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9 septembre 2008 2 09 /09 /septembre /2008 09:00

Le week-end dernier, les proches de François Bayrou étaient en université de rentrée au Cap d’Estérel, un énorme complexe vacancier à deux pas de la Méditerranée, dans le Var.


Le 6 septembre 2008 dans la matinée, les responsables du MoDem avaient choisi trois invités de marque pour venir discuter de l’Union Européenne et de ses relations avec le reste du monde avec le ou les milliers de participants (entre mille et deux mille présents à cette manifestation au cours de ces trois jours).


Un invité surprise

Le premier n’était pas une surprise : l’ancien Premier Ministre belge Guy Verhofstadt. Le deuxième était un député italien, Sandro Gozi.

Et le troisième était plus inhabituel puisqu’il s’agissait du socialiste Hubert Védrine, ancien Secrétaire Général de François Mitterrand à l’Élysée (1991-1995) puis ancien Ministre des Affaires Étrangères dans le gouvernement de Lionel Jospin (1997-2002).

Les deux principaux dirigeants du MoDem, François Bayrou et Marielle de Sarnez, étaient là pour les accueillir et animer les débats.

Hubert Védrine a tout de suite voulu clarifier sa présence parmi les centristes au Cap d’Estérel alors qu’il se trouvait le week-end précédent parmi ses camarades socialistes à La Rochelle : « Ce n’est pas à la demande de mes innombrables amis socialistes que je suis ici. » ou encore : « Je n’ai pas changé de famille politique, mais j’apprécie les positions [de François Bayrou]. ».


Pragmatique et réfléchi

Dans ses propos introductifs, Hubert Védrine montrait une évidente maîtrise du sujet, mais aussi un rassurant pragmatisme. Son credo, c’est de rester diplomate tout en disant clairement les choses, ce qui, dans nos relations avec certains pays, peut devenir un exercice ardu.

Pour lui, il n’y a pas la fin de l’Histoire avec la chute du Mur de Berlin, mais bien une nécessité de refaire réellement de la politique étrangère, sans manichéisme : « Dans ce monde-là, nous allons être obligés de refaire de la politique internationale. ». Il est faux de dire qu’il n’y a que deux Blocs comme semblent vouloir encore l’imposer la vision d’États-Unis arrogants, entre le Bien et le Mal, entre les Occidentaux et les terroristes islamiques. L’unilatéralisme des Américains et le multilatéralisme des Européens ont tous les deux échoué. Il faut considérer le monde en plusieurs pôles.


Complexité croissante des relations internationales et pôles de puissance

Beaucoup de pays comme la Russie et la Chine sont complexes et les relations entre les Européens et ces pays restent très ambiguës. Parfois, ils sont des partenaires, politiques ou commerciaux, fournisseurs d’énergie ou de produits manufacturés ; parfois, ils représentent une menace, pour les libertés, ou sont des concurrents économiques féroces.

Mais dans ces « pôles de puissance », il n’y a pas que l’Union Européenne, les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde. Il y en a une trentaine, comme l’Iran, le Brésil, l’Afrique du Sud, etc. qui ont un important potentiel économique et politique.

Parmi les défis de l’Union Européenne dans ce monde globalisé et complexe, il y a trois réflexions à apporter : la compétitivité économique, la croissance compatible avec les préoccupations écologiques, d’abord compliquées à prendre en compte mais plus tard porteuses économiquement, et enfin, la considération d’un monde multipolaire.

Ce monde multipolaire va à l’encontre de la diplomatie américaine actuelle, mais n’est pas aussi simple, selon Hubert Védrine, que celui que voulait initier le Président Jacques Chirac et qui n’était qu’une vision individualiste et chaotique où chaque État ou puissance défendait ses intérêts.

La présence de la Russie et de la Chine au sein du Conseil de sécurité de l’ONU avec droit de veto nécessite maintenant de recourir à des alliances ponctuelles, à des coalitions de circonstance, pour faire influer l’un sur l’autre pour la résolution de certains conflits (Ossétie du Sud, Tchétchénie, Iran, Proche-Orient, Birmanie, Tibet etc.).


Obama ou MacCain, une occasion à ne pas manquer

Pour Hubert Védrine, l’élection américaine du 4 novemsbre 2008 et l’assurance de la fin de la Présidence américaine de George W. Bush constituent une occasion unique à saisir pour l’Union Européenne. Si l’Europe est capable de parler d’une seule voix sur le plan diplomatique d’ici à la fin de l’année, alors elle aura des chances sérieuses d’être enfin entendue par les États-Unis qui seront amenés, dans tous les cas (Barack Obama ou John MacCain), à réviser leur politique étrangère.

