Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 avril 2023 3 12 /04 /avril /2023 18:57

« Nous ne sommes pas faits pour copier quelqu’un, pour reproduire un modèle. Il ne s’agit pas de s’aligner sur les autres et de faire comme eux. Celui qui ne fait que suivre les autres ne vit pas vraiment. Mais nous nous inspirons de la vie des personnes qui nous marquent. » (Mgr Jacques Gaillot, septembre 2015).



_yartiGaillotJacquesB01

L'ancien évêque d'Évreux Jacques Gaillot vient de s'éteindre à l'hôpital après une saleté de maladie ce mercredi 12 avril 2023 à Paris à l'âge de 87 ans. Très connu dans les années 1980 et 1990 pour s'être répandu dans de nombreux médias, parlant de nombreux sujets de société avec une liberté et un franc-parler qui pouvaient terroriser sa hiérarchie catholique, il a été écarté de son diocèse le 13 janvier 1995 et s'est fait plus discret.

Malgré cet éloignement de la scène médiatique plus que pastorale, Mgr Gaillot n'a jamais été vraiment sanctionné par le Vatican même s'il a été très vivement encouragé à démissionner. Il a tenu bon et son évêché s'est transformé en une sorte de diocèse virtuel.

Porte-parole des plus démunis, telle était sa vocation de leur faire profiter de son aura médiatique en les défendant sans relâche, aux côtés d'autres intellectuels ou artistes du genre (par exemple Albert Jacquard et Josiane Balasko pour le droit à avoir un logement décent). Auteur de vingt-quatre essais, Mgr Gaillot a notamment publié "Coup de gueule contre l'exclusion" en 1994 chez Ramsay. Cet ouvrage avait été très remarqué, d'autant plus qu'il y avait, quelques mois plus tard, une élection présidentielle (que Jacques Chirac a gagnée sur le thème de la fracture sociale).

Dans sa biographie officielle, il était expliqué ceci : « Il a une parole libre qui ne craint pas de dire "je", d'être simple et clair. Sa fidélité à l'Évangile s'exprime par quelques traits majeurs : le souci des pauvres et des marginaux, le refus de toute complaisance, l'attachement au droit, à la justice et à la paix, la conviction que Jésus appartient à l'humanité et non aux seuls chrétiens, l'évidence que les brebis hors bergerie, valent qu'on laisse les autres au bercail pour aller les chercher. ».

Le prélat adorait le pape François parce qu'il était avant tout le pape des humbles et il a commenté son élection en novembre 2013 ainsi : « Voilà un pape qui ouvre des portes, donne envie de vivre avec humanité et nous engage à rendre la Terre plus habitable à tous. Il ne fait pas la morale, ne juge pas, ne rappelle pas la discipline. Il indique une autre façon d’être en allant vers les déshérités, invite à prier, à écouter la Parole de Dieu pour que notre cœur devienne brûlant. ».

Jacques Gaillot a mis le point sur un élément important : la morale n'est pas la foi, n'est pas la religion. C'est peut-être difficile à comprendre mais sa réflexion était qu'il fallait partir de l'humain avant de partir des principes. Toujours l'humain. Ainsi, en juin 1989, il affirmait dans le magazine "Globe" : « La vie des individus me préoccupe plus que leur morale. Je relève avec plaisir que la peur du "qu’en-dira-t-on" ne fait plus recette. ».

Pour lui, les considérations morales, si elles sont bien sûr importantes, ne doivent pas cacher les considérations humaines. En s'affranchissant de cette limite, Mgr Gaillot laissait libre cours à toutes les tendances de son époque, en particulier la reconnaissance des couples homosexuels en période de forte épidémie de sida. Ainsi, il ne cachait pas son agacement des questions permanentes des journalistes aux évêques alors qu'il aurait préféré que l'Église évoluât : « Célibat des prêtres, homosexualité, préservatif, avortement, place de la femme : sur toutes ces questions, l’Église est en retard. » (a-t-il suggéré le 5 avril 2010).

Dans "Le Point" du 1er septembre 2015, Jacques Gaillot a raconté sa rencontre le jour même avec le pape François au Vatican, une audience de moins d'une heure (en français) : « Je lui ai dit qu'il m'arrivait de bénir des couples divorcés-remariés et même des couples homosexuels. J'ai ajouté : "On bénit bien des maisons, on peut donc bénir des personnes". Cette phrase a fait sourire le pape. Il a abondé dans mon sens et il a dit : "La bénédiction de Dieu est pour tout le monde". ». Par ailleurs, le pape François lui a assuré, lui qui a défendu si souvent les sans-papiers à Paris : « Les migrants sont la chair de l'Église. ».

_yartiGaillotJacques02

Au fil de ses prises de position, on comprenait que Mgr Jacques Gaillot avait des affinités très à gauche et qu'il soutenait une ligne progressiste étonnante pour un évêque.

Ainsi, le 18 avril 2013 dans le "HuffingtonPost", il a déclaré : « La reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe et de leur droit, en adoptant, de fonder une famille, s'imposera peu à peu en France, comme ailleurs. On s'apercevra alors que ce mariage tant décrié ne fait perdre aucun droit aux autres, qu'il n'est en aucune manière une menace pour les familles dites "normales", ni une régression pour la société et encore moins la fin de la civilisation. ». Il pensait cela juste avant l'examen du projet de loi visant à créer le "mariage pour tous" très contesté par la Manif pour tous.

Il a exprimé son progressisme de manière déconcertante pour un évêque : « La reconnaissance du couple homosexuel s'inscrit dans le puissant mouvement de modernité qui, au fil des ans, fait valoir les droits imprescriptibles de l'individu et de son autonomie. L'individu est au centre. D'où l'importance accordée aux relations entre les individus. Voilà qui relativise le modèle familial dominant et les références à un ordre naturel ou divin. Le droit a fini par rejoindre l'évolution des mœurs : l'amour entre deux personnes de même sexe est un droit humain fondamental. Le principe d'égalité a joué. (…) Nous sommes tous concernés. Notre responsabilité n'est-elle pas d'éveiller des libertés ? Des libertés pour aimer ? ». En quelque sorte, il rejetait le concept de la famille derrière l'absolu concept de liberté individuelle.

C'était aussi au nom de la liberté individuelle que Jacques Gaillot avait pris position pour l'euthanasie, au risque de choquer ses amis catholiques qui considèrent que la vie est sacrée. Dans le "HuffingtonPost" du 17 décembre 2013, il a expliqué : « C'est une question d'humanité, de compassion et de solidarité. ». Autrement dit : « La mort fait partie de la vie puisqu'elle l'achève. Si la vie doit être défendue et protégée, c'est vrai de la mort qui en fait partie. Personne ne peut vivre et mourir à notre place. Comment ne pas désirer avoir les moyens d'aimer la vie jusqu'au bout et de mourir dignement. Comment entourer et soutenir les personnes pour que la dernière étape de la vie reste conforme à la condition humaine ? ». Le mot "dignement" était lâché.

Et d'ajouter : « La question posée par l'euthanasie est celle du sens de la vie, du goût à la vie, du bonheur d'être vivant. Qu'est-ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue, que la relation à soi-même et aux autres reste tonifiante ? Les humains gardent toute leur valeur et vérité profonde, même lorsque la santé s'altère et que les forces diminuent. (…) Par humanité et par compassion, on comprend que des malades puissent se trouver dans des situations d'exception. Des situations d'exception qui n'entrent pas actuellement dans le cadre de la loi mais que la loi devrait envisager. ».

Interrogé en avril 2010 sur le scandale des prêtres pédophiles en Allemagne (le scandale n'avait pas encore touché la France), Mgr Jacques Gaillot s'était contenté de faire une remarque générale : « En pensant à toutes les victimes et à leurs familles, je reste sans voix et suis dans la peine. Ce scandale est sans précédent. Qu’un phénomène d‘une telle ampleur ait pu se produire, jette un discrédit considérable sur l’Église catholique. ».

Et pourtant, lui-même a contribué, à son échelle, à ce scandale, et il l'a reconnu dans "Le Parisien" du 5 avril 2010, il avait accepté en juin 1988 d'accueillir dans son diocèse d'Évreux un prêtre québécois qui avait été condamné en 1985 pour des faits de pédophilie mais il lui avait redonné sa chance, fait confiance et confié une paroisse en tant que curé. L'évêque a regretté de l'avoir couvé alors qu'il a été condamné en 2005 aux assises de l'Eure à douze de prison ferme pour avoir violé plusieurs fois un mineur entre 1989 et 1992. Il s'est dit qu'il aurait dû le signaler à la justice à l'époque.

Mais en 2010, on se préoccupait encore peu des victimes et pour Mgr Gaillot, bien mal inspiré intellectuellement, le scandale des prêtres pédophiles était plutôt l'occasion de faire avancer l'une de ses idées "modernistes", en finir avec le célibat des prêtres : « Pour l’avenir, il ne suffit pas de jouer la transparence et de vouloir confier à la justice des cas qui se produiraient. C’est le fonctionnement de l’institution elle-même qui est mis en cause et qu’il faudrait changer. Alors que le monde change vite, nous gardons des structures d’un autre âge avec une conception de l’autorité désuète qui ne laisse pas de place où si peu à la démocratie, une vision de la sexualité dépassée qui n’intègre pas les acquis de la modernité, un statut clérical inadapté qui maintient une discipline du célibat anachronique. Les victimes de la pédophilie mériteraient que le Vatican ait le courage de l’avenir pour éviter de tels drames. » (avril 2010).

