Mélenchon.

Et il faut savoir mesurer ce courage, car il n'est pas seulement un courage politique, intellectuel, celui des idées, mais aussi un courage personnel, psychologique, car Jean-Luc Mélenchon, longtemps sénateur socialiste de l'Essonne (de 1986 à 2009) et numéro deux du conseil général de l'Essonne, a été le mentor politique du jeune Jérôme Guedj implanté dans la même ville, le même département que lui. Jérôme Guedj a été lui-même numéro deux du conseil général de l'Essonne de 2008 à 2011 puis son président de 2011 à 2015. Jérôme Guedj, énarque de la même promotion que Laurent Solly, Emmanuel Moulin, Sophie Boissard et Frédéric Mion, a même commencé en politique comme attaché parlementaire de Jean-Luc Mélenchon.

Mais parfois, les idées doivent secouer les amitiés. Jérôme Guedj fait partie de cette gauche laïque, celle qui ne transige pas avec les valeurs républicaines, celle de la laïcité notamment mais plus généralement, il ne transige pas avec l'esprit de responsabilité. Un parlementaire doit tout faire pour réduire les fractures sociales, doit tout faire pour renforcer l'unité d'une nation à la cohésion très fragile, traversée par des clivages plus qu'idéologiques. Il ne doit donc pas mettre de l'huile sur le feu pour accroître les divisions dans une société.

Son mentor a divergé vers une autre planète, vers un islamo-gauchisme qui dit clairement, cyniquement, son objectif, récupérer les voix d'une certaine catégorie de la population française pour atteindre le Graal politique, à savoir le second tour de la prochaine élection présidentielle, après trois échecs massifs (et pourtant clairs) en 2012, 2017 et 2022.

Ainsi, Jérôme Guedj, au contraire de la plupart de ses camarades socialistes mollassons, a refusé l'investiture de la nouvelle farce populaire (NFP) dans sa sixième circonscription de l'Essonne (Massy, Palaiseau, Igny,Chilly-Mazarin) lors de la campagne des élections législatives de l'été dernier, parce qu'il ne voulait pas être élu avec l'aide des insoumis dont il rejette tout. Il a même bénéficié de l'absence d'un candidat Renaissance alors que c'était en 2017 la circonscription de l'actuelle ministre Amélie de Montchalin. Et FI lui a placé une candidate à sa gauche qui a fait 25,3% au premier tour mais qui s'est désistée en sa faveur au second tour pour le conforter dans son duel face au RN.

Pourquoi est-ce que j'évoque Jérôme Guedj ? C'est parce qu'il est "la" figure, la seule figure qui s'est dégagée du très piteux congrès du parti socialiste du 13 au 15 juin 2025 à Nancy. La SFIO avait déjà organisé deux de ses congrès à Nancy, en 1907 et en 1929, et c'est bien l'image d'un PS proche de la SFIO, aussi archaïque que la SFIO, avec un chef aussi mou que Guy Mollet, qui s'est dégagée durant ces quelques heures de meetings. Je m'en réjouis, cela évitera de marquer d'un congrès socialiste la belle ville de Nancy !


À Nancy, il n'y avait plus aucune incertitude sur la reconduction de premier secrétaire sortant, Olivier Faure, qui est dans cette fonction depuis le 7 avril 2018 et qui devrait y rester jusqu'en 2027 au moins. À ce titre, en termes de longévité, il égalise avec les trois chefs historiques du PS depuis 1969, j'oserais dire les trois seuls chefs historiques du PS, à savoir François Mitterrand (du 16 juin 1971 au 24 janvier 1981), Lionel Jospin (du 24 janvier 1981 au 14 mai 1988 et du 14 octobre 1995 au 2 juin 1997) et François Hollande (du 27 novembre 1997 au 26 novembre 2008). Il faut insister sur le fait que ces trois personnalités sont les seules personnalités socialistes à avoir obtenu, seules, le pouvoir exécutif par leur propre mérite, soit comme Président de la République élu par les Français, soit comme Premier Ministre de cohabitation soutenu par une majorité parlementaire. Je pense qu'Olivier Faure ne devrait pas suivre le chemin de ses trois prédécesseurs, puisque le PS ne vaut plus que 1,7% à la bourse de l'élection présidentielle... et ce congrès de Nancy a confirmé qu'aucune impulsion n'a été donnée à ce parti moribond pour qu'il décolle de ce niveau vaseux.

C'est la raison pour laquelle, au printemps 2025, Jérôme Guedj, pourtant de l'aile gauche, a rejoint l'aile droite menée par Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen, qui souhaite rompre définitivement avec Jean-Luc Mélenchon, France insoumise et leur islamo-gauchisme flirtant avec l'antisémitisme le plus cynique.


Mais avant de parler de ce congrès (ce qui relève de l'exploit, le vide n'attirant que l'indifférence et l'inconsistance), rappelons les résultats des votes des adhérents préalablement à ce congrès.

Le 27 mai 2025, trois candidats : Olivier Faure a recueilli 10 299 voix, soit 42,0%, Nicolas Mayer-Rossignol 9 897 voix, soit 40,4%, et Boris Vallaud 4 313 voix, soit 17,6% Il faut souligner le faible nombre des adhérents inscrits, 39 829, et la faible participation, seulement 24 547, soit 61,6% (plus d'un tiers des adhérents ne se sentait pas concerné !). Il n'y aurait eu que 38 votes blancs ou nuls.

Le 5 juin 2025, le second tour pour départager Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. C'est le premier qui a gagné, mais de manière très serrée malgré le soutien de Boris Vallaud, avec 12 689 voix, soit 51,1%, battant le second avec 12 120 voix, soit 48,9%, avec une participation à peine plus forte, 25 164, sot 63,2% des inscrits. En outre, il y a eu 355 votes blancs ou nuls.

 


Ce congrès du PS n'a apporté aucune idée nouvelle, rien que des discussions d'ordre tactique et politicien sur les relations entre le PS et FI. En gros, l'enjeu était : faut-il tenter de gagner en mettant les valeurs de côté ou perdre avec ses valeurs ? Olivier Faure, qui a besoin des insoumis dans sa circonscription seine-et-marnaise, ne peut pas se séparer trop fermement de FI, si bien que la ligne politique adoptée est l'autonomie avec FI mais accord ponctuel avec ces populistes de gauche.

Jérôme Guedj a dénoncé les ambiguïtés mortifères pour le PS d'Olivier Faure qui expliquait le 12 juin 2025 dans "Libération" qu'il n'y aurait pas d'accord national avec FI mais en complétant aussitôt le contraire : « Je ne confonds pas les échéances : à l'échelle d'une commune, un adjoint à l'urbanisme qui vient de LFI, où est le problème ? C'est déjà le cas. ».

Quelqu'un a-t-il entendu le discours de clôture du congrès d'Olivier Faure le 15 juin 2025 ? Non ? Ça ne m'étonne pas, puisque ça ne sert à rien. Aucune nouvelle idée, ai-je écrit. Mais pourtant, il est ressorti un seul discours de ce congrès de Nancy, c'est celui prononcé par Jérôme Guedj le 14 juin 2025, la veille (comme ce n'est pas une guest star, il n'a eu le droit qu'à une parole subalterne). Pourtant, c'est bien son discours qui est resté dans les mémoires et qui va sans doute y rester pour longtemps.

Pour résumer, Jérôme Guedj, qui s'était fait traiter de "sioniste génocidaire" par des élus insoumis il y a quelques semaines, a riposté en disant que leur gourou était un (je cite) "salopard antisémite". Comme pour se faire une idée, il vaut mieux avoir cette expression dans son contexte, voici la phrase complète, prononcée par un vrai tribun (il a été à bonne école) :
 


« Quand je dis à Jean-Luc Mélenchon qu'il n'est pas possible et souhaitable de défendre la revendication de la Palestine de la mer à la rivière, je défends la position historique des socialistes, notamment celle de François Mitterrand à la Knesset en 1982, qui est celle de la solution à deux États, de la sécurité d'Israël et de la reconnaissance de l'État palestinien. Et qu'à ce moment-là, à ce moment-là, je deviens le "sioniste génocidaire" pour Jean-Luc Mélenchon et les siens, et que j'ai une meurtrissure terrible à dire devant ce congrès que pour la première fois de ma vie, j'ai dû dire de l'homme que j'ai aimé profondément, qu'il est devenu un "salopard antisémite", avec des propos qui sont pour nous absolument insupportables. Alors, nous devons avoir cette nuance. Nous devons la revendiquer. Sur la laïcité (…), sur la République sociale, sur l'ensemble des territoires perdus de la République... Et de là où je suis, je termine par là, je suis un fervent défenseur du rassemblement de la gauche et des écologistes, mais je nous adjure collectivement : ne vendons pas notre âme aujourd'hui au nom de ces huées fanatiques. Il n'est plus possible d'avoir le moindre point de contact avec ceux qui, aujourd'hui, abîment la gauche, l'universalisme, la République et la laïcité. ».

Quels sont ces "propos absolument insupportables" ?


Jérôme Guedj a rappelé qu'il était régulièrement l'objet d'attaques antisémites de la part des insoumis, en particulier de leur gourou en chef, par des allusions nauséabondes, comme cette phrase piochée dans son blog : « On voit clairement une honte émerger de ces couinements. L’ambiguïté du propos est un signe dans son milieu de fanatisme. L’intéressant est de le voir s’agiter autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions. ». La réaction du député de l'Essonne à la lecture de cette note : « J’ai vu là, pour la première fois, l’expression délibérée d’un propos antisémite. ».

L'adversaire d'Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol, était sur la même ligne en expliquant, le même jour, qu'il n'était pas possible d'avoir une alliance tant sur le plan national que localement : « Que préférons-nous ? Perdre des élections ou perdre nos âmes ? ».


Deux jours plus tard, le 16 juin 2025 au micro de BFMTV, Jérôme Guedj, sans présenter d'excuse publiquement (alors qu'elles ont été exigées par Manuel Bompard, coordinateur de FI), a dit regretter d'avoir employé le terme "salopard" qui n'était pas « conforme à la conception que j'ai du débat politique » en ajoutant que le terme « n'était pas utile, "antisémite" suffisait ». Le divorce entre Jérôme Guedj et Jean-Luc Mélenchon date du 7 octobre 2023 et du refus des insoumis de qualifier le Hamas d'organisation terroriste. Jérôme Guedj a expliqué que le mot était « venu comme ça, (…) dans cette nécessité de secouer [le congrès], là où je voyais poindre une forme d’inertie, parce que le cœur du débat était de savoir si on pouvait continuer à avoir des relations avec la France insoumise ».

Jérôme Guedj n'a pas mâché ses mots non plus pour qualifier l'attitude lâche d'Olivier Faure. Il a regretté le « flottement », le « flou permanent » du premier secrétaire du PS sur l'antisémitisme des insoumis, et il a trouvé franchement « minable » sa réaction dans la matinale de France 2 le 16 juin 2025, ajoutant : « Ce n’est pas un problème personnel que j’ai avec Jean-Luc Mélenchon, c’est un problème qui devrait concerner toute la gauche. ». Jérôme Guedj a été applaudi à Nancy, mais qui sortira publiquement de cette lâche facilité de laisser faire Olivier Faure dans sa complice alliance ?


L'éditorialiste Patrick Cohen ponctuait sévèrement sa chronique du 16 juin 2025 sur France Inter : « Alors un congrès pour rien ? Rien de neuf sur le fond. Ni sur la stratégie présidentielle, toujours aussi floue. Et confirmation qu’il y a deux PS, pas irréconciliables, mais de plus en plus divergents. La gauche non-mélenchoniste qui ne sait pas où elle habite, n’ira pas toquer au parti socialiste. ». Il faut le dire comme c'est : cela fait longtemps que la gauche non-mélenchoniste a rejoint le Président Emmanuel Macron.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 juin 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Congrès du PS : Saloperies antisémites.
Jérôme Guedj.
Congrès du PS : "l'homme le plus riche du cimetière".
Congrès du PS : Olivier Faure est-il en difficulté ?
Congrès du PS : le choc de complexité !
Robert Badinter.
Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
Histoire du PS.
Manuel Valls.
Martine Aubry.
Hubert Védrine.
Julien Dray.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
Lionel Jospin.
Claude Allègre.
François Mitterrand.
Jacques Delors.
Mazarine Pingeot.
Richard Ferrand.
Didier Guillaume.

Pierre Joxe.
André Chandernagor.
Didier Migaud.
Pierre Moscovici.

La bataille de l'école libre en 1984.
Bernard Kouchner.
Hubert Curien.
Alain Bombard.
Danielle Mitterrand.
Olivier Faure.
Lucie Castets.

