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19 décembre 2008 5 19 /12 /décembre /2008 00:24

(dépêche)


François Lamy, le mécano de Solférino

LE MONDE | 18.12.08 | 15h25  •  Mis à jour le 18.12.08 | 17h44

Foi de Petit Robert, l'infanterie, à l'origine, était le nom donné à la troupe anonyme des "valets d'armes des chevaliers". Dans le cas de François Lamy, il s'agirait plutôt d'une "chevalière" et, en fait d'armes, de manteaux, téléphones portables, dossiers divers et sacs à main. Il s'en amuse, en tout cas ne prend pas ombrage de ce rôle parfois ingrat. Il en ferait presque un signe distinctif, une preuve de son dévouement mais aussi de sa "liberté" vis-à-vis de la patronne du PS.

François Lamy, 49 ans, bras droit et premier lieutenant de Martine Aubry, nommé "conseiller politique" dans le nouvel organigramme de la direction du PS, joue volontiers les portemanteaux, les porteurs d'eau et les chauffeurs de la nouvelle première secrétaire. Quand il y a un besoin et sans faire de chichis. Chargé en outre de la communication dans la nouvelle direction, c'est un parfait inconnu. Avec François Rousseau, le jeune attaché de presse, et Jean-Marc Germain, le directeur de cabinet de Mme Aubry à la Communauté urbaine de Lille, il fait partie du cercle des "garçons" de la première secrétaire. A son service depuis douze ans, une pièce maîtresse aux côtés d'Harlem Désir, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon.

Au cours de la fameuse nuit du 20 au 21 novembre lorsque les deux candidates à la direction du PS se disputaient une petite centaine de voix censée faire la différence, c'est François Lamy qu'on a vu dans les couloirs du siège du PS, rue de Solférino, défendre pied à pied les intérêts de sa patronne. Blême dans son costume bleu marine très classique, grillant cigarette sur cigarette, et dénonçant "l'arnaque" organisée, selon lui, par les amis de Ségolène Royal.

Cette nuit-là fut une exception. La plupart du temps, François Lamy reste dans l'ombre. Il a de l'humour - ce qui plaît à la première secrétaire - et paraît davantage faux gentil que vrai méchant. Sur les photos, il n'est jamais au premier rang. Le député fabiusien Claude Bartolone, allié de Martine Aubry à la direction du PS et qui fut son ministre délégué à la ville entre 1998 et 2002, raconte qu'il ne s'est rendu compte que très récemment que François Lamy était déjà, à cette époque, dans le sillage de la maire de Lille. "C'est dingue, dit-il, il est sur toutes les photos de l'époque et je n'en ai aucun souvenir."

Le petit soldat de la première secrétaire a pourtant une histoire bien à lui. Et des mandats à revendre. Maire de Palaiseau qu'il a arrachée à la droite en 2001, député de l'Essonne depuis 1997, il est aussi président de l'agglomération du plateau de Saclay, la plus grosse concentration en France de chercheurs et de grandes écoles incluant Polytechnique, HEC, le CEA et Centrale. Un palmarès impressionnant pour l'ancien instituteur - "de classe maternelle", précise-t-il - passé par les Comités Chili, le boycottage de la Coupe du monde de foot en Argentine en 1978, le PSU puis le PS et qui a embrassé, corps et âme, la profession de politique. C'est une affaire de famille chez les Lamy puisque son frère aîné, Philippe, spécialiste des questions de défense et qui a appartenu successivement aux cabinets de Jean-Pierre Chevènement, Pierre Joxe et Alain Richard, travaille désormais auprès de Bertrand Delanoë sur les questions de sécurité.

Personne, hormis dans l'appareil du PS, ne connaît le parcours du nouveau mécano de la Rue de Solférino. Personne ne lui prédit non plus une carrière de très haut rang. L'homme de confiance de Mme Aubry, dont il préside le club Réformer, est un élu de terrain qui curieusement souhaite le rester. D'habitude, on a peine à croire les politiques vantant les délices de l'anonymat et du travail de terrain. Lui, on lui fait crédit.

