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1 avril 2023 6 01 /04 /avril /2023 09:30

« Que devais-je faire ? Fuir mes responsabilités ou relever courageusement le défi qu'a bien voulu me faire l'honneur de lancer monsieur le Président de la République ? » (François Asselineau, sur France Inter ce samedi matin).



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Eh oui, depuis quelque temps, celui des crises de toutes sortes, il y a des informations telles, dans le flot de l'actualité, qu'on voudrait se pincer pour savoir si on rêve (voire cauchemarde) ou si c'est bien la réalité vraie. Il y a tout un tas d'exemples dans l'actualité très récente, à commencer par Vladimir Poutine prêt à construire un axe militaire nucléaire offensif entre la Russie et la Chine pour partir en guerre contre un supposé Occident qui menacerait la paix sur Terre. Info ou intox ? Je n'oserais jamais parier sur le bluff.

Alors, évidemment, quand j'ai appris que l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 et président fondateur du microscrupule parti UPR François Asselineau venait d'être nommé ministre, j'ai aussi cru à cette seconde réalité, cette quatrième dimension, cette réalité virtuelle qui m'aurait frappé le cerveau en plus des rétines. Car cette nomination paraissait tellement surréaliste et improbable.

Revenons aux faits d'abord. Vendredi 31 mars 2023 en début de soirée (mais après les journaux télévisés), le Secrétaire Général de l'Élysée Alexis Kohler a annoncé un micro-remaniement avec la nomination de François Asselineau comme Ministre délégué auprès du Ministre de la Santé et de la Prévention (François Braun) chargé des déserts médicaux. Il remplace Agnès Firmin-Le Bodo, qui était chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé et qui est désormais chargée de la prévention des risques sanitaires auprès du même ministre.

L'arrivée de François Asselineau (65 ans) a de quoi surprendre plus d'un observateur politique. Bien que n'ayant recueilli que 0,9% des voix au premier tour de l'élection présidentielle de 2017 et n'ayant même pas réussi à se présenter à l'élection présidentielle de 2022 (il s'est toujours déclaré victime de la censure et de l'omerta de la classe politique), François Asselineau représente un courant politique qu'il prétend unique en son genre puisqu'il défend le Frexit, c'est-à-dire le retrait de la France de l'Union Européenne. C'en est même une obsession personnelle.

Tout l'éloignait donc du Président Emmanuel Macron... sauf l'ENA ! Car François Asselineau, qui souhaite être perçu comme un représentant du peuple, est d'abord un représentant de l'élite comme la plupart des responsables politiques. Énarque de l'inspection des finances et de la promotion Léonard-de-Vinci (1983-1985), il a côtoyé d'autres futurs hauts-fonctionnaires, en particulier Xavier Musca (qui fut le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy à l'Élysée), Richard Descoings (le passionné directeur de l'IEP Paris), Jean-François Cirelli (le patron de BlackRock en France), et surtout, son arrivée au gouvernement n'est pas par hasard, le préfet Patrick Strzoda, le directeur de cabinet du Président Emmanuel Macron à l'Élysée depuis mai 2017.

Avec une tête qui hésite entre Bernard Blier, Pierre Tchernia et Mikhaïl Gorbatchev, François Asselineau a fréquenté de nombreux cabinets de responsables de la droite, en particulier des ministres Gérard Longuet, José Rossi, Françoise de Panafieu et Hervé de Charette, entre 1993 et 1997. Ensuite, il a travaillé pendant trois ans avec Charles Pasqua, président du conseil général des Hauts-Seine. En 2004, il a été nommé à Bercy par Nicolas Sarkozy (Ministre de l'Économie et des Finances) délégué général à l'intelligence économique, chargé d'observer les effets de la mondialisation sur l'économie française. Par ailleurs, il a été élu conseiller de Paris de 2001 à 2008 sur une liste de Jean Tiberi à la mairie de Paris. Son seul mandat électoral provenait donc d'une engagement auprès d'une droite dure anti-européenne et anti-américaine, celle de Charles Pasqua et Philippe de Villiers, en tant que porte-parole du "RPF" (il a cependant rejoint le groupe UMP du conseil de Paris de 2004 à 2006).

