(Cette double proposition de loi a été déposée par le groupe communiste des deux assemblées.)
N° 138
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2007
PROPOSITION DE LOI CADRE
relative à la lutte contre les violences à l'encontre des femmes,
PRÉSENTÉE
Par Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Odette TERRADE, Annie DAVID, Éliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, Brigitte GONTHIER-MAURIN, Gélita HOARAU, Josiane MATHON-POINAT, MM. Michel BILLOUT, Robert BRET, Jean-Claude DANGLOT, Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Robert HUE, Gérard LE CAM, Jack RALITE, Ivan RENAR, Bernard VERA, Jean-François VOGUET, François AUTAIN et Pierre BIARNÈS,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les violences masculines à l'encontre des femmes ne constituent pas un problème privé. Au contraire, elles représentent le symbole le plus brutal de l'inégalité existant dans notre société. Il s'agit de violences qui sont exercées sur les femmes en raison de leur simple condition de femmes, en raison d'une prétendue infériorité, parce que leurs agresseurs considèrent qu'elles sont dépourvues des droits élémentaires de liberté, de respect, de sûreté et de capacité de décision.
Les violences à l'encontre des femmes bafouent le principe d'égalité énoncé dans le préambule de la Constitution française de 1946 et dans celui de celle de 1958, qui garantit aux femmes, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes.
L'Organisation des Nations Unies a reconnu, lors de la IVème Conférence mondiale de Pékin en 1995 que les violences à l'encontre des femmes constituaient un obstacle dans l'atteinte des objectifs d'égalité, de développement et de paix. Celles-ci enfreignent et portent atteinte à la jouissance des droits humains et des libertés fondamentales. Par ailleurs elle les a définies comme une manifestation des relations de pouvoir historiquement inégales entre les femmes et les hommes.
Dans la réalité française, les violences à l'encontre des femmes, font l'objet d'une plus grande prise de conscience que par le passé, grâce en large mesure, à l'effort considérable mis en oeuvre par les organisations féministes pour lutter contre toutes les formes de violences à l'encontre des femmes et organiser l'accueil, le soutien, la solidarité et l'hébergement de celles qui en sont victimes. Il s'agit moins que par le passé d'un délit ou d'un crime invisibles mais d'un méfait qui commence à susciter un rejet collectif. Il doit devenir une alarme sociale évidente.
Les pouvoirs publics ne peuvent pas être étrangers aux violences à l'encontre des femmes qui constituent une des attaques les plus flagrantes aux droits fondamentaux comme la liberté, l'égalité, la vie, la sûreté et la non-discrimination. Ils sont même tenus de prendre des mesures afin de veiller à ce que ces droits soient réels et effectifs en éliminant tous les obstacles qui empêchent ou entravent leur plénitude.
Le droit français a enregistré ces dernières décennies et, plus proches de nous, ces derniers mois, des progrès législatifs en matière de lutte contre les violences à l'encontre des femmes. Ces lois ont évidemment une incidence dans les sphères civiles et pénales.
Mais elles sont incomplètes, notamment dans le domaine de la prévention qui est indigente, du soutien à apporter aux victimes et même en matière pénale. En outre la volonté politique de tout faire pour que ces violences s'arrêtent n'est pas toujours d'une lisibilité parfaite. La tolérance sociale est malheureusement encore grande.
La présente loi cherche à assumer les recommandations des organismes internationaux en prenant en compte l'ensemble des violences faites aux femmes et en y apportant une réponse globale. On peut citer à cet égard : la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (convention CEDAW) de 1979, la Déclaration des Nations unies sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes proclamée le 20 décembre 1993 par l'Assemblée générale, les résolutions de la dernière Conférence mondiale de Beijing de septembre 1995, la Résolution WHA49.24 de l'Assemblée mondiale de la santé qui fait de la violence le problème prioritaire de santé proclamée en 1996 par l'OMS, le rapport du Parlement Européen de juillet 1997, la Résolution de la Commission des droits de l'Homme des Nations unies de 1997 et la Désignation de 1999 comme année européenne de lutte contre la violence de genre et la décision 803/2004/CE instaurant programme Daphné II (2004-2008). La présente proposition de loi s'appuie également sur la résolution (2004/2220(INI)) adoptée le 2 février 2006 par le Parlement Européen, et particulièrement sur ses considérants D, F, R et S, ainsi que ses recommandations, particulièrement 1.a), 1.b), 4, 19 et 20.
