Les démocrates-chrétiens reviennent au pouvoir en Belgique

Une nouvelle majorité constituée par les libéraux et les démocrates-chrétiens, éventuellement élargie aux écologistes, pourrait voir le jour au terme de longues négociations.
Le président des démocrates-chrétiens flamands, Yves Leterme, a crié victoire lorsque les résultats ont démontré que son parti était redevenu la première force politique du pays après avoir raflé plus du tiers des voix en Flandre.
"Nous avons tenu parole", a déclaré celui qui sera plus que probablement le prochain Premier ministre belge, entouré par ses partisans qui brandissaient des drapeaux flamands. "Plus de sécurité, plus de justice et une réforme de l'Etat moderne."
En Flandre, les résultats sont très nets.
Les libéraux flamands du Premier ministre Guy Verhofstadt subissent la gifle annoncée par les sondages et ne récoltent que la moitié des voix enregistrées par les démocrates-chrétiens.
L'intéressé a admis sa défaite et promis de s'effacer.
"J'assume personnellement la responsabilité pour les résultats", a-t-il déclaré devant ses militants.
Le parti socialiste flamand enregistre lui aussi une très lourde défaite qui, elle, n'était pas du tout attendue.
Pour de nombreux analystes, les électeurs flamands ont voulu sanctionner ... le parti socialiste francophone, qui est laminé par les scandales de corruption, afin de l'éjecter du pouvoir, dans la mesure où les deux alliés gouvernent toujours ensemble.
"C'est une défaite cuisante", a expliqué le chef des socialistes flamands, Johan Vande Lanotte, en regrettant que les partis flamands qui prônaient une séparation plus grande entre les deux composantes du pays avaient gagné du terrain.
QUELLE COALITION?
Le deuxième parti de Flandre redevient l'extrême-droite flamande du Vlaams Belang qui, sans progresser, repasse mécaniquement devant les socialistes et les libéraux au Nord: la gauche n'existe pratiquement plus en Flandre.
Du côté francophone, les socialistes, reculent de 36 à 30% des voix wallonnes, mais dans une mesure moindre que celle qui pouvait être attendue à la lumière des scandales médiatisés qui ont marqué la campagne jusqu'à la veille du scrutin.
Le président du PS, Elio di Rupo, a reconnu que ces scandales avaient entamé son crédit et promis des "mesures draconiennes" pour éliminer les brebis galeuses du parti.
Un de ses dirigeants, Philippe Moureaux, a d'ailleurs prôné une "cure d'opposition" pour que le PS se refasse une santé.
Les libéraux wallons les devancent désormais d'un siège, les démocrates-chrétiens francophones progressent modérément et les écologistes font une remontée spectaculaire.
Les libéraux et les socialistes ont été aux affaires pendant huit ans, d'abord avec les écologistes, puis sans eux, mais l'usure du pouvoir a eu raison de cette coalition qui s'est déchirée ces derniers mois malgré de bons résultats économiques et une relative "paix linguistique" appréciée des francophones.
Il reste à savoir quelle coalition pourra émerger.
L'arrivée au pouvoir d'Yves Leterme, actuel ministre-président de la Flandre, un homme austère et peu médiatique qui est âgé de 46 ans, représentera un changement de style total par rapport à Verhofstadt, flamboyant bon vivant.
Les chrétiens-démocrates flamands se sont en effet présentés aux élections alliés à des nationalistes flamands indépendantistes pour devenir la première formation du pays.
Il ont un programme ambitieux en matière de réforme de l'Etat qui verrait quelques-unes des dernières compétences gérées au niveau fédéral tomber dans l'escarcelle des régions, notamment dans le domaine de la sécurité sociale.
Or, les partis francophones ne sont absolument pas demandeurs d'une telle réforme qui les obligerait à financer ces compétences alors que les caisses de la Wallonie sont à sec.
LES SOCIALISTES DANS L'OPPOSITION?
Cette situation devrait entraîner de très longues négociations - un délai de plusieurs mois est souvent cité - pour parvenir à la formation d'un gouvernement majoritaire.
Le roi Albert devrait d'abord nommer un "informateur" pour défricher la situation avant de nommer un "formateur" qui sera très vraisemblablement le vainqueur, Yves Leterme.
S'il maintient sa ligne "dure", ce dernier risque de ne pas trouver de partenaire francophone pour gouverner et, s'il cède trop de terrain, ses alliés nationalistes risquent de le lâcher.
Leterme s'est bien gardé de tirer des plans sur la comète.
"Le jeu des coalitions, on verra ça demain", a-t-il dit.
Mais la défaite des socialistes, qui, selon un scénario d'avant scrutin, devaient s'allier aux démocrates-chrétiens, ouvre la porte aux libéraux : avec les démocrates-chrétiens, ils disposent de 81 sièges sur 150 à la Chambre des représentants et les écologistes pourraient élargir leur assise.
"Il y a clairement une alternative possible", a déclaré le libéral francophone Louis Michel, commissaire européen.
Mais cette coalition ne réunira pas la majorité des deux tiers indispensable à la réforme ambitieuse de l'Etat.
