C’est pour cette raison qu’elle s’est trouvée très à l’aise malgré les sondages alarmants (en dessous de 25%) et son équipe de campagne qu’elle a bien du mal à rendre cohérente.
Parlons d’abord du positif.
Ségolène Royal a été à l’aise, et c’est vrai, elle s’est retrouvée dans les mêmes conditions que ses forums participatifs. Alors qu’on lui parlait de son compagnon François Hollande, elle a fait une belle répartie sur l’indépendance des conjoints, qu’il ne faut pas demander seulement qu’aux épouses mais aussi aux maris.
Son laïus sur son expérience était convaincant, car elle était convaincue : je suis une boursière, j’ai fait un concours difficile, l’ENA, j’ai travaillé sept ans à l’Élysée, j’ai préparé les sommets internationaux, je connais tous les arcanes du pouvoir, j’ai été trois fois ministre, quatre fois élue députée même lors de la débâcle du PS en 1993, et j’ai conquis la présidence du Poitou-Charentes face à un ancien Premier Ministre.
Malgré quelques imprécisions (elle a systématiquement parlé de présidence de région alors que c’est présidence du conseil régional, et Raffarin était encore Premier Ministre en 2004 et il n’était pas candidat aux régionales cette fois-là...), elle croyait à ce qu’elle disait en insistant sur l’autre voie, sur l’autre manière de faire de la politique, peut-être par sa sensibilité féminine. Elle a bien su montrer son empathie (jusqu’à faire un geste de réconfort à un handicapé très ému de parler).
Et sur ce sujet, elle a raison, elle n’a pas moins de légitimité que d’autres candidats, et elle a même valorisé l’ENA, ce qui est nouveau puisque depuis vingt ans, il y a peu d’énarques présidentiables qui s’en sont vantés... tant la technocratie est décriée en France.
Mais sur le fond, que voyons-nous ?
Rien.
Pas de mesures précises, pas de chiffrage, que des incantations, que des yaka ! Elle n’a répondu que par sa volonté de discuter avec les gens concernés pour trouver des solutions : sur tous les sujets, des plus sociétaux (la fin de vie) aux plus cruciaux (négociations des salaires), aucune clef pour savoir ce qu’elle va faire.
Sans arrêt, un oui empathique, et : on décidera de la meilleure solution.
Mais laquelle ?
Le pire, c’est le SMIC à 1500 euros dans cinq ans. Elle jouait sur la confusion du brut et du net, en disant : Comment peut-on vivre avec 950 euros ? (là, c’était du net). En fait, le SMIC est actuellement 1250 euros brut, et avec les indexations, il sera normalement à 1500 avant même les cinq ans. Donc, rien de mieux. Que du vent.
Parfois, elle a oublié que certaines mesures qu'elles défendaient avaient été déjà mises en oeuvre. Je passe sur la loi contre les femmes battues qui existe déjà (elle ne l'a pas évoquée). Mais par exemple, le jeune ingénieur dont les charges seraient exonérées pour les six premiers mois. En fait, la loi sur l'innovation permet déjà le recrutement des jeunes docteurs avec non pas l'exonération, mais le remboursement des frais salariaux, pendant non pas six mois mais un an. Avant de proposer des mesures du même registre, il serait plus pertinent d'évaluer les mesures déjà prises et leurs retombées sur l'emploi.
J’ai vu aussi une grande incohérence : elle veut réformer les institutions, redonner plus de poids au Parlement et au peuple (droit d’ordre du jour pour la discussion d’une loi) et rééquilibrer les pouvoirs, et voici que sans arrêt, Ségolène Royal dit : présidente, je donnerais aux régions la possibilité d’améliorer les prisons etc. Ben non, c’est du domaine de la loi, ça...
Cela reprend aussi sur le nombre très grand de ‘je’ et de ‘moi’ qui ne sait même pas dire ‘nous’ sauf à une seule occasion.
Donc, Ségolène Royal a bien réussi son oral, mais n’a absolument pas renforcé son fonds de commerce électoral, sa crédibilité à gouverner, car il n’y a pas eu beaucoup d’éléments pour savoir ce qu’elle ferait si elle était élue.
En quelques sortes, un chèque en blanc.
Justement ce que les gens ne veulent plus.
commenter cet article …