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26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 03:02

« La vraie mort, c'est se résigner au désespoir. Si nous sommes désespérés, nous ne bougeons plus, nous devenons passifs. Nous allons alors rater toutes les occasions que nous avons, qu'elles soient grandes ou petites. Nous les transformons en zéros, comme si, avec nos propres mains, nous abattons notre victoire. C'est pour ça qu'ils coupent l'Internet. C'est pour ça que des journalistes, des reporters, des blogueurs, des artistes et des athlètes sont arrêtés, pour qu'on ne sache pas ce qui se passe autour de nous. S'il y a un jour le silence autour de nous, qu'on pense que le silence s'est imposé partout, que tout le monde a abandonné, qu'on pense que c'est fini, qu'on a perdu, qu'on accepte la défaite, ils vont faire de leur mieux pour nous imposer la défaite. » (Toomaj Salehi, 2024).



 


Le rappeur iranien Toomaj Salehi vient d'être condamné à mort le mercredi 24 avril 2024 par la tribunal révolutionnaire d'Ispahan. Il risque l'exécution par pendaison parce qu'il a été déclaré coupable d'incitation à la sédition, de rassemblement, de conspiration, de propagande contre le système, d'appel aux émeutes, de corruption sur terre, de guerre contre Dieu. Il avait été auparavant plusieurs fois condamné à des peines de prison.

À 33 ans, Toomaj Salehi est un chanteur populaire très connu en Iran, notamment parmi la jeunesse. Il chante depuis 2016 sur les problèmes des jeunes et des femmes (aussi des animaux) dans la société iranienne et a participé aux mobilisations contre le régime islamique. Il a été arrêté le 12 septembre 2021 puis relâché le 21 septembre 2021. Il s'est engagé dans la contestation de la république islamique après l'assassinat de Masha Amini (le 16 septembre 2022), arrêtée par la police des mœurs pour ne pas avoir porté le voile. Il est devenu une figure populaire et courageuse de la contestation iranienne. Il a alors été arrêté de nouveau le 30 octobre 2022, a subi des tortures, a été incarcéré en isolement pendant près d'un an, puis a été relâché le 19 novembre 2023. Mais il a été encore arrêté le 30 novembre 2023 après avoir publié des chansons qui dénonçaient les tortures dont il a été victime.

Et aussi après avoir témoigné dans les réseaux sociaux la vérité : « J'ai été beaucoup torturé lors de mon arrestation. Ils m'ont cassé les bras et les jambes. Ils frappaient beaucoup mon visage et ma tête. Je tentais d'éviter les coups avec les mains. Ils m'ont cassé les doigts. Ce n'est pas très racontable. Ça a duré très longtemps. Un détenu politique m'a dit : ce qu'ils t'ont injecté dans le cou, c'était probablement de l'adrénaline pour que tu ne t'évanouisse pas, pour que tu sois éveillé pendant la torture et que tu sentes la douleur jusqu'à son apogée. J'ai porté plainte pour les tortures. L'une des raisons de ma plainte est de prouver la véracité de mon récit, qu'ils ne disent pas que je mente. Car si je mens, ils pourraient me poursuivre à nouveau pour diffamation. J'ai fait ça aussi pour d'autres raisons. J'ai aussi porté plainte contre leurs médias pour diffamation. Ils ont dit : Toomaj était condamné à mort, son verdict a été cassé parce qu'il a coopéré efficacement. Pourquoi condamnation à mort ? Qu'ai-je fait pour être condamné à mort ? (…) Nous ne nous sommes mis en face de personne. Qui a torturé des gens ? (…) Ils n'auraient jamais dû m'arrêter. Ils n'avaient pas le droit de m'arrêter. Au lieu de ça, ils m'ont mis en cellule d'isolement pendant neuf mois me faire subir la torture. » (novembre 2023). Sa condamnation à mort a pour objectif de faire régner le silence sur les exactions du régime théocratique et donner une nouvel exemple pour dissuader de faire dissidence.

 


Selon Amnesty International dans un communiqué du 4 avril 2024, il y a eu 853 exécutions en 2023, en nette augmentation (chiffre le plus élevé depuis huit ans, +48% par rapport à 2022 et +171% par rapport à 2021), et déjà 95 exécutions du 1er janvier 2024 au 20 mars 2024 : « L’année dernière a également été marquée par une vague d’exécutions visant des manifestants, des utilisateurs de médias sociaux et d’autres opposants réels ou supposés pour des actes protégés par le droit international relatif aux droits humains, qui ont donné lieu à des inculpations pour "insulte au prophète" et "apostasie", ainsi qu’à de vagues accusations d’ "inimitié à l’égard de Dieu" (moharebeh) et/ou de "corruption sur terre" (efsad-e fel arz). ».

Le régime iranien se croit en position de force après son agression militaire contre Israël (en lançant 300 missiles et drones contre l'État d'Israël) sans qu'il n'y ait eu de grandes conséquences en riposte. Le régime islamique en a profité pour accroître la répression, renforcer la police des mœurs qui devait pourtant être dissoute après l'assassinat de Masha Amini. Cette condamnation à mort, alors que le rappeur n'est coupable que de s'être exprimé et de protester contre la torture du régime, montre une nouvelle fois la volonté des mollahs de dissuader toute nouvelle tentative d'opposition et de soulèvement.

Ce qui est révoltant, c'est que cette condamnation à mort ne semble pas émouvoir les professionnels de l'indignation dans nos contrées. Je repense alors aux propos du sénateur Claude Malhuret le 5 octobre 2022 après l'assassinat de Masha Amini : « Depuis le début de la révolte en Iran, et jusqu'à la manifestation de dimanche dernier à Paris, ces professionnels de l'indignation, ceux qui battent le pavé chaque semaine pour crier que la police tue ou dénoncer le racisme systémique en France, avaient disparu. Où étaient-ils lors des deux premiers rassemblements en soutien des femmes iraniennes ? En week-end sans doute, comme lors des manifestations pour l'Ukraine ! Leurs comptes Twitter, qui dénoncent chaque jour le patriarcat et l'islamophobie, sont devenus muets : pas un mot de soutien, pas un appel contre la mollarchie et sa police des mœurs ! Pendant qu'à Téhéran, les femmes meurent sous les coups et les balles, ils préfèrent dénoncer le virilisme du barbecue, faire l'éloge d'un gifleur ou juger les harceleurs dans des "comités de transparence", qui sont l'oxymore le plus grotesque inventé depuis la dictature du prolétariat. ».

Et en effet, on s'étonne qu'il n'y ait pas beaucoup de mobilisation pour soutenir Toomaj Salehi. Les ayatollahs iraniens profitent de notre indifférence pour renforcer leur dictature des mœurs. Plus nous sommes indifférents, plus ils iront dans la répression contre le peuple iranien et sa jeunesse. Toomaj Salehi s'est engagé auprès du mouvement "Femme, Vie, Liberté" (le nom du soulèvement entre septembre et décembre 2022 pour réagir après l'assassinat de Masha Amini) où il défendait la condition des femmes, des jeunes et même des animaux. Il en est devenu le porte-voix parce qu'il a un écho important auprès des jeunes.


Le jeudi 25 avril 2024, le Parlement Européen a voté la résolution C9-0235/2024 condamnant le régime iranien par 357 voix pour, 20 voix contre et 58 abstentions. Parmi les députés européens français, 3 députées européennes FI (dont Leïla Chaibi et Manon Aubry), 7 députés européens EELV (dont Marie Toussaint et David Cormand), 1 députée européenne LR (Nadine Morano) et 1 député européen RN (Jérôme Rivière) n'ont pas voulu voter cette résolution qui, entre autres, « condamne avec la plus grande fermeté l'attaque de drones et de missiles sans précédent perpétrée par l'Iran contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, ainsi que la grave escalade et la menace que cela représente pour la sécurité régionale », qui « se félicite de la décision de l'Union [Européenne] d'étendre et d'élargir le régime de sanction actuel, mis en place en juillet 2023, notamment en sanctionnant la production par l'Iran de drones et de missiles », et qui « exprime son soutien et sa solidarité sans réserve à l'égard de la société civile et des forces démocratiques en Iran ».
 


Pendant que beaucoup de populistes en France, prompts à s'indigner sur la situation à Gaza, refusent de condamner l'Iran dans son attaque contre Israël voire soutiennent l'Iran et même le Hamas au nom de leur combat contre les "valeurs occidentales" (qui sont démocratie, laïcité, liberté, égalité, fraternité, diversité, État de droit, protection des minorités, etc., rappelons-le !), l'Iran condamne à mort un de ses enfants pour simplement son engagement dans ses chansons. Comme l'expliquait cette internaute sur Twitter avec une certaine colère : « L’Iran. Ce pays merveilleux où le Prix Nobel de la Paix est en prison. Où un artiste résistant attend d’être pendu. Ça devrait inspirer nos belles âmes défilantes et pétitionnaires. Mais non. Comme les dames patronnesses d’autrefois avaient "leurs pauvres", elles ont "leurs causes". ».

Beaucoup de monde dans les réseaux sociaux a dénoncé cette indifférence dans les milieux artistiques (comme Sophie Aram) et certains ont même fustigé la soirée de remise de récompenses des rappeurs, le Flammes Awards 2024 qui s'est tenu au Théâtre du Châtelet à Paris le 25 avril 2024, car aucun artiste dans la salle n'a évoqué ni soutenu Tommaj Salehi, pas un mot, rien, la lâcheté et la honte.

 


En revanche, l'ancien ministre de la culture, et actuel président de l'Institut du monde arabe Jack Lang a apporté rapidement un vif soutien au rappeur dès le 24 avril 2024 : « Ne laissons pas la république islamique le tuer ! ».

Il faut se mobiliser, plus grande sera la mobilisation internationale, plus fortes seront les pressions sur le régime des mollahs. Un grand rassemblement à Paris, place de la Bastille, aura lieu ce dimanche 28 avril 2024 à 15 heures pour soutenir ce gardien courageux de la liberté. D'autres rassemblements ont lieu dans d'autres villes et pays du monde, en particulier à Los Angeles (au Federal Building) à la même date et même heure, et à Grenoble (place Félix-Poulat) le samedi 27 avril 2024 à 15 heures. Soutenons Toomaj Salehi, son courage, sa persévérance, sa détermination.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
Alireza Akbari.
Mehran Karimi Nasseri.
Claude Malhuret contre la mollarchie.
Masha Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
L'Iran de Bani Sadr.
De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
Incompréhensions américaines (1) et (2).
Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
Dennis Ross et les Iraniens.
Un émissaire français à Téhéran.
Gérard Araud.
Stanislas de Laboulaye.
Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.

 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240424-toomaj-salehi.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/mobilisons-nous-pour-soutenir-254348

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/26/article-sr-20240424-toomaj-salehi.html


 

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13 avril 2024 6 13 /04 /avril /2024 03:31

« Et Oussama Ben Laden chanteur d'opéra. » (Un tweet le 9 avril 2024).


 


Mourir est toujours une tragédie. Mourir en prison encore plus. Mais il est des informations qui se conforment peu à une présentation objective de la réalité. Certes, dès qu'on commence à évoquer le conflit israélo-palestinien, on tombe souvent dans la partialité. Pourtant, il y a encore des faits. Le 7 avril 2024, le citoyen israélien par ailleurs palestinien Walid Daqqa est mort à l'âge de 62 ans (né le 18 juillet 1961). Pour sa famille, pour ses proches, dans tous les cas, c'est une tragédie et je compatis à la peine.

Si l'on en croit la présentation de l'organisation Amnesty International, que d'aucuns, en Israël, voudraient renommer "Hamasty International", ou des journaux comme "Le Monde", Walid Daqqa était un gentil écrivain palestinien, détenu dans les méchantes prisons israéliennes depuis trente-huit ans (l'une des plus longues détentions en Israël). L'organisation ne l'a pas dit mais le laissait entendre, Walid Daqqa aurait été détenu parce qu'il serait un écrivain, comme des journalistes sont détenus aujourd'hui en Russie parce qu'ils sont des journalistes et qu'ils font leur boulot.

 


Les commentateurs pro-palestiniens peuvent d'ailleurs en rajouter une couche en parlant de méchantes prisons sionistes (ça ne mange pas de pain), et laisser entendre qu'il était un prisonnier politique.

Le problème, c'est que la réalité est tout autre, sauf celle de sa mort, et comme écrit au début, ce fait (cette mort) reste toujours une tragédie, quelle qu'elle soit. Arrêté le 25 mars 1986, Walid Daqqa a été condamné à trente-sept ans de prison pour avoir commandité l'enlèvement, les tortures et l'assassinat d'un jeune Israélien de 19 ans, Moshe Tamam, en 1984 (voir photographie en fin d'article). Ou plus exactement, il a été condamné en 1987 par une cour militaire israélienne à la réclusion criminelle à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, peine réduite en 2012 à trente-sept ans de prison. En 2018, sa peine est augmentée de deux années supplémentaires pour avoir fait du trafic de smartphones dans sa prison, si bien que la date de sa libération était prévue pour le 24 mars 2025.

Donc, selon la justice israélienne, il n'était pas un prisonnier politique, mais un criminel, membre du Front populaire de libération de la Palestine, une organisation terroriste fondée en 1967 par Georges Habache, qui a commandité et organisé la mort atroce de Moshe Tamam. Ce jeune soldat israélien a été enlevé, torturé (on l'a castré, énucléé, etc.) avant d'être assassiné.

