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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 05:14

Fin de la spécificité centriste du Sénat qui se clive désormais en deux pôles politiques. L’élection du prochain Président du Sénat donnera un aperçu de la capacité de rassemblement des socialistes et des rapports de force avec les autres composantes de la nouvelle gauche plurielle. Au premier tour, Jean-Pierre Bel (le favori), Gérard Larcher (le sortant), Valérie Létard (la centriste) …et peut-être Jean-Vincent Placé (l’écologiste).


yartiplateau201102C’est donc ce samedi 1er octobre 2011 à 15h00 que le nouveau Sénat va élire son Président, et avant, il devra écouter le discours du président de séance qui est le doyen d’âge. Contrairement à ce qu’avait indiqué le 25 septembre Serge Dassault, vice-doyen, ce sera le sénateur communiste Paul Vergès (86 ans) qui prononcera cette allocution avant de donner sa démission à l’issue du vote et prendre sa retraite. Les résultats du premier tour devraient être proclamés vers 17h45 par Paul Vergès.

Pour suivre la séance en direct, c’est à ce lien.

La fois précédente, le mercredi 1er octobre 2008, après une primaire âpre face à Jean-Pierre Raffarin et Philippe Marini, Gérard Larcher avait été élu Président du Sénat dès le premier tour avec 173 voix (sur 343 sièges) face à Jean-Pierre Bel, 134 voix, avec 19 voix pour René Garrec et 2 voix pour Jean-Pierre Raffarin, tous deux sénateurs UMP qui n’étaient pas candidats. Il y a de fortes chances pour que ce samedi, le résultat s’inverse…


Arithmétique du Plateau

Depuis le 25 septembre 2011, le Sénat compte désormais 348 sièges, dont 77 femmes (22%) et l’âge moyen est de 62 ans (entre 35 et 86 ans).

L’UMP rassemble 144 sénateurs, le PS 128, les communistes 21, les écologistes 10, l’Union centriste 26 et le RDSE 19 (avant les changements de groupe). La gauche devrait bénéficier de 177 à 178 sièges. Après la victoire de la gauche aux élections municipales de mars 2008, un tel basculement devait arriver mais peut-être pas avec une telle ampleur.

Tout est donc prévu pour que l’unique candidat socialiste, Jean-Pierre Bel (59 ans), soit élu au plateau. Pour l’être, il aura besoin aux deux premiers tours de la majorité absolue et à l’éventuel troisième tour, simplement de la majorité relative. Dans le passé, il y a déjà eu quelques surprises, la principale étant l’échec de René Monory en 1998, mais aussi sa première élection en 1992, l’élection d’Alain Poher en 1968 ainsi que sa dernière réélection en 1989, soutenu par Charles Pasqua contre le groupe centriste dont il était membre, ce qui montre que la logique sénatoriale peut être basée sur d’autres rationalités que la simple arithmétique.

Concrètement, l’UMP aura au moins une voix manquante puisque Gérard Longuet, réélu sénateur de la Meuse dimanche dernier (et ancien président du groupe UMP au Sénat), reste Ministre de la Défense. Son suppléant ne pourra donc pas siéger pour ce vote. La majorité absolue sera donc de seulement 174, ce qui donne trois à quatre voix d’avance pour la gauche, ce qui est confortable.

Trois voire quatre candidats seront en piste pour cette élection, mais attention, aucune formalité n’est nécessaire et de nouveaux candidats peuvent même se présenter entre deux tours sans avoir participé au tour précédent.

Le Président du Sénat sortant, Gérard Larcher (62 ans), UMP, a décidé de se présenter à son renouvellement. Depuis que Nicolas Sarkozy a insisté sur la nécessité d’une transparence sans tractation dans les coulisses, même Jean-Pierre Raffarin concède que la réélection sera très difficile.

D’autant plus difficile que Valérie Létard (presque 49 ans), réélue sénatrice du Nord (Nouveau centre) et ancienne ministre de François Fillon, proche de Jean-Louis Borloo par ses fonctions de présidente de la communauté d’agglomération de Valenciennes, a fait également acte de candidature le 28 septembre 2011, soutenue par le groupe Union centriste.


