« Le référendum a été perdu pour une raison simple : parce que c’était un référendum. Le référendum souffre d’une faiblesse congénitale. Car dans un référendum, le "oui" est au singulier et le "non" est au pluriel. » (Valéry Giscard d’Estaing, le 23 septembre 2005 à Paris). Première partie.
Plusieurs jours après le référendum du 23 juin 2016 au Royaume-Uni, il serait question de trouver une pirouette pour éviter le Brexit. "Le Monde" a même mis en une ce mardi 28 juin 2016 ce titre : "Royaume-Uni : le Brexit peut-il ne pas se produire ?".
Contourner le peuple britannique ?
Certains évoquent l’idée d’un second référendum, demandé par une pétition sur Internet qui a recueilli 4 millions de signataires (certaines signatures sont frauduleuses et n’émanent pas du Royaume-Uni mais celles-ci sont supprimées en temps réel ; le pétition provient du site officiel du Parlement britannique qui s’engage à discuter du sujet d’une pétition lorsque celle-ci dépasse 100 000 signatures).
Cette pétition fut d’ailleurs initiée le 25 mai 2016 par Olivier Healey, un étudiant pro-Brexit qui craignait que le Bremain l’emportât au référendum ! Il proposait qu’un second référendum ait lieu dans le cas où aucune des deux réponses n’aurait recueilli au moins 60% et où la participation aurait été inférieure à 75%. Ces deux conditions sont effectivement remplies. Aujourd’hui, l’auteur de la pétition ne veut plus de nouveau référendum et est dépassé par son initiative. Une pétition a évidemment beaucoup moins de valeur politique (et juridique) qu’un référendum…
D’autres rappellent que la Chambre des communes est très majoritairement hostile au Brexit mais peut-on imaginer les députés ne pas se conformer au peuple qu’ils représentent ? Plus réalistes, d’autres enfin imaginent des élections législatives anticipées en automne 2016 et en cas d’élection d’une majorité de députés défavorables au Brexit, il serait alors possible de remettre en cause le vote du 23 juin 2016 par cette nouvelle légitimité.
En fait, vouloir contourner le vote en faveur du Brexit ne peut qu’apporter de l’eau au moulin tonitruant des populismes de toutes sortes. Chose curieuse : Boris Johnson, le député conservateur pro-Brexit (qui était pourtant pro-européen en 2015), est le premier à vouloir traîner les pieds et à ne pas réaliser le Brexit. Tandis que ce sont les plus chauds partisans de la construction européenne qui veulent aller vite dans le Brexit, afin de réduire au maximum cette période d’incertitude qui va immobiliser toute la vie économique et financière de l’Europe pendant de longs mois. Mieux : le Parlement Européen a voté ce 28 juin 2016 une résolution pour que le Royaume-Uni active "immédiatement" la procédure de retrait (article 50 du Traité de Lisbonne). Les mauvais joueurs ne sont pas forcément ceux qu’on imagine.
Les majorités qualifiées
L’idée de mettre des seuils aux référendums n’est pas forcément stupide. Lorsque la décision engage clairement l’avenir d’un pays sur plusieurs décennies (ce qui est le cas du Brexit, ce qui n’est pas le cas du quinquennat, pour prendre deux exemples), on peut imaginer en effet que le peuple puisse décider sans être coupé en deux, avec une large majorité. Pourquoi 60% selon l’étudiant pro-Leave, comme pour une révision constitutionnelle au Parlement français réuni en Congrès ? pourquoi pas deux tiers (67%) ? C’est le problème de donner des seuils, aucun ne se justifie sauf le 50% plus une voix.
Néanmoins, un commentateur sur Agoravox (Oncle Archibald) rappelait avec mesure et bon sens, le 25 juin 2016, que les décisions entre copropriétaires sont plus contraignantes pour des enjeux nettement moindres : « Moi, ce qui me sidère dans les votes démocratiques, c’est que pour prendre une décision aussi lourde que la sortie de l’Europe des Britanniques ou le choix d’un Président pour la France, on peut se contenter d’une majorité de quelques voix au-delà des 50% de votants, quel que soit le niveau de participation au scrutin, tandis que dans une copropriété, on ne peut pas décider de supprimer le poste de concierge ou de mettre un portail automatique à l’entrée des parties communes sans une majorité des deux tiers ! Étonnant, non ? ».