Bernard Cazeneuve
Gabriel Attal.
Élisabeth Borne.
Agnès Pannier-Runacher.
Sacha Houlié.
Louis Mermaz.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco de la candidate socialiste.
Le socialisme à Dunkerque.
Le PS à la Cour des Comptes.








https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250614-jerome-guedj.html

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7 juin 2025 6 07 /06 /juin /2025 04:22

« La réponse est donc non. Le PS ne fera pas renaître la social-démocratie. À la place, à sa place, Olivier Faure pourra-t-il insuffler une dynamique, d’impulser un projet autonome ? Redonner ses chances à la gauche ? Il peut aussi se contenter d’être l’homme le plus riche du cimetière… » (Patrick Cohen, le 6 juin 2025 sur France Inter).



 


Le chroniqueur de France Inter a trouvé la bonne formule : Patrick Cohen parlait en effet ce vendredi 6 juin 2025 dans la matinale de « l'homme le plus riche du cimetière ». En d'autres termes, Olivier Faure, premier secrétaire du PS sortant, a été reconduit à ce poste lors du vote des adhérents du PS le jeudi 5 juin 2025.

Selon les résultats "officiels", je mets les guillemets car ne sont pas indiqués, à ma connaissance, les nombres de voix exacts, Olivier Faure a gagné le duel avec 50,9% face à son rival Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen, qui n'a eu que 49,1%. Un score très serré mais pourtant, sans surprise sur son issue dans la mesure où Olivier Faure était le grand favori depuis l'annonce du soutien qu'il a reçu de Boris Vallaud, le troisième larron qui n'a pas été qualifié pour la finale.
 


Le vrai résultat de cette élection bidonnée, c'est le nombre de votants au premier tour (je n'ai pas celui du second tour), qui est de l'ordre de 24 000 personnes, soit très loin des près de 100 000 pour LR. S'il fallait un mot pour qualifier ce parti, c'est le mot "moribond" qui viendrait immédiatement à l'esprit. Ce parti est moribond et la poursuite dans la continuité avec Olivier Faure, qui a été le fauteur de la catastrophe industrielle de la dernière élection présidentielle (1,7% !), et aussi de la désertification des fédérations (40 fédérations ont moins de 100 adhérents !), en gros, une perte de 50 000 adhérents depuis 2018, ne peut que lui être fatal. Un article du journal "Le Monde", pourtant assez complaisant avec le PS, propose une description apocalyptique de ce parti.
 


Ce qui est donc clair, c'est que, d'une part, il reste très peu d'adhérents du PS actifs (c'est-à-dire qui votent), et d'autre part, ce parti moribond est complètement divisé en deux. Si le camp du maire de Rouen a finalement reconnu sa défaite, au contraire d'il y a deux ans en janvier 2023, il avait toutefois publié un communiqué très polémique dans la nuit du 5 au 6 juin 2025 : « Les résultats provisoires du 2e tour du congrès du PS donnent 50/50. Le parti est divisé, la direction sortante est désavouée, nous appelons à la responsabilité et à l'unité. (…) L'écart à ce stade est plus faible encore qu'au précédent congrès (Marseille), où le résultat n'avait finalement pas été validé. (…) On nous disait loin derrière, distancé. Finalement, alors que Boris Vallaud avait indiqué son choix pour Olivier Faure, nous remontons et faisons jeu égal. C'est un vrai désaveu pour la direction sortante, incapable d'avoir une majorité au premier tour le 27 mai dernier, et qui n'obtient pas de majorité claire au second tour. ».

 


Si les mayer-rossignolistes (j'ose le terme) ont raison de parler d'un désaveu de la direction sortante par la faible mobilisation des adhérents, ils oublient aussi qu'eux-mêmes participent à ce désastre politique en renforçant les divisions et petitesses politiciennes qui restent illisibles au commun des électeurs. Du reste, en réaction à la publication du communiqué de ce camp sur Twitter, les internautes étaient sans complaisance et mettaient tout le monde dans le même paquet : « Un parti qui fait 2% aux présidentielles et scindé en 2, 2026 est déjà perdu grâce à des "stratèges" sans idées dans votre genre Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol, Boris Vallaud ».
 


Du côté des fauristes (j'ose encore), l'audace était de mise. Je sais que la politique, c'est l'art de raconter des choses qui n'existent pas, mais là, ils y vont assez faure, comme j'oserais encore l'écrire !
 


Pour faire voter Olivier Faure, les caciques et apparatchiks ont apporté quelques arguments sur un plateau (qui n'est plus d'argent). D'une part, en votant Olivier Faure, on voterait : « pour une gauche unie de Ruffin à Glucksmann », « pour vaincre la haine » (le beau programme politique concret et solide mis en priorité !), « pour poursuivre ensemble le redressement du PS » (encore fallait-il qu'il commençât !), « pour taxer les riches » (ça marche toujours à gauche, un argument qui a mené à la faillite des finances publiques), etc. (je n'insiste pas car le flot est illisible et insipide).
 


Mais à côté de cette affiche passe-partout, il y a un argument massue donné par les fauristes : « De plus en plus de Françaises et de Français misent sur lui pour l'avenir ! ». Mais qui sont donc ces mystérieux Françaises et Français ? On pourrait croire qu'Olivier Faure égalerait Marine Le Pen et Édouard Philippe dans les sondages et que la présidentielle de 2027 va se jouer dans un mouchoir de poche. Pas du tout, ils nous montrent le Baromètre du Figaro de juin 2025 sur la cote d'avenir des personnalités politiques et confortent l'idée première par le fait « qu'Olivier Faure signe la plus forte progression à gauche ». En lisant la liste, on s'aperçoit que la cote d'Olivier Faure est derrière Raphaël Glucksmann, Robert Ménard, François Ruffin, Éric Ciotti, Fabien Roussel et est équivalente à celle de Laurent Wauquiez ou de Nicolas Dupont-Aignan. Pas de quoi en tirer gloriole !
 


Cela dénote au moins l'idée très nette qu'Olivier Faure a l'intention de se présenter à l'élection présidentielle (le ridicule ne tue pas, sinon, ça se saurait), ce qui entre en contradiction avec sa volonté de rassembler (dans un très petit éventail) de François Ruffin à Raphaël Glucksmann, alors que tous les deux sont aussi de potentiels candidats à l'élection présidentielle.
 


Politiquement et stratégiquement, la victoire de la ligne Olivier Faure est clairement celle de l'alliance avec Jean-Luc Mélenchon. D'ailleurs, dès ce vendredi matin, la numéro deux du PS et maire de Nantes, Johanna Rolland expliquait doctement sur Public Sénat que le PS ferait des alliances ponctuelles avec les insoumis.

C'est donc clair que la direction sortante et reconduite n'a rien compris à la signification d'une alliance avec le parti mélenchoniste qui se veut consciemment islamo-gauchiste, mettant en péril les valeurs de la République et la cohésion d'une société déjà très fragilisée par les divisions idéologiques. Cela montre aussi que cette direction n'a pas compris non plus pourquoi elle a été autant désavouée depuis si longtemps (et qu'elle n'a bénéficié que du vide de leadership).

Les résultats serrés du choix de la tête du PS sont tels qu'ils sont insignifiants. Patrick Cohen l'a noté avec raison le 6 juin 2025 : « Impossible de parler d’une victoire nette, d’un vote qui indique un cap, une perspective, une clarification dans la remise en mouvement de la gauche non-mélenchoniste. Ou même une aspiration au changement plutôt qu’une volonté de continuité. Si le métier du commentateur est bien de donner du sens aux événements, encore faut-il que les événements aient un minimum de talent… On notera aussi que c’est la troisième fois que le parti socialiste se joue à 50-50. La dernière fois, c'était à Marseille il y a deux ans, avec les deux mêmes duellistes, le même vainqueur Olivier Faure, quasiment le même score, mais davantage de contestation. ».
 


Ce n'est évidemment pas l'analyse d'Olivier Faure lui-même quand il a appris sa réélection à 3 heures 35 du matin (nuit du 5 au 6 juin 2025). Très content, voire triomphaliste, il a fait croire qu'il était un nouveau François Mitterrand qui, lui, avait bâti réellement un mouvement entre 1971 et 1981 : « Dès demain, nous poursuivrons le travail commencé en 2018 pour amplifier la dynamique, avec un parti socialiste ancré au cœur de la gauche. Il nous reste tant à construire ensemble pour ouvrir le chemin vers de nouvelles victoires. ». L'expression "vers de nouvelles victoires" fleure bon Ségolène Royal qui, dans son enthousiasme de son échec électoral le 6 mai 2007, avait terminé son discours en criant « En avant vers de nouvelles victoires ! ».

Des internautes médisants ont cependant proposé un autre discours pour Olivier Faure, plus proche de la réalité...

 


Certains ont même présenté un nouvel emblème pour le PS, au lieu de sa traditionnelle rose, une brosse des toilettes. Un autre a lâché désabusé : « Olivier Faure fanfaronne car il a été réélu à la tête du PS. Tout ce cinéma après avoir vendu son âme aux crapules de LFI. Tout le cinéma pour faire 2% à l'élection présidentielle. ». Précisons que le 2% est une surestimation de la réalité qui est à 1,7%. Celui qui a le mieux synthétisé la situation a écrit : « Au royaume des serpillières, les torchons sont rois. » !

Le quart d'heure de gloire était quand même pour Olivier Faure ce 6 juin 2025 : il a été l'invité du prestigieux journal télévisé de 20 heures sur TF1. Il a notamment déclaré : « Il faut que la victoire d'hier qui m'a reconduit à la tête du parti socialiste soit utile aux Française et aux Français. ». Cela va donc être difficile voire mission impossible pour le député de Seine-et-Marne qui n'aurait jamais été réélu dans sa circonscription sans l'aide des mélenchonistes.
 


Ce qui frappe le plus lorsqu'on veut écouter la vidéo de cette interview (oui, je me risque à tout), c'est... la durée de celle-ci. En général, lorsqu'on est un personnage qui compte dans la vie politique, on a dix minutes ou un quart d'heure au moins pour s'expliquer. Mais dans le cas d'Olivier Faure, on note qu'il n'a eu droit qu'à 3 minutes 48. Ne croyez pas que c'est un scandale de la chaîne. C'est simplement la réalité électorale de ce micro-parti (je le répète, 1,7% à l'élection présidentielle). C'est même déjà beaucoup comme durée.

De même, cette vidéo sur Youtube ne sera pas virale (quelques centaines de vues après plusieurs heures). Et quelques commentaires fort peu flatteurs, comme celui-ci : « Le PS coule ! ». Un autre : « Créer une dynamique ? (…) Et pourquoi pas un programme, pendant que vous y êtes ? ».


En fait, la réélection d'Olivier Faure satisfait tous ses adversaires politiques. D'abord Jean-Luc Mélenchon qui est heureux de voir confirmer la ligne qui souhaite l'alliance avec ses insoumis. Ensuite, Marine Le Pen se frotte les mains car elle comprend que l'alternance ne se fera pas à gauche tant elle est divisée, et espère bien recueillir les souhaits de renouvellement. Enfin, le Président Emmanuel Macron peut, lui aussi, être satisfait car cela va obliger les sociaux-démocrates du PS à quitter ce parti et rejoindre le bloc central à l'instar de Manuel Valls, François Rebsamen, Juliette Méadel, François Patriat, Jean-Yves Le Drian, Florence Parly, etc. Son objectif de réunir des socialistes aux républicains n'a jamais été aussi près d'être atteint.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 juin 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Congrès du PS : "l'homme le plus riche du cimetière".
Congrès du PS : Olivier Faure est-il en difficulté ?
Congrès du PS : le choc de complexité !
Robert Badinter.
Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
Histoire du PS.
Manuel Valls.
Martine Aubry.
Hubert Védrine.
Julien Dray.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
Lionel Jospin.
Claude Allègre.
François Mitterrand.
Jacques Delors.
Mazarine Pingeot.
Richard Ferrand.
Didier Guillaume.

Pierre Joxe.
André Chandernagor.
Didier Migaud.
Pierre Moscovici.

La bataille de l'école libre en 1984.
Bernard Kouchner.
Hubert Curien.
Alain Bombard.
Danielle Mitterrand.
Olivier Faure.
Lucie Castets.

Bernard Cazeneuve
Gabriel Attal.
Élisabeth Borne.
Agnès Pannier-Runacher.
Sacha Houlié.
Louis Mermaz.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco de la candidate socialiste.
Le socialisme à Dunkerque.
Le PS à la Cour des Comptes.







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250605-parti-socialiste.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-du-ps-l-homme-le-plus-261390

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/05/article-sr-20250605-parti-socialiste.html


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1 juin 2025 7 01 /06 /juin /2025 04:18

« Je crois que beaucoup de gens peuvent se reconnaître sur les projets du PSU, et que par ailleurs, les voix des femmes, dans cette campagne, eh bien, elles ne seront pas trop représentées et que je pense que si ma candidature n'avait que ce rôle-là, ça vaudrait déjà la peine ! » (Huguette Bouchardeau, le 13 avril 1981 sur RTL).



