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24 avril 2020 5 24 /04 /avril /2020 03:44

« Avec le recul d’un mois, notre étude montre que le confinement national, qui a débuté le 17 mars 2020, a eu un impact important sur l’évolution de l’épidémie de covid-19. Cette mesure sans précédent a considérablement réduit le nombre d’admissions à l’hôpital et en réanimation, et a évité un grand nombre de décès au niveau national. Sans ce confinement, l’épidémie de covid-19 aurait eu un impact critique sur la morbidité et la mortalité en France, faisant effondrer le système sanitaire en France pendant plusieurs semaines. Sans traitement ni vaccin efficaces, nos résultats renforcent la nécessité de contrôler la pandémie de covid-19 par des mesures au moins aussi efficaces qu’un confinement national. » (Conclusions de l’étude de l’EHESP publiée le 22 avril 2020).


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Jamais le monde n’a subi une crise sanitaire d’une telle ampleur avec la pandémie de coronavirus SARS-CoV-2. La moitié de l’humanité est confinée. Le covid-19 n’est pas une grippe, on ne le répétera jamais trop et on commence à en avoir hélas la triste et funeste démonstration. Au 23 avril 2020, plus de 190 000 personnes sont mortes de cette maladie dans le monde depuis le début de la pandémie, dont plus de 50 000 aux États-Unis, plus de 25 000 en Italie, plus de 22 000 en Espagne, près de 19 000 au Royaume-Uni. En France, 21 856 décès sont à déplorer, soit 516 de plus que la veille (311 de plus pour les seuls décès à l’hôpital).

Restons néanmoins très prudents sur la comparaison entre les pays car certains pays n’intègrent pas dans leurs communications les décès dans les structures de type EHPAD, et la France ne les a intégrés que plusieurs semaines après le début de l’épidémie, et n’intègre toujours pas les décès dus au covid-19 à domicile (d’ailleurs, la plupart des études internationales ne prennent en compte que les décès des personnes hospitalisées pour avoir une cohérence dans les comparaisons).

Le covid-19 n’est pas une grippe, et insistons sur les raisons, autrement que par des statistiques mortuaires : la durée moyenne d’occupation d’un lit en réanimation pour une grippe, c’est dix jours, pour le covid-19, c’est entre trois et quatre semaines (cela donne une idée des besoins supplémentaires). Le taux d’hospitalisations est bien supérieur à la grippe, à ce jour, i l y a 29 219 personnes hospitalisées pour le covid-19. 15% des personnes infectées au coronavirus SARS-CoV-2 sont hospitalisées (c’est énorme), et ceux qui, passés en réanimation, ont survécu (pour les deux tiers environ d’entre eux), il reste souvent des séquelles graves et parfois définitives : poumons abîmés (essoufflement), reins détruits (dialyse), etc. alors qu’auparavant, pour beaucoup d’entres elles, ces personnes étaient en bonne forme physique et sans problème important de santé malgré des faiblesses comme l’obésité, par exemple.

Au-delà de la très grande agressivité du coronavirus, sa grande contagiosité (plus élevée que les virus de la grippe) a rendu nécessaires des mesures de sauvegarde sanitaire qu’aucun gouvernement dans le monde n’avait jamais prises à l’exception de certains pays asiatiques (notamment la Chine) lors de certaines épidémies récentes (SARS 1 notamment, en 2003).

La décision du confinement en France n’a donc pas été prise par un apprenti dictateur qui, du reste, a été souvent contesté pour sa supposée proximité avec les puissances économiques. En prenant cette décision, Emmanuel Macron n’a fait que suivre ou précéder la plupart des autres pays du monde touchés de plein fouet par cette pandémie, et a créé une véritable dépression économique temporaire qui va peu dans le sens des intérêts des dites puissances économiques.

Pourtant, cette décision du confinement était indispensable pour réduire, freiner la circulation du coronavirus et après plus d’un mois de confinement, on peut maintenant avoir les résultats encourageants. Restons en France mais on pourrait sans doute avoir des réflexions similaires dans chaque pays qui a pris des mesures de confinement généralisé. Ceux qui font de ce confinement une affaire nationale n'ont visiblement rien compris à la situation actuelle. Le confinement en France a commencé le mardi 17 mars 2020 à midi.