On pourrait même dire que moins de 1,3 millions d’électeurs britanniques (la différence entre "leave" et "remain") risquent de mettre à mal une organisation de 500 millions d’habitants…
Mais la règle démocratique est pourtant simple. Il serait impossible, dans l’état actuel du paysage politique en France (et probablement dans les autres pays, le cas échéant), d’avoir un candidat élu à l’élection présidentielle très largement, sauf dans des cas très rares (comme le 5 mai 2002). On tomberait vite dans des crises politiques terribles si le seuil de 50%, obligatoirement franchi dans un second tour avec deux seuls candidats restants, n’était pas suffisant.
De même, c’est vrai qu’une décision importante comme le Brexit aurait mérité d’avoir une adhésion plus franche et massive du peuple britannique. Néanmoins, en appliquant une règle des trois cinquièmes, par exemple, beaucoup de projets auraient été rejetés par référendum malgré une majorité favorable. Avec de très faibles contraintes, on peut déjà donner l’exemple du référendum sur la "grande Alsace" le 7 avril 2013 avec une majorité générale en faveur du projet de regroupement de 57,7% des suffrages exprimés mais avec une participation beaucoup trop faible (aucun des deux départements n’a voté "oui" à au moins 25% des électeurs inscrits). Tant pis pour les Alsaciens ; cela a abouti, deux ans plus tard, à leur fusion avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne dans une grande région qui aurait pu s’appeler "nouvelle Austrasie" (finalement, simplement "Grand Est" depuis le 4 avril 2016).
Alternative organisée… ou pas
On peut aussi s’interroger sur l’alternative proposée par un référendum. En général, comme pour un nouveau traité européen, le choix est entre le statu quo et un projet bien précis, et le choix, c’est pour ou contre ce projet bien précis.
Or, le référendum britannique du 23 juin 2016 était très différent : il était entre le statu quo (remain) et le Brexit (leave), mais le Brexit n’est pas un projet précis, pas un texte précis. Beaucoup de gens ont voté pour le Brexit avec des motivations totalement différentes (Europe trop bureaucratique et pas assez libérale, ou au contraire, Europe pas assez protectrice socialement, délégation de la souveraineté nationale, etc.).
Motivations différentes, comme l’exprime la citation de Valéry Giscard d’Estaing sur le "non" au pluriel (mais ce n’est pas nouveau dans une consultation électorale), mais surtout, conséquences très incertaines. En effet, le vote en faveur du Brexit n’a donné aucune indication sur la nature des relations que le peuple britannique voudrait avoir avec l’Union Européenne : aucune ? en association comme la Turquie ? en négociations commerciales spécifiques comme la Suisse ? dans l’Espace économique européen comme la Norvège, l’Islande… ce qui coûterait quasiment aussi cher que l’appartenance à l’Union Européenne ?
Cela montre que ce référendum a été mal préparé : on ne sait pas ce qu’il va se passer avec l’une des deux réponses possibles. Tout sera en fonction de l’interprétation qu’en donnera le prochain gouvernement britannique …sans mandat clair du peuple britannique à ce sujet ! C’est sans doute pourquoi des élections législatives anticipées avec une campagne centrée sur le Brexit paraît incontournable.
L’une des grandes différences entre la IVe République et la Ve République fut la capacité des députés à renverser le gouvernement. Sous la IVe République, il suffisait qu’une majorité s’opposât à un sujet ponctuel pour faire sauter le gouvernement. Sous la Ve République, au contraire, les députés ne peuvent pas renverser le gouvernement sans proposer majoritairement une autre voie : les motions de censure sont donc rarement votées en mélangeant des motivations parlementaires très différentes. C’était encore le cas le 12 mai 2016 avec le 49-3 et la motion de censure déposée par LR et l’UDI qui n’a pas reçue le soutien des députés de gauche s’opposant à la loi El-Khomri (les incantations de Jean-Luc Mélenchon du 10 mai 2016 n’ont pas suffi).
Le renversement de la politique européenne du Royaume-Uni depuis quarante-trois ans aurait donc dû se faire au profit d’un projet alternatif, à savoir, d’une voie claire du Brexit : voie norvégienne, voie suisse, voie turque ou aucune relation avec l’Union Européenne. Mais rien de cela n’a été anticipé, au point qu’on aurait pu croire que ce référendum était une vaste opération de bluff pour les deux camps.
