« Lorsque nous sommes entrés en fonction, il y a huit mois, la situation était totalement bloquée. Elle était non seulement bloquée, mais elle était dangereuse pour la sécurité des personnes et contraire au respect de l’État de droit. (…) Mais s’il y a bien un seul point sur lequel au plan local, comme au plan national, tout le monde s’accorde, opposants comme partisans, c’est la nécessité de sortir de cette situation. Rien n’est pire que l’incertitude. Aussi, comme sur d’autres sujets, nous avons décidé de trancher la question, en sachant pertinemment que si la décision avait été facile, elle aurait été prise depuis longtemps et en sachant qu’elle suscitera des oppositions tranchées et des commentaires définitifs. (…) Instruit du dossier autant qu’il peut l’être et en étroite association avec le Président de la République, le gouvernement a pris sa décision. Je constate aujourd’hui que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet d’aménagement qui structure un territoire pour un siècle ne peut se faire dans un contexte d’opposition exacerbée entre deux parties presque égales de la population. » (Édouard Philippe, à Paris le 17 janvier 2018).
La déclaration d’utilité publique qui s’achève le 8 février 2018 ne sera pas renouvelée. En effet, à l’issue du conseil des ministres du 17 janvier 2018, le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé que l’État renonçait à construire un nouvel aéroport pour le Grand-Ouest à Notre-Dame-des-Landes. On ne peut pas dire qu’avec cette décision, le gouvernement a reçu beaucoup de gratitude de la part des zadistes, si l’on en croit la dizaine de paires de fesses qui ont accueilli la venue de la préfète Nicole Klein sur les lieux le vendredi 26 janvier 2018. Elle voulait vérifier que la route départementale coupée à la circulation depuis plusieurs années pouvait enfin être utilisée à nouveau. Cela laisse augurer de sérieuses difficultés le 31 mars 2018, date butoir que le gouvernement a donnée aux zadistes pour évacuer pacifiquement la zone.
Comme je l’avais écrit précédemment, de loin, j’étais plutôt favorable à l’abandon du projet pour des raisons très politiques : il fallait décider, et la meilleure décision politique, celle qui pouvait en finir avec la polémique, celle qui pouvait pacifier, apaiser le débat public, ne pouvait être que l’abandon. En étudiant plus à fond dans les dossiers, je me suis aperçu cependant qu’il y avait deux raisons essentielles pour construire un nouvel aéroport régional à Notre-Dame-des-Landes. Ce n’était pas, certes, pour devenir un "hub" international comme le rêvaient les élus nantais des années 1960 et 1970, mais parce qu’il y a un réel besoin. La croissance du trafic à l’aéroport Nantes-Atlantique va vers la saturation, notamment en raison de la forte croissance des offres "low-cost" (à bas prix), de l’augmentation des besoins (tourisme ou affaires) et plus généralement, de la globalisation des échanges commerciaux.
La seconde grande raison du projet, c’était, paradoxalement, une raison écologique : il s’agissait de réduire la pollution engendrée par le trafic aérien de l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique qui, non seulement arrive à saturation, mais pollue l’atmosphère et la tranquillité d’au moins 70 000 riverains (sans compter les menaces en cas d’accident). Tandis que le site de Notre-Dame-des-Landes est localisé dans un endroit facile d’accès (routes Nantes-Vannes et Nantes-Rennes) qui pollue "seulement" entre 1 000 et 2 000 riverains (je conçois que pour ceux-ci, la situation était très inconfortable, mais elle n’est pas meilleure aujourd’hui pour les habitants de Saint-Aignan-Grandlieu qui vont subir un trafic intensifié).
La plupart des éléments statistiques et des schémas présentés ici ont pour source le rapport des trois médiateurs remis au Premier Ministre Édouard Philippe le 13 décembre 2017 et qu’on peut télécharger ici. D’autres documents sur le sujet sont téléchargeables par ailleurs.
Ite missa est. Inutile donc de refaire le match. Je propose juste ici une modeste "foire aux questions" sur un certain nombre d’affirmations ou de questions souvent entendues ou soulevées en réaction à la décision gouvernementale.