 


Walid Daqqa a pu utiliser ses années de détention à poursuivre ses études jusqu'à obtenir une maîtrise de sciences politiques, et à devenir un écrivain (qu'il n'était pas en y entrant). Il préparait également un doctorat à l'Université de Tel-Aviv. Il n'a pas bénéficié des échanges de prisonniers entre l'Autorité palestinienne et Israël dans le cadre des Accords d'Oslo en raison de sa nationalité israélienne.

Il a pu également se marier en 1999, et même avoir une fille, née en 2020, par une insémination artificielle (son prélèvement ayant réussi à sortir clandestinement de sa prison).

En outre, Waild Daqqa n'a pas succombé à d'éventuels mauvais traitements en prison, mais d'un cancer de la moelle osseuse diagnostiqué en 2022 qu'il a pu traiter par une chimiothérapie (malheureusement sans beaucoup de succès). Du reste, il est mort au Centre médical Shamir qui est l'un des quatre plus grands hôpitaux universitaires d'Israël avec ses près de 3 500 médecins, infirmiers et soignants (nommé en l'honneur de l'ancien Premier Ministre israélien Yitzhak Shamir).

Amnesty International, qui est loin d'être impartiale sur ce sujet, prétend que Walid Daqqa a été maltraité par les geôliers israéliens après le massacre du 7 octobre 2023. Il reste qu'il n'est pas mort en prison mais à l'hôpital. Les autorités israéliennes ont pour l'instant refusé de rendre la dépouille à la famille, peut-être pour ne pas encourager des rassemblements violents.

La manière dont la mort de Walid Daqqa a été annoncée a choqué plus d'une personne en France, voire a donné la nausée. Ainsi, la journaliste Céline Pina a tweeté le 10 avril 2024 : « Walid Daqqa, contrairement à ce qu’écrit Amnesty International, n’est pas un écrivain palestinien mort en prison en Israël, victime de la vindicte de l’État hébreu. C’est un tortionnaire qui a kidnappé, torturé, castré, énucléé et tué un jeune soldat de 19 ans. Par haine des Juifs. Ce n’est pas une victime mais un bourreau. ». Ça recadre un peu l'information.

Un autre a fait cette comparaison d'un Oussama Ben Laden considéré comme un chanteur d'opéra. Et moi, Simone Weber, cette bouchère diabolique de Nancy qui vient de mourir ce jeudi 11 avril 2024 à l'âge de 94 ans, condamnée en 1991 à vingt ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son ancien amant, comme une sculptrice impressionniste. À la meuleuse à béton à six mille tours par minute. Walid Daqqa a toujours nié avoir été impliqué dans l'enlèvement et l'assassinat de Moshe Tamam. Simone Weber aussi a toujours revendiqué son innocence. Aujourd'hui, je pense d'abord à la mémoire de Moshe Tamam, qui aurait eu, cette année, 59 ans.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Walid Daqqa.
7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
Discours du Président Emmanuel Macron en hommage aux victimes du 7 octobre 2023 aux Invalides le 7 février 2024 (texte intégral et vidéo).
L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
La naissance de l’État d’Israël.
David Ben Gourion.
Gaza : quel est l'accord entre Israël et le Hamas ?
Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
Dominique de Villepin toujours pro-palestinien ?
Emmanuel Macron participera-t-il à la grande marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 ?
Gaza, victime avant tout du Hamas ?
Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
Proche-Orient : l'analyse crue de Jean-Louis Bourlanges.
Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
Hôpital à Gaza : la vérité aveuglée par la colère ?
Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
Les Accords d'Oslo.
 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240407-walid-daqqa.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/simone-weber-etait-une-grande-254101

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/12/article-sr-20240407-walid-daqqa.html




 

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5 avril 2024 5 05 /04 /avril /2024 04:41

« Les visages des suppliciés du 7 octobre nous tendent un miroir où se reflète un peu de nous, dans chacun d'eux. De ce que nous étions, de ce que nous serons à leurs âges, de ce qu'ils ne seront jamais. (…) Leurs visages sont là, comme autant de vies interrompues. Des histoires de famille où s'entrebâillait parfois un gouffre indicible et où, comme l'odeur de l'espérance, le parfum des collines de Jérusalem se mêlait à celui des sous-bois d'Île-de-France ou des ruelles du Vieux-Port. » (Emmanuel Macron, le 7 février 2024 à Paris).



 


Dans quelques jours, ce sera le 7 avril 2024, dimanche prochain. Cela fera six mois que les terroristes islamiques du Hamas ont torturé, violé et massacré plus d'un millier de personnes en Israël. Ce massacre du 7 octobre 2023 restera dans l'histoire d'Israël comme une faille béante de la sécurité de ce pays si détesté par certains pays musulmans. Les assaillants ont aussi enlevé des centaines de personnes dont certaines ont été "exécutées" et dont les corps n'ont pas été encore restitués, ou d'autres sont encore retenues en otages depuis six mois avec cette inquiétude sur leur sort.

La riposte de l'armée israélienne depuis six mois est également terrible, à l'image de cette horreur, tuant jusqu'à plus de 30 000 personnes à Gaza selon l'organisation terroriste. L'objectif est d'éliminer tous les terroristes du Hamas qui menacent matin midi et soir le peuple israélien depuis des dizaines d'années. Qui veulent le détruire par antisémitisme viscéral. De nombreux innocents ont péri à cette occasion, des femmes, des enfants, et aussi des bénévoles d'organisations humanitaires (le gouvernement d'Israël a même présenté des excuses pour l'un des derniers bombardements qui était, selon lui, une "erreur").

Mais il faut revenir aux fondamentaux. Israël ne fait que riposter à une agression massive du Hamas. C'est le Hamas l'agresseur et il savait très bien quelles allaient être les conséquences des assassinats qu'ils ont commis. Ils savaient que c'est le peuple palestinien qui en serait la première victime et les terroristes du Hamas, dans une sorte de suicide collectif, sont dans la violence totale, gratuite, certains si heureux de faire dans la cruauté (jusqu'à se filmer fiers de tuer des Juifs).

 


Je reviens sur l'hommage que la France a fait aux 42 victimes françaises du 7 octobre 2023. Cela s'est passé le 7 février 2024 dans la cour d'honneur des Invalides à Paris sous la présidence du Président de la République Emmanuel Macron (on peut revoir la cérémonie et lire le texte intégral de l'hommage à ce lien).

Évoquons rapidement le sujet des hommages nationaux. Emmanuel Macron ferait-il trop d'hommages nationaux ? C'est un peu dérisoire comme polémique, tout est bon pour critiquer. D'une part, le Président ne fait pas que cela, et on le sait très bien puisqu'on le critique pour de nombreux autres sujets de son action. D'autre part, la France a le droit voire le devoir d'honorer ses citoyens qui l'ont servie ou qui ont contribué à son rayonnement, ou encore qui méritent tout le soutien de la Nation, comme c'est le cas pour toutes les victimes des attentats. On ne reproche pas aux familles d'organiser des funérailles de leur membre. C'est pareil pour la France, grande famille nationale qui honore dignement ses plus dignes représentants. J'attends aussi un hommage aux victimes de la pandémie du covid-19 (par exemple, cet ami très cher, un prêtre, aumônier d'un CHU, qui a perdu sa vie il y a maintenant déjà quatre ans pour être resté auprès de malades qui allaient mourir). C'était la guerre, avait-il dit et bien des personnes sont mortes sur ce front si soudain et si nouveau.

Du reste, sur ces tristes victimes du 7 octobre 2023, on a plutôt critiqué l'absence d'hommage national et les familles ont attendu longtemps, quatre mois, pour avoir l'expression de notre solidarité nationale. C'était beaucoup trop long. On a expliqué que le nombre et l'identité des victimes n'étaient pas encore tout à fait connus, qu'il a fallu attendre pour avoir une idée bien précise de ceux qui sont morts, ceux qui ont été pris en otages, et les autres, traumatisés à vie, traumatisés à mort.


On a aussi critiqué en expliquant que l'hommage n'était rendu qu'aux seules 42 victimes françaises, et pas au plus d'un millier de victimes que ce massacre a faites. Là aussi, il est de tradition que chaque communauté nationale s'occupe de ses morts, comme c'est le cas de chaque famille. Mais je ne doute pas que les autres victimes qui n'étaient pas françaises ont été bien entendu associées à cet hommage aux Invalides, et même les victimes de Gaza : « Leurs destins ne sont pas les seuls que le déchirement du Moyen-Orient continue de broyer dans cette tornade de souffrance qu'est la guerre. Et toutes les vies se valent, inestimables aux yeux de la France. Et les vies que nous honorons aujourd'hui sont tombées, victimes d'un terrorisme que nous combattons sous toutes ses formes et qui nous a frappés en plein cœur. La France, recueillant ses enfants, parmi d'autres de ses enfants, dont elle n'oublie aucun, refusant les séparations, comme les divisions, refusant l'esprit de mort, de chaos et de clivages que nourrissent précisément les terroristes. Jamais en nous, nous ne laisserons prospérer l'esprit de revanche. ». C'est la phrase essentielle : « Toutes les vies se valent, inestimables aux yeux de la France. ».
 


Condamnant ce qu'il a appelé « le plus grand massacre antisémite de notre siècle », Emmanuel Macron a tout de suite replacé le contexte humain : « Dans les notes de musique d'un lieu de fête ont éclaté les tambours de l'enfer. Et les téléphones de nos enfants, qui jusque-là filmaient les joies de leur vie, sont devenus les boîtes noires de l'horreur. Elles nous hanteront, ces images. Le ciel livide qui se zèbre de missiles. Les brigades infernales qui écument le Festival se répandent dans les plaines, puis dans les villages, fracassent les portes, font irruption dans les foyers, dans les chambres, sous les lits. Les déflagrations, les cris de “Massacrons les Juifs”, les grenades, les hurlements, les pleurs, puis le silence, comme un linceul. Le silence face à l'indicible. La sidération face à la sauvagerie. Les larmes face à la barbarie. ».

Et de poursuivre toujours plus dans le tragique : « La barbarie. Celle qui brûle et qui brise, qui abuse et qui tue. Celle qui déchire les familles, abat une petite fille parce qu'elle ralentit la colonne, happe sur son chemin un enfant en pyjama, en tue un autre au creux même des bras de son père. Celle qui nie la joie, l'art, la culture, la liberté de la fête. Et nos cœurs se serrent aux échos du Bataclan, de Nice ou de Strasbourg. La barbarie. Celle qui fauche cette jeunesse à peine éclose, qui ravage ces kibboutz, souvent forts de convictions pacifistes, prêts à entendre la souffrance palestinienne que les terroristes ont piétinée en prétendant la défendre. La barbarie, celle qui se nourrit d'antisémitisme et qui le propage. Celle qui veut annihiler, détruire et qui pourtant ne peut empêcher des rayons de lumière au milieu de la nuit. Les messages d'adieu de ces jeunes qui savent qu'ils vont mourir et qui envoient à leurs parents une dernière expression d'amour et de gratitude. Cet homme qui s'interpose entre l'explosion d'une grenade et ses deux enfants, sauvant leurs vies, au prix de la sienne. Et le sacrifice de cet autre père qui n'était pas sur les lieux de l'attaque et qui, quand il a reçu l'appel de sa fille prise sous le feu des tirs à Nova, a sauté dans sa voiture pour aller la chercher, allant au-devant de la mort. ».

 


Face à tant de détresse, le chef de l'État a voulu exprimer une note d'espérance : « Ceux qui tuent par haine trouveront toujours face à eux ceux qui sont prêts à mourir par amour. Et toujours, ils verront s'élever contre eux notre pays qui, ce 7 octobre, a été touché dans sa chair. ». En précisant : « Dans ces moments de deuil, dans les épreuves du temps, rien jamais ne doit nous diviser. La France restera unie pour elle-même et pour les autres. Unie pour se tenir au-delà des destins et des différences, au sein de notre nation. Unie dans ces moments de souffrance pour les Israéliens et les Palestiniens, afin d'œuvrer sans relâche pour répondre aux aspirations à la paix et à la sécurité de tous au Proche-Orient. ».

Déterminé, ferme, insistant, le Président de la République a fait de la lutte contre l'antisémitisme un combat universel pour les valeurs : « Nous avons, dès lors, à habiter ce deuil, non pas comme une victoire de la mort mais comme une invitation à leur trouver une place dans nos vies. Et ils sont là, chacune et chacun, pour nous rappeler que nos vies, leurs vies, méritent sans relâche de nous battre contre les idées de haine, de ne rien céder à un antisémitisme rampant, désinhibé, ici comme là-bas. Car rien ne le justifie, rien. Car rien ne saurait justifier, ni excuser ce terrorisme, rien. Alors, nous nous tenons là, quatre mois après, devant ces visages et ces chaises vides, bouleversés de tristesse, aux côtés des familles de ceux qui ne sont plus, chargés d'affection aux côtés de ceux qui soignent leurs blessures et ne cédant rien pour ramener ceux qui sont encore là-bas. Sentiments mêlés que nous vivons ensemble, debout. ».

