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8 décembre 2016 4 08 /12 /décembre /2016 06:31

« J’appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques à voter pour moi, à s’inscrire dans leur mairie et à colporter la nouvelle. » (Coluche, le 30 octobre 1980 à Paris).



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Je reviens sur la candidature de l’ancien ministre Emmanuel Macron. Il est allé à Bobigny le 16 novembre 2016 pour l’annoncer solennellement.

Emmanuel Macron a toujours eu des soucis d’agenda. Il avait prévu de démissionner du gouvernement juste après le 14 juillet 2016 mais l’attentat de Nice l’en a empêché. Pour sa candidature, il avait intérêt à se déclarer avant la candidature éventuelle de François Hollande, pour ne pas lui paraître hostile, mais le plus tard possible pour laisser les sondages confirmer son haut niveau d’intentions de vote (et pour pondre un programme présidentiel qu’il n’a toujours pas encore rédigé).

Il n’avait donc pas beaucoup de possibilités avant l’hiver s’il ne voulait pas être balayé par d’autres vagues médiatiques que la sienne. Car rappelons-le une fois encore, j’en suis toujours très étonné, Emmanuel Macron jouit d’une couverture médiatique dont aucune autre personnalité médiatique, y compris François Hollande et Manuel Valls, ne peut bénéficier. Le candidat chouchou des médias.

Donc, pour rester dans son propre "système" (médiatique), il devait faire sa déclaration avant celle des prétendants socialistes et même avant la désignation finale du candidat du parti Les Républicains, pour ne pas avoir l’impression de se décider en fonction d’eux. Il a donc choisi le 16 novembre 2016, coincé entre les retombées de l’élection de Donald Trump et le débat pour la primaire LR entre François Fillon et Alain Juppé.

J’ai trouvé les médias très indulgents sur sa déclaration de candidature. Pourquoi ? Parce que je l’ai trouvée très médiocre, dans un décor en carton-pâte, à la fois très traditionnel et sans originalité (fond bleu avec drapeaux) et très artificiel (le décor a été installé à la hâte dans le hall et a été immédiatement démonté une fois la déclaration terminée).

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Sur le fond, les phrases étaient creuses et naïves. Elles sentaient bon l’exaltation de l’homme nouveau, presque de l’homme providentiel, mais il n’y avait rien de concret, aucune densité, aucune vision. Quelques mesures proposées par le bout de la lorgnette, sans cohérence, un peu démagogiques pour faire de la récupération parmi les déçus de tous les partis traditionnels. Où est le programme ? À part quelques slogans gentils ?

Parlons des partis. Il est vrai que les partis politiques n’ont pas bonne presse. On leur reproche notamment d’être partisans ! d’être soucieux de l’intérêt partisan. Mais c’est justement leur but. C’est même constitutionnel. L’article 4 de la Constitution explique vaillamment : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. » (4 octobre 1958).

On est ou on n’est pas perméable aux luttes d’appareil. Certaines personnalités très respectables ont été incapables de jouer dans les appareils. Je peux en citer quelques-unes : Simone Veil, Raymond Barre, Robert Badinter, Michel Rocard, Jacques Delors, Ségolène Royal, et même François Fillon. Il y a des cerveaux architecturés pour l’esprit de parti, comme Jean-Christophe Cambadélis ou Jean-François Copé, par exemple (il y en a plein d’autres, dont François Hollande, François Bayrou, Alain Juppé, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Mitterrand, etc.).

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Emmanuel Macron, c’est un peu différent. Il n’est pas anti-partis politiques en général, mais anti-partis politiques actuels sauf le sien. C’est-à-dire qu’il aurait bien voulu avoir un parti politique à son service. Comme l’appareil du PS. Étant convaincu qu’il ne l’obtiendrait jamais, il a préféré esquisser sa démarche présidentielle hors de la primaire PS.