Hubert Védrine déclarait ainsi : « Si les Européens y vont en termes dispersés, ils ne seront pas entendus. Ni même par leurs alliés. Il faudra faire le travail de se mettre d’accord sur tous les sujets, les uns après les autres. ».


Smart power

Répondant aux questions de quelques militants du MoDem, Hubert Védrine a insisté pour dire que la "diplomatie d’influence" (la soft power) connaît ses limites face à la "diplomatie de puissance" (la hard power) que mettent en œuvre les États-Unis et la Russie par exemple. Il conviendrait, selon lui, d’adopter une "diplomatie de puissance tranquille" (la smart power).

Il rappellait à cet égard les déclarations de Gorbatchev mettant en garde les Occidentaux contre leur tendance à ne pas prendre en compte la puissance de la Russie, puissance militaire mais aussi puissance économique (et énergétique). Le conflit géorgien est une sorte de rappel à l’ordre contre la reconnaissance très rapide de l’indépendance du Kosovo et l’absence de prise en compte de la position russe.


Des projets concrets et pas institutionnels, pour l’UPM et l’UE

Pour Hubert Védrine, l’Union Pour la Méditerranée rassemblant tous les pays de la Méditerranée est une belle vitrine politico-institutionnelle qui n’accouchera pas de grand chose, mais sera l’occasion d’un grouillement d’initiatives privées, provenant d’associations ou d’entreprises, pour des sujets environnementaux et en particulier, sur la dépollution indispensable de la Méditerranée (il cite que 80% des eaux rejetées dans cette mer sont polluées).

Sur la construction européenne, il est assez affirmatif pour expliquer qu’il n’y aura plus d’avancée institutionnelle et que le cadre institutionnel n’a jamais été un facteur d’avancée. Il croit plus à des coopérations renforcées au sein d’un petit groupe de pays européens pilotes sur de nouveaux sujets. Le principal exemple de réussite de coopération renforcée est la monnaie unique, l’euro n’étant pas encore adopté par tous les pays de l’Union Européenne.


Hubert Védrine a-t-il encore un avenir politique ?

Pondéré, posé, Hubert Védrine paraît être une valeur sûre de la politique extérieure de la France et de l’Europe. Ce n’est donc pas étonnant qu’il fut le premier sollicité par le Président de la République Nicolas Sarkozy pour rédiger un rapport de mission sur la France et la mondialisation le 2 juilet 2007 (il fut même pressenti pour occuper le quai d’Orsay de nouveau dans le cadre de l’ouverture du Gouvernement à des personnalités socialistes).

Énarque proche de Jacques Delors, fils d’un haut fonctionnaire ancien scout, Jean Védrine (né en 1914), qui fut un ami de la Résistance de François Mitterrand (et son ancien directeur adjoint de cabinet lorsque ce dernier était Ministre des Anciens Combattants en 1947) et un ancien conseiller d’Edgar Faure en 1968, Hubert Védrine est à 61 ans ce qu’on peut appeler disponible politiquement, même s’il paraît bien occupé par ailleurs : ancien avocat, consultant indépendant en géostratégie, président de l’Institut François-Mitterrand, administrateur de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques, du groupe LVMH, auteur de dix livres (dont six depuis 2003), il avait aussi préparé avec Alain Juppé, Nicolas Hulot et Edgar Morin la Conférence de Paris sur l’Environnement.


Alors, Hubert Védrine, diplomate dans de futures relations entre le Parti socialiste et le MoDem ? C’est évidemment trop tôt, rien n’est fait, mais tout est permis. À moins qu’une fonction européenne ne l’intéresse. Qui sait ?



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 septembre 2008)


Pour aller plus loin :

Verbatim partiel de l’intervention d’Hubert Védrine.

Forum du MoDem "Europe et Relations Internationales".






http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=44230

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080909/tot-le-socialiste-hubert-vedrine-au-mode-89f340e.html


http://www.lepost.fr/article/2008/09/09/1261470_le-socialiste-hubert-vedrine-au-modem.html


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commentaires

F
Pour moi qui cultivait une haine éternel de tous les hommes politiques, je suis chaque foi très étonné par la qualité et le franc parlé des interventions d'Hubert Védrine.Pour illustrer la fin de votre article, cette information pas forcément très fiable mais interessante.http://www.lepost.fr/article/2009/07/08/1612112_hubert-vedrine-candidat-a-la-presidentielle-de-2012.html
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