Face à toutes ces horreurs, on aimerait dire "plus jamais cela", mais on sait que l'âme humaine est ce qu'elle est, avant tout contrastée, que la noirceur peut parfois l'emporter sur les forces de vie, et, surtout, que cette noirceur peut s'installer partout, soudainement, en Ukraine comme à Moscou. Il faut de l'amour pour croire en l'espérance. Et de la foi.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
Discours du Président Emmanuel Macron en hommage aux victimes du 7 octobre 2023 aux Invalides le 7 février 2024 (texte intégral et vidéo).
L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
La naissance de l’État d’Israël.
David Ben Gourion.
Gaza : quel est l'accord entre Israël et le Hamas ?
Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
Dominique de Villepin toujours pro-palestinien ?
Emmanuel Macron participera-t-il à la grande marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 ?
Gaza, victime avant tout du Hamas ?
Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
Proche-Orient : l'analyse crue de Jean-Louis Bourlanges.
Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
Hôpital à Gaza : la vérité aveuglée par la colère ?
Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
Les Accords d'Oslo.

 






https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240207-hommage-victimes-hamas.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/7-octobre-2023-l-hommage-aux-252988



 

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25 février 2024 7 25 /02 /février /2024 04:49

« Erdogan a dit un jour que la démocratie était pour lui un voyage en bus : "Une fois arrivé à mon arrêt, je descends". » (roi Abdallah II de Jordanie, le 4 juillet 2013).




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Le Président de la République de Turquie Recep Tayyip Erdogan atteint l'âge de 70 ans ce lundi 26 février 2024. Homme politique turc très particulier, il domine la vie politique turque depuis plus de vingt ans et fait partie des grands leaders de ce pays depuis l'effondrement de l'empire ottoman.

Alors que la Turquie a toujours été une république laïque dont la laïcité ("à la française") était scrupuleusement défendue par une armée susceptible de fomenter des coups d'État pour empêcher toute islamisation, Erdogan est une sorte d'ovni islamisé. Maire d'Istanbul (où il est né) du 27 mars 1994 au 6 novembre 1998, il est membre du Parti de la justice et du développement (AKP) qu'il a cofondé et qu'il préside depuis le 14 août 2001.

Sa montée vers pouvoir (malgré des démêlées politiques avec la justice) a été politiquement très subtile car l'AKP est un parti islamique. Il s'est engagé en politique dans les années 1970 dans le parti islamiste de Necmettin Erbakan (Parti du salut national, dissous en 1981, puis Parti de la prospérité, puis, en 1997, Parti de la vertu, dissous en 2001), tout en étant ouvertement anticommuniste, anti-franc-maçon et antijudaïque (pour ne pas en dire plus). Son élection à la mairie d'Istanbul est une surprise, au premier tour, il a eu plus de 25% des voix, dépassant le candidat du Parti de la mère patrie et celui du Parti populiste social-démocrate, grâce à son thème de campagne très marquant, la lutte contre la corruption. Il n'hésitait pas à dire qu'il était « l'imam d'Istanbul », inquiétant ainsi la plupart des Turcs favorables à la laïcité. Le sujet de l'islamisation était très sensible dans le pays.

Les provocations n'étaient pas du goût des militaires. Lors d'un meeting le 6 décembre 1997 à Siirt, Erdogan a eu des mots très durs considérés par la justice comme une incitation à la haine : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats ! ». Pour cette raison, il est condamné le 21 avril 1998 à une peine de prison de dix mois et s'est retrouvé libéré le 24 juillet 1999 après une incarcération qu'il a très mal vécue. Erdogan a décidé alors de changer radicalement de stratégie en quittant le Parti de la vertu et en créant en 2001 un nouveau parti, l'AKP.

Dans un premier temps, donc, Erdogan était un militant islamiste qui voulait affronter frontalement les militaires, mais cette stratégie "bourrin" était vouée à l'échec car les militaires veillaient à la république laïque. Dans une deuxième temps, Erdogan a voulu jouer le jeu de la démocratie et c'est ce qui lui a permis d'accéder au pouvoir. Dans l'opposition, il expliquait qu'il était favorable à la séparation de l'islam et de l'État et voulait rassurer en disant que l'AKP serait pour l'islam l'équivalent des chrétiens démocrates allemands de le CDU pour le christianisme, en quelque sorte, il menait un parti démocrate musulman. L'AKP a accueilli les adhérents "modérés" du Parti de la vertu qui a été dissous au même moment. Ainsi, un peu plus tard, le 12 octobre 2004, il allait dire dans un hebdomadaire turc : « Mais avant tout, je ne souscris pas à l’idée selon laquelle la culture islamique et la démocratie ne peuvent être réconciliées. (…) Il existe une demande indubitable de démocratisation au Moyen-Orient et dans le monde musulman au sens large. ».

Cette stratégie, visant à rassurer les militaires turcs, a été gagnante beaucoup plus rapidement qu'il ne le pensait lui-même. L'AKP a gagné les élections législatives du 3 novembre 2002 : il a obtenu 363 sièges sur 550 avec 34,3% des voix. Cette victoire fut d'autant plus importante qu'il a battu massivement tous les partis traditionnels, comme le Parti de la juste voie (DYP) de l'ancienne Première Ministre Tansu Ciller qui, ne franchissant pas le seuil de 10% (9,5%) n'a plus aucun siège (il en avait 85 précédemment). Pareil pour Parti d'action nationaliste (MHP) qui est passé de 129 sièges à zéro avec 8,4% des voix et le Parti de la mère patrie qui a perdu ses 86 sièges sortants avec 5,1%. C'est le cas aussi du Parti de la félicité (SP) qui a eu 2,5%, dans l'impossibilité de garder ses 111 sièges sortants, du Parti de la gauche démocratique (DSP) avec 1,2% (136 sièges sortants) et du Parti de la nouvelle Turquie (YTP) avec 1,2% (58 sièges sortants). Un seul parti, autre que l'AKP, parvint à obtenir des sièges, le nouveau Parti républicain du peuple (CHP) qui, avec 19;4%, a obtenu 178 sièges (contre zéro précédemment car il était en dessous du seuil de 10%). L'AKP n'était donc pas loin de la majorité des deux tiers nécessaires pour réviser la Constitution, enjeu stratégique des islamistes.

Mais cette victoire politique n'était pas une victoire personnelle : Erdogan ne pouvait prétendre à diriger le nouveau gouvernement car lui-même a vu sa candidature invalidée en septembre 2002 parce qu'il était encore frappé d'inéligibilité, et il n'a donc pas été élu député. C'est donc son fidèle lieutenant Abdullah Gül qui fut le Premier Ministre d'un (premier) gouvernement islamo-conservateur du 18 novembre 2002 au 14 mars 2003. Aussi court car finalement, Erdogan est parvenu à se faire élire député le 9 mars 2003 au cours d'une élection partielle (le gouvernement ayant levé son inéligibilité). Cet artifice lui a permis de prendre le pouvoir.

Erdogan fut donc désigné Premier Ministre de Turquie à partir du 14 mars 2003, il nomma Abdullah Gül comme Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères du 14 mars 2003 au 28 août 2007. Ce dernier fut désigné candidat pour l'élection présidentielle suivante en avril 2007 (la Turquie était alors une république parlementaire dont le Président n'avait qu'un rôle honorifique, le pouvoir était alors sous la responsabilité entière du Premier Ministre, comme en Allemagne, en Italie ou en Espagne), et, après une crise politique (absence de majorité et élections législatives anticipées), Abdullah Gül fut élu Président de le République le 28 août 2007 au troisième tour et assuma ses fonctions fonctions jusqu'à la fin de son mandat le 28 août 2014.

De son côté, Erdogan a gagné les élections législatives suivantes, celles du 22 juillet 2007 (46,6% des voix et 341 sièges sur 550) et celles du 12 juin 2011 (49,8% des voix et 327 sièges sur 550) qui ont consolidé sa majorité. Son pouvoir était désormais bien assis. Son action était plutôt rassurante auprès de ses partenaires habituels (la Turquie appartient à l'OTAN), notamment par sa demande d'adhésion à l'Union Européenne. Parmi les points délicats avec les Européens, la peine de mort (en particulier dans sa répression contre les séparatistes kurdes du PKK) et la reconnaissance du génocide arménien (très absurdement, la Turquie moderne a endossé l'héritage politique de l'empire ottoman alors qu'elle se posait en autre pays).

Malgré des débuts modérés, l'islamiste pointait. Dès 2008, Erdogan a autorisé le port du voile dans les universités alors que c'était jusque-là interdit. Petit à petit, le démocrate s'est transmuté en autocrate. Cette transformation s'est produite parallèlement à la naissance du mouvement protestataire qui a début le 28 mai 2013 par un sit-in dans le parc Taksim Gezi, le grand parc d'Istanbul, des riverains et des écologistes qui protestaient contre la destruction de ce parc au profit de projets urbains bétonnant la place. Très rapidement, des centaines de milliers de manifestants ont emboîté le pas avec des manifestations dans des dizaines de grandes villes de Turquie. La répression policière fut très forte, provoquant la mort de 7 personnes et en blessant près de 8 000. Ce mouvement et sa répression ont duré longtemps. En décembre 2014, un lycéen de 16 ans a risqué la prison pour insulte contre le Président.

Contre le Président, car entre-temps, Erdogan s'est fait élire Président de la République. En effet, il a modifié son mode de désignation, anciennement élu par la Grande Assemblée Nationale de Turquie, il est désormais élu au suffrage universel direct. Erdogan, élu le 10 août 2014 avec 51,8% des voix au premier tour, comptait bien donner plus de pouvoirs au Président. Depuis sa prestation de serment le 28 août 2014, Erdogan est Président de la République, réélu le 24 juin 2018 avec 52,6% au premier tour et le 28 mai 2023 avec 52,2% au second tour (49,5% au premier tour).

Après avoir perdu la majorité absolue aux élections législatives du 7 juin 2015 (l'AKP, avec 40,9% des voix, n'a obtenu que 258 sièges sur 550, mais est resté le parti dominant de la vie politique), et dans l'impossibilité de composer une majorité, Erdogan a dissous l'Assemblée et convoqué de nouvelles élections le 1er novembre 2015 où il a retrouvé la majorité absolue (317 sièges sur 550 avec 49,5%). Celui a donné les coudées franches pour éloigner la Turquie de sa tradition laïque kémaliste et pour islamiser le pays.

Cette nouvelle donne (ce troisième temps depuis 2013) a conduit à une tentative de coup d'État le 15 juillet 2016, qui a échoué. La répression a alors été massive, avec le renouvellement de la plupart des cadres de l'armée et de la police, mais aussi des médias, des universités, etc. Près 20 000 personnes ont été arrêtées, la presse muselée, les enseignants sous surveillance dans les facultés. Le 7 juin 2016, la suppression de l'immunité parlementaire a été promulguée après son adoption par les députés : c'est la liberté d'expression de l'opposition qui était en cause puisque des députés de l'opposition pourraient ainsi être poursuivis pour leurs propos (en particulier une grande majorité des 59 parlementaires kurdes).

Dans la foulée, Erdogan en a profité pour transformer les institutions en instaurant un régime présidentiel qui fut accepté par le référendum du 16 avril 2017 à 51,4% des voix avec 85,4% de participation. Cela a signifié la suppression du poste de Premier Ministre, la création d'un poste de Vice-Président et des élections présidentielle et législatives concomitantes tous les cinq ans. En outre, la justice n'est plus indépendante contrairement à ce qu'avait établi la Constitution du 9 novembre 1982 que le référendum a modifiée. Dans cette logique, Erdogan est redevenu président général de l'AKP le 21 mai 2017, présidence qu'il avait quittée le 27 août 2014 en se faisant élire Président de la République.

Aux élections générales du 24 juin 2018, Erdogan a été réélu avec 52,6% des voix au premier tour et son parti, l'AKP et ses alliés de l'Alliance populaire, ont réussi à garder sa majorité absolue avec 53,7% des voix et 344 sièges sur 600. Ces élections (anticipées) se sont déroulées sous régime d'état d'urgence, et beaucoup d'observateurs ont critiqué la sincérité de ces élections, par les traitements inéquitables des médias (aux ordres de l'AKP) pendant la campagne.

Cinq années plus tard, Erdogan était à nouveau candidat, malgré des hésitations. Sa santé semblerait fragile (il a maigri, il a dû annuler de nombreux rendez-vous dans son agenda, etc.) mais parallèlement, il a gardé une popularité solide, notamment par le retour diplomatique de la Turquie dans de nombreux conflits, en particulier dans la guerre en Ukraine et aussi dans l'interminable conflit israélo-palestinien (Erdogan soutenait les palestiniens pendant la campagne et discutait avec Israël entre les élections).

Toutefois, en raison d'un contexte économique difficile, les sondages indiquaient un retard face à son principal adversaire Kemal Kiliçdaroglu de l'Alliance de la nation. Le 14 mai 2023, l'AKP et l'Alliance populaire, à 49,5% des voix, ont préservé la majorité absolue malgré des pertes, avec 323 sièges sur 600 face à l'Alliance de la nation qui restait le principal parti d'opposition parlementaire avec 212 sièges (35,0% des voix), mais Erdogan n'a pas été réélu au premier tour comme en 2014 et en 2018. Il est parvenu cependant à prendre la première place (au contraire des prévisions des sondages), avec 49,5% des voix face à Kemal Kiliçdaroglu à 44,9% avec une forte participation (87,0% des inscrits).