La preuve, c’est qu’il a justement fondé un nouveau parti le 6 avril 2016 à Amiens. Son nom ("En Marche") rappelle évidemment ses initiales, ce qui fait un peu le parallèle avec le pseudo "Rassemblement bleu marine" dont l’appellation ne tient qu’à Marine Le Pen. En Marche est un mouvement à l’origine virtuel. C’est-à-dire, qui s’active sur Internet, dans les réseaux sociaux, à l’instar de "Désirs d’avenir" de Ségolène Royal avant mai 2007 et du MoDem juste après mai 2007.  Plus de 100 000 adhérents sont revendiqués. 115 000 même en début décembre 2016. Mais l’adhésion est gratuite. D’habitude, c’est entre 10 et 30 euros, dans les autres partis.

Bon, ce mouvement n’est plus vraiment virtuel depuis plusieurs mois. Il y a des centaines de réunions partout dans le pays. Plus de 2 500 comités locaux ont été mis en place sur tout le territoire pour relayer la bonne parole. Mais il y a une force très faible de militants et d’élus. Quand j’écris militants, c’est pour dire militants politiques qui ont déjà fait campagne. La plupart des adhérents sont des jeunes ou des personnes qui n’étaient encore engagées dans aucun parti existant jusqu’à maintenant.

Chaque meeting tenu par Emmanuel Macron a eu un grand succès de participation, à la Mutualité à Paris, à Strasbourg, à Montpellier, etc., si bien que le prochain, prévu le 10 décembre 2016 à 14 heures 30, aura lieu dans le Hall 6 du Parc des Expositions de Paris, à la Porte de Versailles. Emmanuel Macron a vu gros.

Sondages, participation aux meetings, maillage territorial, c’est vrai qu’Emmanuel Macron peut croire en ses chances. D’autant plus qu’il n’a jamais hésité à récupérer les événements à son profit. Par exemple, l’élection de Donald Trump.

Dès la nouvelle annoncée, il a fait un peu de récupération : « Cette élection montre que rien n’est jamais écrit à l’avance. Il faut toujours écouter ce que le peuple a à dire et non ce qu’on aimerait qu’il dise. Cette élection me paraît être l’expression d’un rejet du système profond, et sous-estimé. (…) Le même que j’entends depuis deux ans que je me suis engagé publiquement sur la scène politique. Ce rejet rend impossible de demeurer dans le statu quo dans lequel notre pays s’est englué depuis trente ans. » (9 novembre 2016).  De la belle manœuvre politicienne comme tout ce qu’il dénonce !

C’est amusant qu’il ait déclaré cela car lui, au contraire de ce qu’il veut laisser croire, est le candidat du système par excellence, venu à la politique par la grande porte (l’Élysée) et pas par la base (électorale). C’est lui que les médias encensent encore aujourd’hui, au contraire de …Donald Trump !

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Quand Emmanuel Macron a déclaré sa candidature, Jean-Marie Le Pen, qui est un fin connaisseur de la vie politique française tout en étant un polémiste provocateur, lui a prédit un résultat entre 3 et 4%. Emmanuel Macron représente à l’évidence quelque chose, mais quoi ? Un peu à la manière de Jean-Jacques Servan-Schreiber qui, après une dizaine d’années de vie politique et d’agitations médiatiques, parfois très exaltantes, a fini avec 1,8% aux élections européennes du 7 juin 1979…

Le parti d’Emmanuel Macron a reçu quand même quelques soutiens d’élus locaux et de parlementaires. Il faut être clair : à part Renaud Dutreil, ancien (jeune) ministre d’il y a quinzaine d’années, aucun ne provient de la droite ou du centre mais tous du PRG ou du PS, avec cette angoisse de devoir être représenté par une nouvelle candidature de François Hollande (à l’époque fort probable).

Imaginez le renouveau avec Gérard Collomb (69 ans), sénateur-maire de Lyon, vieux crocodile dans la mare politique lyonnaise depuis cinquante ans (déjà député en 1981 !), premier des soutiens d’Emmanuel Macron !