 


Candidate à l'élection présidentielle de 1981, Huguette Bouchardeau a fêté son 90e anniversaire ce dimanche 1er juin 2025. Née à Saint-Étienne, cette dame assez curieuse de la vie politique a marqué le début des années 1980. Qui s'en souvient ?

La candidate bossait encore en pleine campagne présidentielle car elle n'était pas payée autrement : elle enseignait à Lyon, elle était mère de ses enfants (dont la plus jeune avait 13 ans) et femme de son mari à Saint-Étienne, et elle faisait campagne à Paris (où on lui avait loué un petit appartement) et partout en France (des meetings dans 160 villes !).

Huguette Bouchardeau était alors la secrétaire nationale du PSU, le parti socialiste unifié, et s'était présentée à l'élection présidentielle pour mettre les femmes à l'affiche, l'écologie et le partage du temps de travail. Elle allait bientôt avoir 46 ans. Elle n'était pas la première femme à s'être présentée puisque la porte-parole de Lutte ouvrière Arlette Laguiller était déjà candidate en 1974, et avec cette dernière et la gaulliste Marie-France Garaud (qui s'est éteinte l'an dernier), elle faisait partie des trois femmes capables de participer à la compétition.

Et rien que cela, c'était déjà un exploit, car la nouvelle règle à partir de 1976, c'était d'être parrainée par 500 maires ou parlementaires, élus régionaux et départementaux... au lieu de 100. Cette règle avait empêché (momentanément pour l'un) à deux candidats de 1974 de se représenter en 1981, Jean-Marie Le Pen, pour le Front national, et Alain Krivine, pour la LCR (ces deux anciens candidats se sont éteints également récemment).

La trajectoire de la dame du PSU pourrait se résumer très grossièrement à cette phrase : Huguette Bouchardeau est passée d'une Arlette Laguiller un peu plus intellectuelle (aux cheveux ébouriffés) à une Marie-France Garaud un peu plus à gauche (au chignon bien mis), de militante rebelle à ministre écoutée !


Parlons d'abord du PSU. J'éviterai de préciser l'histoire précise du PSU car c'est très compliqué, aussi compliqué que l'histoire des groupuscules d'extrême gauche ou d'extrême droite, à cela près que, ici, le PSU n'était pas à l'extrême gauche, mais à une deuxième gauche toujours très difficile à définir, une gauche "alternative", une gauche déjà soucieuse d'écologie et une gauche clairement antimilitariste et pacifiste.

En novembre 1999, Huguette Bouchardeau expliquait ainsi le fonctionnement des partis : « Autour de 1968, avec toutes les batailles qui ont eu lieu au PSU autour de Rocard, contre Rocard, quand je voyais le PSU se déchirer en multiples tendances, j'éprouvais une sorte d'horreur devant ce type de débat. (…) C'est très simple : les tendances dans les partis politiques n'ont jamais été organisées autour de programmes différents mais toujours autour d'hommes qui cherchaient le drapeau avant le parti. Ce n'était pas des tendances mais des écuries. Beaucoup de femmes refusaient cette lutte pour le pouvoir qui était l'essentiel de la vie politique. Elles ont été peu intéressées par ces luttes politiques. ».

Le retour de De Gaulle au pouvoir a secoué considérablement l'échiquier politique : le centre droit (les indépendants) a rejoint les gaullistes, une partie du centre démocrate (MRP) aussi, l'autre moitié est restée dans l'opposition, et la gauche, SFIO et PCF, est entrée dans l'opposition. L'un des grands partis d'avant-guerre, le parti radical, a été laminé par le gaullisme, en raison du légitimisme : le légitimisme de la Troisième République se trouvait au sein du parti radical avant la guerre, mais désormais, celui de la Cinquième République se trouvait chez les gaullistes, naturellement.

L'histoire des formations politiques est indissociable de l'histoire des personnalités politiques, bien sûr. Le PSU a été fondé le 3 avril 1960 sous la présidence du grand mathématicien Laurent Schwartz au terme de l'unification de trois forces groupusculaires : le PSA (parti socialiste autonome) qui provenait de socialistes dissidents de la SFIO en 1958 (Édouard Depreux, Daniel Mayer, François Tanguy-Prigent, André Philip) et d'anciens radicaux anti-gaullistes (dont le plus illustre Pierre Mendès France) ; l'UGS (Union de la gauche socialiste) issue de la fusion d'autres formations minusculaires en 1957 et qui se voulait à la fois marxiste et chrétien (Gilles Martinet) ; enfin, des communistes dissidents rejetant le PCF dès 1952 (Jean Poperen, François Furet).

Les deux points de convergence des fondateurs du PSU furent l'opposition à la guerre d'Algérie (au contraire de Guy Mollet, chef de la SFIO), et l'opposition au retour du Général De Gaulle (au contraire de la SFIO). Édouard Depreux a été le premier secrétaire national du PSU d'avril 1960 à juin 1967.


Le PSU voulait se positionner politiquement entre la SFIO (puis le PS) et le PCF, et il était proche aussi du CERES créé par Jean-Pierre Chevènement en 1966 (future aile gauche du PS). En fait, ce parti pourrait aussi être qualifié de parti utopiste en ce sens que ses propositions étaient complètement indépendantes de la réalité du pays. Ou encore autogestionnaire, surtout lors de l'affaire Lip. Le PSU était très proche de la CFDT. Curieusement, beaucoup de personnalités politiques de gauche ont traversé ce parti, souvent pour rejoindre ensuite le PS de François Mitterrand, à des moments différents.

Le plus connu fut Michel Rocard, secrétaire national du PSU de juin 1967 à novembre 1973, candidat du PSU à l'élection présidentielle de 1969, qui a rallié François Mitterrand au PS en 1974 avec toute la direction (rocardienne) du PSU, créant ainsi le courant rocardien au sein du PS.

Citons rapidement quelques personnalités qui se sont retrouvées adhérentes du PSU à un moment ou l'autre : Édouard Depreux, Michel Rocard, Pierre Mendès France, Robert Verdier, Alain Savary, Daniel Mayer, Pierre Bérégovoy, Charles Hernu, Gilles Martinet, Jean Verlhac, Jean Poperen, Claude Bourdet, Alain Badiou, André Philip, François Tanguy-Prigent, Pierre Dreyfus-Schmidt, Serge Mallet, Roland Florian, Marcel Debarge, Laurent Schwartz, Robert Chapuis, Henri Leclerc, Bernard Lambert, Jean Le Garrec, Pierre Brana, Pierre Bourguignon, Bernard Ravenel, Jean-Pierre Mignard, Michel Destot, Tony Dreyfus, Alain Richard, Bernard Langlois, Serge Depaquit, Charles Piaget, Victor Leduc, Huguette Bouchardeau.

Engagée dès 1957 au sein de l'UGS, Huguette Bouchardeau est devenue secrétaire nationale du PSU de janvier 1979 à juin 1983. Serge Depaquit (un proche), lui a succédé. L'histoire chaotique du PSU est terrifiante puisqu'à chaque congrès, il y avait plusieurs courants jusqu'à cinq ou six, qui se disputaient les places de direction, avec des alliances, des scissions de courant, etc. Finalement, le PSU a disparu par encéphalogramme plat officiellement le 7 avril 1990 mais bien avant dans les faits.


Comme je l'ai écrit, il serait donc très injuste et inexact de réduire le PSU à uniquement Michel Rocard et Huguette Bouchardeau, mais l'histoire n'a retenu que les deux seuls candidats à l'élection présidentielle (de même que l'histoire ne retiendra de LCR/NPA ses seuls candidats à l'élection présidentielle, Alain Krivine, Olivier Besancenot et Philippe Poutou, ainsi que LO ses seules candidats à l'élection présidentielle Arlette Laguiller et Nathalie Arthaud).
 


Revenons à Huguette Bouchardeau qui est avant tout une brillante intellectuelle : quand elle s'est présentée, elle était une agrégée de philosophie (c'est rare en politique), elle a défendu une thèse de doctorat sur l'enseignement de la philosophie de 1900 à 1972 en France et elle était maître de conférence à l'Université de Lyon-2, poste qu'elle n'avait pas quitté en campagne.

Parallèlement, elle a eu une forte action militante dès sa jeunesse : responsable syndicale à l'UNEF, puis à la FEN, à la CFDT, et militante politique à l'UGS puis au PSU. Elle était alors basée à Saint-Étienne (elle enseignait à Lyon) et a été plusieurs fois candidate du PSU localement. Huguette Bouchardeau a milité aussi, à l'époque, avec les Amis de la Terre, préfiguration du mouvement écologiste.

Lorsqu'elle a été élue secrétaire nationale du PSU en janvier 1979, Huguette Bouchardeau a été la première femme à diriger un parti politique en France (à l'époque, Margaret Thatcher dirigeait le parti conservateur en Grande-Bretagne). Elle a mené la tête de liste du PSU aux premières élections européennes le 10 juin 1979 et sa liste s'est retrouvée dernière, avec 332 voix, oui, j'ai bien écrit 332 et pas 337 000 voix, donc, 0,00%. En fait, son parti n'avait pas l'argent pour payer le matériel de campagne (entre autres, les bulletins de vote) et lors de son meeting de campagne le 11 mai 1979 à Rouen, elle s'en est pris à cette règle électorale qui favoriserait les riches (à cause du seuil de 5% pour pouvoir être remboursé). Ainsi, elle a fait campagne pour faire voter nul, faute de bulletins du PSU à distribuer.

Cette campagne nationale, sa première, ne l'a pas fait vraiment connaître. C'est en 1981 qu'elle a eu droit aux projecteurs de l'actualité. C'était la première fois qu'il y a eu autant de candidats à l'élection présidentielle, dix en 1981 dont six à gauche. L'élection de François Mitterrand a eu lieu au second tour malgré cette division au premier tour. Huguette Bouchardeau ne lui a certes pas fait beaucoup d'ombre avec seulement 1,1% des suffrages exprimés le 26 avril 1981, soit au dernier rang avec 321 353 voix. Pourtant, avec Michel Crépeau (du MRG), elle aurait pu apporter 3,3% aux 25,9% du candidat du PS, ce qui lui aurait donné un résultat supérieur au score du Président sortant Valéry Giscard d'Estaing (28,3%). Finalement, ce ne fut qu'en différé, puisque les candidats du MRG et du PSU ont apporté immédiatement leur soutien au second tour à François Mitterrand. Michel Crépeau allait être récompensé par un porte-feuille (l'Environnement, puis le Commerce, enfin la Justice) entre 1981 et 1986.

C'était parce qu'Huguette Bouchardeau avait déjà un nom dans le militantisme féministe qu'elle a été hissée à la tête du PSU en 1979. Vingt ans plus tard, en novembre 1999, elle en rigolait encore : « Dans les meetings, je disais, en provoquant, que quand une profession commence à se féminiser, elle est en voie de dévalorisation. J'ai toujours dit ce que je pensais sur ce sujet-là. Pendant quelques mois, j'ai mal vécu ce début de secrétariat national du PSU, j'avais le sentiment qu'ils m'avaient mise là parce que c'était bien qu'un parti qui se disait féministe, écolo, etc., ait une femme à sa tête, mais ils se disaient quand même que j'étais là comme simple porte-parole. D'ailleurs, un membre du bureau national me l’a déclaré un jour : "Rocard 'pensait' la théorie du PSU et puis il en parlait, maintenant, on peut très bien avoir une porte-parole". Nous, on pense, et toi, tu causes… Vraiment, j'en ai entendu des vertes et des pas mûres, et tout ça dans la plus grande gentillesse, car vraiment ils m'aimaient bien, je crois. C'est vrai que si je ne leur avais pas paru capable de faire ça, ils ne m'auraient pas poussée, ou sinon ils auraient pris quelqu'un qui présentait bien, qui était mignonne. Ce n'est pas ce qu'ils ont cherché. Ils se sont vraiment dit que faire une place à une femme à la tête d'un parti, c'était la bonne position. (…) Ils voulaient une femme à la tête du parti et une candidate aux élections présidentielles. Ce qui fait qu'en treize ans (la première fois que j'ai été candidate aux législatives, c'était en 1968), tout s'était inversé. En 1968, les gens disaient : "ils sont fous de la présenter, elle leur fait perdre des points". En 1981, on en était venu à se dire qu’une femme peut en faire gagner. Mais cette expérience a été pénible… J'ai été nommée à la tête du PSU en janvier 79, et en juillet, j'ai écrit en trois semaines un bouquin qui s'appelle "Un coin dans leur monde" où je règle leur compte à mes amis politiques, parce que je supportais très mal qu'on m'ait mise là pour autre chose. ».