La première chose à dire  est que malgré son caractère très contraignant (avec contrôles et sanctions), les Français, dans leur très grande majorité, ont suivi le confinement et les consignes, malgré certains qui, peut-être, protestent énergiquement, mais ont quand même respecté le confinement dans les faits, ce qui est l’essentiel (après tout, on dit bien que nous sommes un peuple de râleurs, si cela peut aider à tenir…).

C’est grâce à ce comportement très responsable qu’on peut ainsi observer les conséquences très positives de ce confinement. La première illustration est dans les statistiques quotidiennes. Rappelons que les décès ne sont les conséquences que d’une contamination qui a eu lieu environ un mois auparavant. Ce n’est donc que maintenant qu’on devrait voir diminuer la "courbe" des nouveaux décès quotidiens.

En revanche, on peut voir depuis un petit plus de deux semaines un effet notable et rassurant sur le nombre d’hospitalisations et le nombre d’entrées en service de réanimation. Ces deux semaines étaient également prévisibles (le mois ayant un peu plus de quatre semaines) puisqu’il faut compter environ deux semaines d’incubation pour que la personne infectée au coronavirus développe la maladie.

Les données du 23 avril 2020 sont très claires : 522 hospitalisations en moins par rapport à la veille, et surtout, car c’était l’essentiel pour maintenir opérationnel notre système de santé, 165 personnes en moins dans les services de réanimation (solde entre entrées et sorties). Avec 5 053 personnes en réanimation, on arrive à peu près à l’occupation maximale en temps normal, mais le 8 avril 2020, au plus fort de la "courbe", on était à 7 180 lits occupés en réanimation (les services hospitaliers ont pu préparer jusqu’à 10 500 places en réanimation pour contenir la "vague").

Si ces données sont encourageantes, cela ne signifie pas que le cauchemar est terminé, car toute nouvelle "vague" aujourd’hui serait un désastre sanitaire nouveau, tant qu’on ne réduit pas drastiquement le nombre de personnes placées en réanimation. En outre, comme hélas dans tous les autres pays sauf (bizarrement) la Chine, la descente de la "courbe" est bien plus lente que la montée. Il est donc hélas à prévoir encore de très nombreuses victimes du covid dans les prochaines semaines (plusieurs milliers).

D’autres signes montrent l’intérêt du confinement.

Une étude dévoilée par l’Institut Pasteur le 19 avril 2020 a montré que le confinement a été très efficace pour limiter la contagiosité du coronavirus, passant de 3,3 à 0,5 le nombre moyen de personnes contaminées par chaque personne infectée.

Une autre étude de l’Institut Pasteur publiée le 21 avril 2020 a estimé le taux de contamination de la population française au 11 mai 2020 (j’insiste bien, au 11 mai 2020, pas à ce jour) selon les régions. Ces estimations donnent une France très contrastée avec des régions très atteintes : l’Île-de-France (12,3%) et le Grand-Est (11,8%) ; d’autres moyennement atteintes : les Hauts-de-France (6,1%), la Bourgogne-Franche-Comté (5,7%), la Corse (5,4%), l’Auvergne-Rhône-Alpes (4,4%) ; et puis des régions très peu touchées : la Nouvelle Aquitaine (1,4%), la Bretagne (1,8%), les Pays de la Loire (1,9%), etc. Au niveau national, le taux serait de 5,7%.

Ces estimations sont cohérentes avec les données réelles (et non estimées) au 23 avril 2020 comme le montrent la carte des hospitalisations (11 950 en Île-de-France, 4 416 au Grand-Est, 2 760 en Auvergne-Rhône-Alpes, 2 435 dans les Hauts-de-France) ; la carte des patients en réanimation (2 006 en Île-de-France, 687 au Grand-Est, 483 en Auvergne-Rhône-Alpes, 421 dans les Hauts-de-France) ; ou encore la carte des décès à l’hôpital (5 330 en Île-de-France, 2646 au Grand-Est, 1 233 dans les Hauts-de-France, 1 167 en Auvergne-Rhône-Alpes).

