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10 août 2023 4 10 /08 /août /2023 05:57

« La principale différence entre moi et la plupart des ultra-riches, c'est que je m'intéresse surtout aux idées. Je n'ai pas besoin personnellement de toute cette fortune. Mais malheureusement, si je n'avais pas gagné tout cet argent, je crois que personne n'écouterait mes idées. » (George Soros).





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Le milliardaire et philanthrope américain George Soros fête son 93e anniversaire ce samedi 12 août 2023. Profitons-en pour évoquer sa personnalité controversée qui est régulièrement fustigée sur Internet. Sur sa page Wikipédia (française), il est dit qu'il est, d'un côté : « Magnat des affaires, économiste, financier, banquier, opérateur de marché, écrivain, philanthrope, philosophe, investisseur, entrepreneur », et d'un autre côté, il est dit qu'il est également, en complément, un « lobbyiste milliardaire américain d'origine hongroise ». Bizarrement, le mot "spéculateur" n'y est pas utilisé pour le décrire (il l'est pour évoquer les critiques contre lui). Pour reprendre le titre d'un livre de la journaliste Anne-Marie Rocco sorti en 1999 (éd. Assouline), on pourrait résumer par « milliardaire, spéculateur et mécène ».

Il est aussi affirmé qu'au début des années 2000, sa fortune aurait atteint la coquette somme de 30 milliards de dollars (de quoi voir l'avenir, le sien et celui des siens pour de nombreuses générations), se plaçant parmi les dix plus grandes fortunes des États-Unis. Je ne connais pas vraiment l'origine (réelle et pas affichée) de sa fortune, mais le plus vraisemblable est que ses activités de spéculation à l'échelle mondiale (qui, d'ailleurs, ne lui ont pas toujours été profitables) ont contribué à son enrichissement personnel, en particulier au début des années 1990 en spéculant massivement contre la livre sterling (mais il était déjà financièrement puissant).

Cela dit, d'autres estimations ont donné un montant plus faible, ou, du moins, une évolution de la fortune nettement à la baisse : 20 milliards de dollars en 2012 selon "Forbes" (22e fortune au monde), "seulement" 6,7 milliards de dollars en 2023 (toujours selon "Forbes", 397e fortune au monde). Cette évolution à la baisse pourrait avoir pris en compte les sommes allouées à son activité philanthropique.

Et pourtant, le problème avec cet ultra-riche, c'est que, comme il l'a expliqué (voir en tête d'article), il s'est toujours senti devoir avoir un rôle messianique qui, par définition, est désintéressé matériellement. En effet, les "riches" apprécient l'argent et c'est leur nerf de la guerre, et leurs actions ont cette finalité. George Soros, au contraire, ne considère pas l'argent comme une finalité (ma grand-tante me disait toujours qu'on n'emportait rien dans sa tombe), mais comme un simple moyen. Cela choque donc parce qu'il est capable de dépenser de l'énergie et de l'argent pour des actions qui ne lui seraient pas directement profitables.

Ce thème serait du reste un beau sujet d'étude, à toutes les échelles, et pourrait finalement se résumer plus généralement à : quelles sont les motivations des bénévoles ? quelques sont les motivations des donateurs ? Ces motivations, elles ne sont pas toutes par intérêt financier (ou fiscal), elles peuvent être aussi, bien sûr, politiques ou religieuses, plus généralement idéologiques, mais elles peuvent être aussi autres, un choix de vie très personnel qui peut dérouter autant les détracteurs que les laudateurs, encore que, pour George Soros, à part ceux qui, personnes morales ou physiques, ont été aidés très concrètement par le milliardaire dont il est question, je doute qu'il y en ait beaucoup (ou alors, ils se font très discrets).


Le plus étonnant, c'est la formation initiale de George Soros : né à Budapest (en Hongrie) sous le nom de György Schwartz, « Juif rescapé du régime nazi, il parvient ensuite à fuir l'Union Soviétique » [en fait, pas l'URSS mais l'Empire soviétique, c'est-à-dire un de ses satellites, la Hongrie]. À partir de 1947, il a suivi des études de philosophie à la London Schools of Economics, jusqu'à obtenir en 1954 le grade de docteur en philosophie. George Soros, à l'origine, était donc quelqu'un qui se destinait à la philosophie et à l'écriture d'ouvrages.

