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18 juin 2025 3 18 /06 /juin /2025 04:46

« Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur : la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l’exercent, et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime… » (Aung San Suu Kyi, 1991).


 



Il y a eu un pape qui, une fois élu, a proclamé aux habitants de la Terre : « N'ayez pas peur ! ». C'était Jean-Paul II. Elle, inspirée par Gandhi, elle a proclamé à ses compatriotes birmans : « Libérez-nous de la peur ! ». Elle, c'est Aung San Suu Kyi, "dissidente" birmane qui a atteint, ce jeudi 19 juin 2025, son 80e anniversaire. Elle fait partie des femmes remarquables du monde contemporain, admirable par son courage, sa persévérance, sa cohérence. Elle est en quelque sorte la Nelson Mandela de l'Asie. Elle fait partie de mon Panthéon des femmes politiques.

Un combat audacieux contre la peur : « Dans sa forme la plus insidieuse, la peur prend le masque du bon sens, voire de la sagesse, en condamnant comme insensés, imprudents, inefficaces ou inutiles les petits gestes quotidiens de courage qui aident à préserver respect de soi et dignité humaine. (…) Dans un système qui dénie l’existence des droits humains fondamentaux, la peur tend à faire partie de l’ordre des choses. Mais aucune machinerie d’État, fût-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de ressurgir encore et toujours, car la peur n’est pas l’élément naturel de l’homme civilisé. ».

À la tête, depuis le 27 septembre 1988, de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), un parti d'opposition, Aung San Suu Kyi a toujours combattu la dictature militaire établie dans son pays depuis des décennies. Son combat politique non-violent a été reconnu par le prestigieux Prix Nobel de la Paix en octobre 1991, mais aussi par une quinzaine d'autres distinctions internationales, comme le Prix Sakharov en 1990 (attribué par le Parlement Européen), la Médaille présidentielle de la Liberté en 2000, le prix le plus important des États-Unis, etc.

Elle savait de qui tenir. Son père était le général Bogyoke Aung San qui a été un acteur majeur de l'indépendance de la Birmanie, nommé Premier Ministre de la Birmanie britannique le 28 septembre 1946 et assassiné le 19 juillet 1947 à Rangoon, à l'âge de 32 ans, quand sa fille a eu 2 ans. Sa mère était Khin Kyi qui s'est engagée dans la vie politique birmane après la mort de son mari, elle fut députée, la première femme ministre en Birmanie en 1953 et sa première ambassadrice. Celle-ci est morte d'un AVC le 28 décembre 1988 et son enterrement cinq jours plus tard fut une manifestation de l'opposition, 200 000 personnes, contre la junte militaire au pouvoir.
 


C'est peu avant la mort de sa mère, alors qu'elle est revenue en Birmanie pour s'occuper d'elle (elle habitait au Royaume-Uni auparavant avec sa famille), qu'Aung San Suu Kyi a cofondé la LND pour s'opposer pacifiquement à la dictature militaire installée depuis le 2 mars 1962. Une nouvelle junte militaire a pris le pouvoir en 18 septembre 1988 pour réprimer très violemment les manifestations des militants démocrates dans le pays. Lors des élections législatives du 27 mai 1990, les premières élections depuis 1960 qui furent pluralistes, organisées sous la pression populaire, la LND les a très largement gagné avec 52,5% des voix pour 72,6% de participation, lui assurant l'élection de 392 sièges sur les 492 au total. Mais la junte militaire a annulé ces élections et imposé la dictature d'un Conseil d'État pour la restauration de la Loi et de l'Ordre de 1990 à 2011.

De juillet 1989 à juillet 1995, de septembre 2000 à mai 2002 et de mai 2003 à novembre 2010, Aung San Suu Kyi a été arrêtée, enfermée ou placée en résidence surveillée. Elle a été empêchée de voir ses enfants résidant en Grande-Bretagne ainsi que son mari ethnologue qui est mort d'un cancer en mars 1999. Elle n'a pas assisté à l'enterrement de son mari de peur de ne plus pouvoir rentrer en Birmanie. Le 30 mai 2003, elle a failli être assassinée par la junte dans un attentat qui a tué plusieurs de ses compagnons politiques. Pendant cette vingtaine d'années d'opposition, elle a eu le soutien très fort de ce qu'on appelle la communauté internationale.

Une nouvelle Constitution adoptée le 29 mai 2008 après le référendum du 10 mai 2008 (malgré le rejet de l'opposition) est entrée en vigueur le 31 janvier 2011 et consacre une transition démocratique. Libérée le 13 novembre 2010, Aung San Suu Kyi a été élue députée lors d'élections partielles le 1er avril 2012 et les élections législatives générales du 8 novembre 2015 lui ont apporté une large victoire de 255 sièges sur 440, avec 57,1% des voix. Elle pouvait enfin gouverner.

Aung San Suu Kyi a voulu se présenter à l'élection présidentielle du 15 mars 2016 (la junte militaire laissait le pouvoir sous quelques conditions, en particulier de garder trois ministères régaliens, la défense, l'intérieur et les frontières). Mais la Constitution du 29 mai 2008 a prévu une clause spéciale contre la Prix Nobel de la Paix en écartant des fonctions politiques les personnes mariées à des étrangers ou qui sont parents d'enfants étrangers, ce qui est le cas d'Aung San Suu Kyi. Elle n'a pas réussi, malgré une confortable majorité, à réviser la Constitution. Ainsi, ce fut son proche Htin Kyaw qui a été élu par 360 voix sur 652 parlementaires et est devenu Président de la République du 30 mars 2016 au 21 mars 2018.
 


Ne pouvant être nommée Première Ministre en raison de la clause constitutionnelle déjà évoquée, Aung San Suu Kyi a obtenu un titre spécial, "Conseillère spéciale de l'État" qui correspond en fait au poste de chef du gouvernement, du 6 avril 2016 au 1er février 2021. Elle a cumulé cette responsabilité avec le poste de Ministre des Affaires étrangères et de Ministre de la Présidence.

Pendant ces près de cinq années, Aung San Suu Kyi a ouvert son pays à l'économie de marché, mais elle a dû faire des compromis en raison de l'armée encore très puissante constitutionnellement. Elle a fait redémarrer économiquement la Birmanie avec une croissance annuelle de 7% de 2016 à 2020, bénéficiant de la levée des sanctions financières internationales.

C'est sur le génocide des Rohingya, minorité musulmane du pays comptant 1 million de personnes, que la gestion d'Aung San Suu Kyi a été contestée sur le plan international. En effet, la Prix Nobel de la Paix est restée très passive devant la persécution et les massacres commis à partir d'octobre 2016 par l'armée et la police birmanes. En janvier 2018, une étude a évalué le massacre à au moins 25 000 Rohingya tués et 18 000 filles Rohingya violées. L'exil et le déplacement de centaines de milliers de personnes ont provoqué une véritable crise humanitaire. Par son silence et sa passivité, Aung San Suu Kyi s'est vue retirer un certain nombre de distinctions internationales qu'elle avait reçues lorsqu'elle était dans l'opposition. Elle a été "blâmée" le 29 décembre 2016 par onze autres Prix Nobel de la Paix dont Desmond Tutu.

Toutefois, selon Alexandra de Mersan, une anthropologue qui connaît bien la Birmanie , pour "Paris Match" le 8 juin 2017, Aung San Suu Kyi
« a tenté de mener une première conférence de réconciliation nationale, invitant les ethnies, les groupes, les organisations pour discuter. Ce que n'ont jamais fait les militaires. Mais pendant ces discussions, les conflits continuaient à faire rage dans ces États. ». Pour l'armée birmane, auteure des exactions, c'était le moyen de démontrer que l'ancienne opposante était incapable de gouverner son pays.

 


Ce scandaleux nettoyage ethnique par l'armée n'a pas empêché le parti d'Aung San Suu Kyi de remporter une large victoire aux élections législatives du 8 novembre 2020 avec l'obtention de 258 sièges sur 440 et 68,0% des voix pour 72,0% de participation. Cette victoire était de trop pour l'armée birmane qui a repris l'initiative en faisant un coup d'État le 1er février 2021. Le Président Win Myint, de la LND aussi, a été démis de ses fonctions au profit d'un militaire et Aung San Suu Kyi a été de nouveau arrêtée et elle est encore en prison à l'heure actuelle. Elle a été jugée pour des motifs fallacieux (comme la gestion de la crise du covid-19), avec un premier procès qui l'a condamnée le 6 décembre 2021 à quatre ans de prison (réduits à deux ans), et un second procès le 30 décembre 2022 à trente-trois ans de prison (réduits à vingt-sept ans).

L'une des raisons de cette reprise en main est que la forte victoire électorale d'Aung San Suu Kyi devait lui permettre de réviser la Constitution et réduire l'influence politique de l'armée, ce qui était inacceptable pour la junte. Citée par Wikipédia, la politologue Sophie Boisseau du Rocher, spécialiste de géopolitique dans l'Asie du Sud-Est, estimait le 18 février 2021 sur France Culture :
« L’armée n’a jamais envisagé une vraie transition politique. Elle voulait encadrer le processus pour en tirer parti. Aung San Suu Kyi a réussi à contourner ces contraintes car à l’origine elle n’avait pas de liberté de pouvoir. Elle représente désormais un vrai risque car avec 82% des sièges à l’Assemblée, le nouveau gouvernement pourra faire avancer la réforme constitutionnelle. ». Dans la même émission radiophonique, l'anthropologue François Robinne résumait ainsi : « Il y a eu deux élections récemment en 2015 et 2020. En 2015 le peuple a porté Aung San Suu Kyi au pouvoir. En 2020 c’est un peu différent, le peuple a voté contre le pouvoir militaire. ».

Un coup d'État de trop ? Toutes les forces vives de Birmanie, en particulier la jeunesse et les professions intellectuelles, se sont opposées à ce retour de la dictature militaire... mais elle subsiste toujours en 2025 et Aung San Suu Kyi est encore en prison.


En 1991, elle écrivait : « A l'heure où des personnages tout-puissants et sans scrupules peuvent disposer et disposent de fait, grâce aux immenses progrès techniques, d'armes meurtrières contre les faibles et les déshérités, il est urgent de lier plus étroitement la politique à la morale, dans les nations comme à l'échelle internationale. ». Avec ce qui se passe en Ukraine ou en Iran, on peut affirmer que cette réflexion est plus que jamais d'actualité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 juin 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Aung San Suu Kyi.
Le tsunami de l'océan Indien, 20 ans plus tard.

Gandhi.


 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250619-aung-san-suu-kyi.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/aung-san-suu-kyi-liberez-nous-de-261247

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/18/article-sr-20250619-aung-san-suu-kyi.html

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19 mai 2025 1 19 /05 /mai /2025 04:52

« Pour moi, Pol Pot est synonyme de Hitler, synonyme de Staline, synonyme de Mao, synonyme de Bokassa, synonyme d’Amin Dada, synonyme de Pinochet. En fait, la liste serait certainement plus longue, mais c’étaient les noms qui revenaient régulièrement dans les années 1970. » (mon article d'août 2011).



 


Le cruel dictateur khmer rouge Pol Pot (de son vrai nom Saloth Sâr) serait né il y a cent ans, le 19 mai 1925. Je mets au conditionnel car la part de mystère de cet homme est relativement importante. J'ai eu la chance... ou plutôt la malchance, certainement, de rencontrer dès 1978 des réfugiés cambodgiens qui ont pu m'informer sur ce qui se passait, alors, dans leur pays.

Le terme de génocide devrait être adopté, même si c'est surprenant que des membres du même peuple aient pu contribuer à son extermination. Toujours est-il qu'entre le 17 avril 1975, il y a cinquante ans, qui correspond à la chute de Phnom Penh vaincu par les troupes khmères rouges et le 7 janvier 1979, qui correspond à l'invasion des troupes vietnamiennes au Cambodge, c'est-à-dire la période où Pol Pot et les khmers rouges avaient un pouvoir absolu de terreur, on évalue à 1,7 million voire à 3 millions le nombre de victimes cambodgiennes de ces communistes, soit 21%, pour l'option la plus faible, de la population cambodgienne de l'époque. Si on devait résumer par une image les presque quatre ans de dictature communiste au Cambodge, c'est certainement celle du bas de cet article, ou une autre du même genre, à savoir un tas de crânes et d'os, ceux des victimes irréversibles de Pol Pot.