Pour Erdogan, dont la troisième candidature était contestée (car la Constitution limite à deux mandats successifs de cinq ans, mais à partir de 2017 !), la situation de ballottage favorable était presque inespérée et beaucoup d'observateurs internationaux l'attendaient au tournant de savoir s'il accepterait de quitter le pouvoir s'il était battu. Car l'une des caractéristiques d'une démocratie, c'est la possibilité d'alternance (et sa réalité effective).

D'autant plus que les élections avaient été reportées de quelques mois en raison des graves séismes des 6, 20 et 27 février 2023 qui ont dévasté le Turquie et la Syrie (faisant près de 60 000 morts et 105 000 blessés, et 32 milliards d'euros de dégâts en Turquie). Or, la gestion de ces catastrophes naturelles a été très critiquée, on a beaucoup protesté contre le manque de réaction des autorités, leur inefficacité et contre le comportement très partisan d'Erdogan qui a porté son attention exclusivement aux zones sinistrées gérées par l'AKP (Erdogan a demandé pardon pour la lenteur des secours le 27 février 2023 et a multiplié les mises en cause de promoteurs immobiliers qui n'ont pas construit leurs bâtiments selon les normes sismiques adéquates).

Pendant la campagne du printemps 2023, Erdogan a montré la fierté nationale d'un retour de souveraineté militaire et énergétique, et a fait de la démagogie classique en proposant une augmentation de 45% des salaires de fonctionnaires, etc. Il a adopté l'argumentation de Vladimir Poutine pour affronter ses opposants qu'il supposait être "LGBTistes" (et s'en est pris aux homosexuels qui ne pouvaient pas être turcs).

Finalement, Erdogan a été réélu au second tour le 28 mai 2023 avec 52,2% des voix pour une participation de 84,2% des inscrits. Kemal Kiliçdaglu, le candidat de l'opposition, a très rapidement reconnu sa défaite électorale, confirmant le caractère sincère de cette élection. Erdogan a reçu les félicitations de Vladimir Poutine et aussi de Volodymyr Zelensky qui lui avait remis le 16 octobre 2020 l'Ordre du prince Iaroslav le Sage.

Cette période est un quatrième temps pour Erdogan. Il n'a plus besoin de rappeler l'indépendance de la Turquie (sympathisant parfois avec la Russie tout en étant membre de l'OTAN), car il a montré qu'il était un pays clef pour de nombreux conflits, du monde musulman mais aussi du Moyen-Orient et du clivage Est/Ouest. Ainsi, des sujets très sensibles comme l'acceptation de la Suède dans l'OTAN ou le traitement des réfugiés irakiens et syriens en Turquie sont traités avec beaucoup de responsabilité et de prudence. Son indépendance, il l'a prouvée quand il expliquait le 28 octobre 2023 : « Ceux qui versent des larmes de crocodile pour les civils tués dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie assistent en silence à la mort de milliers d’enfants innocents à Gaza. ».

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La Turquie est sans doute l'exemple de la démocratie fragile, qui penche régulièrement entre démocratie sincère et autocratie réelle, avec des institutions proches des celles des États-Unis (après avoir été proches de celles de l'Allemagne ou de l'Italie, complétées par de fréquents coups d'État militaires !).

Élire ses parlementaires et son Président au suffrage universel direct ne suffit pas à faire du pays une démocratie "réelle" : encore faut-il que les vrais opposants puissent se présenter aux élections, qu'ils puissent avoir un traitement équitable dans les médias, et même cela ne suffit pas. Il faut aussi qu'il y ait des contre-pouvoirs, des droits de l'opposition (ne serait-ce que celui d'être informée), des organes ("réellement") indépendants capables de dire que l'exécutif n'agit pas selon la Constitution le cas échéant, et que les lois votées restent dans le cadre des valeurs définies par la Constitution, etc.

Cette seconde partie de ce qu'est une démocratie est un lent processus que les vieilles démocraties ont pu mettre en place. La France, pays de l'homme providentiel, de Napoléon et de De Gaulle, a pris aussi son temps pour mettre en place des procédures auto-limitant le pouvoir exécutif, comme le Conseil Constitutionnel (créé en 1958 mais qui commence véritablement à avoir un rôle important à partir de 1974 avec la saisine possible par l'opposition, redoublé en 2010 avec la QPC), et divers organismes de régulation indépendants de l'exécutif (comme la CNIL, l'Arcom, le Défenseur des droits, etc., mais aussi le parquet national financier).

Curieusement, il y a un certain nombre de chefs d'État ou de gouvernement dans le monde qui ont maintenant autour de 70 ans, qui sont au pouvoir depuis fort longtemps (une durée qui se compte souvent en décennies) et qui sont plus ou moins dans les limites de la "démocratie réelle". Je les cite ici sans être exhaustif : Recep Tapyyip Erdogan (70 ans), au pouvoir en Turquie depuis le 14 mars 2003 (et même depuis le 3 novembre 2022) ; Vladimir Poutine (71 ans), au pouvoir en Russie depuis le 9 août 1999 ; Xi Jinping (70 ans), au pouvoir en Chine depuis le 15 novembre 2012 ; Abdel Fattah Al-Sissi (69 ans), au pouvoir en Égypte depuis le 8 juin 2014 ; Benjamin Netanyahou (74 ans), au pouvoir en Israël depuis le 31 mars 2009 (avec une absence du 13 juin 2021 au 29 décembre 2022), etc.

Tous ces pays ne sont pas sur le même plan question démocratie. Xi Jinping, chef du PCC (parti communiste chinois) a été élu trois fois Président de la République populaire de Chine, mais en étant le seul candidat, sans opposition ; la Chine est structurellement antidémocratique et c'est d'ailleurs le PCC qui gère l'État. Pour l'Égypte, c'est aussi assez clair, ce sont les militaires qui gardent le pouvoir, et la rare tentative démocratique (entre le 30 juin 2012 et le 3 juillet 2013) s'est soldée par une islamisation du pays et l'ancien Président "vraiment" élu (le 17 juin 2012), des Frères musulmans, Mohamed Morsi est mort en prison le 17 juin 2019, après avoir été renversé par les militaires à la suite d'un soulèvement populaire, et condamné à mort le 16 mai 2015 (puis à la prison à vie le 18 juin 2016).

C'était moins clair pour la Russie. Après la chute de l'URSS, il y a eu un véritable courant de démocratie et de liberté. L'élection présidentielle russe des 16 juin 1996 et 3 juillet 1996 était très démocratique en raison de l'incertitude de son issue. La réélection de Boris Eltsine était peu probable selon les sondages et les oppositions ont pu faire campagne. Avec Vladimir Poutine, cela aurait pu continuer à maintenir la Russie dans cette liberté si nouvelle mais si attendue du peuple russe. Mais le nationalisme cynique et l'appât du pouvoir de Vladimir Poutine a fait virer la Russie dans un système de plus en plus verrouillé, sans médias d'opposition, sans candidat d'opposition réel, avec une répression évidente des libertés d'expression (les rares personnalités qui osent s'opposer publiquement à Poutine trouvent rapidement une mort pour le moins suspecte, comme Alexeï Navalny, Evgueni Prigojine, Boris Nemtsov, Alexandre Litvinenko, Egor Gaïdar, Boris Berezovsky, Anna Politkovskaïa, etc.).

Sur le plan démocratique, la Russie était à peu près au niveau de la Turquie, sans le problème du clivage entre armée et islam. Malgré ses fortes tendances autocratiques, Erdogan a maintenu la Turquie dans une (fragile) démocratie et un (encore plus fragile) État de droit, tandis que Poutine a progressivement mis la Russie dans un système dictatorial qui, certes, respecte la forme (mais à peine, puisque la Constitution interdit plus de deux mandats successifs), mais pourchasse jusqu'à la mort les rares opposants audacieux.

Enfin, je termine par Israël. C'est vrai, Benyamin Netanyahou a voulu réformer la justice pour éviter d'être pris dans une nasse judiciaire. Mais ses opposants ont pu se faire entendre, ont pu manifester, ont peu aussi le renverser (Benyamin Netanyahou a quitté le pouvoir entre 2021 et 2022), et au contraire, le problème d'Israël est l'impossibilité de former un gouvernement stable et modéré, à cause d'un scrutin proportionnel intégral qui donne une pouvoir disproportionné aux petites formations extrémistes. En quelque sorte, le problème d'Israël n'est pas de ne pas être une démocratie, mais d'être trop une démocratie. C'est cette prime aux extrémistes qui a conduit son gouvernement à combattre le Hamas dans Gaza avec des pertes humaines beaucoup trop importantes pour le résultat. La démocratie, c'est aussi la différence entre Israël et les pays arabes qui l'entourent. D'un côté, il y a un pays libre et prospère, à la pointe de l'innovation, de l'autre, des pays qui restent sur des cultures archaïques (la considération des femmes, par exemple) sans véritable liberté d'expression.

La Turquie se place ainsi à un niveau finalement honorable dans l'échelle des démocraties. Mais l'ennemi des démocraties est avant tout la démagogie et le populisme, et rien ne dit que l'éviction d'un potentiel autocrate élu démocratiquement irait vers une meilleure voie. C'est la raison pour laquelle Vladimir Poutine jouit aussi de l'estime de ses adversaires, car la vraie frayeur internationale, ce n'est pas Poutine, c'est ce que la Russie deviendra après lui, ou sans lui.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (24 février 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Erdogan et l'échelle des démocraties.
Mélinée et Missak Manouchian.
La Turquie de Mustafa Kemal Atatürk, moderne et laïque, a 100 ans !
La triple victoire de Recep Tayyip Erdogan.
Méditerranée orientale : la France au secours de la Grèce face à la Turquie.
Putsch raté en Turquie : Erdogan conforté.
Le génocide arménien et la Turquie.
Le monde musulman en pleine transition.
Islamisation de la Turquie : ne pas se voiler la face !
Crise des réfugués.
Daech.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240226-erdogan.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/erdogan-et-l-echelle-des-252951

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2024/02/22/40214244.html




 

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7 février 2024 3 07 /02 /février /2024 19:54

(verbatim et vidéo)


Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240207-hommage-victimes-hamas.html





Discours du Président Emmanuel Macron
en hommage aux 42 victimes françaises
du massacre du 7 octobre 2023 en Israël

prononcé le 7 février 2024 aux Invalides à Paris
 






7 février 2024
Discours du Président de la République lors de l'hommage aux victimes françaises des attaques terroristes du 7 octobre 2023




La cour des Invalides est trop étroite ; 4 mois, jour pour jour, après. Car nous sommes 68 millions de Français endeuillés par les attaques terroristes du 7 octobre dernier, 68 millions moins 42 vies fauchées. 68 millions, dont 6 vies blessées. 68 millions, dont 4 vies à jamais meurtries par leur captivité. 68 millions, dont 3 vies sont encore prisonnières, pour la libération desquelles nous luttons chaque jour. Leurs chaises vides sont là, Orion, Ohad, Ofer.

Les visages des suppliciés du 7 octobre nous tendent un miroir où se reflète un peu de nous, dans chacun d'eux. De ce que nous étions, de ce que nous serons à leurs âges, de ce qu'ils ne seront jamais.

Ils n'avaient pas 20 ans. Noya, comme Nathan, ne les auront jamais. Leurs traits qui s'affirment, leurs questions qui se bousculent, Dieu, la vie, le monde, les hésitations et l'irrévérence, leurs regards comme des interrogations, leurs sourires en forme de promesse, mémoire de nos propres adolescences.

Ils n'avaient pas 30 ans. Avidan, Valentin ou Naomi ne les auront jamais. Des rêves plein la tête. Des études de droit ou d'informatique, un métier, un grand amour, des fiançailles, la foi ou l'athéisme, une guitare, une planche de surf sur les vagues de la Méditerranée, des idéaux dans la houle du monde.

Ils étaient dans la force de l'âge. Céline, Marc, Elias ne vieilliront pas. Leurs chemins frayés à prix d'efforts, peuplés de projets, d'amis, d'enfants parfois, et ce sourire qui n'aura pas eu le temps de marquer leurs visages.

Ils avaient les tempes grises, pour Carmela, Jean-Paul, elles ne blanchiront plus. Leurs voix résonnent encore, en hébreu comme en français, leurs voix qui se cassaient par moments, de tendresse ou de pudeur, transmettant des récits puisés au fond des âges, que leur avaient livrés leurs propres grands-parents.

Leurs visages sont là, comme autant de vies interrompues. Des histoires de famille où s'entrebâillait parfois un gouffre indicible et où, comme l'odeur de l'espérance, le parfum des collines de Jérusalem se mêlait à celui des sous-bois d'Île-de-France ou des ruelles du Vieux-Port.

Le 7 octobre dernier, à l'aube, l'indicible a ressurgi des profondeurs de l'histoire. Il était 6 heures, au Festival Nova, à quelques kilomètres de la bande de Gaza, où sous les banderoles et le ciel qui pâlissait, s'achevaient 24 heures de fête et de retrouvailles. Les jeunes qui dansaient-là ne savaient pas qu'ils étaient dans la mâchoire de la mort, déjà. Des voitures, des motos hérissées d'armes allaient fondre sur eux. Il était 6 heures et le Hamas lança, par surprise, l'attaque massive et odieuse, le plus grand massacre antisémite de notre siècle. Et dans les notes de musique d'un lieu de fête ont éclaté les tambours de l'enfer. Et les téléphones de nos enfants, qui jusque-là filmaient les joies de leur vie, sont devenus les boîtes noires de l'horreur. Elles nous hanteront, ces images. Le ciel livide qui se zèbre de missiles. Les brigades infernales qui écument le Festival se répandent dans les plaines, puis dans les villages, fracassent les portes, font irruption dans les foyers, dans les chambres, sous les lits. Les déflagrations, les cris de “Massacrons les Juifs”, les grenades, les hurlements, les pleurs, puis le silence, comme un linceul. Le silence face à l'indicible. La sidération face à la sauvagerie. Les larmes face à la barbarie.

