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23 juin 2009 2 23 /06 /juin /2009 09:49

Le Président de la République parle officiellement aux parlementaires. Une rupture dans la tradition républicaine de la France. Première partie à propos de son incidence sur les institutions.


C’est toujours difficile d’écrire dans le feu de l’instant que tel ou tel discours fera date. Pourtant, il était assez prévisible que le discours qu’a prononcé le Président de la République Nicolas Sarkozy à l’ensemble du Parlement réuni en Congrès le 22 juin 2009 à Versailles serait historique parce que tout simplement, il a inauguré un nouvel usage des institutions. Nicolas Sarkozy l’a d’ailleurs fait remarquer avec une certaine solennité et émotion au début de sa déclaration.


Au fait, depuis quand ?

Historique, donc, parce que depuis le début de la III
e République, aucun Président de la République n’était autorisé à s’adresser directement aux parlementaires. Il ne pouvait communiquer qu’à l’aide de messages lus simultanément par le Président de l’Assemblée Nationale et le Président du Sénat dans les deux chambres du Parlement, les parlementaires écoutant debout. François Mitterrand avait beaucoup utilisé ce droit et René Coty l’avait également fait pour faire pression sur les députés afin d’aider le Général De Gaulle à revenir au pouvoir le 29 mai 1958.

Mais reprenons la même erreur (pas seulement journalistiques) entendue ces derniers jours. C’est ainsi qu’on peut juger du degré de connaissances historiques. Depuis quand le Président de la République ne s’est-il plus exprimé devant les parlementaires ? France 3 disait 1875, repris par beaucoup de dépêches dès juillet 2008 et repris aussi par le Président de la République. Direct 8 parlait de 1848 tandis que BFM TV de Louis Napoléon Bonaparte. Or, l’interdiction faite au Président de la République de se rendre physiquement chez les parlementaires date du 13 mars 1873. À l’époque, Albert de Broglie, monarchiste, tentait par ce moyen détourné d’empêcher Adolphe Thiers, Président de la République à l’origine monarchiste puis devenu républicain, de gagner à sa cause les députés monarchistes. Étrangement, cette mesure d’interdiction était donc à visée antirépublicaine. Le contraire de ce qui se dirait aujourd’hui.


Les critiques de l’opposition

Les critiques de la gauche et du MoDem sont hélas de faible sincérité. Elles sont de plusieurs ordres.

1. La première a trait à un débat qui est clos depuis près d’un an : la possibilité offerte au Président de la République de parler devant le Parlement réuni en Congrès a été l’une des multiples mesures de la réforme des institutions. J’y étais à l’époque hostile, mais elle est désormais inscrite dans la Constitution et devient règle suprême à respecter de tous. Elle ne sera probablement jamais remise en cause, les successeurs de Nicolas Sarkozy n’y ayant aucun intérêt (au minimum, ils pourront s’abstenir de tout discours comme avant).

2. La deuxième critique est en rapport avec le cadre : à Versailles. De là à rappeler les Versaillais soutenus par Thiers, la cour de Louis XIV et divers autres symboles plus monarchiques que républicains. C’est sans doute se tromper de débat. D’une part, Nicolas Sarkozy ne voulait pas ne pouvoir s’exprimer qu’à Versailles, mais au contraire devant chacune des chambres, au Palais Bourbon ou au Palais du Luxembourg. C’est la moulinette des députés qui a restreint l’accès du Président exclusivement au Congrès à Versailles. D’autre part, Nicolas Sarkozy a été l’invité du Parlement, il n’était donc pas le maître à Versailles, et c’était assez étrange que Bernard Accoyer, Président du Congrès car Président de l’Assemblée Nationale, se rendait à l’hémicycle du château de Versailles accompagné de ses quatre gardes républicains alors que Nicolas Sarkozy, Président de la République, s’y rendait seul, juste bordé de gardes républicains (respectant le chef de l’État par la couleur blanche de leur culotte !), avec donc plus de simplicité protocolaire que le quatrième personnage de l’État (en revanche, Bernard Accoyer a raccompagné Nicolas Sarkozy à la fin de son discours avec les quatre gardes républicains).

3. La troisième critique, qui est le prétexte au refus de débat des socialistes et de François Bayrou, c’est l’absence de Nicolas Sarkozy dans le débat qui a suivi. Il se trouve que le Président de la République, le voudrait-il, assister au débat, qu’il n’y aurait pas le droit, le règlement du Congrès excluant totalement cette possibilité (conformément à la Constitution : le règlement a été adopté le matin du 22 juin 2009 et le Conseil Constitutionnel l’a déclaré conforme à midi, parfois, les institutions sont très rapides). D’ailleurs, d’un point de vue pratique, il serait très hasardeux de faire asseoir le Président de la République dans l’hémicycle : à quel endroit ? sur les bancs du gouvernement, ce qui présidentialiserait encore plus le régime ? sur un fauteuil spécialement conçu pour lui et assimilé à un trône ? C’est la présence même du chef de l’État (constitutionnellement irresponsable au contraire du gouvernement) pendant le débat qui aurait fait évoluer en profondeur la V
e République dans le sens que les critiqueurs contestent justement !