Les centristes

Résurgence de l’UDF ? Valérie Létard est claire sur ses intentions : « Notre famille politique a des valeurs à défendre et cette candidature vise à montrer qu’elle a bien l’intention d’exister de façon autonome. ».

Le groupe Union centriste rassemble les sénateurs centristes de toutes obédiences : Nouveau centre, MoDem et également Alliance centriste créée par Jean Arthuis pour ne pas prendre partie entre les deux premiers partis. Un des proches de Jean Arthuis, François Zocchetto (52 ans), a été d’ailleurs réélu à la présidence du groupe.

Celui-ci comptait 28 membres avant dimanche et a perdu deux sièges à la suite des élections (en particulier, l’échec de Denis Badré, MoDem, dans les Hauts-de-Seine est désolant malgré l’élection d’un nouveau sénateur NC) mais espère voire finalement ses effectifs croître en attirant des sénateurs issus d’autres groupes. Il pourrait ainsi bientôt atteindre 36 membres. Les nouvelles recrues seraient essentiellement des radicaux valoisiens qui étaient inscrits soit à l’UMP (comme Sylvie Got-Chavent), soit au petit groupe RDSE (l’ancienne Gauche démocratique).

Deux sénateurs de RDSE, Jean-Marie Bockel et Aymeri de Montesquiou vont d’ailleurs rejoindre l’Union centriste mais vont attendre une modification du règlement du Sénat que les socialistes vont probablement avaliser pour réduire de 15 à 10 l’effectif minimal pour créer un groupe politique. En effet, le RDSE risquerait d’être en dessous du seuil avec le départ de ces deux sénateurs. La modification est aussi réclamée par les écologistes pour constituer un groupe écologiste alors qu’ils ne sont que 10.


Les radicaux

Au RDSE, justement, cela a ressemblé un peu à "Règlements de comptes à Ok Corral" ! Le président sortant, Yves Collin (67 ans), sénateur PRG et ancien président du MRG (futur PRG) entre 1988 et 1989, a été battu le 28 septembre 2011 par Jacques Mézard (63 ans), également sénateur PRG.

Le lendemain sur "Public Sénat", Yves Collin n’a pas hésité à attaquer sévèrement Jean-Michel Baylet, président du PRG, sénateur dans le même département (Tarn-et-Garonne) et… candidat placide à la primaire socialiste. Même lui serait donc un tueur, aurait fait pression sur les autres sénateurs radicaux de gauche des départements couverts par "La Dépêche du Midi" (dont il est le patron) pour lui retirer cette présidence. Pour Yves Collin, « c’est un coup de Jarnac, un coup bas, qui n’honore pas la politique ».

Ces radicaux de gauche devraient cependant se méfier car c’est leur autonomie qu’ils risqueraient de perdre s’il n’y avait plus assez de membres pour en faire un groupe. Ces crispations internes pourraient peut-être avoir un impact dans l’élection du Président du Sénat.


Le Sénat atteint de bipolarisation

Avec le futur départ des radicaux valoisiens du RDSE, c’est bel et bien la spécificité centriste du Sénat qui s’effondre définitivement dans la bipolarisation. Ce clivage dans la vie politique avait été initié par la politique d’union de la gauche par François Mitterrand en 1972. 1972-2011 : il aura fallu presque quarante ans pour que celle-ci arrive au Sénat ; c’est dire à quel point le Sénat est une institution feutrée, où la sagesse n’exclut pas la modernité… progressive !

Mais la bipolarisation n’a rien de moderne quand il y a un tel rejet dans l’opinion publique des deux grands partis de gouvernement (PS et UMP). Alors que l’Union centriste s’était rattachée à la droite à partir du septennat de Valéry Giscard d’Estaing et de la création de l’UDF, le RDSE va aujourd’hui se coller à la gauche, à cause des désertions du centre droit. Dans cette institution très quantique, il y a eu donc levée de l’indétermination (ou réduction du paquet d’ondes).