Les militants du PSU avaient été sidérés par la tribune que la candidature à l'élection présidentielle avait offerte à Arlette Larguiller en 1974. Ils voulaient donc l'imiter avec aussi une femme. Huguette Bouchardeau, candidate du PSU, a eu aussi le soutien du parti communiste révolutionnaire (PCR) et de la fédération de la gauche alternative (FGA).
 


Un mot sur la campagne dont je propose en fin d'article quatre interventions orales, une interview et trois prestations de campagne officielle. À la différence d'Arlette Laguiller qui parlait très vite pour mettre le maximum de phrases en un temps donné, Huguette Bouchardeau était très lente en diction, presque trop lente, comme un enseignant faisant une dictée dans une école primaire. Mais à la différence de François Bayrou (par exemple), le débit n'était pas saccadé mais très lisse (elle n'était pas pédagogue pour rien ; vous me direz, François Bayrou non plus, mais la différence, c'est qu'il avait une infirmité, le bégaiement). On sentait ainsi l'intellectuelle fluide qui savait manier concepts et idées (bien que femme, oserais-je écrire, pour reprendre le machisme au sein même du PSU !).

Mais des concepts et idées totalement irréalistes. Par exemple, elle s'est opposée très fermement à la dissuasion nucléaire et a proposé que dès son élection, la France se mît à poils sur le plan de la défense. C'est terrible de réécouter ses mots à une époque où l'on considère que justement, la France n'a pas suffisamment concentré son effort de défense. Elle était encore dans la lignée du "faites l'amour, pas la guerre" en pensant qu'il n'y avait que de gentils dans le monde et aucun méchant qui voudrait s'en prendre aux territoires des autres (quelle erreur !).


Elle était aussi pour la réduction du temps de travail, les 35 heures et même les 30 heures par semaine, en pensant que les Français vivraient mieux en travaillant moins (c'était encore l'époque du : on rase gratis !). À l'instar de Michel Rocard et Edmond Maire (secrétaire général de la CFDT), elle croyait aussi à l'autogestion des entreprises (à la suite de l'expérience Lip).

Neuf propositions ont été inscrites sur son tract de campagne : 1. « La loi des 30 heures et les 35 heures tout de suite » ; 2. « Vivre, travailler et décider au pays » ; 3. « L'abandon de l'arme atomique » ; 4. « Des énergies alternatives au nucléaire » ; 5. « La prise de parole des femmes et la défense de leurs droits » ; 6. « La fin des privilèges et des inégalités » ; 7. « La révision de la Constitution de 58 » ; 8. « L'abolition de la peine de mort, de la loi Peyrefitte, et des tribunaux d'exception » ; 9. « Un plan d'urgence contre la faim dans le monde ».

Mais la candidature d'Huguette Bouchardeau était d'abord un moyen de mettre les femmes à l'avant-scène de la politique, et en ce sens, elle y est parvenue par sa notoriété naissante. L'une des meilleures illustrations de l'effet présidentiel sur sa notoriété, c'était ses multiples candidatures aux élections législatives dans la première circonscription de la Loire (ville de Saint-Étienne) : en juin 1968, elle n'a eu que 8,3% ; en mars 1973, que 4,5% ; en mars 1978, que 1,2%... (dans ces scrutins, Michel Durafour a été élu) et en juin 1981, elle est arrivée en troisième position avec 24,2%, ce qui était pas mal, mais insuffisant car elle a été devancée par le candidat communiste Paul Chomat qui était en avance de 126 voix sur elle, si bien qu'elle s'est désistée au second tour pour Paul Chomat qui a battu Michel Durafour avec moins de 500 voix d'avance.

Huguette Bouchardeau ne l'a pas vraiment utilisée car sa célébrité est partie aussi vite qu'elle n'est venue. Pourtant, ce n'était pas faute de poursuivre une carrière politique, chose qu'elle a pu faire en rejoignant la majorité socialo-communiste (au grand dam de la majorité du PSU qu'elle allait quitter en 1986).

 


Ainsi, Huguette Bouchardeau est entrée au gouvernement, nommée Secrétaire d'État auprès du Premier Ministre chargée de l'Environnement et de la Qualité de la vie du 22 mars 1983 au 17 juillet 1984 dans le dernier gouvernement de Pierre Mauroy, puis Ministre de l'Environnement du 17 juillet 1984 au 20 mars 1986 dans le gouvernement de Laurent Fabius. Elle a été à l'origine de la loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement (dite loi Bouchardeau) qui dit dans son article premier : « La réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux, exécutés par des personnes publiques ou privées, est précédée d'une enquête publique soumise aux prescriptions de la présente loi, lorsqu'en raison de leur nature, de leur consistance ou du caractère des zones concernées, ces opérations sont susceptibles d'affecter l'environnement. (…) Les travaux qui sont exécutées en vue de prévenir un danger grave et immédiat sont exclus du champ d'application de la présente loi. ».
 


Huguette Bouchardeau s'est aussi battue sur le plan européen pour réduire la pollution automobile contre l'industrie automobile française (on sait aujourd'hui que ce combat a eu un bénéficiaire industriel, les États-Unis, et que la réglementation motivée par l'écologie a toujours eu en France des intérêts économiques qui ne sont ni nationaux ni européens).

L'ancienne ministre a été ensuite élue députée du Doubs en mars 1986, sur la liste socialiste (elle était en deuxième place et la liste, avec 35,5% des voix, a gagné deux sièges, à la proportionnelle), elle a donc siégé à l'Assemblée comme députée apparentée au groupe socialiste. Candidate de la France unie (mouvement rassemblant les débauchés du mitterrandisme), elle a été réélue en juin 1988 dans la quatrième circonscription du Doubs (Sochaux) au second tour avec 56,8% des voix face à un candidat UDF-CDS.
 


Après la démission de Laurent Fabius, devenu premier secrétaire du PS, du perchoir, Huguette Bouchardeau a été candidate aux deux tours de l'élection du nouveau Président de l'Assemblée Nationale le 22 janvier 1992. Au premier tour, à 17 heures 10, elle a obtenu 44 voix sur 541 votants et 534 exprimés (256 à Henri Emmanuelli, 207 à Jacques Chaban-Delmas et 27 au communiste Georges Hage).

Elle a expliqué qu'elle se maintenait au second tour, contrairement à son collègue communiste, avec ces paroles : « Monsieur le président, les applaudissements que nous venons d'entendre comme le résultat que je viens d'obtenir me paraissent significatifs. J'ai voulu, par ma candidature, mes chers collègues, donner un signe. Notre assemblée devrait travailler dans une plus grande indépendance à l'égard du gouvernement et des partis politiques. Je veux affirmer encore cette option et je maintiens donc ma candidature, en souhaitant qu'une fois faite la démonstration par les uns ou les autres de leur fidélité à leur famille d'origine, le plus grand nombre d'entre nous se retrouve sur une candidature en faveur d'une véritable indépendance de notre assemblée. ». Au second tour, à 18 heures 50, elle a reçu moins de voix qu'au premier tour, seulement 32 sur 550 votants et 546 exprimés (289 à Henri Emmanuelli, élu, et 225 à Jacques Chaban-Delmas).


Parfois opposée aux décisions des gouvernements socialistes, elle ne s'est pas représentée en 1993 (la circonscription allait revenir à Pierre Moscovici en 1997), mais elle a été élue maire d'Aigues-Vives, commune de 2 300 habitants près de Lunel, dans la Gard, de juin 1995 à mars 2001 et s'est ensuite retirée de la vie politique locale.

Parallèlement à ses activités politiques, Huguette Bouchardeau a mené une activité éditoriale intense. Elle a été directrice de collection aux éditions Syros de 1978 à 1984, puis a créé HB éditions en 1995 (sa maison d'édition a disparu en juin 2002 après la publication d'environ 150 ouvrages). Elle est surtout l'auteure de plus d'une vingtaine de livres, surtout des essais, en particulier centrés sur certaines femmes qu'elle admire, en particulier : George Sand (1990), Rose Noël (1992), Simone Weil (1995), Agatha Christie (1998), Elsa Triolet (2000), Nathalie Sarraute (2003), Simone Signoret (2005) et Simone de Beauvoir (2007).

Pour finir, écoutons Huguette Bouchardeau dire à Margaret Maruani et Chantal Rogerat, en novembre 1999, sa conception d'être une femme engagée : « Quand j'étais petite fille, je me disais : “est-ce que je travaillerai ou est-ce que je me marierai ?”. Qui se pose encore ces questions-là ? Cela ne veut pas dire que les tâches ménagères soient partagées parfaitement, que les filles aillent moins dans les professions du soin, de secrétariat. Mais il faut voir les classes scientifiques, les classes d'ingénieurs. Il y en a beaucoup plus… Il faut voir dans la vie politique, les femmes comme Aubry, Buffet, Guigou, Royal, Voynet. Nous avons été, nous, une génération intermédiaire à dire que nous nous situions hors du pouvoir… Maintenant elles font le même type de carrière politique que les hommes. L'histoire des femmes ne se fait pas simplement au moment où il y a des grandes manifestations, où il y a une sorte de théorisation de lutte des femmes. Les conquêtes des femmes se prolongent dans le silence, et individu par individu presque, avec quelques femmes qui théorisent, quelques femmes qui font avancer, quelques femmes qui disent “attention, il y a un piège…” » (publié dans la revue "Travail, genre et sociétés" 1999/2 n°2).



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 mai 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Huguette Bouchardeau.
François Mitterrand.
Valéry Giscard d'Estaing.
Jacques Chirac.
Georges Marchais.
Michel Debré.
Brice Lalonde.
Marie-France Garaud.
Arlette Laguiller.




















https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250601-huguette-bouchardeau.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/qui-se-souvient-de-la-candidate-260929

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31 mai 2025 6 31 /05 /mai /2025 04:07

« La ligne d'union de la gauche que je défends l'a emporté. » (Olivier Faure, le 28 mai 2025 dans "Le Parisien").

 


Une nouvelle version de la méthode Coué ? Un internaute lui a répondu : « Si vous restez premier secrétaire, LFI dira que le PS est rentré à la maison et c'est insupportable. ». Le 27 mai 2025, de 18 heures à 22 heures a eu lieu un vote au sein du parti socialiste pour son congrès qui aura lieu du 13 au 15 juin 2025 à Nancy.

Officiellement, les adhérents devaient choisir entre trois "textes d'orientation" mais les socialistes ont des pudeurs de gazelle avec leur ambition personnelle : le premier signataire de chaque texte est en fait candidat au poste de chef, c'est-à-dire premier secrétaire du PS (poste occupé depuis le 17 avril 2018 par le taciturne mélencho-compatible Olivier Faure), et ce vote des "textes d'orientation" est le premier tour de l'élection du premier secrétaire dont le second tour, explicite, aura lieu le 5 juin 2025.

Tout le monde était donc impatient de connaître les résultats... Et la réponse, prévisible, la réponse aussi à mon titre, c'est que tout le monde s'en moque, du congrès du PS !

Car l'information principale, celle que je considère comme cruciale pour les observateurs, c'est le nombre réel de votants : pas des inscrits, plus ou moins théoriques, mais bien des votants, ceux qui ont exprimé un choix (en principe libre et sincère).

Avec le parti socialiste, c'est déjà difficile de connaître exactement les résultats. Au congrès précédent, en janvier 2023, les résultats avaient été serrés et contestés, finalement négociés ! Oui ! Négociés. Apparemment, ici aussi. Lisons précisément le communiqué du 28 mai 2025 : « La commission de récolement, réunie le 28 mai atteste de la validité des résultats ci-après. ».
 


Cette fameuse "commission de récolement" doit, en principe, garantir la sincérité du scrutin mais semble surtout établir des négociations pour que chaque candidat admette les résultats officiels qui ont été diffusés. Ceux-ci sont d'ailleurs diffusés avec le deuxième chiffre après la virgule. Cette si grande précision me paraît suspecte si bien que je ne reproduirai ces nombres qu'avec un chiffre après la virgule.

Et le premier constat, c'est qu'il n'y a pas le nombre exact des suffrages exprimés. En revanche, on a le nombre des inscrits et des votants. Inscrits : 39 815 adhérents. Votants : 24 701, soit seulement 62,0% de participation. C'est faible pour un parti politique de gens en principe convaincus et engagés.
 


Pour avoir une idée de l'importance de ces deux nombres (adhérents, votants), il faut prendre la comparaison avec Les Républicains. LR et le PS ont la particularité d'avoir été les deux grands partis gouvernementaux qui se sont opposés de 1971 à 2017, chacun hégémonique dans son camp (droite et gauche), et qui ont été laminés par l'élection du Président Emmanuel Macron. Ils sont encore aujourd'hui hégémoniques dans les collectivités territoriales avec une solide expérience d'élu local, sur le terrain (maires, exécutifs départementaux et régionaux).