La souveraineté populaire
La démocratie est le pouvoir du peuple. C’est juste de l’étymologie grecque, mais une fois dit cela, on n’a rien dit. La question, c’est : comment le peuple peut-il exercer concrètement le pouvoir ? Toute personne ayant pris des responsabilités dans une association, voire dans une entreprise a dû s’en apercevoir : à partir de trois personnes, un groupe est facilement "ingérable" si l’on n’a pas adopté un ensemble de règles du "vivre ensemble". À l’échelle d’un État, cela s’appelle une Constitution.
En France, la Constitution du 4 octobre 1958 précise dans son article 2 : « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » (reprenant la fameuse formule du Président américain Abraham Lincoln prononcée le 19 novembre 1863 à Gettysburg), et dans son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. ».
Cette organisation du pouvoir du peuple est donc structurée par une strate intermédiaire, les représentants du peuple. Ce sont les parlementaires, le gouvernement, le Président de la République qui, élus par le peuple, agissent au nom du peuple. On voit à quel point la démocratie représentative (donc) est nécessaire dans un pays de 67 millions d’habitants. Mais elle est déléguée à une classe politique …qui n’est qu’à l’image du peuple.
Si les électeurs réélisent depuis des dizaines d’années des repris de justice, par exemple, la responsabilité incombe plus à ces électeurs qu’à ces repris de justice eux-mêmes (note : malgré son investiture LR obtenue le 20 juin 2016 de la commission nationale d’investiture, Patrick Balkany vient officiellement, ce 28 juin 2016, de renoncer à se représenter aux législatives de juin 2017).
Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, la vie politique était donc organisée en France d’une façon assez pyramidale : un candidat à la représentation du peuple annonce la couleur, il est élu ou battu. S’il est élu, il se battra pour se faire réélire, et ainsi de suite. Entre deux élections, il a tout le pouvoir d’agir au nom de ses électeurs sans autre contrôle que les médias. Et un gouvernement, d’agir selon ses propres principes.
"Baisse" des élus, "montée" des électeurs
Depuis une quinzaine d’années, il y a la concomitance de deux phénomènes en résonance qui enraient le système représentatif.
Le premier, présent depuis une trentaine d’années au moins, est le fait que la classe politique est de plus en plus médiocre, en plus d’être professionnalisée dès le début de la vie active (carrières commençant dans les arrière-boutiques des collectivités territoriales et poursuivies au grand jour ensuite) et dont les motivations sont, à l’évidence, de moins en moins l’intérêt général (cela couplé aux pantouflages généralisés des hauts fonctionnaires qui ne servent plus l’État mais leur portefeuille).
Cet état de fait pouvait être accepté lorsque les électeurs sont maintenus dans l’ignorance. Mais le second phénomène, plus récent, est Internet. Au contraire des médias audiovisuels ou de la presse, qui sont libres et peuvent exprimer quelques opinions différentes mais qui peuvent s’autocensurer sur certains sujets (par exemple, pendant quinze ans, la fille cachée de François Mitterrand), le Web renforcé par les réseaux sociaux permet la diffusion de très nombreuses informations (parfois fausses) sans comité éditorial, directement venant de la base. Il y a donc une multitude de sources d’informations (chaque citoyen possédant un smartphone ou un appareil photo peut apporter sa pierre de l’information factuelle) et une immédiateté tranchante (l’électeur peut être en possession d’une information capitale avant son représentant censé gouverner et donc, censé mieux savoir).
Or, cette "démocratisation" de l’information signifie qu’une information en structure verticale n’est plus acceptable. Tout comme les cours magistraux à l’université ont évolué après mai 1968 en cours un peu plus participatifs. Le citoyen ne veut plus être passif face à ce qu’il entend. Pire, il le sait désormais, si l’on lui ment ou si l’on se moque de lui, si l’on le prend pour un imbécile. Et il réagit. Ce qui est sain.
En France, les journalistes sont encore rares à vérifier la véracité des informations dites par leurs invités au cours de la même émission politique. Mais avec Internet et la 3G ou 4G, c’est désormais possible en temps réel. Et même si les journalistes ne le font pas, les téléspectateurs peuvent corriger immédiatement grâce à Twitter ou d’autres moyens. Malheur au responsable politique qui lâche un élément inexact, ce sera considéré au mieux comme de l’incompétence (involontaire), au pire comme du mensonge (volontaire).