Seule une grande coalition élargie aux socialistes permettrait d'atteindre 100 sièges, mais elle sera délicate à mettre en place avec des partenaires aussi disparates.
Lundi 11 juin 2007, 7h11
Les chrétiens-démocrates infligent une sévère défaite à la coalition au pouvoir en Belgique
BRUXELLES (AP) - Après huit ans passés dans l'opposition, les chrétiens-démocrates (CD&V) sont sortis grands vainqueurs des élections législatives de dimanche en Belgique: le Premier ministre Guy Verhofstadt a reconnu la défaite au nom de sa coalition libérale-socialiste. Mais les discussions pour la formation d'un nouveau gouvernement s'annoncent difficiles.
"Les électeurs de notre pays ont élu aujourd'hui un nouveau gouvernement et les résultats de ces élections sont nets: les électeurs ont opté pour une majorité différente", a observé M. Verhofstadt. "Cela a été un honneur de diriger le pays", a-t-il ajouté, en soulignant qu'il endossait sa part de responsabilité des résultats. Comme le veut la tradition, il doit présenter la démission de son gouvernement lundi au roi Albert II, ouvrant ainsi la voie à l'ouverture de négociations sur la formation d'un nouveau gouvernement, probablement sous la direction du chef du CD&V Yves Leterme.
"Le temps du changement est venu", a lancé ce dernier à l'adresse de ses partisans, alors que se poursuivait le dépouillement des bulletins.
A la différence d'un Verhofstadt penchant pour l'unité entre les six millions d'habitants de Flandre et les 4,5 millions d'autres de Wallonie, M. Leterme a immédiatement appelé à des changements constitutionnels pour accorder davantage d'autonomie aux différents groupes linguistiques.
Après dépouillement de la quasi-totalité des bulletins, le CD&V l'emporterait avec 29,9% des suffrages en Flandre, contre 25,8% en 2003. Les libéraux (VLD) du Premier ministre Guy Verhofstadt ne recueilleraient que 18,6% (contre 24,2%). Quant à l'extrême droite flamande du Vlams Belang, elle obtiendrait 19,1% des voix (17,9% en 2003). Jean-Marie Dedecker, un indépendant, recueillerait 6,5%.
Entachés par les scandales de corruption successifs qui les ont frappés ces dix dernières années, les alliés socialistes du VLD chutent de 23,5% à 16,4% en Flandre, alors qu'ils reculent de 36,4% à moins de 29% en Wallonie. En Belgique francophone, le VLD obtient 32,8% contre 28,4% en 2003.
Après le dépouillement de 90% des bulletins à travers le pays, les Chrétiens démocrates de M. Leterme ont gagné huit sièges supplémentaires et détiennent désormais 30 sièges sur les 150 que compte la Chambre des représentants, soit 20%.
Les libéraux francophones deviennent le deuxième plus gros parti représenté au parlement avec 23 sièges, devant les socialistes qui perdent 5 sièges pour n'en conserver que 20, perdant ainsi leur place dominante dans le sud francophone.
Les libéraux flamands de M. Verhofstadt ont 18 sièges, soit sept de moins que dans l'assemblée sortante, tandis que les socialistes flamands subissent le pire revers, perdant 9 sièges pour n'en garder que 14.
Le Parti de l'intérêt flamand, d'extrême-droite, perd un siège, ce qui lui en laisse tout de même 17. Jean-Marie Dedecker, un nouveau venu indépendant, a remporté 5 sièges sur un programme nationaliste.
Le chef du CD&V Yves Leterme, ministre-président de Flandre, sera probablement choisi pour former le prochain gouvernement. Une tâche par tradition compliquée dans un pays divisé entre deux régions linguistiques. Le poste a été occupé par un Flamand ces 33 dernières années.
Reste à savoir quelle coalition va émerger après le verdict des urnes. Le Parlement sortant a adopté des mesures qui permettront au nouveau gouvernement de lancer une réforme de l'Etat accordant davantage d'autonomie aux groupes linguistiques. Mais ces changements nécessiteraient une majorité des deux tiers dans chaque région, compliquant encore les discussions déjà difficiles.
Quelque 7,7 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour renouveler la Chambre des représentants (150 sièges, dont 88 pour les néerlandophones et 62 pour les francophones) et une partie du Sénat (40 sièges, dont 15 élus côté wallon et 25 côté flamand). Le vote est obligatoire en Belgique. Les électeurs de Flandre peuvent uniquement voter pour un parti flamand, avec un scénario similaire en Wallonie. Dans la capitale Bruxelles, officiellement bilingue, des partis des deux langues étaient en lice.
Lundi 11 juin 2007, 3h43
La Belgique plus divisée que jamais après les élections
BRUXELLES (Reuters) - La Belgique s'est réveillée lundi plus divisée que jamais après des élections législatives annonciatrices de négociations longues et difficiles entre Flamands et Wallons pour la formation d'un gouvernement.
Le scrutin de dimanche démontre que la dérive des continents entre le nord et le sud du pays s'est traduite dans les urnes.
