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7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 15:20

Tout laisse croire que Poutine restera encore le maître de la Russie pour longtemps. La personnalité effacée et la loyauté du Président élu Medvedev sont ses atouts.



Drôle de pouvoir qui règne à Moscou depuis le 7 mai 2008.

Dimitri Medvedev est officiellement Président de la Fédération de Russie, élu le 2 mars 2008, confortablement élu à 70%, dans un État à régime présidentiel, et tout porte à croire que c’est le Premier Ministre qui détiendrait les réelles clefs du pouvoir.


Où se trouve le pouvoir à Moscou ?

Il faut dire que le Premier Ministre s’appelle Vladimir Poutine et qu’il a dû s’effacer derrière un homme loyal choisi par lui, car la Constitution russe l’empêchait de solliciter un troisième mandat présidentiel consécutif.

Avant 2008, d’ailleurs, beaucoup se demandaient pourquoi il ne réviserait pas la Constitution : il suffisait d’enlever cette limitation à deux mandats consécutifs, que la France vient juste d’adopter par la volonté de Nicolas Sarkozy et que le Président du Venezuela Hugo Chavez n’a pas su abroger en 2007.

D’autres affirmaient qu’il suffirait que Dimitri Medvedev démissionne quelques mois après son investiture pour permettre à Poutine de refaire deux autres mandats consécutifs.

Après six mois d’exercice de la fonction présidentielle, Medvedev répond par lui-même aux nombreuses interrogations le concernant.

Apparemment, non, ce n’est pas lui qui a le pouvoir, même s’il l’a constitutionnellement. Le choix de Vladimir Poutine a donc été pertinent : Medvedev est bien l’homme falot qu’on connaissait avant l’élection de mars.


Premier discours sur l’état de la nation

Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter à son tout premier discours sur l’état de la nation. Une sorte de discours du Trône qu’a aussi institué Nicolas Sarkozy dans sa révision constitutionnelle estivale.

Ironie du sort, le jour où il devait le prononcer, le rouble s’est effondré. Alors Medvedev a décidé de le reporter au… 5 novembre 2008. Ce n’est évidemment pas un hasard. Le lendemain du 4 novembre 2008. Cette date était connue depuis au moins quatre ans, c’est l’élection présidentielle américaine.

Un bon moyen pour la Russie de tester le prochain Président Barack Obama.

Cela s’est déroulé devant l’Assemblée fédérale (le Parlement russe réunissant Douma et Conseil de la Fédération) dans la salle Saint-Georges du Grand Palais du Kremlin.

Dans cette intervention très attendue, Medvedev a menacé d’installer des missiles de courte portée à Kaliningrad, cette enclave (anciennement Königsberg) constituait la Prusse Orientale et qui est bordée de la Pologne et de la Lituanie. Bref, la Russie veut mettre ses armes au milieu même du territoire de l’Union Européenne.

Sans doute était-ce le message le plus marquant de son discours.Mais un autre passage était aussi très important.



Rallongement de la durée des mandats

Dimitri Medvedev a annoncé qu’il comptait réviser la Constitution russe pour rallonger la durée des mandats présidentiel et législatif. Allonger le mandat présidentiel de quatre à six ans et celui des députés de quatre à cinq ans.

Medvedev assure qu’il ne s’agit que d’une correction mineure : « Je vous dis franchement : Il ne s’agit pas d’une réforme constitutionnelle, mais d’une correction de la Constitution. Ce sont des amendements réellement importants qui ne feront toutefois que préciser le texte et ne concerneront pas l’essence politique et juridique des institutions déjà existantes. ».

Cependant, Tamara Morchtchakova, ancienne juge de la Cour Constitutionnelle, affirme au coontraire que c’est une réforme profonde qui bouleverse les équilibres entre l’exécutif et le législatif, notamment parce que les mandats des députés et du Président ne coïncideront plus.


Faire élire les "sénateurs" russes

Medvedev veut par ailleurs réformer le Conseil de la Fédération, l’équivalent russe du Sénat français. Il veut qu’il ne soit composé que d’élus. Actuellement, il est formé de deux sénateurs par région administrative, un nommé par l’exécutif régional et un autre nommé par le législatif régional.

L’objectif de Medvedev : « Le Conseil de la Fédération sera donc constitué de citoyens qui ont passé la procédure d’élection, qui ont une expérience de travail avec les électeurs et qui représentent non seulement les autorités, mais aussi la population des régions respectives. ».


Pas de référendum

Le Président du Conseil de la Fédération, Sergueï Mironov, a d’ailleurs estimé que son assemblée pourrait examiner dans les semaines qui viennent ces amendements à la Constitution et qu’ils ne prendraient effet qu’à partir de début 2009 dans la mesure où ils doivent aussi être approuvés par les assemblées législatives des deux tiers des régions administratives de la Russie (imaginez que la révision de la Constitution française, pour être applicable, doivent être ratifiée par les deux tiers des Conseils régionaux).