1. Les médiateurs nommés par Emmanuel Macron étaient-ils neutres ?
C’était ce qu’ont reproché les (nombreux) promoteurs du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, considérant que deux des trois médiateurs avaient déjà pris une position opposée au projet dans le passé. Le 18 décembre 2017, le Syndicat mixte aéroportuaire du Grand-Ouest a parlé ainsi, dans le rapport, de certaines « erreurs de nature à biaiser plus ou moins volontairement l’analyse du gouvernement », des « éléments erronés manifestes (…) identifiés par rapport aux propos tenus en audition ou aux documents transmis », ainsi que de « grandes lacunes (…) constatées notamment sur le plan financier ». Son président s’est ainsi inquiété de la concertation qui a eu lieu sur la base du rapport des médiateurs : « La concertation qui va s’ouvrir doit se faire sur des bases saines et non sur des éléments approximatifs voire biaisés. ».
Le principal reproche fait au rapport des médiateurs, c’est d’avoir laissé entendre que jusqu’à maintenant, la solution alternative de réaménagement de l’actuel aéroport Nantes-Atlantique n’avait pas été étudiée, ce qui est faux. Tout laisse croire que la nomination des médiateurs avait pour but de redécouvrir ce projet de réaménagement et de le sortir du chapeau dans un discours emprunt d’une fausse neutralité.
2. Les prévisions des médiateurs sont-elles pertinentes ?
Parmi les éléments du rapport des médiateurs qui ont été contestés par les partisans du projet NDDL, il y a les prévisions. C’est évidemment sur la base de prévisions que les pouvoirs publics doivent anticiper l’avenir, en sachant qu’on ne construit pas un aéroport comme on construit une maison, il faut du temps. Il s’agit donc d’imaginer l’état du trafic aérien pour le Grand-Ouest dans un horizon lointain.
Or, dans les prévisions des médiateurs, il est indiqué que le trafic serait de 6 millions de passagers en 2025, ce qui devrait être atteint dès …cette année 2018 ! En effet, il y a eu 5,5 millions de passagers en 2017 et le trafic est en pleine croissance (essentiellement, les liaisons "low-cost"). Certes, il est probable qu’à terme, il y aura un plafond (une asymptote) lorsque le marché du low-cost sera en pleine maturité, mais la question est alors de savoir à quel seuil sera ce plafond. Les médiateurs évoquent 9 millions pour 2040, sans exclure que cela puisse être 12 millions de passagers. Les 9 millions pourraient être atteints dès 2030.
Et la prudence (justifiée) des médiateurs a laissé entendre que, d’une part, pour après 2040, il serait impossible d’apporter des prévisions utiles et fiables, d’autant plus que la réponse d’aménagement à apporter pourrait être très différente de maintenant (en fonction des modes de vie qui peuvent changer, de types d’énergie, de modes de transports probablement différents), et, d’autre part, il serait judicieux de conserver la réserve foncière à Notre-Dame-des-Landes pour éventuellement, malgré tout, en cas de besoin, construire un nouvel aéroport à partir de 2040 !…
3. Les positions sur le projet NDDL suivaient-elles les clivages partisans ?
La réponse est assurément non. La très grande majorité des élus locaux était durablement favorable au projet NDDL. En particulier les élus LR, PS et PCF. Les seuls défavorables furent les élus écologistes. Le FN et le MoDem étaient plutôt défavorables mais se sont rangés derrière le verdict des urnes depuis le 26 juin 2016. Il est quand même intéressant à noter que ce projet avait donc rassemblé la quasi-totalité de la classe politique, et que malgré ce consensus, le projet a été bloqué pendant plusieurs années surtout en raison de la contestation, sur le terrain, de quelques centaines de zadistes.
Pour l’anecdote, on pourra aussi citer la satisfaction exprimée publiquement de l’ancien candidat à l’élection présidentielle Philippe de Villiers, positionné très à droite mais visiblement "charmé" par Emmanuel Macron depuis le 19 août 2016, ancien président du conseil général de Vendée, qui était opposé au projet NDDL (probablement parce qu’il préfère l’aéroport actuel donnant plus facilement accès au spectacle du Puy-du-Fou qu’il a contribué à créer).
4. Y a-t-il égalité de (mauvaise) gestion du projet NDDL entre la gauche et la droite depuis cinquante ans ?
L’argument a surtout été exprimé par des personnalités proches du gouvernement actuel et issue du Parti socialiste (par exemple, Julien Dray le 18 janvier 2018). L’idée était de faire croire qu’avant Emmanuel Macron, la gauche comme la droite auraient mal géré le dossier NDDL. Or, c’est faux d’un point de vue factuel.
