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10 juillet 2023 1 10 /07 /juillet /2023 05:07

« En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme le droit inaliénable à la sûreté, qui protège le citoyen de l’arbitraire de l’État, et l’immunise contre les arrestations ou les emprisonnement arbitraires. En 2015, la sécurité, son glissement sémantique, c’est précisément l’inverse. Et c'est inquiétant. » (Olivier Tesquet, le 19 novembre 2015 dans "Télérama").




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Il y a comme un curieux croisement de destins : le 1er juillet 2023, Nahel Merzouk a été enterré dans un cimetière du Mont Valérien. Sur un autre versant, quelques jours auparavant, on commémorait le quatre-vingt-troisième anniversaire de l'appel du 18 juin. En outre, à Nanterre, il a été tué place Nelson-Mandela, l'apôtre de la non-violence et de la réconciliation. Là encore, une étrange coïncidence. Mon titre relève d'une question à madame soleil. Ne l'étant pas, je suis bien en peine d'y répondre (rendez-vous à ce moment-là). En revanche, je souhaite revenir sur ce qu'on a appelé les émeutes consécutives à la mort de Nahel Merzouk. Des scènes de guerre civile. De courte durée mais de forte intensité.

Ces émeutes se sont déroulées du 27 juin au 5 juillet 2023 et selon le ministère de l'intérieur, le bilan est hélas de deux personnes mortes (à Cayenne le 29 juin et à Marseille le 1er juillet) et une personne plongée dans le coma (dans une commune de Meurthe-et-Moselle). 723 membres des forces de l'ordre ont été blessés au cours de cette période. Cette violence urbaine a été d'une très haute intensité pendant ces plusieurs jours : 1 092 bâtiments ont été dégradés, incendiés, vandalisés, principalement des établissements scolaires, des bibliothèques, des mairies, des commissariats, etc. ; 5 964 véhicules ont été incendiés parmi lesquels des dizaines de bus. L'ensemble des dégradations monterait, d'après les assureurs, à un coût d'environ 650 millions d'euros, sans compter les manque-à-gagner des nombreux commerçants vandalisés.

Pillages et vandalismes. Force doit rester à la loi : 3 651 personnes parmi les émeutiers ont été interpellées et 3 625 placées en garde-à-vue, et 380 peines de prison avec mandat de dépôt ont été prononcées en comparution immédiate. Cela a donné une très mauvaise image internationale à la veille de la saison touristique : ce ne sont plus les gilets jaunes, ni le covid-19, ni les manifestations et grèves contre la réforme des retraites, mais des émeutiers de banlieue.

C'est un énorme gâchis. Gâchis humain (des vies humaines ont été détruites et leur entourage traumatisé à vie), gâchis matériel massif surtout pour les municipalités qui sont les collectivités les plus touchées, leurs investissements à venir vont être retardés voire annulés pour reconstruire, réparer ou réhabiliter en particulier les écoles dont ce sera l'urgence (rentrée scolaire dans un mois et demi). Et une étape nouvelle franchie dans la violence avec l'attaque à la voiture-bélier en feu contre le domicile de Vincent Jeanbrun, maire LR de L'Haÿ-les-Roses, et l'agression contre sa femme et ses deux enfants en bas âge.

À l'origine, la mort de Nahel. Jeune (lycéen) de 17 ans roulant sans permis (forcément à cet âge) une voiture luxueuse (en location) comme un chauffard et une interpellation qui s'est tellement mal passée qu'un des deux policiers a tiré à bout portant. C'est un fait-divers, malheureusement assez fréquent : en 2022, 13 personnes sont mortes ainsi en raison d'un refus d'obtempérer, mais il faut replacer dans le contexte d'environ 26 000 refus d'obtempérer par an, ce qui est énorme (et en légère augmentation).

Nahel a fait le chauffard, il n'était pas un ange, mais rien ne justifie qu'il fût tué. Hélas, les passions françaises se sont transformées en concours morbide qui peut se concentrer sur des cagnottes, l'une en faveur du policier qui, en cinq jours, a recueilli 1,6 million d'euros, et l'autre, en faveur de la famille de Nahel, qui a recueilli (au moins) 400 000 euros. Choisis ta cagnotte !? Écœurant.

Le gouvernement, craignant ce qui s'est passé par la suite (les émeutes de novembre 2005 sont dans toutes les mémoires), a fait preuve d'une extrême prudence : regrettant la mort de Nahel, exprimant que la vidéo était accablante mais laissant la justice suivre son cours. Il s'est bien gardé de répandre de l'huile sur le feu ou d'instrumentaliser les événements. Il a résisté aussi à la forte tentation de décréter l'état d'urgence comme le demandaient leurs oppositions de droite et d'extrême droite, et il a eu raison car le calme est finalement revenu au bout de quelques jours grâce au déploiement massif des forces de l'ordre dans tout le pays.

En ce qui concerne le policier qui a tué Nahel, il a été placé en garde-à-vue pendant deux jours avant d'être écroué et maintenu en prison. C'est une décision de justice très rare et sévère dans une telle situation, mais l'existence d'une vidéo était là pour contredire la première version officielle des policiers.

C'est à partir de là que les excès de réactions peuvent avoir lieu. Le premier est le mensonge des deux policiers qui ont pu être découverts seulement à partir de plusieurs vidéos. Il est clair que les scènes d'interpellation devraient être filmées si on veut avoir une vision exacte des faits (de part et d'autre). En tout cas, de plus en plus de témoins oculaires peuvent aujourd'hui filmer la réalité, ce qui rend les arrangements avec la vérité de plus en plus hasardeux.

On peut aussi disserter sur la victime (car Nahel est bien une victime, appelons un chat un chat), alors que certaines officines voudraient la transformer en coupable. Son casier judiciaire, par exemple, était vierge, contrairement à ce qui s'est dit initialement.

L'autre excès, c'est de généraliser ce fait-divers en disant que la police tue, que la police est raciste. Sur le racisme, il n'est pas (encore) établi (à ma connaissance) que le policier qui a tiré l'ait fait par racisme (probablement plus par peur, manque de contrôle et incompétence). Mais même s'il avait tiré par racisme (ce qui reste à démontrer), il n'aurait aucune raison d'être représentatif de toute la police. Lorsqu'on dit que la police tue ou que la police est raciste, on laisse entendre que ce sont ainsi tous les policiers, voire qu'ils ont reçu des ordres pour tuer, ce qui n'est pas le cas. En disant que la police tue et qu'elle est raciste, on est soi-même coupable de racisme anti-police. La généralisation est raciste en elle-même.

Mounia Merzouk, la mère de Nahel, a ainsi insisté sur cette différence essentielle lors de la marche blanche qu'elle a organisée à Nanterre le 29 juin 2023 et qui a réuni 6 200 personnes : « Je n’en veux pas à la police, j’en veux à une personne : celui qui a enlevé la vie de mon fils. ».

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Dès le soir du 27 juin 2023, des violences urbaines ont eu lieu, et la situation s'est généralisée partout en France les jours d'après. On mettra plusieurs années à analyser précisément tous les faits et peut-être à y déceler quelques leçons, explications, réflexions. Rien ne justifie la violence, pas même la violence d'origine. Rien, aucune colère, aucune révolte, aucune idéologie.

Pendant ce quelques jours, le peuple français a plongé dans une sorte de sidération, dans une situation de guerre civile bien plus grave que les émeutes de 2005. La mort de Nahel n'était alors plus qu'un alibi à la violence, mais pas une violence gratuite, à du pillage de commerces de luxe, à du vandalisme, etc. Au contraire de 2005, certains quartiers ou certaines communes plutôt agréables à vivre ont été touchés.

Ce qui a été observé parfois, et il faudra le confirmer, c'est que, d'une part, ce n'étaient pas les quartiers de non-droit dirigés par les dealers qui ont été à feu et à sang (au contraire, pour poursuivre leur business, ces caïds ont réussi à maintenir un certain ordre, ce qui fait peur par ailleurs), et d'autre part, c'étaient des personnes extrêmement jeunes qui étaient les émeutiers, des adolescents de 13 à 18 ans, des personnes qui ne connaissaient pas la vie, ses rudesses, ses rugosités, et même les discriminations dans les milieux professionnels. Leurs vols en même temps que leurs saccages apportaient même une note de naïveté, dans leur transgression, comme si le pot de confiture était irrésistible. La plupart ont d'ailleurs été interpellés.

Autre faux débat, l'immigration ou même la venue d'étrangers. Si on peut légitimement penser que les auteurs de ces exactions sont d'origine nord-africaine, ils sont avant tout de nationalité française, parfois de la deuxième ou troisième génération, et il est illusoire de mettre (à ce sujet) le débat de l'immigration. Car le "problème" (sociologique), c'est : que fait-on avec cette catégorie (à préciser) de la population... française ? Certains, profondément d'extrême droite, voudraient ainsi lui retirer la nationalité française. Mais qui sont-ils pour dire ceux qui doivent rester Français et ceux qui ne doivent plus le rester ? Doit-on ôter la nationalité française à tous les délinquants ? (auquel cas, la France, nation à délinquance zéro !).

Il est clair que le gouvernement, à l'instar de la société, manque d'imagination pour affronter cette nouvelle réalité. Prévoir des assouplissements fiscaux et sociaux pour les commerçants vandalisés est intéressant mais n'apporte aucune réponse pour prévenir à l'avenir ce genre d'émeutes. Il ne faut pas s'attendre à des miracles : la question est nationale, celle de savoir où l'on règle le curseur liberté/sécurité. C'est un débat très ancien qui existait déjà au début des années 1970 (à l'époque de Raymond Marcellin à l'Intérieur), et si ce curseur a bougé dans tous les sens avec les différentes alternances, depuis une vingtaine d'années, malgré les changements de majorité, ce curseur s'est toujours déplacé vers plus de sécurité (parfois au détriment de la liberté).

Aujourd'hui, les moyens technologiques modernes sont tels qu'on pourrait facilement éteindre toutes sources d'émeute. Par exemple, ce qu'a évoqué à voix très basse le gouvernement, l'arrêt des réseaux sociaux pendant la durée des émeutes. Mais on peut aller beaucoup plus loin dans la vidéosurveillance par caméras portées par des drones, par flicage généralisé (quand il n'est pas déjà installé). Dans le monde, il y a déjà quelques États qui déploient tous les moyens de contrôle des faits et gestes de la population. C'est un véritable choix de société qu'il serait pertinent de mettre au référendum.

Qu'on ne me réponde pas : je n'ai rien à me reprocher, donc, cela ne me gêne pas qu'on me surveille, car lorsqu'un État commence comme ça, il continue ensuite à modifier ce qu'il faut faire et ne pas faire et le geste qui n'était pas à reprocher devient illégal.

L'insécurité est probablement la condition de nos libertés, même si, paradoxalement, on n'est jamais plus libre qu'en pleine sécurité. Prenons l'exemple de la conduite automobile. La liberté de circulation entraîne aujourd'hui environ 3 400 morts par an sur les routes. C'est beaucoup, mais beaucoup moins qu'en 1972 où c'était 18 000 morts sur les routes avec beaucoup moins de routes et beaucoup moins de circulation. La différence, c'est que la liberté a été restreinte : on doit mettre la ceinture, on doit mieux respecter la vitesse (car les radars automatiques mettent aux oubliettes l'impunité d'antan), on doit faire un contrôle technique du véhicule régulièrement, etc. Moins de liberté, plus de sécurité, et à la fin, des dizaines de milliers de vies humaines sauvées. Si on veut aller jusqu'au bout du curseur, on interdit la circulation automobile (limitation de vitesse à zéro kilomètre par heure !), et là, sécurité totale, on réduit à zéro la mortalité routière, bravo. Pourtant, ce n'est pas acceptable. Il y a un juste équilibre dans le dosage de sécurité et de liberté pour permettre encore de circuler librement sans être obligé de prendre des transports en commun bondés, jamais à l'heure et desservant mal certains lieux de la République.