On comprend que l’exercice du pouvoir devient beaucoup plus difficile : on ne peut plus abêtir les électeurs, on ne peut pas non plus tenir des discours différents (clientélistes) en fonction de l’auditoire. Tout est maintenant enregistré, même les petits mouvements d’humeur qui sont amplifiés à un degré disproportionné (Nicolas Sarkozy le 23 février 2008 au Salon de l’Agriculture à Paris, par exemple). Cela nécessite des représentants du peuple quasi-parfaits. Mais ce n’est pas anormal, ils doivent être exemplaires et personne ne les a obligés à vouloir exercer le pouvoir.
Structuration trop verticale
Malheureusement, les structures institutionnelles sont encore beaucoup trop verticales et pyramidales, ce que les citoyens, avec raison, ne supportent plus. Certes, la capacité d’ajouter son grain de sel, de commenter l’actualité au vu de tous, grâce à Internet et particulièrement aux réseaux sociaux, permet de canaliser en certaine partie d’expression de la part des citoyens, mais l’expression des responsables politiques n’a pas beaucoup évolué.
La seule réelle tentative de bouleverser un peu ces structures a été engagée par Ségolène Royal lors de sa campagne présidentielle de 2007 en prônant la démocratie participative. C’était assez brouillon et contestable (j’en ai déjà parlé ici) mais cela partait d’une intuition géniale : les citoyens ne peuvent plus accepter de signer un chèque en blanc pendant la durée d’un quinquennat, ils veulent être consultés, écoutés, tout au long de l’exercice du pouvoir.
Certains ont alors imaginé des référendums permanents. Techniquement possible grâce au vote électronique (dont je ne redirai jamais assez qu’il n’assure pas la confiance en un vote libre et secret), les citoyens pourraient se transformer en assemblée générale permanente et voter les lois …à la place des députés. C’est le principe des référendums.
Vu comme cela, cela peut paraître très démocratique. Mais est-ce pertinent ? Non. Parce que notre société est complexe, et même des questions qui pourraient sembler simples (comme sur le mariage gay), les conséquences juridiques sont souvent compliquées et parfois illisibles pour le "profane".
L’innovation est rarement majoritaire au début
Ce qui manque, parmi les responsables politiques, c’est de "guides". Je le mets entre guillemets pour éviter sa traduction en allemand. Guide dans le sens d’initiateur et de leader. Des responsables qui ont une vision de l’avenir de la France (bonne ou mauvaise du reste, c’est l’histoire qui le dira) et qui se donnent les moyens d’y parvenir en y engageant le peuple.
La députée européenne UDI Sylvie Goulard disait à ce propos dans un débat à Science Po Paris le 25 mai 2016 avec Emmanuel Macron et Daniel Cohn-Bendit : « Est-ce qu’à un moment, il y a aussi les gens qui prennent leurs responsabilités, et peuvent dire aux autres, après les avoir écoutés, après avoir dialogué avec eux : "Là, non. Ma responsabilité à moi, parce que c’est moi qui suis en fonction, c’est de faire quelque chose qui est douloureux pour toi, mais qui sera bon pour tes enfants, ou qui sera bon pour l’ensemble de la collectivité" ? ».
Ce qui manque, c’est de l’innovation dans la vie politique. Or, toute idée nouvelle, toute innovation (c’est valable aussi dans la technologie) est d’abord ultra-minoritaire. Elle est vite adoptée par une large majorité quand celle-ci se rend compte de son intérêt, mais au départ, l’idée est considérée au mieux comme folle, au pire comme impossible.
Un exemple : l’amitié franco-allemande. Le processus a démarré le 8 juillet 1962 à Reims (le Traité de l’Élysée a été signé le 22 janvier 1963). Je ne sais pas s’il y a eu des sondages à l’époque, mais dix-sept ans après la fin de la guerre, se réconcilier avec son pire ennemi n’était pas évident, pas forcément très populaire. Un référendum aurait peut-être pu faire rejeter le Traité de l’Élysée : aurait-ce été pertinent ?
C’est la raison pour laquelle, échaudés par la loi du 27 juin 1921 de la République de Weimar, appliquée trois fois par le régime nazi (le 12 novembre 1933 pour la sortie de la SDN, le 19 août 1934 pour la fusion des fonctions de Chancelier et de Président du Reich, et le 10 octobre 1938 pour l’Anschluss), les Allemands n’ont plus la possibilité d’être consultés par des référendums autres que sur des sujets locaux ou sur des changements de frontières.