La chef du département juridique de la Présidence russe, Larissa Brytcheva, a par ailleurs exclu tout référendum pour adopter ces amendements constitutionnels car ce n’était pas nécessaire.


Autres réformes qui peuvent avoir des conséquences politiques importantes

Parmi les autres réformes proposées par Medvedev, un amendement à la loi régissant les partis politiques pour obliger leurs dirigeants à effectuer des rotations : « Une personne ne peut pas occuper un poste important au sein d’un parti au-delà d’un délai déterminé ». Le chef de l’actuel parti majoritaire "Russie Unie" est Poutine depuis fin 2007.

Il veut aussi modifier la désignation des gouverneurs régionaux (aujourd’hui nommé par l’exécutif fédéral) en ne permettant que les candidatures issues des partis vainqueurs aux élections régionales.


Démocratie, libertés politiques et propriété privée

Dimitri Medvedev, qui visiblement n’a pas le profil du dictateur (loin de là !), a même voulu rassurer sur l’état démocratique de la Russie.

Il l’a réaffirmé fermement : « Nos buts sont immuables. Les brusques fluctuations dans la situation politique et économique, les turbulences dans l’économie et la tension militaire et politique qui augmente ne seront pas un prétexte au démantèlement des institutions démocratiques et à la nationalisation de l’industrie et des finances. Les libertés politiques des citoyens et leur propriété privée sont intangibles. ».

Il a même vilipendé la bureaucratie en ces termes : « La bureaucratie fait périodiquement pression sur le business pour qu’il agisse selon son goût, contrôle les médias pour qu’ils ne disent pas plus qu’il ne faut, s’ingère dans le processus électoral pour que la bonne personne soit élue et fait pression sur les tribunaux pour qu’ils prononcent le bon verdict. ».

Medvedev a rappelé aussi que « la Constitution joue un rôle décisif dans le devenir de la démocratie russe. La liberté de l’individu, les institutions et les procédures démocratiques mûres qu’elles garantit, tout cela est une source de notre essor à venir. (…) La Constitution a déterminé le vecteur de renouvellement de la Russie en tant que nation libre, en tant que société qui met en priorité les droites et la dignité de chaque individu. (…) L’adoption en 1993 d’une Loi fondamentale élevant l’individu, sa vie, ses droits et sa propriété au rang des valeurs suprêmes a été un événement sans précédent dans l’histoire de la nation russe. ».

Dimitri Medvedev s’est même donné le luxe de citer Piotr Stolypine, Premier Ministre du dernier tsar Nicolas II (que la Russie vient de réhabiliter) : « Il faut en premier lieu former un citoyen, et lorsque cet objectif aura été atteint, la société civile s’installera elle-même en Russie. ».

Il a aussi encouragé le développement des réseaux multimédias : « La liberté de parole doit être assurée grâce aux innovations technologiques. Il faut élargir l’espace libre d’Internet et de la télévision numérique. Aucun fonctionnaire n’est en mesure d’entraver les discussions sur Internet ou de censurer mille canaux à la fois. » et a affirmé : « Les partis parlementaires doivent avoir des garanties nettes de leur couverture par les médias. ».

L’opposition ne s’est d’ailleurs pas gênée pour annoncer le lendemain de ce discours la création d’un mouvement unifié "Solidarité" pour le 13 décembre 2008, soit le lendemain de la Journée de la Constitution, et qui rassemblera dans le même parti notamment Boris Nemtsov, l’ancien Vice-Premier Ministre de Boris Eltsine (et ex-dauphin potentiel) et Garry Kasparov.


Justification du rallongement du mandat présidentiel

Le projet de rallongement du mandat présidentiel n’est pas nouveau et revenait en surface régulièrement en Russie depuis 1990. Medvedev a rappelé que « les États démocratiques ont assez souvent changé la durée des mandats des organes du pouvoir d’État » (même en France).

Il est aujourd’hui justifié par la crise financière. Le Ministre des Finances et Vice-Premier Ministre Alexeï Koudrine a estimé que cela permettrait la stabilité de l’économie : « Six ans, c’est un délai suffisant pour que le Président, qui que ce soit, puisse s’illustrer. ».


Supputations et rumeurs

Mais en fait, ce projet aurait été préparé dès 2007 sous Vladimir Poutine. Son auteur réel serait Vladislav Sourkov, premier chef adjoint de l’administration présidentielle (l’équivalent de directeur adjoint de cabinet de Medvedev).

L’objectif aurait été de faire élire Medvedev pour mettre en œuvre des réformes sociales très impopulaires et cette réforme constitutionnelle.

Ensuite, dès 2009, Medvedev pourrait démissionner, ce qui rendrait possible une nouvelle candidature de Poutine (actuellement toujours très populaire).

C’est en tout cas ce qu’affirme le journal "Vedmosti" ce 6 novembre 2008 dont les sources proviendraient de l’administration présidentielle elle-même.


