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21 mai 2018 1 21 /05 /mai /2018 02:39

« L’amour de la démocratie est d’abord un état d’esprit. » (Pierre Mendès France, 1962).


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Le projet de réformes des institutions n’est pas encore totalement finalisé et présenté par le gouvernement. Seul, le projet de loi constitutionnelle a été adopté par le conseil des ministres du 9 mai 2018. Deux autres projets de loi, l’un de loi organique, l’autre de loi simple, seront présentés et adoptés probablement au conseil des ministres du 23 mai 2018. Notons (et répétons-le) qu’il ne me paraît pas sain de faire ces annonces lors des semaines de ponts, parfois triple pont (8 mai, Ascension, pour le premier projet loi, lundi de Pentecôte pour les deux derniers) parce que réformer notre loi fondamentale doit se faire avec gravité et respect des citoyens, et pas entre la poire et le fromage, subrepticement, pendant que tout le monde est parti se promener pour profiter du soleil.

Dans l’attente des deux autres projets présentés dans les prochains jours, je reviens sur une mesure pas encore explicitement publiée mais déjà annoncée dans les grandes lignes par l’allocution du Premier Ministre Édouard Philippe le 4 avril 2018 : la réduction du nombre des parlementaires d’un tiers, tant pour l’Assemblée Nationale que le Sénat.

Je suis opposé à une telle mesure pour plusieurs raisons, je vais y venir. Avant tout, inquiétons-nous de l’argumentation gouvernementale. Lors d’une séance spéciale de questions au gouvernement sur la réforme des institutions, organisée le 9 mai 2018 dans l’hémicycle, la Ministre de la Justice Nicole Belloubet a montré une certaine mauvaise foi que, je l’espère, elle va abandonner lorsque la discussion parlementaire sera réellement amorcée.


Nicole Belloubet, pas si apolitique que cela…

Est-elle si peu politique qu’on voudrait le dire ? Malgré son appartenance au Parti socialiste depuis 1983, puis sa nomination au Conseil Constitutionnel en 2013 par le socialiste Jean-Pierre Bel, Nicole Belloubet faisait partie des ministres "techniques" du gouvernement (la grande majorité des ministres), et elle a même remplacé à l’improviste un ministre très politique, peut-être le plus du premier gouvernement d’Édouard Philippe, à savoir François Bayrou.

Pourtant, elle a déjà derrière elle une longue expérience d’élue locale. Elle a été élue première adjointe au maire de Toulouse, chargée de la culture, de 2008 à 2010, et première vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées, chargée de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de 2010 à 2013.

Mais c’est sa compétence juridique que le Président Emmanuel Macron a tenu à saluer en la nommant garde des sceaux : docteure en droit à la Sorbonne en 1990, agrégée de droit public en 1992, professeure des universités, elle a été nommée rectrice de Limoges de 1997 à 2000 puis de Toulouse de 2000 à 2005. Personnalité forte, elle a même démissionné du rectorat en 2005 pour protester contre la politique du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. Son baptême de feu politique, elle l’a passé lors de la grande vague de grèves dans les prisons en janvier 2018, qu’elle a su arrêter par la négociation.


Une certaine mauvaise foi ?

Enseignante chercheure à partir de 2008 à l’IEP de Toulouse, notamment professeure de droit communautaire, elle a donc une véritable autorité intellectuelle sur le droit et plus particulièrement sur le droit constitutionnel en raison de son expérience au Conseil Constitutionnel pendant trois ans.

Elle a d’ailleurs rappelé qu’il y a une dizaine d’années, elle avait travaillé sur le sujet du nombre d’élus en Europe : « Pour m’être intéressée, quand j’étais professeure de droit, au nombre d’élus locaux dans les pays de l’Union Européenne, j’avais observé qu’ils étaient beaucoup moins nombreux qu’en France. (…) Il me semble qu’il faut considérer le système électif d’un pays dans sa globalité, mais ce que j’avais constaté il y a une dizaine d’années n’est peut-être plus vrai. ».