Ce qui est étonnant est l'histoire de cet homme. La politique cambodgienne intérieure est certes assez compliquée à comprendre. Pol Pot faisait partie d'une certaine élite qui a eu le privilège de faire ses études en France. Il est arrivé à Paris en octobre 1949, soit à peu près au même moment que Mao Tsé-Toung a pris le pouvoir en Chine. Le futur dictateur a fréquenté une école d'ingénieur parisienne (celle de radioélectricité) de 1949 à 1953. Il en est sorti sans diplôme.

En 1952, le roi Norodom Sihanouk, mis en place par la France, refusait de mettre au pouvoir les démocrates vainqueurs des élections du 9 septembre 1951 et voulait gouverner seul. L'étudiant Pol Pot (j'écris Pol Pot mais il n'a pris ce nom qu'en 1975, c'est plus simple de garder le même nom) se trouvait alors résolument dans l'opposition et osa écrire (c'est terrifiant d'imaginer la suite) : « La démocratie est un régime auquel aspirent aujourd’hui tous les peuples du monde ; elle est aussi précieuse qu’un diamant et ne peut être comparée à aucun autre gouvernement. ». Cela dit, les démocrates étant de moins en moins influents, Pol Pot et ses camarades se sont rapprochés des communistes, au point que Jacques Duclos est devenu son parrain et Jacques Vergès son ami.

De retour au Cambodge en 1953 (sans diplôme), Pol Pot s'intégra dans les cercles communistes, renforçant son opposition lors du départ précipité des Français en 1954, laissant Norodom Sihanouk roi du Cambodge (nommé le 25 avril 1941). Les relations entre Norodom Sihanouk et les khmers rouges furent d'ailleurs particulièrement compliquées, car s'ils se sont très opposés, ils ont su, parfois, être des alliés contre un ennemi commun (vietnamien). L'histoire du Cambodge d'après-guerre est elle-même compliquée avec une succession de gouvernements et de régimes assez bizarres (par exemple, Norodom Sihanouk fut un moment chef de l'État sans être roi mais dans une monarchie !).

 


À partir du 22 février 1963, Pol Pot a conquis la tête du parti communiste du Kampuchéa, autrement dit, les khmers rouges (il le resta longtemps). Il batailla contre le pouvoir en place. En 1967 s'est engagée une guerre civile entre, d'une part, les khmers rouges et les nord-vietnamiens, d'autre part, le Royaume du Cambodge et les sud-vietnamiens, puis la République (régime pro-américain). Le principal ennemi de Pol Pot fut le maréchal Lon Nol, Premier Ministre cambodgien du 14 août 1960 au 11 mars 1971 puis Président de la République cambodgienne du 10 mars 1972 au 1er avril 1975. Parmi les grands alliés de Pol Pot, il y avait bien sûr Mao dont il appliqua les concepts lorsqu'il a conquis le pouvoir.

Lon Nol a fui son pays peu avant l'arrivée des khmers rouges à Phnom Penh le 17 avril 1975. À partir de cette date, une dictature communiste de type chinoise, sans pitié, s'est mise en place, même si dans les premiers temps, ils étaient arrivés en libérateurs pour le peuple. L'objectif de Pol Pot qui contrôlait tous les pouvoirs et qui était formellement le Premier Ministre du 14 avril 1976 au 27 septembre 1976 puis du 25 octobre 1976 au 7 janvier 1979 (en automne 1976, il fut remplacé par Nuon Chea en raison d'un éloignement pour raison de santé), c'était d'éliminer tous ses ennemis politiques (ou supposés ennemis), à l'aide d'un prétexte d'antiaméricanisme. La capitale fut vidée de ses 2 millions d'habitants envoyés aux champs comme en Chine quelques années auparavant. Les intellectuels, les habitants des villes, furent pourchassés par les khmers rouges. Emprisonnements, tortures, exécutions furent nombreux. Toute idée d'Occident fut détruite : monuments, religions, modes de vie, etc.

Pol Pot était alors un dictateur mystérieux, inexistant sur le plan diplomatique, absent sur le plan intérieur. Comme tout dictateur communiste (il a bien appris de Staline et Mao), Pol Pot a multiplié les purges au sein de son propre parti communiste. Quelques relations officielles avec la Chine a montré l'importance de l'enseignement de Mao (disparu), en particulier le 18 janvier 1978 avec la visite officielle de Deng Yingchao, la veuve de Chou En-Lai, également Vice-Présidente du comité permanent de l'Assemblée nationale populaire de Chine de 1976 à 1983.
 


Craignant pour ses frontières, le Vietnam a envahi le Cambodge jusqu'à renverser Pol Pot le 7 janvier 1979 et installer un nouveau régime pro-vietnamien. Après une période de gouvernements d'anciens khmers rouges, Hun Sen, pro-vietnamien et ancien khmer rouge, a pris la tête du gouvernement cambodgien du 14 janvier 1985 au 22 août 2023 puis l'a laissée à son fils Hun Manet encore en fonction (je résume très grossièrement car entre 1993 et 1998, il y a eu deux Premiers Ministres avec le retour du royaume).

Quant à Pol Pot, il a fui la capitale pour se réfugier dans les maquis (dans la jungle). Le mystère s'est poursuivi avec cet homme-là puisqu'il aurait gardé une grande influence sur les rebelles. Il aurait démissionné du commandement des forces armées khmères rouges en 1985, cédant la place à Son Sen. Ses amis politiques l'ont destituésen juin 1997 et son rival Ta Mok, considéré comme encore plus cruel que Pol Pot, l'a fait arrêter en 1998 par les troupes cambodgiennes. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir commandité l'assassinat de Son Sen et de sa femme en juin 1997, Pol Pot est officiellement mort le 15 avril 1998 d'une crise cardiaque (donc à l'âge de 72 ans). Il souffrait aussi d'un cancer des ganglions et de la malaria. Incinéré très rapidement, son corps n'aura pas fait l'objet d'une autopsie. (Certains pensent que ce n'était pas Pol Pot et que ce dernier aurait passé des jours heureux en Thaïlande).

Ce qui est terrible, c'est l'aveuglement idéologique des dictateurs communistes qui en sont venus à massacrer des millions de leurs contemporains. Pol Pot n'a jamais été jugé pour ses crimes pendant son gouvernement et la plupart de ses complices sont morts en cours de procès ou avant. Depuis une loi adoptée le 7 juin 2013 par le Parlement cambodgien, la mémoire des victimes est scrupuleusement respectée au point que tout individu qui minimise ou nie les crimes des khmers rouges est passible de deux ans de prison.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 mai 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Pol Pot.
Norodom Sihanouk.
La loi sur les génocides.
Le fabuleux festin de bébé.


 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250519-pol-pot.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/pol-pot-l-incarnation-de-la-260147

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/17/article-sr-20250519-pol-pot.html


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10 juillet 2022 7 10 /07 /juillet /2022 05:45

« Le premier tir a fait le bruit d’un jouet. [Il] n’est pas tombé et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir une étincelle et de la fumée. (…) Des gens l’ont entouré et lui ont fait un massage cardiaque. » (Une jeune femme qui a témoigné sur NHK le 8 juillet 2022).




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L’ancien Premier Ministre japonais Shinzo Abe a été assassiné le vendredi 8 juillet 2022 dans la ville de Nara, alors qu’il participait vers midi dans la rue à un meeting électoral. Des élections sénatoriales ont lieu ce dimanche 10 juillet 2022 au Japon : 124 sièges sur 248 sont renouvelables à la Chambre des conseillers (chambre haute, équivalent du Sénat), et Shinzo Abe était en train de prononcer un discours pour soutenir Kei Sato, un jeune sénateur sortant de son parti, le parti libéral-démocrate (PLD), qui venait d’annoncer sur sa page Facebook : « Shinzo Abe arrive ! ». 56 sénateurs PLD sur les 113 au total avaient leur mandat à renouveler à cette occasion.

Atteint par deux balles tirées par derrière par l’assassin qui semblait être isolé et avoir fabriqué une arme artisanale, Shinzo Abe a succombé à ses blessures à l’hôpital. Ce genre d’attentat est extrêmement rare car la sécurité est généralement très forte et les armes à feu interdites (le contraire des États-Unis). Cet assassinat a non seulement ému la classe politique japonaise mais aussi l’ensemble de la "communauté internationale", un peu à l’image de l’assassinat d’Olof Palme, Premier Ministre suédois alors en exercice, le 28 février 1986.

Car Shinzo Abe était l’un des plus grands hommes d’État du Japon depuis la guerre, avec même un record de longévité au pouvoir. Fils de Shintaro Abe, qui fut Ministre des Affaires étrangères du 27 novembre 1982 au 22 juillet 1986 dans les gouvernements de Yasuhiro Nakasone, Shinzo Abe a repris l’engagement familial au sein du PLD, au pouvoir depuis 1955 quasiment en permanence (sauf quelques années). Représentant (député) depuis juillet 1993 (élu dix fois), il a présidé le PLD et fut élu Premier Ministre du Japon du 26 septembre 2006 au 26 septembre 2007 et du 26 décembre 2012 au 16 septembre 2020.

Considéré comme un "faucon" du PLD, à savoir un nationaliste et un tantinet révisionniste, à la fois protectionniste et défenseur du libre-échangisme, ainsi que de la démocratie, Shinzo Abe avait annoncé sa démission le 28 août 2020, après le début éprouvant de la pandémie de covid-19, pour des raisons de santé, atteint d’une maladie chronique qui évoluait mal. Il a profondément marqué la vie politique japonaise tant sur le plan intérieur que sur le plan diplomatique où il s’était montré volontariste, affirmant sa fermeté vis-à-vis de la Chine, mais il avait aussi opéré un rapprochement avec la Russie, tout en confortant l’alliance militaire avec les Américains.

L’actuel Premier Ministre japonais (depuis le 4 octobre 2021), Fumio Kishida (PLD), qui fut Ministre des Affaires étrangères du 26 décembre 2012 au 3 août 2017, a été très touché par la mort de son mentor et a exclu d’arrêter le processus électoral : « Nous devons absolument défendre les élections libres et équitables, qui sont le fondement de la démocratie [et] nous ne céderons jamais à la violence. ».

Les trois derniers Présidents de la République française Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron ont été très affectés par l’annonce de l’assassinat de Shinzo Abe. Emmanuel Macron, qui l’avait reçu deux fois à Paris et avait été reçu à Tokyo en juin 2019, a précisé que l’ancien Premier Ministre japonais était un grand ami de la France et qu’ils avaient noué d’excellentes relations qui « ont contribué à rapprocher la France et le Japon et à intensifier leurs coopérations face aux défis mondiaux. ».

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Resté député et encore actif et influent dans la vie politique, Shinzo Abe s’était exprimé le 27 février 2022 sur la chaîne Fuji Television à propos de l’invasion par la Russie de l'Ukraine. Il connaissait bien Vladimir Poutine qu’il avait rencontré vingt-sept fois et estimait que le Président russe ne voulait pas annexer de territoires mais avait peur pour la sécurité de son pays : « Vladimir Poutine ne peut absolument pas tolérer l’expansion de l’OTAN en Ukraine. ».

Toutefois, lors d’un meeting politique récent de son parti, l’ancien dirigeant japonais avait condamné l’agression russe : « L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne peut absolument pas être tolérée. La Russie devrait résoudre ses problèmes par le dialogue et retirer ses troupes immédiatement. ».

