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26 décembre 2022 1 26 /12 /décembre /2022 04:12

« Dans les champs de l'observation, le hasard ne favorise que les esprits préparés. » (Louis Pasteur, le 7 décembre 1854 à Douai).




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La France fête cette année l'un de ses très grands scientifiques, Louis Pasteur, né il y a exactement 200 ans, le 27 décembre 1822, à Dole, dans le Jura. Il fait partie de ceux qui, comme Marie Curie et bien d'autres savants, ont construit la réputation d'une France scientifique et moderne dont le dernier représentant est le physicien Alain Aspect, lauréat 2022 du Prix Nobel de Physique. En ces temps actuels où l'obscurantisme reprend vigueur, via le processus qui tourne en rond des réseaux sociaux sur Internet, il est bon de temps en temps de rappeler que la France est la patrie de la science et des Lumières, comme l'imaginaient d'ailleurs les révolutionnaires de la fin du XVIIIsiècle, même si ceux-ci ont pourtant guillotiné le grand chimiste Antoine Lavoisier.

Louis Pasteur est mort le 28 septembre 1895 à 72 ans, l'Assemblée vota des funérailles nationales qui eurent lieu le 5 octobre 1895 à la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, et, la famille ayant refusé le Panthéon et après un temps dans un caveau de Notre-Dame, il fut enterré le 27 décembre 1896 dans une crypte de l'Institut Pasteur. La République n'a jamais été rancunière avec lui, elle qui célébra ses 70 ans avec faste, alors le grand scientifique, lui, était bonapartiste.

Son existence s'est donc déroulée durant tout ce XIXsiècle dont la modernité a permis de très nombreux progrès en sciences. Il était un physicien, un chimiste, un biologiste, un découvreur dans le sens encore ancien du terme, savant en ce sens qu'il fallait être polyvalent en science pour savoir relier les différentes observations. En revanche, et c'est important de le signaler, il n'était pas médecin et il devait donc collaborer avec des médecins dès qu'il s'agissait de soigner des personnes.

Élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, il est devenu agrégé de chimie, puis a soutenu sa thèse de doctorat en sciences en 1847 (sur la chiralité moléculaire), fut ensuite nommé professeur dans différentes universités, d'abord à Dijon, puis à Strasbourg en 1848, puis doyen de la faculté des sciences de Lille en 1854 (qui venait d'être créée), puis, enfin, en 1857, il a rejoint son ancienne école, l'École normale supérieure, où il a créé son propre laboratoire, avant de créer le 14 novembre 1888 l'Institut Pasteur, par souscription. Il fut aussi professeur de géologie, de physique et de chimie à l'École des Beaux-arts en 1863 puis professeur de chimie à la Sorbonne de 1867 à 1875.

Parmi les nombreuses reconnaissances scientifiques qu'il a eues de son vivant, véritable légende de la science, on peut citer qu'il a été élu à l'Académie des sciences en 1862 à la section minéralogie (secrétaire perpétuel en 1887), à l'Académie de médecine le 25 mars 1873, à l'Académie vétérinaire le 11 décembre 1878, enfin, élu à l'Académie française le 8 décembre 1881 au fauteuil d'Émile Littré, reçu le 27 avril 1882 par Ernest Renan. Sans compter les sièges dans de très nombreuses académies étrangères, en particulier la Royal Society en 1869. Il faut dire aussi que son épouse Marie a beaucoup travaillé, du vivant de son mari et après sa mort, à parfaire la légende de Pasteur.

Proche de Napoléon III, Pasteur était peu apprécié de ses collègues à Normale Sup., milieu très républicain. L'empereur a même nommé Pasteur sénateur le 27 juillet 1870, mais le décret fut sans suite en raison de l'effondrement du Second Empire. Il tenta de se faire élire sénateur en 1876, mais sans succès. Victime d'un AVC qui le rendit hémiplégique temporairement vers 1865 (il a gardé des séquelles : il ne pouvait plus bouger sa main gauche et ses déplacements étaient pénibles), il refusait cependant d'interrompre ses études.

Je reviendrai sans doute ultérieurement pour apporter certaines précisions sur les recherches de Pasteur et ce qui suit est un résumé très succinct et pas exhaustif de quelques découvertes de Pasteur. Il a découvert le rôle de plusieurs bactéries, en particulier, il a découvert le staphylocoque. Dans les années 1870 et 1880, Pasteur était en compétition avec le médecin allemand Robert Koch, une concurrence qui a été très fructueuse tant pour l'Allemagne que pour la France et plus généralement pour l'humanité, par cette saine émulation scientifique.