Avec cette fausse modestie et ses qualifications pour faire de ce qu’elle dit des arguments d’autorité, Nicole Belloubet, l’air de rien, s’est un peu moquée des députés qui l’avaient interrogée ce 9 mai 2018. Elle a utilisé plusieurs fois cet argument d’une surreprésentation globale des élus en France, en citant le nombre de 500 000 élus, ce qui est vrai, peut-être même est-ce supérieur.

Mais c’est complètement hors sujet pour ce qui concerne le nombre des parlementaires. Dans leur grande majorité, ces 500 000 élus évoqués ici sont des élus municipaux, et pour 98% d’entre eux, des conseillers municipaux qui ne reçoivent aucune indemnité, qui remplissent leurs fonctions bénévolement et souvent avec la foi du service aux autres parfois malmenée par justement cette démagogie anti-élus. Le grand nombre ne provient que d’un trop grand nombre de communes (36 000, ce qui correspond à peu près au nombre de communes dans tous les autres pays européens). Cela n’a rien à voir à une surreprésentation élective, mais à une "surnumération" des communes, si je puis m’exprimer ainsi.

Ainsi, Nicole Belloubet a utilisé cet argument, ce seul argument, de nombreuses fois : « Comme je l’ai dit précédemment, la France compte plus de 500 000 élus locaux ; on ne peut pas dire que les Français sont sous-représentés. ».

Elle préférait comparer le nombre d’élus nationaux des États-Unis au nombre d’élus locaux en France, ce qui est intellectuellement un peu bancal : « Je pourrais vous renvoyer au nombre de sénateurs américains, qui sont 100 pour une population plus importante que la nôtre. Il y a, certes, des niveaux différents de représentation. Il faut préciser que la France compte un nombre très élevé d’élus : plus de 500 000 élus locaux. ». Ce qui est assez malhonnête intellectuellement de sa part (elle qui connaît très bien les choses-là, par son métier) puisque les États-Unis, comme du reste l’Allemagne, est un pays à structure fédérale et donc les élus nationaux ont des prérogatives nettement moindres qu’un pays hypercentralisé comme la France.


La rouspétance des députés

Nicole Belloubet répondait ainsi à la député FI Clémentine Autain, très opposée à la mesure de réduction : « Un député représente aujourd’hui jusqu’à 116 000 habitants. Mais, si votre contre-réforme est adoptée, il en représenterait 195 000. La France deviendrait alors l’un des pays les moins pourvus en parlementaires en Europe, et cela affecterait évidemment le travail parlementaire : comment concilier présence en commission et en séance, y compris la nuit, travail parlementaire et travail de terrain, qui nous permet d’être au plus près de la population ? Cette équation est déjà difficile, et deviendra, demain, quasiment impossible. Le pouvoir sera donc donné à la technocratie et aux collaborateurs, et non à des élus devant rendre directement des comptes à la population. Une telle réforme devrait relever d’un grand débat public. Diminuer le nombre de parlementaires, c’est diminuer le nombre de personnes élues pour élaborer les lois. ».

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En évoquant « la défiance de l’exécutif à l’égard du Parlement », la députée radicale Sylvia Pinel (ancienne ministre) a rappelé les représentativités électives en Europe : « En comparant le nombre de nos députés à celui de nos amis européens, force est de constater qu’il n’est pas aussi choquant que vous le laissez croire. Le Danemark compte un député pour 31 000 habitants ; le Royaume-Uni comme l’Italie un député pour 95 000 habitants ; la France se situe au même niveau que l’Allemagne. ».

C’était aussi le sens de mes remarques quand j’ai présenté les résultats de certaines élections législatives en Europe, notamment en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie.