Le cadre de cette loi couvre aussi bien les aspects préventifs, éducatifs, sociaux, d'assistance et de suivi des victimes que les aspects législatifs civils et pénaux, les aspects procéduraux que d'organisation judiciaire. Elle établit des mesures de protection intégrale afin de prévenir, sanctionner et éradiquer ces violences. Elle se veut une réponse globale.
Il ne s'agit pas d'envisager le problème des violences à l'encontre des femmes d'une façon plus répressive, de faire encore plus de sécuritaire mais de dégager d'importants moyens humains et financiers pour réduire ces phénomènes de société.
L'article premier du présent texte vise à donner une définition des violences à l'encontre des femmes. Il s'appuie pour cela sur l'article premier de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU en 1993. Il énumère ensuite ce que sont ces violences et inclut ainsi des violences non énoncées en tant que telles dans le code pénal : les violences psychologiques qui pour l'instant ne sont réprimées que quand elles sont perpétrées au travail, les mutilations sexuelles qui sont nommées en tant que tel, les mariages forcés ou arrangés pour lesquels il n'y a pas d'incrimination pénale mais qui provoquent beaucoup de souffrances chez celles qui en sont les victimes, les crimes d' « honneur » dont nous savons maintenant qu'ils sévissent sur notre territoire, la lesbophobie qui disparaît sous le terme générique homophobie, la prostitution qui, loin d'être un métier comme l'affirment les thèses réglementaristes est une violence dont aucun partisan du réglementarisme ne souhaite voir sa fille embrasser la carrière.
L'article 2 énonce le fait que cette proposition de loi a un caractère global de prévention afin de faire disparaître les violences, et de soutien auprès des victimes.
Plans de sensibilisation, prévention, formation, détection des situations de violences faites aux femmes.
La lutte contre les violences faites aux femmes doit devenir un impératif national. À l'heure où toutes les oppressions, toutes les discriminations sont remises en cause, il est consternant de constater que par exemple, selon l'Enveff, seules 8 % des victimes de viol de 20 à 59 ans osent porter plainte. Même, si ces dernières décennies s'est déchiré le voile du silence concernant ces violences à l'encontre des femmes, grâce aux luttes des féministes qui nous ont bousculés, elles jouissent encore d'une certaine tolérance sociale et les victimes se réfugient paradoxalement dans la honte et la culpabilité, Il est nécessaire que notre pays rattrape son retard en la matière, retard indigne du pays des Droits de l'homme.
C'est dans cet esprit que l'article 3 ajoute un chapitre VIII au code de l'action sociale et des familles afin que la lutte contre les violences faites aux femmes soit hissée au même niveau d'importance que « la lutte contre la pauvreté et les exclusions » ou les « personnes handicapées ».
Pour combler notre retard les pouvoirs publics devront lancer au plus vite un vaste plan d'urgence d'information, de sensibilisation, et de formation pour les professionnels qui insistera sur les valeurs d'égalité hommes femmes et qui devra prendre en compte la façon de s'adresser à tous les publics. Ce plan sera contrôlé par une commission indépendante.
Des campagnes allant dans le même sens seront par la suite pérennisées car en matière de prévention, de sensibilisation et de formation, l'expérience prouve qu'il ne faut jamais relâcher ses efforts.
Ces campagnes concernent aussi les femmes en situation prostitutionnelle. En effet, la France qui a signé le protocole de Palerme ne respecte ses engagements. Elle alloue des moyens insuffisants pour lutter contre la traite des femmes et des enfants et contre les réseaux proxénètes. La situation est d'ailleurs paradoxale, de tolérance voire de complaisance pour les uns, et de punition pour les autres, victimes du système prostitutionnel (article 225-10-1 du code pénal réprimant le racolage y compris passif). La prostitution, est une violence qui doit être traitée comme toutes les autres violences, elle nécessite un effort de sensibilisation orienté vers tout acheteur potentiel de service sexuel et vers toute demande, ce qui, jusqu'alors, n'a été fait par aucune politique nationale.
La sensibilisation et la formation dans domaine éducatif.
La prévention par l'éducation, pour modifier les comportements sociaux.