Or dans ce texte, Mgr Gaillot laissait entendre que c'était parce qu'ils étaient célibataires que des prêtres étaient pédophiles. Pourtant, tous les prêtres n'étaient pas forcément pédophiles, et il y a eu beaucoup d'hommes mariés parmi les pédophiles (en particulier des pères de famille qui sont coupables d'inceste). Ce n'est donc pas parce que les prêtres seraient mariés qu'ils ne seraient pas enclin à abuser d'adolescents ou d'enfants dans la solitude de leur mission pastorale (en d'autres termes, s'en prendre aux adolescents et aux enfants, surtout si on les encadre, est une grande forme de lâcheté). C'est donc dommage que l'évêque Gaillot ait pu glisser ainsi de la réflexion spirituelle au simple militantisme de mauvaise foi, alors qu'il avait montré à de nombreuses reprises qu'il était un homme réfléchi et intelligent.

Commentant en février 2010 un passage de l'Évangile selon saint Marc, Mgr Jacques Gaillot a écrit : « Alors oui, le Royaume de Dieu est plein de ces "estropiés" dont la joie est plus grande que les renoncements auxquels ils ont consenti. C’est une joie partagée, car c’est toute l’humanité qui en sort grandie. Le Royaume de Dieu n’est pas autre chose que cet appel à faire naître le bonheur dans une humanité en paix où l’on se respecte mutuellement et où l’on veille ensemble à la sauvegarde de la Création. ».

J'espère que sa définition du Royaume de Dieu colle avec la réalité, lui qui désormais est un migrant vers cette destination si mystérieuse et si méditée depuis plus de soixante-deux ans de sacerdoce. Qu'il repose en paix.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (12 avril 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L'évêque qui était aimé par ceux qui n'ont pas la foi.
Mgr Jacques Gaillot.
Mgr Albert Decourtray.

Maurice Bellet.
Lucile Randon (Sœur André).
François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
Santé et Amour.
Le testament de Benoît XVI.
Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
Sainte Jeanne d'Arc.
Sainte Thérèse de Lisieux.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François et les étiquettes.
Saint  Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
Il est venu parmi les siens...
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Le ralliement des catholiques français à la République.
L’abbé Bernard Remy.

_yartiGaillotJacques04




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230412-jacques-gaillot.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/mgr-jacques-gaillot-l-eveque-tres-247852

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/04/12/39876746.html





 

Partager cet article
Repost0
9 avril 2023 7 09 /04 /avril /2023 05:33

« Je n'ai jamais rien demandé ni prévu. » (Albert Decourtray).



_yartiDecourtrayAlbertB01

Est-ce une coïncidence que le centenaire de la naissance du cardinal Albert Decourtray corresponde à la fête de Pâques, la fête de la Résurrection, la fête la plus importante des chrétiens, parce qu'elle consacre le mystère de la mort et de la vie ? (La réponse est oui). Mgr Albert Decourtray, archevêque de Lyon du 29 octobre 1981 à sa mort, le 16 septembre 1994, est né effectivement il y a 100 ans, le 9 avril 1923, dans le Nord. Ce n'était pas un Lyonnais mais un Nordiste. Tellement pas Lyonnais que le 8 décembre 1981, il était absent à la Fête des Lumières !

Dans l'Église de France, les années 1980 et le début des années 1990 furent marquées par les deux cardinaux Jean-Marie Lustiger et Albert Decourtray, l'un archevêque de Paris et l'autre de Lyon, primat des Gaules. Ces deux fortes personnalités étaient des pointures, des hautes statures tant intellectuelles, spirituelles, morales que... médiatiques voire politiques (même s'ils ne voulaient évidemment pas soutenir un parti plutôt qu'un autre). C'était une période faste car, sans être irrespectueux pour leurs successeurs, ils n'ont jamais été vraiment remplacés. Irremplaçables, ils manquent encore aujourd'hui à l'Église de France. De plus, ils symbolisaient parfaitement la génération Jean-Paul II, en n'hésitant pas à être, au-delà de prélats attentifs, de bons communicateurs, pas seulement à destination des catholiques et chrétiens, mais aussi des athées et des croyants d'autres religions (en particulier l'islam ; aux funérailles de Mgr Decourtray, le 22 septembre 1994 à la primatiale Saint-Jean-Baptiste de Lyon, les imams étaient présents).

Albert Decourtray a été nommé évêque de Dijon le 22 avril 1974. C'était son premier diocèse et il ne connaissait rien de la Bourgogne. Il a commencé à exercer ses responsabilités progressivement avec d'autres évêques, puisqu'il était évêque auxiliaire de Dijon depuis le 27 mai 1971. Très vite, il a été très apprécié par les Dijonnais et a su commencer à nouer des relations avec les journalistes. Il était tellement apprécié dans la hiérarchie catholique qu'on pensa à lui pour la succession de Mgr François Marty à l'archevêché de Paris.

Mais entre-temps, en 1980, Albert Decourtray a été atteint d'une grave maladie, un cancer des cordes vocales. Traitements et surtout, silence, il était incapable de parler, ses traitements l'avaient rendu muet, ce qui n'était pas la panacée pour un porteur de la foi. Néanmoins, il a su en tirer profit : « En un sens, j'étais ravi, très heureux... très heureux de ce silence quand j'étais seul. J'aime le silence. J'aime la solitude. Être astreint à une plus grande solitude ne me déplaisait point : je réfléchissais longuement, je lisais, je parlais au Seigneur tout bas... Mais ce même silence me pesait terriblement quand j'étais en compagnie. ». Sa guérison et le retour de sa voix (sa voix est revenue en pleine conférence à la fin de novembre 1980, et sa première réaction a été de dire : « C'est amusant ! ») ont été vécus par lui comme un miracle : « Le miracle n'est pas incompatible avec la médecine. ». Il ajoutait par la suite : « Je dirais, comme Bernanos, que tout est grâce. On le dit après. Et parce que cela a bien tourné... ».

Finalement, ce fut Jean-Marie Lustiger qui fut nommé archevêque de Paris le 31 janvier 1981 (jusqu'au 11 février 2005), après avoir exercé pendant un an comme évêque d'Orléans. Lui, l'évêque Decourtray, donc par une sorte de grâce, a guéri de son mal et a été nommé à Lyon quelques mois plus tard. En plus de cette charge, il fut élu président de la Conférence des évêques de France le 6 novembre 1987, pour trois mandat d'un an, en d'autres termes, il était le représentant de tous les évêques de France, tant vis-à-vis du Vatican que des fidèles.

Les deux hommes furent à la fois de bons complices intellectuels, mais aussi en légère rivalité ...professionnelle, dirais-je. Les deux étaient voués à être créés cardinaux car ce sont deux fonctions, à Paris et à Lyon, qui sont traditionnellement porteuses de ce titre. Jean-Marie Lustiger fut créé cardinal le 2 février 1983, tandis qu'Albert Decourtray a dû attendre quatre ans, créé cardinal seulement le 25 mai 1985, ce qui entraîna son agacement, pas que cette nomination fût tardive, mais que les médias ne cessaient d'en déduire des supputations erronées (qu'il serait mal-aimé du Vatican, etc.).

Plutôt que d'être mal-aimé, il était au contraire considéré par beaucoup comme le porte-parole officieux du pape Jean-Paul II en France. Il l'a d'ailleurs accueilli à Lyon du 4 au 7 octobre 1986 à l'occasion de la béatification du prêtre franciscain Antoine Chevrier. À son arrivée à l'aéroport de Lyon-Satolas, le 4 octobre 1986, Jean-Paul II dit à François Mitterrand : « Vous permettrez, Monsieur le Président, que je salue aussi mes Frères dans l’épiscopat, qui m’ont invité, avec votre agrément, et qui sont venus m’accueillir ici, notamment monsieur le cardinal Albert Decourtray, l’archevêque de ce lieu, Mgr Jean Vilnet, président de la Conférence épiscopale, avec les cardinaux français, les cardinaux et prélats invités d’autres pays, et les évêques de la région, en particulier Mgr Gabriel Matagrin, dont le diocèse est tout proche. Avec eux, avec les fidèles catholiques de ce pays, nous aurons beaucoup d’autres occasions de nous entretenir. ».

Et inversement, ce fut Albert Decourtray qui entra le premier des deux à l'Académie française (au fauteuil du pieux Maurice Barrès), élu le 1er juillet 1993 (sans avoir été lui-même candidat, il a cru à un canular) et reçu le 10 mars 1994 (quelques mois avant sa mort), et son successeur fut justement Jean-Marie Lustiger, rapidement élu le 15 juin 1995 et reçu le 14 mars 1996, ce qui fut, pour l'archevêque de Paris, l'occasion émouvante de faire l'éloge de son ami et prédécesseur : « Je me souviens de la joie ressentie par un autre cardinal, Albert Decourtray, au moment où vous l’avez appelé à devenir l’un des vôtres, voilà deux ans. Joie pure de toute vanité, car il était persuadé que vous vouliez, par fidélité à l’histoire et à la mission de l’Académie, faire, en lui, honneur à l’Église. Permettez-moi, alors que je veux partager la même joie, de ne pouvoir écarter ma tristesse de son départ. Soyez remerciés de me confier, en m’appelant à lui succéder, le devoir de rendre hommage à un ami, à un frère. ».

Communicants rayonnants, les deux cardinaux n'hésitaient donc pas à descendre dans l'arène médiatique, et les journalistes en étaient ravis. Ils participaient, comme des ministres, des chefs de parti ou des candidats à l'élection présidentielle, non seulement aux deux grandes émissions politiques de l'époque, "L'Heure de vérité" sur Antenne 2 et "Sept sur sept" sur TF1, mais aussi à d'autres émissions comme "Face à la presse" sur FR3, "Découvertes" sur Europe 1, "Question à domicile" sur TF1, "Le Journal inattendu" sur RTL, "Le Club de la presse" sur Europe 1, etc. ...et même "Apostrophe" sur Antenne 2.