Évidemment, on pourrait imaginer des ralliements plus prestigieux que quelques députés socialistes à faible notoriété (courageux quand même, car ils risquent leur exclusion du PS, ce qui pourrait leur être fatal aux législatives de juin 2017). Par exemple, Ségolène Royal qui a toujours vu d’un œil bienveillant l’initiative de son collègue Macron.

Ce qui est plutôt malsain, avec "En Marche", c’est un discours qui s’apparente presque à celui d’une secte. Oh, je ne soupçonne pas du tout Emmanuel Macron de vouloir des adeptes pour les dévaliser, mais c’est une secte d’agence de publicité, de boîte de communication, avec un vocabulaire désormais spécifique aux membres de ce mouvement (par exemple, ils ne sont pas appelés "camarades" ni "compagnons", mais "marcheurs" !). Dans le discours, il y a une grande part d’infantilisation qui reste acceptable aux jeunes et aux novices qui viennent de s’engager dans la politique (qui n’ont fait aucune campagne électorale) mais peut devenir vite insupportable aux plus expérimentés.

L’énarque Emmanuel Macron a réussi pour l’instant là où l’énarque Bruno Le Maire a échoué, à savoir rassembler autour de sa personne des personnes en général de catégories sociales favorisées, conscientes de la nécessité de renouveler l’offre politique pour éviter l’arrivée au pouvoir de partis extrémistes. La baudruche Bruno Le Maire s’est dégonflée dès lors qu’il a fallu discuter fermement sur le projet présidentiel. Je pense qu’il en sera de même pour Emmanuel Macron lorsqu’il devra débattre de son (non) programme.

Information surprenante. En 2007, le Premier Ministre François Fillon avait fait appel à ses services : il aurait voulu l’engager à Matignon pour travailler ensemble, et finalement, Emmanuel Macron a décliné l’offre. Il n’a pas eu tort, car il s’est en définitive retrouvé au cœur de la campagne présidentielle du candidat François Hollande en 2012. C’est lui qui s’est occupé des questions économiques.

Mieux, entre le printemps 2012 et l’été 2014, Emmanuel Macron fut le numéro deux de la maison Élysée, comme secrétaire général adjoint chargé des questions économiques. Autant dire que toutes les mesures économiques ou antiéconomiques de François Hollande viennent de lui dès 2012 ! Comme la fameuse mais inefficace "boîte à outils" qui n’était qu’une resucée de mesures très anciennes et vieillottes des années 1980.

Manuel Valls aurait voulu le nommer Ministre du Budget en avril 2014 lors de la formation de son premier gouvernement, mais François Hollande a refusé, préférant nommer ministres des élus. Lors de l’éviction d’Arnaud Montebourg, en août 2014, son nom est naturellement revenu à l’esprit. Et pas sur un strapontin gouvernemental, à Bercy, dans un grand ministère.

Après l’ombre, la lumière. Emmanuel Macron est donc évidemment pleinement responsable de la politique économique désastreuse de François Hollande entre le 15 mai 2012 et le 30 août 2016 (date de sa démission). Faire croire qu’il n’a pas à assumer le bilan de François Hollande est une arnaque intellectuelle.

La semaine qui vient de passer a changé complètement la donne politique. Emmanuel Macron, qui était vu comme un "traître" vis-à-vis de François Hollande à qui il doit tout, ne l’est plus. François Hollande n’étant plus candidat, il ne peut plus lui faire d’ombre, et comme il avait scrupuleusement fait attention à ne rien dire d’irréconciliable sur son ancien mentor, il pourrait même nourrir l’espoir fou d’avoir maintenant le soutien de l’Élysée.

La candidature de Manuel Valls change également la donne dans la mesure où maintenant, les parlementaires socialistes savent à quel saint se vouer. Manuel Valls a réuni environ 150 députés socialistes le soir du 6 décembre 2016, ce qui montre bien que maintenant qu’il est déclaré, la situation arrête d’être liquide.