Toutes ces données montrent que le confinement a réussi à freiner la circulation du coronavirus en France. Les régions peu touchées par l’épidémie ont réussi à être préservées de nouvelles contaminations, et c’est évidemment l’un des enjeux majeurs du déconfinement de préserver cette territorialité, éviter que les régions peu atteintes subissent la seconde "vague" qui, nécessairement, arrivera avec le déconfinement dont les conditions feront que cette vague sera de faible amplitude ou pas.

Je préfère surtout m’arrêter sur une autre étude épidémiologique qui a été publiée le 22 avril 2020. Elle est essentielle car elle donne toute la mesure des effets salutaires du confinement. On serait évidemment bien en peine de savoir quelles serait la situation sanitaire sans confinement au bout d’un mois en France, puisqu’il y a eu confinement, mais on peut tenter de l’estimer par des modélisations de haut niveau qui ont déjà montré leur pertinence dans le passé.

Les auteurs de cette étude, Jonathan Roux, Clément Massonnaud et Pascal Crépey, sont trois chercheurs de l’École des hautes études en santé publique (EHESP, une sorte d’ENA de la santé), qui est basée à l’Université de Rennes, spécialisés en pharmaco-épidémiologie, dont l’un travaille également pour le département de biostatistiques du CHU de Rouen. Dans leur publication "COVID-10 : One-month impact of the French lockdown on the epidemic burden", qui fait 32 pages, les auteurs ont cherché à déterminer quels auraient été les "dégâts" sanitaires si le confinement n’avait pas été appliqué en France.

Pour cela, ils n’ont pris en compte que les décès à l’hôpital et la période du 19 mars 2020 au 19 avril 2020. Cette période d’un mois (premier mois de confinement) permet de voir les effets du confinement sur les différentes courbes (hospitalisation, réanimation, décès). De même, ils n’ont pris en compte que les treize régions françaises métropolitaines, les régions d’outremer ayant pour chacune une spécificité territoriale très différente (par exemple, la Nouvelle-Calédonie n’est quasiment pas touchée par l’épidémie).

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Ils ont pris aussi d’autres hypothèses, les plus pertinentes possible (basées principalement sur les données réelles fournies par les hôpitaux), sur la propagation du coronavirus, sa période d’incubation (5,1 jours), la durée de la phase asymptomatique (10,7 jours), le taux de personnes asymptomatiques par classe d’âge, etc. Ils n’ont pas non plus pris en compte l’éventuelle possibilité (très aléatoire) d’une saisonnalité du virus : « The impact of seasonal variations in the transmission of SARS-CoV-2 is still unclear ; therefore, we chose to not include seasonal parameter in our model. » [Ne pas s’étonner que l’étude française soit écrite en anglais, l’anglais est la seule langue des scientifiques, et la science est mondiale, il faut une langue commune, et c’est d’autant plus crucial en ces temps d’épidémie où l’information doit circuler le plus rapidement possible].

Les auteurs ont fait leur étude région par région. Ils ont modélisé l’évolution de l’épidémie en se basant sur les premiers jours de la période qui n’ont pas été encore impactés par les effets du confinement. Et ils ont regardé ce qui serait advenu si cette courbe modélisée était restée pendant un mois. Ce sont évidemment des données théoriques, abstraites, mais la puissance de la modélisation est telle aujourd’hui que l’essentiel est dans les hypothèses, si elles sont cohérentes avec la réalité ou pas.

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Les conclusions de cette étude ont de quoi faire frémir et donnent un sens sanitaire majeur, une justification humaine majeure, au confinement. Elles montrent l’efficacité du confinement. En effet, sans confinement, l’étude a estimé à 73 909 le nombre de décès qu’il y aurait eu à l’hôpital entre le 19 mars et le 19 avril 2020, au lieu des 12 170 réellement constatés, soit 61 739 personnes sauvées par le confinement (une réduction de 83,5% du nombre de victimes). Je rappelle que cette étude épidémiologique ne tient pas compte des décès en EHPAD ni au domicile.