Le cardinal Decourtray connaissait bien les dangers d'une forte médiatisation : « Je suis conscient du risque que peut présenter une conférence de presse, un "face à la presse télévisée", un échange téléphonique, un interview spontané, etc. On peut ne pas être en forme, on peut se laisser piéger. On peut exprimer maladroitement sa pensée. On peut être incompris. Et surtout, on a des limites et des faiblesses, que le journaliste a le redoutable pouvoir de souligner. ». En revanche, parler à la télévision donnait une caisse de résonance incroyable au message de l'Église.

Un exemple avec le préservatif le 4 novembre 1988 : répondant à la question d'un journaliste, le cardinal Decourtray répondit un peu rapidement : « Si l'on croit que le préservatif est le remède, c'est bien triste. ». S'il a rétropédalé un peu plus tard, dans "L'Heure de vérité" du 12 décembre 1988 : « Quand il faut choisir entre donner la mort et prendre un moyen qui n'est pas bon, il faut choisir le moindre mal... » (mais on s'étonna encore huit ans plus tard que l'Église catholique puisse tolérer le préservatif alors qu'elle ne l'a jamais interdit), le mal était fait et la porte ouverte aux humoristes, même un amateur, par ailleurs ancien ministre et député-maire d'une grande ville de banlieue, André Santini, qui n'a pas pu s'empêcher de sortir cette formule bien léchée : « Mgr Decourtray n'a rien compris au préservatif. La preuve, il le met à l'index. » (1990).

Bernard Berthod et Régis Ladous, auteurs d'une biographie de l'archevêque de Lyon publiée en 1996, insistaient sur l'amitié entre les deux cardinaux : « Leur amitié est fraternelle : Lustiger a tendance à se prendre pour l'aîné [alors qu'il est né le 17 septembre 1926], et Decourtray n'est pas fâché d'annoncer, après son premier passage à l'émission télévisée "L'Heure de vérité", qu'il y a "tangenté Chirac et dépassé Lustiger". (…) La synergie Decourtray/Lustiger fonctionne comme un tourbillon, elle attire et happe les dossiers bien plus que ne l'aurait fait un responsable solitaire et débordé. ».

De son côté, le journaliste spécialiste du christianisme Henri Tincq écrivait dans "Le Monde" du 26 juillet 1987 : « Il n'est pas un dossier important dans l'Église de France qui (…) ne passe par le couple Lustiger-Decourtray et ne fasse entre eux l'objet d'une répartition des tâches. Ils sont l'un et l'autre appréciés à Rome et souvent reçus à la table du pape. ».

_yartiDecourtrayAlbertB02

Jean-Marie Lustiger et Albert Decourtray n'ont été réellement amis qu'à la suite du voyage très important du pape du 16 au 23 juin 1983. Jean-Paul II revenait pour la deuxième fois en Pologne, dans son ancien diocèse de Cracovie, pour visiter l'ancien camp d'extermination d'Auschwitz le dernier jour de son périple. Le pape avait proposé à Mgr Lustiger de venir car sa mère avait péri dans ces lieux (et il était d'origine polonaise). Jean-Marie Lustiger avait alors demandé à Albert Decourtray de l'accompagner, comme second prélat français de la délégation, afin de lui permettre, lui, le fils d'une victime, de ne pas aller jusqu'au bout du voyage, car il imaginait la dureté de l'épreuve.

Les deux historiens biographes cités plus haut ont raconté : « S'il découvre de l'intérieur ce que fut la Shoah, [Decourtray] le doit à ce que Lustiger lui dit et peut-être surtout ne lui dit pas ; Lustiger qui demande de l'accompagner car il n'est pas sûr de pouvoir aller jusqu'au bout ; Lustiger qui, en effet, ne va pas jusqu'au bout et se recueille et prie au seuil du camp où sa mère a été assassinée. Decourtray entre seul dans Auschwitz, il va s'agenouiller devant le mur du souvenir (…). Pas question, il le comprend alors, d'une prière publique, d'un geste qui pourrait ressembler à une appropriation. "En ce lieu où la cendre des victimes est mêlée pour toujours à la terre et à la mémoire d'un peuple, où la terre crie l'offense qui lui a été faite, on ne peut faire que silence". Le geste symbolique, Lustiger et Decourtray le font devant le monument commémoratif de l'insurrection du ghetto de Varsovie ; ils déposent, au nom des catholiques de France, une gerbe (…). ».

Mgr Decourtray a été, dit-on, très proche des Juifs et c'était effectivement vrai, au point d'avoir en son hommage un mémorial à Jérusalem, inauguré en mai 2000. Il s'impliqua beaucoup dans le procès du bourreau nazi Klaus Barbie, commentant les témoignages qu'ils considéraient utiles alors qu'il voyait que les victimes avaient beaucoup plus honte que leurs tortionnaires. Il a été traumatisé par l'histoire de la rafle des enfants d'Izieu, victimes seulement de leur nom juif et de rien d'autre.

Dans "Passages" de juillet 1989, il criait sa révolte : « Que ce Dieu puisse paraître passif devant l'extermination de Son peuple, voilà le scandale absolu. Absolu, puisqu'il se nourrit de la foi en un amour sans mesure. De ce scandale ne peut naître que l'athéisme (…) ou la protestation contre l'absence apparente de Celui en qui on ne cesse de croire malgré son silence. ». Il ne mâchait pas ses mots, quitte à surprendre et même choquer, quitte à toujours bousculer les consciences.

Dans cet esprit, il n'était pas étonnant qu'Albert Decourtray reçût du pape en juillet 1996 la très délicate mission de gérer l'installation d'un Carmel dans l'enceinte d'Auschwitz (douze religieuses voulaient s'y installer, avec l'accord du parti communiste polonais, le POUP), à savoir, de trouver une solution consensuelle. Sa mission était faite de négociations avec Théo Klein pour aboutir à un accord le 22 février 1987 qui proposait l'installation à l'extérieur du camp, à quelques centaines de mètres de là, mais celui-ci fut rejeté par l'épiscopat polonais, les carmélites étaient soutenues notamment par le primat de Pologne, le cardinal Glemp. Mgr Decourtray avait reçu le soutien de Jean-Paul II en 1988, mais il ne voulait pas imposer l'accord par le haut, et la chute du parti communiste en Pologne en 1989 a également bouleversé la situation. En juillet 1989, des militants juifs se heurtèrent aux ouvriers polonais qui rénovaient une partie des lieux pour le Carmel.

Ce conflit lui tenait à cœur, il se sentait proche tant des Juifs que des carmélites, car quand il était évêque à Dijon et qu'il était réduit au silence par sa maladie, il avait fait de la carmélite mystique Élisabeth de la Trinité, morte de maladie le 9 novembre 1906 à l'âge de 26 ans, l'une des références spirituelles de son engagement religieux : « Sa liberté en éveil se déploie : cette brèche spirituelle ouvre son esprit par le dedans, rend son intelligence disponible à ce qu’elle n’avait pas encore vraiment rencontré. » (selon les mots de Mgr Lustiger). La jeune femme, qui a laissé de nombreux écrits, a été béatifiée à Rome le 25 novembre 1984 par Jean-Paul II (en présence de Mgr Decourtray) et canonisée à Rome le 16 octobre 2016 par le pape François.

Dans le "Journal du dimanche" du 13 août 1989, Albert Decourtray ne savait plus où se mettre dans l'affaire du Carmel : « Qu'il y a quelque chose qui blesse la conscience juive m'est intolérable (…). J'avoue que j'ai été tenté de renoncer. J'ai été assailli par une impression d'échec. ». Finalement, ce fut bien un acte d'autorité qui résolut le problème : par sa lettre du 14 avril 1993, le pape demanda aux carmélites de se déplacer du périmètre international d'Auschwitz. Elles n'ont pas compris pourquoi on voulait les déloger alors qu'elles y étaient venues pour prier pour les Juifs. C'était là un sujet de grand agacement pour Albert Decourtray qui avait expliqué le 19 novembre 1988 au Collège de France : « Je pense toujours qu'une des formes nouvelles mais essentielles du respect du peuple juif par tous les hommes de bonne volonté est de perdre l'habitude séculaire et tragique de lui dire ce qu'il doit dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire, être ou ne pas être. ».

Ce n'était pas non plus étonnant que le 9 juin 1989, Albert Decourtray ouvrît complètement aux historiens les archives de son archevêché pendant la guerre, notamment sur les possibles soutiens de l'Église au milicien Paul Touvier. En 1990, le cardinal affirma : « Un tort bien établi, et que l’on porte dans la vérité et le courage, est préférable à l’innocence suspecte. ».

Cette phrase résonne différemment de nos jours avec le scandale des prêtres coupables de pédocriminalité. Pourtant, malheureusement, le primat des Gaules a fait preuve pour le moins de légèreté sur ce problème très grave, sans en réduire la gravité. Sur le prêtre (condamné en 2020) Bernard Preynat, sa réaction, devant les parents de victimes qui lui avaient signalé le prêtre fautif en 1991, aurait été celle-ci : « Il y a du "diabolique" dans cette affaire et le "coupable" n'est qu'une victime que je vais aussi tenter de libérer. ». Bernard Preynat lui-même a témoigné bien plus tard : « Quand le cardinal Decourtray m’a convoqué en 1991, j’ai commencé par lui dire que c’était une longue histoire. Là, il a fait un geste du bras pour exprimer qu’il n’avait pas envie d’en entendre plus. Il m’a fait promettre de ne jamais recommencer et m’a dit “Bernard, je vous fais confiance”. ».