L’assassinat de Shinzo Abe rappelle aussi l’extrême menace qui pèse même sur les anciens dirigeants d’États démocratiques. En tant qu’ancien Premier Ministre, Shinzo Abe ne bénéficiait de la protection que de deux gardes, ce qui est un dispositif très léger en cas d’attentat. Cela explique aussi pourquoi les anciens Présidents de la République, en France, bénéficient d’une protection étendue, car au pouvoir, ils ont pu engendrer des mécontentements pouvant déboucher sur de la haine. Quant aux anciens Premiers Ministres français, à commencer par Jean Castex, ils ne bénéficient que d’une protection légère. Comme Shinzo Abe…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 juillet 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Shinzo Abe.
Hiroshige à Paris.
Fukushima, dix ans après.
Le syndrome de Hiroshima.
The show must (Carlos) Ghosn.
G7 à Biarritz : Emmanuel Macron consacré prince du multilatéralisme.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220708-shinzo-abe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/shinzo-abe-sous-le-choc-les-242654

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/07/09/39552196.html









 

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20 mai 2021 4 20 /05 /mai /2021 03:10

« Aujourd’hui, l’Inde semble être revenue à ses vieux démons, aux oppositions sanglantes entre castes, ethnies, religions et partis politiques. On est bien loin de l’image de l’homme à la rose qu’aimait projeter Nehru, ou de celle d’un pays paisible vivant sous les enseignements de "non-violence" de l’hindouisme. » (Patrice De Beer, "Le Monde" du 23 mai 1991).




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Il y a trente ans, le 21 mai 1991, l’ancien Premier Ministre indien Rajiv Gandhi a été assassiné à Sriperumbudur, une ville du Tamil Nadu, en Inde, à l’âge de 46 ans (né le 20 août 1944 à Bombay). Il était en pleine campagne électorale lorsqu’il a été assassiné dans un attentat suicide commis par des séparatistes tamouls (une jeune fille de 17 ans a porté la bombe). Les élections législatives avaient lieu à partir du 20 mai 1991 pendant quelques jours et Rajiv Gandhi présidait depuis 1985 le Congrès national indien (ou Parti du Congrès), l’un des principaux partis indiens, parti fondé en 1885. Une bombe a explosé dans un panier de fleurs porté par une militante tamoule qui l’a salué et s’est approché de ses pieds.

La victime était l’une des figures emblématique de l’Inde moderne, celle depuis son indépendance. Rajiv Gandhi était issu d’une grande famille politique, les Nehru-Gandhi, qui a dominé la vie politique indienne depuis le début du XXe siècle. Il a été le fils et le petit-fils de Premier Ministre, lui-même Premier Ministre.

Le patriarche était Motilal Nehru (1861-1931), lui-même issu d’une famille de dirigeants indiens, et il a présidé le Congrès de 1919 à 1929 et de 1928 à 1929. Son fils Jawaharlal Nehru (1889-1964) lui a succédé à la tête du parti de 1929 à 1930, puis de 1936 à 1937, enfin de 1951 à 1954. Jawaharlal Nehru fut le premier Premier Ministre de l’Inde indépendante, du 15 août 1947 au 27 mai 1964 (à sa mort d’une crise cardiaque). Nehru a conduit une politique socialiste de planification tout en développant un certain capitalisme. Pendant les années 1930, il avait milité avec le Mahatma Gandhi pour l’indépendance de l’Inde.

Une année après sa mort, sa fille Indira Gandhi (1917-1984) est devenue Premier Ministre de l’Inde du 24 janvier 1966 au 24 mars 1977 et de 14 janvier 1980 au 31 octobre 1984 (à son assassinat). Son nom n’a rien à voir (en parenté) avec celui du Mahatma Gandhi, il s’agit de celui de son mari Feroze Gandhi (1912-1960), directeur de journal et député de 1952 à 1960 (à sa mort d’une crise cardiaque).

Indira Gandhi a conduit les destinées de l’Inde d’une main de maîtresse et fut l’une des premières dirigeants politiques femmes d’un État moderne, avec Golda Meir en Israël et Benazir Bhutto au Pakistan. Son assassinat le 31 octobre 1984 par deux de ses gardes du corps, sikhs, a bouleversé le destin de son fils Rajiv. Et des milliers de sikhs furent tués en réaction à cet assassinat.

Initialement, c’était le fils cadet qui était prédestiné à poursuivre l’action politique d’Indira Gandhi, Sanjay Gandhi, qui a pris une influence énorme au sein du pouvoir lors de l’état d’urgence entre 1975 et 1977. Ce dernier, après un premier échec en 1977 (élections qui ont vu aussi l’échec du Parti du Congrès), s’est fait élire député le 6 janvier 1980 mais un accident d’avion en a décidé autrement : Sanjay Gandhi est mort dans le crash le 23 juin 1980 et Indira Gandhi a convaincu son fils aîné Rajiv de reprendre le flambeau en se faisant élire député à la succession de son frère. Après l’assassinat de sa mère, le Parti du Congrès le désigna rapidement pour lui succéder et Rajiv Gandhi est devenu Premier Ministre le 31 octobre 1984. Dans la foulée, il a provoqué de nouvelles élections législatives pour ratifier sa présence à la tête de l’Inde.

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En raison de la forte émotion suscitée par la disparition d’Indira Gandhi, le Parti du Congrès gagna une nouvelle fois ces élections du 24 au 28 décembre 1984, avec 48,1% des voix et 415 sièges sur 541 à la Lok Sabha. Rajiv Gandhi n’avait alors que 40 ans, ce qui était jeune et nouveau pour diriger le gouvernement indien.

Pendant cinq ans, il a réformé le pays avec un élan moderniste, oubliant l’alliance trop proche de l’URSS initiée historiquement par son parti pour se rapprocher du libéralisme économique pour promouvoir les entreprises et moderniser l’économie indienne. Il se rapprocha aussi diplomatiquement des États-Unis et il a pris des mesures très fortes pour favoriser les femmes dans la société.

En outre, il a fait adopter une loi de prévention d’activités terroristes en 1985 qui a institué des détentions préventives et des tribunaux d’exception pour lutter contre le terrorisme dans le Penjab. En raison des critiques des défenseurs des droits de l’homme, cette loi fut abrogée en 1995.

Une affaire de corruption touchant de près le clan familial a favorisé l’échec du Parti du Congrès aux élections législatives des 22 au 26 novembre 1989. Le parti de Rajiv Gandhi n’a obtenu que 39,5% des voix et 197 sièges sur 545, battu par une coalition dirigée par V. P. Singh, dont le parti, le Janata Dal, avec 40,7% des voix, n’a obtenu que 143 sièges mais qui a pu former le nouveau gouvernement, certes minoritaire mais soutenu sans participation par les 85 députés du Bharatiya Janata Party (BJP) et les 45 députés communistes.

Rajiv Gandhi quitta le pouvoir le 2 décembre 1989 et se retrouva dans l’opposition. Après l’échec du gouvernement de V. P. Singh (le BJP lui avait retiré son soutien en raison de l’abandon de la construction d’un temple hindou à la place d’une mosquée à Ayodhya), un gouvernement minoritaire dirigé par Chandra Shekhar a bénéficié du soutien du Parti du Congrès, soutien dont le retrait provoqua la dissolution de la Lok Sabha le 13 mars 1991 et des élections législatives anticipées.

Elles furent organisées pour commencer le 20 mai 1991 et furent reportées aux 12 et 15 juin 1991 en raison de l’attentat. En effet, favori pour revenir à la tête du gouvernement, Rajiv Gandhi fut assassiné dans une forte explosion à Sriperumbudur le 21 mai 1991 alors qu’il faisait campagne dans le Tamil Nadu. C’était un attentat suicide commis par une militante tamoule dans lequel au moins quinze personnes ont perdu la vie (dont une enfant de 10 ans et une étudiante de 17 ans), et quarante-trois autres furent grièvement blessées. Trois terroristes, dont la jeune fille qui a porté la bombe, sont morts dans l’attentat. Son gouvernement était intervenu militairement au Sri Lanka du 29 juillet 1987 au 24 mars 1990 contre les indépendantistes tamouls. Le retrait des troupes d’intervention indienne (IPKF) avait été décidé par le successeur de Rajiv Gandhi.

L’une des raisons de cet attentat, selon la Cour suprême, aurait été l’interview accordée par Rajiv Gandhi dans le magazine "Sunday" du 21 août 1990 où il avait annoncé qu’il enverrait l’IPKF (Force indienne de maintien de la paix) pour désarmer les LTTE (Tigres de libération de l’Îlam tamoul, séparatistes tamouls). Il avait aussi soutenu l’accord conclu entre l’Inde et le Sri Lanka. Le rapport final de l’enquête judiciaire, remis en juin 1992, a conclu que la sécurité avait été adaptée pour Rajiv Gandhi mais que les dirigeants locaux du Parti du Congrès avaient perturbé les dispositions prises.

Rajiv Gandhi aurait été prévenu plusieurs fois des menaces qui pesaient sur lui en cas de présence au Tamil Nadu. Mais une délégation des LTTE aurait rencontré Rajiv Gandhi à deux reprises, le 5 mars 1991 puis le 14 mars 1991 à New Delhi. Cette délégation lui aurait dit qu’il n’y avait aucune menace pour sa vie au Tamil Nadu. C’est pourquoi, selon le journaliste d’investigation Ram Bahadur Rai, Rajiv Gandhi avait été négligent sur les règles de sécurité lors d’une quarantaine de ses meetings. Les LTTE ont été éliminés par l’armée sri lankaise en 2009 après une longue guerre civile.

Rajiv Gandhi fut incinéré au cours de funérailles nationales le 24 mai 1991 où furent représentés plus de soixante pays. Un Prix Rajiv Gandhi a été créé en 1992 par le Parti du Congrès. Depuis l’assassinat de Rajiv Gandhi, le 21 mai est considéré comme la Journée antiterroriste en Inde.

Plusieurs procès ont eu lieu appliquant la loi spéciale contre le terrorisme. Le 28 janvier 1998, le tribunal de Chennai (capital du Tamil Nadu) a condamné à mort vingt-six prévenus, ce qui a suscité de vives protestations des défenseurs des droits de l’homme (le procès était à huis clos et l’identité des témoins pas communiquée). En appel, le 11 mai 1999, la Cour suprême a confirmé seulement quatre des condamnations à mort. Sonia Gandhi (la veuve de Rajiv Gandhi) a demandé la clémence pour l’une des condamnés à mort, qui venait de mettre au monde un enfant, la peine fut commuée pour elle en réclusion à perpétuité. Les trois autres condamnés à mort auraient dû être exécutés le 9 septembre 2011, mais deux jours auparavant, la Haute Cour de Madras (Chennai) a suspendu les exécutions pendant huit semaines. La Cour suprême de l’Inde a finalement commué le 18 février 2014 les trois condamnations à mort à la réclusion à perpétuité (elle avait fait de même pour quinze autres condamnations à mort quelques semaines auparavant pour d’autres affaires). Dès le lendemain, le gouvernement du Tamil Nadu a libéré les sept personnes condamnées, encore en prison, ce qui a provoqué les fermes protestations du gouvernement indien.

Le Parti du Congrès remporta les élections législatives de juin 1991 avec 35,7% et 244 sièges sur 545, et, après le refus de Sonia Gandhi, la veuve, de faire de la politique (considérant que les Indiens n’accepteraient pas d’être dirigés par une Italienne catholique), P. V. Narashimha Rao fut désigné comme nouveau Premier Ministre le 21 juin 1991. Par la suite, les nationalistes du BJP ont gagné plusieurs fois les élections et l’actuel Premier Ministre, Narendra Modi, élu depuis le 26 mai 2014 (et réélu en 2019), provient également du BJP.