Démocratie directe et "éclairage" des citoyens
Pour avoir un avis "éclairé", il faut l’instauration d’un débat sain et pas des échanges de slogans péremptoires voire mensongers (ce qu’il s’est passé pour le Brexit, dans les deux camps). Il faut aussi permettre aux citoyens d’avoir des informations pertinentes. Heureusement, grâce à Internet, la documentation n’est plus réservée aux spécialistes, chercheurs, journalistes, etc. et est accessible à tout le monde (souvent gratuitement). Mais cela nécessite du temps. Ne serait-ce que lire les comptes rendus des débats parlementaires sur une loi, cela prend du temps, c’est assez dense, assez intellectuel, assez ésotérique, nécessite quelques connaissances préliminaires (comme la procédure législative), etc.
Bref, un citoyen qui a, à côté, sa vie professionnelle et sa vie de famille, plus d’autres hobbies, à moins d’être passionné par la politique (voire d’en faire), n’a pas les moyens matériels en investissement personnel (temps, etc.) de se faire une idée d’un sujet par lui-même, sauf pour des sujets très ponctuels qui l’intéressent.
Donc, vouloir consulter les citoyens sur tous les sujets, est à mon avis une erreur car ce seraient les "prescripteurs d’opinion" qui vont prendre le dessus sur la responsabilité personnelle des représentants du peuple. Et il n’y a pas que les médias comme prescripteurs d’opinion, il y a bien sûr les "lobbies" ou groupes de pression, et plus généralement, ceux qui seraient directement menacés ou avantagés par un projet soumis à consultation.
Et il y a surtout les "populistes" et les démagogues, c’est-à-dire, ceux qui gueulent le plus fort, qui se font entendre le plus loin, mais qui ne présentent pas forcément la situation de façon fine et sophistiquée, nuancée et pédagogique (elle est forcément nuancée : si l’on veut consulter le peuple, c’est parce qu’il y a débat et que la réponse n’est pas évidente).
Débloquer sans simplifier ?
Le référendum a l’avantage de pouvoir court-circuiter des corps intermédiaires quand il y a blocage. Il devrait être donc utilisé avec parcimonie dans un sens de déblocage. On imagine facilement que les lois sur le non cumul des mandats ou même sur le code du travail pourraient être soumises au référendum, soit pour éviter l’obstruction des professionnels de la politique (qui irait vraiment voter une loi qui le désavantagerait sauf s’il y était poussé par une forte poussée de "l’opinion publique" ?), soit pour en finir avec la guéguerre entre syndicats et gouvernement qui veulent montrer qui a la plus grosse.
Mais le référendum ne peut plus être utilisé "à la De Gaulle". C’est-à-dire qu’il ne peut plus être brandi dans un esprit plébiscitaire : "soit vous adoptez mon projet, soit je m’en vais". D’autant plus que l’argument risque rapidement de se retourner ainsi : "pour virer le gouvernant, on va voter contre même si on est pour".
Le référendum de type gaullien est d’autant plus dépassé qu’aucun gouvernant n’a voulu aller jusqu’au bout de la logique gaullienne, c’est-à-dire démissionner en cas de désaveu électoral : François Mitterrand s’est accroché à son poste malgré la défaite des élections législatives de mars 1986 et mars 1993, Jacques Chirac a fait de même aux élections législatives de juin 1997 et surtout, à la suite de l’échec du référendum du 29 mai 2005.
Par ailleurs, il y a une logique binaire qui réduit la capacité d’expression populaire. On peut par exemple être pour l’appartenance à l’Union Européenne mais vouloir une autre Union Européenne (expression entendue souvent). La binarité simplifie à l’excès les enjeux dans un monde de plus en plus complexe où l’espace n’est plus à une dimension.
Dans mon prochain article, j’évoquerai le type de référendum qui me paraîtrait opportun aujourd’hui.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 juin 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Peuple et populismes.
Le Brexit.
Jean-Claude Juncker, premier Président de la Commission Européenne issu des urnes.
La France des Bisounours à l’assaut de l’Europe.
L’Europe, c’est la paix.
Le Traité de Maastricht.
Le Traité constitutionnel européen (TCE).
Le Traité de Lisbonne et la démocratie.
Le référendum alsacien.
Nuit Debout.
Démocratie participative.
Vote électronique.
Monde multipolaire.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160624-populismes.html
http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/peuple-et-populismes-1-182406
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/06/29/34025597.html