À l'évidence, les évêques n'étaient pas formés pour réagir à une telle situation remettant en cause toute la confiance qu'ils avaient mise dans les prêtres de leur diocèse au cours d'une période de baisse énorme des vocations. Albert Decourtray, pas plus que d'autres, n'ont saisi l'importance du phénomène. Mais aussi ne voulaient pas en savoir plus, pas découvrir la vérité qui n'a pu s'exprimer qu'en 2021 avec le rapport Sauvé (et ces affaires lyonnaises ont atteint le lointain successeur de Mgr Decourtray, le cardinal Philippe Barbarin qui a dû démissionner de ses fonctions).

Le cardinal Decourtray était très à l'écoute des souffrances de toute sorte de son diocèse. Ainsi, dès le 9 avril 1982 (le Vendredi Saint), il s'est rendu aux Minguettes, invité par les habitants. Le 20 février 1985 (le mercredi des Cendres), inquiet de l'audience de certaines thèses politiques, il a mis en garde : « Nous avons assez de voir grandir la haine contre les immigrés. Nous en avons assez des idéologies qui la justifient et d'un parti dont les thèses sont incompatibles avec l'enseignement de l'Église. ». Au risque de choquer, il fallait bien rappeler quelques fondamentaux. Et être clair, comme dans cette interview à "Lyon Figaro" le 10 novembre 1987 : « Il est bien certain que l'accueil de l'étranger et de l'immigré fait partie de l'Évangile. Je ne veux pas peser sur les consciences, mais contribuer, à ma place, à éclairer les hommes pour qu'ils se décident en connaissance de cause et au nom des valeurs essentielles de la conscience humaine. ».

L'homme est passion et compassion. Mgr Jean-Marie Lustiger lui a rendu sans doute le meilleur hommage en dévoilant les ressorts de cette personnalité exceptionnelle : « Lorsque Albert Decourtray nous dit qu’il n’y a pas de différence entre le gamin et le cardinal, il nous fait comprendre sa trajectoire : la liberté et l’audace de l’homme dans la maturité de son âge se nourrissent de ces vertus intactes qui l’ont rendu, mieux que d’autres, sensible et disponible, non seulement à la découverte des tragédies du passé, mais aussi aux interrogations du présent et aux signes de l’avenir. Sinon, comment et par quelle magie un homme dont l’éducation et le parcours furent autant marqués par la culture catholique, aurait-il pu, cinquante ans plus tard, demeurant lui-même, entrer avec une aisance aussi généreuse dans le vif des questions de ses contemporains étrangers à son univers natif ? » (14 mars 1996).


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (02 avril 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
"Le cardinal Decourtray" par Bernard Berthod et Régis Ladous, éd.LUGD, 1996.
Une voix dans la rumeur du monde.
Mgr Albert Decourtray.

Maurice Bellet.
Lucile Randon (Sœur André).
François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
Santé et Amour.
Le testament de Benoît XVI.
Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
Sainte Jeanne d'Arc.
Sainte Thérèse de Lisieux.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François et les étiquettes.
Saint  Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
Il est venu parmi les siens...
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Le ralliement des catholiques français à la République.
L’abbé Bernard Remy.

_yartiDecourtrayAlbertB03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230409-decourtray.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/mgr-albert-decourtray-en-toute-247622

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/04/03/39867275.html






 

Partager cet article
Repost0
5 avril 2023 3 05 /04 /avril /2023 05:59

« Quant au mal qui est en moi
Pardonne et nettoie
(…)
Donne-nous, donne-moi
La force et la lumière
Et nous changerons le monde. »
(Extrait d'une prière inédite de Maurice Bellet composée en juin 2016).




_yartiBelletMauriceE01

Il y a déjà cinq ans, le 5 avril 2018, Maurice Bellet, grand philosophe chrétien, est mort à l’âge de 94 ans alors qu'il continuait toutes ses activités d'étude de l'humain, écrire, mais aussi parler, tenir des conférences, rencontrer ses contemporains et échanger avec eux, pratiquement jusqu'à ses derniers jours.

En janvier 2014, il écrivait : « Donc, j'ai eu 90 ans. Depuis quelques jours. Ça ne me plaît pas. Pas du tout. Il me semble que j'ai encore à faire avant le grand départ. Et le temps va me manquer. Illusion ? Vains désirs ? Rien n'est jamais tout à fait pur chez les humains, dont je suis. Il me semble pourtant que ce que je désire voir paraître, pas nécessairement par moi, mais du moins à quoi je participerai, c'est du côté de la vie. Et de l'urgence. ».

Difficile de dire correctement ce que Maurice Bellet était complètement. Philosophe, théologien, sociologue, prêtre, chercheur, enseignant, psychanalyste, essayiste, il était aussi, ne serait-ce que dans son style d'écriture très particulier (parfois un peu difficile à comprendre au premier abord, c'est vrai), un poète d'un genre inclassable. Maurice Bellet a soutenu deux thèses de doctorat, une en théologie, et une autre en philosophie. Cette dernière thèse fut dirigée par Paul Ricœur et dans son jury de thèse se trouvait Emmanuel Levinas (c'est assez impressionnant !) ; celle de théologie dirigée par le théologien et prêtre dominicain Claude Geffré, qui fut directeur de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem.

En tout cas, il était un écrivain très fécond, ce qui est précieux quand on quitte cette Terre : au moins soixante-trois ouvrages traduits dans une dizaine de langues à son actif (dont six romans et deux pièces de théâtre), un publié après sa disparition, et de très nombreux articles de fond dans des revues de philosophie ou de religion. Son principal thème (mais pas exclusif), c'est, si j'ose résumer un peu trivialement, l'épreuve des hommes. Maurice Bellet a écouté de très nombreuses personnes qui étaient dans des situations terribles, de malheur et de mal, et il a tenté de les comprendre, de comprendre en quelque sorte le Mal sur Terre, et de donner (car il était prêtre mais aussi homme optimiste) des raisons d'espérer, des raisons de croire que tout est encore possible, que la vie, malgré tous les problèmes parfois insoutenables, peut devenir une vie pleine de richesse, que leur place est toujours bien là, sur Terre.

L'un de ses livres majeurs, à mon sens (mais beaucoup de ses livres sont majeurs, c'est vrai), c'est "L'Épreuve ou le tout petit livre de la divine douceur", sorti en 1988 (chez Desclée de Brouwer), où il évoquait une épreuve personnelle très dure et son témoignage à destination de ceux qui vivent aussi des épreuves difficiles. Il l'a écrit dans son lit d'hôpital : « En écrivant ce livre (…), j’ai tâché de montrer qu’au sein même de la souffrance, de la douleur et de la dépendance… il est possible de vivre dans cet état de profonde paix, miséricordieuse et rassérénante (…). Une divine douceur qui nous invite ainsi à quitter la voie de la tristesse et de la cruauté pour passer sur un chemin de joie et de grâce. ».

Un extrait :
« L'amour d'amitié a trois visages : la présence, l'hospitalité, l'écoute. Les trois sont un. On peut parler avec ses mains, avec son regard, avec son silence ; avec la simple présence. Et même : avec l'absence nécessaire. Le vrai amour ne prend rien ; il vous laisse même à votre solitude, la bonne solitude où vous pouvez aller par vous-même, in-dépendant. Mais le vrai amour ne vous abandonne jamais. Ainsi la parole aimante est-elle comme une demeure où nous pouvons habiter jusque dans l'errance. ».

Un autre extrait qui secoue les cœurs :
« Ô vous, dont j’étais, dont je suis, les écartés, les allongés, les promis à la mort, les sans force et sans pouvoir, à tout être humain vivant, il est permis d’être le sel de la terre. Il lui suffit d’aimer, autant qu’il peut, la divine douceur. Il lui suffit, dans l’océan de trouble et de douleur, d’une goutte de cette eau pure. Alors, à la mesure même de son abîme, fût-ce le désespoir et la folie, sa vie humaine s’élève à la vie divine, qui est la vie humaine enfin libre de l’horreur et du démoniaque, libre en sa source et son principe. Alors, tout humain peut ouvrir la bouche, pour nourrir sa grande faim et donner sa parole au monde. Car tel est le mot de la divine douceur, le premier et le dernier, elle ne dit rien d’autre : il n’y a pas de bouche inutile. ».

D'autres livres ont connu un certain retentissement, et leur titre est d'ailleurs souvent très propre à la pensée de Maurice Bellet comme : "Essai d'une critique de la foi" (1968), "La Peur ou la foi" (1968), "Réalité sexuelle et morale chrétienne" (1971), "Le Dieu pervers" (1979), "Critique de la raison sourde" (1992), "L'Extase de la vie" (1995), "La Quatrième Hypothèse. Sur l'avenir du christianisme" (2001), "Le Paradoxe infini" (2003), "La Traversée de l'en-bas" (2005), "Le Meurtre de la parole ou l'épreuve du dialogue" (2006), "Le Dieu sauvage. Pour une foi critique" (2007), "Dieu, personne ne l'a jamais vue" (2008), "L'Explosion de la religion" (2014), "Notre Foi en l'humain" (2014), "La Chair délivrée" (2015), "Un Chemin sans chemin" (2016), "Le Messie crucifié. Scandale et folie" (2019), etc.

_yartiBelletMauriceE02

_yartiBelletMauriceE03

_yartiBelletMauriceE04

Maurice Bellet a donc laissé beaucoup d'écrits qui sont, ce qui est normal pour un philosophe, toujours très denses, qui donnent souvent à penser, à méditer. Parmi ses articles, je propose quelques extraits puisés dans son blog qu'il alimentait régulièrement entre 2014 et 2017.