Dans une émission de débats à la télévision (dont j'ai oublié les circonstances), un intervenant, content de lui, constatait qu'il pouvait laisser ses enfants se promener seuls dans les rues d'une ville d'un pays comme la Corée du Nord, car les rues sont très sûres. Et que donc, paradoxalement, on pouvait être plus libre dans un pays dictatorial que dans un pays comme la France où l'on n'ose plus s'aventurer seul dans certains quartiers. C'est une bonne observation, mais que faut-il en conclure ? Réduire nos libertés ou accepter un seuil minimal d'insécurité ? Je n'ai pas la réponse satisfaisante, mais il faut bien poser la question avant de parler sans arrêt d'insécurité : la liberté ne peut se comprendre qu'avec la responsabilité, et l'irresponsabilité engendre l'insécurité.

Nous sommes déjà filmés dans le métro, sur les autoroutes, dans les rues, dans les centres commerciaux, etc., espionnés dans nos communications par emails, par réseaux sociaux, par navigation sur Internet, par téléphone, géolocalisés par conduite automobile, par téléphone encore, par paiement de carte bancaire, etc. Voulons-nous encore plus de surveillance ? Jusqu'à quel seuil ? Et arriverons-nous ainsi à supprimer totalement l'insécurité ? Ce sont ces questions qu'il faut se poser avant de s'en prendre à des boucs émissaires.

La classe politique dans son ensemble a répondu à cela depuis des décennies en disant que la sécurité, c'était la première des libertés (slogan de Jean-Marie Le Pen dans les années 1990), confondant sécurité et sûreté dans les textes fondateurs des révolutionnaires. On peut prendre deux exemples dans deux univers politiques différents.

Alain Peyrefitte, Ministre gaulliste de la Justice, le 11 juin 1980, dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale, pour défendre le projet de loi Sécurité et Liberté (loi n°81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes) : « Nous assistons, depuis la fin des années 1960, à une montée préoccupante de la violence. La criminalité violente a doublé ou triplé en dix ans. Par exemple, il y a eu, l'an dernier, deux fois plus de cambriolages de lieux d'habitation qu'il y a dix ans, trois fois plus d'attaques contre des personnes, quatre fois plus de vols à l'arraché, comme les vols de sacs à mains, quatre fois plus de destructions de biens privés, cinq fois plus de voles à main armée. (…) On a souvent opposé, au cours des dernières semaines, ces deux notions de sécurité et de liberté. Certains feignent de penser que tout renforcement de la sécurité se fait aux dépens de la liberté, et qu'en revanche, il faut se résoudre à payer toute extension des libertés individuelles par une croissance de l'insécurité. Dieu merci, il n'en est rien ! Le gouvernement ne vous propose pas de résoudre la quadrature du cercle. Liberté et sécurité sont solidaires : voilà le vrai. La sécurité est la première des libertés ; inversement, il n'y a pas de liberté sans une sécurité qui garantisse qu'on pourra en jouir, à commencer par la liberté de rester en vie, la liberté de garder son intégrité physique, la liberté d'aller et de venir. Il n'y a aucune contradiction à vouloir renforcer à la fois la sécurité et la liberté. La sécurité sans la liberté, c'est l'oppression ; la liberté sans la sécurité, c'est la jungle ! Telle est la conviction sur laquelle se fonde le projet de loi. Dans sa partie pénale, il étend la sécurité et garantit donc plus profondément la liberté. ».

Lionel Jospin, Premier Ministre socialiste, le 25 octobre 1997 à Villepinte : « Il n'y a pas de choix entre la liberté et la sécurité. Il n'y a pas de liberté possible sans la sécurité. Un État démocratique ne pourrait accepter que les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité soient attentatoires aux libertés. ».

Avec tous les moyens technologiques actuels, les propos d'Alain Peyrefitte sont évidemment dépassés (et on notera qu'on disait déjà la même chose qu'aujourd'hui sur la montée de l'insécurité) et il est difficile de dire que la liberté est protégée si nous entrons dans une société d'ultrasurveillance et d'algorithmes. Mais cela devrait être au peuple de décider...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (09 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Violences urbaines : à quoi s'attendre pour la fête nationale ?
Soutien total à Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses.
Nahel n'était pas un ange : et alors ?
Mort de Nahel : la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et l'huile sur le feu...
Nanterre : le refus d'obtempérer ne vaut pas la peine de mort.
Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.


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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230709-emeutes-nahel.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/violences-urbaines-a-quoi-s-249288

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4 juillet 2023 2 04 /07 /juillet /2023 05:18

« "Nous ne sommes pas des héros, nous n’avons fait que notre devoir", répétait-il. Il est cependant des moments de l’histoire où l’exercice du devoir atteint des difficultés héroïques. Léon Gautier unissait les vertus du guerrier et celles de l’artisan de paix, que nul ressentiment n’animait, mais au contraire une volonté de pardon et d’union. » (Emmanuel Macron, le 3 juillet 2023).




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Le centenaire Léon Gautier s'en est allé ce lundi 3 juillet 2023 à l'hôpital de Caen. Il s'était retiré en Normandie pour se consacrer à sa passion venue de son existence : la transmission de la mémoire historique, près du Mémorial de Caen. Fusilier marin pendant la Seconde Guerre mondiale, il était le dernier survivant du Commando Kieffer, 177 soldats français qui ont participé au Débarquement de Normandie le 6 juin 1944 pour ouvrir le front à 133 000 soldats alliés qui allaient libérer la France (et l'Europe de l'Ouest) du nazisme.

C'est grâce à ces hommes que la France a fait partie des vainqueurs et est restée ce qu'elle était, une terre de liberté. Né le 27 octobre 1922 à Rennes, Léon Gautier est un exemple, parmi de nombreux autres, dont beaucoup hélas sont tombés, de courage et de devoir envers la patrie menacée dans son existence, et malheureusement, il existe encore en Europe des patries en danger, près de quatre-vingts ans plus tard.

Léon Gautier était de toutes les célébrations et commémorations, du 8 mai, du 6 juin, etc. Il a même participé activement à la cérémonie du 6 juin 2014 (le soixante-dixième anniversaire du Débarquement), par une intervention en compagnie d'un ancien soldat allemand, son ennemi pendant la Bataille de Normandie, Johannes Börner (1925-2018), qui s'est installé en Normandie, à Ouistreham, après avoir été libéré en 1948, dans l'une des premières villes cibles des Alliés. Les deux hommes étaient devenus des amis et des complices, promouvant l'amitié franco-allemande et la paix.

À cette cérémonie étaient venues de nombreuses personnalités d'État, notamment Élisabeth II, Barack Obama, Vladimir Poutine, François Hollande, Angela Merkel, David Cameron, Mark Rutte, Giorgio Napolitano, Elio Di Rupo, Herman Van Rompuy, Stephen Harper, Xavier Bettel, Milos Zeman, Borislaw Komorowski, Tony Abbott, Petro Porochenko, Valéry Giscard d'Estaing, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Édith Cresson, Jean-Marc Ayrault, Bernard Cazeneuve, etc. (c'était quelques mois après l'invasion et l'annexion de la Crimée par la Russie).

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En février 1940, alors qu'il n'avait que 17 ans, Léon Gautier s'est engagé dans la marine, la seule armée qui acceptait de si jeunes recrues. Il l'avait fait par une motivation très courante à l'époque, la haine des Allemands qui avaient déjà fait des victimes dans sa famille lors de la Première Guerre mondiale. Il s'est ensuite rapidement engagé auprès de De Gaulle à Londres dans la France libre au début du mois de juillet 1940 et il a intégré en 1943 le fameux Commando Kieffer pour une année de rudes entraînements. Sur le modèle des commandos britanniques très efficaces, le capitaine de corvette Philippe Kieffer (1899-1962), qui avait été recruté comme officier de réserve interprète et du chiffre aux Forces navales françaises libres le 1er juillet 1940, a créé ses propres commandos (avec ses propres insignes, dont le béret vert que portait Léon Gautier aux cérémonies encore récemment). Pour l'anecdote, parmi les hommes du Commando Kieffer, il y avait l'homme d'affaires Gwenn-Aël Bolloré (1925-2001), un oncle de Vincent Bolloré.

Les hommes de Philippe Kieffer préparaient le Débarquement de Normandie dans le plus grand secret. Le témoignage de Hubert Faure (1914-2021), ancien survivant (l'avant-dernier) qui a été blessé par un éclat d'obus le 7 juillet 1944, est instructif : « Nous, nous l’avons su immédiatement. Sur la table à manger, il y avait tout un tas de photos aériennes des plages normandes et des cartes. Mais il nous était interdit d’en parler à qui que ce soit (…). Le commandant nous a dit qu’il y aurait beaucoup de pertes. Ceux qui ne voulaient pas y aller pouvaient partir, il ne leur en voudrait pas. Mais personne ne s’est dégonflé. À cet âge-là, nous n’avons pas peur de mourir. C’était une fierté pour nous de participer à la libération de notre pays. » (cité par Wikipédia).


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Léon Gautier a combattu pendant les soixante-dix-huit jours de la Bataille de Normandie, « couronnés par une héroïque charge finale à la baïonnette à Saint-Maclou » (selon l'Élysée) ; il a débarqué avec les soldats britanniques à Colleville-sur-Orne (devenu Colleville-Montgomery). Fiancé en 1943 à une Britannique qui s'était engagée dans l'armée britannique, le "vétéran" est retourné après la guerre en Angleterre pour se marier avec elle et y faire leur vie, lui comme carrossier. Il a ensuite passé quelques années en Afrique occidentale puis est revenu en France, dans l'Oise comme expert automobile. À l'instar de Johannes Börner, il habitait durant sa retraite à Ouistreham pour transmettre le souvenir de ce qu'il avait vécu auprès des jeunes d'aujourd'hui, et surtout l'importance de la réconciliation et du pardon.

Le Président de la République Emmanuel Macron l'a rencontré à plusieurs reprises depuis 2017 et il lui a remis les insignes de grand officier de la Légion d'honneur en 2021. Dans son communiqué de condoléances, l'Élysée précise : « Il compta (…) parmi ces marins de l'ombre qui n'avaient pas renoncé à croire en l'avenir de la France et en ses valeurs. ». La mort de Léon Gautier résonne étrangement peu après les émeutes qui ont mis le pays en feu et apporte un contraste saisissant presque caricatural et surtout une perspective : ces émeutiers devraient d'abord recevoir quelques leçons d'histoire pour se rappeler que leurs libertés n'étaient pas tombées du ciel. Avant eux, des centaines de milliers de personnes, voire des millions, sont mortes au combat pour garantir leurs libertés d'aujourd'hui...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (03 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Léon Gautier.
Jean Moulin, l'excellence républicaine ...et les valeurs !
Discours d’André Malraux le 19 décembre 1964 lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon.
L’artiste Jean Moulin, dessinateur.
Le 8 mai, l'émotion et la politique.
Hommage à Jean Moulin.
Programme du Conseil National de la Résistance.

le suprême héros.
Daniel Cordier.
Pierre Simonet.
Edgard Tupët-Thomé.
Hubert Germain.
Robert Hébras.
Noëlla Rouget.
Stéphane Hessel.
18 juin 1940 : De Gaulle et l’esprit de Résistance.
La Libération de Paris.
Les 75 ans de la Victoire sur le nazisme.
La Fête de l'Europe.
Le syndrome de Hiroshima.
Carnage de Maillé (1).
Carnage de Maillé (2).
Mauschwitz.
Emmanuel Macron à Pithiviers.
Jacques Attali et Emmanuel Macron : pourquoi la fresque d’Avignon était antisémite.
Discours du Président Emmanuel Macron le 17 juillet 2022 à Pithiviers (vidéo et texte intégral).
La rafle du Vel d’Hiv, 80 ans plus tard : les heures sombres de notre histoire...
Les 75 ans de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Sarah Halimi, assassinée car Juive.
La tragique expérience de Simone Veil à Auschwitz.
Emmanuel Macron et le Vel d’Hiv (16 juillet 2017).
François Hollande et le Vel d’Hiv (22 juillet 2012).
Discours d’Emmanuel Macron du 16 juillet 2017 (texte intégral).
Discours de François Hollande du 22 juillet 2012 (texte intégral).
Discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 (texte intégral).
La Seconde Guerre mondiale.
La République de Weimar.
Le Pacte germano-soviétique.
Le Débarquement en Normandie.
Les Accords de Munich.
Le Pacte Briand-Kellogg.
Le Traité de Versailles.
L’Europe, c’est la Paix.
La Première Guerre mondiale.
Témoignage : mon 11 novembre, le songe de l’histoire.
Lazare Ponticelli, le dernier Poilu.
Chasseur alpin, courageux jusqu’au bout de la vie.
Les joyeux drilles de l’escadrille.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Fête nationale : cinq ans plus tard…

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230703-leon-gautier.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/leon-gautier-un-heros-ordinaire-249164

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/07/03/39959845.html







 

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2 juillet 2023 7 02 /07 /juillet /2023 05:36

« Les assaillants sont arrivés vers une heure et demi du matin avec une voiture-bélier. Ils ont forcé le portail mais n'ont pas réussi à rentrer dans la maison de l'élu LR. Le porte-parole des Républicains n'était alors pas chez lui, mais encore en mairie, où il suivait les évolutions des violences urbaines. » (Claire Checcaglini, France Bleu Paris le 2 juillet 2023).