En retard d’une bataille…

Curieusement, les grands perdants des élections européennes (PS et MoDem) ont montré beaucoup de mauvaise foi pour cette innovation institutionnelle pour laquelle je suis moi aussi réticent. Mauvaise foi et surtout, retard d’un débat. Retard d’un an. Au lieu de cette réaction (celle de ne pas participer au débat qui a suivi, quelle piètre idée du débat parlementaire), ils auraient eu pourtant l’occasion de s’exprimer sur le fond, sur la crise, sur les remèdes pour s’en sortir…

L’argument de Nicolas Sarkozy évoqué dans sa déclaration peut convaincre : au même titre que l’institution du septennat, l’interdiction d’un tel discours relevait d’une des spécificités françaises très circonstancielles attribuées aux débuts monarchistes de la III
e République (bien incompréhensibles à l’étranger, mais qu’importe le regard des étrangers, après tout). Principalement, son origine n’était plus d’actualité : la République est bien ancrée, incontestable, la nature républicaine du pays n’est plus remise en cause depuis longtemps et par conséquent, l’interdiction était anachronique. Pourquoi pas, tant que cela reste exceptionnel et solennel ?


Y a-t-il augmentation de la présidentialisation ?

Le régime s’est-il présidentialisé pour autant ? Sans doute de façon symbolique. Ceux qui connaissent suffisamment bien le fonctionnement des institutions depuis au moins la Présidence de Georges Pompidou peuvent attester que depuis 1969, le Président de la République s’occupe de tout, des nominations de leur parti, des détails des lois les plus anecdotiques… que ce soient Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac… ou Sarkozy. Il suffit de relire les carnets très éloquents de Michèle Cotta pour s’en convaincre. Rien de nouveau donc dans cette prétendue présidentialisation du régime qui a cependant été renforcée avant tout par l’adoption du quinquennat et de la concomitance des élections présidentielle et législatives.

La fonction de Premier Ministre est-elle en péril avec ce discours présidentiel à Versailles ? Contrairement au constitutionnaliste Didier Maus qui affirmait sur LCP le 22 juin 2009 que d’autres mesures iraient encore dans le sens d’un régime présidentiel à l’avenir, je pense que non. Le Premier Ministre sera toujours utile pour aller au charbon, pour défendre un projet de loi contesté en pleine nuit. J’imagine mal Nicolas Sarkozy convoquer sans cesse le Congrès pour un oui ou pour un non, d’autant plus qu’il n’a le droit (pour l’instant) qu’à une fois par an. Il faut plutôt comparer ce discours au Congrès avec les vœux télévisés de fin d’année ou l’ancienne interview traditionnelle du 14 juillet sous Mitterrand et sous Chirac. Une occasion solennelle d’une nouvelle communication présidentielle.

La possibilité d’un discours du Président de la République au Congrès pourrait en revanche devenir conflictuelle en cas (toujours possible) de cohabitation.

Pourquoi mes inquiétudes exprimées en 2008 ont-elles donc autant diminué ? Parce que le discours du 22 juin 2009 est avant tout prononcé dans un esprit d’humilité et de dialogue. Loin de profiter du succès (incontestable, j’y reviendrai) de son parti aux élections européennes, Nicolas Sarkozy s’est adressé au-delà des parlementaires à la nation toute entière pour faire le point et donner une vision qui manquait jusque là.


Dans le second article sur le discours au Congrès, j’évoquerai le fond.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (23 juin 2009)


Pour aller plus loin :

Texte du discours de Nicolas Sarkozy le 22 juin 2009 à Versailles.


Vidéo du discours de Nicolas Sarkozy le 22 juin 2009 à Versailles.


Le Président de la République, persona non grata depuis 1873.


L’adresse présidentielle aux parlementaires selon le gouvernement.


L’adresse présidentielle aux parlementaires selon les parlementaires.


L’adresse présidentielle aux parlementaires définitivement votée.



(Illustration : section PS d’Halluin).








http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-discours-historique-de-nicolas-57986

http://www.lepost.fr/article/2009/06/23/1591188_le-discours-historique-de-nicolas-sarkozy-du-22-juin-2009-1b-les-institutions.html

http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-67

http://www.centpapiers.com/le-discours-historique-de-nicolas-sarkozy-du-22-juin-2009-1-les-institutions/8505/






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