Sur l'identité chrétienne : « Dans l'ordre de la pensée, le fruit de l'Évangile n'est pas d'ajouter une idéologie chrétienne à la longue liste des idéologies. C'est de faire paraître l'autre lumière, le "logos" venu en chair, en vie humaine, et qui est entièrement amour. C'est une conversion de la pensée, une crucifixion est une résurrection de la pensée, elle met fin au prodigieux resserrement sur le spectacle et la manipulation qui, à travers son efficacité extrême, est aussi menace d'étouffement. Dans l'ordre de la pratique, le fruit n'est pas d'abord morale et moralisation, mais vivification de ce qui fait la vie humaine ; spécialement l'initiation, le soin, l'œuvre. Pour me borner à la première (qui ne laissera pas indifférents les enseignants), c'est donner aux êtres humains venant en ce monde de quoi porter leur humanité, leur naissance et leur mort, et par cette "sagesse" dont parle Paul, qui n'est point résignation à l'ordre du monde, mais prend appui prodigieusement sur ce qui vient. Quand on sait où en est l'éducation, c'est affaire d'actualité. Quant au poétique, enfin, le fruit n'est pas d'abord un rituel. Car le rite ne fait que dire ce qui d'abord est changement et élévation de toute la vie et qui se fait dans l'ordre symbolique, entendons : par le corps en tant que le corps et esprit. Là, l'écart est si grand entre ce que nous sommes et ce que nous avons à être que nous risquons de ne même pas le voir ! » (juillet 1987).

Sur la foi et la mort : « D’où viennent doute ou soupçon ? D’un constat, déjà, du côté de ce qu’on nomme culture, celle des gens cultivés. Le XXe siècle, là-dessus, nous a enseigné cette vérité terrible : on peut être un scientifique remarquable, un excellent artiste et pactiser avec l’atroce, voire le servir. On peut enseigner la philosophie, ou bien être un homme pieux et ne pas voir l’ignominie et s’en accommoder. À vrai dire, on pouvait s’en apercevoir depuis longtemps ; mais le XXe siècle a donné à ce constat une force inédite. La capacité de faire taire la voix humaine, de réduire des êtres humains, non à l’état de bêtes, mais de choses sans nom, y a pris des proportions inouïes. Nous savons désormais que cette dérive monstrueuse est possible, comme nous savons que nos propres techniques peuvent passer sous le pouvoir de la destruction. C’est au point que la recherche même de la vérité se trouve compromise, puisque celle qui réussit si admirablement en mathématiques et en physique peut se trouver incompétente et impuissante devant les assauts de la Mort. » (septembre 2014).

Sur la décomposition du christianisme : « Bien sûr, une adaptation est nécessaire. Bien sûr il faut quitter ces images de l'enfer, du sacrifice, de la mission, et plus encore ces théorisations prétendument dogmatiques qui donnaient à ces thèmes-là une rigidité insupportable. Quittons ce qu'il faut quitter, disent-ils. L'essentiel reste sauf. Il est tout entier du côté d'une foi heureuse, débarrassée des vieilles peurs, des illusions pieuses, des controverses meurtrières. La foi ne craint plus la modernité. Elle y trouve comme une jeunesse nouvelle. L'Évangile, la liturgie, une morale ouverte à la psychologie, une dogmatique qui ose intégrer ce que l'exégèse ébranle des vieux clichés, tout signifie le renouveau. L'Église se refait une santé (le pape François !). » (janvier 2016).

Dans un billet sur la foi, la sagesse et la raison, il rappelait l'impossibilité d'être neutre : « Pas de neutralité possible. Ici paraît l'illusion critique : croire qu'on peut se tenir en une pensée "objective" qui n'impliquerait pas tout ce qu'il en est du "sujet". On est neutre pour ce qui n'a pas d'importance. Pour le grave et l'essentiel, impensable. On n'est pas neutre devant Auschwitz. Ou alors !... Il faut bien qu'il y ait un absolu. Mais le grand problème des humains, c'est de ne pas savoir où il est. La ligne de séparation change. L'impossibilité et l'interdit ne sont pas fixés. ».

C'était un sujet qui lui a donné l'occasion de suggérer le sens général de son œuvre monumentale : « Il se trouve que mon lieu, mon lieu essentiel (du moins je le crois et l'espère), c'est la foi chrétienne. Voilà qui situe avec force ! L’Évangile n'est soluble dans rien d'autre ; c'est une parole, c'est un homme, un nom qui se disent avènement de l'inouï, et au-delà de toute particularité, pour tous les humains. Comment concilier cela avec cette ouverture, cette diversité que semble exiger l'universel (et le dialogue) ? Il n'y a pas de conciliation. Il y a, c'est vrai, deux positions possibles, aussi mauvaises l'une que l'autre : la prétention des chrétiens à posséder, seuls, la Vérité ; tout le reste est erreur ou attente. Ou le christianisme enfin en accord avec la mentalité contemporaine ; tout ce qui, en lui, résiste à cet arrangement doit se défaire. Deux façons de voir qui ont cet avantage : ça ne coûte rien, on est à l'aise, c'est immédiat (je l'entends du fond ; car bien sûr, on peut développer, publier, débattre... et mener sa vie dans un style ou dans l'autre). S'il n'y a pas de solution, quel chemin ? Je crois bien que tout ce que j'ai écrit (ou pourrais écrire) est dans l'espace de cette question. ». Relier l'Évangile et le monde vivant des humains d'aujourd'hui, c'était le vaste sujet d'étude du doux Bellet, merci à lui.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (02 avril 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Site officiel de Maurice Bellet.
Maurice Bellet, le poète de la divine douceur.
Maurice Bellet, cruauté et tendresse, dans La Voie.
Maurice Bellet, en pleine immersion dans son temps.
La disparition de Maurice Bellet.
Quelques citations de Maurice Bellet.

_yartiBelletMauriceE05




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230405-maurice-bellet.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/maurice-bellet-le-poete-de-la-247619

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/04/03/39867269.html













 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2023 7 12 /03 /mars /2023 13:17

« Vous savez que la tâche du conclave était de donner un évêque à Rome. Il semble bien que mes frères cardinaux soient allés le chercher quasiment au bout du monde… Mais nous sommes là… Je vous remercie pour votre accueil. La communauté diocésaine de Rome a son Évêque : merci ! Et tout d’abord, je voudrais prier pour notre Évêque émérite, Benoît XVI. (…) Et maintenant, initions ce chemin : l’Évêque et le peuple. Ce chemin de l’Église de Rome, qui est celle qui préside toutes les Églises dans la charité. Un chemin de fraternité, d’amour, de confiance entre nous. Prions toujours pour nous : l’un pour l’autre. Prions pour le monde entier afin qu’advienne une grande fraternité. » (pape François, le 13 mars 2013 à Rome).




_yartiPapeFrancois85a03

Il y a dix ans, le mercredi 13 mars 2013, au second jour du conclave, le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires depuis le 18 février 1998, a été élu pape de l'Église catholique. Le conclave a été provoqué par un événement historique, sans précédent depuis six siècles, la renonciation du pape Benoît XVI le 28 février 2013, épuisé par ses fonctions, trop fatigué pour pouvoir continuer dans son rôle pontifical après presque huit ans de pontificat.

D'un contact simple, le pape François allait devenir l'évangéliste, après le communicant (Jean-Paul II) et l'intello (Benoît XVI). Les premiers mots, souvent, marquent un pontificat. Jean-Paul II, à son élection, avait proclamé : « N'ayez pas peur ! ». François, dans la joie et l'étonnement de son élection, s'est proclamé pape du bout du monde, l'Argentine, qui connaît ainsi son premier pape de l'histoire doublement millénaire de l'Église.

Lors de la proclamation de son élection, le nom du nouveau pape a été mal compris en France. Dans les premières minutes, on parlait, à la télévision française, du pape Francis, parce qu'en latin, on disait Francesco (et surtout, qu'en anglais, on disait Francis). François, pour honorer saint François d'Assise, premier pape du nom, ce qui est très rare. Même Karol Wojtyla, qui avait voulu s'appeler Stanislas Ier, en l'honneur à sa patrie, la Pologne, y a renoncé : on lui a déconseillé, il valait mieux se référer à des anciens papes, il a donc honoré la mémoire de son prédécesseur, l'un des papes les plus brefs de l'histoire, Jean-Paul Ier, qui avait choisi ce nom, à la fois nouveau et ancien, en référence à ses deux prédécesseurs qui ont mené le Concile Vatican II, Jean XXIII et Paul VI (il était aussi évêque de Venise où il y a la basilique des Saints-Jean-et-Paul, San Zanipolo). Se faire appeler François (et pas François Ier a-t-il bien insisté), c'était donc une petite révolution au Vatican, mais quelques semaines après la renonciation historique de Benoît XVI, on n'était plus à cela près.

Dans une interview à l'occasion du deuxième anniversaire de son pontificat, le 13 mars 2015, le pape François n'imaginait pas du tout fêter ce dixième anniversaire : « J'ai le sentiment que mon pontificat sera bref, quatre ou cinq ans, peut-être même deux ou trois (…). Deux années ont déjà passé. C'est une sensation étrange. J'ai le sentiment que le Seigneur m'a placé là pour une courte période de temps. ». Et il a ajouté qu'il ne se refuserait pas de renoncer à ses fonctions si c'était nécessaire : « Je pense que Benoît a courageusement ouvert la porte aux papes émérites. Benoît ne doit pas être considéré comme une exception mais comme une institution. ».