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La cinquième nuit d'émeutes consécutives à la mort de Nahel, du 1er au 2 juillet 2023, a été de moindre importance que la nuit précédente dans toutes les communes de France. Mais néanmoins, l'intolérable a franchi un nouveau palier de ces violences urbaines : on s'en est pris au maire de L'Haÿ-les-Roses, sous-préfecture du Val-de-Marne, près de Paris. Le domicile privé de Vincent Jeanbrun a en effet été la cible des émeutiers, attaqué à la voiture-bélier. L'épouse du maire a été hospitalisée parce qu'elle a été blessée ainsi qu'un de leurs enfants. Une plainte pour tentative d'assassinat a été déposée au parquet de Créteil.

On ne peut pas dire que L'Haÿ-les-Roses est une commune difficile. Fort de ses un peu plus de 30 000 habitants, elle est une ville ordinaire de la région parisienne, à la sociologie diversifiée. Lors de la nuit du 30 juin au 1er juillet 2023, les émeutiers s'en étaient pris à l'hôtel de ville et le maire avait dû préalablement le barricader à l'aide de barbelés, ce qui a limité la casse. Des dégâts ont été faits précédemment sur la mairie et sur les équipements municipaux (relais mairie entièrement détruit, rez-de-chaussée de l'hôtel de ville dévasté, marché partiellement cramé, etc.).

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Vincent Jeanbrun est le maire LR de L'Haÿ-les-Roses depuis mars 2014 (réélu en 2020). Il est aussi conseiller régional d'Île-de-France et est un très proche de la présidente du conseil région d'Île-de-France Valérie Pécresse, par ailleurs ancienne candidate à l'élection présidentielle de 2022. Il était son porte-parole et fait toujours partie de ses lieutenants. Il a par exemple organisé l'apéro festif du début d'été qui a réuni 700 proches de Valérie Pécresse le samedi 24 juin 2023 au dernier étage du 11 rue Forest dans le 18e arrondissement de Paris.

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Selon Stéphane Hardouin, le procureur de la République de Créteil qui est venu constaté les dégâts sur place, les émeutiers ne sont pas parvenus à entrer dans la maison : « Manifestement le véhicule a été stoppé avant d'atteindre la véranda de la maison, visiblement par un muret de sorte que seul, heureusement, le portail d'entrée a été touché ainsi que le véhicule de la famille. Entendant du bruit, l'épouse du maire et les enfants ont pris la fuite par l'arrière du jardin. ».

C'est en fuyant les émeutiers, sous des tirs de mortiers, avec les deux enfants (de 5 et 7 ans) par le jardin que la femme du maire s'est blessée (une fracture au tibia en escaladant un muret), tandis que le maire était lui-même à son bureau de la mairie pour suivre la situation dans sa commune. Les voitures de la famille et les poubelles ont été incendiées avant la fuite de ces "sauvageons".

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Vincent Jeanbrun a réagi dès 7 heures du matin en annonçant cette intrusion criminelle sur Twitter : « Cette nuit, un cap a été franchi dans l'horreur et l'ignominie. Mon domicile a été attaqué et ma famille victime d'une tentative d’assassinat (…). Ma détermination à protéger et servir la République est plus grande que jamais. Je ne reculerai pas. ».

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Il a reçu immédiatement le soutien de la Première Ministre Élisabeth Borne qui a condamné « des faits intolérables » et s'est engagée à arrêter les coupables. Dans une période où les maires sont déjà malmenés par certains habitants (à Saint-Brevin-les-Pins, par exemple), le gouvernement entend répondre avec fermeté face à des émeutiers qui ont profité de l'émotion suscitée par la mort de Nahel pour s'attaquer à tous les représentants des institutions et des autorités publiques.

Les deux présidents des assemblées ont aussi vivement réagir. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet a déclaré : « L'engagement public ne devrait jamais être synonyme de danger, ni pour soi ni pour ceux que l'on aime. », et le Président du Sénat Gérard Larcher a estimé que s'en prendre à un élu et à sa famille, c'est s'en prendre à la Nation.

Le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a aussi apporté son soutien à Vincent Jeanbrun et à sa famille sur Twitter : « Mon soutien à Vincent Jeanbrun et à sa famille, victime d’une lâche et terrible agression, est totale. Une enquête pour tentative d'assassinat a été ouverte et d’importants moyens de la police judiciaire sont mobilisés. Les auteurs de ces faits répondront de leurs actes odieux. ». Le député Éric Ciotti, président de LR, est venu soutenir le maire de L'Haÿ-les-Roses en qualifiant les faits « d'une extrême gravité ».

Soutien total à Vincent Jeanbrun et aux élus de la République dont l'engagement au service de la communauté nationale est entier !


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (02 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Soutien total à Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses.
Nahel n'était pas un ange : et alors ?
Mort de Nahel : la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et l'huile sur le feu...
Nanterre : le refus d'obtempérer ne vaut pas la peine de mort.
Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.


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1 juillet 2023 6 01 /07 /juillet /2023 05:52

 

« Cette mort nous fout la haine ! »




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C'est l'un des cris de cette marche blanche du jeudi 29 juin 2023. Des cris malheureux, de colère, d'émotion, de désespoir. Quatrième nuit d'émeutes partout en France, apparemment en bandes organisées et préparées. La mort de Nahel, tué par un policier lors d'un contrôle routier, ne va pas passer. Le pays est en grande difficulté car les divisions se révèlent. L'absence de modération est une provocation à la haine et à la discorde. Rien ne justifie la violence. Rien. Elle est à condamner résolument. Et elle ne sert à rien, elle ne résout rien.


D'un côté, on a l'extrême droite avec ses procédés traditionnels depuis plus d'un siècle, ceux qui renforcent la haine de l'autre. Le langage est connu, il est le "nous" et le "eux", mis en opposition. En clair : "ils ne sont pas comme nous". Le problème pour ces gens-là, cette extrême droite qui pense avoir obtenu son brevet de respectabilité aux dernières élections sous prétexte qu'elle garde le costume cravate, c'est que "eux" comme "nous" sont des Français, sont autant Français les uns que les autres. Et aucun des uns ou des autres ne peut s'arroger l'exclusivité de la définition du "bon Français", aucun ne peut s'arroger le monopole de la délivrance du brevet de "vrai Français". Aucun.


L'un des procédés consiste à fustiger l'autre. Les autres. Les discréditer. Les ramener à moins que rien. Presque à leur retirer leur caractère d'humanité, ce qui permettrait ensuite tous les excès. Procédé bien connu.

D'abord la victime, parce que Nahel est d'abord la victime d'un "homicide volontaire", selon la justice. Nahel n'était pas un "ange". La belle affaire. Ce n'est pas parce qu'un footballeur connu, riche et talentueux (on oublie souvent le troisième adjectif qui explique les deux premiers) l'a sacré ange qu'il est un ange. Il ne faut pas considérer tout ce que dit une star en paroles d'Évangile. À part lui, personne n'a jamais disserté sur cet aspect des choses car là n'est pas le problème.

Oui, Nahel peut avoir tout été, un délinquant routier, avoir déjà un dense CV dans ses relations avec la maréchaussée. Un trafiquant, une voiture de luxe, une conduite sans permis (car déjà trop jeune), peu de respect pour les lois de la République, que sais-je ?... un refus d'obtempérer ne vaut pas une peine de mort ; au pire, cela vaut cinq ans d'emprisonnement, lorsque les circonstances sont aggravantes.

C'est justement parce qu'il a été injustement tué, odieusement tué, que celui que certains osent qualifier de "racaille" (ce qui est un moyen de tester le respect qu'on a des morts) s'est hissé à l'honneur de la République, avec cette minute de silence le 28 juin 2023 au cœur de la démocratie française, au cœur de l'hémicycle de l'Assemblée Nationale. Parce que, paradoxalement, malgré toutes les fautes qu'il aurait commises (dont je n'ai aucune liste officielle), Nahel s'est étrangement retrouvé parmi les victimes de ceux qui ne défendent pas les valeurs de la République. En se faisant tuer comme s'il n'avait jamais été un humain, le supposé délinquant est devenu un martyr.

En extrapolant cette pensée extrême, il ressort que la mort se justifierait parce que Nahel aurait commis des délits. On peut penser comme le Président des Philippines, qui voyait d'un œil complaisant les règlements de compte entre trafiquants, ils faisaient le ménage pour l'État. On peut penser que refuser de s'arrêter plusieurs fois à un contrôle routier mérite la peine de mort. On peut penser que le moindre délit mérite la peine de mort. C'est un point de vue, mais qu'il faudra aussi l'assumer lorsqu'on se retrouvera sur le banc des accusés pour des affaires d'emplois fictifs ou autres, genre financement d'un parti politique par une puissance étrangère.


Rappelons d'ailleurs, pour poursuivre la logique, que le policier qui a tiré ne savait pas que Nahel était un multirécidiviste de délit de refus d'obtempérer. Il ne savait pas son nom, puisque justement, il voulait contrôler son identité. Ce n'est donc qu'a posteriori qu'on sait qui a été la victime de cet abus d'autorité. Nahel n'était pas un ange : et alors ? Il ne méritait pas la mort. Rien ne la justifiait. C'est pourquoi la justice doit être rapide et sévère, car ce policier n'est pas la police.

Mais ce procédé est encore plus dégueulasse lorsqu'il s'agit de salir la mère de la victime. Quoi de pire que perdre son enfant ? Comment peut-on douter de la peine de la mère de Nahel ? Oui, c'est vrai, je me suis posé aussi la question des images lors de la marche blanche du 29 juin 2023 à Nanterre. Elle était comme la reine du jour, trônant sur un camion de location, celui qu'on loue pour les déménagements, et on avait l'impression que c'était un char, un triomphe. Sa quart d'heure de gloire. Oui, le triomphe, c'est les 6 200 personnes qui ont participé à la marche. Combien de personnes seront-elles présentes à votre enterrement ?

Pourrais-je alors dénier à cette mère l'idée de tristesse ? Qui serais-je à la juger ? Ai-je au moins eu des enfants enlevés aussi brutalement de mon affection ? En quoi pourrais-je condamner une mère sous prétexte qu'elle aurait un comportement excessif. Certains se réfugient dans l'alcool, dans la dépression. Cette mère avait besoin de soutien et le moindre qu'on puisse dire, malgré ses détracteurs, c'est qu'elle en a reçu. 6 200 personnes.

