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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 06:08

Dans quelques jours, le Sénat va discuter du projet de loi constitutionnelle pour réformer les institutions. Après l’Assemblée Nationale. Suite de ce marathon parlementaire. Deuxième partie.


Il est toujours très difficile de rédiger un article pour présenter l’état de ce projet de loi constitutionnelle en vue de réformer les institutions, tant ce texte, comme je l’écrivais dans le précédent article, est un fourre-tout assez complexe.

J’ai déjà largement évoqué le projet initial, et dans cet article, je vais m’attarder uniquement sur les aménagements effectués par l’Assemblée Nationale du texte gouvernemental. L’Assemblée Nationale a, à mon sens, supprimé un certain nombre d’incongruités mais n’en a pas rendu plus cohérent toutefois le texte.

A priori, je ne reviendrai donc pas sur les dispositions qui ont été adoptées sans modification. Par ailleurs, la plupart de mes phrases sont à l’indicatif pour éviter de rester en permanence au conditionnel, seul mode cependant exact tant que la loi constitutionnelle n’est pas promulguée.

L’intégralité des textes sont accessibles sur les liens à la fin de l’article.

Cet article porte sur les articles 1er à 8 de ce projet.


10. Une mesure clientéliste qui ne mange pas de pain (art. 1er A du projet)

Rajoutée dans les principes de la Constitution à la suite de diverses tractations, la réforme introduit cette phrase : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine. ».

Cette reconnaissance n’est que théorique, ne définit pas ce qu’est une langue régionale (l’argot de banlieue peut-il postuler ?) et surtout, n’indique pas les conséquences pratiques.

Juste après dans la Constitution, si cette phrase passait, viendrait de façon assez cocasse la phrase suivante : « La langue de la République est le français. ».

Cet article ne sert à rien sinon à faire illusion et plaisir à quelques élus heureux de pouvoir dire auprès de certains électeurs qu’ils ont pensé à eux.


11. Reconnaissance des partis de l’opposition (art. 1er du projet)

L’article rédigé par le Gouvernement était décidément trop explicite sur la volonté du bipartisme (« Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. »).

Plus astucieux, les députés ont juste laissé entendre qu’une « loi [garantirait] la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».

Je reste relativement inquiet quand on veut mettre des lois partout dans tous les domaines (comme celui de l’euthanasie, mais c’est un autre sujet). En effet, la Constitution reconnaissait déjà le rôle des partis dans l’expression du suffrage. Légiférer plus précisément, c’est encadrer plus précisément le rôle et le fonctionnement des partis, ce qui me semble inutile et surtout, contraire au principe de liberté politique que notre pays a acquis parfois chèrement.


12. La limitation à deux mandats présidentiels consécutifs (art. 2 du projet)

Le texte ne change pas dans le fond mais dans la forme : cela passe de « Nul ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs. » à « Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement. ».

Des nuances cependant pas si négligeables que cela si on passe en régime présidentiel intégral avec système de vice-présidence : en cas de vacance présidentielle, le Vice-Président succéderait au Président de la République sans avoir été élu.

Je reste opposé à une telle limitation qui pourrait s’opposer à l’expression de la souveraineté nationale dans des situations bien particulière qu’il est aujourd’hui bien difficile de prévoir. De plus, cette limitation n’empêcherait pas une ‘perspective à la Russe’, à savoir que le Président de la République, à l’issue de ses deux mandats, devienne Premier Ministre.


13. Suppression de la limitation du nombre de ministres (art. 3 du projet)

Dans leur sagesse, les députés ont supprimé ce qui avait trait à la composition du Gouvernement. Non seulement cela fait l’économie d’une loi organique, mais cela redonne la marge de manœuvre à toute nouvelle majorité arrivée au pouvoir et qui, si elle le juge nécessaire, pourra donc encore nommer des gouvernements pléthoriques (même si ce n’est plus à la mode, plus les coalitions sont composées de partis, plus il faut pouvoir ‘récompenser’).