Jusqu’à la création de l’UMP en 2002, le paysage politique du Sénat était effectivement assez particulier : il y avait bien sûr le groupe RPR mais la famille UDF était répartie dans trois groupes, les Républicains indépendants (RI) qui réunissaient les sénateurs issus de l’ancien Parti républicain (PR), l’Union centriste essentiellement issu du Centre des démocrates sociaux (CDS) et enfin, les radicaux valoisiens se retrouvaient avec leurs collègues radicaux de gauche au sein de la Gauche démocratique devenue RDSE (Rassemblement démocratique et social européen).

Né en 1892, le RDSE a toujours été un OVNI politique. Il accueillait par exemple jusqu’en 2010 un ancien ministre socialiste, Michel Charasse, nommé au Conseil Constitutionnel.


Rapports de force internes

J’avais évoqué l’un de ces sénateurs RDSE qui aurait pu avoir quelques velléités au sein du Sénat. Jean-Pierre Chevènement a clairement annoncé son soutien à Jean-Pierre Bel mais a demandé à ce qu’il soit président de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense, la prestigieuse commission longtemps présidée par Jean Lecanuet.

Le gauche a de quoi pavoiser donc ce samedi, puisqu’en principe, le premier tour se déroulerait favorablement pour le PS : Jean-Pierre Bel, candidat de la gauche, Gérard Larcher, candidat de la droite et Valéry Létard, candidat du centre, en sachant que Gérard Larcher ne pourra jamais être élu sans toutes les voix du centre et quelques unes du RDSE.

Du coup, on imagine les rapports de force que sont en train d’établir les radicaux de gauche auprès des socialistes.

Car l’enjeu n’est pas uniquement la Présidence du Sénat mais aussi un certain nombre de postes et de responsabilités qui, au-delà de quelques avantages matériels évidents (bureaux, indemnités, employés, voitures etc.), et au-delà du symbole politique important à six mois du premier tour de l’élection présidentielle, sont des centres de décisions pas si anodins que cela depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : vice-présidents, questeurs, présidents de commissions etc.


Les écologistes

En fait, les plus durs à cuire ne sont pas les radicaux ni Jean-Pierre Chevènement… mais les écologistes menés par le numéro deux d’Europe écologie-les Verts, 2e vice-président du Conseil régional d’Île-de-France, conseiller municipal des Ulis et élu dimanche sénateur de l’Essonne sans trop de triomphalisme en étant tête de liste d’union de la gauche avec un score très modeste (passant de justesse un second siège).

Il s’agit de Jean-Vincent Placé (43 ans), ancien collaborateur de l’ancien ministre radical Michel Crépeau (disparu en pleine séance à l’Assemblée Nationale le 30 mars 1999), qui a rejoint les écologistes avec dans ses bagages une très bonne capacité à créer des rapports de force notamment avec les socialistes (mais aussi en interne).

Or, les 10 sénateurs écologistes doivent tout au PS qui les a acceptés sur ses listes aux sénatoriales parfois au détriment de ses propres élus. Cela ne les empêchent pas d’être très exigeants dans les négociations en sachant que le PS lâcherait prise pour être sûr de les rassembler au second tour de l’élection présidentielle.

Jean-Vincent Placé a donc menacé sur RTL ce vendredi 30 septembre 2011 d’être lui-même candidat à la Présidence du Sénat si les conditions des écologistes n’étaient pas respectées par le PS.

Rappelons que Jean-Vincent Placé, responsable des transports franciliens, a déjà déclaré il y a quelques mois qu’il se verrait bien Ministre de l’Intérieur dans un gouvernement de gauche en mai 2012. Ses propos sont sans ambiguïté : « Pas pour compter les voix, mais à l’heure à laquelle je parle [vendredi matin], c’est une éventualité que je sois candidat demain pour le plateau. ».