Dix ans plus tard, le pape émérite Benoît XVI a disparu (le 31 décembre 2022) et le pape François a déjà plus de 86 ans : il est déjà parmi les dix papes qui ont vécu le plus longtemps de toute l'histoire de la papauté, bien plus âgé que Benoît XVI (qui a renoncé avant ses 86 ans), que Jean-Paul II (mort à presque 85 ans), et il faut remonter au grand pape Léon XIII, mort à 93 ans en 1903, pour connaître un pape "en exercice" aussi âgé. De même, si la durée moyenne d'un pontificat depuis un siècle est de onze ans et dix mois, ce dixième anniversaire du pontificat de François le place largement au-dessus de la moyenne de ses prédécesseurs dans l'histoire depuis près de mille ans (avant, les dates sont trop incertaines pour faire le calcul), qui est de huit ans et huit mois pour les pontificats à partir de celui de Lucius III en 1181.

En dix ans, le pape François a créé 44 cardinaux électeurs, mais dont seulement 5 ont été affectés au service de la Curie). Reprenant le bâton de pèlerin de son prédécesseur polonais avec le même rythme, François a effectué 40 voyages apostoliques hors d'Italie, visitant une soixantaine de pays des cinq continents (il a consacré 176 jours à ces voyages). Il a en particulier visité des peuples qui n'avaient encore jamais reçu la visite d'un pape, à savoir l'Irak, la Birmanie, la Macédoine du Nord, les Émirats arabes unis, le Soudan du Sud et Bahreïn. À ma connaissance (selon mes vérifications), il n'a pas posé les pieds en France en tant que pape (très étrangement), et très rarement en Europe occidentale. Il a également effectué 28 visites pastorales en Italie.

_yartiPapeFrancois20190125B03

Son premier voyage hors du Vatican fut d'ailleurs pour l'île italienne de Lampedusa le 8 juillet 2013 pour venir se révolter comme le drame des réfugiés naufragés en haute mer : « Immigrés morts en mer, dans ces bateaux qui au lieu d’être un chemin d’espérance ont été un chemin de mort. Ainsi titrent des journaux. Il y a quelques semaines, quand j’ai appris cette nouvelle, qui malheureusement s’est répétée tant de fois, ma pensée y est revenue continuellement comme une épine dans le cœur qui apporte de la souffrance. Et alors j’ai senti que je devais venir ici aujourd’hui pour prier, pour poser un geste de proximité, mais aussi pour réveiller nos consciences pour que ce qui est arrivé ne se répète pas. Que cela ne se répète pas, s’il vous plaît ! Mais tout d’abord, je voudrais dire une parole de sincère gratitude et d’encouragement à vous, habitants de Lampedusa et Linosa, aux associations, aux volontaires et aux forces de sécurité, qui avez montré et montrez de l’attention aux personnes dans leur voyage vers quelque chose de meilleur. Vous êtes une petite réalité, mais vous offrez un exemple de solidarité ! Merci ! ».

D'autant plus révoltant que personne ne s'en sent responsable : « Aujourd’hui personne dans le monde ne se sent responsable de cela ; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle ; nous sommes tombés dans l’attitude hypocrite du prêtre et du serviteur de l’autel, dont parlait Jésus dans la parabole du Bon Samaritain : nous regardons le frère à demi mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous "le pauvre", et continuons notre route, ce n’est pas notre affaire ; et avec cela, nous nous mettons l’âme en paix, nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-mêmes, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence. Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire ! Revient la figure de l’Innommé de Manzoni. La mondialisation de l’indifférence nous rend tous "innommés", responsables sans nom et sans visage. ».

Dès ses premiers pas au Vatican, le pape François a marqué les esprits par son style fait de simplicité et de proximité ; il a montré un comportement de pasteur, celui d'être proche des humbles, loin des protocoles, loin des formalismes, avec un retour à l'essentiel, aux fondamentaux, en d'autres termes, un retour à l'humain. En quelque sorte, il s'incarne comme le pape du peuple.

Sur la chaîne catholique KTO sera diffusé le lundi 13 mars 2023 à 20 heures 35 un documentaire, réalisé par Gualtiero Peirce, qui commence par des images extrêmes de solitude : le pape adressant seul sa bénédiction urbi et orbi à une foule inexistante devant une place Saint-Pierre complètement vide. C'était le 27 mars 2020 en pleine première vague de la pandémie de covid-19.

Le libellé du documentaire explique : « Dès son entrée au Vatican, le Saint Père, de manière très confidentielle, a commencé à faire des visites impromptues dans certains endroits, chaque vendredi de la Miséricorde. Il arrive avec une Ford blanche anonyme et, à la stupéfaction et à l’incrédulité des passants, se jette dans la foule. Les prisons, les hôpitaux, les bidonvilles, les familles pauvres, les écoles et les établissements pour personnes âgées font partie de ces lieux où le souverain pontife se plaît à brouiller périodiquement la distinction entre les hautes sphères de l’Église et le peuple des fidèles. Une expérience pastorale inédite, faite de proximité et d’échanges chaleureux qui a été portée à la connaissance des médias en pleine pandémie de covid-19 et de confinement généralisé. Malgré l’éloignement imposé par les mesures sanitaires, le pape semble dire, par son attitude, que la seule façon de s’en sortir c’est "ensemble". ». L'émission est diffusée aussi sur Youtube (vidéo proposée à la fin de l'article).





Dans sa dernière intervention publique, ce dimanche 12 mars 2023 à midi, à l'Angélus, sur la place Saint-Pierre, le pape François a parlé à la fois de pauvreté et d'écologie sur le thème de la soif : « Un appel parfois silencieux qui s'élève chaque jour vers nous et nous demande de prendre soin de la soif des autres. Prendre soin de la soif des autres. "Donne-moi à boire", nous disent ceux qui, dans la famille, sont si nombreux sur le lieu de travail, dans les autres lieux que nous fréquentons, soif de proximité, d'attention, d'écoute, ceux qui ont soif de la parole de Dieu et qui ont besoin de trouver dans l'Église une oasis où ils peuvent s'abreuver. "Donne-moi à boire" est l'appel de notre société où la précipitation, la course à la consommation et surtout l'indifférence, la culture de l'indifférence, génèrent l'aridité et le vide intérieurs. Et ne l'oublions pas, "donne-moi à boire" est le cri de tant de frères et sœurs qui manquent d'eau pour vivre, alors que nous continuons à polluer et à défigurer notre Maison commune, elle aussi épuisée et desséchée par cette soif. Face à ces défis, l'Évangile d'aujourd'hui offre à chacun de nous l'eau vive qui peut faire à chacun de nous un point d'eau pour les autres. ».

À la fin de la bénédiction, il a terminé par cette demande (régulière) : « À vous tous, je souhaite un bon dimanche. S'il vous plaît, n'oubliez pas de prier pour moi ! Bon appétit et au revoir ! ».


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (12 mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
Santé et Amour.
Le testament de Benoît XVI.
Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
Sainte Jeanne d'Arc.
Sainte Thérèse de Lisieux.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François.
Saint  Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
Il est venu parmi les siens...
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Le ralliement des catholiques français à la République.
L’abbé Bernard Remy.
Maurice Bellet.










https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230313-pape-francois.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/francois-les-10-ans-de-pontificat-247164

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/03/11/39841700.html








 

Partager cet article
Repost0
5 janvier 2023 4 05 /01 /janvier /2023 08:07

(vidéo)


Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230102-benoit-xvi.html











https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20230105-obseques-benoit-xvi.html




 

Partager cet article
Repost0
4 janvier 2023 3 04 /01 /janvier /2023 04:42

« Du fond du cœur, je remercie Dieu pour les nombreux amis, hommes et femmes, qu'il a toujours placés à mes côtés (…). À tous ceux que j'ai lésés d'une manière ou d'une autre, je demande pardon de tout mon cœur. » (Benoît XVI, le 29 août 2006).



_yartiBenoitXVIF01

Le pape émérite Benoît XVI est mort avec l'année 2022, le matin de la Saint-Sylvestre. Ses obsèques seront célébrées le jeudi 5 janvier 2023 à partir de 9 heures 30 à la Basilique Saint-Pierre-de-Rome (cérémonie qu'on peut suivre ici).

Son décès a provoqué une vague d'émotion à l'échelle mondiale, ce qui est bien naturel pour cette personnalité marquante du christianisme, pour ce pape qui restera dans l'histoire, bien malgré lui, comme celui qui a rompu avec le pontificat à vie en renonçant à rester pape jusqu'à sa mort :
« J’ai fait ce pas en pleine conscience de sa gravité et aussi de sa nouveauté, mais avec une profonde sérénité d’âme. Aimer l’Église signifie aussi avoir le courage de faire des choix difficiles, douloureux, en ayant toujours à cœur le bien de l’Église et non soi-même. » (27 février 2013).

Il est par ailleurs l'un des papes qui a vécu le plus longtemps dans l'histoire du christianisme, près de 96 ans (il a vécu plus longtemps que Léon XIII, décédé à 93 ans, et saint Agathon aurait été le seul pape à avoir vécu plus longtemps, mort à 104 ans en 681 après deux ans et demi de pontificat). Pour la comparaison, le pape François, qui a un peu plus de 86 ans, est déjà plus âgé que Benoît XVI lorsque ce dernier a renoncé à rester pape (à ce titre, le pape François fait partie des dix papes les plus vieux de l'histoire). Jean-Paul II est mort, quant à lui, quelques semaines avant ses 85 ans.