La plus connue des découvertes de Pasteur est le vaccin contre la rage en 1885. La nouveauté de la technique, utilisée d'abord contre le choléra des poules en 1880 et contre la maladie du charbon, c'est de provoquer artificiellement l'atténuation d'une souche initialement très virulente et c'est le résultat de cette atténuation qui est utilisé comme vaccin. C'est dans la moelle épinière d'un lapin mort de rage qu'il a pu obtenir le virus atténué de la rage.

Ses deux premières vaccinations sur l'humain ont eu lieu le 5 mai 1885 et le 22 juin 1885, sans publication car dans le premier cas, les symptômes de la rage n'étaient pas clairement établis, et dans le deuxième cas, la jeune fille vaccinée était morte le lendemain de la vaccination, mais d'une autre cause. Ce qui fut très connu, c'est la venue d'un gamin alsacien de 9 ans, Joseph Meister, mordu quatorze fois deux jours auparavant par un chien fou qui a été abattu, et Pasteur l'a vacciné le 6 juillet 1885, contre l'avis de son assistant, le médecin Émile Roux : deux autres médecins avaient levé l'hésitation de Pasteur car le risque était fort que l'enfant fût atteint de rage (la rage ne s'était pas encore déclarée). Joseph Meister n'a pas développé la rage après ses inoculations. Mais malgré l'autopsie du chien, il n'y a eu aucune preuve que ce chien fût enragé. L'expérience pourrait conclure qu'il n'y avait pas de danger avec la vaccination, moins qu'il avait sauvé le garçon de la rage. Sans compter qu'il s'agit ici d'un seul cas (les essais cliniques, de nos jours, portent sur des dizaines de milliers de personnes).

Wikipédia cite ainsi deux propos pour réduire l'importance scientifique de cette première vaccination. Louis Pasteur lui-même expliquait très franchement : « Joseph Meister a donc échappé, non seulement à la rage que ses morsures auraient pu développer, mais à celle que je lui ai inoculée pour contrôle de l'immunité due au traitement, rage plus virulente que celle des rues. L'inoculation finale très virulente a encore l'avantage de limiter la durée des appréhensions qu'on peut avoir sur les suites des morsures. Si la rage pouvait éclater, elle se déclarerait plus vite par un virus plus virulent que par celui des morsures. ». En d'autres termes, ne sachant pas s'il avait développé la rage, le gamin s'est vu inoculer un peu plus tard par Pasteur... la rage elle-même, avec un virus encore plus virulent, pour conforter l'intérêt du vaccin. Chose complètement impensable aujourd'hui, à cause de risque de mettre en danger la vie de l'enfant uniquement à des fins d'études scientifiques ! Maxime Schwartz, le lointain successeur de Pasteur, alors directeur général de l'Institut Pasteur, confiait en 1996, dans une préface à une biographie rédigée par Bruno Latour : « Pasteur n'est pas perçu aujourd'hui comme il y a un siècle ou même il y a vingt ans. Le temps des hagiographies est révolu, les images d'Épinal font sourire, et les conditions dans lesquelles ont été expérimentés le vaccin contre la rage ou la sérothérapie antidiphtérique feraient frémir rétrospectivement nos modernes comités d'éthique. ».

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L'un des dadas de Pasteur fut de travailler sur la fermentation, et son arrivée dans le Nord lui a permis de nouer de fructueuses collaborations avec les fabricants de bière qui cherchaient un moyen de pouvoir conserver leur produit le plus longtemps. Pasteur fut à cet égard un précurseur des relations entre la recherche scientifique et l'industrie, ce qui, dans le siècle qui allait suivre, a permis de très nombreuses avancées technologiques et scientifiques dans de très nombreux domaines.

C'est aussi Napoléon III qui demanda à Pasteur, spécialiste de la fermentation et de la putréfaction, de traiter les maladies du vin qui coûtaient très cher à l'économie. Pasteur a décelé un micro-organisme qui en était à l'origine (une bactérie). Il s'est installé à Arbois, dans le Jura, pour étudier le phénomène. En 1866, dans son "Étude sur le vin", il a proposé un procédé de chauffage de 50°C à 100°C pour tuer les germes bactériens et conserver le vin, ce qu'on a appelé la pasteurisation, qui fut brevetée le 11 avril 1865. Ce procédé fut aussi utilisé pour la bière, et en 1886, il fut appliquer au lait, c'est encore ce principe qui est appliqué sur le lait UHT et sur certains jus de fruit. La détermination de la bonne température est essentielle puisqu'il faut qu'elle soit suffisamment élevée pour détruire toutes les bactéries mais suffisamment faible pour éviter de disloquer les molécules de l'aliment d'origine.