En 2007, François Asselineau a fondé et préside toujours le tout-petit parti politique appelé Union populaire républicaine (UPR) qui prône de manière monomaniaque le Frexit. L'homme est d'ailleurs connu pour citer certains articles de la Constitution. Mais son érudition paraît superficielle et limitée à quelques articles car à l'épreuve de certains journalistes sur la Constitution pendant la campagne de 2017, il s'est avéré finalement peu grand connaisseur du texte. Son existence politique réside principalement sur Internet où il jouit d'une petite armée de trolls à sa dévotion (des mauvaises langues disent qu'il les paie). Il y tient régulièrement des conférences dont l'ennui se trouve en compétition avec la mauvaise foi.

Parmi ses dernières « trouvailles », l'article 68 de la Constitution sur les conditions pour destituer le Président de la République. Car non seulement il veut destituer la France de son rôle moteur de l'Europe, mais il veut destituer Emmanuel Macron de l'Élysée, alors qu'il se réclame du gaullisme institutionnel (et qu'il n'y a pas trop photo entre le nombre d'électeurs d'Emmanuel Macron et celui des siens).

Refusant d'être qualifié d'extrême droite et encore moins de complotisme (même si son comportement durant la pandémie de covid-19 serait à analyser), François Asselineau a surgi en notoriété pendant la campagne de l'élection présidentielle de 2017. Son charisme particulièrement faiblard (celui d'une huître, selon plusieurs camarades de promotion, et encore, c'est injuste pour les huîtres) n'a pas été très efficace pour ses idées au vu des résultats électoraux (malgré la stricte égalité des temps de paroles pendant la campagne présidentielle).

Dans l'incapacité de réunir d'autres opposants isolés, tels que Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Cheminade ou encore Florian Philippot (trois autres énarques !), il est donc resté longtemps isolé, prêchant dans le désert depuis donc une quinzaine d'années.

Alors, pourquoi donc ce revirement et surtout, ce retournement de veste alors que le sexagénaire s'est déclaré opposé à la réforme des retraites de la Première Ministre Élisabeth Borne ?

Emmanuel Macron ne le connaissait pas vraiment jusqu'à il y a quelques semaines. Dans son optique, il craint l'échéance de 2027 et il voudrait désamorcer toutes les éventualités à base de candidature anti-européenne. Son habileté majeure est la triangulation. Il l'avait acquise avec la défense de sa loi sur la libération de l'économie (loi Macron) : pour travailler avec le groupe socialiste, il a choisi un rapporteur parmi les plus à gauche, Richard Ferrand, proche de l'ancien premier secrétaire Henri Emmanuelli et des frondeurs (Richard Ferrand fut le premier député socialiste à soutenir la candidature d'Emmanuel Macron en 2016). Selon un conseiller à l'Élysée, l'idée de convaincre François Asselineau a été un véritable challenge et cela faisait des semaines qu'il y travaillait.


Du côté du fondateur de l'UPR, le retournement est encore plus étonnant même s'il peut se comprendre. En effet, sa mise en examen le 5 février 2021 pour "harcèlement moral", "harcèlement sexuel" et "agressions sexuels par personne ayant autorité" et "intimidation d'une victime" l'a complètement isolé de l'échiquier politique et sans doute a été la cause de son absence de candidature en 2022 (beaucoup de maires ont renoncé à le parrainer à cause de cela). Et pourtant, la présomption d'innocence, tant que le prévenu n'est pas jugé (ni condamné), devrait s'appliquer à tout le monde. On s'étonnera donc qu'Élisabeth Borne n'ait pas voulu reconduire dans ses fonctions ministérielles Damien Abad (qui n'est pourtant pas mis en examen et qui a été brillamment réélu dans sa circonscription) et qu'elle accepte aujourd'hui de prendre François Asselineau dans son équipe ministérielle.