Le clan Gandhi a cependant continué à influencer la vie politique. D’abord, par Sonia Gandhi (qui accepta finalement d’aller au combat politique), députée depuis octobre 1999, qui présida le Parti du Congrès du 14 mars 1998 au 15 décembre 2017 et (par intérim) depuis le 10 août 2019. Leur fils Rahul Gandhi (50 ans), député depuis mai 2004, aussi présida ce parti du 16 décembre 2017 au 10 août 2019, et fut le leader candidat au poste de Premier Ministre aux élections législatives du 12 mai 2014 et du 19 mai 2019 (qui furent remportées par le BJP, ce qui expliqua sa démission à la tête du Congrès).

Un article du journal "Le Monde" publié le 19 mars 2021 sur Rahul Gandhi évoquait ainsi : « De vingt ans plus jeune que le dirigeant nationaliste hindou, Rahul Gandhi tente de s’ériger en rempart contre le populisme ambiant, contre la répression dont sont victimes les musulmans et les dalits (anciennement appelés intouchables), et contre la menace qui pèse de plus en plus lourdement sur la liberté d’expression dans le sous-continent. Une tâche ingrate, tant l’actuel Premier Ministre fascine par son image d’homme fort qui se targue de dompter l’épidémie de covid-19 et dont le pays distribue miantenant des vaccins par millions dans le monde entier. » (Guillaume Delacroix et Sophie Landrin). C’était écrit avant qu’une flambée épidémique n’ait dévasté l’Inde avec un niveau record de décès (environ 4 000 chaque jour) et de nouvelles personnes contaminées (environ 300 000 chaque jour).

Note du 26 mai 2021 à propos de cette évolution en Inde : Le Président français Emmanuel Macron a eu un entretien téléphonique le 26 mai 2021 avec le Premier Ministre indien Narendra Modi : « Dans le contexte d'une vague épidémique particulièrement meurtrière en Inde, le chef de l'État a réitéré le soutien et la solidarité du peuple français. Afin de répodre à cette urgence exceptionnelle dans son ampleur, une opération de solidarité indéite, lancée le 1er mai dernier ave la livraison de huit générateurs d'oxygène de grande capacité et d'équipements médicaux, se poursuit sos la forme d'un approvisionnement en conteneurs d'oxygène. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 mai 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rajiv Gandhi.
Mahatma Gandhi.
Inde : le centenaire du massacre d’Amritsar.
Mahatma Gandhi et l’extrême non-violence.
La partition des Indes.
Indira Gandhi.
L’attentat de Peshawar.
Le Pakistan dans le chaos du terrorisme.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210521-rajiv-gandhi.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/inde-l-assassinat-de-rajiv-gandhi-233214

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12 avril 2019 5 12 /04 /avril /2019 03:53

« On tue un homme, on est un assassin. On tue des millions d’hommes, on est un conquérant. On les tue tous, on est un dieu. » (Jean Rostand, 1939).



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Ces derniers jours, le monde a commémoré les victimes du génocide rwandais. Hélas, au-delà des génocides, les massacres ont été fréquents dans l’histoire humaine. L’un de ceux-là a particulièrement marqué le peuple indien : le massacre d’Amritsar, qui s’est déroulé il y a exactement un siècle, le 13 avril 1919, dans le parc appelé Jallianwala Bagh de cette grande ville du Pendjab (qui aujourd’hui compte plus de 1,1 million d’habitants).

La fin de la Première Guerre mondiale à laquelle la population indienne avait participé aux côtés des Britanniques a amorcé un mouvement nationaliste en Inde (qui était sous domination britannique) en raison de l’absence de réformes et d’autonomie. Au contraire, le Rowlatt Act, adopté le 10 mars 1919 par le Conseil législatif impérial à Delhi, renforça la possibilité de répression avec des mesures d’urgences de détention préventive illimitée pour faire face aux attaques des nationalistes.

Le 10 avril 1919, les premières arrestations de leaders du Congrès national indien ont provoqué des manifestations qui ont été réprimées par les troupes britanniques, entraînant des émeutes. La conséquence de ces émeutes fut une série d’assassinats d’Européens et de destructions de bâtiments (banques, écoles notamment) entre le 10 et le 12 avril 1919 à Amritsar. Les Britanniques, et en particulier le gouverneur du Penjab, sir Michael O’Dwyer (1864-1940), étaient donc dans une escalade de la répression.

Le 13 avril 1919, une foule de 25 000 Indiens est venue se rassembler dans le Jallianwala Bagh à l’occasion de la fête des moissons (Baisakhi Day), dans un but pacifique et aussi de résistance pacifique car un tel rassemblement était interdit (tout rassemblement de plus de cinq personnes était interdit). Le jardin public était entouré par de hauts murs.

Une troupe d’un cinquante soldats commandée par le général Reginald Dyer (1864-1927) entra dans le parc et s’installa pour tirer sur la foule. Les soldats ont tiré sur la foule. Ce fut un carnage car la foule n’avait aucun moyen de sortir de ce piège de 28 000 mètres carré. Dyer a ordonné à ses soldats de prendre le temps de tirer, de viser juste, pour ne pas perdre inutilement des balles, et il se vanta après le massacre du rendement des balles utilisées.

Le bilan humain fut très lourd : les rapports officiels ont fait état de 379 personnes tuées et 1 100 personnes blessées (1 650 balles tirées). En fait, ce bilan fut sous-estimé. Des rapports non gouvernementaux ont parlé de plus de 1 000 tués et plus de 1 200 blessés, et un chirurgien qui a secouru les blessés a même signalé plus de 1 800 tués.

Dans l’excellent film "Gandhi" que Richard Attenborough a mis vingt ans à réaliser, sorti en France le 23 mars 1983, le massacre d’Amritsar a été représenté et fut très impressionnant de réalisme. Ce qui m’avait d’ailleurs choqué, c’était le principe du piège : les hauts murs empêchaient la foule d’échapper aux tirs des soldats.

Les autorités britanniques du Penjad avaient considéré ce grand rassemblement non seulement comme une provocation mais comme un risque de guerre civile qu’elles voulaient tuer dans l’œuf. L’objectif n’était donc pas seulement de disperser la foule le jour-là, mais aussi d’impressionner les Indiens sur la détermination du gouverneur britannique à réprimer. Le lendemain, Dyer prononça un discours très menaçant : « Si vous souhaitez la guerre, le gouvernement est prêt à la faire et si vous souhaitez la paix, obéissez à mes ordre et ouvrez vos magasins, sinon, je vais tirer ! ». Un jour plus tard, Michael O’Dwyer instaura la loi martiale pour éviter une extension de la violence dans tout le Pendjab.

Si en Inde, la population britannique a soutenu Dyer et O’Dwyer, à Londres, le sentiment de réprobation fut général. Dyer fut convoqué devant une commission d’enquête (présidée par Lord Hunter) qui l’obligea à démissionner de l’armée en 1920, sans sanction supplémentaire (ce qu’ont approuvé les députés britanniques par 247 voix contre 37). Dans son rapport, la commission affirma : « En continuant à tirer aussi longtemps qu’il l’a fait, il nous semble que le général Dyer a commis une grave erreur. (…) Le général Dyer pensait avoir écrasé la rébellion et sir Michael O’Dwyer était du même avis [mais] il n’y a pas eu de rébellion qui aurait eu besoin d’être écrasée. ».

Le gouvernement britannique lui-même fut choqué par un tel carnage. Bien plus tard, le Premier Ministre David Cameron est venu se recueillir devant le monument rendant hommage aux victimes.

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Au cours d’un débat à la Chambre des Communes le 8 juillet 1920, Winston Churchill, qui était alors le Ministre de la Guerre, avait considéré le massacre ainsi : « C’est un épisode qui me semble sans précédent ni parallèle dans l’histoire de l’Empire britannique. C’est un événement d’un ordre tout à fait différent de l’un quelconque de ces événements tragiques qui se produisent lorsque les troupes entrent en collision avec la population civile. C’est un événement extraordinaire, un événement monstrueux, un événement singulier et sinistre. ».

Churchill était certes capable de compréhension dans des situations difficiles : « Les collisions entre les troupes et les populations indigènes ont été douloureusement fréquentes au triste lendemain de la Grande Guerre. (…) Il y avait eu 36 ou 37 cas de coups de feu sur la foule en Inde à ce moment-là et (…) il y en avait eu de nombreux en Égypte. Dans tous ces cas, l’officier commandant est placé dans une position extrêmement pénible et difficile. (…) [Une] situation désagréable, douloureuse, embarrassante et torturante, mentalement et moralement, dans laquelle l’officier britannique commandant les troupes est placé lorsqu’il est appelé à décider s’il ouvre ou pas le feu, non pas sur les ennemis de son pays, mais sur ceux qui sont ses compatriotes ou qui sont citoyens de notre empire commun. ».

Mais Churchill rejetait catégoriquement les arguments de Dyer : « À Amritsar, la foule n’était ni armée ni attaquante. J’ai soigneusement dit que lorsque j’utilisais le mot "armé", je voulais dire armé d’armes meurtrières ou d’armes à feu. (…) "J’ai été confronté", dit le général Dyer, "à une armée révolutionnaire". Quelle est la caractéristique principale d’une armée ? C’est sûrement qu’elle est armée. Cette foule n’était pas armée. (…) Il existe un autre test qui n’est pas aussi simple, mais qui a néanmoins souvent servi de guide. Je parle de la doctrine selon laquelle il ne faut pas utiliser plus de force que nécessaire pour assurer le respect de la loi. ».

Et de terminer de manière très ferme et en élevant les enjeux : « Il y a sûrement une interdiction générale que nous pouvons faire. Je veux dire une interdiction de ce qu’on appelle "la terreur". Ce que je veux dire par terreur, c’est infliger de grands massacres à une foule particulière de personnes dans le but de terroriser non seulement le reste de la foule, mais toute la province ou le pays tout entier. (…) Nous ne pouvons admettre cette doctrine sous aucune forme. La pharmacopée britannique ne connaît pas l’épouvante. Je ne cède devant personne dans ma détestation du bolchevisme et de la violence révolutionnaire qui le précède. (…) Ma haine du bolchevisme et des bolcheviks n’est pas fondée sur leur système idiot d’économie ou leur doctrine absurde d’une impossible égalité. Elle découle du terrorisme sanglant et dévastateur qu’ils pratiquent dans tous les pays où ils sont entrés et par lequel seul, leur régime criminel peut être maintenu. » (8 juillet 1920).

On constate ainsi à quel point Winston Churchill était un grand politique, capable de donner des modes d’emploi aux officiers en "situation délicate" (faut-il ou pas tirer sur la foule ?) en leur proposant quelques critères pour se guider, tout en rappelant sa cohérence politique totale sur sa "haine du bolchevisme" : le refus de carnage. Indiscutablement, même sur des sujets aussi traumatisants que le massacre d’Amritsar, Churchill savait mettre de la hauteur dans les débats parlementaires. Il avait face à lui des députés qui soutenaient Dyer en pensant qu’il avait protégé l’Empire britannique des révolutionnaires.

Dyer a passé tout le reste de sa vie à justifier ce massacre par le fait qu’il voulait sauver les Indes britanniques de l’insurrection. Il a même publié un article dans "Globe" du 21 janvier 1921 : « L’Inde ne veut pas d’un gouvernement autonome. (…) Il devrait y avoir un onzième commandement en Inde : "Tu ne t’agiteras point". Le temps viendra en Inde où une main forte sera exercée contre la malice et la "perversion" du bon ordre. Gandhi ne mènera pas l’Inde à un gouvernement autonome capable. Le Raj britannique doit continuer, ferme et inébranlable, dans son administration de la justice à tous les hommes. ».

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Néanmoins, certains témoins ont affirmé que juste après la fusillade, Dyer était « troublé et profondément bouleversé par ce qui s’était passé » et même « hébété et secoué ». L’auteur de sa biographie intitulée "Le Boucher d’Amritsar", le lieutenant-colonel Nigel Collett a affirmé : « Il s’est persuadé qu’il était de son devoir d’avoir agi comme il l’a fait, mais il n’a pas pu convaincre son âme qu’il avait bien agi. Cela a pourri son esprit et, je suppose, aggravé sa maladie. ».

