Pour l’occasion, je m’y suis rendu. J’arrive juste à l’heure (19 heures), mais les portes viennent juste de se refermer, la salle est déjà pleine.
Je resterai donc dehors, devant un écran géant, pendant près de deux heures trente. Par chance, malgré des nuages noirs, pas de pluie, et parfois, la lune sourit en une fine lamelle de croissant brillant.
Je préfère le froid au trop chaud de la salle, mais le vent glacial avec le jour qui se couche me démentira.
À l’origine, le meeting était prévu au Palais des Congrès à la Porte Maillot, mais l’organisation a dû changer deux fois de salle afin de pouvoir accueillir tous les participants.
Hélas, le clip d’attente est infernal à mes oreilles. Le volume sonore est beaucoup trop élevé. Songent-ils à réveiller les automobilistes du périphérique embarqués dans les bouchons habituels ?
François Bayrou arrive avec du retard et met au moins un quart d’heure pour atteindre la tribune. Bain de foule, mais entouré d’une meute de photographes.

Combien y avait-il de participants ? Toujours la question qui tue.
Bayrou en commençant parle de 6.700 à 7.000 dans la salle et 6.000 à 7.000 dehors (dont moi). Le lendemain, les médias évoquent un discret « plus de 6.500 » en oubliant les personnes dehors, et le site du candidat centriste (1) revendique 7.500 dans la salle et 7.000 dehors. En tout cas, assurément nettement plus de 10.000 au total.
Bayrou semble avoir la rage du conquérant, heureux de faire partie des grands candidats même si, dans les sondages, il diminue un peu. Il se croit déjà président, parle au futur et pas au conditionnel, dit souvent (comme Royal) « je veux ».
Je ne refais pas tout son discours, on pourra se reporter au texte initial (2) qui énumère les différents points de son projet.
Je retiens seulement quelques éléments.
1. Le rassemblement des Français.
1988, la France Unie de Mitterrand, 2002, Chirac réélu par 82% dans un grand élan républicain. 2007, Bayrou voudrait réussir ce qu’aucun des deux précédents Présidents n’a voulu réaliser, un grand rassemblement.
Pourquoi faire ? des grandes réformes (dont il évoque les principaux axes, mais mon propos ici n’est pas de redire le discours).
Rassembler aussi les gens, ne pas les diviser, ne pas attiser une catégorie de la population contre une autre.
Des grandes réformes qui doivent être approuvées de tous, acceptés par tous, et pas par seulement un camp, pour l’intérêt d’un camp. En cela, le fait de réunir des personnalités de bords différents pour des grandes réformes les pérenniserait. Et garantirait qu’elles seraient pour l’intérêt général.
La première mission du Président, ce doit donc être le respect du peuple, sa compréhension et son rassemblement.
2. Arrangeant/dérangeant.
Bayrou surfe là dans un pseudo-populisme : seul contre les deux grands partis, candidats des petits, des humbles, contre les candidats du CAC 40, du show-business. Contre les intérêts des grands groupes industriels. Pour déranger les arrangements depuis 25 ans. La politique à la politique, l’industrie à l’industrie et rien de plus. L’État doit protéger les faibles et pas les puissants.
Les postes de l’État doivent être pourvus en fonction des compétences et pas des allégeances (c’est ce que dit aussi Sarkozy, mais est-il crédible à ce sujet).
C’est la « révolution pacifique » du « Président du peuple ».
3. Favoriser la création.
Renforcer la création du savoir avec la recherche, fondamentale et appliquée (pas de recherche appliquée sans d’abord de recherche fondamentale).
Mais aussi la création d’entreprise, et pas seulement dans les services mais aussi dans l’industrie, porteuse d’innovations technologiques.
Et encore la création culturelle et artistique, en y incluant les droits d’auteur sur internet (il est contre la licence globale qui favoriserait les grands groupes du secteur et pénaliserait les logiciels libres).
4. Quelle majorité parlementaire ?
Bayrou a été souvent attaqué sur ce sujet. Il renvoie la question aux autres candidats.
En 2002, l’élu n’a obtenu que 19% au 1er tour, et l’élu de 2007 n’aura vraisemblablement qu’entre 20 et 25% au 1er tour aussi, pas de quoi faire une majorité. Par conséquent, la question se pose à tous les candidats.
Bayrou pose alors la question : Sarkozy va-t-il faire une majorité avec De Villiers voire Le Pen ? Et Royal, va-t-elle faire une majorité avec Buffet voire Besancenot ?
Par ailleurs, les majorités parlementaires sont généralement claires par la dynamique présidentielle. Chirac, représentant 19%, a obtenu 365 députés six semaines plus tard en 2002.
Conceptualisant le principe de la « majorité centrale », Bayrou déclare qu’elle est la seule à diminuer les extrêmes.
Car il est faux, selon lui, de dire que l’alternative ne resterait que pour les extrêmes si le projet d’union nationale approuvé par 65% des Français selon les sondages était appliqué. Déjà en 2002, il y avait déjà près de 40% pour les partis extrémistes, ce n’est donc pas le système bipolaire UMP-PS qui décourage le vote pour des extrêmes.
Une « majorité centrale » ne signifiera pas que seuls le FN et l’extrême gauche constitueront l’opposition. Bayrou imagine que Sarkozy sera le leader d’opposition de droite alors que Fabius sera le leader d’opposition de gauche, comme il semble vouloir le devenir dans la perspective de 2012 (eh oui !).
Je terminerai par une réflexion qui dévie vers les médias.
Dans aucun média je n’ai entendu en fait l’élément le plus important du discours de François Bayrou, une déclaration qui l’engage beaucoup. Je l’ai dit, les sondages se mettent à baisser, et il a besoin de relancer sa campagne.
Ce soir-là, Bayrou annonce qu’il va y avoir, avant le premier tour, le ralliement de personnalités de droite et de gauche en faveur de sa démarche. Il l’a répété deux fois, donc je n’ai pas rêvé.
C’est dangereux une telle annonce. Si les ralliements n’arrivent pas, annoncés comme une botte secret, cela peut être très contreproductif.
Pourtant, rien de cela n’a été rapporté.
Je lis le discours qui a été donné au début du meeting pour les journalistes (2), et je comprends tout : aucun mot n’a été écrit sur ce sujet. En effet, il n’avait pas dû avoir des garanties suffisantes, et par prudence, ne l’a pas mentionné dans le discours initial. Pourtant, ce papier indique clairement au début : « Seul le prononcé fait foi ».
Apparemment, la presse ne fait que lire ce qu’on lui donne, pas écouter la réalité du discours. Ne prend pas en compte les éléments improvisés, rajoutés.
Peut-être est-ce mieux pour lui, finalement ?
(1) Site du candidat centriste.
(2) Discours de Bayrou du 21 mars 2007 au Zénith de Paris.
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