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D'ailleurs, là aussi, ces images sont une face particulière et incomplète de la réalité. Il y a d'autres images, où cette mère pleurait, justement, tant l'émotion était grande. La photographier était même l'expression d'une impudeur. La mère s'est mise en spectacle. Personnellement, je ne l'aurais certainement pas fait, mais il se trouve que c'est elle qui a ce chagrin infini d'un gâchis humain sans horizon, ce n'est pas moi. Chacun réagit aux douleurs comme il le peut. Chacun vit son deuil d'une manière ou d'une autre. Si, en partant, je laisse des personnes qui m'aiment, je préférerais qu'elles rient à mon enterrement, pas qu'elles soient tristes, parce que ça ne sert à rien, ça ne me ferait pas revenir et à plusieurs, on peut plus espérer que tout seul. De loin, cela pourrait être choquant. Qui sommes-nous pour juger de la détresse d'une mère qui a perdu son enfant ?


Et il y a l'autre côté, tout aussi excessif, tout aussi haineux, tout aussi accablant. Cet autre côté a aussi fait son mort, malheureusement, annoncé un peu tardivement à cause du décalage horaire, car une personne a été tuée par une balle perdue tirée par un émeutier en Guyane dans la nuit du 29 au 30 juin 2023. Toute cette violence est inouïe et, il faut le dire, préparée, organisée. Leurs auteurs n'attendaient que l'étincelle, le prétexte pour agir. Un peu l'incident de frontières pour un va-t-en-guerre (Poutine n'en a même pas eu besoin pour envahir l'Ukraine, tant il était assuré de sa victoire et de son impunité).

Dans la foule qui défilait à la marche blanche, on voyait des panneaux polémistes comme "La police tue" ou "IGPN : impunité générale police nationale". C'est excessif, et ce n'est pas fait pour apaiser mais au contraire renforcer une colère, renforcer ces émeutes dans les centres urbains. Pour le cas de Nahel, il s'agit de deux policiers, qui l'ont poursuivi pendant plusieurs minutes avant de tenter de l'arrêter (Nahel a failli renverser une personne dans sa folle tentative d'échapper à la police). Et un seul a tiré. Ils ne représentent pas la police dans son ensemble, il n'est représentatif que de son manque de professionnalisme.


Du reste, la mère de Nahel a été ambiguë. Elle a tenu un panneau proclamant, selon le slogan des mélenchonistes, que "la police tue". Et à un autre moment, elle a déclaré au contraire sur France 5 qu'elle faisait bien la différence entre le policier qui a tué son fils et la police en général, complétant en disant qu'elle connaît beaucoup de policiers qui lui ont apporté leur soutien. La pression du groupe et la raison et le bon sens ne font jamais bon ménage. Il y a des personnes dont c'est la profession d'envenimer les choses, de pourrir la société dans des divisions aussi virtuelles qu'identitaires, quasi-philosophiques et surtout stériles.

L'affrontement est là : des excités de l'extrême droite qui applaudissent le geste d'un policier qui a tué ce qu'ils considèrent comme une racaille des cités, qui ne méritait de vivre selon leur précepte (on peut frissonner à l'idée de les imaginer au pouvoir), face aux excités de l'autre camp, prêts à mettre le feu sur tous les bâtiments publics, à mettre en péril tous les avancées de réconciliation toujours instables de nombreux acteurs sur le terrain afin de déclencher une révolte qui n'a ni queue ni tête, ni but ni revendication, sinon une, très importante, ne plus être pris pour de la chair à canon.

Vouloir réduire le débat public à ces deux extrêmes qui doivent réunir une infime minorité du peuple français, c'est non seulement caricaturer, mais c'est donner raison à l'un ou l'autre de ces deux camps alors que sont ultra-majoritaires les "raisonnables", qu'on pourrait appeler les "modérés", qui n'ont rien de sexy puisqu'ils s'adressent à l'intelligence et pas aux émotions, qui veulent l'apaisement, le dialogue, l'analyse de la part des choses entre deux positions prétendues définitives.

C'est pourquoi dans cette situation très grave, le comportement de la justice et du gouvernement, chacun de son côté, est essentiel. La justice pour qu'enfin soit reconnue la faute du policier quand, dans la même situation, de nombreux collègues étaient crus sur parole et innocentés. Le mensonge est aussi la raison de la colère. Comment la vérité aurait-elle été reconnue sans les séquences vidéo ?

Et le gouvernement qui, jusque-là, a fait un sans-faute, à savoir a tout fait pour apaiser tout en restant ferme sur le maintien de l'ordre. Il faut néanmoins donner des perspectives à la nation qui est au bord du précipice social. Emmanuel Macron devra s'adresser aux Français et leur proposer un nouveau deal sur la cohésion sociale. En sera-t-il capable ? Ce sera en tout cas l'enjeu des prochains jours. Le 14 juillet prochain semble tout indiqué...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (01er juillet 2023)
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Pour aller plus loin :
Nahel n'était pas un ange : et alors ?
Mort de Nahel : la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et l'huile sur le feu...
Nanterre : le refus d'obtempérer ne vaut pas la peine de mort.
Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.


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21 juin 2023 3 21 /06 /juin /2023 05:08

« Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi, et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé. Avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses. (…) Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de la France. » (André Malraux, le 19 décembre 1964 à Paris).




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Le chef de la Résistance intérieure Jean Moulin a été arrêté il y a quatre-vingt ans, le 21 juin 1943 par les nazis. Quelques jours plus tard (le 8 juillet 1943), après avoir été torturé, il a été tué par les nazis lors de son transfert en Allemand. Torturé mais vainqueur : il avait réussi à ne pas parler, et je dois dire, bien confortablement dans mon époque de paix depuis plusieurs générations, que je suis incapable de savoir à quel point cela nécessite du courage et de la détermination, de ne pas parler sous la torture, sachant que dans tous les cas, le vie s'arrêtera là. Il suffit d'avoir eu un accident ou un problème de santé pour comprendre à quel point la douleur, la souffrance, physique et mentale, est dure à surmonter. Mais pouvoir l'arrêter au prix de trahir ses amis, quel enfer !

Le discours de l'écrivain André Malraux, alors Ministre des Affaires culturelles de De Gaulle, lors du transfert des restes de Jean Moulin au Panthéon le 19 décembre 1964, est très connu et résonne encore dans les cœurs et les consciences près de soixante années plus tard. Sortie du fin fond de la mémoire nationale, il rappelle la réalité de l'identité nationale, pas celle que quelques populistes démagogues voudraient réduire à une impasse xénophobe de repli sur soi, mais la grande, celle qu'a toujours voulu promouvoir De Gaulle, résumée par la fin de ce si grand discours : « Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de la France. ».

Le silence héroïque de Jean Moulin et son calvaire nous obligent, nous, citoyens français libres et en paix. C'est pourquoi j'expliquais qu'il était le héros suprême de notre République. Un modèle, un exemple, sans doute idéalisé (il avait forcément ses défauts), mais qui n'était pas seulement le résistant politique, il était aussi un grand amateur d'art contemporain (sa couverture était d'être galeriste à Lyon), ce qui apporte un autre versant à sa vertu politique : il était en plein dans son temps, moderne et progressiste (il était d'ailleurs lui-même auteur de dessins de presse). Ce côté artistique fut déterminant pour l'avenir de son jeune secrétaire, le résistant Daniel Cordier.

Le journaliste Éric Conan (actuellement travaillant pour "Marianne"), spécialiste du régime de Vichy, a publié le 10 juin 1993 pour "L'Express" une courte biographie de René Bousquet lorsque ce dernier venait d'être assassiné à son domicile, il y a trente ans (le 8 juin 1993). Le journaliste avait rencontré en avril 1990 l'ancien secrétaire général de la police de Vichy (avec rang de ministre) entre le 18 avril 1942 et le 31 décembre 1943, coorganisateur de la rafle du Vel' d'hiv' des 16 et 17 avril 1942, sous le coup d'une plainte pour crime contre l'humanité, et il avait été étonné par sa simplicité, son absence de précaution pour sa sécurité personnelle (son adresse était indiquée dans le Minitel) et surtout, sa fierté, il était sûr de son innocence et de sa conscience. Dans le chapeau de l'article en question, il était écrit : « Éric Conan raconte comment et pourquoi cet homme intelligent et sûr de lui, coresponsable de la mort de milliers de Juifs, avait pu poursuivre, dans le privé, une brillante carrière. ».

Pourquoi évoquer René Bousquet dans un hommage à Jean Moulin ? C'est Éric Conan qui a fait la comparaison en évoquant des destins initiaux parallèles : « Leur proximité de carrière est flagrante avant guerre. Issus tous deux de milieux radicaux du Sud-Ouest, très brillants, réellement courageux et très ambitieux : jeunes prodiges de la préfectorale, l'un détrônera même l'autre du titre de plus jeune préfet de France. La parenthèse de la guerre les opposera totalement. ».

René Bousquet, né le 11 mai 1909 à Montauban, héros national à l'âge de 20 ans pour avoir sauvé de la noyade, avec un ami qui a péri (Adolphe Poult), plusieurs dizaines de personnes lors des inondations du 1er au 4 mars 1930 dans le bassin du Tarn (il a reçu l'insigne de chevalier de la Légion d'honneur des mains du Président de la République Gaston Doumergue), a travaillé dans différents cabinets ministériels sous la Troisième République, Albert Sarraut, Pierre Cathala et Roger Salengro (le Ministre de l'Intérieur de Léon Blum lui confia la responsabilité du fichier central de la Sûreté nationale). Réputé comme "bon républicain" et opposant à la Cagoule par ses "parrains" radicaux socialistes, René Bousquet a été nommé sous-préfet à l'âge de 24 ans, en 1933, puis affecté Vitry-le-François, dans la Marne, en 1938, puis nommé préfet de la Marne en été 1940 juste après l'armistice à l'âge de 31 ans, puis préfet de région en septembre 1941 (le plus jeune préfet de région de France). Au début de l'année 1942, l'amiral François Darlan, pour constituer son gouvernement, lui a proposé les Ministères du Ravitaillement et de l'Agriculture mais il a préféré rester dans la Marne.

Jean Moulin, né une dizaine d'années plus tôt, le 20 juin 1899 à Béziers, a eu une carrière préfectorale qui a démarré aussi brillamment. Plus jeune sous-préfet de France affecté à Albertville, en Savoie, en 1925 (il avait alors 26 ans), Jean Moulin fut ensuite affecté à Châteaulin, dans le Finistère, en 1930, Thonon-les-Bains, en Savoie, en 1933. Puis, après un passage dans la Somme, il fut nommé préfet de l'Aveyron en 1938 (à 39 ans), ensuite préfet d'Eure-et-Loir en 1939 jusqu'à son engagement dans la Résistance dès 1940.


Les deux jeunes hommes étaient donc considérés par la classe politique de l'entre-deux-guerres, comme des espoirs de la haute administration voire de la politique, radicaux et républicains tous les deux, courageux également. Alors, pourquoi une telle divergence de destin par la suite ?

C'est probablement la proximité de René Bousquet avec Pierre Laval qui l'a convaincu de servir pour la collaboration. Dans son article, Éric Conan a cité une raison de collaborer : « La mémoire courante présente souvent ce régime comme un ramassis d'idéologues d'extrême droite, isolés et criminels. La réalité est tout autre : le pari de Pétain et Laval était de négocier une place pour la France dans une Europe vouée à la victoire nazie. Tel fut l'enjeu de l'offre de collaboration faite par les dirigeants français. Certains pouvaient y adhérer par complicité idéologique, mais beaucoup le firent alors, notamment dans le sillage de Pierre Laval, au nom d'une conception extrême du "réalisme politique". C'est pourquoi la vérité de Vichy réside moins dans l'activité bruyante mais sans grandes conséquences pratiques d'aboyeurs du style de Brasillach, Doriot ou Touvier, que dans la mise à la disposition des occupants, par l'élite dirigeante française, des moyens administratifs et policiers nécessaires à la chasse aux résistants, aux juifs et aux étrangers. ».