La barbarie. Celle qui brûle et qui brise, qui abuse et qui tue. Celle qui déchire les familles, abat une petite fille parce qu'elle ralentit la colonne, happe sur son chemin un enfant en pyjama, en tue un autre au creux même des bras de son père. Celle qui nie la joie, l'art, la culture, la liberté de la fête. Et nos cœurs se serrent aux échos du Bataclan, de Nice ou de Strasbourg. La barbarie. Celle qui fauche cette jeunesse à peine éclose, qui ravage ces kibboutz, souvent forts de convictions pacifistes, prêts à entendre la souffrance palestinienne que les terroristes ont piétinée en prétendant la défendre. La barbarie, celle qui se nourrit d'antisémitisme et qui le propage. Celle qui veut annihiler, détruire et qui pourtant ne peut empêcher des rayons de lumière au milieu de la nuit. Les messages d'adieu de ces jeunes qui savent qu'ils vont mourir et qui envoient à leurs parents une dernière expression d'amour et de gratitude. Cet homme qui s'interpose entre l'explosion d'une grenade et ses deux enfants, sauvant leurs vies, au prix de la sienne. Et le sacrifice de cet autre père qui n'était pas sur les lieux de l'attaque et qui, quand il a reçu l'appel de sa fille prise sous le feu des tirs à Nova, a sauté dans sa voiture pour aller la chercher, allant au-devant de la mort.

La barbarie et nos lumières. Car ceux qui tuent par haine trouveront toujours face à eux ceux qui sont prêts à mourir par amour. Et toujours, ils verront s'élever contre eux notre pays qui, ce 7 octobre, a été touché dans sa chair. De Montpellier à Tel Aviv, de Bordeaux au Néguev, les morts français du 7 octobre n'étaient pas tous nés sur le sol de France. Ils ne sont pas tombés sous le ciel de France, mais ils étaient de France. De France, parce qu'ils la portaient en eux et que notre pays était partout où ils étaient. De France, parce qu'ils avaient l'exigence de l'idéal, le goût de l'universel. De France, parce qu'ils aimaient notre pays avec la force ardente de ceux qui, en apprenant sa langue, se plongeant dans sa culture, ne le quittent jamais. Et en cette cour, sur notre sol que certains n'avaient jamais foulé, leurs visages sont là, rappelant l'évidence de leur vie, la trace ineffaçable qu'ils laissent dans les nôtres, notre viatique pour l'éternité.

Leurs destins ne sont pas les seuls que le déchirement du Moyen-Orient continue de broyer dans cette tornade de souffrance qu'est la guerre. Et toutes les vies se valent, inestimables aux yeux de la France. Et les vies que nous honorons aujourd'hui sont tombées, victimes d'un terrorisme que nous combattons sous toutes ses formes et qui nous a frappés en plein cœur. La France, recueillant ses enfants, parmi d'autres de ses enfants, dont elle n'oublie aucun, refusant les séparations, comme les divisions, refusant l'esprit de mort, de chaos et de clivages que nourrissent précisément les terroristes. Jamais en nous, nous ne laisserons prospérer l'esprit de revanche.

Et dans ces moments de deuil, dans les épreuves du temps, rien jamais ne doit nous diviser. La France restera unie pour elle-même et pour les autres. Unie pour se tenir au-delà des destins et des différences, au sein de notre nation. Unie dans ces moments de souffrance pour les Israéliens et les Palestiniens, afin d'œuvrer sans relâche pour répondre aux aspirations à la paix et à la sécurité de tous au Proche-Orient.

« Beit Hahaïm », dit-on en Israël pour désigner les cimetières : la Maison de la vie. Car pour ceux qui restent, leur vie sera faite de ces absences. Une vie différente, un monde différent à l'aune du souvenir. Et nous avons, dès lors, à habiter ce deuil, non pas comme une victoire de la mort mais comme une invitation à leur trouver une place dans nos vies. Et ils sont là, chacune et chacun, pour nous rappeler que nos vies, leurs vies, méritent sans relâche de nous battre contre les idées de haine, de ne rien céder à un antisémitisme rampant, désinhibé, ici comme là-bas. Car rien ne le justifie, rien. Car rien ne saurait justifier, ni excuser ce terrorisme, rien.

Alors, nous nous tenons là, quatre mois après, devant ces visages et ces chaises vides, bouleversés de tristesse, aux côtés des familles de ceux qui ne sont plus, chargés d'affection aux côtés de ceux qui soignent leurs blessures et ne cédant rien pour ramener ceux qui sont encore là-bas. Sentiments mêlés que nous vivons ensemble, debout.

Car regardant ces visages, nous savons que nous ne sommes pas juste 68 millions, en ce jour. Nous sommes beaucoup plus, un peuple épris de liberté, de fraternité, de dignité, un peuple qui ne les oubliera jamais.

Vive la République, vive la France !

Emmnanuel Macron, le mercredi 7 février 2024 aux Invalides, à Paris.

Source : www.elysee.fr

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20240207-discours-macron-invalides.html




 

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14 janvier 2024 7 14 /01 /janvier /2024 17:32

« "Le Monde" s’est procuré un document confidentiel, élaboré par Abdelaziz Al-Sager, le directeur d’un centre de réflexion saoudien, le Gulf Research Center, qui esquisse un plan de sortie de crise. Le texte a été élaboré dans la foulée d’une rencontre, le 19 novembre à Riyad, entre M. Al-Sager et Anne Grillo, la directrice du département Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay. Il a été ensuite transmis au Ministère des Affaires étrangères français. » (Benjamin Barthe, "Le Monde" du 20 décembre 2023).




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En ce début d'année 2024, le gouvernement israélien a averti que l'armée israélienne continuerait la lutte contre le Hamas à Gaza pendant toute l'année qui vient. Selon une déclaration d'Ashraf Al-Qudra, porte-parole du Ministère de la Santé du Hamas, les frappes israéliennes à Gaza auraient provoqué la mort de 23 978 Palestiniens et en auraient blessé plus de 60 582 depuis le 7 octobre 2023, parmi elles, beaucoup de civils, et beaucoup de femmes et d'enfants. En outre, 1,9 million de Palestiniens ont dû quitter leur domicile sur les 2,3 millions que compte Gaza.

Ce 100e jour de guerre entre Israël et le Hamas ne donne aucune perspective d'une paix durable à court ou moyen termes. Les pertes humaines seraient même pires selon l'ancien officier français Guillaume Ancel, interrogé le 19 décembre 2023 par "Ouest France" qui évaluait (à l 'époque) à plus de 30 000 morts les effets des bombardements israéliens, en expliquant ceci : « Si les forces israéliennes ont neutralisé 3 000 à 4 000 miliciens du Hamas, c’est un grand maximum. Le problème, ce n’est pas de tuer des terroristes du Hamas, c’est l’utilisation de munitions extrêmement puissantes au milieu d’un territoire urbanisé et surpeuplé de civils qui ne peuvent fuir nulle part. Israël utilise des bombes de 250 kg ou l’équivalent en salves d’artillerie (soit cinq obus de 45 kg) qui font des victimes collatérales dans un rapport d’un combattant tué pour dix civils. C’est inacceptable. Cela s’appelle un carnage. Je dis bien carnage et pas génocide comme certains l’avancent à tort. Un génocide, c’est quand on décide de détruire un peuple. En revanche, l’armée israélienne, sur ordre du gouvernement Netanyahou, use de moyens totalement disproportionnés avec les objectifs militaires affichés, comme la destruction du Hamas. ».

Ceux qui sont épris des valeurs humanistes, pour qui la vie est un bien sacré qu'il s'agit de protéger, ne peuvent qu'être écœurés par autant de pertes de vies humaines et avoir du ressentiment sur l'absence de
"dentelles" des militaires israéliens (on aurait préféré des ciblages plus efficaces pour atteindre les terroristes du Hamas). Pour autant, il ne faut pas considérer ces milliers de victimes comme des victimes d'un génocide, mais comme des tragiques victimes collatérales d'une riposte massive d'Israël qui, aujourd'hui, lutte pour sa survie, mais dont le caractère disproportionné n'aide pas à l'empathie.

En perpétrant le massacre du 7 octobre 2023, le Hamas savait très bien quelle allait être la riposte terrible du gouvernement israélien, dont le peuple a été atteint dans sa chair. Sans ce massacre, il n'y aurait pas eu ces milliers de victimes de Gaza. L'objectif politique du Hamas était simple, remettre en avant le conflit israélo-palestinien et interrompre le processus de normalisation diplomatique entre l'Arabie Saoudite et Israël. À court terme, c'est très réussi, hélas.

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En France, les initiatives diplomatiques du Président Emmanuel Macron sont restées lettres mortes voire incomprises, mais surtout, illisibles. Beaucoup de personnes manifestent régulièrement à Paris contre les frappes sur Gaza (mais étaient-ils présents pour s'indigner du massacre du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas ?). Depuis des décennies, le conflit israélo-palestinien est l'objet de débats très clivants, d'oppositions fortes dans un pays, la France, qui ne devrait être concerné que de loin.

Et pourtant, la France est concernée de près, de très près. Déjà, comme l'a rappelé Emmanuel Macron dans ses vœux de nouvelle année, parmi les 1 139 victimes du massacre du 7 octobre, 41 étaient des Français : « 2023 aura été marquée par la poursuite de la guerre en Ukraine, la guerre aujourd’hui au Proche-Orient et les bombardements sur Gaza ; par les attaques terroristes du 7 octobre en Israël où 41 Français ont été assassinés, et je pense ce soir à leurs familles comme je pense aux familles de nos compatriotes encore retenus en otage. » (allocution télévisée du 31 décembre 2023). L'existence d'otages français retenus par le Hamas place la France parmi les nations les plus concernées de ce qui se passe à Gaza.

Mais la France est aussi concernée sur les moyen et long termes. En effet, l'Arabie Saoudite semble avoir une activité diplomatique très intense pour tenter de trouver une solution au Proche-Orient. Cet esprit d'initiative est nécessaire pour garder le leadership de la région face à l'Iran, et elle peut assurément avoir un rôle de médiateur entre les Israéliens et les Palestiniens. Il faut deux solutions, une solution de court terme pour arrêter ce que Guillaume Ancel qualifie de carnage (en d'autres termes, un cessez-le-feu), et une solution de long terme pour envisager une vie paisible entre Israéliens et Palestiniens (mais qui y croit vraiment ?).


Le journal "Le Monde" a révélé à la fin de l'année, le 20 décembre 2023, qu'un premier brouillon de plan de paix aurait été élaboré en Arabie Saoudite. Il s'agirait d'un plan proposé par Abdelaziz Al-Sager, le directeur du Gulf Research Center (ce dernier a d'ailleurs insisté, au lendemain de l'article, pour affirmer que ce plan ne reflétait que ses propres vues et pas du tout celles des autorités saoudiennes). Néanmoins, le document (confidentiel mais qui aurait fuité) aurait été transmis au Quai d'Orsay (à la directrice du département Afrique du Nord et Moyen-Orient, Anne Grillo) à la suite d'une discussion le 19 novembre 2023 à Riyad entre les deux personnalités (Anne Grillo et Abdelaziz Al-Sager).

Le document préciserait : « Il semble que la recherche d’un consensus saoudo-français puisse contribuer à l’élaboration d’une vision commune acceptable par toutes les parties et avoir une influence sur la décision de mettre fin à la guerre. ».


L'article en question (rédigé par le journaliste Benjamin Barthe) présente ainsi une des pistes de ce plan : « Le document suggère des pistes pour arrêter les hostilités à Gaza et stabiliser l’enclave. La plus singulière est l’évacuation vers Alger "des dirigeants militaires et sécuritaires du Hamas", une formule qui désigne probablement Mohammed Deif, le commandant des Brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du mouvement islamiste, et possiblement aussi Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza, très proche de l’aile militaire. » (20 décembre 2023).

Il explique le pourquoi d'une installation en l'Algérie, pays qui a de très bonnes relations diplomatiques avec le Qatar et l'Iran, deux États qui soutiennent le Hamas. Ce n'est pas nouveau dans l'histoire des Palestiniens : quand l'armée israélienne a assiégé Beyrouth en 1982, Yasser Arafat et son organisation à l'époque terroriste, l'OLP, ont été transférés (sous protection de l'armée française) à Athènes puis Tunis pour leur sécurité.

Personne d'officiel n'a, à ma connaissance, réagi à ce plan secret, et c'est normal, car tant qu'il n'est pas définitif, toute fuite ou commentaire pourrait le faire échouer dans des négociations très difficiles. Cependant, il faut bien comprendre ce qui se trame pour la France (entre autres).