Or, LR aussi avait perdu énormément d'adhérents, mais l'enjeu du duel entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau avait créé un intérêt important. Résultat : 121 617 adhérents LR et 98 110 votants, soit une participation de 80,7% !

On voit avec cette comparaison que le congrès du PS à venir n'a suscité AUCUN intérêt et les médias n'ont même pas daigné y trouver un intérêt. Il faut dire que ce parti ne représente plus que 1,7% de l'électorat à l'élection présidentielle, ce qui le remet à sa place réelle dans l'échiquier politique.


Alors, y a-t-il quand même un enjeu ? Les résultats étaient à la fois prévisibles et surprenants.
 


Prévisibles : le combat entre Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol n'est pas nouveau (déjà le congrès précédent) et on se doutait bien qu'il reviendrait dans l'actualité un jour ou l'autre. Le troisième candidat, Boris Vallaud, un ambitieux un peu esseulé, joue ici le rôle du troisième larron, un peu comme Arnaud Montebourg, une position de perdant (il n'est pas au second tour), mais une position confortable puisque chacun des deux candidats restants lui proposent des ponts d'or pour un débauchage immédiat.
 


 



Surprenants aussi car les scores des deux premiers restent très proches ("officiellement" 42,3% et 40,4%, ce qui fait moins de 500 voix d'écart). Cela n'a pas empêché la direction du PS de crier victoire : « Le texte d'Olivier Faure a réuni la majorité des voix » ! "La majorité des voix" à prendre dans le sens relatif du terme !!
 


Dans la même phrase, il est indiqué « 42,21% des voix exprimées, sur un total de 24 701 votants » : pourquoi mélanger des serviettes et des torchons, pour donner un nombre absolu de votants et seulement un pourcentage en voix exprimées ? Simplement parce que ces pourcentages, comme dans tous les congrès socialistes (et en particulier au congrès de Reims en 2008), les pourcentages sont "négociés", c'est plus facile à communiquer (même avec deux chiffres après la virgule) que des nombres précis, exacts, qui seraient peu sincères.
 


Il y a pourtant un enjeu, au-delà des ambitions personnelles, un enjeu certes dérisoire si l'on tient compte de l'audience électorale réelle qu'a ce parti au niveau national (c'est-à-dire très faible). C'est le perpétuel débat entre la gauche bourrin et la seconde gauche, ou gauche moderne. Il se caractérise par Olivier Faure qui avait conclu une alliance électorale avec Jean-Luc Mélenchon en 2022 (la Nupes) et en 2024 (la nouvelle farce populaire), et par Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et, en quelque sorte, représentant de ce socialisme municipal qu'on retrouve dans quelques grandes villes et qui se veut pragmatique et social-démocrate, en d'autres termes, qui se veut réaliste.
 


En fait, plusieurs enjeux se greffent sur ce duel : il y a un courant qui veut sortir Olivier Faure qui a transformé le PS, grand parti présidentiel, en un groupuscule confidentiel. Il est aussi représenté par une aile gauche qui a fait alliance avec Nicolas Mayer-Rossignol. Le choix de Boris Vallaud sera intéressant, entre la volonté de changement (et de renouveau éventuel) et le conservatisme d'un socialisme archaïque (qui reste sur ses acquis d'il y a plus de cinquante ans). À l'occasion de certaines interventions du président du groupe PS sur des questions plus de morale que de politique, on peut lui reconnaître une certaine sincérité dans son engagement politique.

Il y a des chances que les socialistes restent divisés le soir du 5 juin 2025 et qu'une nouvelle "commission de récolement" soit nécessaire pour négocier les futurs résultats (j'adore la démocratie socialiste, c'est bidonnant !). Et en ligne de mire, l'élection présidentielle et la vacuité du parti socialiste, car à l'heure actuelle, personne n'a la stature pour être candidat à l'élection présidentielle. « Plumer la volaille socialiste ne sera qu'un jeu d'enfant ! », selon le grand gourou insoumis. C'est encore une différence avec Les Républicains dont le problème, pour l'élection présidentielle, est justement l'inverse, le trop plein de candidats potentiels.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 mai 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Congrès du PS : Olivier Faure est-il en difficulté ?
Congrès du PS : le choc de complexité !
Robert Badinter.
Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
Histoire du PS.
Manuel Valls.
Martine Aubry.
Hubert Védrine.
Julien Dray.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
Lionel Jospin.
Claude Allègre.
François Mitterrand.
Jacques Delors.
Mazarine Pingeot.
Richard Ferrand.
Didier Guillaume.

Pierre Joxe.
André Chandernagor.
Didier Migaud.
Pierre Moscovici.

La bataille de l'école libre en 1984.
Bernard Kouchner.
Hubert Curien.
Alain Bombard.
Danielle Mitterrand.
Olivier Faure.
Lucie Castets.

Bernard Cazeneuve
Gabriel Attal.
Élisabeth Borne.
Agnès Pannier-Runacher.
Sacha Houlié.
Louis Mermaz.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco de la candidate socialiste.
Le socialisme à Dunkerque.
Le PS à la Cour des Comptes.
 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250527-congres-ps.html

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http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/28/article-sr-20250527-congres-ps.html


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20 mai 2025 2 20 /05 /mai /2025 04:32

« Nous nous sommes positionnés comme une opposition "utile", visant à arracher aux gouvernements des avancées concrètes pour nos concitoyennes et concitoyens, tout en dénonçant les mesures que nous jugions injustes ou dangereuses, susceptibles de faire le lit de l’extrême droite que nous n’avons jamais cessé de combattre, en France, en Europe et dans le monde. » (Corinne Narassiguin, rapport d'activité du PS 2023-2025).




 


Après Les Républicains, le Parti socialiste est en congrès pour ce printemps 2025. Comme pour LR, ce 81e congrès des socialistes est crucial, le dernier avant l'élection présidentielle de 2027. Les deux anciens partis hégémoniques de gouvernement, réduits à la taille de puces, comptent profiter de l'après-Emmanuel Macron pour tenter de redevenir hégémoniques. Il y a entre-temps les élections municipales de mars 2026 pour lesquelles LR et le PS sont actuellement en bonne posture, mais la recomposition du paysage politique en trois grands blocs, le bloc central et réaliste, et deux blocs populistes, un de droite et un de gauche, empêchera sans doute le retour au clivage traditionnel LR vs PS.

J'avais évoqué il y a deux mois le congrès de Rennes en 1990, mémorable dans les esprits socialistes et considéré comme l'explosion de l'influence de François Mitterrand. Était-ce le congrès socialistes le plus divisé ? Peut-être pas. Le congrès de Reims en 2008 n'était pas mal non plus comme significatif en divisions. Celui de Marseille en 2023 a marqué des divisions profondes. Et peut-être aussi celui-ci, le congrès qui se déroulera à Nancy du 13 au 15 juin 2025. Triste choix alors que, historiquement, Nancy n'a jamais été socialiste, sauf en 2020 à la faveur d'une abstention massive due au covid (les personnes âgées préférant rester chez elles). En tant que Nancéien de naissance, j'espère que ce congrès ne laissera aucun souvenir, aucune postérité, afin de ne pas associer cette extrêmement belle ville à ce piteux parti politique.

Ce sera probablement le cas, ne serait-ce que lorsqu'on regarde les protagonistes et leur stature. En 1990, on avait des combats d'éléphants de premier choix avec les Michel Rocard, Lionel Jospin, Laurent Fabius, Pierre Mauroy, Jean-Pierre Chevènement, Louis Mermaz, Pierre Joxe, Jacques Delors, Pierre Bérégovoy, Jean Poperen, Jean-Luc Mélenchon (oui oui), etc. En 2008, on avait encore des éléphants de seconde zone : François Hollande, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Ségolène Royal, Benoît Hamon, etc. Aujourd'hui, en 2025, le combat de coqs (plus que d'éléphants) se résumera à une rivalité (déjà ancienne) entre Olivier Faure, l'actuel premier secrétaire du PS, et Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen qui était déjà près de prendre la place du précédent au précédent congrès, celui de Marseille en janvier 2023.

Si on regarde de près les conditions de ce congrès du PS, on se dit que décidément, il ne faut pas attendre de ce parti un choc de simplification, la fin de l'ultranormisation, ni la fin de l'ultraformalisation de la société. J'en veux pour preuve ce parcours du combattant : le militant de base qui veut voter avec discernement et en toute connaissance de cause devra avant tout se farcir le rapport d'activité du PS pour la période 2023-2025 (soit 54 pages), plus le livret des six "contributions générales" (soit 100 pages), plus le livret des trois "textes d'orientation" (soit 83 pages)... on en est déjà, sur le compteur, à 237 pages, et je n'ai pas compté les "contributions thématiques" (il y en a beaucoup !) qui, insiste beaucoup le site officiel du PS, « n'engagent que leurs auteurs et ne sont pas des positions officielles du parti socialiste » ! Et je n'ai pas précisé que ces textes lourdingues ont été mâtinés d'exécrable écriture inclusive.

 


Reprenons d'abord le calendrier, lui-même déjà compliqué.

D'abord, les "contributions générales" : le 5 avril 2025 a eu lieu le conseil national de dépôt des "contributions générales". Mais on pourrait d'abord se demander : qu'est-ce que c'est, une "contribution générale" ? À cela, je répondrais que c'est une bonne question... et aussi que c'est un texte rempli de blabla (car on blablate beaucoup chez les socialistes) qui est présenté d'abord par un ambitieux et ses copains, l'ambitieux souhaitant être calife à la place du calife (c'est-à-dire être premier secrétaire du PS), à moins qu'il ne soit le calife lui-même, auquel cas il souhaiterait alors le rester (et ses copains aussi).

En tout, six "contributions générales" ont été déposées. Pour qu'elles soient validées, il faut qu'elles aient obtenu au moins 15 parrainages de membres du conseil national. Pas facile si l'on en juge par les chiffres. J'avais envisagé de nommer les contributions par leur titre déclaré (comme "Le cœur de la gauche" ou "Pour gagner, un grand PS et une nouvelle alliance, Debout les socialistes"... et puis je me suis dit que cela allait compliquer encore les choses (rappelez-vous, pour les assesseurs, l'horrible dépouillement des élections européennes du 9 juin 2024, où il y avait 38 listes, dont le titre n'avait pas grand-chose à voir avec le nom de la tête de liste).

Ainsi, il y a, dans l'ordre décroissant de parrainages, la contribution d'Olivier Faure (119 parrainages), la contribution de Nicolas Mayer-Rossignol (72), la contribution d'Hélène Geoffroy (42), celle de Boris Vallaud (27), de Philippe Brun et Jérôme Guedj (15 juste) et celle du député socialiste Paul Christophle (15 aussi).

Ensuite, parlons des "textes d'orientation" : le 26 avril 2025 a eu lieu le "conseil national de synthèse" où sont déposés les "textes d'orientation". Alors, qu'est-ce qu'un "texte d'orientation" ? Bonne question, etc. Un "texte d'orientation", c'est un texte contributif dont le "premier signataire" (c'est une fonction maintenant) est d'office candidat au poste de premier secrétaire du PS. Ou presque ! En gros, vous prenez les "contributions générales", vous les mettez dans un mixeur appelé "synthèse", et il en ressort des "textes d'orientation", et si le mixeur est efficace, il y en a moins que de "contributions générales", c'est-à-dire que plusieurs contributions ont fusionné parfois en un seul texte. Le "premier signataire" est évidemment un ambitieux soutenu par ses copains. Pour que ce soit validé comme un "texte d'orientation", il faut qu'il soit approuvé par au moins 30 parrains.

De ce "conseil national de synthèse" sont donc ressortis, en tout, trois "textes d'orientation" (on appelait cela "motions" dans les belles heures des congrès du PS) : le texte A d'Olivier Faure (145 parrainages), le texte C de Nicolas Mayer-Rossignol (126 parrainages) et le texte B de Boris Vallaud (30 parrainages).

D'un point de vue politique, ou plutôt, politicien car j'ai renoncé à tenter d'y voir un sens politique autrement que des copineries d'appareil et de la cuisine électorale interne, Olivier Faure a reçu le soutien de Paul Christophle et Nicolas Mayer-Rossignol ceux d'Hélène Geoffroy (comme au congrès de Marseille en janvier 2023) et de Philippe Brun et Jérôme Guedj.