Après ses études londoniennes et une courte expérience dans une entreprise de courtage à la City de Londres (créée par deux réfugiés hongrois), il a débarqué en 1956 aux États-Unis et a voulu se faire de l'argent à Wall Street pour être un philosophe indépendant. La finance lui a phagocyté ce rêve d'enfant. Enfin, pas tout à fait, car ses investissements et ses spéculations (on choisira l'un ou l'autre ou les deux), lui ont permis d'accumuler une fortune colossale qu'il utilise pour financer toutes les causes qu'il veut défendre.

Après tout, tant que c'est légal, pourquoi lui reprocher de dépenser sa fortune à ces causes diverses ? On fait ce qu'on veut avec son argent, et, je le répète car je n'en sais rien pour lui, tant qu'on a gagné son argent honnêtement (le sens d'honnête ici est à prendre dans le sens de légal, et pas dans le sens moral, bien sûr), on a le droit de le dépenser comme on le veut (tout aussi honnêtement, bien entendu, au même sens que précédemment).

Alors voilà, quand on est populiste, pour ne pas dire extrémiste, on cherche des boucs émissaires. Les deux extrémismes qui sévissent légalement aujourd'hui, c'est l'extrémisme de gauche, pour qui les méchants, ce sont les "riches", et l'extrémisme de droite, pour qui les méchants, ce sont les "étrangers". Notez que si c'est simpliste, c'est normal, puisque c'est démagogique. Notez aussi que la notion de "riches" est internationaliste (on peut être contre les riches partout) et c'est également le cas des "étrangers" (il y a toujours des étrangers partout dans le monde). Un autre populisme ne s'affiche pas mais est toujours bien vivace de nos jours, malgré la Shoah, c'est l'antisémitisme (et plus généralement le racisme qui se retrouve aux confins de la xénophobie).

En exprimant cela, je prends conscience que George Soros a tout faux : il est riche (énormément riche), il est d'origine juive (même si, en pratique, athée, il restera toujours juif pour les antisémites), il est étranger, d'une manière ou d'une autre, Hongrois qui n'est plus en Hongrie, émigré, et même pire, il est Américain (au sens de citoyen des États-Unis), et à ce titre, il coche toutes les cases de ciblage de l'anti-américanisme primaire qui peut se résumer à de l'anticapitalisme ringard voire anachronique ou à de l'antisémitisme larvé, du moins, non assumé. Et je ne parle même pas de la jalousie qu'une telle fortune suscite dans bien des esprits envieux.


Il suffit de voir toutes les causes que George Soros a financées pour comprendre qu'il ne pouvait être que la cible idéale de tous ces extrémismes qui sont très bavards sur Internet (on ne pourra pas dire qu'Internet ne leur apporte pas cette liberté d'expression, vu qu'au contraire, la toile amplifie leurs expressions).

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Ces financements dits philanthropiques ou politiques sont réalisés au moyen d'une fondation, ou plutôt, d'un réseau de fondations, l'Open Society Foundations, dont la structure originelle a été créée en 1979 avec ce but : « promouvoir la gouvernance démocratique, les droits de l'homme et des réformes économiques, sociales et légales ». Sa dénomination provient du titre d'un ouvrage philosophique de Karl Popper dont il a été un élève et correspondant ("The Open Society and Its Enemies", sorti à Londres en 1945).

George Soros a notamment commencé par le financement de tracts en 1984 en Hongrie pour apporter une information différente de celle du parti communiste hongrois à l'époque de la dictature communiste qui sévissait dans toute l'Europe centrale et orientale. Il a aussi aidé des étudiants sud-africains à l'époque de l'apartheid. En 1999, un journal avait estimé à 2 milliards de dollars la totalité des dons alloués par sa fondation, mais ce sont 18 milliards de dollars que George Soros a transférés en 2017 de ses entreprises et deniers personnels à sa fondation.