On ne peut pas parler réellement de cinquante années d’errance. L’idée de nouvel aéroport est devenue un projet concret le 26 septembre 2006 avec l’arrêt préfectoral de mise à enquête publique qui s’est déroulée du 18 octobre 2006 au 30 novembre 2006. Le rapport de la commission d’enquête a rendu le 17 avril 2007 un avis favorable (et parallèlement, le 5 août 2007 a eu lieu la première maison squattée dans la zone).
Comme on le voit, le projet NDDL existe donc concrètement seulement depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Or, malgré la permanence de la contestation (les zadistes sont présents dès l’été 2007), les deux Présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, favorables au projet, n’ont pas géré du tout de la même manière ce dossier.
La déclaration publique a été décrétée le 9 février 2008 (pour une période de dix ans), décret publié au "Journal Officiel" du 10 février 2008. Nicolas Sarkozy a fait suivre le dossier comme il le fallait au point de concevoir un dossier de financement et de trouver un concessionnaire après une lourde procédure d’appel d’offre lancée dès le 5 septembre 2008 (juste avant la crise financière du 15 septembre 2008). Il en a résulté que le 23 décembre 2010, un contrat a été signé entre l’État et Vinci pour la construction et l’exploitation du nouvel aéroport NDDL pour la durée de cinquante-cinq ans (soit jusqu’en décembre 2065), officialisé par le décret du 29 décembre 2010 (publié au "Journal Officiel" du 31 décembre 2010). Les expropriations ont été faites par les ordonnances du 18 janvier 2012.
Cela signifie que, malgré la grave crise financière de 2008, Nicolas Sarkozy n’a pas perdu de temps et a maintenu la volonté politique de faire cet aéroport au point d’affiner le projet, de préciser le plan de financement et de trouver le concessionnaire (voir plus loin au sujet de Vinci). Il restait des recours au Conseil d’État, si bien que la construction n’a pas pu démarrer sous ce quinquennat.
Le début du quinquennat de François Hollande semblait "bien parti" avec la nomination à Matignon du député-maire de Nantes et l’un des principaux promoteurs du projet, Jean-Marc Ayrault, au point que le projet fut appelé "Ayraultport de Notre-Dame-des-Landes" et d'être lui-même entartré par les zadistes le 26 mars 2011.
Malgré la présence de ministres écologistes, le gouvernement a même déclenché une opération pour déloger les zadistes (opération César) le 16 octobre 2012. Mais après des affrontements violents, il a chois l’apaisement le 30 novembre 2012 et ce fut à partir de cette date que François Hollande n’a plus rien décidé et a créé de multiples commissions et organismes de médiation ("commission du dialogue", "collège d’experts scientifiques" pour étudier la question de la compensation des impacts écologiques, etc.).
Entre fin 2012 et début 2016, rien n’a été tenté pour rétablir d’État de droit. Le 11 février 2016, François Hollande, comme Ponce Pilate, a annoncé à la télévision la tenue d’une consultation qui a donné le 26 juin 2016 une majorité en faveur du projet NDDL. Mais le résultat positif de la consultation n’a pas fait bouger la situation dans la mesure où le gouvernement a été traumatisé par la mort de Rémi Fraisse le 26 octobre 2014 lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens.
Le Président Emmanuel Macron a hérité de l’enlisement provoqué par son prédécesseur et on peut saluer sa volonté de vouloir enfin trancher.
5. L’abandon du projet NDDL est-il méprisant envers la province ?
C’est en tout cas l’impression de certains habitants de la région de Nantes : « Pour les longs-courriers, l’enjeu pour les Rennais ou les Nantais, et donc pour les habitants du Grand-Ouest, c’est de rallier directement les grands aéroports parisiens. Ces liaisons directes existent mais elles sont insuffisantes. Elles seront donc fluidifiées et multipliées pour accompagner la hausse des trafics. » (Édouard Philippe le 17 janvier 2018).
Lorsque le Premier Ministre Édouard Philippe a évoqué les deux lignes de TGV (Paris-Rennes en moins d’une heure trente et Paris-Nantes) et l’idée que les Bretons et les habitants des Pays-de-la-Loire pourraient aller à Roissy et à Orly pour les vols internationaux, cela laissait un arrière-goût désagréable de retour à la centralisation étoilée du territoire français pas très respectueux de la province (ni des Franciliens puisque cela polluerait plus l’Île-de-France).