Si ce plan était mis en œuvre, cela signifierait que les éléments les plus extrémistes du Hamas seraient à Alger. Or, on sait très bien, compte tenu des traités entre l'Algérie et la France, qu'il serait assez facile à ces éléments de se rendre en France et ils pourraient y commettre des attentats, comme des éléments de Daech en ont commis depuis 2015. Cette inquiétude devrait être sérieusement prise en compte par le nouveau gouvernement français.

Cela rappelle l'un des arguments du gouvernement israélien qui disait que son combat contre le Hamas était indispensable aussi pour les Européens. Et puis, disons les choses très crûment : ces terroristes du Hamas, tout le monde préférerait que l'armée israélienne termine elle-même leur élimination plutôt que s'attendre à leur dissémination un peu partout dans le monde.


C'est d'ailleurs assez contradictoire de voir en France que parmi ceux qui protestent contre les frappes israéliennes, certains sont aussi les premiers à rejeter toute immigration, à faire l'amalgame entre immigration et terrorisme (voire, plus généralement, criminalité), sans vraiment comprendre que ce qui se passe à Gaza concerne la France, son avenir et surtout, sa sécurité.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (14 janvier 2024)
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28 novembre 2023 2 28 /11 /novembre /2023 04:51

« Je dévisageais ce curieux petit bonhomme magnétique, puissamment charpenté, tenant à la fois du patriarche montagnard coriace et du vieux nain énergique, faisant nerveusement les cent pas, les mains croisées dans le dos, sa grosse tête en avant comme s’il se préparait à enfoncer une muraille d’un coup de bélier, perdu dans ses pensées, très loin, ne prenant même pas la peine de signaler qu’il savait que quelqu’un, quelque chose, un infime grain de poussière, avait atterri dans son bureau. David Ben Gourion avait soixante-quinze ans à cette époque, et moi, une vingtaine d’années. » (Amos Oz, 2002).




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Et le poète israélien Amos Oz (1939-2018) de poursuivre la narration de sa première rencontre, dans son roman autobiographique "Une Histoire d'amour et de ténèbres" publié en 2002 : « Ben Gourion, malgré Platon et Spinoza, n’était pas un intellectuel. Loin de là. À mon sens, c’était un paysan visionnaire. Il y avait chez lui quelque chose de primitif, d’un autre âge. Une spontanéité biblique, une volonté pareille à un rayon laser. Dans sa jeunesse, à Plonsk, en Pologne orientale, il était mû par deux idées fixes : les Juifs devaient rétablir leur patrie sur la Terre d’Israël, et il était celui qui devait les guider. Il n’en a jamais dévié. Il y a subordonné toute chose. C’était un homme honnête et féroce, et comme la plupart des idéalistes, le prix à payer lui importait peu. Ou peut-être avait-il à cette question une réponse toute prête : ça coûtera ce que ça coûtera. ».

L'homme d'État israélien David Ben Gourion est mort il y a cinquante ans, le 1er décembre 1973, quelques semaines après la Guerre du Kippour, à l'âge de 87 ans, dans le désert du Néguev (il résidait modestement dans un kibboutz). Il est mort isolé, profondément affecté par la mort de son épouse Paula cinq ans auparavant. Né le 16 octobre 1886 à Plonsk, il a été le premier Premier Ministre de l'État d'Israël du 17 mai 1948 (officiellement du 25 février 1949) au 26 janvier 1954 et du 3 novembre 1955 au 26 juin 1963 (à la tête de huit gouvernements) et a fondé l'État d'Israël, a fondé Tsahal le 26 mai 1948 (parce qu'aucun pays arabe n'avait accepté l'existence d'Israël) et, auparavant, en 1930, avait fondé ce qui allait devenir le parti travailliste. Il est considéré par les Israéliens comme le Père de la Nation. L'un des surnoms de Ben Gourion était le Lion, et il se plaisait à répéter : « Il vaut mieux vivre un jour comme un lion que cent jours comme un mouton. ».

Dirigeant la communauté juive en Palestine sous la mandat britannique après la Première Guerre mondiale, Ben Gourion a proclamé l'indépendance de l'État d'Israël à la fin du mandat britannique, le 14 mai 1948 à 16 heures dans le hall du Musée des Beaux-Arts de Tel Aviv, conformément au vote de l'ONU du 29 novembre 1947. Il a ensuite dominé la vie politique des quinze premières années d'Israël, et seul Benyamin Netanyahou a battu son record de longévité au pouvoir.


À l'âge de 23 ans, Ben Gourion, agressé dans un attentat meurtrier contre des Juifs, était fier d'avoir laissé fuir son assaillant arabe sans le tuer, afin de rompre le cercle vicieux de la violence. À partir de 1948, il a toujours refusé de donner des consignes claires d'expulsion des Palestiniens sur territoire israélien, mais selon certains, il était partisan de ces expulsions mais ne voulait pas qu'elles fussent son passif pour sa postérité. Lorsque Shimon Peres (alors Président de l'État d'Israël), Bertrand Delanoë (maire de Paris) et Rachida Dati (maire du septième arrondissement) ont inauguré l'Esplanade David Ben Gourion, en face du Musée Branly, à Paris, le 15 avril 2010, des contestations se sont toutefois fait entendre contre une telle initiative (par des manifestations propalestiniennes et aussi du vandalisme), pour rappeler les conditions de la naissance de l'État d'Israël.

Très rapidement, Ben Gourion a été convaincu par l'idée du sionisme développée par Theodor Herzl. Au départ, il a voulu la faire vivre au sein de l'empire ottoman et a fait des études à Istanbul en 1912 (après des études à Varsovie). La déclaration Balfour du 2 novembre 1917 a modifié son point de vue sur l'empire ottoman, État en sursis : c'est à partir de là qu'il prônait l'existence d'un véritable État hébreu en Palestine. En 1952, Ben Gourion a proposé au célèbre physicien Albert Einstein d'occuper les fonctions de Président de l'État d'Israël, et le sage Prix Nobel a refusé, expliquant par la suite : « Les équations sont plus importantes pour moi que la politique, parce que la politique est lié au présent, mais une équation est quelque chose pour l'éternité. ».

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Sous ses responsabilités, David Ben Gourion a dû faire admettre Israël aux pays arabes (en particulier à l'Égypte) par la force armée. Désavoué par son propre parti en 1963, il a quitté le pouvoir et n'a pris sa retraite de député qu'en 1970 après avoir tenté de créer un nouveau parti. Ben Gourion a rencontré les grands de ce monde quand il était aux responsabilités, en particulier De Gaulle, Churchill, Harry Truman, Konrad Adenauer, etc. Parmi ses proches, il y avait notamment des militaires comme Yitzhak Rabin et Ariel Sharon.

Le politologue israélien Freddy Eyant, ancien ambassadeur et auteur de nombreux essais sur la vie politique israélienne, a évoqué la vie de Ben Gourion le 11 novembre 2021, ainsi que son héritage : « Cet infatigable lutteur n’a jamais connu un seul moment de satisfaction ni de repos. Pour lui, un homme satisfait n’aspire à rien, ne rêve plus et n’a plus d’ambition. L’Israélien devrait être toujours en action, à la recherche d’une solution, dans la réalisation d’un projet. Toujours réfléchir et méditer pour un avenir meilleur. Être modeste et se contenter de peu pour lui-même, mais demeurer toujours curieux et exigeant, et servir d’exemple à son peuple. Ben Gourion pensait qu’une patrie n’est ni donnée ni achetée par des droits ou des accords politiques. Elle ne s’acquiert ni par l’or ni par la force du poing, elle se construit avec le labeur et à la sueur des fronts. ».


Il rappelait notamment cette période fondatrice, pleine de trouble, entre 1917 et 1948 : « En 1929, les Arabes se révoltent et des incidents sanglants éclatent. Les événements se précipitent. La situation des Juifs d’Europe se dégrade de jour en jour. Des millions de Juifs sont condamnés à l’extermination systématique. Lorsque Théodore Herzl avait songé à l’État juif, il avait envisagé une immigration progressive, jamais en catastrophe. La puissance mandataire britannique fermera aux Juifs les portes de la Palestine, en bafouant l’esprit même de la déclaration Balfour pour un Foyer National. La rage au cœur, les Juifs, convaincus de leur bon droit, réussissent quand même à forcer le blocus et à pénétrer clandestinement dans leur pays. Des milliers d’entre eux sont arrêtés par les autorités britanniques et sont refoulés vers de nouveaux camps, à Chypre. L’épopée de l’immigration clandestine atteint son apogée avec la célèbre affaire du bateau Exodus. ».

L'écrivain israélien Clinton Bailey, qui avait interviewé Ben Gourion en avril 1968 (l'interview a été diffusée le mardi 23 mai 2017 sur Arte), le décrivait comme ceci le 17 mai 2017 : « Il n’était pas seulement un intellectuel. Il était un homme d’État, un homme politique et un intellectuel. Il était un expert pour manœuvrer et naviguer entre les Britanniques et les Arabes pour que nous continuions à devenir un État. (…) Ben Gourion a en quelque sorte permis aux Allemands de prendre collectivement un nouveau départ qui serait cette fois du bon côté de l’Histoire. En acceptant les réparations, Ben Gourion a offert aux Allemands un second commencement après la guerre. Ben Gourion était un esprit libre. Il avait confiance en lui et dans son jugement. Et en même temps, il croyait à l’esprit collectif et à la volonté nécessaire pour réaliser un rêve commun. Et les Israéliens ont l’esprit et la volonté. Ben Gourion les a captés et embrassés pour donner une réalité, avec ses pairs, au rêve partagé. » (propos recueillis par Yvette Nahmia-Messinas sur son blog du "Jerusalem Post").

Quant à Alain Poher, qui fut Président du Sénat en France (entre 1968 et 1992), il exprimait sa fascination pour l'homme d'État : « Ben Gourion était de la trempe de ces hommes qui tiennent dans l'histoire d'un pays une place que, légende vivante, ses contemporains lui ont reconnue et que les génération montantes ne pourront jamais méconnaître. ».

En 1951, Ben Gourion voyait l'avenir d'Israël ainsi : « Plus que tout, l'humanité a besoin en ce moment de paix, de coopération et d'amitié entre les peuples. La véritable amitié prospérera uniquement sur la base de la reconnaissance mutuelle. ». Avec les événements récents et la guerre entre Israël et le Hamas, cette reconnaissance mutuelle, qui signifie au fond la coexistence pacifique de deux États, est encore très loin de mûrir.


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Sylvain Rakotoarison (25 novembre 2023)
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23 novembre 2023 4 23 /11 /novembre /2023 04:37

« Le gouvernement approuve les grandes lignes de la première étape d'un accord selon lequel au moins 50 personnes enlevées, des femmes et des enfants, seront libérées pendant quatre jours au cours desquels il y aura une accalmie dans les combats. » (Gouvernement israélien, communiqué du 22 novembre 2023).




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Après de longues semaines de négociations, un accord entre Israël et le Hamas a été conclu dans la soirée du 21 novembre 2023. Le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou a approuvé les bases de cet accord qui ne devrait pas être mis en vigueur avant vendredi 24 novembre 2023. Selon le Qatar, le début de la trêve aurait lieu ce même vendredi le matin et une première libération d'otages le vendredi après-midi : 13 otages du Hamas en échange de 39 prisonniers palestiniens.

De quoi s'agit-il et avant, comment a-t-il été négocié ? Il est toujours surprenant qu'un protagoniste qu'on veut anéantir, éradiquer, devienne du jour au lendemain un interlocuteur pour un accord. En fait, c'est le cas pour toutes les guerres. Les deux parties sont foncièrement focalisées par l'élimination de l'autre, sinon, il n'y aurait pas de guerres mais simplement des discussions. Et pourtant, il faut bien aboutir à la paix et, auparavant, à la trêve ou au cessez-le-feu. On ne conclut la paix, même provisoire, qu'entre deux belligérants.

Comme dit depuis longtemps, c'est le Qatar qui a servi d'intermédiaire. Le rôle du Qatar est ambivalent puisqu'il est économiquement très implanté en Europe, par exemple, mais il est aussi la base principale du Hamas. Pour la situation actuelle, c'était donc l'intermédiaire idéal : Israël pouvait discutait avec le Qatar (avec les États-Unis) et le Hamas également.

La nature de l'accord, c'est l'échange de prisonniers : libération de 50 otages du Hamas contre la libération de 150 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes. Le rapport 1 pour 3 est différent du rapport relevé auparavant (1 pour 10). /ors de ces libérations et échanges, pendant quatre jours, un cessez-le-feu est prévu.

Les 50 otages du Hamas libérés (sur 236 otages en tout, dont certains sont certainement déjà morts car placés en boucliers humains) sont uniquement des femmes et des enfants (de moins de 19 ans). À leur libération du Hamas, ils seront examinés médicalement par la Croix rouge puis seront interrogés comme témoins par l'armée israélienne, enfin seront ensuite libres de retrouver leurs familles et proches. Parmi ces 50 otages, la France espère qu'il y en aura 4 de nationalité française.

Du côté israélien, 150 prisonniers palestiniens seront donc également libérés, aussi uniquement des femmes et des enfants. Quand on entend cette information, il y a évidemment tout de suite un élément qui choque : il y a des enfants palestiniens dans les prisons israéliennes. À la différence des otages du Hamas, innocents et enlevés de manière arbitraire, les personnes retenues dans les prisons israéliennes le sont selon une procédure judiciaire et pour des raisons pénales, car Israël est un État de droit.