Au début de sa carrière, Pasteur a découvert en 1848 la dissymétrie moléculaire, qui montrait différentes formes géométriques d'une molécule composée des mêmes atomes mais avec un emplacement différent (forme lévogyre ou forme dextrogyre, dont la lumière polarise vers la gauche ou vers la droite). Il l'a décelée dans l'acide tartrique issu de la vinification, avec un problème jamais résolu, car parfois, l'acide avait une autre propriété et était pourtant composé de la même manière. Même si d'autres scientifiques travaillaient déjà dans ces domaines, il faut noter qu'à l'époque, on n'avait pas de spectrographie et que la notion d'atomes et de molécules a été vraiment acquise à la fin du siècle (au même titre que les lois sur l'hérédité ont été proposées avant la connaissance de l'existence des gènes).

Pasteur a aussi nourri le débat intellectuel sur la génération spontanée, qu'il a prouvée impossible après six ans de recherches à partir de 1859 (mais ses études étaient incomplètes et étaient critiquables). Étrangement, ce débat fut aussi l'occasion des premières polémiques avec Georges Clemenceau, jeune futur médecin, qui fustigeait Pasteur parce qu'il était catholique. En effet, dans sa thèse de doctorat en médecine, Clemenceau a pris parti en faveur de la génération spontanée. Dans son livre sur Clemenceau, Gérard Minart écrit ainsi en 2005 : « À partir de 1863, il donne la priorité à sa thèse de médecine qu'il présente en 1865. Elle porte comme titre : "De la génération des éléments anatomiques". Il s'y montre, comme son maître Charles Robin, ardent matérialiste et fervent défenseur, contre Pasteur, de la génération spontanée. Cette thèse sera publiée une première fois dès 1865 et une seconde fois, avec une introduction de Charles Robin, en 1867. Ce sera son premier livre. ». Pasteur a écrit au docteur Godelier en décembre 1876 sur la non-spontanéité des maladies contagieuses : « Sans avoir de parti pris dans ce difficile sujet, j'incline par la nature de mes études antérieures du côté de ceux qui prétendent que les maladies contagieuses ne sont jamais spontanées (…). Je vois avec satisfaction les médecins anglais qui ont étudié la fièvre typhoïde avec le plus de vigueur et de rigueur repousser d'une manière absolue la spontanéité de cette terrible maladie. ».

Une légende se construit toujours à l'école. Dans un livre très connu des écoliers et avec lequel j'ai eu la chance d'apprendre à lire alors qu'il n'était plus du tout au programme, Pasteur est un héros. En effet, "Le Tour de France par deux enfants" de G. Bruno (une institutrice), dont la première édition date de 1877, soit du vivant de Pasteur, s'est vu rajouter un épilogue daté du 31 décembre 1904 pour évoquer notamment les découvertes de Pasteur. L'un des personnages venant du Jura explique ainsi aux deux héros : « Aussi bon que savant, il encourageait ceux qui avaient le désir de s'instruire. Il a aidé mon fils Victor, qui travaillait ferme, à obtenir une bourse dans un lycée de Paris ; ce qui lui a permis de faire de bonnes études, d'arriver à être vétérinaire et d'entrer plus tard comme aide dans plusieurs Instituts Pasteur. (…) Les découvertes de Pasteur profitent non seulement à la France, mais au monde entier (…). Ses recherches ont tracé la voie où d'autres se sont engagées. (…) Chaque année, des milliers de vies humaines échappent ainsi à la mort, grâce aux travaux et aux découvertes de Pasteur et de ses élèves. Le grand homme n'est plus ; mais le bien qu'il a fait, loin de s'éteindre avec lui, va s'augmentant chaque jour. ». On ne peut être plus hagiographique.

De nos jours, sans retirer son immense mérite ni son génie, on accorde à Pasteur plus le rôle du passeur que du découvreur. Ainsi, l'épistémologue André Pichot affirmait en 1994 : « C'est là le mot-clé de ses travaux : ceux-ci ont toujours consisté à mettre de l'ordre, à quelque niveau que ce soit. Ils comportent assez peu d'éléments originaux ; mais, le plus souvent, ils partent d'une situation très confuse, et le génie de Pasteur a toujours été de trouver, dans cette confusion initiale, un fil conducteur qu'il a suivi avec constance, patience et application. ». Et il faut savoir que c'est le rôle de tous les scientifiques modernes : reprendre des travaux anciens et les amenaient à maturité à force d'intuition et d'approfondissement, au prix parfois d'une révolution scientifique.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (17 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Louis Pasteur.
Howard Carter.
Alain Aspect.
Svante Pääbo.

Frank Drake.
Marie Curie.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221227-pasteur.html

https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/le-bicentenaire-de-louis-pasteur-245610

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/12/39743900.html







 

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