Cette disposition supprimée allait naturellement dans le sens de l’institutionnalisation du bipartisme.


14. Introduction du référendum d’initiative populaire (art. 3 bis du projet)

Il s’agit de permettre un référendum qui serait à l’initiative d’un cinquième du nombre de parlementaires et d’un dixième du nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales. En clair, plus de quatre millions de signataires et plus de 180 parlementaires. Seuls, les très grands partis pourraient se permettre une telle campagne populaire. À moins qu’ils en soient déjà au pouvoir.

Cet aspect constitue cependant une avancée notable par rapport à l’existant, qu’il conviendrait sans doute de renforcer.


15. La mode écologique s’empare de la sémantique (art. 3 ter, 28 bis, 29, 30 et 30 bis du projet)

L’article 11 de la Constitution (qui parle de la nature des lois qui peuvent être soumises au référendum) inclurait au-delà des réformes économiques et sociales les réformes environnementales.

De même, on change l’appellation du Conseil Économique et Social en « Conseil Économique, Social et Environnemental ». Reste à savoir ce que cela signifierait concrètement, car aucune disposition sur les nominations au Conseil Économique et Social n’est prévue (contrairement aux propositions du Comité Balladur).


16. Pouvoir limité des nominations présidentielles (art. 4 du projet)

Contrairement au texte initial, les députés ont précisé avec pertinence les cas susceptibles d’empêcher certaines nominations, alors qu’initialement, il n’était prévu qu’un avis consultatif. Cette tournure rédactionnelle me paraît plus efficace et concrète.


17. Le droit de parole du Président de la République devant le Parlement (art. 7 du projet)

Les députés ont réduit les possibilités du Président de la République à ne parler que devant le Parlement réuni en Congrès. Les dispositions initiales l’autorisaient à s’exprimer également devant l’une des deux assemblées.

Il n’en demeure pas moins que cet arrangement, voulu avec beaucoup de force par Nicolas Sarkozy (volonté d’imiter les Présidents américains ?), ne me satisfait pas du tout.

Il est d’une part inutile d’un point de vue de communication politique : les médias traditionnels véhiculent beaucoup mieux un discours présidentiel que ces cadres solennels, et Nicolas Sarkozy et, avant lui, Jacques Chirac, ne se sont jamais privés de réunir des parlementaires à l’Élysée pour leur asséner leur manière de percevoir la situation nationale.

Il est d’autre part inquiétant d’un point de vue institutionnel, puisque le Président de la République est irresponsable devant les assemblées. Une déclaration présidentielle ne peut que réduire l’influence politique du Premier Ministre, ce qui présenterait de graves inconvénients en période de cohabitation (toujours possible, je le répète, même avec le quinquennat).


18. Le Premier Ministre reste responsable de la défense nationale (art. 8 du projet)

La volonté présidentielle de donner au seul Président de la République la responsabilité des armées et de la défense nationale a été éliminée par les députés avec une très grande sagesse.

En effet, cette disposition était triplement dangereuse : d’une part, le Président de la République étant irresponsable devant les parlementaires, ces derniers perdaient toute possibilité de contrôle et d’opposition de la politique de défense ; d’autre part, l’ambiguïté actuelle entre le rôle du Président de la République et celui du Premier Ministre donne un sain équilibre et évite toute décision personnelle excessive ; enfin, cette disposition aurait engendré de graves dysfonctionnements en cas de cohabitation.

C’était l’un des points les plus aptes à rendre le régime présidentiel. Il a heureusement été supprimé.


Dans le prochain article, nous verrons les dispositions modifiées concernant principalement le pouvoir législatif.

(à suivre)


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 juin 2008)


Pour aller plus loin :

Projet adopté au Conseil des Ministres le 23 avril 2008.

Projet adopté par l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008.

Constitution du 4 octobre 1958.

Autres articles sur les institutions.








http://www.lepost.fr/article/2008/07/11/1223058_la-reforme-des-institutions-votee-par-l-assemblee-nationale-2-principalement-l-executif.html


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