Nigel Collett a proposé son hypothèse : « Mon interprétation est que Dyer a fait ce qu’il a fait pour apaiser ses profondes peurs que l’Inde, qui était toute sa vie, et la sécurité de sa famille, fussent menacées par une nouvelle insurrection au Pendjab en 1919, et qu’à Amritsar, il pouvait l’arrêter. Mais les explications qu’il a données plus tard pour ses actes étaient déroutantes et peu convaincantes. » ("The Telegraph India" du 5 juin 2005).

Nigel Collett a aussi ajouté, ce qui supprimerait la responsabilité de sa hiérarchie et plus généralement, celle du gouvernement britannique : « Bien que je n’aie rien trouvé de bon à dire sur les membres de la hiérarchie impériale en Inde ou en Grande-Bretagne qui traitaient avec Dyer ou sur le système lui-même (au cours de la rédaction de ce livre, j’ai eu à mépriser la plupart des personnages impliqués et le système qu’ils ont utilisé), j’en conclu que Dyer est responsable de ce qu’il a fait. Je pense qu’il est mort en pensant cela aussi. ».

Profondément diminué par des attaques cérébrales qui l’ont paralysé, Dyer est mort d’une hémorragie cérébrale le 23 juillet 1927 en Angleterre en lâchant avec vanité : « Beaucoup de gens qui ont connu les événements d’Amritsar disent que j’ai bien fait… mais beaucoup d’autres disent que j’ai mal fait. Je veux seulement mourir et savoir de mon créateur si j’ai bien fait ou mal fait. ». À sa mort, il bénéficia de certains titres laudateurs comme celui du "Morning Post" : « L’homme qui a sauvé l’Inde ».

Le "Morning Post", qui fusionna plus tard avec le "Daily Telegraph", avait collecté pour près d’un million de livres sterling (j’évoque des livres sterling équivalentes à celles d’aujourd’hui) pour venir en aide matérielle à Dyer, montant à comparer aux 1 500 livres sterling  de réparation versées à chaque famille des victimes du massacre, ce qui scandalisa de nombreux Indiens, en particulier le Prix Nobel de Littérature 1913 Rabindranath Tagore (1861-1941).

Quant au gouverneur Michael O’Dwyer, il fut relevé de ses fonctions et bien plus tard, il fut assassiné le 13 mars 1940 à Londres, à l’occasion d’une conférence au Caxton Hall, par un survivant du massacre (qui fut condamné à mort et exécuté par pendaison le 31 juillet 1940).

Selon les témoignages de l’époque, Dyer était apprécié de ses hommes, y compris des soldats indiens. Il parlait de nombreux dialectes indiens et connaissait mieux l’Inde que la Grande-Bretagne. Dans sa face obscure, il falsifiait beaucoup certaines de ses erreurs pour pouvoir monter en grade ou éviter les problèmes avec sa hiérarchie (il a lui-même attendu six mois avant d’informer sa hiérarchie du massacre). Déjà malade et éloigné de sa famille qu’il chérissait, il a eu peur d’une insurrection équivalente à celle de 1857 et s’était donné la mission de sauver les Indes britanniques. La réalité, c’est que cela au contraire les a précipitées dans le chaos humains pendant un quart de siècle.

Ce déchaînement de violences suscita en effet beaucoup de rancœur et de soif de vengeance de la part du peuple indien, ce qui a renforcé aussi la détermination de Gandhi à lancer le Mouvement de non-coopération en 1920 qui a abouti finalement à la décolonisation et à l’indépendance des Indes le 15 août 1947.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 avril 2019)
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Pour aller plus loin :
Inde : le centenaire du massacre d’Amritsar.
Gandhi et l’extrême non-violence.
La partition des Indes.
Indira Gandhi.
L’attentat de Peshawar.
Le Pakistan dans le chaos du terrorisme.

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30 septembre 2018 7 30 /09 /septembre /2018 04:27

« Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant
Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve. »
(Baudelaire, 1868).


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Le vendredi 28 septembre 2018 à 12 heures 02 (heure de Paris) a eu lieu un terrible séisme de magnitude 7,4 (magnitude du moment, "moment" à prendre dans le sens physique du terme), suivi d’un tsunami. L’épicentre du tremblement de terre est dans l’île des Célèbes (Sulawesi en anglais), en Indonésie, à 77 kilomètres de Palu. Sa profondeur de 12 kilomètres.

Paysages de désolation. Ce matin du dimanche 30 septembre 2018, le dernier bilan officiel provisoire a atteint 832 personnes mortes (dont 832 à Palu), 540 personnes blessées et des centaines d’habitants sont déclarés disparus (dont au moins une centaine prisonniers d’un centre commercial). Hélas, ce décompte macabre risque de grimper encore tant les conséquences sont désastreuses. Selon certains organismes officiels, 17 000 personnes ont été déplacées à Palu à cause du séisme et 2,4 millions de personnes ont été affectées par lui.

Pour donner une comparaison, le grand séisme à Haïti survenu le 12 janvier 2010 et qui a tué environ 300 000 personnes était de magnitude 7,3, mais frappant des zones à l’urbanisation très dense dans un pays très pauvre aux constructions pas du tout préparées aux catastrophes.

Les secours sont en pleine course de vitesse. Il faut dégager les débris pour tenter de retrouver des personnes et les sauver avant qu’elles ne soient asphyxiées, écrasées, etc. D’autant plus qu’il y aura des répliques. Le Président indonésien Joko Widodo craint plusieurs milliers de victimes…

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C’est pourquoi il faut une mobilisation internationale pour venir en aide à l’Indonésie. Il faut bien sûr que le pays en fasse la demande, mais rien n’empêche les autres de proposer leur aide. Dans ces moments douloureux, c’est indispensable que la solidarité mondiale s’exprime, de manière inconditionnelle, pour pouvoir sauver ceux qui pourraient encore l’être, dans l’urgence.

Cette solidarité mondiale sera de plus en plus indispensable. Si la catastrophe des Célèbes provient d’une faille et de la mécanique implacable des plaques tectoniques, d’autres surviendront pour des raisons climatiques. Or, l’emplacement des pays par rapport aux zones de catastrophes est dû au hasard, pour les peuples. Et les zones qui pouvaient imaginer être à l’abri des catastrophes pourraient ne plus l’être.

Une action internationale de long terme est déjà engagée pour réduire les effets de l’évolution climatique de la planète, avec encore quelques incertitudes sur le diagnostic (l’origine très multiple de ces changements climatiques) et plus encore sur les mesures "correctives" à mettre en œuvre d’une manière planétaire (la COP21 a eu cette ambition, mais certains pays résistent à agir).

Parallèlement au long terme, il faut de nouveaux pompiers du monde. Il y a urgence à sauver des vies humaines. Aujourd’hui, c’est en Indonésie, demain ailleurs. Il faut aider l’Indonésie. Demain, ce sera peut-être l’Indonésie qui viendra "nous" aider (le "nous" étant très général). C’est le principe de la solidarité : le groupe aide celui qui est en difficulté, avec l’idée que chacun peut se retrouver en difficulté, d’une manière ou d’une autre, un moment ou un autre.

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Pourquoi en parler seulement maintenant et pas à l’occasion d’autres séismes tout aussi ravageurs et encore récents ? À Hokkaido, un séisme le 6 septembre 2018 a fait au moins 41 morts, de magnitude de moment de 6,6 (le Japon est équipé pour résister aux tremblements de terre). L’ouragan Florence a fait au moins 48 morts du 31 août 2018 au 19 septembre 2018 au sud-est des États-Unis. Le typhon Jebi a fait au moins 17 morts du 27 août 2018 au 7 septembre 2018 à Taiwan et au Japon. Le typhon Mangkhut a fait au moins 155 morts du 7 au 17 septembre 2018 en Asie du Sud-Est. Ce sont les plus récentes catastrophes. La liste n’est pas exhaustive hélas…

Peut-être parce qu’une image me vient à l’esprit. Sauver des vies humaines, protéger leur population doit être la priorité numéro un des gouvernements de la planète. Mais pourquoi vouloir ainsi protéger les humains ? Parce que l’attachement à la vie humaine, la préservation de l’humain, c’est non négociable, c’est une valeur universelle (et pas seulement chrétienne). C’est une valeur humaine universelle, et la plupart des gouvernements, d’ailleurs, en tiennent compte. Ne serait-ce qu’en limitant sinon en évitant les guerres.

Or, il y a au monde, même parmi certains pays dits démocratiques et dits épris des libertés individuelles, un terrible paradoxe si ce n’est un terrible anachronisme. Vouloir sauver les vies humaines est une préoccupation naturelle et universelle, et réelles de tous les gouvernements. Pourquoi ? Parce que la vie humaine, quoi qu’on en dise, quelle que soit la foi ou la croyance qu’on a ou qu’on n’a pas, la vie humaine est sacrée. Mais pourtant, paradoxalement, certains États admettent le principe de la peine de mort. C’est-à-dire, se permettent de violer cette caractéristique sacrée de la vie humaine.

En venant proposer spontanément son aide pour secourir la population touchée par cette nouvelle tragédie, la France pourrait probablement faire mieux comprendre au gouvernement indonésien que pour elle, une vie humaine est précieuse et sacrée. Et faire comprendre l’urgence de la clémence pour ses prisonniers que la justice indonésienne a condamnés à mort. En particulier Mary Jane Veloso et Serge Atlaoui.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 septembre 2018)
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Pour aller plus loin :
Le tsunami des Célèbes (28 septembre 2018).
Le tremblement de terre à Haïti (12 janvier 2010).
Amoco Cadiz (16 mars 1978).
Tchernobyl (26 avril 1986).
AZF (21 septembre 2001).
Fukushima (11 mars 2011).
L’industrie de l’énergie en France.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180928-celebes.html

https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/tsunami-aux-celebes-sulawesi-il-208109

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19 novembre 2017 7 19 /11 /novembre /2017 01:09

Le 30 octobre 1984, Indira Gandhi, alors Premier Ministre de l'Inde, lâchait : « Si je dois mourir au service de la nation, je le ferai avec fierté ! ». Le lendemaine, elle se faisait assassiner par deux de ses gardes du corps sikhs. Plusieurs milliers de sikhs furent massacrés par des hindoux en réaction à cet assassinat... Ce dimanche 19 novembre 2017 marque le centenaire de la naissance d'Indira Gandhi, fille de Jawaharlal Nehru.

Pour se resouvenir d'Indira Gandhi :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-124882815.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20171119-indira-gandhi.html


 

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17 octobre 2017 2 17 /10 /octobre /2017 02:35

« Pour le nucléaire, le mystère est entretenu afin de pouvoir monnayer sa capacité de nuisance. » (2003).


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Depuis quelques mois, la Corée du Nord fait parler d’elle. En cause, sa capacité nucléaire militaire. Son dictateur Kim Jong-Un (le seul dirigeant au monde d’une monarchie communiste) a montré à plusieurs reprises, d’une manière très "virile", qu’il était capable d’envoyer loin des missiles et que son pays était devenu une puissance nucléaire. Le séisme enregistré le 23 septembre 2017 laisserait entendre qu’il s’agirait d’une explosion nucléaire souterraine.

L’imprévisibilité caractérielle du Président américain Donald Trump ne laisse évidemment rien augurer de bon : la surenchère de "celui-qui-a-la-plus-grosse" pourrait déborder sur une catastrophe mondiale qui, si elle est encore peu probable selon les supposés experts, n’en devient cependant plus …impossible ni inimaginable. Donald Trump a même affirmé à la tribune de l’ONU le 19 septembre 2017 vouloir "détruire totalement" la Corée du Nord si elle continuait à jouer avec la bombe H.

Peut-être que la France, dirigée par Emmanuel Macron, qui a noué de bons contacts avec Donald Trump, aurait une carte diplomatique à jouer pour jouer le rôle de médiateur auprès de celui qui sait parler français, anglais et allemand au-delà de vouloir jouer avec ses canons et ses missiles.