Parmi les réactions dans le monde, celle du Président français Emmanuel Macron : « Le pape émérite Benoît XVI nous a quittés, après avoir marqué l’Église du sceau de son érudition théologique et œuvré inlassablement pour un monde plus fraternel. (…) Loin de rechercher la fusion de l’État et de l’Église, il rappela l’importance d’une distinction du religieux et du politique, dont l’indépendance mutuelle n’implique pas indifférence, mais dialogue. Aussi invitait-il les chrétiens à s’investir comme citoyens. Ses encycliques appellent à une mondialisation respectueuse qui redistribue les ressources entre riches et pauvres, à une économie humaine qui garde le sens du don et du partage, à une écologie intégrale qui respecte la planète comme la dignité de l’Homme. Son affection pour la France lui valut d’être nommé membre étranger de notre Académie des Sciences morales et politiques. Les années de séminaire lui avaient permis d’imprégner sa pensée des écrits de Bergson, Sartre ou Camus, de se prendre de passion pour Claudel, Bernanos, Mauriac ou Maritain. Ces affinités intellectuelles s’étaient enrichies d’amitiés humaines, tissées au fil de ses échanges de ses voyages à Paris et de ses échanges avec les prélats et théologiens français qui exercèrent une forte influence sur le concile de Vatican II, notamment les futurs cardinaux Daniélou, de Lubac et Congar. (…) Devenu Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, il parcourut la France en septembre 2008, impressionnant ses auditeurs par la finesse de sa culture et l’élégance de son français. ».

Dans les articles dans la presse sur Benoît XVI, il est couramment évoqué son supposé conservatisme et sa supposée opposition avec l'actuel pape François. Pendant tout le temps de son retrait (2013-2022), au contraire, Benoît XVI a souhaité venir en aide à son successeur, participant même le 27 avril 2014 à la canonisation de Jean-Paul II et de Jean XXIII, lors d'une cérémonie appelée des quatre papes (c'était la première fois de l'histoire que l'Église a canonisé deux papes en même temps). De même, le pape François a repris les travaux de Benoît XVI, ce qui se reconnaît dans la première encyclique de François en partie rédigée par son prédécesseur ("Lumen fidei", publiée le 5 juillet 2013, peu de temps après l'élection de François).

Pour exemple, la nécrologie de Stéphanie Le Bars publiée dans Le Monde du 31 décembre 2022 était très stéréotypée : « Intimement marqué par l’histoire tourmentée de l’Europe du XXe siècle, profondément troublé par le « relativisme » qui imprègne, selon lui, les sociétés modernes, le pape allemand aura gouverné l’Eglise entre effacement et renoncement, entre coups de menton et laisser-faire, entre maladresses et rigueur intellectuelle. Son règne a déstabilisé le monde catholique, abîmé l’image de l’Eglise catholique à l’extérieur, laissé en friche nombre de chantiers, et en a ouvert d’autres, demeurés inachevés. Il faut dire que ce très proche collaborateur de Jean Paul II avait accepté la charge à reculons. (…) Avocat de l’alliance entre la foi et la raison, il a plaidé pour que le christianisme ait une voix dans l’espace public, exhortant les croyants à jouer un rôle dans les débats actuels. ».

Théologien moderne, il le fut dès le Concile Vatican II auquel il a participé et Benoît XVI a sans doute laissé son meilleur texte avec l'encyclique "Caritas in veritate" publiée le 29 juin 2009. La charité, c'est la foi et la vérité, c'est la raison : « Le faire sans le savoir est aveugle, et le savoir sans amour est stérile. (…) L’amour dans la vérité demande d’abord et avant tout à connaître et à comprendre, en reconnaissant et en respectant la compétence spécifique propre à chaque champ du savoir. La charité n’est pas une adjonction supplémentaire, comme un appendice au travail une fois achevé des diverses disciplines, mais au contraire elle dialogue avec elles du début à la fin. Les exigences de l’amour ne contredisent pas celles de la raison. Le savoir humain est insuffisant et les conclusions des sciences ne pourront pas, à elles seules, indiquer le chemin vers le développement intégral de l’homme. Il est toujours nécessaire d’aller plus loin : l’amour dans la vérité le commande. Aller au-delà, néanmoins, ne signifie jamais faire abstraction des conclusions de la raison ni contredire ses résultats. Il n’y a pas l’intelligence puis l’amour : il y a l’amour riche d’intelligence et l’intelligence pleine d’amour. ».

Il faut signaler en outre qu'il fut le premier pape à avoir voulu faire toute la lumière (et la transparence) sur la pédocriminalité dans l'Église catholique, intention louable et noble même si, et chaque jour hélas en apporte son grain de sel, il n'a su opérer efficacement. Dans une interview qu'il a accordée aux journalistes dans son avion en vol vers les États-Unis, Benoît XVI expliquait le 15 avril 2008, à propos des scandales de certains prélats américains : « Quand je lis les comptes-rendus de ces événements, j'ai du mal à comprendre comment certains prêtres ont pu manquer à ce point à la mission d'apporter la guérison, d'apporter l'amour de Dieu à ces enfants. J'ai honte et nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour faire en sorte que cela ne se renouvelle plus. Je crois que nous devons agir à trois niveaux : tout d'abord au niveau de la justice et au niveau politique. (…) Nous exclurons de manière absolue les pédophiles du ministère sacré ; c'est totalement incompatible. Celui qui s'est rendu coupable de pédophilie ne peut pas être prêtre. À ce premier niveau, nous pouvons faire justice et aider les victimes, car elles sont profondément blessées ; les deux côtés de la justice sont d'une part que les pédophiles ne peuvent pas être prêtres et de l'autre, l'aide aux victimes, de toutes les manières possibles. Il y a ensuite un niveau pastoral. Les victimes auront besoin de guérison, d'aide, d'assistance et de réconciliation : il s'agit d'un engagement pastoral important et je sais que les évêques, les prêtres et tous les catholiques aux États-Unis feront tout ce qu'ils pourront pour aider, assister, guérir. Nous avons visité les séminaires et nous ferons tout ce qui sera possible pour donner aux séminaristes une profonde formation spirituelle, humaine et intellectuelle. Seules des personnes saines et qui ont vie personnelle profondément enracinée dans le Christ et dans les sacrements peuvent être admises au sacerdoce. Je sais que les évêques et les recteurs de séminaires feront tout leur possible pour avoir un discernement très très sévère car il est plus important d'avoir de bon prêtres que beaucoup de prêtres. Ceci est également notre troisième niveau et nous espérons pouvoir faire, avoir fait et faire encore à l'avenir, tout ce qui est en notre pouvoir pour guérir ces blessures. ».

À l'occasion d'un discours aux cardinaux le 20 décembre 2010, Benoît XVI est revenu sur le sujet : « Nous avons été d’autant plus bouleversés quand, justement en cette année et en une dimension inimaginable pour nous, nous avons eu connaissance d’abus contre les mineurs commis par des prêtres, qui transforment le Sacrement en son contraire ; sous le manteau du sacré, ils blessent profondément la personne humaine dans son enfance et lui cause un dommage pour toute la vie. Dans ce contexte, m’est venue à l’esprit une vision de sainte Hildegarde de Bingen qui décrit de façon bouleversante ce que nous avons vécu cette année. (…) Dans la vision de sainte Hildegarde, le visage de l’Église est couvert de poussière, et c’est ainsi que nous l’avons vu. (…) Nous devons accueillir cette humiliation comme une exhortation à la vérité et un appel au renouvellement. Seule la vérité sauve. Nous devons nous interroger sur ce que nous pouvons faire pour réparer le plus possible l’injustice qui a eu lieu. Nous devons nous demander ce qui était erroné dans notre annonce, dans notre façon tout entière de configurer l’être chrétien, pour qu’une telle chose ait pu arriver. Nous devons trouver une nouvelle détermination dans la foi et dans le bien. Nous devons être capables de pénitence. Nous devons nous efforcer de tenter tout ce qui est possible, dans la préparation au sacerdoce, pour qu’une telle chose ne puisse plus arriver. C’est aussi le lieu pour remercier de tout cœur tous ceux qui s’engagent pour aider les victimes et pour leur redonner la confiance dans l’Église, la capacité de croire à son message. Dans mes rencontres avec les victimes de ce péché, j’ai toujours trouvé aussi des personnes qui, avec grand dévouement, se tiennent aux côtés de celui qui souffre et a subi un préjudice. C’est l’occasion pour remercier aussi les si nombreux bons prêtres qui transmettent dans l’humilité et la fidélité, la bonté du Seigneur et qui, au milieu des dévastations, sont témoins de la beauté non perdue du sacerdoce. Nous sommes conscients de la gravité particulière de ce péché commis par des prêtres et de notre responsabilité correspondante. Mais nous ne pouvons pas taire non plus le contexte de notre temps dans lequel il est donné de voir ces événements. Il existe un marché de la pornographie concernant les enfants, qui, en quelque façon, semble être considéré toujours plus par la société comme une chose normale. La dévastation psychologique d’enfants, dans laquelle des personnes humaines sont réduites à un article de marché, est un épouvantable signe des temps. (…) Tout plaisir devient insuffisant et l’excès dans la tromperie de l’ivresse devient une violence qui déchire des régions entières, et cela au nom d’un malentendu fatal de la liberté, où justement la liberté de l’homme est minée et à la fin complètement anéantie. (…) Rien ne serait en soi-même bien ou mal. Tout dépendrait des circonstances et de la fin entendue. Selon les buts et les circonstances, tout pourrait être bien ou aussi mal. La morale est substituée par un calcul des conséquences et avec cela cesse d’exister. Les effets de ces théories sont aujourd’hui évidentes. Contre elles, le pape Jean-Paul II, dans son encyclique "Veritatis splendor" de 1993, a indiqué avec une force prophétique, dans la grande tradition rationnelle de l’ethos chrétien, les bases essentielles et permanentes de l’agir moral. Ce texte doit aujourd’hui être mis de nouveau au centre comme parcours dans la formation de la conscience. C’est notre responsabilité de rendre de nouveau audibles et compréhensibles parmi les hommes ces critères comme chemins de la véritable humanité, dans le contexte de la préoccupation pour l’homme, où nous sommes plongés. ».