C'est dès le plus jeune âge que les petites filles et les petits garçons doivent être formés aux valeurs de respect mutuel et d'égalité entre les sexes. La loi actuelle a bien intégré la notion de mixité et d'égalité mais il ne suffit pas de les « favoriser ». Bien plus, ne peut-on pas dire que jusqu'à maintenant le système éducatif a échoué dans sa volonté de mixité. Les chiffres de l'orientation sexuée en sont par exemple une démonstration flagrante. Ou les violences contre les filles qui parfois sont perpétrées au sein même des établissements scolaires Il faut donc redoubler d'efforts Le système éducatif doit vraiment viser à atteindre ces principes de respect mutuel et d'égalité des sexes. L'article 4 le réaffirme avec force.
L'article 5 promeut l'égalité entre les hommes et les femmes comme une priorité nationale. Pour s'en donner les moyens, dans tous les lieux de formation des enseignements obligatoires et comptant pour l'évaluation seront dispensés de façon hebdomadaire. Les programmes seront élaborés en collaboration entre les acteurs de l'Éducation nationale et les actrices de la lutte pour les droits des femmes, au niveau institutionnel comme associatif. Ceci apparaît comme la seule solution pour atteindre cet objectif. Une ou deux séances annuelles sont vite oubliées, ne traitent pas les choses en profondeur et ne marquent pas les esprits. L'égalité hommes femmes doit devenir une chose naturelle, coulant de source comme l'apprentissage de la lecture ou des quatre opérations. Le changement des mentalités commence par une véritable révolution éducative.
Depuis bien des années les mouvements féministes réclament l'élimination des stéréotypes sexistes des manuels et autres matériels scolaires. Effectivement il arrive que les manuels scolaires donnent encore une image traditionnelle et même caricaturale du rôle des femmes dans la famille. Maman à la cuisine et papa devant la télévision sur le canapé. Ces représentations vont à l'encontre des principes énoncés à l'article 5.
En outre, les couples sont toujours composés d'un homme et d'une femme alors que de plus en plus d'autres modèles, d'autres compositions émergent. Le nombre de familles monoparentales ne cesse de s'accroître, de même que les familles homoparentales. Nos enfants ne vivent pas en dehors de notre temps, en dehors de la réalité actuelle. L'article 6 vise donc à éliminer tous ces stéréotypes.
L'article 7 inclut les principes de l'éducation non sexiste développés dans l'article 5 dans le code de l'Éducation
Les enfants de femmes victimes de violences quittent le plus souvent le domicile avec leur mère. Si cela les protège d'être affectés par les traumatismes d'un climat familial pesant et destructeur, ils ne doivent pour autant subir les méfaits d'une déscolarisation temporaire qui porterait préjudice à leur future insertion sociale et professionnelle. L'article 8 prévoit cet inconvénient et répond à l'obligation scolaire. C'est en effet par une rescolarisation immédiate et dans des sections similaires ou connexes qu'ils seront le moins pénalisés et déstabilisés Les autorités rectorales et départementales sont les garantes de cette rescolarisation.
Les IUFM sont chargés de la formation de nos professeurs. L'enseignement sur les principes d'égalité hommes femmes et sur la lutte contre les violences ne sont en général pas inscrits dans les programmes de formation des IUFM au même titre que les mathématiques ou le français. Leur enseignement est laissé sur l'initiative des bonnes volontés individuelles ce qui signifie que bien souvent il n'est pas assuré. À l'heure où de plus en plus nos enseignants sont investis d'une multiplicité de tâches éducatives, ceci n'est plus possible. L'article 9 prévoit donc les mesures qui s'imposent dans la formation initiale des professeurs.
L'article 10 prévoit de même pour la formation permanente.
Les articles 11 et 12 prévoient d'adjoindre obligatoirement dans les Conseils d'administration des collèges et des lycées une personne au moins qualifiée dans le domaine de l'égalité hommes femmes et dans celui des violences à l'encontre des femmes. Celle ci sera personnel ressource et garante des mesures prises obligatoirement au sein des établissements scolaires pour viser à l'égalité réelle et détecter les violences à l'encontre des filles.
L'article 13 fait de même au sein des Conseils d'administration des universités qui se voient, entre autres, attribuer le rôle d'encourager la recherche sur l'égalité hommes femmes et la lutte contre les violences à l'encontre des femmes.