Poursuivant le culte de personnalité de ses dirigeants, la Corée du Nord a fêté le 8 octobre 2017 le vingtième anniversaire de l'élection de Kim Jong-Il (le père de Kim Jong-Un) aux fonctions de Secrétaire Général du Parti du travail de Corée (le parti communiste unique de Corée du Nord). La Corée du Nord, dernière véritable dictature stalinienne au monde, est un pays particulièrement mystérieux car peu d’informations vraiment fiables en sortent. D’un côté, la propagande d’un pouvoir sans partage, comme du temps du communisme triomphant, de l’autre côté, des rumeurs et des désinformations régulièrement propagées par des officines en Corée du Sud. Faire la part des choses est assez difficile, mais c’était valable aussi à l’époque de l’Union Soviétique où peu d’informations étaient diffusées sur la réalité des pays communistes.

Il m’a semblé intéressant d’évoquer le livre de Guy Delisle sur la Corée du Nord. Cet excellent dessinateur n’était pas, à l’origine, un auteur de bande dessinée, mais avant tout un "animateur", chargé de réaliser des dessins animés. Sa profession l’a amené à faire quelques voyages dans des pays que je qualifierais d’exotiques pour le Québécois vivant en France qu’il est. En fait, ces pays seraient tout aussi exotiques pour un Australien, un Russe ou un Marocain. Chaque séjour, d’abord seul pour raison professionnelle, puis en famille, pour suivre son épouse médecin sans frontières, a été l’objet d’un journal de voyage où il raconte très candidement ce qu’il y voit et y ressent, sans autre prétention ni ambition. Il n’est donc pas un livre de propagande ; il n’est pas non plus un livre objectif.

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Si le livre "Pyongyang" paru en 2003 (éd. L’Association), retraçant son séjour de deux mois en Corée du Nord en 2001 (sous le "règne" de Kim Jong-Il, le père du dernier et le fils du fondateur de la dynastie), s’est si bien vendu (traduit dans des dizaines de langues), c’est justement à cause du manque d’information sur ce pays et du ton volontairement simple et clair qu’a adopté Guy Delisle. Pour autant, je le répète, il faut évidemment se mettre en garde car ce livre n’a aucun objectif documentaire. C’est une vision et un ressenti, très subjectifs et personnels, et en aucun cas un documentaire neutre et factuel sur la société nord-coréenne.

En ce sens, on pourra comprendre que certains proches de la Corée du Nord puissent avoir une lecture critique de l’ouvrage (on peut lire par exemple cet article), mais cela ne discrédite en rien la bande dessinée qui n’a aucune autre ambition qu’autobiographique. Les différences culturelles peuvent certes prêter à des interprétations erronées, dans un sens ou dans un autre. Même la forme de la bande dessinée (le choix du noir et blanc) peut donner lieu à une intention négative vis-à-vis de la Corée du Nord alors que tous les ouvrages de la collection éditoriale sont en noir et blanc (c’est le style adopté qui n’a rien à voir avec le sujet). Sur les différences culturelles, je recommande la lecture très éloquente de la lettre du traducteur sud-coréen que l’auteur a mise en ligne ici, pour montrer à quel point il est difficile de franchir les barrières tant culturelles que linguistiques.

Guy Delisle explique dans son livre que s’il a dû se rendre à Pyongyang, c’est tout simplement parce que le travail d’animation s’est délocalisé en Corée du Nord, où les coûts salariaux sont plus faibles (qu’en France mais aussi qu’en Chine populaire). C’est donc paradoxalement une preuve d’ouverture économique qui lui permet d’entrer en Corée du Nord.

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C’est aussi un effet de la mondialisation qui déporte de nombreuses tâches dites répétitives, mais l’on se rend compte, à la lecture du livre, que même les tâches d’exécution sont souvent à corriger plusieurs fois, en raison de la mauvaise compréhension des consignes (des gestes trop lents, des yeux qui louchent, une bouche qui sourit à l’annonce d’une chose triste, des "gestes culturels" incompréhensibles et donc mal reproduits, etc.).

Je me permets de proposer ici quelques extraits du livre qui, je l’espère, donneront envie de lire l’ouvrage de 178 pages dans sa totalité si cela ne l’a pas déjà été fait.

L’exemple typique de non neutralité est par exemple lorsque Guy Delisle évoque l’aide alimentaire internationale et sa redistribution. Il ne cite aucune référence pour asseoir ses affirmations.

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Cela dit, la plupart des anecdotes narrées sont du ressenti réellement vécu, comme cette idée de faire croire au peuple que la guerre est imminente.

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Il décrit l’armée nord-coréenne comme la quatrième armée au monde, avec un arsenal conventionnel mais aussi biochimique, voire nucléaire…

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Le culte de la personnalité y est très fort : amusement, étonnement et nausée s’y bousculent chez l’auteur. Guy Delisle raconte que le portrait des deux dictateurs, Kim Il-Sung et son fils et successeur Kim Jong-Il, sont partout affichés.

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Cela permet au dessinateur de dessin animé de s’amuser dans une mise en abyme particulière.

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Au point même d’être troublé par des visions paranoïaques qui laissent croire que le commandant suprême des armées surveille chaque fait et geste de chaque citoyen partout et à tout instant.

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Ou d’être agacé par le saccage de la nature…

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Comble du culte de la personnalité, même mort, Kim Il-Sung, le fondateur, reste le roi, désigné dans un amendement constitutionnel adopté le 5 septembre 1998 (soit plus de quatre ans après sa mort) "Président perpétuel de la République populaire et démocratique de Corée" (il n’existe pas de Corée du Nord en Corée du Nord, il n’existe qu’une Corée). Le calendrier (dit juche) utilisé en Corée du Nord (depuis le 9 juillet 1997) fait commencer le monde l’année de naissance de Kim Il-Sung, en 1912.

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La visite des musées est toujours particulière pour les étrangers. La propagande anti-américaine est systématique au point de chercher à convaincre les visiteurs de leur "méchanceté" et "cruauté".

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Comment manier à la fois la franchise et la politesse, à la fin d’une visite de musée.

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Le Coca-cola comme outil révolutionnaire (ou contre-révolutionnaire) est proposé à l’issue d’une visite touristique.

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Autre fait de contestation, provenant d’un citoyen nord-coréen et pas de lui l’étranger, c’est de ne pas aller regarder le film officiel proposé, toujours à base de guerre, d’actes héroïques, et de grandeur du pays.

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La capitale nord-coréenne est triste, du point de vue de l’auteur, car rien n’y est improvisé.

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Un autre expatrié, qui bénéficie dans son hôtel de la réception de chaînes de télévision "occidentales" (CNN et TV5), lui raconte l’histoire d’un demi-frère de Kim Jong-Un (et fils de Kim Jong-Il), Kim Jong-Nam, qui, étudiant de 30 ans en Suisse, avait été arrêté à la douane japonaise avec un faux passeport dominicain (sous un nom chinois Pang Xiong), et cela simplement pour aller au parc d’attractions de Disney à Tokyo en passant inaperçu ! (Rappelons que le Japon est considéré comme une nation ennemie car ayant conquis et occupé le territoire coréen). Menant une vie dissolue, Kim Jong-Nam a été assassiné à l’aéroport de Kuala-Lumpur (en Malaisie) le 13 février 2017 (par empoisonnement), probablement par des agents nord-coréens.

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Cherchant quelques avantages à cette situation de délocalisation, Guy Delisle se rend bien compte que le travail commandé donne l’occasion à des petits génies du dessin de sortir de leur village perdu pour aller travailler dans la capitale et avoir une meilleure vie.

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Là encore, il retransmet quelques bruits de couloir (vrais ou faux, impossible de le savoir) en disant que d’habitude, la promotion sociale se ferait plutôt, pas par le mérite, mais par la surveillance des citoyens par les eux-mêmes, par la délation, fait que contesteront évidemment les proches du pouvoir nord-coréen.

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L’anecdote la plus forte du livre concerne le handicap. Guy Delisle fait constater à son interlocuteur nord-coréen qu’il ne voit aucune personne en situation de handicap. Pourtant, la nature humaine est telle qu’il y a toujours entre 5% et 10% de personnes qui souffrent d’un handicap spécifique, et la population nord-coréenne n’a aucune raison de ne pas se conformer à ce genre de statistiques. La réponse langue de bois est que le peuple nord-coréen est parfait et qu’il est toujours en bonne santé et intelligent. Il manque évident la réponse (et même la question) sur la réalité : que deviennent les personnes réellement en situation de handicap en Corée du Nord ?

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Guy Delisle essaie aussi de convaincre son interlocuteur que la pluralité des sources d’informations donne une meilleure vision d’un fait, et il montre un exemplaire du "Canard enchaîné" de la campagne présidentielle de 2002 où les deux principaux candidats Jacques Chirac et Lionel Jospin (les deux têtes de l’Exécutif, les deux chefs politiques !) sont moqués par le dessinateur Cabu (le sujet était sur le choix du futur Premier Ministre de chacun des candidats : Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy ou Philippe Douste-Blazy pour le premier, Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry ou François Hollande pour le second).

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En conclusion, cette dernière question que se pose l’auteur lui-même, sur le degré de crédulité des Nord-coréens : sont-ils dupes ou pas de ce que le pouvoir politique leur dit et qu’ils répètent aux étrangers ?

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Je signale enfin une excellente série télévisée française en trois épisodes de 52 minutes chacun intitulée "Kim Kong", créée par Simon Jablonka et Alexis Le Sec et réalisée par Stephen Cafiero, diffusée le 14 septembre 2017 sur Arte. Une fiction à la fois dramatique et comique qui se déroule en Corée du Nord à l’époque de Kim Jong-Un et qui retrace la vie d’un réalisateur de mauvais films qui s’identifie à François Truffaut et qui est enlevé par le dictateur (reprenant un fait historique sous Kim Il-Sung avec l’enlèvement de Shin Sang-Ok et de Choi Eun-Hee en 1978) et dont l’atmosphère est sensiblement similaire à celle du livre de Guy Delisle.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu

(Toutes les illustrations sont des dessins réalisés par Guy Delisle pour les éd. L'Association).


Baby Kim.
Serial killer professionnel ?
Lecture critique du livre de Guy Delisle sur la Corée du Nord.
Lettre du traducteur sud-coréen de Guy Delisle.
"Kim Kong" (diffusé le 14 septembre 2017 sur Arte).
"Pyongyang" de Guy Delisle (éd. L’Association).
Sempé.
Petite anthologie des gags de Lagaffe.
Jidéhem.
Gaston Lagaffe.
Albert Uderzo.
Cabu.
Inconsolable.
Les mondes de Gotlib.
René Goscinny.
Tabary.
Hergé.
Comment sauver une jeune femme de façon très particulière ?
Pour ou contre la peine de mort ?

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170911-coree-nord.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/la-coree-du-nord-de-guy-delisle-197087

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/10/17/35705568.html


 

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11 septembre 2017 1 11 /09 /septembre /2017 03:45

« Je suis le Président. Je suis l’homme le plus puissant des Philippines. Tout ce que j’ai rêvé, je l’ai. Plus précisément, j’ai toutes les choses matérielles que je veux de ma vie, une femme qui m’aime et qui est une partenaire dans les choses que je fais, des enfants brillants qui porteront mon nom, une vie bien remplie. Mais je ressens un mécontentement. ». Première partie.


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Dans la famille des dictateurs, il est l’oncle ou le grand-oncle venu des Philippines. Ferdinand Marcos est né il y a un siècle, le 11 septembre 1917. L’occasion de revenir sur la trajectoire de l’un des tyrans d’Asie du Sud-Est d’après-guerre. Son régime fut l’un des plus corrompus et des plus violents.

