Une étude de plus en plus précise vient d’être publiée pour analyser les violences conjugales en France. Un horizon très sombre de ce qu’il se passe au sein de beaucoup trop de foyers.
Quelle étrange phénomène que parmi deux personnes qui s’aiment (?) et décident de vivre ensemble, l’une d’elle (très souvent la femme) est victime des violences de l’autre, parfois jusqu’à en mourir. Pourtant, les études le démontrent et le confirment : beaucoup de femmes sont battues par leur conjoint ou ex-conjoint, et un peu moins d’hommes subissent le même sort.
Ce constat est à la fois révoltant et étonnant. Révoltant comme toutes les violences. Étonnant car aujourd’hui, les femmes font autant d’études que les hommes, et vivent une indépendance professionnelle et financière qui pourrait les détacher de leur conjoint violent, du moins plus facilement (matériellement) que dans le passé.
La mort de Marie Trintignant le 1er août 2003 n’a pas réduit ce phénomène, mais a permis au moins de le rendre plus connu de l’ensemble des citoyens et de sensibiliser les victimes sur les démarches à suivre.
Un observatoire pour scruter les violences en France
En 2003, Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur, avait mis en place l’Observatoire National de la Délinquance (OND), rattaché comme un département de l’Institut National des Hautes Études de Sécurité (INHES).
Loin d’être une initiative personnelle de Nicolas Sarkozy, cet observatoire avait été proposé par un rapport rédigé et publié en janvier 2002 par les députés Robert Pandraud (UMP, ancien Ministre délégué à la Sécurité) et Christophe Caresche (PS, adjoint de Paris) missionnés le 23 juillet 2001 par son prédécesseur place Beauvau, Daniel Vaillant.
La mission de l’Observatoire National de la Délinquance est de recueillir et d’analyser toutes les statistiques correspondant à la délinquance en France, soit en collectant les informations auprès des forces de l’ordre (nombre de plaintes etc.) soit en diligentant auprès de l’INSEE des enquêtes de victimation (dont le but est de dénombrer les personnes subissant une atteinte, qu’elle soit matérielle, corporelle ou psychique). En 2007, l’observatoire comptait neuf employés à plein temps.
L’OND a publié ce 8 juillet 2008 son bulletin mensuel de juillet 2008 où il recense le nombre de cas de violences conjugales en 2007. Parmi les violences recensées, il y a les violences physiques (coups, mutilations, agressions sexuelles, séquestration, meurtres), psychologiques (insultes, chantages, menaces, humiliations) et autres (vol, destruction, confiscation etc.).
Une femme meurt tous les trois jours de violences conjugales en France
47 573 faits ont été enregistrés par la gendarmerie et la police, ce qui constitue une hausse de plus de 30% par rapport à 2004 (36 231), mais pas une augmentation du nombre de cas : il y a plus de déclarations qu’avant (encouragées par la police et la justice), et il y a une nouvelle définition de la violence conjugale qui inclut désormais les violences faites par un ancien conjoint.
Les violences conjugales représentent plus du quart de l’ensemble des actes de violence.
En 2006, 137 femmes sont mortes des coups portés par leur compagnon (soit une femme tous les trois jours) et plus de 3 000 actes de violence ont entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours (en légère baisse, de 3 360 à 3 103).
Statistiquement, cela correspond à 18,7 faits de violence conjugale pour 10 000 femmes, mais avec des pointes dans certains département au-delà de 30 pour 10 000 femmes.
Ce nombre est à comparer avec une enquête de victimation réalisé en 2007 pour des faits de 2005 et 2006 : 410 000 femmes ont déclaré avoir subi des violences de leur conjoint ou ex-conjoint, soit 2,3% de l’ensemble des femmes âgées de 18 à 60 ans. Moins d’un quart ont donc donné lieu à un dépôt de plainte (21%).
Un homme meurt tous les dix jours de violences conjugales en France
Mais l’enquête de victimation révèle aussi que 127 000 hommes sont victimes de violences exercées par leur conjointes, soit 0,7% de l’ensemble des hommes âgés de 18 à 60 ans pour la même période. Or, seulement 2 317 plaintes ont été enregistrées pour de tels faits, les hommes renonçant encore plus que les femmes à déposer une plainte.
Ce qui signifie qu’un peu moins d’un quart des faits de violences conjugales sont exercés sur des hommes.
En 2006, 37 hommes mouraient, tués par leur conjointe, mais dans les trois quarts des cas, ces hommes battaient leur compagne.
Origines des violences ayant entraîné la mort
Les circonstances des morts par violences conjugales sont relativement classiques et prévisibles : dispute, alcool, séparation et jalousie.
En effet, dans la grande majorité des cas (54%), c’est une dispute qui a déclenché l’acte de violence. Puis viennent l’alcool pour 29% des cas, la séparation pour 27% et la jalousie pour 22%. La folie, l’absorption de drogues ou de médicaments et la dépression ne viennent que pour moins de 10% des cas (l’ensemble des % est supérieur à 100 en raison des réponses multiples possibles).
Réagir avant qu’il ne soit trop tard…
Depuis le 1er juin 2006, un numéro de téléphone spécial permet aux victimes de violences conjugales de rentrer en contact avec un service spécialisé : 3919.
Vu l’ampleur de ces violences, il n’est pas inutile de rappeler qu’il faut savoir couper les relations dès les premiers signes de violences, même si psychologiquement, cela peut s’avérer très difficile.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (8 juillet 2008)
Pour aller plus loin :
Rapport 2005 de l’OND.
Rapport 2006 de l’OND.
Rapport 2007 de l’OND.
Bulletin de juillet 2008 de l’OND (à paraître et bientôt disponible à cette page).
Brochure sur les violences conjugales.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=41980
http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080708/tot-violences-conjugales-en-france-quelq-89f340e.html
http://www.lepost.fr/article/2008/07/08/1221006_violences-conjugales-en-france-quelques-chiffres-qui-parlent_1_0_1.html