L'article 14 prévoit que le rapport annuel du Haut conseil de l'éducation sur les résultats du système éducatif comprendra désormais une information sur les situations de violences au sein des établissements scolaires. Celle ci inclura, à des fins d'incitation et de vérification, les mesures qui auront été prises pour prévenir ces violences et promouvoir effectivement l'égalité.
L'article 15 vise à modifier la composition du Conseil supérieur de l'Éducation. Il y adjoint des représentantEs institutionnelLEs et associatives qui auront pour rôle d'impulser au sein de cette structure la volonté de défendre les droits des femmes et de lutter contre les violences.
Pour clore ce chapitre sur le domaine éducatif l'article 16 confie à l'inspection générale le soin de prendre en compte et de vérifier l'application de cet ensemble de mesures.
La publicité et les autres moyens de communication.
Ce chapitre concerne à la fois les contenus diffusés par les médias et la publicité, qu'elle soit présente dans ou hors des supports médiatiques.
Ce chapitre étend les possibilités de saisine par les associations, il intègre la lutte contre les contenus sexistes aux compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel, et complète les dispositifs de contrôle administratif des contenus audiovisuels.
Des rapports ont déjà été rendus sur l'image des femmes dans la publicité. Cette image pose effectivement problème, car en associant un corps de femme à un produit on en fait un objet, et en associant délibérément désir sexuel et consommation -qui est un acte unilatéral- on sape le principe du consentement à l'acte sexuel. La publicité, auxquelles toute personne est exposée plusieurs centaines de fois par jour dans l'espace public et les médias, est un des vecteurs des représentations sexistes qui entretiennent la domination masculine et banalisent les violences à l'encontre des femmes. Une véritable prévention des violences ne peut se dispenser d'une attention accrue à la lutte contre les images sexistes, notamment dans la publicité.
La violence de certains films pornographiques pose un problème différent. Certaines images relèvent sans conteste des atteintes à la personne définies par le code pénal, et de l'article 24 de la loi sur la liberté de la presse réprimant l'incitation à la violence. Il n'est donc question ici ni de créer de nouvelles infractions, ni d'alourdir les peines existantes. Mais on se doit de constater que certains matériels, en particulier les dvd pornographiques, échappent à tout regard administratif sur leur contenu. Alors que les films reçoivent un visa préalable à leur exploitation cinématographique, et que le CSA contrôle les programmes audiovisuels, les films pour adultes, y compris ceux présentant une violence sexiste extrême, sont commercialisés sans aucun contrôle du contenu. Certains de ces films font explicitement l'apologie des violences conjugales, voire du viol, et en tirent leur argument commercial, comme en attestent des intitulés de rayonnages de magasins spécialisés (sex shops). La création d'une autorité administrative permettra un contrôle a posteriori, afin d'éviter de laisser se développer une production reposant sur l'incitation à la violence contre les femmes.
PROPOSITION DE LOI A L'ASSEMBLEE NATIONALE
N° 525
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2007.
PROPOSITION DE LOI CADRE
contre les violences faites aux femmes,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
PAR Mmes Marie-George BUFFET, Martine BILLARD, Huguette BELLO, Marie-Hélène AMIABLE, MM. François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Yves COCHET, François de RUGY, Jacques DESALLANGRE, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Noël MAMÈRE, Alfred MARIE-JEANNE, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1),
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les violences masculines à l’encontre des femmes ne constituent pas un problème privé. Au contraire, elles représentent le symbole le plus brutal de l’inégalité existant dans notre société. Il s’agit de violences qui sont exercées sur les femmes en raison de leur simple condition de femmes, en raison d’une prétendue infériorité, parce que leurs agresseurs considèrent qu’elles sont dépourvues des droits élémentaires de liberté, de respect, de sûreté et de capacité de décision.
Les violences à l’encontre des femmes bafouent le principe d’égalité énoncé dans le préambule de la Constitution française de 1946 et dans celui de celle de 1958 qui garantit aux femmes, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes.
L’Organisation des Nations unies a reconnu, lors de la IVe Conférence mondiale de Pékin en 1995 que les violences à l’encontre des femmes constituaient un obstacle dans l’atteinte des objectifs d’égalité, de développement et de paix. Celles-ci enfreignent et portent atteinte à la jouissance des droits humains et des libertés fondamentales. Par ailleurs, elle les a définies comme une manifestation des relations de pouvoir historiquement inégales entre les femmes et les hommes.