Le député communiste Sébastien Jumel (ancien maire de Dieppe) a aussi contesté cette réforme : « La diminution du nombre des parlementaires correspond (…) à votre volonté de satisfaire une lubie présidentielle. Il s’agira d’une réduction sans fondement, sinon celui de distiller un sentiment de défiance à l’égard des parlementaires et de la démocratie représentative. Vous oubliez au passage de préciser que la France va être rétrogradée au regard des standards européens dans sa capacité à représenter le peuple dans de bonnes proportions dans ses institutions. (…) Vous allez remplacer les députés de circonscriptions XXL par des collaborateurs. Ce ne seront plus les représentants du peuple qui décideront, mais des technocrates, des collaborateurs salariés, d’autant plus que votre gouvernement envisage, ce que personne ne dit, d’externaliser l’expertise du Parlement et même de la privatiser, privant ainsi les assemblées de leur capacité à établir des diagnostics dans la neutralité. ».

Le député LR Sébastien Leclerc a apporté aussi un autre contre-argument, celui de l’étendue des territoires électoraux : « Après avoir mis le conseil départemental à 30 kilomètres de ses administrés [avec la fusion de deux cantons en un pour assurer la parité homme femme] et le président d’intercommunalité à parfois plus de 60 kilomètres, vous envisagez de mettre le député à 200 kilomètres. La réduction du nombre de circonscriptions, de 577 aujourd’hui à environ 340 demain, aura bien pour conséquence de rendre le territoire à représenter beaucoup plus vaste pour le député, au détriment de la proximité, si bien qu’il aura besoin de plus de temps pour répondre aux diverses sollicitations et aura moins de disponibilité pour légiférer et contrôler l’action du gouvernement. ».

Si j’ai mis ces quelques citations de parlementaires, c’était pour présenter la tournure des arguments employés à propos de cette question. Il apparaît ainsi que les arguments contre sont très nombreux et que les arguments pour sont quasiment inexistants.


Reprenons d’abord l’historique de cette proposition.

La réduction du nombre de parlementaires était dans le programme de campagne du candidat Emmanuel Macron et sa volonté de faire ce qu’il a dit lui donne évidemment d’autant plus de force qu’il a été élu. L’un des arguments en faveur de la mesure, un argument qui n’a rien à voir au fond, c’est qu’Emmanuel Macron n’était pas le seul à avoir soutenu une telle proposition. Ainsi, le candidat François Fillon, lui aussi, a promis la réduction du nombre de parlementaires pendant la campagne de 2017, et il se disait également que le Président François Hollande, s’il avait eu les coudées franches pour une réforme des institutions, l’aurait également soutenue.

Mais la mesure de date pas de la campagne présidentielle de 2017. Le premier responsable politique de poids à avoir soutenu une telle idée fut… François Bayrou, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, lors d’une présentation de ses vues institutionnelles à la Maison de la Chimie le 25 février 2012. Mais cette réduction du nombre de parlementaires (qu’il envisageait de faire approuver par référendum en début de quinquennat) s’accompagnait d’une réduction constitutionnelle du nombre de ministres ! L’exécutif à la même enseigne que le législatif, ce qui n’est pas du tout le cas de l’actuel projet.


Démagogie antiparlementaire

En fait, il faut bien l’avouer, cette mesure de la réduction du nombre de parlementaires est une mesure éminemment démagogique. Une tarte à la crème. Ceux qui y ont eu recours furent ceux qui voulaient se distinguer du lot, se différencier et faire un bon "coup" politique afin d’atteindre de nouveaux électeurs. Le populisme flirte toujours sur l’antiparlementarisme, en laissant croire que les parlementaires seraient inutiles et paresseux, toujours absents et jamais à l’écoute.

En fait, c’est tout le contraire. Les citoyens qui connaissent leur député peuvent comprendre leur emploi du temps dément. Il faut être en commission pour élaborer la loi, pour auditionner des ministres ou des responsables de forces vives, dans l’hémicycle pour débattre, proposer des amendements, voter un texte, et dans leur circonscription pour écouter les doléances de leurs électeurs, en général, logement et emploi, puis subvention pour leur association. Alors, oui, parfois, il y a des bancs vides, mais c’est rarement par paresse, c’est par impossibilité de se dédoubler (tout le monde n’a pas la possibilité de s’hologrammer).