"Ce n'est pas mon truc de me mettre en avant, dit-il. Pour cela il y a un porte-parole." Il ajoute : "J'ai peu de goût pour les débats théoriques." Pour certains, au PS, le mystère est total. "Il ne s'exprime jamais sur rien et théorise à l'excès son refus de la médiatisation", fait remarquer Manuel Valls, partisan de Ségolène Royal, qui le connaît bien. Tout deux ont été "formés dans la matrice rocardienne", selon l'expression de Manuel Valls, tous deux ont travaillé pour le même député, le rocardien Robert Chapuis au milieu des années 1980, enfin tous deux sont devenus, la même année, députés de l'Essonne et sont désormais frères ennemis au PS. "Quand même, poursuit, perplexe, le maire d'Evry, pour quelqu'un qui approche de la cinquantaine, ne jamais s'exprimer sur rien c'est un problème..."

Pour d'autres socialistes cet effacement est plus compréhensible. Le fantassin Claude Bartolone, par exemple, élément incontournable de l'infanterie Fabius, comprend bien finalement ces drôles de relations qui unissent Martine Aubry et son fidèle François Lamy. Pendant les cinq mois qu'a duré la campagne interne, "elle passait les premiers coups de fil, il assurait le service après-vente", raconte le député de Seine-Saint-Denis. Elle défrichait le terrain, "François organisait".

L'intéressé ne dément pas. Son histoire avec Mme Aubry remonte à 1996 mais c'est toujours, comme au premier jour, chacun chez soi. Il ne met jamais les pieds à Lille, où on ne le connaît pas. Il note même, avec une pointe de regret, qu'il n'a jamais rencontré Jacques Delors, le père de Martine Aubry. La maire de Lille, de son côté, ne se mêle pas de ses affaires dans l'Essonne.

François Lamy est devenu "aubriste" dans un moment de creux de la carrière de la future première secrétaire, alors qu'elle n'était plus ministre mais simple première adjointe de Pierre Mauroy à la mairie de Lille, pas encore députée - ils seront tous deux élus en 1997. Ces circonstances particulières de leur rencontre ont facilité leurs rapports, assure l'intéressé. "Je suis maire, député et président d'agglomération mais je ne le dois à personne, ni à Martine Aubry ni à quiconque", lance-t-il dans son bureau de maire, à Palaiseau, sous le portrait de Salvador Allende qui ne l'a jamais quitté.

Il revendique un parcours d'"élu de terrain" qui vit la politique "de manière concrète" mais qui reconnaît aussi aimer "la conquête et les bagarres d'appareil". Mieux vaut cela quand on est rocardien pour percer dans l'Essonne, la fédération de l'ex-Gauche socialiste de Julien Dray, Jean-Luc Mélanchon et Marie-Noëlle Lienemann. Etre minoritaire, ça vous forge le caractère. Il l'a longtemps été, au PSU d'abord, où il est arrivé en 1978 quand tout le monde en partait.

"Pour moi, dit-il, le PSU c'était l'extrême gauche modérée. J'avais peu de goût pour l'extrême gauche révolutionnaire." Minoritaire, il l'est resté ensuite dans l'Essonne comme adjoint au maire communiste de Palaiseau puis comme député tendance deuxième gauche. "La bagarre permanente avec Dray et Mélanchon l'a sans doute beaucoup formé et déformé", conclut Manuel Valls. Maintenant qu'il est installé Rue de Solférino, l'éternel minoritaire va devoir forcer sa nature.

Christine Garin


PARCOURS

1959
Naissance à Brunoy (Essonne).

1978
Entre au PSU et devient rocardien.

1985
Adhère au Parti socialiste.

1996
Rencontre avec Martine Aubry.

1997
Est élu député (PS) de la 6e circonscription de l'Essonne.

2008
Nommé conseiller politique de Martine Aubry à la direction du PS.

Article paru dans l'édition du 19.12.08


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