"La Belgique, c'est deux pays presque différents", souligne Pascal Delwitt, politologue à l'Université libre de Bruxelles après ces élections qui marquent une rupture.
En Flandre, le grand vainqueur est le parti démocrate-chrétien (CD&V) du futur premier ministre Yves Leterme, qui a infligé une lourde défaite aux libéraux et aux socialistes flamands alliés au niveau fédéral depuis huit ans.
"Nous n'avons pas compris les électeurs", a ainsi déclaré le chef des socialistes flamands, Johan Vande Lanotte, qui entend désormais rénover son parti dans l'opposition, tandis que le Premier ministre libéral Guy Verhofstadt a démissionné lundi.
Le message est en effet clair.
La Flandre a tout d'abord basculé à droite puisqu'à peine 20% de ses électeurs ont voté pour les "progressistes" au sens large du terme, à savoir les socialistes et les écologistes.
Près de 60% des Flamands ont en outre apporté leurs voix à des partis qui prônent soit l'indépendance de la Flandre, soit la création d'une confédération lâche dans lesquelles les derniers bastions de l'unité nationale, comme la sécurité sociale, seraient progressivement gérés par les régions.
Il est ainsi remarquable de constater qu'Yves Leterme, actuel ministre-président de la Flandre, doit a présenté une liste commune avec des nationalistes flamands partisans de l'indépendance de leur région, même s'ils se disent être prêts à patienter un peu pour atteindre leur but.
DRAPEAUX FLAMANDS
Signe des temps, le futur premier ministre, un homme de 46 ans dénué de tout charisme mais réputé pour sa détermination et qui a obtenu sur son seul nom 800.000 "votes de préférence", a fêté sa victoire entouré de ses partisans qui brandissaient le drapeau flamand, le lion noir sur fond jaune.
L'homme qui préside aux destinées du parti "Chrétien, démocrate & flamand" a d'ailleurs martelé dès dimanche que la "réforme de l'Etat", jargon belge pour la dévolution de pouvoirs aux régions, était sa priorité pour la prochaine législature.
"Yves Leterme est passé comme une tornade sur la Flandre", écrit lundi le grand quotidien flamand De Standaard, historiquement proche du CD&V. "Il a reçu un mandat très clair."
La Wallonie a voté de manière radicalement différente.
Certes, les socialistes y subissent également une cuisante défaite en raison des scandales de corruption qui ont défrayé la chronique jusqu'à la veille des élections et ils évoquent, comme du côté flamand, la nécessité d'une cure d'opposition.
Certes, pour la première fois depuis 1946, les libéraux deviennent la première force politique dans la partie francophone du pays avec un discours clairement marqué à droite, proche de celui défendu en France par Nicolas Sarkozy.
"Le centre de gravité a bougé", a estimé leur président, l'actuel ministre des Finances Didier Reynders.
UNE COALTION "ORANGE-BLEUE"?
Mais, contrairement aux Flamands, les francophones ne sont qu'un tiers à se retrouver sur un programme clairement marqué par des options économiques et politiques de droite et l'extrême-droite y reste marginale malgré les scandales.
Les socialistes restent puissants en dépit de leur défaite, tandis que les écologistes et les démocrates-chrétiens du sud du pays sont à classer au centre ou à gauche plutôt qu'à droite.
En outre, si les francophones sont divisés, un dossier les unit: ils ne veulent pas d'une nouvelle réforme de l'Etat qui risquerait d'aggraver les difficultés de la Wallonie.
De manière frappante, ce sont les alliés "naturels" de Leterme, les démocrates-chrétiens francophones du parti Centre Démocrate Humaniste (CDH), qui sont le plus opposés à un nouveau déshabillage de l'Etat central.
"Nous nous opposerons à toute avancée institutionnelle qui serait contraire aux intérêts des francophones", a déclaré leur présidente, Joëlle Milquet, imitée par les autres partis du sud.
Pour le journal Le Soir, il faudra bâtir un véritable front.
"Au-delà de leurs objectifs propres, les partis du sud du pays ont le devoir d'en servir un seul commun: la défense des intérêts de leurs concitoyens francophones", écrit-il.
Les négociations s'annoncent donc longues et ardues pour l'"informateur" que choisira le roi Albert II afin de sonder les possibilités avant de nommer Leterme "formateur".
En théorie, et étant donné la défaite des socialistes, on se dirige vers une coalition entre démocrates-chrétiens et libéraux qui, ensemble, contrôlent 81 sièges sur les 150 que compte la Chambre des représentants. Les écologistes et leurs 12 sièges pourraient être appelés à renforcer cette majorité.
Mais on resterait alors loin de la majorité des deux tiers, soit 101 sièges sur 150, nécessaire pour modifier la Constitution belge afin de procéder à une réforme de l'Etat, que seul l'apport des socialistes permettrait d'atteindre.
Pour plusieurs analystes, la coalition "orange-bleue" pourrait être rejointe par les socialistes pour une réforme de l'Etat: une sorte d'union nationale qui aurait pour effet de la diluer.
Lundi 11 juin 2007, 13h31