D’ailleurs, l’une des raisons de l’absence du parlementaire a été supprimée à partir de 2017, à savoir l’interdiction du cumul des mandats. L’autre cause, pas supprimée, c’est lorsqu’on cumule avec la fonction de chef de parti. Ainsi, François Hollande a très rarement mis les pieds au Palais-Bourbon entre 1997 et 2008, trop occupé à régenter ou plutôt, synthétiser rue de Solferino, à la tête du PS.

À part ces cas très particuliers de chefs de parti (Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Pierre Laurent, Olivier Faure, etc.), le parlementaire est désormais parlementaire à 100% de son temps. Cela ne leur empêche pas un agenda très chargé, car à côté de leur rôle de base, il y a aussi beaucoup de fonctions annexes dans de nombreux organismes qui sont représentés également par un ou plusieurs parlementaires dans leur conseil d’administration (entre autres, la CNIL).

Et quel intérêt y aurait-il à paresser ? À être absents de leur circonscription, ils ne seraient pas réélus à la fin de leur mandat. À être absents de Paris, ils n’auraient rien à dire à leurs électeurs, ni défense de leurs territoires, ni moyens de montrer leur utilité auprès d’eux.


Faire des économies ?

Si la mesure de réduction du nombre des parlementaires est à la fois populiste et populaire, c’est parce que les gens imaginent que cela leur coûtera moins, "leur" à prendre dans le sens des contribuables. Et c’est là, bien évidemment, qu’il y a un malentendu.

On a pu s’en apercevoir avec la réduction du nombre des régions. La principale raison de ce caprice présidentiel de 2014, c’était de faire des économies. En fait d’économies, il y a eu des coûts supplémentaires, celui des déplacements, des notes de frais, des aménagements de bâtiments trop exigus, etc. Il n’y a pas eu un seul budget des indemnités des élus régionaux qui a été réduit avec cette réforme ! Seule, la réforme de Nicolas Sarkozy (morte-née à cause du changement de majorité) aurait pu faire de substantielles économies, en faisant fusionner les fonctions de conseillers régionaux et de conseillers départementaux, et donc, en réduisant le nombre d’élus sans réduire le nombre de sièges (cette réforme présentait cependant quelques inconvénients institutionnels, mais ce n’est pas le sujet ici).

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Revenons aux parlementaires. Ce n’est même pas la peine de "supputer", la majorité et le gouvernement ont même clairement annoncé l’idée qu’il n’y aurait aucune réduction des frais des parlementaires avec la réforme prévue. Richard Ferrand, le président du groupe LREM à l’Assemblée Nationale, l’a énoncé ainsi le 9 mai 2018 : « Sont à venir trois engagements cardinaux, pris en 2017 devant notre peuple : la réduction de 30% du nombre des parlementaires, à moyens constants, pour plus d’efficacité de leur mission… ». "À moyens constants", donc, pas d’économies !

La Ministre de la Justice Nicole Belloubet a elle-même confirmé : « Si une diminution de parlementaires est bien prévue, celle-ci se fera à moyens constants. ». Donc, le contribuable ne gagnerait rien avec cette réforme. Elle n’aurait donc aucune raison d’être populaire.

Si l’on veut vraiment une mesure symbolique qui fera baisser le coût aux contribuables, supprimons le Conseil économique, social et environnemental (CESE) au lieu de vouloir le transformer en une nouvelle chambre tout aussi inutile que l’ancienne.


Une augmentation de la technocratie au détriment du peuple

Cette affirmation des "moyens constants" a une raison qui est très respectable : l’idée est que le député actuellement n’a pas assez de moyens pour pousser à fond son rôle de député, c’est-à-dire d’une part, d’élaborateur de la loi, d’autre part, de contrôleur du gouvernement.

Cette idée est peut-être intéressante et peu éloignée de la réalité même si les réalités, on l’a vu avec l’affaire Fillon, sont parfois très diversifiées (elles le sont désormais moins avec l’interdiction du cumul des mandats : un chef d’exécutif local avait déjà son personnel pour ses tâches de secrétariat, agenda, assistance, relations publiques, etc.), mais elle aurait eu vraiment un sens si elle se faisait à nombre de parlementaires constant. C’est-à-dire, à budget croissant pour augmenter les moyens des parlementaires.