Pourquoi ai-je parlé de copineries d'appareil plutôt que de ligne politique claire ? Parce que par exemple, Nicolas Mayer-Rossignol serait plus au centre gauche qu'Olivier Faure, avec Hélène Geoffroy qui se revendique sociale-démocrate, mais Philippe Brun et Jérôme Guedj se revendiquent plutôt de l'aile gauche du PS, plus à gauche qu'Olivier Faure. Pour l'anecdote, Jérôme Guedj, qui a toujours été opposé à l'alliance avec l'insoumis Jean-Luc Mélenchon, était un bébé Mélenchon dans sa circonscription de Massy, dans l'Essonne, fief du grand gourou insoumis à l'époque où il n'était qu'un simple apparatchik du PS.

Ce qui compte, donc, ce sont les signatures. Pour Boris Vallaud, le président du groupe PS depuis juin 2022, sa position d'outsider est très nette et sa démarche très personnelle. Il est soutenu par sa compagne ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem, Alain Rousset, Alain Vidalies, Christian Eckert, François Lamy, etc.

Nicolas Mayer-Rossignol, lui, est soutenu par Hélène Geoffroy, Philippe Brun, Jérôme Guedj, Carole Delga, Karim Bouamrane, Lamia El Aaraje, Anne Hidalgo, Stéphane Le Foll, Rachid Temal, Laurence Rossignol, Jean-Christophe Cambadélis, David Assouline, François Bonneau, Philippe Doucet, François Kalfon, Dominique Potier, Colette Capdevielle ("inquisitrice" contre François Bayrou à la commission Bétharram), Marie-Guite Dufay, Mickaël Delafosse, Jean-Marc Germain, Marie-Arlette Carlotti, Patrick Kanner, Valérie Rabault, Rémi Feraud, Marie-Pierre de La Gontrie, etc. Parmi ses 5 000 signataires, on lit des doublons, par exemple, Nicolas Morvan et Angèle Louviers sont cités deux fois dans la liste, je ne sais pas s'ils sont comptés double (j'ai renoncé à aller trop loin, il ne faut pas exagérer !).

Enfin, le chef actuel des socialistes au charisme fou, Olivier Faure, est soutenu par Martine Aubry, Jean-Marc Ayrault, Johanna Rolland, Guillaume Garot, Emma Rafowicz, Paul Christophle, Laurent Baumel, Luc Carvounas, Chloé Ridel, Ericka Bareigts, etc. Suit une liste de 2 500 noms.

Il faut noter que les trois grosses têtes du PS actuel, à savoir Olivier Faure (premier secrétaire du PS), Boris Vallaud (président du groupe PS à l'Assemblée) et Patrick Kanner (président du groupe PS au Sénat) sont dans trois listes différentes. Ce qui montre un attelage politique très hétérogène.

 


L'échéance suivante a lieu ce mardi 27 mai 2025. À cette date, justement, il y a le vote des adhérents du PS pour l'un des trois "textes d'orientation". On pourrait croire que c'est un vote programmatique, basé sur des lignes de fond, mais non. C'est un vote pour une personnalité, pour le prochain dirigeant du PS. Car la règle veut que les "premiers signataires" des deux "textes d'orientation" qui ont obtenu le plus de votes seront candidats au poste de premier secrétaire du PS.

À cette occasion, on pourra donc connaître le nombre exact d'adhérents inscrits participant à ce scrutin ainsi que le nombre exact de vrais adhérents qui votent. Le congrès du PS est malencontreusement arrivé après celui de LR, si bien que la barre est haute pour dire que ce serait un succès : chez LR, il y a eu près de 100 000 votants (exactement 98 110), ce qui est très fort pour un parti (il y a un mois, les écologistes n'avaient eu que 6 702 votants !).

Ce vote, qui aura lieu la semaine prochaine, est donc crucial. Ensuite, le jeudi 5 juin 2025 aura lieu à proprement parler l'élection du premier secrétaire du PS. L'enjeu est important sur l'avenir du gouvernement et surtout, l'avenir de la législature actuelle puisque le Président de la République reprend son droit à dissoudre à partir du 9 juin 2025. Enfin, le congrès aura lieu dix jours plus tard, du 13 au 15 juin 2025 à Nancy. Tout aura été déjà décidé par les adhérents... ou pas, car on a vu des congrès qui n'étaient pas très fixés par le vote des militants (Rennes en 1990, Reims en 2008 et aussi Marseille en 2023 !).

 


Un petit mot pour le sortant, Olivier Faure, dont on a reproché la décision de dissoudre le gouvernement de Michel Barnier en mélangeant les voix socialistes avec celles des insoumis et surtout, celles du RN. Ensuite, on lui a reproché exactement le contraire quand il a refusé de censurer le gouvernement de François Bayrou avec l'argument développé par Corinne Narassiguin, la secrétaire nationale chargée de la coordination et des moyens du parti, mis au début de cet article.

Le poste de premier secrétaire du PS est nationalement important. Si tous les premiers secrétaires n'ont pas été Présidents de la République, les rares Présidents de la République socialistes ont été tous premiers secrétaires, à savoir François Mitterrand et François Hollande (j'aurais pu aussi dire qu'ils avaient ce même prénom François mais on ne m'aurait pas cru !).


Olivier Faure est premier secrétaire du PS depuis le 7 avril 2018, soit plus de sept années, ce qui commence à devenir important. Il a été élu le 29 mars 2018, et réélu les 18 septembre 2021 et 19 janvier 2023. Une réélection le 5 juin 2025 le placerait dans les historiques du parti socialiste (chef du PS jusqu'en 2028). Celui qui a été le premier secrétaire le plus long est François Hollande du 27 novembre 1997 au 26 novembre 2008 (11 ans). Il est suivi de François Mitterrand du 16 juin 1971 au 24 janvier 1981 (9 ans et 7 mois) et de Lionel Jospin du 24 janvier 1981 au 14 mai 1988 puis du 14 octobre 1995 au 2 juin 1997 (8 ans et 11 mois). Ces trois socialistes ont été les seuls, je souligne, les seuls dirigeants socialistes français à avoir eu le pouvoir par leur propre conquête électorale, le dernier, Lionel Jospin, en tant que Premier Ministre de cohabitation.

On mesure ainsi l'importance politique d'Olivier Faure... ou le niveau de décrépitude dans lequel est tombé le parti socialiste ! Il jouit ainsi de ce paradigme du sortant qui lui donne plus de stature nationale que tout autre concurrent actuellement. D'ailleurs, c'est bien dans le texte d'Olivier Faure qu'on y trouve cette lignée en y ajoutant bien sûr Léon Blum, mais en oubliant Guy Mollet, l'indéboulonnable secrétaire général de la SFIO sous la Quatrième République : « Nous devons retrouver celles et ceux pour qui nous nous battons. Celles et ceux qui pâtiront les premiers d'une politique d'extrême droite, enfermée dans une logique nationaliste, individualiste et capitaliste qui n'a jamais nourri que le conflit et la guerre. La gauche est toujours arrivée au pouvoir à la faveur d'une alliance de classes, avec l'émancipation des travailleurs au cœur de son projet. C'était le cas du temps de Léon Blum, comme de François Mitterrand, Lionel Jospin et François Hollande. ».

Et justement, parlons de ce dernier pour terminer. François Hollande est le seul cité encore en service, élu député en juillet 2024. Et qui soutient-il ? Prudemment, personne. Cet adepte de la synthèse intégrale a préféré voir venir, se disant qu'il est le seul capable de concourir avec le blason socialiste en 2027. Rappelons qu'il aura alors presque 73 ans. Et Olivier Faure presque 59 ans.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 mai 2025)
http://www.rakotoarison.eu


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Robert Badinter.
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Didier Guillaume.

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Didier Migaud.
Pierre Moscovici.

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Hubert Curien.
Alain Bombard.
Danielle Mitterrand.
Olivier Faure.
Lucie Castets.

Bernard Cazeneuve
Gabriel Attal.
Élisabeth Borne.
Agnès Pannier-Runacher.
Sacha Houlié.
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L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco de la candidate socialiste.
Le socialisme à Dunkerque.
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25 avril 2025 5 25 /04 /avril /2025 04:47

« Sans cesse questionnée sur son positionnement entre PS et LFI, elle ne dit rien de définitif, ménage les deux camps. Et voilà sa force. Voilà aussi pourquoi elle sera réélue. Et pourquoi ce congrès ne sert à rien (d’ailleurs, l’abstention est forte). Les militants écolos auraient pu acter une stratégie claire en vue des municipales et de la présidentielle. Mais, non, ils resteront au milieu. Marine Tondelier parle d’un parti "trait d’union". » (Maxence Lambrecq, le 17 avril 2025 sur France Inter).



 


Plutôt que le trait d'union proposé par un éditorialiste de France Inter, j'oserais plutôt parler d'un trait de division de la société française. "Les Écologistes", nouvelle appellation du parti Europe Écologie-Les Verts (EELV) depuis le 14 octobre 2023 (mais je garderai le nom de EELV car je trouve que les appellations, nombreuses aujourd'hui, "Les quelque chose", comme "Les Républicains", "Les Centristes", "Les Patriotes", sont peu adaptées à la syntaxe française, donc EELV se réunit en congrès fédéral ce samedi 26 avril 2025 à Pantin, suivi d'une "Grande Convention" des investiture les 26 et 27 avril 2025 au même endroit.

Pas de suspense puisque le vote des adhérents a eu lieu du 16 au 18 avril 2025, et le résultat a été communiqué le 19 avril 2025, veille de Pâques, avec une très large et attendue victoire de la secrétaire nationale sortante, Marine Tondelier.

On devrait même dire "sectaire nationale" si on lit l'article d'Anne-Sophie Mercier publié le 9 mars 2025 dans "Le Canard enchaîné" : « Elle est pétillante, mais elle sait aussi asphyxier ceux qui, chez les Verts, sont susceptibles de lui faire de l’ombre. Et ce n'est pas Julien Bayou qui dira le contraire. Aujourd'hui, Yannick Jadot, Sandrine Rousseau ou Éric Piolle essaient de se faire entendre (…). "On n’a plus rien à envier à La France insou­mise". C’est la phrase qu’on entend beaucoup, ces temps-ci, dans la bouche des opposants écolos à Marine Tondelier. (…) Ils découvrent le vrai visage de leur secrétaire générale, sacrément douée pour causer démocratie et transparence, avec son sourire télégénique, son aisance à l’oral et son inamovible veste verte, tout en verrouillant le parti, changeant les règles quand ça lui chante et éliminant les adversaires avec méthode et détermination. (…) "C’est drôle, cette bronca des opposants. Tondelier a été formée à la maîtrise de l’appareil par Duflot et Placé, qui n’étaient pas manchots. Elle a été la patronne des jeunes écolos et déléguée aux journées d’été, des postes extrêmement politiques. Ils espéraient quoi à la place ?" s’amuse un pilier du parti. ».


L'un des exemples du verrouillage, c'est d'avoir sorti de la boucle de son courant Éric Piolle, le maire de Grenoble, qui a pourtant été l'un de ses soutiens les plus actifs, car ce dernier voudrait devenir porte-parole du mouvement écologiste mais Marine Tondelier préférerait y placer le Normand Guillaume Hédouin (les deux candidats seront départagés au cours d'un ultime second tour).
 


Les résultats sont sans équivoque en faveur de la non-ligne de Marine Tondelier, mais il n'y a pas de quoi pavoiser. D'abord, il n'y a que 13 725 adhérents inscrits, ce qui est faible pour un parti d'envergure nationale. Ensuite, il y a eu un très fort taux d'abstention, 51,2%. Enfin, le score de Marine Tondelier, 4 795 voix, soit 72,6% des suffrages exprimés, ne représente que 34,9% du total des adhérents, soit un peu plus d'un tiers. Ce n'est donc pas un vote de large adhésion.
 


Trois autres candidats ont participé à cette compétition, dont Karima Delli (12,8%) et aussi Harmonie Lecerf Meunier, qui a pour caractéristique de représenter le courant "Radicalement vôtre", le courant extrémiste de Sandrine Rousseau, arrivée dernière avec seulement 422 voix, soit 6,4% des suffrages exprimés, mais aussi 3,1% de l'ensemble des adhérents ! Étant donné que les écologistes ne représentent que 5,5% du paysage électoral français (score de la liste menée par Marie Toussaint aux élections européennes du 9 juin 2024), ce courant ne représente finalement que 0,17% de l'électorat français. On peut ainsi trouver que la présence hégémonique de Sandrine Rousseau dans les médias ne représente pas vraiment son audience électorale réelle, ce qui a fait dire à quelqu'un, sur Twitter : « Ça fait de Sandrine Rousseau la seule politique qui totalise plus de passages médias que de voix au congrès de son parti. ».
 