L'ambition de René Bousquet aurait pris le dessus sur son républicanisme. Une vision pas vraiment acceptée par l'historien Laurent Joly, spécialiste de l'antisémitisme sous Vichy et président du conseil scientifique du Mémorial du camp de Rivesaltes depuis mars 2023, qui a vu au contraire dans l'évolution de la carrière de René Bousquet l'aboutissement de son antisémitisme qui ne s'était pas encore exprimé avant la guerre : « Ambitieux et calculateur, Bousquet n'est pas seulement un homme aveuglé par l'illusion de la souveraineté française et par des considérations de technocrates, c'est aussi un xénophobe et un antisémite convaincu et sans cœur. ». Éric Conan a ressenti, dans sa rencontre de 1990, ce côté "sans cœur", cette absence de compassion et surtout de regrets face aux victimes des rafles qu'il avait lui-même organisées.

En d'autres termes, les deux hauts fonctionnaires étaient des excellences républicaines mais l'un se nourrissait des valeurs républicaines tandis que l'autre les utilisaient pour sa carrière. Même si l'un a vécu quarante de plus que l'autre, la justice historique s'est naturellement faite. La France a salué comme elle le devait le courage de Jean Moulin qui a fédéré toutes les forces politiques et militaires de la Résistance au sein du même Conseil National de la Résistance qui a à peine eu le temps de se réunir avant son arrestation (le 27 mai 1943).

Ancien secrétaire de Jean Moulin, lorsqu'en octobre 1944, Daniel Cordier a découvert son nom, celui qui se cachait sous le nom de Rex, et il était déconcerté : « Je découvris (…) de manière la plus inattendue le nom de l'homme que j'avais cru célèbre. Je l'avais imaginé occupant les plus hautes fonctions de la politique, de la diplomatie ou parfois de la peinture. (…) C'était un inconnu. Ma déception fut à la mesure de mon espoir, immense. J'avais toujours pensé que la révélation du nom de Rex justifierait à elle seule le culte du secret que j'avais établi autour de sa mémoire. (…) C'est parce qu'il était un inconnu que je m'étais employé à ce que notre relation demeurât secrète. » ("Alias Caracalla", 2009).

Ce n'est qu'à la fin des années 1970 que Daniel Cordier, finalement, a changé son sens du secret à cause des attaques contre Jean Moulin fustigé comme un agent communiste (soviétique) et, un peu plus tard, comme agent américain. Pas étonnant que Jean Moulin ait eu ce genre d'attaques par ceux-là même qui s'opposaient à ses valeurs républicaines, il fallait salir la mémoire de ce glorieux serviteur de la France, mais jusqu'à maintenant, il est toujours sorti grandi de ces stériles attaques, notamment grâce à l'étude historique minutieuse de Daniel Cordier qui a sorti une grande biographie de Jean Moulin en six volumes à partir de 1989. Pour défendre la mémoire de son chef, Daniel Cordier s'est donc mis en avant cinquante ans plus tard alors qu'il était toujours resté discret pendant tout ce temps-là.

Quant à De Gaulle, il lui était éperdument reconnaissant. Le 1er juin 1946, il a écrit notamment : « Max [Jean Moulin], pur et bon compagnon de ceux qui n'avaient foi qu'en la France, a su mourir héroïquement pour elle. Le rôle capital qu'il a joué dans notre combat ne sera jamais raconté par lui-même, mais ce n'est pas sans émotion qu'on lira le journal que Jean Moulin écrivit à propos des événements qui l'amenèrent, dès 1940, à dire non à l'ennemi. La force de caractère, la clairvoyance et l'énergie qu'il montra en cette occasion ne se démentirent jamais. Que son nom demeure vivant comme son œuvre demeure vivante ! ».

Dans le tome 1 de ses "Mémoires de guerre" (publié en 1954 chez Plon), De Gaulle a confirmé ce point de vue : « Cet homme, jeune encore, mais dont la carrière avait déjà formé l'expérience, était pétri de la même pâte que les meilleurs de mes compagnons. Rempli, jusqu'aux bords de l'âme, de la passion de la France, convaincu que le gaullisme devait être, non seulement l'instrument du combat, mais encore le moteur de toute une rénovation, pénétré du sentiment que l'État s'incorporait à la France Libre, il aspirait aux grandes entreprises. Mais aussi, plein de jugement, voyant choses et gens comme ils étaient, c'est à pas comptés qu'il marcherait sur une route minée par les pièges des adversaires et encombrée des obstacles élevés par les amis. Homme de foi et de calcul, ne doutant de rien et se défiant de tout, apôtre en même temps que ministre, Moulin devait, en dix-huit mois, accomplir une tâche capitale. La Résistance dans la Métropole, où ne se dessinait encore qu'une unité symbolique, il allait l'amener à l'unité pratique. Ensuite, trahi, fait prisonnier, affreusement torturé par un ennemi sans honneur, Jean Moulin mourrait pour la France, comme tant de bons soldats qui, sous le soleil ou dans l'ombre, sacrifièrent un long soir vide pour mieux remplir leur matin. » (cité par Wikipédia).

C'est pourquoi, quatre-vingts ans plus tard, la France honore et honorera encore ce vaillant Français qu'était Jean Moulin, comme ce fut le cas le 8 mai 2023 à Lyon par un discours du Président de la République Emmanuel Macron : « Jean Moulin était l’arrière-petit-fils d’un soldat de la Révolution, petit-fils d’un insurgé de 1851, fils d’un hussard noir de la Troisième République. (…) Le voici enfin, le 27 mai 1943, présidant dans un appartement de la rue du Four, à Paris, la réunion fondatrice du Conseil National de la Résistance. (…) Le dépassement, voulu par De Gaulle, était accompli. Ainsi Jean Moulin répondait à Marc Bloch : il existait encore en France une catégorie de Français qui vibrait au souvenir du Sacre de Reims et lisait avec émotion le récit de la Fête de la Fédération. (…) La tristesse de ceux qui n’ont pas d’espérance n’avait pas prise sur lui. Car il avait la certitude intime, indéracinable, que la France en laquelle il croyait serait victorieuse ; que d’autres, si ce n’est lui, en cueilleraient les fruits ; et que la justice triompherait. ».


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (18 juin 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean Moulin, l'excellence républicaine ...et les valeurs !
Discours d’André Malraux le 19 décembre 1964 lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon.
L’artiste Jean Moulin, dessinateur.
Le 8 mai, l'émotion et la politique.
Hommage à Jean Moulin.
Programme du Conseil National de la Résistance.

le suprême héros.
Daniel Cordier.
Pierre Simonet.
Edgard Tupët-Thomé.
Hubert Germain.
Robert Hébras.
Noëlla Rouget.
Stéphane Hessel.
18 juin 1940 : De Gaulle et l’esprit de Résistance.
La Libération de Paris.
Les 75 ans de la Victoire sur le nazisme.
La Fête de l'Europe.
Le syndrome de Hiroshima.
Carnage de Maillé (1).
Carnage de Maillé (2).
Mauschwitz.
Emmanuel Macron à Pithiviers.
Jacques Attali et Emmanuel Macron : pourquoi la fresque d’Avignon était antisémite.
Discours du Président Emmanuel Macron le 17 juillet 2022 à Pithiviers (vidéo et texte intégral).
La rafle du Vel d’Hiv, 80 ans plus tard : les heures sombres de notre histoire...
Les 75 ans de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Sarah Halimi, assassinée car Juive.
La tragique expérience de Simone Veil à Auschwitz.
Emmanuel Macron et le Vel d’Hiv (16 juillet 2017).
François Hollande et le Vel d’Hiv (22 juillet 2012).
Discours d’Emmanuel Macron du 16 juillet 2017 (texte intégral).
Discours de François Hollande du 22 juillet 2012 (texte intégral).
Discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 (texte intégral).
La Seconde Guerre mondiale.
La République de Weimar.
Le Pacte germano-soviétique.
Le Débarquement en Normandie.
Les Accords de Munich.
Le Pacte Briand-Kellogg.
Le Traité de Versailles.
L’Europe, c’est la Paix.
La Première Guerre mondiale.
Témoignage : mon 11 novembre, le songe de l’histoire.
Lazare Ponticelli, le dernier Poilu.
Chasseur alpin, courageux jusqu’au bout de la vie.
Les joyeux drilles de l’escadrille.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Fête nationale : cinq ans plus tard…

_yartiMoulinJean04





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20 juin 2023 2 20 /06 /juin /2023 05:35

« Il ne faut pas se fier aux apparences. Beaucoup de gens n'ont pas l'air aussi bêtes qu'ils ne le sont réellement. » (Oscar Wilde).




_yartiAgressionBordeaux01

Les faits d'abord : le lundi 19 juin 2023 vers 17 heures 30, dans un quartier tranquille de Bordeaux, une femme de 73 ans, qui revenait chez elle, et sa petit-fille de 7 ans, qui l'accompagnait, se sont fait très violemment agresser par un homme de 29 ans. La femme a été projetée sur le trottoir, que la tête a heurté, et la fillette a été entraînée plus loin. Un chien qui les a rejointes et a aboyé, ce qui a fait fuir l'agresseur.

Grâce au témoignage d'un voisin et à la vidéo de la scène, prise par le visiophone, l'agresseur a été interpellé dès 18 heures 30 et placé en garde-à-vue. On peut féliciter les services de la police et de la justice d'avoir arrêté l'auteur de cette agression aussi vite et aussi efficacement.

À ce constat de cette agression, on ne peut que la condamner fermement et souhaiter la sanctionner le plus sévèrement possible. On ne peut qu'adresser tout son soutien aux deux victimes et à leur famille, et se réjouir qu'elles sont sorties d'hôpital et ne souffrent que de contusions et d'abrasions. La grand-mère a eu une ITT de quatre jours. Une expertise médicale complète aura lieu et « déterminera les conséquences psychologiques de cet acte d'une particulière violence » selon la procureure de la République.

S'il est normal que la classe politique s'exprime sur ce triste fait-divers, impressionnant probablement en raison de la vidéo de la scène qui montre une extrême violence (comme c'est le cas de l'ancien maire LR de Bordeaux Nicolas Florian qui a hésité à diffuser la vidéo floutée), il est beaucoup moins normal que certains l'exploitent voire l'instrumentalisent, notamment au détriment des victimes. Car la première attention doit toujours être portée aux victimes.

Dans la soirée du 19 juin 2023, la vidéo a donc été diffusée sur les réseaux sociaux. Un premier militant d'extrême droite a tweeté la vidéo sans floutage, mais son tweet a été supprimé rapidement car il contenait des propos racistes.

Cela n'a pas raté, l'extrême droite, fidèle à elle-même, comme des vautours cherchant toute chair à démagogie, s'est jetée sur ce terrible fait-divers en faisant peu de cas des victimes. Éric Zemmour n'a pas hésité à retransmettre la vidéo sans floutage avec ce commentaire : « Quelle horreur. Bordeaux aujourd'hui. Voilà ce qu'ils ont fait de notre pays. Français, réveillez-vous. ». Le "ils" est très clair pour un obsédé de l'immigration, il s'agit bien sûr des immigrés (ou des étrangers).

Marine Le Pen n'était pas en reste puisqu'elle a elle-même tweeté : « Ces agressions sont quotidiennes et l'insécurité, aggravée par le chaos migratoire, devient endémique. Combien faut-il de vidéos comme celle-ci pour que le pouvoir réagisse ? ». Avec le mot "migratoire", le lien à l'immigration est encore plus explicite.