Quelles sont ces conditions ? La première, essentielle pour l’autonomie des écologistes, c’est la diminution du seuil minimal pour constituer un groupe, 10 au lieu de 15. Les autres ont traits aux commissions : création de deux nouvelles commissions, sur l’environnement et division de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense en deux commissions ; un écologiste à une présidence de commission ; et la présidence de la Commission des finances cédée à l’opposition sénatoriale, ce qui permettrait à Jean Arthuis de sauvegarder sa présidence. Histoire de faire comme à l’Assemblée Nationale.

Les écologistes voudraient aussi l’adoption le plus rapidement possible au Sénat d’une proposition de loi qui autoriserait le vote des étrangers aux élections locales. Un texte dont le principe est défendu par Martine Aubry mais qui pourrait être une provocation un peu trop voyante pour la campagne présidentielle...


EELV ménagerait-il ses arrières ?

Jean-Vincent Placé est un malin, car si effectivement Jean Arthuis conservait sa présidence, il pourrait la devoir aux écologistes, ce qui pourrait leur permettre d’intégrer d’autres majorités en cas d’échec de la gauche en 2012. Rappelons que Daniel Cohn-Bendit vient juste de déclarer dans "Le Monde" du 29 septembre 2011 qu’il ne voyait pas pourquoi les écologistes ne travailleraient pas avec Michel Barnier ou Nathalie Kosciusko-Morizet.

Avec leurs 10 sénateurs, les écologistes pourraient empêcher l’élection de Jean-Pierre Bel au premier tour, ce qui ne donnerait pas un signe très positif au Parti socialiste.


Hollande ou Aubry ?

Malgré ces quelques embûches, Jean-Pierre Bel ne devrait pas trop s’angoisser sur l’issue finale du scrutin, et curieusement, si jamais il devait échouer, ce serait compris comme un échec de la démocratie, un échec de la transparence et de la clarté et une victoire de la cuisine politicienne. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs bien saisi ce danger pour demander à ses propres troupes de laisser faire et pour se poser en garant impartial des institutions.

À qui est due cette victoire socialiste et à qui va-t-elle profiter parmi les candidats à la primaire socialiste ?

À ces deux questions, il n’y a pas beaucoup de doute : à François Hollande. Pourquoi ? Parce que le corps électoral des sénatoriales du 25 septembre 2011 provient pour sa très large majorité des conseils municipaux qui ont été élus en mars 2008, à l’époque où François Hollande était encore le premier secrétaire du PS.

Soutenu par de grands élus du territoire (Gérard Collomb, François Rebsamen, Jean-Marc Ayrault, André Vallini, Christian Bourquin, Vincent Éblé, Jean-Pierre Masseret, Daniel Percheron, Alain Rousset, Bernard Poignant, etc.), François Hollande pourrait en effet s’enorgueillir de cette conquête du Sénat d’autant plus que Jean-Pierre Bel a toujours été un soutien fidèle à l’ancien premier secrétaire alors qu’il a même été traité d’opportuniste par Martine Aubry qui aurait préféré la candidature de Catherine Tasca, la première vice-présidente sortante.

Histoire de dire qu’un futur Président de la République François Hollande s’accommoderait assez bien d’un Président du Sénat Jean-Pierre Bel !


2011 pour 2012…

Un Sénat qui succombe à la tentation de la bipolarisation après une résistance de plusieurs décennies, s’apprête donc, ce samedi après-midi, à élire un hollandiste au deuxième poste de l’État. Pour le PS, ce la première étape de la reconquête nationale. Il n'y en aura peut-être pas d'autre…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (1er octobre 2011)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean-Pierre Bel.
Jean-Pierre Chevènement.
Gérard Larcher.
Jean-Vincent Placé.


POUR SUIVRE EN DIRECT L’ÉLECTION
DU NOUVEAU PRÉSIDENT DU SÉNAT,
CE LIEN


yartiplateau201101

 

 

  http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/samedi-15-heures-un-nouveau-101675

 

 

 

 

 

 

 

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