Marine Tondelier a réussi l'OPA le 10 décembre 2022, par sa capacité à être présente dans les médias et à s'exprimer auprès des militants, à marginaliser les deux courants opposés lors de la primaire de 2021 qui avait abouti au second tour à un duel entre Yannick Jadot, représentant de l'aile réformiste et raisonnable, et Sandrine Rousseau, représentante de l'aile extrémiste, wokiste, décroissant. Marine Tondelier, elle, se moque de savoir quelle aile choisir.

On le voit notamment à la lecture du texte qui a été également proposé au vote à l'occasion de ce congrès. Le flou habite ce texte supposé d'orientation politique. Sa rédaction bourrée d'écriture inclusive est illisible pour cette raison. Il suffit de lire la conclusion pour comprendre que cette rhétorique de bisounours où rien n'est proposé, ni méthode ni programme concret, n'a d'autre raison d'être que de servir de support à l'inconsistance d'une future candidature présidentielle de Marine Tondelier : « Ce mandat sera celui du renforcement de notre parti, un parti démocratique, accueillant et émancipateur, afin que l'écologie politique gagne du terrain dans tous les territoires, dans les institutions et dans toutes les couches de la société. À l’heure de la montée des régimes autoritaires dans nombre de pays du monde, nous devons appliquer des pratiques conformes à la vision de la société démocratique que nous désirons. ».

Rien que la lecture des titres suffit à comprendre que ce parti est incapable de réponde aux enjeux actuels, faire face à des dirigeants comme Vladimir Poutine et Donald Trump : « Ancrer la diplomatie dans le multilatéralisme, la justice et l'écologie » ; « Construire une Europe de la paix, solidaire, souveraine et écologique » ; « Lutter contre les nouvelles tentatives de déstabilisation »... Ce serait fédérateur si ces titres n'étaient pas des slogans creux, des incantations sans mode d'emploi, sans proposition efficace.et surtout, c'est à mon sens le plus grave, sans idée originale. La plus marquante est cette phrase sans précision et totalement vide, incantatoire : « La guerre en Ukraine souligne l'urgence d'une diplomatie efficace et d'une défense commune européenne. ». Oui ? Et alors ? Concrètement, cela signifie quoi ?

 


Pire, on retrouve les vieilles rengaines anachroniques et dogmatiques qui ont fait élire Donald Trump aux États-Unis et pourraient faire gagner le RN en France : « Il est urgent de mettre fin au capitalisme débridé qui pille les ressources, perpétue souvent des rapports de domination postcoloniaux et accroît les inégalités. ». Ou encore : « La coopération avec les Suds [au pluriel, oui ! contre la langue française] doit être co-construite avec les populations et se diriger vers des projets féministes, écologistes, équitables et garants de la souveraineté alimentaire. ».

Ou encore, on le ressent aussi dans le chapitre sur le fonction interne : « Un parti qui réaffirme son engagement écoféministe et antiraciste. Il devra affronter l'offensive du masculinisme et des réactionnaires, qui peut se déployer même dans nos rangs. ». Voilà une vision bien peu bienveillante (adjectif mis pourtant à l'affiche) des rapports entre les hommes et les femmes. C'est d'autant plus inconsistant que Marine Tondelier a pris la direction de EELV en évinçant Julien Bayou accusé d'agressions sexuelles par Sandrine Rousseau, mais lorsqu'il a été totalement blanchi par la justice du pays, il n'a pas été réintégré, ni réhabilité dans son honneur au sein de son parti et il reste toujours persona non grata.
 


Ce texte présenté le 9 avril 2025 est nul pour laisser une grande liberté à Marine Tondelier dans ses ambitions présidentielles. Comme des dizaines d'autres responsables politiques, depuis qu'elle a gagné en notoriété avec la campagne des élections législatives, et surtout, postlégislatives (elle se déplaçait avec une technocrate de la mairie de Paris, vous savez, celle qui devait être Première Ministre, Lucie Castets), elle a senti ses ailes pousser, celles d'un parfum présidentiel, en tablant sur les divisions du PS et leur incapacité, depuis 2011, à présenter un véritable leader (au point de faire élire un homme aussi limité que François Hollande), et sur la vieillesse et les excès verbaux et idéologiques de Jean-Luc Mélenchon.

Seulement4 232 adhérents ont approuvé ce texte dit d'orientation, peut-être 85,0% des suffrages exprimés (le choix était pour ou contre ; il n'y avait pas d'autres textes !), mais avec une très forte abstention (je-m'en-foutisme), 58,7%, cela ne représente que 30,8% des adhérents, soit moins que le score de Marine Tondelier elle-même.

 


Jean-Vincent Placé avait d'ailleurs trouvé lui-même la bonne formule dès le 28 août 2015 pour décrire son parti : « |Il] est un astre mort, une structure morte qui donne aujourd'hui une vision caricaturale et politicienne de l'écologie. ». Cette appréciation demeure d'actualité, avec d'autres acteurs.
 


Ce qui est remarquable, comme Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier veut changer de Constitution alors qu'elle a adopté, comme Jean-Luc Mélenchon aussi, précisément ce qui la caractérise le plus, à savoir l'obsession présidentielle. Mais, on peut raisonnablement rester optimiste pour l'avenir. Jamais un dirigeant écologiste n'a duré plus de quelques années, son quart d'heure de célébrité : Dominique Voynet, Noël Mamère, Nicolas Hulot, Eva Joly, Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé, Yannick Jadot, Julien Bayou, etc. ne sont jamais restés très longtemps sur le devant de la scène et sont retombés rapidement dans l'anonymat vide de leur inconsistance politique. L'avenir tout tracé de Marine Tondelier.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 avril 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les écolos, trait de division de la société française.
Dominique Voynet.
Laurence Vichnievsky.
Marine Tondelier.
François Ruffin.
Clémentine Autain.
Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
Yannick Jadot.
Sandrine Rousseau.
Élysée 2022 (5) : profondes divisions chez les écologistes.
Grégory Doucet.
René Dumont.


 



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250419-ecolos.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-ecolos-trait-de-division-de-la-260554

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/24/article-sr-20250419-ecolos.html



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7 mars 2025 5 07 /03 /mars /2025 03:18

« Je suis élue à Lille depuis trente ans, je suis maire depuis vingt-quatre ans, j’ai encore de l’énergie et des idées, mais le temps est venu de passer la main à une nouvelle génération. » (Martine Aubry, conférence de presse le 6 mars 2025 à Lille).




 


Au cours d'une conférence de presse tenue ce jeudi 6 mars 2025 dans la matinée à Lille, Martine Aubry, maire de Lille depuis mars 2001, a annoncé avec beaucoup d'émotion qu'elle quitterait la mairie dans les prochains jours, concluant une carrière municipale presque aussi longue que son prédécesseur et mentor Pierre Mauroy, maire de Lille de janvier 1973 à mars 2001 : « Je vais envoyer ma lettre de démission au préfet dans quelques jours. ».

La démission de Martine Aubry, qui va avoir cet été l'âge de 75 ans (mais elle ne les fait pas !), n'est pas seulement un événement de sa vie personnelle, c'est aussi un événement de la vie politique lilloise puisque dans un an, en mars 2026, auront lieu les prochaines élections municipales. Et le fait qu'elle a désigné son successeur dès maintenant, à savoir son premier adjoint Arnaud Deslandes, qui devrait être élu sans problème, au cours d'une séance extraordinaire du conseil municipal, qui sera réuni probablement le 21 mars 2025, puisqu'il jouira de la majorité municipale actuelle (43 sièges sur 61), est une démarche particulièrement blâmable, très fréquente dans la pratique politicienne des temps anciens mais qui, depuis une dizaine d'années, semble complètement anachronique. Comme si un mandat électoral était une charge qu'on transmettrait par voie monarchique.

Il faut rappeler que Martine Aubry elle-même était une héritière, et pas de n'importe qui, de Pierre Mauroy, ancien Premier Ministre et maire historique de Lille, qui l'a prise sous sa protection dans un parachutage à Lille en juin 1995, comme première adjointe, mais au moins, elle a été élue maire de Lille à la suite des élections municipales de mars 2001 et pas d'un changement de palais (il ne s'agissait pas d'une révolution de palais, plutôt d'une évolution de palais !). Pierre Mauroy lui-même a été aidé dans son accession à la mairie de Lille, en janvier 1973, puisque son prédécesseur (et mentor) socialiste Augustin Laurent (autre maire historique de Lille), à l'âge de 76 ans, lui a laissé la place confortable, sans élections non plus (qui ont eu lieu en mars 1971 puis en mars 1977) afin de lui mettre le pied à l'étrier.
 


Sur France Bleu Nord, elle a d'ailleurs rendu hommage à Pierre Mauroy en ces termes : « Un vrai politique, un homme de gauche. Et puis, en ce qui me concerne, une grande reconnaissance pour m'avoir fait venir à Lille, ainsi qu'une très grande affection qui nous reliait. ».

Elle a assuré qu'elle ne prendrait pas sa retraite en politique et qu'elle continuerait à s'exprimer sur les sujets politiques, mais cette démission très prochaine prend quand même figure d'un retrait de ses responsabilités politiques dans une carrière politique à la fois très remplie... mais un peu inachevée, ou plutôt, en un mot, comme pour son père Jacques Delors, un peu velléitaire.

Martine Aubry a fait partie des poids lourds de la vie politique française pendant des décennies et est l'une de rares éléphantes (femmes) du parti socialiste (avec Ségolène Royal). Elle n'a jamais voulu se présenter comme la "fille de", d'où son nom venant de son premier mari, et pour éviter d'être taxée de centriste, comme le fut son père, elle a sans arrêt pris des positions artificiellement très à gauche pour ne pas être comprise comme une "socialo-traître", injure encore délivrée de nos jours par l'extrême gauche mélenchonienne aux socialistes.

Martine Aubry a toujours fait partie de l'élite ; elle est passée par l'ENA (puis le Conseil d'État) et elle a milité au syndicat CDFT, comme son père. En même temps, en 1974, elle a pris sa carte d'adhésion au PS. Cela fait cinquante et un ans qu'elle est socialiste. Entre 1981 et 1986, elle a intégré des cabinets de ministres socialistes, Jean Auroux, puis Pierre Bérégovoy. Sous la première cohabitation, et depuis 1984, elle était directrice des relations du travail au Ministère de l'Emploi. Puis, en 1989, elle s'est lancée dans la vie industrielle en assistant le patron de Péchiney, Jean Gandois, futur président du CNPF (futur Medef), comme directrice générale adjointe.

Pas longtemps, car c'est deux ans plus tard qu'elle a vu sa notoriété bondir auprès du grand public. Martine Aubry a en effet été nommée Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle du 16 mai 1991 au 29 mars 1993, dans les gouvernements dirigés par Édith Cresson puis Pierre Bérégovoy. Il y en a qui deviennent ministres après avoir été élus conseillers municipaux, conseillers généraux, députés, etc. et qui ont grimpé petit à petit les échelons locaux et nationaux. Elle, sans mandat électif, mais avec l'ENA en poche, elle a été tout de suite bombardée ministre (du reste, ce n'est pas la seule et c'est très courant dans la vie politique française).

Malgré ce côté technocratique certain (elle a été ministre de son domaine de compétence) et sa filiation avec un Ministre de l'Économie et des Finances très respecté (devenu Président de la Commission Européenne), elle est devenue une vraie politique, autonome, avec son franc-parler et son libre arbitre, au sein d'un parti socialiste très divisé. Sa popularité est rapidement montée à la hausse, au point qu'après le renoncement de son père à l'élection présidentielle de 1995, elle faisait déjà partie des candidats potentiels les plus appréciés du PS.


Néanmoins, elle excluait toute candidature précoce (elle avait 44 ans). Elle fut chargée par Lionel Jospin de la rédaction de son programme présidentiel de 1995, avec Claude Allègre. Qualifiée par le candidat socialiste de « femme politique la plus brillante d'aujourd'hui » le 18 avril 1995, au cours d'un meeting électoral, elle était déjà considérée comme premier-ministrable de Lionel Jospin, même si les chances de ce dernier à se faire élire à l'Élysée étaient quasiment nulles dans les sondages.

Pierre Mauroy en a fait sa dauphine parce qu'il cherchait un successeur à son niveau (le problème de succession se retrouvait dans d'autres grandes villes, entre autres, Paris, Marseille, Bordeaux, Tours, Rouen, etc.). C'est donc encore parachutée qu'elle s'est hissée au poste de numéro deux de la mairie de Lille en juin 1995. Mais son élection comme maire six ans plus tard a été très laborieuse, bien qu'elle l'eût anticipé car elle s'était consacrée totalement à ces élections municipales de mars 2001 dès l'année précédente (en quittant son ministère).