Même s'il vient de recevoir le soutien très symbolique de Thomas Hollande, fils du Président, Emmanuel Macron risque de pâtir de la candidature de Manuel Valls, non seulement dans ses soutiens socialistes, mais aussi dans les intentions de vote. Auparavant, dans l’esprit du public, il n’y avait aucune candidature entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Désormais, l’espace est pris par Manuel Valls qui, lui, sait ce qu’est une campagne présidentielle pour avoir dirigé (la communication de) celle de François Hollande en 2012 (la crypto-candidature esquissée le 7 décembre 2016 par Vincent Peillon n'a pas en revanche de raison de bouleverser l'offre politique).

Ce n’est pas un hasard si Emmanuel Macron a insisté sur sa loyauté vis-à-vis de François Hollande en laissant entendre que la loyauté de Manuel Valls laissait à désirer. Brutus a changé de camp.

Il reste néanmoins que, face à une surreprésentation médiatique, le programme d’Emmanuel Macron est vide. Or, ce qui a fait le succès de François Fillon, c’est justement d’être rigoureux et précis dans ce qu’un candidat entend faire réellement une fois élu. Pour Emmanuel Macron, à part "le chômage, ce n’est pas bien", et "la sécurité, il en faut", on attend toujours quelques mesures concrètes et fortes qui pourraient caractériser sa candidature, à défaut d’une vision politique solide.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 décembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Ramasse-miettes du système politique français.
JJSS, un Macron des années 1970.
Le Centre aujourd’hui.
Manuel Valls.
Bernard Cazeneuve.
François Hollande.
Primaire socialiste de 2016.
Une colombe dans un nid de crocodiles.
Hollande démacronisé.
Michel Rocard.
Populismes.
Mystère ou Mirage Macron ?
Discours d’Emmanuel Macron le 8 mai 2016 à Orléans (à télécharger).
La vivante énigme d’Emmanuel Macron.
Le saut de l'ange.
La Charte de En Marche (à télécharger).
Emmanuel Macron à "Des paroles et des actes" (12 mars 2015).
La loi Macron.
François Bayrou.
Casser le clivage gauche/droite.
Paul Ricœur.
La France est-elle un pays libéral ?

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161116-macron.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-ramasse-miettes-du-187322

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/12/08/34661208.html

 

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commentaires

D
M.Macron n'a pas le niveau pour pouvoir bien gouverner la France dans les années à venir.Si l'on suit ces gens qui ont une très haute idée d'eux-mêmes (alors qu'en fait la trace qu'ils laissent dans la mémoire collective est insignifiante)il n'y a pas de problème dans les hôpitaux,dans les campagnes,dans la police,dans l'enseignement (y compris supérieur),dans la jeunesse.Tous les enjeux majeurs qui nous occuperont demain,qui mobilisent pourtant déjà la réflexion,l'énergie,l'intelligence de très nombreux Français sont tout simplement passés sous silence,oubliés,escamotés.C'est la raison pour laquelle ces "responsables" amusent les électeurs depuis déjà assez longtemps.Non seulement les problèmes ne sont jamais pensés mais en plus de cela les préconisations avancées ne peuvent que faire empirer la situation.Un exemple:l'idée absurde consistant à ne plus faire peser les prélèvements sociaux sur les revenus du travail mais sur la fiscalité (directe & indirecte).Le démantèlement de la Sécurité sociale (à laquelle pourtant même la droite s'est ralliée),envisagé à terme inévitablement est d'une stupidité sans nom.Ces "responsables" politiques dont la légitimité ne repose même pas sur le suffrage universel sont d'un niveau tellement affligeant qu'ils portent atteinte à la dignité du peuple français.C’est une source de désespoir.Nous devons renouer avec la politique en nous appuyant sur des leaders dignes de ce nom,à la hauteur des enjeux,des évènements,des défis.Yannick Jadot,Benoït Hamon,Jean-Luc Mélenchon ont le niveau pour faire face à une situation difficile pour la France :de nombreux problèmes trouvent des solutions,les vrais enjeux sont dits et pensés.Des millions et des millions de Français aspirent au vrai changement.Nous pouvons changer le cours des choses.
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