Par ailleurs, des compagnons de route de François Asselineau susurrent qu'ayant atteint 65 ans, ce dernier s'est dit que c'était la dernière occasion où il pourrait agir réellement dans la vie des Français. Ainsi, François Asselineau a fait valoir à des journalistes qu'il a finalement réussi à convaincre le gouvernement de réintégrer les soignants non-vaccinés, comme il le réclamait depuis un an et demi. C'était pour lui un signal fort de bonne volonté de la part de l'Élysée.

De plus, l'homme aurait été complètement séduit par « l'aisance intellectuelle et l'érudition systématique » du Président de la République, comme avaient été emballées des personnalités aussi différentes que Philippe de Villiers, Robert Hue, Nicolas Hulot, Daniel Cohn-Bendit, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, etc. Sur l'engagement européen d'Emmanuel Macron, François Asselineau aurait été "rassuré" de son « insincérité ». Emmanuel Macron tiendrait des discours pro-européens mais dans les faits, aucune avancée notable n'a été réalisée depuis 2017 et le credo du Président, c'est avant tout la souveraineté économique de la France : « Et cet objectif est aussi clairement le mien... » a déclaré le nouveau membre du gouvernement.

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À peine connue sa nomination au gouvernement (il aurait bataillé fermé pour avoir le titre de ministre délégué et pas secrétaire d'État), François Asselineau s'est retrouvé dans la soirée du vendredi sur le terrain en compagnie du Président de la République à la Maison de Santé de Torcy, en Seine-et-Marne (rue Charlie-Chaplin !).

Emmanuel Macron a salué l'exemple d'un tel établissement qui regroupe onze médecins généralistes, trois infirmières, deux masseurs kinésithérapeutes, deux sages-femmes, une pédicule podologue, une orthoptiste, une diététicienne et une psychologue. À partir du 3 avril 2023, la maison de santé met en place un service de télésecrétariat en plus du secrétariat actuel. Toutes ces initiatives visent à réduire les délais de prise de rendez-vous et à renforcer la proximité avec les patients.

Pour le nouveau ministre, l'idée serait de généraliser sur tous les territoires ces maisons de santé : « Ce sera un point fort de ma politique de remettre des services publics dans les zones rurales et les zones suburbaines trop souvent délaissées par l'élite parisienne. ». Pour cela, François Asselineau compte bien encourager les synergies public/privé car si l'État doit savoir impulser, il ne peut rien sans les collectivités locales (les mieux placées pour connaître les implantations et les besoins) et il ne peut rien sans les soignants libéraux qu'il convient d'attirer dans un environnement épanouissant pour exercer leur profession.

Invité de la matinale de France Inter ce samedi matin, François Asselineau s'est bien entendu épanché sur sa nomination. Que devait-il faire ? Choisir de rester l'éternel isolé de la vie politique ou agir au moins dans des projets concrets comme il l'a toujours fait lorsqu'il était haut fonctionnaire ? Son choix a été fait : séduit par la réelle et sincère volonté de l'intérêt général d'Emmanuel Macron, François Asselineau sait qu'il risque la déception, mais : « Il vaut mieux avoir tenté de bien faire que ne rien faire du tout ! J'ai saisi l'occasion de l'action, je ne le regretterai donc jamais même si je ne doute pas des difficultés, des obstacles et des embûches politiques que je rencontrerai ni des pièges qu'on me tendra. ». Nicolas Sarkozy a envoyé un message de félicitation au nouveau ministre délégué.

On peut approfondir le sujet en lisant le dossier de presse des services de l'Élysée (où est incluse la déclaration de patrimoine du ministre délégué) ainsi que réécouter l'interview matinale du ministre délégué sur France Inter.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (01er avril 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Asselineau rejoint Emmanuel Macron.
Dossier de presse sur le remaniement (et déclaration de patrimoine).
Matinale de France Inter.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230401-asselineau.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-asselineau-rejoint-247638

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/03/30/39862837.html












 

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