Dans la réalité française, les violences à l’encontre des femmes font l’objet d’une plus grande prise de conscience que par le passé, grâce en large mesure à l’effort considérable mis en œuvre par les organisations féministes pour lutter contre toutes les formes de violences à l’encontre des femmes et pour organiser l’accueil, le soutien, la solidarité et l’hébergement de celles qui en sont victimes. Il s’agit moins que par le passé d’un délit ou d’un crime invisibles mais d’un méfait qui commence à susciter un rejet collectif. Il doit devenir une alarme sociale évidente.
Les pouvoirs publics ne peuvent pas être inactifs devant les violences à l’encontre des femmes qui constituent une des attaques les plus flagrantes aux droits fondamentaux comme la liberté, l’égalité, la vie, la sûreté et la non-discrimination. Ils sont même tenus de prendre des mesures afin de veiller à ce que ces droits soient réels et effectifs en éliminant tous les obstacles qui empêchent ou entravent leur plénitude.
Le droit français a enregistré ces dernières décennies, notamment depuis la loi du 23 décembre 1980 sur le viol, et plus proches de nous, ces derniers mois, des progrès législatifs en matière de lutte contre les violences à l’encontre des femmes. Ces lois ont évidemment une incidence dans les sphères civiles et pénales.
Mais elles sont incomplètes, notamment dans le domaine de la prévention qui est indigente, du soutien à apporter aux victimes et même en matière pénale. En outre la volonté politique de tout faire pour que ces violences s’arrêtent n’est pas toujours d’une lisibilité parfaite. La tolérance sociale est malheureusement encore grande.
La présente loi cherche à assumer les recommandations des organismes internationaux en prenant en compte l’ensemble des violences faites aux femmes et en y apportant une réponse globale. On peut citer à cet égard : la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (convention CEDAW) de 1979, la déclaration des Nations unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes proclamée le 20 décembre 1993 par l’Assemblée générale, les résolutions de la dernière Conférence mondiale de Pékin de septembre 1995, la Résolution WHA49.24 de l’Assemblée mondiale de la santé qui fait de la violence le problème prioritaire de santé proclamée en 1996 par l’OMS, le rapport du Parlement européen de juillet 1997, la résolution de la Commission des droits de l’homme des Nations unies de 1997 et la désignation de 1999 comme année européenne de lutte contre la violence de genres et la décision 803/2004/CE instaurant le programme Daphné II (2004-2008). La présente proposition de loi s’appuie également sur la résolution (2004/2220(INI)) adoptée le 2 février 2006 par le Parlement européen, et particulièrement sur ses considérants D, F, R et S, ainsi que ses recommandations, particulièrement 1.a), 1.b), 4, 19 et 20.
Le cadre de cette loi couvre aussi bien les aspects préventifs, éducatifs, sociaux, d’assistance et de suivi des victimes que les aspects législatifs civils et pénaux, les aspects procéduraux et d’organisation judiciaire. Elle établit des mesures de protection intégrale afin de prévenir, sanctionner et éradiquer ces violences. Elle se veut une réponse globale en abordant des questions aussi vastes que : le domaine éducatif et des contenus scolaires sexistes ; la lutte contre la publicité et les médias sexistes ; les programmes de sensibilisation dans les structures sanitaires et sociales ; le droit et l’information à l’aide sociale globale et l’assistance juridique gratuite ; l’obtention du droit d’asile pour les femmes étrangères persécutées, victimes de violences sexistes ou en raison de leur action pour le droit des femmes ; le relogement pour les jeunes filles et les femmes victimes de violences ; la formation des médecins, inspecteurs et contrôleurs du travail ; l’accompagnement des personnes prostituées en but à l’esclavage moderne vulnérables économiquement, et l’abrogation de la pénalisation du racolage passif ; la redéfinition pénale des différents types de violences faites aux femmes ; des mesures judiciaires de protection et de sûreté des victimes ; des tribunaux spécifiques sur le modèle de la loi-cadre espagnole contre les violences de genres.
Il ne s’agit pas d’envisager le problème des violences à l’encontre des femmes d’une façon plus répressive, de faire encore plus de sécuritaire mais de dégager d’importants moyens humains et financiers pour réduire ces phénomènes de société.
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les objectifs de la présente proposition de loi.