Poutine encore présent en 2021 !

Vladimir Poutine pourrait alors effectuer deux mandats présidentiels supplémentaires, de six ans cette fois-ci, jusqu’en… 2021. Année où les élections législatives et présidentielle coïncideront de nouveau (les prolongations des mandats ne s’appliquant qu’à la prochaine Douma et au prochain Président).

Étrangement, Poutine avait justement présenté pendant la campagne électorale un programme pour une période s’étalant jusqu’en 2020 (Stratégie-2020).

Et des fonctionnaires de l’administration présidentielle ont confirmé que Poutine se préparerait dès maintenant à une nouvelle campagne électorale, par la création d’un site Internet, par le discours programme qu’il prononcera le 20 novembre 2008 au congrès de son parti "Russie Unie" dont il est le président, et par une émission de télévision où il répondra aux citoyens en direct (un exercice que n’a jamais osé faire Medvedev).

De plus, l’obligation de limiter dans le temps les fonctions des dirigeants de partis politiques cassera toute capacité de l’opposition (qui se structure donc) à promouvoir un candidat capable de faire jeu égal avec Poutine.


Démenti et arrière-pensée

Dimitri Peskov, le porte-parole de Poutine, a comme prévu démenti formellement l’hypothèse d’une démission de Medvedev en 2009 : « Il s’agit seulement de supputations de la part de ce journal, dont les informations sont absolument sans aucun fondement. ».

Malgré ce démenti, la forte popularité de Poutine, sa présence toujours aussi soutenue dans les médias (il reste encore plus cité que Medvedev dans les médias) et les perspectives à long terme qu’il ne cesse de présenter ne sont pas anodines.

Une analyse qui était déjà décrite ici dès le 29 février 2008 :

« Poutine assumerait pendant quelques temps mois ou années le rôle de Premier Ministre, et, à l’occasion d’un événement quelconque, il demanderait à Medvedev de démissionner. Poutine pourrait alors concourir à nouveau à l’élection présidentielle pour deux mandats encore (il a 55 ans) et garder la maîtrise de la vie politique pendant presque vingt ans (d’ailleurs, le projet Poutine fixe les priorités jusqu’en 2020 !). Medvedev serait évidemment récompensé pour sa grande loyauté. »


La question sans réponse…

Alors, la Russie est-elle une démocratie ?

Tant que l’habile Vladimir Poutine est très populaire dans les sondages, le pouvoir présidentiel ne cessera de proclamer son attachement aux libertés politiques.

Mais jusqu’à quand ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 novembre 2008)


NB : Selon la Constitution, en cas de démission du Président de la Fédération de Russie, c'est le Premier Ministre qui lui succède pour assurr l'intérim jusqu'à l'élection présidentielle. Vladimir Poutine avait ainsi succédé à Boris Eltsine le 1er janvier 2000.


Pour aller plus loin :

La pratique institutionnelle en Russie.

Qui est Medvedev ?

L’élection de Medvedev.

Limitation à deux mandats successifs.

Medvedev devient le 3e Président de la Russie "démocratique".

Dépêches sur les intentions constitutionnelles de Medvedev.

Les menaces de Medvedev à Obama.

Medvevdev, protecteur de la démocratie ?

Vidéo du discours de Medvedev du 5 novembre 2008.





http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=46910

http://fr.news.yahoo.com/13/20081107/tot-russie-les-poutineries-dureront-elle-89f340e.html



http://www.lepost.fr/article/2008/11/07/1319210_russie-les-poutineries-dureront-elles-jusqu-en-2021.html



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D
L’indispensable RUPTURE avec L’EMPIRE FINANCIERPar Jacques CheminadeC’est le nouveau tract de Solidarité et Progrès pour comprendre l’enjeu du vrai ou du faux Nouveau Bretton Woods et pour que la France pese sur le sommet du G20, le 15 novembre 2008, à Washington« Pourvu que nous nous ressaisissions, la grande crise mondiale peut être l’occasion de construire un monde meilleur. Elle peut aussi être ce qui va nous entraîner vers l’abîme. Nous sommes face à une échéance décisive : la grande réunion monétaire et financière des vingt principaux pays du monde, le 15 novembre. Le défi est ainsi lancé aux responsables politiques, mais nous savons tous qu’ils ne sont pas à la hauteur. Nous devons donc, nous autres citoyens, monter sur la scène de l’histoire. »I-    Les vérités qu’il faut direII-    Un Nouveau Bretton WoodsLire le tact dans son intégralité : http://solidariteetprogres.org/IMG/pdf/TRACT_2008_11_03_NBW_1_.pdf« L’avantage des crises est qu’elles changent les règles du jeu. Il dépend de nous que ce ne soit pas pour le pire, mais pour le meilleur. »David C.http://david.cabas.over-blog.frleretourdusillon@gmail.com
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