Fils de Mariano Marcos (1897-1945), un député du Parti nationaliste de 1925 à 1931 qui a fini assassiné ou exécuté peu avant la fin de la guerre (soit par des Japonais, soit par des proches d’un rival politique), Ferdinand Marcos, engagé à l’âge de 20 ans dans l’armée tout en préparant des études de droit pour devenir avocat (qu’il est devenu), fut accusé et même condamné en novembre 1939 pour le meurtre d’un député qui était un adversaire politique de son père. La cour suprême l’a néanmoins acquitté en 1940. Durant la guerre, il combattit avec le grade de "major" (équivalent de commandant), mais beaucoup de faits de guerre qu’il a revendiqués bien plus tard se sont révélés faux. Après la guerre, Marcos amorça une carrière politique au sein du Parti libéral dont il fut membre de 1946 à 1964.

Il fut élu député du 30 décembre 1949 au 30 décembre 1959, puis élu sénateur du 30 décembre 1959 au 30 décembre 1965. À la Chambre des représentants, il fut élu en 1949 président de la commission du commerce et de l’industrie et membre de la commission de la défense présidée par Ramon Magsaysay (1907-1957). Ferdinand Marcos fut le porte-parole des libéraux sur les sujets économiques. Après trois mandats de député, il fut élu sénateur et est devenu le leader de la minorité en 1960. Il fut vice-président exécutif du Parti libéral de 1961 à 1964. Il fut élu Président du Sénat du 5 avril 1963 au 30 décembre 1965.

Ferdinand Marcos épousa Imelda Romualdez (88 ans actuellement) en mai 1954 à Manille (très ambitieuse, elle fut Miss Philippines,.mannequin et chanteuse). Le nationaliste Ramon Magsaysay, ami de la famille, devenu Président des Philippines le 30 décembre 1953, était présent, comme il fut présent aussi en 1954 au mariage du journaliste libéral Benigno Ninoy Aquino (1932-1983) avec Cory Aquino (1933-2009). Imelda Marcos a beaucoup agi pour faire connaître au grand public son mari et le faire apprécier. En avril 1964, Marcos quitta le Parti libéral pour le Parti nationaliste dont il devint rapidement le leader dans la perspective de l’élection présidentielle.

Depuis la guerre, le pouvoir politique était partagé entre le Parti libéral et le Parti nationaliste, avec de nombreuses alternances : en 1946, en 1953 et en 1961. À l’élection présidentielle du 14 novembre 1961, le libéral Diosdado Macapagal (1910-1997) fut élu Président avec 55,1% des voix contre le Président sortant, nationaliste, Carlos P. Garcia (1896-1971), le successeur de Ramon Magsaysay, tué le 17 mars 1957 au cours d’un accident d’avion. Carlos P. Garcia avait été élu le 12 novembre 1957 avec 41,3% des voix (Carlos P. Garcia  avait succédé à Ramon Magsaysay car il avait été élu Vice-Président le 10 novembre 1953 avec 62,9% des voix). Diosdado Macapagal avait réussi à se faire élire Vice-Président le 12 novembre 1957 avec 46,6% des voix malgré l’élection du nationaliste (il y a deux scrutins populaires différents, pour élire le Président et le Vice-Président).

La perspective de l’élection présidentielle du 9 novembre 1965, c’était une nouvelle candidature du sortant libéral Diosdado Macapagal. Pour la première fois, tous les "grands" candidats en compétition furent nés après la déclaration d’indépendance des Philippines le 12 juin 1998. Ferdinand Marcos, sous l’étiquette du Parti nationaliste, fut élu Président des Philippines avec 51,9% contre Diosdado Macapagal, seulement 42,9%. Durant la campagne présidentielle, Marcos avait vanté ses mérites militaires, évoquant des médailles et des actes d’héroïsme qui n’ont jamais existé.

Sa victoire provoqua initialement beaucoup d’attente dans la population sur le plan économique. Malgré une modernisation de l’agriculture, les inégalités économiques ont perduré. La croissance économique fut importante et les réformes de Marcos furent considérées comme une réussite économique. Entre 1966 et 1971, le taux de croissance annuel moyen fut de 5,3%. Sur le plan militaire, Marcos engagea des troupes philippines dans la guerre du Vietnam.

L’embellie économique profita électoralement à Ferdinand Marcos qui fut réélu pour un deuxième mandat le 11 novembre 1969 avec 61,5% des voix, devançant largement son rival libéral Sergio Osmena Jr (38,5% des voix), fils d’un ancien Vice-Président. Ce fut la première fois (et l’unique fois pour l’instant) qu’un Président fut réélu.

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Dès le début de ce deuxième mandat, Marcos a dû affronter une période de grandes manifestations à Manille contre son pouvoir, entre janvier et mars 1970. Principalement provoquées par les étudiants contre les dysfonctionnements scolaires (réclamant la suppression des frais de scolarité, etc.) et par des groupes extrémistes de gauche (notamment communistes) réclamant la fin de la pauvreté et une réforme institutionnelle, les protestations furent violentes.

La réaction de Ferdinand Marcos fut elle aussi brutale et il s’en est d’abord pris à son Vice-Président Fernando Lopez (1904-1993), élu et réélu en même temps que lui (et ancien Vice-Président de 1949 à 1953). En effet, la famille de Fernando Lopez contrôlait de nombreux journaux qui critiquaient l’action de Marcos. Simple rumeur, Marcos a même cru qu’Eugenio Lopez Sr (1901-1975), frère de Fernando Lopez et père de la télévision philippine, fondateur d’un groupe financier puissant et influent, avait prévu de l’assassiner.

En janvier 1970, Marcos écrivit cette réflexion dans son journal : « J’ai plusieurs options. L’une d’elles est de stopper immédiatement le plan subversif en arrêtant soudainement les comploteurs. Mais cela ne serait pas accepté par la population. Nous ne pourrions pas non plus avoir les communistes (…). Ni le mouvement maoïste international, et d’autres organisations subversives, ni celles qui sont souterraines. Nous pourrions laisser la situation évoluer naturellement vers un terrorisme massif, des meurtres impitoyables, une tentative de m’assassiner et un coup d’État, et alors, nous pourrions déclarer la loi martiale ou suspendre les droits de l’habeas corpus, et arrêter tout, y compris le cadre juridique. À l’heure actuelle, je suis tourné vers cette dernière option. ».

Le journaliste Benigno Ninoy Aquino, fils et petit-fils d’hommes politiques importants, s’engagea au Parti libéral et devint son secrétaire général en 1966. Très jeune maire de Concepcion, sa ville natale, du 30 décembre 1955 au 30 décembre 1959, gouverneur de Tarlac du 30 décembre 1961 au 30 décembre 1967, il fut élu sénateur du 30 décembre 1967 au 23 septembre 1972 (le plus jeune de toute l’histoire du pays). Avec une belle éloquence, il critiqua très rapidement les idées mégalomaniaques d’Imelda Marcos (le 10 février 1969 notamment contre un centre culturel). Il fut la principale figure de l’opposition à Marcos à partir du début des années 1970. Devant ses collègues sénateurs, Benigno Ninoy Aquino a mis en garde la population contre l’instauration possible d’un État policier. Il avait raison.

Lors d’un grand meeting du Parti libéral le 21 août 1971, un attentat a eu lieu tuant neuf personnes et blessant certains hauts responsables. Les soupçons se sont d’abord portés sur Marcos mais d’autres ont émis l’hypothèse plus plausible d’une responsabilité des communistes, soutenus militairement par la Chine populaire de Mao, pour déstabiliser le régime, provoquer une riposte brutale du gouvernement et amorcer la révolution. Certains communistes ont reconnu la responsabilité de leur organisation bien plus tard. La tentative d’assassinat du Ministre de la Défense Juan Ponce Enrile (93 ans actuellement), le 22 septembre 1972, qui fut précédée d’un mois de troubles, de bombardements, a entraîné un point de non retour.

En effet, Ferdinand Marcos, dont le mandat s’achevait à la fin de l’année 1973 et qui était limité à deux mandats, décréta la loi martiale le 23 septembre 1972 (Proclamation n°1081 datée du 21 septembre 1972, avant la tentative d’assassinat du ministre), ce qui a suspendu les libertés, abrogé la Constitution de 1935, interrompu les mandats du Vice-Président, des parlementaires, etc. Bien après les faits, Juan Ponce Enrile a toujours revendiqué la réalité de la tentative d’assassinat contre lui, malgré le décalage de date de l’acte officiel, expliquant qu’il n’y avait pas eu besoin de ce nouvel attentat pour proclamer la loi martiale, en raison des nombreux attentats commis entre mars et septembre 1972 : « Est-ce que j’ai mis en scène mon embuscade pour justifier la déclaration de la loi martiale ? J’ai dit non ! Je ne l’ai pas fait ! (…) Ce n’était pas nécessaire que je le fisse pour justifier la déclaration de la loi martiale. » (2012).

Pour se donner un semblant de légalisme, Marcos a organisé deux référendums dont les résultats furent contestés. La nouvelle Constitution aurait été approuvée par le référendum des 10 au 15 janvier 1973 par 95,3% des voix. La loi martiale aurait été ratifiée par référendum les 27 et 28 juillet 1973 par 90,8% des voix.

Le régime de la loi martiale fut l’arbitraire total, avec des assassinats politiques, plus de 70 000 cas de violation des droits de l’Homme, des tortures, comme le viol, la mutilation, l’électrocution, etc. Cela aurait certes abouti à une réduction drastique de la criminalité (en fait non) et des attentats communistes. Beaucoup d’officines critiquant le régime ont été fermées, de nombreux militants arrêtés. Parmi ceux qui auraient participé à ces exactions, Fidel Ramos (89 ans actuellement), qui fut élu Président des Philippines le 11 mai 1992 avec 23,6% des voix (en fonction du 30 juin 1992 au 30 juin 1998).

Le bilan fut très lourd, selon l’historien américain Alfred W. MacCoy de l’Université de Wisconsin-Madison, spécialiste de l’Asie du Sud-Est et expert de l’histoire politique des Philippines (conférence du 20 septembre 1999 à Manille sur "Legacies of the Marcos Dictatorship") : 70 000 incarcérations, 35 000 cas de torture individuelle, 3 257 personnes tuées par une exécution extrajudiciaire dont 2 520 ont laissé un corps torturé, mutilé et jeté sur le bord de la route pour impressionner la population. Enfin, 737 personnes furent portées disparues entre 1975 et 1985. Alfred W. MacCoy a comparé ce bilan avec d’autres à la même époque, celui de la junte militaire en Argentine (8 000 disparus), du général Pinochet au Chili (2 115 exécutions extrajudiciaires) et de la junte militaire au Brésil (266 morts).

Parmi de nombreuses victimes de Marcos, Benigno Ninoy Aquino fut arrêté parmi les premiers et fut inculpé de meurtres, possession illégale d’armes à feu et de subversion. Benigno Ninoy Aquino entama le 4 avril 1975 une grève de la faim très longue pour protester contre les injustices de son procès militaire. Soutenu par ses amis et sa famille, il accepta d’arrêter sa grève de la faim au bout de quarante jours le 13 mai 1975, ne pesant plus que 36 kilogrammes. Cette protestation ne servit à rien dans la mesure où il resta en prison et son procès continua encore plusieurs mois. Finalement, il fut condamné à mort le 25 novembre 1977 (au peloton d’exécution), mais sa peine ne fut jamais exécutée et même supprimée en mai 1980.

La fille aînée du Président, Imee Marcos (61 ans) aurait été à l’origine de la mort des suites de torture, le 31 août 1977, de l’étudiant Archimedes Trajano qui l’aurait simplement énervée par certaines questions qui lui aurait posées et qui l’auraient déplu.

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Pendant ce temps, Imelda Marcos, devenue une responsable importante du régime, notamment gouverneur de Manille du 27 février 1975 au 25 février 1986 et Ministre de l’Habitat de 1978 à 1986, ambassadrice spéciale pour nouer des relations diplomatiques avec les pays communistes, avait un train de vie très luxueux, multipliant les dépenses somptuaires, avec des excès extravagants, comme acheter du sable blanc en Australie pour sa plage privée, ou acquérir plus d’une centaine d’œuvres de grands maîtres, etc. Après son exil, on retrouva dans le palais présidentiel une collection de 15 manteaux en vison, 508 robes, 1 000 sacs à main et 3 000 paires de chaussures.