Parmi les causes idéologiques ou politiques que George Soros a financées, tout est à l'opposé des idées des extrémismes que j'évoquais. Soros a soutenu la campagne contre le Brexit, a soutenu la construction européenne, le parti démocrate, en particulier la candidature d'Hillary Clinton en 2016, les campagnes contre Donald Trump (qui, soit dit en passant, est un autre milliardaire qui a utilisé sa fortune pour se faire élire), avant, en 2004, il avait soutenu John Kerry contre George W. Bush, etc.

Parmi ses adversaires idéologiques, on retrouve, en France, le RN et toute l'extrême droite française (et également l'extrême gauche française) ; en Hongrie, le Premier Ministre hongrois Viktor Orban (au point de devoir transférer le siège de sa fondation de Budapest à Berlin en 2018) ; aussi, en Israël, le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou, et, plus généralement, tous les leaders pro-russes de l'ancien Bloc soviétique en Europe mais aussi en Asie centrale. George Soros s'est beaucoup opposé à la "croisade" engagée par George W. Bush en Irak après les attentats du 11 septembre 2001, ainsi qu'à la toute-puissance des GAFAM par leur monopole qui menace la démocratie : « Un contrôle tel que même Aldous Huxley ou George Orwell n'auraient rien pu imaginer de pareil. » (25 janvier 2018). George Soros s'oppose aussi au régime de Xi Jinping : « La Chine n'est pas le seul régime autoritaire du monde. Mais c'est le régime autoritaire le plus riche, le plus puissant, le plus sophistiqué dans l'intelligence artificielle et les machines. » (24 janvier 2019). Et même, paradoxalement, le capitalisme est la cible récurrente de George Soros qui souhaite faire taxer plus les grandes fortunes.

Si en France, certains le détestent, c'est parce qu'il a financé des causes qui n'ont pas fait plaisir à certaines idéologies, en particulier des études sur le contrôle policier au faciès et sur les discriminations dont seraient victimes des musulmans marseillais. En Californie, il a financé des campagnes pour la dépénalisation du cannabis.

L'influence de George Soros est bien sûr exagérée et fantasmée par de nombreux complotistes du monde entier : on ne prête qu'aux riches, c'est pourquoi on prête beaucoup à George Soros, on lui prête toute sorte d'influence sur un prétendu contrôle du monde. Ce n'est pas lui qui démentira car cela fait partie du jeu et de sa puissance : plus on le croit influent, plus il est effectivement influent. C'est le principe élémentaire de la spéculation. Une sorte de jeu de poker.

La réalité est moins emballante : parce qu'il est fortuné, George Soros a les moyens de se faire plaisir intellectuellement. Mais s'il était aussi puissant que certains le prétendent, le cours du monde aurait été très différent : pas d'élection de Donald Trump, éviction de Xi Jinping, de Viktor Orban, de Vladimir Poutine, etc.

Alors, au fait, revenons au début avec ma question tordue : faut-il haïr George Soros ? C'est comme vous voulez, mais sachez que cette haine est nécessairement un marqueur idéologique. Et puis, haïr n'a jamais fait avancer le monde. Il y a ceux qui haïssent et il y a ceux qui construisent. Choisissez votre camp...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (05 août 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
George Soros.
Silvio Berlusconi.
Michel-Édouard Leclerc.
La France des investissements productifs félicitée par Emmanuel Macron.
Faut-il encore polémiquer sur le RSA ?
Virginie Calmels.
Bernard Arnault.
Georges Chavanes.
Serge Dassault.
Thierry Breton.
Stéphane Soumier.
Elon Musk.

Jeff Bezos.
Donald Trump.
Anatoli Tchoubaïs.
Ravil Maganov.
François Perigot.
Alain Minc.
Jean Gandois.
Yvon Gattaz.
Bill Gates.
Carlos Ghosn.
Olivier Dassault.
Albin Chalandon.
Bernard Tapie.
Le Black Friday.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230812-soros.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/faut-il-hair-george-soros-249768

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/08/10/40005594.html









 

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