Le gouvernement israélien a publié à l'attention des médias une liste de 300 noms dont les 150 émaneraient. Elle a été émise par le Département de la Justice sous le titre : "Publication au public de la décision gouvernementale 1077 – Libération de prisonniers pour des raisons de gestion des relations extérieures et de la sécurité du pays".

Elle contient ainsi 300 fiches nominatives contenant des informations précises sur les prisonniers. Par exemple, ce jeune homme de 18 ans (né le 30 janvier 2005) qui a été arrêté le 14 novembre 2022, pas encore jugé ("en état d'arrestation") donc sans durée de détention, avec l'indication de la cour de justice dont il dépend (ici la cour martiale) et les infractions que la justice israélienne lui reproche, ici "lancer une bombe ou un incendiaire ; lancer des pierres ; créer un objet explosif ou incendiaire".

On peut comprendre que des adolescents qui ont le même motif d'arrestation puissent être en prison. La justice de adolescents de 13 à 18 ans pose aussi un problème en France où les auteurs d'infractions parfois très graves sont de plus ne plus jeunes (c'est un sujet qui revient régulièrement dans le débat public en France et le terrible assassinat de Thomas 16 ans le 18 novembre 2023 à Crépol sera certainement l'occasion de l'alimenter).

Dans cette liste publiée, il y a une trentaine de femmes, pour la plupart majeures, âgées de 15 à 59 ans. Parmi les mineurs, cela va de 14 à 18 ans. Les prisonniers libérés n'ont pas été arrêtés pour des affaires de meurtres voire d'assassinats, mais des tentatives de meurtres, un soutien au terrorisme, des tirs sur des personnes, des lancements de bombes, des incendies criminels.

50 prisonniers seraient affiliés au Hamas, dont quelques mineurs de 17 et 18 ans et deux femmes. Ces deux femmes affiliées au Hamas sont les suivantes : une jeune femme de 24 ans arrêtée pour blessures corporelles graves, port de couteaux et poignards ; une femme de 41 ans arrêtée pour atteinte à la sûreté de la l'État. La grande crainte du gouvernement israélien est de libérer un dirigeant du Hamas.

L'arrestation du directeur de l'hôpital Shifa à Gaza, le plus grand hôpital de Gaza, parce que son hôpital servait de base de commandement du Hamas et de repli des terroristes auteurs des massacres du 7 octobre 2023, a permis à l'armée israélienne d'atteindre une de ses objectifs.

La manière dont se dérouleront les quatre jours de trêve donnera une idée de négociations ultérieures pour la fin des combats à Gaza, d'une part, et pour la construction d'une paix durable entre Israéliens et Palestiniens, d'autre part. On est loin d'y être encore, mais la libération d'otages par le Hamas aura quand même de quoi rendre la situation un peu moins tendue.


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Sylvain Rakotoarison (23 novembre 2023)
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Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
Les Accords d'Oslo.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231122-israel-hamas.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/gaza-quel-est-l-accord-entre-251657

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/11/23/40117457.html







 

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13 novembre 2023 1 13 /11 /novembre /2023 04:33

« Par soumission à la voix du plus fort, la voix de la France s'est tue, celle qui faisait parler le Général De Gaulle au lendemain de la guerre des Six-Jours, celle qui faisait parler Jacques Chirac après la deuxième Intifada. »




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Et de poursuivre : « Comment comprendre aujourd'hui que la France appelle à la “retenue” quand on tue des enfants en connaissance de cause ? Comment comprendre (...) que la première réaction de la France, par la voix de son Président, soit celle du soutien sans réserve à la politique de sécurité d'Israël ? (…) Il n'y a pas en droit international de droit à la sécurité qui implique en retour un droit à l'occupation et encore moins un droit au massacre (…). [Israël] ne peut se prévaloir du fait que le Hamas instrumentalise les civils pour faire oublier [qu'il] assassine ces derniers (…). Oui, il y a une terreur en Palestine et en Cisjordanie, une terreur organisée et méthodique appliquée par les forces armées israéliennes, comme en ont témoigné de nombreux officiers et soldats israéliens écœurés par le rôle qu'on leur a fait jouer. ».

Un coup de gueule très fort du l'ancien Ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin qui paraît être actuel mais qui date en fait d'une interview au journal "Le Figaro" du... 1er août 2014, il y a plus de neuf ans ! Le 17 juillet 2014, l'armée israélienne était entrée dans la Bande de Gaza et un nouveau cessez-le-feu de soixante-douze heures avait débuté le 31 juillet 2014. Comme on le voit, il n'y a pas grand-chose qui a changé en neuf ans... du moins, dans la réaction de l'ancien ministre, car en 2023, la grande différence, c'est qu'il y a eu les massacres du 7 octobre.

L'ancien Premier Ministre Dominique de Villepin fête ses 70 ans ce mardi 14 novembre 2023. Toujours plus ou moins présent dans la classe politique, il est surtout marqué par son discours du 14 février 2003 au Conseil de Sécurité de l'ONU contre la guerre en Irak, alors qu'il était encore Ministre des Affaires étrangères.

Il partage avec Georges Pompidou, Raymond Barre et Élisabeth Borne le fait de ne jamais avoir reçu de mandat électif à sa nomination à Matignon (comme Emmanuel Macron lorsqu'il a été élu Président de la République). Mais à la différence des trois autres qui ont été élus députés après leur nomination, Dominique de Villepin n'a toujours pas été élu, même pour un mandat local.

Après ses velléités de se présenter à l'élection présidentielle de 2012 (il n'a pas obtenu tous les parrainages nécessaires), Dominique de Villepin a renoncé à toute ambition politique au profit de son cabinet d'avocat conseil international très lucratif.

Depuis un mois, Dominique de Villepin est de nouveau présent dans les médias pour donner ses réflexions sur la guerre que mène Israël contre le Hamas après le 7 octobre 2023. Les propos n'ont pas varié et semblent toujours aussi anti-israéliens même s'il a mesuré l'horreur des massacres du 7 octobre 2023 : « L'ampleur, l'horreur et la barbarie qui se sont exprimés nous appellent tous à un devoir d'humanité et de solidarité vis à vis d'Israël et du peuple israélien. ». Plusieurs semaines plus tard, il a aussi déclaré : « Ce qui m’inquiète aussi c’est la montée de l’antisémitisme en France (…). Il faut que nous mesurions la mémoire douloureuse que nous avons pour les communautés juives, arabes et musulmanes. Il faut se rassembler et donner l’exemple sur notre propre territoire que nous pouvons vivre ensemble. ».

Ainsi, l'ancien Premier Ministre a déclaré sur France Inter le 12 octobre 2023 : « Je le dis avec une peine infinie : je ne suis pas surpris par cette haine qui s'est exprimée, quand on se souvient de ce que nous avons tous dit de cette prison à ciel ouvert [qu'est la bande de Gaza]. (…) On se dit que quelque chose a été raté, par nous tous, par l'ensemble de la "communauté internationale", avec l'amnésie qui a été la notre, l'oubli qui a considéré à imaginer que cette question palestinienne allait pouvoir s'effacer devant un accord économique, stratégique et diplomatique, comme substitut à cette tragédie. (…) La ligne de fracture du monde, aujourd'hui, recoupe celle de l'Ukraine. La voix de l'Europe, la voix de "l'Occident" n'est pas majoritaire. Tout ce qui va se passer, va l'être sous l'œil et le regard du monde qui ne voit pas les choses comme nous. ».

Et de marteler : « Le devoir de responsabilité que nous avons vis à vis de cette horreur, c'est de bien prendre en compte l'importance de la réaction, de se souvenir que le droit à la légitime défense n'est pas un droit à une vengeance indiscriminée, qu'il n'y a pas de responsabilité collective pour un peuple pour les crimes commis par quelques-uns (…). Il y a manifestement des crimes contre l'humanité dès lors qu'a été ciblée de façon systématique et générale une catégorie de population, mais il faut éviter que la riposte indiscriminée ne conduise à enflammer un peu plus la région, mais aussi le monde. [Le Hamas] n'est pas le peuple palestinien (…). Combattre le Hamas n'est pas enfermer deux millions de Palestiniens dans la Bande de Gaza sans pouvoir sortir. (…) Il y a une exigence d'humanité et de solidarité vis-à-vis d'Israël, une exigence de responsabilité que nous devons porter à la tête de la communauté internationale et une expérience à partager, nous devons penser que la solution à deux États, plus que jamais est aujourd'hui la seule (…). Israël ne peut pas être en sécurité tant qu'il n'y a pas la reconnaissance d'un État palestinien à ses côtés qui partage la responsabilité de la sécurité dans cette région. ».

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L'expression utilisée par Dominique de Villepin « prison à ciel ouvert » est une expression qui a fait bondir plusieurs responsables de la majorité et surtout fait applaudir les responsables de France insoumise dans une sorte de drôle d'alliance.

Invité de la matinale de France Info le 7 novembre 2023, Dominique de Villepin a soutenu l'idée (commune depuis longtemps) de deux États : « Tous les Israéliens l’ont compris : ils ne peuvent plus vivre avec les Palestiniens. Il faut donc une politique de séparation qui doit être digne : c’est-à-dire conférer aux Palestiniens un État viable et véritable, qui pourra se construire et être d’autant plus en paix. ». Selon l'ancien ministre de Jacques Chirac, le départ des colons de Cisjordanie, « c'est l’histoire, le prix de la sécurité pour Israël ».

Comme solution transitoire, Dominique de Villepin a préconisé un mandat international pour Gaza : « On va se retrouver avec un territoire de Gaza détruit, sans aucune forme d’administration civile. Je pense que la meilleure stratégie, c’est d’avoir une administration internationale, qui peut-être en partie arabe, sous l’égide de l’ONU. ». L'idée serait surtout de démilitariser la zone et d'exfiltrer les terroristes du Hamas et leurs soutiens. Et il a ajouté : « La paix est toujours utopique, mais il y a une raison d’y croire : c’est que tant que nous n’aurons pas fait cela, Israël ne vivra pas en sécurité, et nous non plus. ».

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Dans un entretien le 7 novembre 2023 pour "La Tribune de Genève", l'ancien président de République solidaire (un parti créé le 19 juin 2010) a voulu alerter : « L’éradication du Hamas est illusoire, Israël doit adapter ses buts. (…) Quand nous voyons Netanyahou s’engager dans une impasse, nous devons être capables le dire. ».

Invité quelques jours plus tôt sur BFMTV, le 27 octobre 2023, Dominique de Villepin a mis en garde sur le réveil des États arabes : « On a été trompés par le silence des États arabes et musulmans des dernières années. Les peuples n'ont jamais oublié que la cause palestinienne et l'injustice faite aux Palestiniens étaient une source de mobilisation considérable. La question palestinienne reste pour les peuples arabes la mère des batailles. ».

En évoquant « un gouffre géopolitique qui est l'absence de perspective face à une offensive terrestre massive », il a insisté sur la vision du monde entier : « Regardez les réactions en Indonésie, en Afrique, au Nigeria. Tout ça forme un tout. C'est le nouveau monde dans lequel nous sommes, nous ne sommes pas capables de gérer seuls en gendarme du monde (…). La guerre contre le terrorisme (…) n'a jamais été gagnée nulle part et enclenche au contraire des engrenages extrêmement dramatiques (…). Le plus gros travail aujourd'hui, c'est celui qui consiste pour les pays européens, les États-Unis à aider Israël à avancer au-delà de cette réponse militaire (...) qui est une impasse (…). C'est difficile parce que la solution à deux États est sortie du logiciel israélien. C'est difficile car il faut faire émerger des interlocuteurs palestiniens. (…) Mais la diplomatie, c'est d'être capable au fond du tunnel d'imaginer qu'une lumière est possible. ».

Cette condamnation de la réaction israélienne massive qui touche principalement la population civile de Gaza rend de plus en plus difficile le soutien inconditionnel de l'État d'Israël à la suite du 7 octobre 2023. Dans ses différentes interventions, Dominique de Villepin a donc abordé ces deux faces du problème : la sécurité d'Israël et la protection des civils de Gaza. Il a eu cette formule très forte, le 7 novembre 2023 : « Dans ce contexte, chaque enfant tué, chaque femme tuée, ce sont plus de terroristes. Donc l'objectif d'Israël, ce qu'il atteint, c'est exactement l'inverse de ce qu'il souhaite. ».

Du reste, le Président de la République Emmanuel Macron n'est pas loin d'avoir la même opinion quand on l'écoute sur la BBC : « Aujourd'hui, les civils sont bombardés de facto. Ces bébés, ces dames, ces personnes âgées sont bombardés et tués. Il n'y a donc aucune raison et aucune légitimité à cela. Nous exhortons donc Israël à arrêter. » le jour de la grande marche contre l'antisémitisme à laquelle il n'a pas participé et qui a rassemblé un peu moins de 200 000 personnes partout en France, dans des manifestations pacifiques sans heurt ni violence (exactement 182 000 dont 105 000 à Paris).

