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9 mai 2009 6 09 /05 /mai /2009 10:38

(dépêche)


 
Le Web pour faire la Révolution par procuration

par icare
samedi 9 mai 2009
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Quand on passe de la société bien réelle, à la « cyber-société », faite de communautés, de forums, de blogs, on est frappé de voir le nombre d’appels à « la vigilance citoyenne », au « réveil », voire à la « révolution contre la dictature »... Ici ou là, dans des tribunes qui fleurissent sur les forums, des contributions aux titres prometteurs attirent notre attention en agitant un cortège de mots funestes : dictature, prison, tyrannie...« Tiens, un autre article sur la Chine ». Mais non, l’auteur parle bel et bien de la France.

En me promenant sur Agoravox ce matin, avant que la déferlante de polémiques, de joutes, d’invectives, ne soit définivement lancée pour la journée, je découvre, comme un promeneur le matin aux heures de la rosée, ce que la nuit a porté comme conseils aux esprits du Web. Pour le petit-déjeuner, une brochette d’articles qui m’ont laissé perplexe...De la dictature nous explique qu’après l’URSS ou l’Allemagne nazie, notre régime incarne un nouveau type de tyrannie tout aussi liberticide. Comment faire la Révolution nous démontre que nous sommes sous l’Ancien Régime, et qu’il nous faut une nouvelle nuit du 4 Août, pour "créer une nouvelle constitution, librement et sans violence, et protégée par le droit international. Il ne reste plus qu’à l’écrire… si elle est juste, elle trouvera et un peuple, et un territoire.". Enfin, une ritournelle pour Monsieur le Président reprend grossièrement et avec un peu de talent en moins, le thème du "coup d’Etat permanent" déjà vieux d’un demi-siècle.

J’ai donc pris peur, j’ai couru à ma fenêtre pour voir si la police du pouvoir patrouillait dans la rue, puis je me suis rassuré. Il faut être serein et calme avant de penser et s’interroger. D’où vient cette curieuse propension qu’on trouve chez les posteurs sur le Web, à prendre des grands airs d’harangueurs ? Pourquoi, du jeune lycéen à la retraitée, cette inclination naturelle à vouloir essayer de jouer le Ché Guevarra dans sa chambre, la Louise Michel, ou le Jean Moulin du XXIéme siècle ? Partout, on prétend nous dévoiler les barreaux invisibles de notre prison ; les Spartacus de l’ère ADSL illimité se voient déjà comme nos libérateurs.
 
Il y a, derrière ces alarmes tonitruantes, derrière ces postures souvent comiques mais qui se veulent sérieuses, un ressort secret qui explique très bien ce phénomène. Notre époque n’a jamais été aussi loin d’une guerre. Il n’en demeure plus que le souvenir. Dans la mémoire collective, dans l’inconscient populaire, il reste le mythe de celui qui a pris les armes pour se battre : le temps a contribué a rendre la cruelle réalité de la guerre moins saillante, car les ans qui passent sur les événements leur donnent toujours quelque chose de cette teinte romantique qui séduit.

Cette distance vis-à-vis de l’événement - la guerre civile, la révolution, le conflit, alliée au souvenir mythique, est directement responsable de cette floraison d’appels presque vibrants à la mobilisation. Ils sont comme le petit enfant qui joue à la guerre. Le Web devient la tribune par laquelle on vit ce "dépucellage politique". Que les temps s’y prêtent ou non, un impérieux besoin nous pousse à endosser les habits d’un Mirabeau avant de nous adresser à une audience virtuelle et invisible dans laquelle on s’imagine applaudit. Mais une fois le clavier laché, pas de piques à saisir, pas de Bastille à prendre, non, l’objectif est atteint, l’exercice de style se suffit à lui-même ; une intime sensation de "devoir accomplit" nous réjouit, et on s’imagine déjà dans les livres d’Histoire à côté de Victor Hugo écrivant "Napoléon le Petit". Seulement Quand Victo Hugo publiait "Napoléon le Petit", il était contraint à l’exil, et menacé de mort. Tout le contraire du Spartacus du Net qui s’imagine être subversif, alors qu’il est devenu sans s’en rendre compte, d’un conformisme achevé.

Alors, il n’y a rien de dangereux dans tout ceci, certes ; c’est même par certains aspects, divertissants. De bonne guerre, la guerre qu’on n’a pas faite, mais qu’on aimerait quand même faire un peu pour se sentir une certaine existence politique. Mais à force de hurler au loup, quand un jour les vraies alarmes viendront, quand les vraies inquiétudes tenteront de se faire entendre, parviendront-elles assez haut, se distingueront-elles des autres, pour trouver une oreille ?

Le véritable danger, c’est qu’en accoutumant tout le monde à des indignations incessantes, on donne à une réelle dictature tous les moyens d’avancer dans l’ombre.
 
Ce n’est pas l’absence de protestations qui est dangereuse : c’est le trop-plein.



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