Pourquoi ces deux personnalités, qui retombent dans leurs vieux démons (sans "dédiabolisation" du tout !), ont-elles évoqué l'immigration pour ce fait-divers ? Tout simplement parce que sur la vidéo, l'agresseur (le suspect) apparaît avec une peau pas vraiment très claire et même, disons-le !, plutôt très foncée, et que, dans leur esprit, nécessairement, la couleur de la peau détermine le niveau de francité.

Pas de bol, car le suspect, très connu par les services de police (quinze condamnations sur son CV : infractions routières, stupéfiants, etc.) est un Français né en France, né à Bordeaux.

Le député RN de Gironde Grégoire de Fournas (vous vous rappelez ? celui qui a été lourdement sanctionné par l'Assemblée Nationale pour avoir provoqué une scène tumultueuse parce qu'il considérait qu'un député à peau noire était un Africain et pas un Français), ce député interrogé par BFMTV s'est un peu emmêlé les pinceaux en soutenant qu'il n'était pas raciste et qu'il défendait tous les Français quelle que soit l'origine, la couleur de peau, etc. ...sauf que dans ce cas-là, le suspect était un Français et il ne s'était basé que sur la couleur de la peau pour conclure hâtivement, comme sa médiocre chef, qu'il était un étranger et qu'il fallait bouter les étrangers hors de France.

Comme avec l'agression criminelle des enfants en bas âge dans un parc à Annecy il y a quelques jours, l'agresseur n'a pas le profil idéal pour rendre l'agression démonstrative des idées xénophobes de l'extrême droite.

La famille a d'ailleurs été particulièrement choquée non seulement de cette instrumentalisation mais aussi de la diffusion de leur image dans une scène qui les a traumatisées. Son avocate a affirmé que la famille était « indignée par la récupération politique qui est faite de ce fait divers ainsi que l'utilisation médiatique des images sans son accord explicite et sans le moindre respect pour l'identité des victimes ou leur vie privée ». Par ailleurs, elle a ajouté : « Il est parfaitement indécent de se servir de ce fait divers pour évoquer une origine ethnique ou de justifier des réformes pénales ou migratoires. ».

Néanmoins, cette situation reste inquiétante et si la nationalité du suspect n'est pas le "problème", d'autres problèmes doivent être débattus sur la place publique pour réduire les risques de ce type d'agression même si, c'est très clair pour cette agression, quel que soit le maire (qui n'a pas beaucoup de pouvoir) et quel que soit le gouvernement, on n'empêchera jamais un déséquilibré psychique de s'en prendre à des passants.

Le sujet, en effet, n'est ni la couleur de la peau du suspect ni sa nationalité, française ou pas, mais bien ses antécédents psychiatriques graves et la manière dont la société l'accompagne. L'homme, placé sous tutelle et suivi au plan psychiatrique aurait été
« en rupture de traitement ». La procureure a déclaré : « L'intéressé présente des troubles du comportement majeurs en lien avec une pathologie psychotique et schizophrène. ». Sa garde-à-vue a d'ailleurs été interrompue le 20 juin 2023 pour recevoir immédiatement des soins psychiatriques avant d'être reprise ultérieurement.

Ce qui est avant tout inquiétant, c'est que des personnes qui ont des problèmes psychiatriques lourds se promènent tout seuls dans la nature sans surveillance renforcée. Ce débat, qui n'est pas nouveau, doit avoir lieu sur la manière de les soigner, sur le nombre de places dans les hôpitaux psychiatriques, etc. Mais partir de ce fait-divers pour dire que l'immigration, c'est caca, c'est pitoyable et peu respectueux d'abord des victimes, ensuite des Français eux-mêmes qu'on prend ici pour des imbéciles.

Toute ma compassion aux deux victimes probablement traumatisées à vie non seulement par cette agression mais par ses suites médiatiques aussi odieuses qu'insultantes.



Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (20 juin 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.


_yartiAgressionBordeaux04




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17 juin 2023 6 17 /06 /juin /2023 05:27

« Meurtre sur conjoint et non féminicide. Notre droit est plus rigoureux et moins idéologue que nos féministes de pacotille ! » ; « Un individu abject qui n'a même pas pensé à ses enfants préférant tenter de sauver sa peau en mentant, mystifiant, fabulant. » ; « N'est pas C. Jubillar qui veut. » (trois réactions, parmi d'autres, d'internautes lecteurs de "20 Minutes", le 17 juin 2023).




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Les gendarmes de la section de recherches de Nantes ont hélas découvert ce vendredi 16 juin 2023 le corps de Karine Esquivillon (54 ans), une mère de famille, dans une forêt à une quinzaine de kilomètres de son domicile en Vendée. Cette tragique découverte a mis fin au mystère de sa disparition à partir du 27 mars 2023.

En effet, signalée seulement le 3 avril 2023 par son mari Michel Pialle (51 ans), le couple vivait ensemble pour assurer l'éducation des enfants mais était séparé d'un point de vue affectif, cette disparition avait malheureusement des signes communs avec d'autres disparitions de femmes, l'une élucidée, celle d'Alexia Fouillot (39 ans) le 27 octobre 2017 (son mari Jonathan Daval a reconnu l'avoir tuée "accidentellement" et a été condamné le 21 novembre 2020 à vingt-cinq ans de réclusion criminelle par la cour d'assises de Vesoul pour meurtre sur conjoint), ou l'autre pas encore élucidée, celle de Delphine Aussaguel (33 ans) le 15 décembre 2020 (son mari Cédric Jubillar, mis en examen et écroué le 18 juin 2021, clame toujours son innocence).

Michel Pialle a toujours présenté la disparition de son épouse comme un départ volontaire, ayant pris avec elle de l'argent, etc., au point d'envoyer à lui-même depuis le téléphone mobile de Karine ce message SMS : "Marre de vivre à deux mais pas en couple, je décide de partir". Le mari a même mis le 4 juin 2023 un message sur Facebook pour elle avec des dessins de leurs enfants à l'occasion de la fête des mères : "Les enfants te souhaitent une bonne Fête des mères, ils t’aiment et tu leur manques beaucoup !" (bien que leur fille ait beaucoup douté que Karine soit partie d'elle-même sans laisser d'explication aux enfants).

De nombreux signes troublants (comme la découverte du téléphone mobile le 9 avril 2023, sans carte SIMS), tandis que Michel Pialle se montrait très coopératif avec la police, ont abouti à sa garde-à-vue et de ses aveux à l'issue des 48 heures, dans la nuit du 15 au 16 juin 2023. Il a reconnu avoir tué "accidentellement" Karine (c'est toujours "accidentel", dans ce cas) ...en nettoyant une carabine qui était chargée et munie d'un silencieux, ce qui est très étonnant pour quelqu'un qui savait bien manier les armes (selon lui, il voulait la mettre en vente). Michel Pialle a donc été écroué pour "meurtre sur conjoint". On notera le motif juridique, quand d'autres évoqueront un "féminicide".

Brocanteur et beau parleur, Michel Pialle pensait pouvoir éviter d'assumer son meurtre (dont la motivation restera à déterminer car la thèse de l'accident est peu crédible, surtout quand on tente de le dissimuler), mais les capacités d'investigations de la police judiciaire sont désormais très grandes avec les (nouvelles) technologies. Un de ses avocats a confié que la garde-à-vue a été physiquement et psychologiquement éprouvante. C'est même l'objectif de cet exercice peu agréable, arriver aux aveux, qui permettent de simplifier la tâche de la police (ne serait-ce que pour retrouver le corps).

Si cette "affaire", depuis plusieurs jours, a mobilisé toute la chaîne BFMTV dont c'est le rôle principal (faire de l'audience sur des affaires criminelles), au contraire de sa concurrente LCI plus portée sur la guerre en Ukraine, je remarque qu'elle a été peu saisie et exploitée par la classe politique. Ni par l'extrême droite dont le nom du meurtrier fleure sans doute trop le Français, ni par les féministes de la déconstruction. Et c'est tant mieux.

Cette "affaire" et d'autres du même genre (en fait, je n'aime pas du tout employer ce mot "affaire" alors que derrière ce mot, il y a des vies foutues, pas seulement celle des victimes, mais de tous ceux qui les ont aimées), à l'instar de l'affaire Grégory, ce qui explique la médiatisation, c'est que les protagonistes sont des personnes ordinaires, cela peut être nous, des proches, des amis, des voisins... et le phénomène d'identification est fort, dans ce cas-là (c'est ce qui fait que les romans ou les films sont appréciés ou pas, d'ailleurs).

Ce qui m'a troublé, c'était d'entendre le 15 juin 2023, donc avant les aveux du mari, que dans ce genre de disparition de femme, en général, le mari est le premier suspect. Et, sans beaucoup connaître les incohérences des déclarations du Michel Pialle (en les connaissant, je n'aurais pas hésité non plus à le soupçonner), je m'imaginais dans l'effroyable détresse d'un homme dont l'épouse aurait disparu, avec des sentiments zigzaguant entre l'inquiétude terrible qu'il lui ait arrivé quelque chose et la peur égocentrique, voire la colère, qu'elle ait pu me quitter volontairement. J'entendais ainsi ces experts autoproclamés des plateaux télé dire que dans ces cas-là, c'est presque toujours le mari le coupable.

Et quand j'ai entendu que, effectivement, pour la disparition de Karine, il s'agissait du meurtre par son mari, au-delà de la compassion que je peux éprouver pour ses proches, et d'abord pour ses enfants qui doivent être effondrés, tant par la mort de leur mère que, pour certains d'entre eux, par la double trahison de leur père, je me disais que décidément, ces messieurs meurtriers ne sont pas des personnages de roman, n'ont pas beaucoup d'intelligence, et donnent raison à toutes ces féministes déconstructrices. Il reste à réinventer un amour qui ne soit plus jamais meurtrier.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (17 juin 2023)
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Pour aller plus loin :
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.

_yartiLesTerriblesEvenements04





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16 juin 2023 5 16 /06 /juin /2023 05:38

 

« Immigrés morts en mer, dans ces bateaux qui au lieu d’être un chemin d’espérance ont été un chemin de mort. Ainsi titrent des journaux. Il y a quelques semaines, quand j’ai appris cette nouvelle, qui malheureusement s’est répétée tant de fois, ma pensée y est revenue continuellement comme une épine dans le cœur qui apporte de la souffrance. Et alors j’ai senti que je devais venir ici aujourd’hui pour prier, pour poser un geste de proximité, mais aussi pour réveiller nos consciences pour que ce qui est arrivé ne se répète pas. Que cela ne se répète pas, s’il vous plaît ! » (pape François, le 8 juillet 2013 à Lampedusa).





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Ce n'est pas un hasard si le premier voyage extérieur du pontificat du pape François, le 8 juillet 2013, fut pour Lampedusa afin de venir se recueillir en hommage aux nombreux réfugiés noyés dans la Méditerranée. C'était il y a dix ans et les premiers naufrages faisaient les titres de journaux avec ces nombreux réfugiés syriens qui fuyaient leur pays en guerre civile. Dix ans sont passés et cela continue, la désolation continue, le cimetière s'agrandit.

L'information sur le nom du bateau n'a pas été donnée, il restera anonyme comme les centaines de passagers dont le corps est maintenant abandonné au fond des eaux.

Dans la nuit du 13 au 14 juin 2023, un navire, mais peut-on l'appeler ainsi ? un rafiot a chaviré et complètement coulé à 87 kilomètres des côtes du Péloponnèse. Un chalutier de 25 à 30 mètres de long. À son bord, selon des témoins, il y aurait eu au moins 750 passagers : son pont était rempli de personnes mais il est probable que dans les cales se trouvaient les femmes et les enfants, et la plupart n'avaient pas de gilet de sauvetage. 104 passagers ont été secourus, tous des hommes, et le corps de 79 autres ont été repêchés. La zone où le naufrage a eu lieu est l'un des points les plus profonds de la Méditerranée avec des vents parfois violents. Les secours continuent leurs investigations mais sans beaucoup d'espoir de retrouver des survivants.