Par ailleurs, l’évocation d’un aménagement de l’aéroport de Rennes (actuellement 700 000 passagers pouvant aller jusqu’à 2 millions) en plus de celui de Nantes-Atlantique donne l’idée de maintenir la Bretagne-Loire-Atlantique dans une situation administrative toujours très divisée. Dans son allocution, en effet, Édouard Philippe a déclaré : « En parallèle, nous accompagnerons le développement de l’aéroport de Rennes-Saint-Jacques en commençant par l’agrandissement de l’aérogare pour mieux répartir le trafic aérien du Grand-Ouest. L’aéroport de Rennes-Saint-Jacques appartient à la région Bretagne. Nous travaillerons avec la région Bretagne pour permettre cet agrandissement si la région le souhaite. » (17 janvier 2018).
6. L’abandon du projet NDDL est-il antidémocratique ?
Oui et non. Il y a trois considérations à avoir : le "vote", les promesses électorales et les sondages.
Le 26 juin 2017 a eu lieu une "consultation" et pas un référendum. C’est important d’insister sur la nuance. Le référendum s’impose aux pouvoirs publics. Pas la consultation. D’ailleurs, la forme ne correspondait à aucun objet juridique adapté si bien qu’il a fallu légiférer par ordonnance en catastrophe pour l’organiser (ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016). Ce "vote" a signifié que la population a été "consultée" pour avoir son avis et cet avis, parmi d’autres, faisait partie du dossier pour décider. J’ai déjà évoqué le caractère contestable du choix du périmètre électoral (défini le 15 mars 2016 par Manuel Valls) qui donnait a priori une idée de la réponse finale.
Les partisans du projet NDDL ont gagné, mais leur victoire était assez courte, seulement 55,2% pour une participation de 51,2%. Cela signifiait en gros que la population consultée était pour moitié indifférente et pour l’autre moitié, une quart était pour et l’autre contre. Ce clivage montrait ainsi une profonde division sur le sujet (très palpable dans l’agglomération même de Nantes). Pour un projet qui engage la population pour plusieurs décennies (un demi-siècle au moins), il paraît sensé de vouloir une plus large majorité (deux tiers par exemple ou, au moins, trois cinquièmes, comme pour les révisions constitutionnelles ; c’est ce que n’ont pas compris les indépendantistes catalans, mais ce qu’ont compris les nationalistes corses, on ne change pas durablement le statut d’une région avec seulement 50,1% des voix).
Tous les "grands élus" de la région (maire, conseils départementaux, conseils régionaux) ont été élus pendant plusieurs décennies avec ce projet de nouvel aéroport inscrit dans leur programme électoral et ils ont été élus et réélus sur cette base (au même titre que Nicolas Sarkozy avait annoncé bien avant son élection qu’il proposerait ce qui est devenu le Traité de Lisbonne). Leurs électeurs ont voté librement en toute connaissance de cause.
La démocratie est-elle de faire ce que les élus ont promis de faire avant leur élection ? Cela peut évidemment s’appliquer au candidat Emmanuel Macron qui avait promis de réaliser l’aéroport de Notre-Dames-des-Landes, au cours de sa campagne présidentielle.
Prenons maintenant "l’opinion publique" qui a été très fluctuante dans les sondages nationaux. En janvier 2016 (avant la consultation), certains sondages donnaient une majorité contre le projet. Après la consultation, la majorité des sondés était plutôt favorable au projet (considérant que les habitants concernés avaient donné leur approbation). Certains sondages ont même fait état d’une majorité des sondés (au niveau national) qui a approuvé le périmètre électoral de la consultation du 26 juin 2016. Et après la décision du gouvernement d’abandonner le projet NDDL, il y aurait une large majorité des sondés …à approuver l’abandon (deux tiers dans certains sondages). Alors, qu’en déduire sur la solidité de "l’opinion publique" sur des sujets très techniques comme un grand aéroport ? Difficile de conclure.
7. L’abandon du projet NDDL coûtera-t-il cher à l’État ?
Une concession de cinquante-cinq ans a été signée entre l’État et Vinci. Comme tout contrat, la rupture de contrat a un coût. On a parlé de 350 millions d’euros. Le Ministre de l’Économie et des Finance Bruno Le Maire a reçu Xavier Huillard, le président-directeur général de Vinci, dès le lendemain de l’annonce d’abandon par le gouvernement et a démenti un tel montant sur Europe 1 le 19 janvier 2018.
