(dépêches)
René Monory, ancien président du Sénat
Nécrologie
LE MONDE | 14.04.09 | 16h27 • Mis à jour le 14.04.09 | 16h27
C'était un singulier deuxième personnage de l'Etat. René Monory, ancien président du Sénat, ancien ministre, est mort samedi 11 avril, à Loudun (Vienne), dans sa maison familiale. Il était âgé de 85 ans. Malade et affaibli depuis plusieurs années, il avait notamment été hospitalisé au début du mois de février au CHU de Poitiers, à la suite d'une occlusion intestinale.
Son père était garagiste. Lui, né le 6 juin 1923 à Loudun, ne poursuit pas ses études au-delà du brevet. A 15 ans, il commence à travailler comme apprenti dans le garage paternel. Douze ans plus tard, il prend les rênes de l'affaire familiale. Il en fera une des concessions les plus importantes de la région et développera ensuite d'autres activités.
Entreprenant, doté d'un caractère trempé, bardé de certitudes frappées au coin du bon sens, René Monory ne tarde pas à se lancer dans la politique. En 1955, il se présente aux élections municipales à Loudun, dont il devient maire en 1959. Il abandonnera ce mandat le 20 mars 1999, quarante ans jour pour jour après sa première élection.
C'est le début d'une longue carrière politique qui, du "garagiste de Loudun" (c'était l'un de ses surnoms), fera le deuxième personnage de l'Etat. Deux ans après avoir été élu maire, il devient conseiller général de la Vienne. Longévité, là encore : il détiendra cette fonction pendant quarante-trois ans. Elu en 1979 à la tête du département, il le présidera jusqu'à la fin de son dernier mandat, en 2004. Entre-temps, il a brièvement présidé le conseil régional de Poitou-Charentes, de 1985 à 1986.
Voilà pour l'élu local, dont le nom reste attaché à la décision, au début des années 1980, d'ériger une cité du futur au milieu des champs de tournesols. Le Futuroscope est lancé. En quelques années, une ville nouvelle sort de terre à quelques kilomètres de Poitiers. Le projet est d'abord accueilli avec scepticisme, voire moqué. Mais qu'importent les réserves, les critiques et les revers. René Monory vient de doter un département rural en perte de vitesse d'une "locomotive" économique d'un nouveau genre, susceptible d'attirer étudiants, chercheurs et entreprises de pointe dans les technologies nouvelles. Depuis son ouverture, en 1987, le parc de loisirs a accueilli 32 millions de visiteurs.
En 1968, René Monory est élu au Sénat, inscrit au groupe de l'Union centriste des démocrates de progrès. Toute sa vie politique, jusqu'à la création de l'UMP, en 2002, il la mènera dans les rangs centristes. Par commodité plus que par conviction. Il entre dans le gouvernement de Raymond Barre, en 1977, au ministère de l'industrie. Puis il devient ministre de l'économie et des finances en 1978, jusqu'en 1981. Pendant son séjour Rue de Rivoli (siège du ministère des finances à l'époque), dans un contexte d'inflation galopante, il entreprend, et beaucoup : libération des prix industriels et, partiellement, celle du commerce et des services. Avec la loi du 13 juillet 1978, il entend développer l'actionnariat et orienter l'épargne vers le financement des entreprises. Ce sont les fameuses "sicav Monory".
En 1984, il décroche le titre de champion du monde de la pêche à l'espadon, à Dakar. De 1986 à 1988, il est de nouveau ministre, de l'éducation nationale, cette fois, dans un gouvernement Jacques Chirac. La cohabitation ne l'effraie pas, bien au contraire. Il se verrait bien endosser, le cas échéant, le costume de premier ministre. Mais la mort de Malik Oussekine, jeune homme brutalisé par la police au cours des manifestations étudiantes de l'hiver 1986, l'oblige à remiser ses ambitions.
Le 2 octobre 1992, à 69 ans, René Monory est élu président du Sénat et succède à Alain Poher. La fin de règne de son prédécesseur, atteint par l'âge et l'impotence, a été vécue douloureusement au Palais du Luxembourg. Le "père du Futuroscope" veut changer l'image de la seconde chambre du Parlement. Il a décidé de la faire passer à l'heure des nouvelles technologies et des moyens modernes de communication. Le site Internet du Sénat, ouvert "bien avant celui de l'Assemblée", ainsi qu'il se plaisait à le rappeler, fait la fierté de son président.