C'est toujours la même chose. Un navire dans un état lamentable est proposé par des passeurs cyniques et sans scrupules. Au prix fort. Pour ce cas-là, à Tobrouk, en Libye. La traversée aurait coûté 6 000 euros par personne et on imagine donc bien que ce ne sont pas les plus pauvres qui sont montés à bord (ni les moins cultivés). Les passeurs se moquent de savoir si leurs passagers arriveront vivants à destination, puisqu'ils ont reçu le pognon. Ce jeudi 15 juin 2023 dans la soirée, neuf passeurs égyptiens ont été interpellés soupçonnés d'être à l'origine de cette nouvelle tragédie qui risque d'être la plus meurtrière depuis quelques années : en 2022, en effet, (au moins) 44 personnes avaient péri en Méditerranée orientale, et en 2021, (au moins) 372. Combien le 14 juin 2023 ? On ne le saura probablement jamais. Des vies évaporées.

Pour dire à quel point l'émotion est très forte, le gouvernement grec a posé trois journées de deuil national. C'est beaucoup, d'autant plus que la Grèce est en pleine campagne des élections législatives. En effet, après la victoire du Premier Ministre sortant Kyriakos Mitsotakis, parce qu'il lui manquait quelques sièges pour atteindre la majorité absolue à cause d'un mode de scrutin éphémère (qui ne s'appliquait qu'aux seules élections du 21 mai 2023), de nouvelles élections législatives ont été organisées pour le 25 juin 2023, dans dix jours. Les deux grands leaders (Kyriakos Mitsotakis et son prédécesseur et adversaire Alexis Tsipras) ont annoncé qu'ils interrompait leur campagne en hommage aux victimes.

Cette énième tragédie dans la Méditerranée, ce n'est pas la première, ce ne sera hélas pas la dernière, rend triste et met en colère. Elle nous met mal à l'aise car elle nous fait éprouver nos valeurs, et la première de ces valeurs, universelle, c'est celle de la vie, de son caractère unique et sacré, de son caractère précieux et que se moquer de ces vies perdues, c'est tourner le dos à nos valeurs humanistes qui sont à la fois le fruit de notre histoire et la réalité de notre vie quotidienne.

Pleurer, oui, bien sûr, tant de gâchis humain, mais à quoi cela servira-t-il une fois de plus pour l'avenir ? Pointer la responsabilité, les responsabilités ? La première des responsabilités, c'est celle des passeurs qui sont des criminels, pire, des assassins car les conditions de traversée qu'ils proposent provoquent inévitablement ce genre de tragédie.

Dans le cas de cette semaine, un avion de l'agence européenne Frontex a survolé le bateau le 13 juin 2023 et lui a demandé s'il avait besoin d'aide. Il a répondu par la négative mais dans la nuit, il a appelé au secours et c'était déjà trop tard. Il devait débarquer en Italie du Sud, et pas en Grèce. Le contexte politique est difficile : dans les deux pays, Italie et Grèce, leur politique migratoire s'est durcie considérablement mais se heurte au mur de la réalité... et elle ne peut se confronter concrètement qu'à nos propres valeurs.

Alors, bien sûr, il y aura des débats, aussi stériles qu'électoraux, avec des cœurs de cibles (pour/contre), mais surtout, il n'y a pas de solution facile à trouver, le problème est très compliqué et il faut de l'imagination, de l'innovation, et surtout, balayer les arrières-pensées politiciennes.

D'un côté, on dit que nous ne pouvons pas nous occuper de toute la misère du monde. C'est un peu vrai, mais d'un autre côté, nous ne pouvons pas rester indifférents devant une telle tragédie et son renouvellement permanent. Un député RN osait évoquer une collusion entre les associations humanitaires et les passeurs. Outre que c'est n'importe quoi (ce sont les premières opposantes aux passeurs), c'est en plus hors-sujet car il n'était pas question d'elles dans ce drame, et leur présence aurait peut-être, au contraire, pu en sauver plus.

L'agence Frontex, qui a reçu plus de moyens récemment, a été accusée de laisser faire et certains ne comprennent pas pourquoi elle n'est pas intervenue pour secourir le navire avant son naufrage. Si les missions de Frontex ne sont pas humanitaires ni de secourir des naufragés, elles sont avant tout de préserver les frontières européennes, secourir des naufragés est un devoir quand on en a la possibilité, l'indifférence est une faute, et même un crime.

Je n'ai pas la solution si ce n'est empêcher qu'il y ait des passeurs sans scrupules, mais ce sont les gouvernements des pays de départ qui doivent les pourchasser. En revanche, je sais que durcir la politique migratoire des pays de destination ne servira à rien, sinon d'un point de vue électoraliste : les candidats à l'immigration se moquent bien de l'état de la législation des pays dans lesquels ils voudraient demander l'asile. S'ils risquent consciemment leur vie dans ce genre de traversée, c'est parce qu'ils n'ont plus d'autre choix et qu'ils doivent quitter leur propre pays. N'oublions pas que nous pourrions très bien les remplacer dans quelque temps, en tant que réfugiés climatiques, l'avenir n'est pas écrit.

Durcir les politiques migratoires dans la finalité d'empêcher ces tragédies marines, c'est la même erreur de raisonnement que de croire à l'effet dissuasif de la peine de mort (y a-t-il moins de crimes aux États-Unis qu'en France ?). C'est une situation de fait qu'il est peu efficace de vouloir empêcher (sans même compter au laïus bisounours la main sur le cœur d'aider le pays de ces candidats pour ne pas le quitter). Un pays qui n'est pas capable d'absorber l'arrivée de migrants qui correspondent à moins de 1% de sa population chaque année n'est plus une grande nation.

Il y a quelques mois, j'ai lu aussi une solution extrême mais qui n'a pas (encore) été explicitement défendu par un parti extrémiste en France fort heureusement : décider de ne plus venir en aide aux naufragés, les laisser mourir en mer, en contrevenant à toutes les règles internationales, et penser que la cruauté d'un pays le rendrait moins attractif pour les réfugiés qui sauront qu'ils ne seraient plus secourus en cas de naufrage.

Si on mettait en place cette politique sordide, cet égoïsme d'État, je doute que sur le long terme, ce serait efficace et que cela cesserait les candidatures à l'immigration. En revanche, je suis certain que, dans ce cas, nous aurions changé de société, changé de civilisation et que nous aurions jeté à la mer nos propres valeurs. C'est comme cela qu'on fait ce fameux "grand remplacement" (à la notion stupide), celui des valeurs et de la civilisation et nous en serions totalement responsables. En tout cas, ce n'est pas ce que je voudrais pour ma France, pour mon Europe, au cœur de l'humanisme.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (15 juin 2023)
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Pour aller plus loin :
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Grèce : la victoire de la raison sur les populismes.
L'Ocean Viking et la défense de la patrie.
Mehran Karimi Nasseri.
Le drame de l'Ocean Viking : bravo à la France et à Emmanuel Macron !
Incident à l'Assemblée : la sanction disciplinaire la plus lourde de la Ve République !
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

Les turbulences du droit de vote des étrangers.
Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
La misère du monde.
Éric Zemmour et l’obsession de l’immigration.
François Bayrou et la préservation du modèle sociale français.
Migration : la faute aux secours ? (blog de Koz du 18 juin 2018).
Documentation sur les sauvetages de migrants dans la mer Méditerranée depuis 2014.
Une collusion tacite des secours humanitaires avec les passeurs criminels ?
Le radeau Aquarius.
Aymen Latrous.
L’affaire Leonarda.
Mamoudou Gassama.
Donner sa vie.
L’esprit républicain.
Ce qu’est le patriotisme.
L'horreur en pleine mer : rien n'a changé.
Une politique d’immigration ratée.

_yartiMediterranee2023A03






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8 juin 2023 4 08 /06 /juin /2023 12:16

« Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. (…) Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? » (Voltaire).




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Qui pouvait imaginer que le cadre idyllique du lac d'Annecy (ce qui connaissent la région peuvent en témoigner), sous un ciel si clément, pourrait devenir synonyme de désolation, sidération et tragédie ? Ce jeudi 8 juin 2023 en début de matinée, un homme a attaqué au couteau des enfants qui jouaient simplement sur une aire de jeux près des berges du lac d'Annecy. Selon les premières précisions, plusieurs enfants seraient en urgence absolue, au pronostic vital engagé (deux enfants ?), des adultes seraient également blessés (dont un adulte en pronostic vital engagé aussi). Parmi les blessé, un enfant de 3 ans, un enfant de 2 ans et même un bébé de 22 mois.

J'espère de tout cœur que toutes les victimes seront sauvées et n'auront pas de séquelles. Leur agresseur a été maîtrisé et interpellé très rapidement par les force de l'ordre, qui ont été très efficaces et ont sans doute sauvé des vies par leur rapidité (elles sont arrivées quatre minutes après l'alerte) et c'est aussi une chance qu'il soit lui aussi en vie, malgré tous les sentiments de vengeance qui peuvent submerger le cerveau, car la mort des criminels ne résout rien, et surtout, ne permettent pas de les juger ni d'expliquer leur geste, si explication il peut y avoir. S'en prendre à des enfants de 2 ans...

Cela rappelle évidemment très amèrement les enfants massacré par Merah à Toulouse le 19 mars 2012, et plus généralement la succession tellement interminable d'attentats ou d'agressions qu'on pourrait imaginer gratuites (car ces enfants, de quoi étaient-ils coupables ? d'être joyeux et de jouer ? d'être nés ?). Après Toulouse et Montauban, après Paris, après Nice, après Rouen, après Marseille, après Strasbourg, après bien d'autres:villes en France (et plus généralement dans le monde), la belle ville d'Annecy est touchée par l'absurdité sanglante qui peut faire douter de l'humanité.

À l'Assemblée Nationale, dans l'hémicycle, alors que les députés s'apprêtaient à batailler autour de la proposition de loi déposée par le groupe LIOT pour rétablir l'âge du départ à la retraite à 62 ans (le groupe LIOT a finalement retiré sa proposition de loi), une journée qui s'annonçait encore stérile avec les postures des uns et des autres, le tragique est revenu au centre du débat. La Première Ministre Élisabeth Borne est partie pour Annecy afin d'être présente auprès des victimes, des forces de l'ordre, des soignants.

À l'annonce de la tragédie des enfants par la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet, les parlementaires ont réagi avec une belle unanimité dans l'émotion, la compassion et le soutien aux familles. Cela fait chaud au cœur que malgré les querelles politiciennes de petites envergures, le fondamental s'exprime de nouveau, les valeurs, nos valeurs qui font que tout être humain est unique et sacré, intouchable.

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Bien sûr, après le temps de l'émotion viendra, sans doute beaucoup trop rapidement, le temps de la polémique et les réactions habituelles, mais quelle loi pourrait empêcher qu'un individu, quel qu'il soit, fasse ces actes assassins ? Même mettre un vigile derrière chaque individu n'y suffirait pas. Interdire la vente des couteaux ? Mettre un portique à l'entrée de toutes les aires de jeux d'enfants ? Nous ne serons hélas jamais à l'abri des fous, déséquilibrés, ou des terroristes individuels qui pensent trouver leur salut en égorgeant des enfants. Pour autant, les pouvoirs publics doivent garantir la sécurité de tous.


D'après les premiers éléments de l'enquête (qui demandent à être confirmés), l'agresseur serait en possession d'un passeport syrien et d'une demande d'asile (il aurait obtenu un statut de réfugié en Suède). Il serait sur le sol français de manière légale. Il faudra le juger sévèrement, mais si un individu est prêt à perdre sa vie pour massacrer ses contemporains, quelle condamnation pourrait l'en dissuader ?

Et puis le débat pourrait se généraliser, et ce n'est hélas pas nouveau. Faudrait-il rendre plus sévères les conditions d'entrée sur le territoire français ? Et considérer que tous les candidats à l'immigration sont nécessairement de potentiels terroristes au risque d'insulter durablement la dignité et l'honneur des honnêtes personnes ?