C’est vrai que la facture de la renonciation à l’écotaxe a été très coûteuse à l’État. Mais la différence est que la société concessionnaire Ecomouv était d’origine italienne et surtout, n’avait pas d’autres contrats avec l’État français. Ce qui est très différent de Vinci qui exploite déjà l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique et qui a des dizaines voire des centaines d’autres contrats avec les pouvoirs publics en France.
On peut donc imaginer que cela donne juste une marge de négociation supplémentaire à Vinci pour des contrats ultérieurs en cours de négociations, mais l’État a donc aussi plus de capacité de réduire la facture de la renonciation du projet NDDL.
Faut-il rendre public le contenu de ces négociations ? Je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt de l’État, et donc, des contribuables, de tout étaler avant la conclusion d’un accord. En revanche, il faudra effectivement rendre public cet accord et connaître le coût réel de cet abandon.
Le gouvernement pourra toujours dire que ce sera moins cher que le coût de l’aéroport lui-même. Sauf que, justement, à terme, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne devait rien coûter aux pouvoirs publics car le budget engagé par les collectivités publiques était une avance et pas une subvention. Le concessionnaire devait donc rembourser les collectivités publiques au fur et à fur qu’il exploiterait l’aéroport.
8. Sera-t-il possible de réaménager rapidement l’aéroport Nantes-Atlantique ?
Le rapport des médiateurs évoque la durée de deux années pour le projet de réaménagement de Nantes-Atlantique, ce qui n‘est pas du tout crédible.
Dans une lettre adressée le 18 décembre 2017 à Emmanuel Macron, les élus du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand-Ouest lui ont notamment posé cette question : « Le rapport précise que la procédure d’aménagement de Nantes-Atlantique incluant la saisine de la CNDP, un débat public, la saisine de l’autorité environnementale, durera deux ans quand elle a mis plus de quinze ans pour Notre-Dame-des-Landes avec 900 personnes impactées par les nuisances contre plus de 70 000 à Nantes. Qui peut "raisonnablement" croire cela ? ».
Par ailleurs, le réaménagement de l’aéroport Nantes-Atlantique nécessitera la fermeture totale de la piste pendant neuf semaines (au moins !). D’un point de vue économique, cette fermeture aura évidemment des conséquences importantes mais qui pourront être anticipées.
9. Sera-t-il possible de faire renaître un nouveau projet NDDL ?
Ce que le rapport des médiateurs laisse entendre sans le dire très explicitement, c’est que si les perspectives de croissance étaient finalement trop élevées à horizon 2030, il faudrait quand même imaginer le transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique dans une autre zone aéroportuaire (et Notre-Dame-des-Landes paraissait le meilleur site à cet égard). Donc, le rapport n’exclut pas que, dans un second temps, dans une dizaine d’années, les pouvoirs publics soient dans l’obligation de lancer un nouvel aéroport pour le Grand-Ouest.
Évidemment, une telle perspective justifierait de le construire dès maintenant, ce qui éviterait l’engagement de beaucoup de frais inutiles. Néanmoins, la porte reste de moins en moins ouverte, ou, pour citer le titre d’un des meilleurs livres d’André Gide, la porte est de plus en plus étroite.
En effet, Édouard Philippe ne voulant pas trancher à moitié, a voulu l’abandon définitif du projet NDDL, et donc, le retour de la zone de Notre-Dame-des-Landes à d’autres activités, avec possibilité de réappropriation des terres expropriées : « Conformément à la loi, les agriculteurs expropriés pourront retrouver leur terre s’ils le souhaitent. (…) L’État engagera une cession progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes. » (17 janvier 2018). Sourire : la transcription du discours sur le site officiel du Premier Ministre a écrit "session" au lieu de "cession" !
Même au-delà de ce problème géographique, la construction ultérieure (dans dix ou vingt ans) d’un nouveau "grand aéroport" poserait un véritable problème de financement car les règles européennes sont désormais plus strictes et empêchent tout financement public pour des aéroports d’une telle taille.