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Mais ce nombre de vies sauvées ne tient pas compte non plus de la capacité de notre système hospitalier à "absorber", à soigner tous les malades infectés au coronavirus. Car l’étude montre aussi le nombre d’hospitalisations et le nombre de personnes en réanimation qu’il y aurait eu si le confinement n’avait pas été appliqué.

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En effet, sans confinement, l’étude indique qu’il y aurait 587 730 hospitalisations supplémentaires et 140 320 admissions en réanimations supplémentaires. En clair, le confinement a permis de réduire de 87,8% le nombre d’hospitalisations et de 90,8% le nombre d’entrées en réanimation. Compte tenu de la durée moyenne en réanimation, cela signifie que pour pouvoir soigner tous les malades le nécessitant, il aurait fallu 104 550 lits en réanimation au 19 avril 2020, ce qui est vingt fois plus que la capacité initiale, et dix fois plus que la capacité augmentée. Le confinement aurait ainsi réduit de 93,1% nos besoins en nombre de places en réanimation.

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On peut donc imaginer qu’il y aurait beaucoup plus de décès en raison de l’impossibilité de prendre en charge tous les malades qui auraient nécessité une place en réanimation, ce qui pourrait faire plus de 90 000 décès supplémentaires, mais l’étude ne s’est pas penchée sur les conséquences d’une telle saturation du système hospitalier sur la vie des malades (ni non plus, je le répète, sur les conséquences dans les EHPAD et à domicile).

Enfin, l’étude a estimé que sans confinement, le taux de contamination de la population française aurait été de 22,9% au 19 avril 2020 (à comparer avec le taux estimé au 11 mai 2020 de 5,7%, évoqué plus haut), dont la moitié serait asymptomatique. C’est une donnée importante, car le seul intérêt du non confinement et de la circulation du coronavirus, au prix de dizaines de milliers de vies humaines, cela aurait été d’apporter à la population une immunité collective, mais pour cela, il faudrait un taux de contamination d’environ 60 voire 70%.

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Cette étude de l’EHESP est donc essentielle pour bien comprendre l’efficacité du confinement. D’une part, il permet au système hospitalier de ne pas être sursaturé (il était déjà à la limite de la saturation avec le confinement). D’autre part, il a sauvé des dizaines de milliers de vies humaines. Enfin, il a stoppé la circulation du coronavirus. Ce troisième point est important. L’étude discrédite l’idée selon laquelle il ne fallait confiner que les populations dites à risques (encore faut-il pouvoir les définir correctement), afin d’apporter une immunité collective par la contamination massive des populations dites non à risques (définir aussi). Sans confinement, il n’y aurait pas eu d’immunité collective et des dizaines de milliers de personnes supplémentaires seraient décédées.

C’est avec ces conclusions et d’autres qui ne manqueront pas de renforcer celles-ci qu’il faudra juger après la pandémie les politiques publiques mises en place par le gouvernement et le Président Emmanuel Macron qui n’ont pour seul objectif que se focaliser sur la protection de la vie de tous les Français. Ceux qui, par chance, n’ont été touchés ni de près ni de loin par cette épidémie doivent prendre conscience que nous sommes dans une pandémie particulièrement meurtrière et qu’elle est loin d’être terminée. Il faut bien un jour continuer à vivre, et le déconfinement est évidemment nécessaire, mais il faut garder à l’esprit que le cauchemar est loin d’être terminé…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 avril 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Tous les tableaux, figures, schémas reproduits ici proviennent de la publication présentée ci-dessus : "COVID-19 : On-month impact of the French lockdown on the epidemic burden" de Jonathan Roux, Clément Massonnaud et Pascal Crépey (EHESP Rennes, CHU Rouen, 22 avril 2020).


Pour aller plus loin :
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200422-coronavirus-covid.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/covid-19-le-confinement-a-sauve-223625

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/04/23/38226822.html







 

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commentaires

M
La dictature du confinement et la meilleure réponse possible à la dictature des cradingues.
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