Pour l'heure, la communauté nationale doit être rassemblée autour des victimes, que la Nation puisse apporter tout son soutien moral à ces enfants et leurs familles qui viennent d'être foudroyés pour avoir simplement vécu leur quotidienneté plaisamment.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (08 juin 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
L'attentat contre Salman Rushdie.
L’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice le 29 octobre 2020.
Samuel Paty : faire des républicains.
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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230608-attentat-annecy.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/emotion-compassion-et-soutien-aux-248727

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/06/08/39935171.html





 

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16 mai 2023 2 16 /05 /mai /2023 05:11

« Les personnes de tendance homosexuelle sont des enfants de Dieu, Dieu les aime, Dieu les accompagne. (…) Condamner une telle personne est un péché, criminaliser les personnes de tendance homosexuelle est une injustice. » (le pape François, le 5 février 2023).




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Ce mercredi 17 mai 2023 marque le dixième anniversaire de la promulgation de la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. En d'autres termes, le mariage pour tous était né. Le Président François Hollande a promulgué cette loi le jour même de sa validation par le Conseil Constitutionnel, le 17 mai 2013 (comme quoi, c'est très courant de promulguer une loi le même jour que sa validation constitutionnelle, j'écris cela à propos de la réforme des retraites dont la promulgation rapide a été ressentie comme une provocation par certains opposants ignorant les procédures constitutionnelles).

Entre 2013 et 2023, près de 70 000 mariages de personnes du même sexe ont été célébrés en France, soit environ 7 000 par an en moyenne (beaucoup plus en 2014, beaucoup moins en 2020), soit 3% du total des mariages célébrés.

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À Paris, ils représentent un peu plus de 9% des mariages célébrés à Paris, dont les trois quarts pour des couples d'hommes et le quart restant pour des couples de femmes. La ville de Paris organise un bal populaire le mercredi 17 mai 2023 sur la place de l'Hôtel de Ville pour fêter ces dix ans.

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Inutile de dire que si l'objet de cette loi continue à nourrir des oppositions, ces dernières sont de plus en plus faibles et aujourd'hui, aucun parti en capacité de gouverner la France (seul ou avec des alliances) ne propose sa remise en cause. De toute façon, qu'on fût pour, contre ou sans opinion (comme certains députés à l'époque), il était certain qu'une fois adoptée, cette loi ne pouvait plus être abrogée, ne serait-ce qu'en raison du principe sacro-saint de l'égalité entre les citoyens. En effet, comment interdire à l'avenir deux personnes de même sexe de s'unir par le mariage alors que d'autres, précédemment, l'ont déjà été ? Et que vaudraient les mariages déjà acquis ? Remis en cause (la rétroactivité des lois est une interdiction constitutionnelle formelle) ? Acceptés et dans ce cas, inégalité des citoyens.

Moi-même, j'étais mollement réticent à l'époque. Je ne considérais pas qu'il fallait y puiser toute son énergie pour s'y opposer, comme ce fut le cas de la Manif pour tous, car j'estimais (et estime toujours) qu'il y a des combats bien plus importants, celui par exemple pour s'opposer à l'euthanasie, mais aussi, même si c'est trop tard, s'opposer aux lois qui permettent désormais l'expérimentation sur des embryons humains (il faut reconnaître que cette question est très technique).

Je considérais simplement que le mariage était une institution sociale, la dernière qui fasse sens après l'effondrement de tant d'autres comme liant social (l'Église, l'armée, l'école, l'entreprise, etc.), et qu'elle représentait la famille, c'est-à-dire, dans le schéma traditionnel, une femme, un homme et, le cas échéant, des enfants, et que ce schéma avait ce nom de mariage. Je n'étais évidemment pas opposé à ce que les couples de personnes de même sexe fussent reconnus formellement ni qu'ils puissent avoir les même garanties tant fiscales que financières (succession, reprise de bail, etc.), et il est vrai qu'en cas de décès, le survivant n'était, avant le PACS, rien du tout face à la société, à l'État et surtout à la famille du disparu.

En revanche, je n'ai jamais eu de réticence sur l'adoption d'enfants par un couple de personnes de même sexe. Il existe mille situations familiales différentes et l'éducation et l'amour qu'on porte à un enfant ne dépendent, à mon sens, ni de son orientation sexuelle ni de son statut civil. Du reste, des personnes seules pouvaient déjà adopter un enfant, ce dernier n'avait donc pas de modèle d'une personne du sexe différent de l'adoptant, ce qui reste le cas désormais dans un couple homosexuel. De même, un enfant peut être malheureux dans le cadre très traditionnel d'une famille que j'oserais encore dire normale, c'est-à-dire un homme, une femme, des enfants, sans recomposition ni décomposition par les séparations et unions diverses et variées. Pour moi, ce qui compte le plus est d'une part, l'amour qu'on porte à l'enfant (et tout le monde peut aimer), d'autre part, dans tous les cas, y compris la GPA, la vérité à dire le plus tôt possible à l'enfant, dire son origine. Aimer et respecter.

Bien entendu, je suis opposé à la GPA parce qu'elle entraîne d'autres problèmes éthiques majeurs (la marchandisation du corps humain, l'exploitation des femmes les plus pauvres devenues mères porteuses et la séparation des bébés qui me paraît aller à l'encontre de l'intérêt de ces bébés), et pour la PMA, je reste mitigé : je n'y suis pas opposé dès lors que l'enfant est dans la possibilité de connaître son origine biologique, ce qui est désormais le cas (c'est la même loi qui autorisait l'expérimentation sans autorisation sur les embryons humains).

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Sur le mariage pour tous, cela fait longtemps que je n'ai plus de réticence, déjà en raison de la loi (on est légaliste ou on ne l'est pas), ensuite parce que finalement, il n'induit pas une révolution sociale générale (au contraire de ce que prédisaient certaines alarmistes), c'est seulement la possibilité d'une formalisation d'un nombre très restreint de couples (quelques milliers par an). L'institution du mariage a résisté beaucoup plus difficilement aux assauts des lois sur le divorce, par exemple (que je ne remets toutefois pas en cause non plus).

Pour l'anecdote, on a souvent cité le mariage le 5 juin 2004 à Bègles par Noël Mamère (son député-maire) du premier couple homosexuel, mais il ne compte pas puisqu'il a été annulé le 27 juillet 2004 par le tribunal de grande instance de Bordeaux (définitivement le 13 mars 2007). En fait, le premier mariage homosexuel, paradoxalement, a été célébré bien avant la date de promulgation de la loi sur le mariage pour tous, le 4 juin 2011 à la mairie (prestigieuse) de Nancy, en Lorraine. En effet, Élise et Stéphanie se sont mariées et personne n'a eu rien à redire, pas même les juges ni l'État. D'ailleurs, l'adjoint au maire qui l'a célébré s'est bien gardé de prendre un seul risque en demandant préalablement l'autorisation du procureur de la République qui la lui a donnée. Stéphanie était alors une femme transsexuelle qui n'avait pas encore été reconnue par l'État comme une femme et selon l'état-civil, elle était un homme, ce qui ne posait pas de problème pour ce mariage qui n'avait rien d'une provocation.

Le dixième anniversaire du mariage pour tous est l'occasion aussi de se pencher non seulement sur les actes d'homophobie mais aussi de LGBTIphobie. SOS Homophobie publie chaque année (depuis 1996) un rapport (en horrible écriture inclusive) sur ces actes d'agression, mais basé principalement sur les témoignages (1 506 en 2022) que cette association recueille régulièrement de différentes manières (2013 avait été l'année record avec 3 517 témoignages, probablement en rapport avec la haine suscitée par le débat public sur la loi sur le mariage pour tous).

Le rapport est une chronique de la haine ordinaire. Il serait instructif de connaître d'ailleurs la part des agressions (petites ou grandes) homophobes et transphobes, j'aurais tendance à imaginer une diminution de l'homophobie au profit de la transphobie (les personnes transgenres sont plus visibles qu'auparavant), ce serait plutôt rassurant, car cela signifie une plus grande tolérance pour l'homosexualité mais moins pour les orientations ou identités sexuelles plus "particulières".

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Ce rapport commence en fustigeant l'ancienne ministre Caroline Cayeux qui a eu un mot malheureux en parlant des personnes homosexuelles (« ces gens-là ») ainsi que le gouvernement en général, un peu excessivement en surinterprétant une simple maladresse de langage : « Qui aurait pu penser qu’en 2022, les personnes LGBTI seraient méprisées par une ministre en poste et une partie du gouvernement en place ? Caroline Cayeux a bien été poussée à démissionner, mais ce n’est cependant pas à cause de ses propos tenus sur Public Sénat, celle-ci disant avoir "beaucoup d’amis parmi ces gens-là". Ce n’est pas non plus à la suite d’une réaction du reste du gouvernement d’Élisabeth Borne, dont certains membres n’évoquaient là qu’une "erreur" après laquelle il aurait fallu "passer à autre chose". Passer à autre chose ? Impensable. Car lorsque la parole LGBTIphobe s’exprime librement et sans la moindre conséquence au plus haut niveau de l’État, elle légitime les comportements violents dans tout le reste de la société. "Ces gens-là" sont aujourd’hui toujours victimes d’agressions en raison de leur orientation sexuelle et amoureuse et/ou de leur identité de genre. ».

Plus justement, le rapport est dédié « à Lucas, qui a mis fin à ses jours en janvier 2023, après avoir été victime de haine LGBTIphobe et de harcèlement scolaire ». La haine tue alors qu'on peut croire que ces agressions quotidiennes sont des petits actes, certes lâches mais sans conséquences. Les nombreux témoignages du rapport sont édifiants et montrent qu'il y a encore du chemin à parcourir dans la tolérance : chacun a le droit de vivre comme il le pense, tant qu'il respecte les lois de la République.

Au cours d'une conférence de presse le 5 février 2023, lors de son vol vers le Soudan du Sud où il se rendait, le pape François a précisé sa "position" sur l'homosexualité ; aucune personne ne doit être rejetée. Il a expliqué : « Je me suis exprimé sur cette question lors de deux voyages : d’abord, en revenant du Brésil : si une personne de tendance homosexuelle est croyante et cherche Dieu, qui suis-je pour la juger ? C'est ce que j'ai dit lors de ce voyage. Ensuite, en revenant d'Irlande (…), j'ai dit là clairement aux parents : les enfants qui ont cette orientation ont le droit de rester à la maison, vous ne pouvez pas les chasser de la maison, ils ont le droit à cela. (…) La criminalisation de l'homosexualité est une question qu'il ne faut pas laisser passer. Le calcul est, plus ou moins, que cinquante pays, d'une manière ou d'une autre, conduit à cette criminalisation. Certains disent qu’il y en a plus, disons au moins cinquante. Et certains d'entre eux, je pense qu'ils sont dix, prévoient également la peine de mort, ouverte ou cachée, mais la peine de mort. Ce n'est pas juste, les personnes de tendance homosexuelle sont des enfants de Dieu, Dieu les aime, Dieu les accompagne. ». Ceux qui revendiquent leur foi chrétienne pour rejeter les personnes homosexuelles n'ont rien compris à l'Évangile et devraient revenir aux fondamentaux du christianisme : aime ton prochain comme toi-même !


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (14 mai 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
Six ans plus tard.
Mariage lesbien à Nancy.
Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
Ciel gris sur les mariages.

Les 20 ans du PACS.
Ces gens-là.
L’homosexualité, une maladie occidentale ?
Le coming out d’une star de la culture.
Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
La PMA pour toutes les femmes.
L’avortement, hier et aujourd’hui.
Le fœtus est-il une personne à part entière ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230517-mariage-pour-tous.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/le-mariage-pour-tous-10-ans-plus-248212

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/05/16/39910347.html








 

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