A l'occasion, l'"ours", comme l'appellent certains de ses collègues, n'hésite pas à défendre chèrement les intérêts de l'institution sénatoriale. En 1992, lorsque le gouvernement demande le rapatriement au budget de l'Etat des réserves, considérables, amassées par les deux Assemblées, il s'y oppose, à l'inverse de l'Assemblée nationale, qui consent à restituer les siennes.
Plus tard, c'est avec Lionel Jospin, alors premier ministre socialiste de Jacques Chirac, qu'il croise le fer, en faisant du Sénat le bastion de la résistance aux 35 heures. Les tentatives du chef de gouvernement de réformer l'institution, qu'il qualifie d'"anomalie pour la démocratie", seront mises en échec.
Mais, en 1998, René Monory, qui envisage de briguer un nouveau mandat de trois ans, est rattrapé par son âge. Il n'a pas voulu voir que des alliances destinées à le destituer se nouaient. Les années ont passé : c'est à lui, désormais, qu'est adressé le reproche de la "poherisation", synonyme de sénescence, du Sénat. Devancé de 16 voix par le candidat du RPR, Christian Poncelet, son cadet de cinq ans, il doit s'effacer. "Ils m'ont trouvé trop vieux", soupire-t-il avant de quitter le Petit Luxembourg, la résidence du président du Sénat.
De ce jour René Monory ne remit quasiment plus les pieds au Palais du Luxembourg, jusqu'à l'expiration de son mandat de sénateur, en septembre 2004.
Patrick Roger
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Dates clés
6 juin 1923
Naissance à Loudun (Vienne).
1959-1999
Maire de sa ville.
1968-2004
Sénateur.
1977
Premier poste ministériel, à l'industrie.
1978-1981
Ministre de l'économie et des finances.
1986-1988
Ministre de l'éducation nationale.
1992-1998
Président du Sénat.
Article paru dans l'édition du 15.04.09
L'ancien président du Sénat René Monory est mort
LEMONDE.FR avec AFP et AP | 11.04.09 | 09h01 • Mis à jour le 11.04.09 | 12h04
René Monory, ancien président du Sénat (1992-1998), est mort, samedi 11 avril dans la nuit, dans sa maison de famille près de Loudun, selon la préfecture de la Vienne. Il avait 86 ans. La santé de cet ancien ministre centriste s'était gravement détériorée depuis 2007. Il avait notamment été hospitalisé pour une occlusion intestinale, et, il y a un an, pour de graves problèmes respiratoires.
Né le 6 juin 1923 à Loudun (Vienne), cette figure du centre-droit a exercé, comme son père, le métier de garagiste, avant d'entrer en politique. En 1959, il s'empare de la mairie de Loudun, qu'il tiendra pendant 40 ans.
Cet autodidacte revendiqué a connu une ascension fulgurante : il est conseiller général de la Vienne en 1961, sénateur en 1968, ministre de l'industrie en 1977. Alors qu'il clame n'avoir jamais lu un livre d'économie, et prône le "bon sens" comme règle de vie, il devient ministre de l'économie de Raymond Barre en 1978, jusqu'en 1981.
L'HOMME DU FUTUROSCOPE
Le retour de la droite en 1986 ramène René Monory au gouvernement, avec le portefeuille de l'éducation nationale dans le gouvernement Chirac. Il tente une réforme des universités qui déclenche des protestations lycéennes et étudiantes dans tout le pays. Le mouvement se solde par le retrait du "plan Devaquet", du nom de son ministre délégué, après la mort de Malik Oussekine, un étudiant tué par la police en marge des manifestations.
En 1992, René Monory, unique candidat de l'UDF, prend la présidence du Sénat et devient le deuxième personnage de l'Etat. En 1998, à 75 ans, il est battu à ce poste, à la surprise générale, par le RPR Christian Poncelet, qui met fin à 30 années de présidence centriste de la Haute assemblée.
Très attaché à sa région d'origine, René Monory est resté jusqu'en 2004 sénateur de la Vienne. Sa grande oeuvre, sur laquelle il se montrait intarissable, c'est le Futuroscope de Poitiers, parc scientifique de loisirs, dont les portes ouvrent en 1987. Depuis, le par a accueilli plus de 30 millions de visiteurs.
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"Un homme tourné vers l'avenir et les sciences"
Le président Nicolas Sarkozy a salué, samedi, la mémoire de l'ancien président du Sénat, soulignant que "sa carrière, à l'image de sa vie, s'était inscrite dans le respect intransigeant des valeurs humanistes". Pour le président de la République, René Monory "laissera, avant tout, le souvenir d'un homme tourné vers l'avenir et les sciences". (AFP)