Dans le prochain article, j’évoquerai la tentative de démocratisation de la dictature.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Mao Tsé Toung.
Aldolf Hitler.
Joseph Staline.
Pol Pot.
Kim Jong-un.
Saddam Hussein.
Mouammar Kadhafi.
Bachar El-Assad.
Ferdinand Marcos.
Jean-Bedel Bokassa.
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Augusto Pinochet.
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Pieter Botha.
Philippe Pétain.
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Laurent Gbagbo.
Zine el-Abidine Ben Ali.
Hosni Moubarak.
Alexandre Loukachenko.
Louis-Antoine de Saint-Just.
Dictature de la pensée unique.
Nicolas Sarkozy était-il un dictateur ?
François Hollande était-il un dictateur ?

_yartiMarcosFerdinand10



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170911-ferdinand-marcos.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/ferdinand-marcos-le-dictateur-aux-196561

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/09/11/35655905.html


 

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14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 02:32

« C’est une erreur de croire qu’il n’y ait pas de rapport entre la fin et les moyens, et cette erreur a entraîné des hommes considérés comme croyants à commettre de terribles crimes. C’est comme si vous disiez qu’en plantant des mauvaises herbes, on peut récolter des roses. » (le Mahatma Gandhi, 1910).


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Il y a exactement soixante-dix ans, le 15 août 1947, les Indes britanniques sont devenues deux pays indépendants, l’Inde et le Pakistan, conformément à la loi votée par le Parlement britannique le 18 juillet 1947 ("Indian Independence Act"). En fait, l’indépendance du Pakistan a été célébrée la veille, le 14 août 1947, pour permettre à Lord Mountbatten d’être présent aux deux célébrations d’indépendance, à Karachi le 14 août 1947 et à New Delhi le 15 août 1947.

Reprenons les faits. Pourquoi "les" Indes, d’abord ? Parce que les Indes britanniques recouvraient un vaste territoire au sud de l’Asie qui correspond à plusieurs pays actuellement : l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Sri Lanka (île Ceylan) et la Birmanie. Les deux derniers pays furent indépendants l’année suivante, le 4 janvier 1948 pour la Birmanie et le 4 février 1948 pour le Sri Lanka.

Entre les deux guerres mondiales, les mouvements séparatistes et indépendantistes se sont développés, demandant l’indépendance. Notamment, le massacre d'Amritsar, le 13 avril 1919, amorça le mouvement pour l'indépendance initié par le Mahatma Gandhi. Il y a eu des répressions, mais aussi quelques réformes politiques pour rendre plus démocratique l’empire britannique dans les Indes (notamment avec le Government of India Act de 1935). La participation à la Seconde Guerre mondiale des Indes britanniques fut contestée par une partie des Indiens, notamment les hindous (certains cherchant même leur salut auprès des nazis), tandis que les musulmans étaient plutôt favorables à la position du Royaume-Uni de Churchill pendant la guerre.

Après la Seconde Guerre mondiale, il ne faisait plus aucun doute que les Indes britanniques allaient être indépendantes. Quatre personnalités clefs (entre autres) eurent une action déterminante dans l’indépendance mais aussi la partition de ce territoire.

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D’abord, Lord Louis Mountbatten (1900-1979), qui était l’oncle de l’actuel prince consort Philip (le mari de la reine Élisabeth II). Militaire (amiral), il fut nommé vice-roi des Indes le 21 février 1947 par le Premier Ministre britannique Clement Attlee avec la mission de préparer l’indépendance et la partition. Il fut ensuite gouverneur général du 15 août 1947 au 21 juin 1948 sous le règne de George VI. Cependant son prédécesseur Archibald Wavell, également militaire (maréchal) et vice-roi des Indes du 1er octobre 1943 au 21 février 1947, par ses talents de diplomate, avait largement préparé le terrain et ouvert la voie de la négociation.

Ensuite, il y a eu deux leaders historiques de l’indépendance, hindous, issus du Congrès national indien. Il s’agit d’un parti (toujours existant) fondé le 28 décembre 1885, d’inspiration socialiste modérée, dont le (premier) objectif était l’indépendance de l’Inde. Ces leaders, ce furent le Mahatma Gandhi (1869-1948), prônant la non-violence, et Jawaharlal Nehru (1889-1964). Enfin, il y a eu Muhammad Ali Jinnah (1876-1948), le leader de la Ligue musulmane, fondée le 30 décembre 1906 à Dacca.

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Gandhi était un partisan de l’unité indienne et refusait la partition, surtout pour des considérations religieuses, et il était assez traditionaliste, fustigeant le mode de vie marchand à l’occidentale. Nehru aussi était initialement favorable à l’unité indienne, prônant un modernisme laïc beaucoup plus avancé que Gandhi, favorable aux réformes économiques pour industrialiser l’Inde, mais il s’est rangé finalement auprès des partisans de la partition pour soutenir le plan Mountbatten et rester maître de la situation politique. Quant à Jinnah, musulman, là aussi, initialement, il était contre une partition religieuse mais la Ligue musulmane était très largement majoritaire en faveur de la partition (résolution de Lahore adoptée le 23 mars 1940). Jinnah s’est rangé en 1946 à l’avis de son parti.

Le 22 mars 1940 à Lahore, Jinnah a d’ailleurs déclaré l’incompatibilité des deux cultures : « Il est extrêmement difficile d’apprécier pourquoi nos amis hindous ne parviennent pas à comprendre la nature réelle de l’islam et de l’hindouisme. Ce ne sont pas des religions au sens strict du mot, mais, en fait, des ordres sociaux différents et distincts, et l’idée que les hindous et les musulmans puissent jamais créer une nation commune est un songe, et cette erreur d’une nation indienne unique rencontre des difficultés, et mènera l’Inde à sa destruction si nous échouons à corriger nos idées à temps. (…) Assujettir ensemble deux telles nations sous un seul État, l’une en tant que minorité numérique et l’autre comme majorité, ne manquera pas de mener à un mécontentement grandissant et à la destruction finale de toute structure qui pourrait avoir été conçue pour le gouvernement d’un tel État. ».

Il a donc fallu partitionner les Indes. La partie hindoue et sikhe deviendrait l’Inde, et la partie musulmane le Pakistan (acronyme inventé en 1933), en deux parties, occidental et orientale. La finalisation a eu lieu au cours d’une conférence le 3 juin 1947 à New Delhi avec Mountbatten, Jinnah et Nehru (qui était Vice-Président du gouvernement par intérim).

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Parmi les territoires qui posaient des problèmes, il y a eu le Pendjab, coupé en deux, une partie pakistanaise avec Lahore (à l’ouest) et une partie indienne avec Amritsar (à l’est), et le Bengale, coupé aussi en deux, avec une partie occidentale indienne et une partie orientale pakistanaise. Ce fut un avocat qui ne connaissait rien aux Indes qui dirigea la commission chargée de tracer les nouvelles frontières.

Les États princiers avaient droit à l’autodétermination (choix entre l’indépendance, l’intégration dans l’Union indienne et l’intégration dans le Pakistan). Les États princiers étaient des États indiens dirigés par un monarque local reconnaissant la suzeraineté de la couronne britannique. Quatre États princiers ont posé véritablement problème.

Le Cachemire, qui était dirigé par un maharaja hindou, Hari Singh (1895-1961), avait une population à majorité musulmane avec des régions majoritairement hindoues. Il était tenté par l’indépendance, mais quand des milices patchounes ont voulu l’envahir, il s’est finalement résolu le 26 octobre 1947 à intégrer l’Inde qui lui est venue en aide. Cela a provoqué la première des quatre guerres indo-pakistanaises entre le 22 octobre 1947 et le 1er janvier 1949. Le cessez-le-feu a été déclaré le 31 décembre 1948, quelques secondes avant minuit, avec la partition de l’État avec une partie pakistanaise (à l’ouest), une grande partie indienne (à l’est) et une petite partie chinoise (au nord). Cette région reste très instable et a fait l’objet de plusieurs conflits armés).

Asaf Jah VII (1886-1967), le nizam de l’État d’Hyderabad, un État enclavé en Inde, était musulman avec une population majoritairement hindoue, proclama l’indépendance, mais après la révolte de sa population et l’invasion des troupes indiennes, l’Hyderabad fut annexé le 17 septembre 1948 et le nizam déposé.

Deux autres États princiers, dont les monarques furent musulmans pour une population majoritairement hindoue et enclavée en Inde, ont décidé de s’intégrer au Pakistan, l’État de Junagadh et l’État de Manavadar. Comme pour l’Hyderabad, la population s’est révoltée et les troupes indiennes les ont annexés en 1948 et ont déposé leurs monarques : le nawab de Junagadh, Mohammad Mahabat Khanji III (1900-1959) et le khan de Manavadar, Gholam Moïn ed-Din Khanji (1911-2003). Un plébiscite organisé le 10 février 1948 dans l’État de Junagadh approuva l’intégration de l’État dans l’Inde.

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Entre 1945 et 1948, il y a eu entre plusieurs centaines de milliers et un million de personnes tuées pour des raisons religieuses entre musulmans et hindous. Après l’indépendance, il y a eu beaucoup de déplacements de populations, les personnes d’une religion voulant rejoindre la partie religieuse correspondante, en quittant tous leurs biens (au nord-ouest, 8 millions de musulmans ont quitté l’Inde et 6 millions d’hindous ont quitté le Pakistan ; à l’est, ce furent respectivement 1,5 millions de musulmans et 2 millions d’hindous). Ceux qui restaient malgré leur religion risquaient parfois d’être massacrés. Le film "Gandhi" réalisé par Richard Attenborough et sorti le 8 décembre 1982, récompensé par huit oscars, donne une idée du climat de violence au sein de la population à cette époque.

Le Pakistan oriental prit finalement son indépendance le 26 mars 1971 (création du Bangladesh) avec l’aide de l’armée indienne (cette indépendance fut reconnue le 16 décembre 1971).

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Le Mahatma Gandhi fut assassiné le 30 janvier 1948 à New Delhi par un hindou nationaliste qui fut condamné à mort et exécuté le 15 novembre 1949 (ainsi que son complice). Muhammad Ali Jinnah fut gouverneur général du Pakistan du 14 août 1947 jusqu’à sa mort de maladie le 11 septembre 1948.

Jawaharlal Nehru fut élu Premier Ministre de l’Inde du 15 août 1947 jusqu’à sa mort le 27 mai 1964. Sa fille Indira Gandhi et son petit-fils Rajiv Gandhi furent parmi ses successeurs. Indira Gandhi (1917-1984) du 24 janvier 1966 au 24 mars 1977 et du 14 janvier 1980 au 31 octobre 1984 (date de son assassinat), Rajiv Gandhi (1944-1991) du 31 octobre 1984 au 2 décembre 1989, fut également assassiné le 21 mai 1991. La femme de ce dernier, Sonia Gandhi (née en 1946), est aujourd’hui la présidente du Congrès national indien (depuis le 14 mars 1998), et son fils Rahul Gandhi (né en 1970) son vice-président (depuis le 19 janvier 2013). Motilal Nehru (1861-1931), le père de Jawaharlal Nehru, avait été le président du même parti de 1919 à 1920 et de 1928 à 1929.

Quant à Lord Mountbatten, il fut assassiné à 79 ans (ainsi que trois autres personnes dont son petit-fils) le 27 août 1979 dans l’explosion de son bateau dans la baie de Donegal (Irlande) par un indépendantiste irlandais qui fut libéré en 1998 malgré sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 août 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
George VI.
La partition des Indes.
Indira Gandhi.
L’attentat de Peshawar.
Le Pakistan dans le chaos du terrorisme.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170815-partition-indes.html

http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/l-independance-et-la-partition-des-195233

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/08/14/35488759.html




 

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