Or, en réduisant parallèlement le nombre des parlementaires, on en arrive à ce que plusieurs députés ont déjà compris : on remplace purement et simplement un élu du peuple, sanctionnable à chaque renouvellement de mandat et donc responsable politiquement, par des collaborateurs parlementaires nommés de manière (heureusement) arbitraire, sans légitimité populaire. En clair, on remplace le peuple par la technocratie.

Si l’on veut vraiment prendre des mesures favorables au peuple, demandons-lui si, à budget constant (c’est-à-dire, sans incidence pour son porte-monnaie de contribuable), il préfère 300 députés et 2 500 collaborateurs de député ou 500 députés et 1 500 collaborateurs de député. Dans le premier cas, le peuple serait moins bien représenté que dans le second cas, puisque seulement 300 députés au lieu de 500 pour une population constante.

Cela aura deux conséquences.


La représentation de la population

Première conséquence, un député après une telle réduction représentera plus d’habitants qu’auparavant (environ 200 000 habitants au lieu de 110 000 grosso modo). Cela signifie que son temps de gestion de sa base électorale sera quasiment doublée (temps de permanence dans les communes de sa circonscription, nombre de sollicitations et d’interventions pour un emploi, un logement, etc.).

Or, ce temps-là, il faudra bien qu’il soit utilisé par les collaborateurs supplémentaires. Si bien que ce surplus de moyens ne servira donc pas le parlementaire pour augmenter son travail législatif et de contrôle. C’est un peu logique dans le cadre d’une conservation de moyens : rien ne se perd, ni ne se crée, tout se transforme. C’est le premier principe de thermodynamique. Il n’y a donc aucune raison pour que, globalement, le travail des parlementaires soit plus dense et plus massif qu’actuellement. Ce sera même pire.


La représentation des territoires

Seconde conséquence, un député après réforme voulue représentera un territoire beaucoup plus vaste qu’auparavant, et cela en raison de deux phénomènes voulus par la réforme des institutions : la réduction du nombre des parlementaires et l’introduction d’une dose de proportionnelle.

Je laisse de côté les députés élus par la proportionnelle nationale (c’est un autre sujet, voir ici), qui, eux, ne représenteront personne sinon l’appareil de leur propre parti, rien de démocratique à cela.

Les députés élus dans leur circonscription verront leur circonscription s’étendre énormément, jusqu’à doubler ou tripler de superficie. Or, un député doit forcément être présent sur le terrain, ce qui nécessitera de nombreux déplacements et beaucoup de temps supplémentaire qu’il ne pourra pas occuper à ses fonctions à Paris.

Cela aura pour conséquence une moindre présence des députés auprès de leurs électeurs, et donc, un accroissement de la distance entre élus et administrés alors que justement, l’objectif doit être de renforcer la proximité.


Réduire le rôle et le pouvoir des parlementaires

L’objectif du gouvernement serait de donner plus de pouvoir aux parlementaires. Pourtant, la réforme qu’il propose tendrait à faire le contraire, réduire leur pouvoir, et accroître le pouvoir de l’exécutif, d’autant plus que certaines mesures présentées pourraient remettre en cause partiellement le droit d’amendement.

Il est utile de reprendre l’historique du nombre de parlementaires. À l’origine, plus il y avait de parlementaires, plus le Parlement était fort face à l’exécutif et en particulier au roi. L’exécutif ne peut pas corrompre tout le monde, plus il y a de parlementaires, moins il est possible de corrompre tous les parlementaires.

La réforme, qui propose également d’empêcher l’existence de parlementaires chevronnés, c’est-à-dire, qui, au bout de nombreux mandats, connaissent excellemment bien la procédure parlementaire et savent affronter le gouvernement avec des armes relativement équivalentes, va forcément amoindrir le rôle du Parlement.