Depuis longtemps, Dominique de Villepin n'a cessé d'émettre des opinions principalement pro-arabes sans jamais oublier de rappeler, histoire oblige, son fameux discours du 14 février 2003, qui, pour certains, passe comme le dernier acte d'une France indépendante idéalisée (il suffit d'écouter Jean-Marie Le Pen vingt ans auparavant pour savoir à quel point cette indépendance-là était déjà fustigée). On veut rendre nostalgiques les Français sur Chirac comme sur De Gaulle (au fond, je m'en réjouis), mais ils étaient aussi des hommes politiques avec des combats et des opposants et ceux qui, aujourd'hui, par nostalgie démagogique, voudraient s'identifier ou se reconnaître dans ce passé français supposé glorieux sont pourtant, généralement, les héritiers de leurs plus féroces opposants (ceux de De Gaulle et Chirac).

En passant, on se posera quand même la question de savoir s'il est vraiment impartial dans ce conflit ou s'il a des donneurs d'ordre du côté arabe. En effet, depuis le 1er juillet 2015, il n'est plus inscrit au barreau de Paris et dirige une entreprise commerciale (Villepin International) qui fait notamment du lobbying international : « conseil en management et en stratégie, analyse des risques politiques et des enjeux économiques, réalisation d’études, d’audits et de préconisations, tenue de conférences et de forums, intermédiation en vue de rapprochements, présentation et publication d’exposés ou d’analyses ».

Wikipédia annonce ainsi : « Son réseau en Chine, en Iran, au Venezuela ou encore au Qatar, lui permet d’intervenir dans le flux d’affaires entre pays émergents. (…) Considéré comme "très proche du Président chinois Xi Jinping", il siège également au conseil du fonds d’investissement d’État China Minsheng et à l'agence de notation chinoise Dagong. Selon le journaliste [Clément Fayol], il y "aiderait des entreprises chinoises à se développer en Afrique et en Europe dans l’aéronautique, les infrastructures, les assurances, parfois en concurrence avec des entreprises françaises". Il a aussi créé une galerie d'art à Hong-Kong, où il vend principalement des œuvres de l'artiste sino-français Zao Wou-Ki, dont il est un intime de la veuve Françoise Marquet. ».

Selon le Hamas, au 12 novembre 2023, les bombardements de l'armée israélienne aurait fait 11 180 victimes majoritairement civiles dont 4 609 enfants [Un nouveau bilan du Hamas le 13 novembre 2023 fait état de 11 240 morts dont 4 630 enfants et 3 130 femmes, et de 29 000 blessés].

Dans un entretien diffusé le 12 novembre 2023, le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou s'est justifié ainsi : « Ce n’est pas seulement notre guerre, c’est votre guerre aussi (…). C’est le combat de la civilisation contre la barbarie. (…) Israël se bat dans le respect des lois internationales. L’armée israélienne réalise un travail exemplaire en tentant de minimiser les victimes civiles. ». Il a admis que chaque vie civile est une tragédie, mais le Hamas a empêché les Palestiniens d'évacuer les lieux : « [Il] a tiré dans des zones sûres et dans les corridors humanitaires que nous avons établis (…) pour empêcher les Palestiniens de se mettre à l’abri. Il place des roquettes dans les écoles, les hôpitaux, il a des tunnels sous des lits d’enfants. ».

Incontestablement, rien n'est simple dans une guerre, les horreurs sont toujours au rendez-vous, mais l'une des différences entre l'armée israélienne et les terroriste du Hamas, c'est qu'elle ne cherche pas à haïr, ni à humilier ni à torturer, à se rendre sadique vis-à-vis des Palestiniens, les soldats israéliens veulent "seulement" éliminer ceux qui ont fait vœu de détruire l'État d'Israël et les Juifs en général. Il reste que des milliers d'innocents meurent dans ces bombardements et que leur mort ne contribue évidemment pas à se rapprocher de la paix.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Dominique de Villepin toujours pro-palestinien ?
Dominique de Villepin votera-t-il pour Emmanuel Macron ?
Quai d’Orsay.
Cassandre ?
Mais où est donc Dominique de Villepin ?
Assurancetourix ?
République solidaire et le revenu universel.
Les moulins de l’UMP.
Le gaullisme politique.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231114-dominique-de-villepin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/dominique-de-villepin-toujours-pro-251510

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/11/11/40104580.html
 





 

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6 novembre 2023 1 06 /11 /novembre /2023 04:05

« Jamais autant de Juifs n'ont été tués en une seule journée depuis la Shoah. » (Isaac Herzog, Président de l'État d'Israël, 11 octobre 2023).




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Cela fait maintenant un mois que l'organisation terroriste du Hamas a perpétré l'horrible massacre en Israël, tuant plus de 1 400 personnes sur un territoire reconnu par les Nations Unies comme appartenant à Israël. En outre, il y a encore 241 otages qui sont détenus par le Hamas ou déjà tués, soit par le Hamas, soit en boucliers humains.

Ce 7 octobre 2023 est une date importante dans les relations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il n'y en a pas beaucoup et elles ont symboliquement révolutionné les rapports de force. On peut en citer, de cette importance, au moins cinq : le 9 novembre 1989 qui correspond à la chute du mur de Berlin et ses conséquences, la chute de l'Union Soviétique ; le 11 septembre 2001 avec les attentats du World Trade Center et ses conséquences en Afghanistan et en Irak ; le 17 décembre 2010 avec l'immolation d'un jeune vendeur de fruits et légumes tunisien Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, qui a amorcé les Printemps arabes, la fuite de Ben Ali, Moubarak, le lynchage de Kadhafi et l'arrivée de Daech en Syrie et en Irak ; le 24 février 2022 avec l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe ; enfin, le 7 octobre 2023 avec le massacre des Juifs par le Hamas dont l'ampleur n'a jamais été aussi grande depuis la Shoah, comme l'a expliqué le 11 octobre 2023 le Président de l'État d'Israël Isaac Herzog.

Ces dates bouleversent les paradigmes antérieurs et s'il y a une chose qu'il convient de faire, c'est de ne plus raisonner comme auparavant. Cela ne dit pas comment analyser, mais les analyses antérieures sont assurément devenues caduques. La chute du mur de Berlin a ainsi clos la guerre froide, réunifié l'Europe continentale. La guerre en Ukraine a définitivement démasqué Vladimir Poutine sur ses intentions (avant, on pouvait toujours avoir des doutes). Enfin, le 7 octobre 2023 a montré que l'État d'Israël ne garantissait pas la sécurité des Juifs dans les conditions actuelles.

L'horreur voulue des terroristes du Hamas, au point de la filmer en direct et la diffuser auprès des proches des suppliciés, a atteint un point de non-retour. Ce qui se passe à Gaza depuis le 7 octobre 2023 est effectivement affreux ; le Hamas a indiqué que plus de 10 000 Palestiniens sont morts des bombardements et de la riposte de l'armée israélienne, dont des milliers d'enfants. C'est une seconde horreur, elle est absolument regrettable et même si on peut douter de la réalité des chiffres fournis par le Hamas, il ne fait pas de doute que la riposte israélienne a déjà fait des milliers de morts parmi la population civile.

Aussi condamnable soit cette réaction du gouvernement israélien, il faut réaliser que les victimes palestiniennes sont d'abord les victimes du Hamas et que c'est l'attaque du 7 octobre 2023 qui en est la seule cause. Sans celle-ci, le gouvernement israélien, qui avait déserté les lieux depuis plus d'une quinzaine d'années, serait indifférent au sort des Palestiniens de Gaza, comme auparavant. Il faut aussi remarquer que la riposte d'Israël, aussi meurtrière soit-elle, est actuellement approuvée par la grande majorité de la classe politique israélienne unie pour l'occasion de manière exceptionnelle alors que cela fait quatre élections législatives (sauf les dernières) que le peuple israélien, très divisé, n'avait amenée aucune majorité parlementaire à la Knesset (le parlement israélien).

Benyamin Netanyahou a répété le 30 octobre 2023 qu'il n'était pas question de cessez-le-feu tant que le Hamas n'était pas mis hors d'état de nuire et les otages n'étaient pas libérés : « Tout comme les États-Unis n'accepteraient pas un cessez-le-feu après Pearl Harbor ou le 11-Septembre, Israël n'acceptera pas une cessation des hostilités après l'horrible attaque du 7 octobre (…). Ceci est le temps de la guerre ! ».

On pourra toujours accuser les uns et les autres des événements antérieurs, mais on ne refait jamais l'histoire et il faut toujours regarder l'avenir. Si des torts ont eu lieu, les gouvernements israéliens, et pas seulement ceux de Benyamin Netanyahou, ont eu effectivement leur part, notamment par une politique de colonisation de la Cisjordanie particulièrement insensée et outrancière.

Mais l'Autorité palestinienne a elle aussi une responsabilité historique grave dans ce qui se passe. Le refus de Yasser Arafat des concession acceptées par Ehud Barak, Premier Ministre israélien, à l'occasion du Sommet de Taba en janvier 2001, a été totalement irresponsable alors que ce dernier avait concédé jusqu'à la capitale palestinienne à Jérusalem Est, une proposition qui n'a jamais été aussi audacieuse et qui ne se renouvellera probablement plus.

De plus, l'abandon du peuple palestinien est un fait qui n'est pas seulement provenant d'Israël : ni les pays arabes ne s'en sont préoccupé, ni la Russie, pas plus que les États-Unis. Benyamin Netanyahou a cru qu'avec les Accords d'Abraham et la normalisation de relations diplomatiques avec de nouveaux pays arabes, il pourrait s'épargner une solution politique au "problème" palestinien. Il a eu tort, mais certainement pas tout seul !

Certains, n'hésitant pas à employer la langue d'Orwell de "1984" (c'est-à-dire désigner par leur contraire les choses, cela pour rappeler que les républiques démocratiques et populaires du camp soviétique n'avaient rien de démocratique et rien de populaire), en désignant la Bande de Gaza comme un énorme camp de concentration, les laudateurs du Hamas en France et en Europe oublient un peu vite de se poser la question : pourquoi la Bande de Gaza, en plus de quinze ans, n'a-t-elle pas construit de centrales électriques ? Pourquoi n'est-elle pas capable d'avoir de l'eau potable ? Alors qu'elle bénéficie de nombreuses aides ? Parce que ces aides sont préemptées pour enrichir l'arsenal militaire du Hamas pour attaquer Israël ?

On peut observer aussi qu'à Paris comme à Washington, face à la Maison-Blanche, des manifestants ont défilé pour soutenir le peuple palestinien, au même titre que des manifestations avaient eu lieu à Tel-Aviv pour s'opposer à la réforme judiciaire de Benyamin Netanyahou. Je n'ai pas vu de manifestation de solidarité avec les victimes du 7 octobre 2023 à Gaza ou à Téhéran, et c'est là la grande différence entre une démocratie, toujours imparfaite, et des théocraties.

Depuis un mois, l'obsession totale du gouvernement israélien d'unité nationale est l'éradication du Hamas, cause d'insécurité permanente d'Israël (rappelons que des roquettes palestiniennes ciblaient régulièrement Israël depuis des dizaines d'années). Cette obsession, qui n'est pas seulement électorale mais aussi fondamentale, puisque c'est l'existence même de l'État d'Israël qui est remise en cause, évacue toutes les autres considérations et en particulier un certain nombre de valeurs humanistes dont l'Europe et les États-Unis notamment se veulent être les porteurs.

En particulier, le Président américain Joe Biden a "sermonné" Benyamin Netanyahou en lui disant qu'il ne faut pas qu'Israël commette la même faute que les États-Unis après le 11 septembre 2001 en faisant la guerre en Irak. Cette position n'a pas été assez rappelée, mais il faut la souligner, elle est la première parole officielle américaine de la faute de l'invasion de l'Irak et la diplomatie française peut être fière d'avoir toujours voulu s'opposer aux États-Unis à cet égard.

Les Américains ont même eu l'audace de donner des conseils techniques à l'armée israélienne pour réduire le nombre de victimes civiles. Car au-delà de l'horreur que vit aujourd'hui la population de Gaza, c'est aussi la popularité du Hamas dans le monde arabe qui est en jeu. Israël considère que l'existence du Hamas l'empêche d'exister puisque ces terroristes veulent l'élimination d'Israël. Mais c'est une organisation parmi les plus prospères, grâce à des fonds probablement iraniens.

L'armée israélienne devra bien un jour arrêter sa riposte. C'est la guerre et comme toute guerre, il y a des horreurs, les morts se comptent par milliers. Il n'y a pas de guerre sans victimes. Pour autant, un seul mort parmi la population civile reste scandaleux et digne d'indignation (et en outre, cela constitue un crime de guerre lorsque c'est délibéré). Paradoxalement, et c'est là le nœud du problème, ce gouvernement israélien ou le suivant devra bien arriver à une étape de négociation pour enfin bâtir une paix durable. Le processus sera difficile, long, mais les massacres du 7 octobre 2023 ont montré que l'État d'Israël ne pourrait pas être en sécurité sans trouver une réponse à la question palestinienne.

Cette paix durable passera nécessairement par deux États, selon les résolutions de l'ONU. Elle passera aussi par des négociations entre l'État d'Israël et des représentants du peuple palestinien, ce qui suppose, paradoxalement, des délégués du Hamas. Rappelons qu'avant les Accords d'Oslo, l'OLP d'Arafat était considérée comme une organisation terroriste. La paix est toujours une construction fragile et courageuse, mais elle promet la prospérité et les innovations technologiques...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (06 novembre 2023)
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Pour aller plus loin :
Gaza, victime avant tout du Hamas ?
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