10. Les zadistes vont-ils gentiment quitter Notre-Dame-des-Landes ?
Pour l’instant, le calendrier du gouvernement est respecté : la route des chicanes a été rouverte à la circulation le 26 janvier 2018. Mais l’autre objectif est loin d’être facile : « Les occupants illégaux de ces terres devront partir d’eux-mêmes d’ici le printemps prochain ou en seront expulsés. Ailleurs, de nouveaux projets agricoles pourront être accueillis à partir de fin avril dans un cadre légal. (…) Dès maintenant, les forces de l’ordre sont mobilisées pour que ce processus se déroule dans le respect de la loi et que les squatteurs libèrent progressivement les terres qui ne leur appartiennent pas. » (17 janvier 2018).
C’est le point le plus sensible de la politique gouvernementale et la première motivation pour renoncer au nouvel aéroport : redonner force à la loi. Si l’on en juge par les premières réactions des zadistes, cela ne sera pas forcément très simple. Certains zadistes ne comprendront pas, par exemple, pourquoi il faut qu’ils partent alors qu’il n’y aura plus d’aéroport. D’autres ont changé véritablement de vie et se retrouvent dans une situation inédite d’autogestion qu’ils voudront conserver.
Le rapport des médiateurs précise ceci : « L’intervention des forces de l’ordre sur le territoire concédé est une opération complexe qui nécessite une connaissance fine d’un territoire vaste, fragmenté avec de multiples lieux de "squat", ainsi que de ses occupants soudés par la durée et l’intensité de la lutte malgré l’hétérogénéité de leurs situations et des divergences partielles d’intérêts. Enfin, la présence sur site d’un noyau d’individus ultra-violents aptes à mobiliser rapidement des forces de résistance supplémentaires accroît les risques d’affrontements violents sur la zone et dans les villes de Nantes et de Rennes. ». Et d’ajouter : « Au-delà de toute considération, évidemment partagée par la mission, sur le caractère inacceptable de l’existence de zones de non-droit sur le territoire national, la complexité de la situation présente et des risques humains encourus devrait conduire à éviter toute critique simpliste à l’égard des décisions prises ou à prendre par les pouvoirs publics en la matière, quelles qu’elles soient. » (13 décembre 2017).
Emmanuel Macron aura besoin de montrer que la loi sera rétablie dans tous les cas, car cela justifiera l’abandon du projet. Le risque, c’est bien sûr la violence et surtout, la possibilité qu’une personne ou plusieurs y perdent la vie. C’est le réel défi du gouvernement et tout le monde, les partisans comme les opposants au projet NDDL, lui rendra hommage s’il y parvient, celui d’évacuer la zone sans aucune effusion de sang.
11. Et qu’en sera-t-il des autres projets d’aménagement structurant les territoires ?
Le Ministre d’État Nicolas Hulot s’est bien gardé de faire du triomphalisme même si son point de vue, au sein du gouvernement, a été suivi sur le dossier NDDL. Le risque de conclure que les zadistes ont gagné contre le gouvernement, c’est d’encourager d’autres opérations de contestation et d’occupation illégale comme à Notre-Dame-des-Landes.
De nombreux projets sont encore en cours de réalisation (comme la ligne TGV Lyon-Turin) et Édouard Philippe espère ne pas voir éclore et se multiplier des petits Notre-Dame-des-Landes partout en France : « Cette décision, que nous prenons aujourd’hui, est une décision de raison et d’apaisement dans un contexte local tendu. Une décision exceptionnelle pour une situation locale exceptionnelle. Je veux dire que nous continuerons à aménager le pays dans le souci d’une meilleure attractivité, d’une meilleure qualité de vie, d’un plus grand respect de l’environnement. Nous le ferons avec ambition, avec méthode, avec enthousiasme, nous le ferons avec l’ensemble des Français qui ne demandent qu’à bâtir l’avenir de leur pays et de leur région. » (17 janvier 2018).
À cet égard, la crédibilité du gouvernement se fondera principalement sur sa capacité à avoir évacué pacifiquement la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (30 janvier 2018)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Foire aux questions sur Notre-Dame-des-Landes.
Télécharger le rapport de la médiation du 13 décembre 2017.
Télécharger 44 documents importants sur le projet de Notre-Dame-des-Landes.
Notre-Dame-des-Landes, symbole de la mauvaise gouvernance.
L’écotaxe.
La sécurité routière.
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
Jean-Marc Ayrault.
Jean-Yves Le Drian.
Olivier Guichard.
Nicolas Hulot.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180126-notre-dame-des-landes.html
https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/faq-nddl-201121
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/01/30/36096988.html