D’un côté, un pouvoir exécutif aidé d’une technostructure très organisée et très expérimentée (l’une des meilleures du monde), de l’autre côté, un Parlement avec peu de parlementaires, souvent sans expérience ou avec une faible expérience, sans moyens véritables pour contrôler l’action du gouvernement, cela ne peut pas aboutir, à l’évidence, à un renforcement du pouvoir législatif.


Méfions-nous des fausses bonnes idées

Les fausses bonnes idées sont comme les faux amis. On les connaît mais le réflexe veut qu’on tombe dans le piège. La proposition de réduction du nombre de parlementaires, sauf à revenir à la situation d’avant 1985 (François Mitterrand, grand manœuvrier, avait augmenté inutilement de 86 le nombre de députés), ne me paraît pas être en capacité à relever le défi ambitieux lancé par le gouvernement lui-même : redonner le pouvoir au peuple, lui redonner confiance en sa classe politique, en ses élus.

La comparaison facile avec nos voisins européens montrent qu’il n’y a aucune justification convaincante en faveur de cette proposition, si ce n’est une promesse de campagne, mais, en renonçant à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le Président Emmanuel Macron n’a-t-il pas déjà tourné le dos à certaines promesses quand l’intérêt national l’imposait ?

Aux parlementaires aussi de faire preuve de responsabilité pendant les débats parlementaires qui s’annoncent : il ne faut pas qu’ils se retrouvent dans la position de simples défenseurs du syndicat des élus, mais comme des représentants de l’intérêt du peuple. Or, l’intérêt du peuple, c’est d’avoir un Parlement fort capable d’équilibrer un pouvoir exécutif dont la force reste nécessaire pour rendre la France gouvernable. C’est ce subtil équilibre qui est tout l’enjeu de cette réforme des institutions.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 mai 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Protégeons la Ve République !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180517-reforme-institutions-ac.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-macron-des-institutions-3-204543

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/05/22/36423501.html



 

 

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commentaires

C
Les députés seraient prôches du burn out nous dit on.Cela est bien possible si l'on considère le grand nombre de réformes émanant du gouvernement et qui nécessitent de la part des députés un examen sérieux et approfondi.Leur travail est considérable du fait du rythme effréné de la « REFORME »tous azimuts voulue par le président de la République.Cela tourne même au harcèlement quand on sait la piètre qualité desdits projets de réforme gouvernementaux.Le seul mot d’ordre des actuels dirigeants de la Vème République :énormément de travail pour très peu d’effets bénéfiques et de résultats donc.Nous pourrons d’ailleurs apprécier ces résultats au cours des années à venir.Malgré ce surmenage des députés comme celui des personnels de Matignon (qui préfèrent même quitter le navire d’après ce que l’on sait…)nos gouvernants entendent réduire de 30% le nombre de députés dans un pays dont la population ne cesse de s’accroître!Cela est pour le moins paradoxal :les députés devront faire plus avec moins de moyens humains !Le redécoupage des circonscriptions est sans doute une motivation (électorale) du gouvernement destinée à faire de l’assemblée nationale une simple chambre d’enregistrement aux ordres du pouvoir exécutif….Peut-être que la représentation nationale est devenue la variable d’ajustement de la vie politique française ?Peut-être que la France est devenue un petit pays sans ambition tant sur le plan économique que sur le plan politique ne méritant pas une large représentation nationale au service de l’intérêt général et des citoyens?Peut-être que la gouvernance nationale pourrait se réduire au pouvoir exécutif tandis que la députation deviendrait négligeable ?Tout cela est évidemment contraire au texte et à l’esprit de la constitution de 1958.Les équilibres entre les pouvoirs seraient rompus :le pouvoir exécutif serait assez nettement renforcé au détriment du pouvoir législatif.Plus grave :la démocratie est condamnée à se réduire comme une peau de chagrin.La fracture entre les citoyens et leurs représentants nationaux serait aggravée.Le lien entre les territoires et la représentation nationale serait encore distendu.
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