Car entre-temps, il y a eu juin 1997 et la victoire inespérée de la gauche plurielle après la dissolution foireuse de Jacques Chirac. Martine Aubry a été élue députée du Nord mais n'exerça pas son mandat de députée car elle fut nommée, par Lionel Jospin, numéro deux de son gouvernement, comme Ministre de l'Emploi et de la Solidarité du 4 juin 1997 au 18 octobre 2000. À ce titre, elle a fait partie de cette fameuse "dream team" des jospinistes, mise en concurrence et en association avec l'autre poids lourds de ce gouvernement, déjà ministre sous François Mitterrand comme elle (et de la même génération), Dominique Strauss-Kahn, Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (qui a dû démissionner le 2 novembre 1999 en raison d'affaires judiciaires en cours).
 


Pendant ce mandat de ministre, elle a hystérisé la classe politique, adulée à gauche et détestée à droite, au centre et par tous ceux qui ont une vision réaliste de la vie économique, en raison des mesures phares prises pendant cette période (avec la chance que la conjoncture économique internationale était favorable) : la réduction du temps de travail à 35 heures par semaine, la couverture médicale universelle (CMU), les emplois jeunes, etc. Les 35 heures, comme la retraite à 60 ans prise sous François Mitterrand, restent encore une plaie de la vie politique que nous payons aujourd'hui par ces déficits excessifs et que nos enfants et petits-enfants payeront encore longtemps dans les décennies prochaines. L'éditorialiste politique Philippe Alexandre a publié en 2002 un brûlot contre cette mesure et sa promotrice sous le titre de "La Dame des 35 heures" (éd. Robert Laffont), avec Béatrix de L'Aulnoit, qui a été un grand succès en librairie (elle était décrite comme "cassante et extrêmement ambitieuse").

Martine Aubry a réuni ses partisans au sein d'un club politique (Réformer), parmi lesquels se trouvaient Jean-Pierre Sueur, Jean Le Garrec, Marylise Lebranchu, Adeline Hazan, François Lamy (son bras droit, ancien ministre et ancien député-maire de Palaiseau émigré à Lille), Michel Wieviorka, etc.

La victoire (courte) de Martine Aubry aux élections municipales de Lille en mars 2001 (49,6%) lui ont donné une véritable dimension politique nationale. Avec la candidature de Lionel Jospin favori dans les sondages pour l'élection présidentielle de 2002, elle faisait figure de prochaine Première Ministre évidente d'un Président Jospin (moins populaire, DSK était aussi un premier-ministrable concurrent). L'échec retentissant de Lionel Jospin en 2002 a changé les choses avec un PS en ruines.


À partir de l'été 2002, la logique politique aurait voulu que soit Martine Aubry soit Dominique Strauss-Kahn reprissent le PS à la petite cuillère et lui donnassent une nouvelle espérance électorale. Mais Martine Aubry a été battue aux élections législatives de juin 2002, si bien qu'elle s'est repliée sur son mandat municipal à Lille (avec succès). Elle n'a pas trouvé de circonscription gagnable en juin 2007 (François Hollande, premier secrétaire du PS, n'a pas levé le petit doigt pour elle), et elle a renoncé à se présenter aux législatives à partir de juin 2012, se confinant à la mairie de Lille. Quant à DSK, réélu député, qui a été le premier socialiste, le soir du premier tour de la présidentielle en 2002, à avoir appelé à voter Jacques Chirac au second tour, il n'a pas su qu'il fallait aller vite et, petit à petit, la candidature de Ségolène Royal pour 2007 a émergé dans les sondages, au détriment de tous les autres éléphants.

Après sa réélection à Lille en 2008, Martine Aubry s'est trouvée confrontée au vide au sein du PS. François Hollande quittait la direction du PS, Ségolène Royal, qui venait d'être candidate à l'élection présidentielle, se présentait à sa succession avec beaucoup de troupes et on sollicita Martine Aubry pour l'affronter au congrès de Reims. Elle était soutenu notamment par Pierre Mauroy et Jack Lang. Elle a réussi à rassembler également les proches de Dominique Strauss-Kahn (en particulier Jean-Paul Huchon, Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Jacques Urvoas, Laurent Baumel, etc.), Laurent Fabius (en particulier Claude Bartolone, Guillaume Bachelay, etc.), Arnaud Montebourg (en particulier Christian Paul, etc.) et Benoît Hamon (qui, finalement, se présenta lui aussi au poste de premier secrétaire).

En gros, la face traditionnelle du PS (Martine Aubry) opposée à la face moderniste du PS (Ségolène Royal). Au milieu, vaguement soutenu par son ami François Hollande, le maire très populaire de Paris Bertrand Delanoë, qui n'a jamais été ministre (comme François Hollande), tentait une percée pour conquérir le PS. Le 6 novembre 2008, le vote des militants a été une catastrophe de divisions : 29,1% pour Ségolène Royal, 24,2% pour Bertrand Delanoë et 24,1% pour Martine Aubry. Aucune synthèse ne s'est dégagée lors du congrès de Reims. Bertrand Delanoë a jeté l'éponge, tandis que Ségolène Royal était très tenace et Martine Aubry très soutenue par les apparatchiks du PS.

Le 20 novembre 2008, au premier tour pour désigner le premier secrétaire du PS, Ségolène Royal était largement en avance avec 42,4% des militants, devant Martine Aubry 34,7% et Benoît Hamon 22,8%. Ce dernier s'est effacé et a appelé à soutenir « massivement » Martine Aubry au second tour du 21 novembre 2008. Les résultats ont été brouillés par des opérations de vote plus ou moins sincères, les deux candidates ont contesté le résultat de certaines fédérations départementales ; Ségolène Royal aurait eu un retard de 42 voix et la validation a eu lieu le 25 novembre 2008 avec l'élection de Martine Aubry avec 102 voix d'avance (sur 67 451, soit 50,04%) sur Ségolène Royal qui n'a jamais vraiment accepté ces résultats (on allait bizarrement retrouver le même problème lors de l'élection, elle aussi très serrée, à la présidence de l'UMP en novembre 2012 entre Jean-François Copé et François Fillon).

Malgré les conditions douteuses de son élection, toujours est-il que Martine Aubry est devenue la première femme chef du parti socialiste, et à ce titre, elle est entrée dans l'histoire de ce parti. Cette responsabilité lui a permis de dépasser Ségolène Royal en popularité au sein du PS. La perspective de l'élection présidentielle de 2012 était dans tous les esprits. Elle faisait partie des présidentiables naturelles du PS et elle y pensait. Ce qu'on a nommé le "pacte de Marrakech" a laissé entendre que, dans tous les cas, il y aurait un accord entre elle et le favori des sondages, Dominique Strauss-Kahn. En clair, elle s'effacerait pour devenir son Premier Ministre, et cette fois-ci, les perspectives de victoire étaient encore plus grandes qu'en 2002, quasi-certaines.


Mais c'était sans compter avec les obsessions sexuelles du favori. L'affaire du Sofitel déclenchée le 14 mai 2011 a bouleversé complètement l'échiquier politique. Heureusement pour les socialistes, cela s'est passé avant leur première primaire ouverte (en octobre 2011). Martine Aubry s'est donc présentée à la primaire à la place de DSK et soutenue également par Laurent Fabius, et devait affronter notamment Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal, mais surtout François Hollande qui, lui, semblait récupérer la popularité de DSK. Elle a annoncé sa candidature le 28 juin 2011 à Lille, mais ne semblait pas très déterminée, un peu comme si c'était une corvée pour elle.

Au premier tour, le 9 octobre 2011, elle se hissa au deuxième rang, avec 30,4% devancée par François Hollande avec 39,2%. Le second tour était plié en raison du soutien unanime des autres candidats à son adversaire. Malgré l'emploi du mot empapaouter et de l'expression "quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup", Martine Aubry n'a eu que 43,4% le 16 octobre 2011, face à François Hollande 56,6%, malgré une mobilisation supérieure de près de 20 000 sympathisants au second tour (de 2,66 à 2,86 millions de votants).

Les relations entre François Hollande et Martine Aubry ayant toujours été mauvaises, la situation était politiquement délicate pour elle. En tant que première secrétaire du PS, Martine Aubry a confectionné un accord particulièrement contraignant entre le PS et les écologistes pour les investitures des élections législatives du juin 2012 qui allaient piéger François Hollande pendant tout son quinquennat. Par ailleurs, à l'élection de François Hollande, Martine Aubry était considérée comme la Première Ministre potentielle préférée à gauche, mais le nouveau Président s'est bien gardée de la nommer (et lui a préféré Jean-Marc Ayrault) et lui a juste proposé une grand Ministère de l'Éducation nationale qu'elle refusa (aut Caesar aut nihil). Dès lors, elle démissionna de la direction du PS le 17 septembre 2012 et imposa Harlem Désir comme successeur, à la veille du congrès de Toulouse (là encore, comme à la mairie de Lille, le procédé était douteux, comme si l'élu était propriétaire de son mandat politique et devait désigner son successeur). L'absence de leadership de Harlem Désir a fini par pourrir le quinquennat pollué par les "frondeurs", incapable de mettre de la discipline dans ce parti. À la tête du PS, elle allait soutenir par la suite Jean-Christophe Cambadélis en juin 2015 (congrès de Poitiers) puis Olivier Faure en avril 2018 (congrès d'Aubervilliers).


 


À partir de 2014, Martine Aubry s'opposa de plus en plus ouvertement et vigoureusement à la politique économique du gouvernement de Manuel Valls et de son jeune ministre Emmanuel Macron. Renonçant à une candidature pour 2017, elle a soutenu, tant à la primaire qu'à l'élection, la candidature de son ancien poulain Benoît Hamon. En 2022, elle a soutenu celle de la maire de Paris Anne Hidalgo et l'alliance de la Nupes. En juillet 2024, la gauche a proposé son nom pour devenir Premier Ministre ; non seulement elle a refusé, mais la gauche n'était pas en capacité numérique d'imposer un Premier Ministre !

Quant à sa dernière réélection à la mairie de Lille, en juin 2020, alors qu'elle avait annoncé qu'elle quitterait la mairie à l'issue de son troisième mandat, Martine Aubry a été très près de l'échec, réélue avec seulement 40,0% au second tour, avec 237 voix d'avance (sur 38 470), face à la liste écologiste (39,4%) et la liste centriste (20,6%) menée par une future députée macroniste (qui fut son ancienne directrice de cabinet de 2008 à 2012, Violette Spillebout), avec 68,3% d'abstention.

On le voit, la carrière politique de Martine Aubry a zigzagué en dents de scie. Elle est rapidement devenue l'une des personnalités majeures de la vie politique française, susceptible d'être nommée à Matignon à plusieurs reprises (en 1995, 2002, 2012, 2024), et même susceptible d'être candidate à l'élection présidentielle pour le compte de l'un des grands partis de gouvernement, le PS (en 1995 et 2012). Toutefois, un manque certain de combativité lui a fait renoncer à beaucoup de candidatures ou de combats politiques, au contraire des véritables animaux politiques (comme le sont notamment François Holllande, Ségolène Royal et Laurent Fabius).

Sa personnalité (et sa vie privée), son engagement plus collectif qu'individuel, le fait d'être une femme qui imposerait inconsciemment plus de garantie de compétences et d'expérience que les hommes pour s'engager totalement, sa supposée disposition familiale à la velléité, bref, Martine Aubry a sans doute raté beaucoup de trains pouvant l'amener très loin au sommet du pouvoir et a probablement dû décevoir de nombreux militants de gauche qui comptaient sur elle pour construire un grand parti de gauche. Mais elle-même n'a jamais été très convaincue d'être vraiment de gauche. 2026 sera une grande étape et une page qui se tournera pour Lille avec beaucoup de convoitise, et le centre et centre droit pourraient avoir quelques chances face aux écologistes. Pour ce qui est du niveau national, cela fait longtemps que ses amis socialistes l'ont oubliée.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 mars 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L'inquiétude de Martine Aubry.
Le désir puissant de Martine Aubry.
La future Angela Merkel française ?
Martine Aubry.
Hubert Védrine.
Julien Dray.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
Lionel Jospin.
Claude Allègre.
François Mitterrand.
Jacques Delors.
Mazarine Pingeot.
Richard Ferrand.
Didier Guillaume.

Pierre Joxe.
André Chandernagor.
Didier Migaud.
Pierre Moscovici.

La bataille de l'école libre en 1984.
Bernard Kouchner.
Hubert Curien.
Alain Bombard.
Danielle Mitterrand.
Olivier Faure.
Lucie Castets.

Bernard Cazeneuve
Gabriel Attal.
Élisabeth Borne.
Agnès Pannier-Runacher.
Sacha Houlié.
Louis Mermaz.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco de la candidate socialiste.
Le socialisme à Dunkerque.
Le PS à la Cour des Comptes.

 


 







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250306-martine-aubry.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-larmes-de-martine-aubry-259738

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/06/article-sr-20250306-martine-aubry.html



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