_yartiBenoitXVIF02

Je propose par ailleurs de revenir ici sur le testament spirituel de Benoît XVI. Il l'a rédigé il y a déjà longtemps, puisqu'il a été publié le 29 août 2006, il y a plus de 16 ans, un peu plus d'un an après avoir été élu pape. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, surtout de la part d'un savant théologien, le texte est court et simple. Il ne s'embarrasse pas de fioritures, il va droit à l'essentiel, et l'essentiel, c'est ceci : « Ne vous laissez pas détourner de la foi ! ».

Son message est d'autant plus important qu'il est instruit. Il correspond à l'une de ses focalisations : la foi et la raison sont de concert dans l'existence, l'une renforce l'autre, et sont loin d'être incompatibles. Les deux sont même nécessaires. Car le domaine de la foi n'est pas le domaine de la raison, qui est aussi le domaine de la science.

Il l'a écrit avec une étonnante clarté : « Restez fermes dans la foi ! Ne vous laissez pas troubler ! Il semble souvent que la science, les sciences naturelles d'une part et la recherche historique (en particulier l'exégèse des Saintes Écritures) d'autre part, soient capables d'offrir des résultats irréfutables en contraste avec la foi catholique. J'ai vécu les transformations des sciences naturelles depuis longtemps et j'ai pu voir comment, au contraire, des certitudes apparentes contre la foi se sont évanouies, se révélant être non pas des sciences, mais des interprétations philosophiques ne relevant qu'en apparence de la science ; tout comme, d'autre part, c'est dans le dialogue avec les sciences naturelles que la foi aussi a appris à mieux comprendre la limite de la portée de ses revendications, et donc sa spécificité. ».

Et il était encore plus explicite avec son expérience de philosophe : « Depuis soixante ans, j'accompagne le chemin de la théologie, en particulier des sciences bibliques, et avec la succession des différentes générations, j'ai vu s'effondrer des thèses qui semblaient inébranlables, se révélant de simples hypothèses : la génération libérale (Harnack, Jülicher etc.), la génération existentialiste (Bultmann etc.), la génération marxiste. J'ai vu et je vois comment, à partir de l'enchevêtrement des hypothèses, le caractère raisonnable de la foi a émergé et émerge encore. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie, et l'Église, avec toutes ses insuffisances, est vraiment son corps. ».

Il terminait avec une grande humilité : « Enfin, je demande humblement : priez pour moi, afin que le Seigneur, malgré tous mes péchés et mes insuffisances, me reçoive dans les demeures éternelles. De tout cœur, ma prière va à tous ceux qui, jour après jour, me sont confiés. ». Au moment où il rejoint son Seigneur, Benoît XVI laissera le souvenir d'un pape intellectuel qui a su saisir quelques bribes des temps modernes.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (02 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le testament de Benoît XVI.
Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
Sainte Jeanne d'Arc.
Sainte Thérèse de Lisieux.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François.
Saint  Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
Il est venu parmi les siens...
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Le ralliement des catholiques français à la République.
L’abbé Bernard Remy.
Maurice Bellet.

_yartiBenoit16B01




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230102-benoit-xvi.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/le-testament-de-benoit-xvi-245828

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/01/03/39766684.html






 

Partager cet article
Repost0
2 janvier 2023 1 02 /01 /janvier /2023 04:54

« Pour notre temps, Thérèse est un témoin puissant et proche d'une expérience de la foi en Dieu, en Dieu fidèle et miséricordieux, en Dieu juste par son Amour même. Elle vivait profondément son appartenance à l'Église, Corps du Christ. Je crois que les jeunes trouvent effectivement en elle une inspiratrice pour les guider dans la foi et dans la vie ecclésiale, à une époque où le chemin peut être traversé d'épreuves et de doutes. Thérèse a connu maintes formes d'épreuves, mais il lui a été donné de demeurer fidèle et confiante ; elle en porte témoignage. Elle soutient ses frères et sœurs sur toutes les routes du monde. » (Discours de Jean-Paul II, le 20 octobre 1997 au Vatican).




_yartiSainteThereseDeLisieux01

Ce lundi 2 janvier 2023, une sainte est à l'honneur dont on célèbre le 150e anniversaire de la naissance à Alençon. Il s'agit de sainte Thérèse de Lisieux, qu'on peut aussi appeler sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, à la naissance Thérèse Martin qui a rejoint les carmélites en tant que sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. Je resterai sur Thérèse de Lisieux, Lisieux où elle est morte de tuberculose (hélas, une cause assez banale et qui se soignait mal à l'époque, surtout quand la maladie était déjà très avancée comme c'était le cas pour Thérèse) à l'âge de 24 ans le 30 septembre 1897, il y a un peu plus de cent vingt-cinq ans. Sainte Thérèse de Lisieux est avant tout un modèle de foi pour celui qui doute et qui désespère.

Un article d'Adrien Bail paru dans l'hebdomadaire catholique "Le Pèlerin" le 25 septembre 2013 évoquait comment Thérèse de Lisieux avait été source d'inspiration notamment du philosophe Maurice Bellet : « "Il paraît que Thérèse était très drôle en récréation. Je crois bien qu’elle était gaie. Elle n’avait pas le goût de la tristesse", note Maurice Bellet, rapportant aussi les mots de mère Marie de Gonzague au sujet de Thérèse : "Mystique, comique, tout lui va". Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus a gardé l’espièglerie, mêlée à un profond sérieux, de son enfance, où elle jouait déjà au théâtre (…) et raconte ses aventures avec sa cousine Marie ou sa sœur Céline, dignes de la comtesse de Ségur. Ce côté enfantin lui fera imaginer "un ascenseur" pour aller au ciel… Il reste cependant un style qui peut être un obstacle. Maurice Bellet, amoureux de la petite Thérèse, a été de ceux-ci, d’abord découragé par ce qu’il jugeait être de "la mièvrerie: "L’œuvre de Thérèse est comme un tableau impressionniste : si on a le nez dessus, on risque de ne voir que le sentimentalisme et de passer à côté de l’essentiel". Elle a en fait retrouvé cette fraîcheur après son "étrange maladie". Une époque de mutisme et de crises de larmes, dont elle est sortie grâce à un premier événement mystique à [10] ans : la Vierge lui sourit. On retrouve ce sourire sur de nombreux clichés de Thérèse. Il imprègne son dialogue amoureux avec Jésus et sa symbolique : les roses, les oiseaux… Tout traduit une invincible gaieté qui résistera à l’agonie. ».

Les parents de Thérèse, Zélie Guérin et Louis Martin, étaient très chrétiens (Zélie voulait aller au couvent et Louis voulait devenir chanoine mais on leur déconseilla, et à leur rencontre puis mariage le 13 juillet 1858, ils voulaient consacrer leurs enfants à la religion). Elle dirigeait une entreprise de dentellerie à Alençon avec une quarantaine d'employées ; lui, ancien horloger, était devenu son comptable. Sa mère Zélie est morte jeune le 28 août 1877 d'une tumeur fibreuse au sein quand Thérèse avait 4 ans. La famille s'est installée chez le frère pharmacien de Zélie, à Lisieux, quelques mois plus tard. Zélie et Louis (mort le 29 juillet 1894 après une maladie qui a beaucoup éprouvé Thérèse, d'autant plus que, carmélite, elle ne pouvait pas être auprès de lui) furent béatifiés le 19 octobre 2008 à Lisieux et canonisés le 18 octobre 2015 à Rome par le pape François, pour saluer l'exemplarité de leur vie en couple.

De santé très fragile,Thérèse est tombée très malade à l'âge de 10 ans (anorexie, hallucinations, fièvres) quand sa mère de substitution, sa grande sœur Pauline, est partie du foyer pour entrer dans les ordres le 2 octobre 1882 (mère Agnès de Jésus). Elle fut guérie quelques mois plus tard, le 13 mai 1883, comme par miracle, et le pape Jean-Paul II, dans son Angélus du 19 octobre 1997, a rappelé : « Le lien de saint Thérèse de l'Enfant-Jésus avec Marie fut profond dès son enfance. Elle attribuait sa guérison miraculeuse, à l'âge de 10 ans, à l'expérience inoubliable du sourire de Marie, contemplé sur le visage de la statue placée dans sa chambre. La "Madone du sourire" demeurera également en face de son lit à l'infirmerie où la sainte conclura sa brève existence consumée par la maladie. ».

Comme sa sœur Pauline auparavant, Thérèse est entrée à 15 ans, le 8 avril 1888, dans l'ordre des Carmes déchaux (Carmel), sa prise d'habit a eu lieu le 10 janvier 1889 (à l'âge de 16 ans) et elle a fait sa profession religieuse le 8 septembre 1890. Quatre autres de ses huit sœurs étaient devenues religieuses (et les quatre autres sœurs sont mortes en bas âge ; Thérèse était la plus jeune de toutes). Elle a été convaincue que c'était sa vocation lors de l'exécution d'Henri Pranzini, considéré comme un monstre et condamné à mort dans une affaire de trois meurtres qui a été très suivie par les journaux et dont l'adolescente s'est mise au défi d'obtenir par sa prière la conversion avant d'être guillotiné. Le 31 août 1887, juste avant de mourir, Henri Pranzini, qui n'avait jamais regretté ses crimes, a refusé les services d'un prêtre, mais au tout dernier moment, il s'est retourné et a embrassé la croix. Ce signe de conversion l'a conforté dans ses prières et sacrifices personnels pour aller au Carmel de Lisieux. Entre-temps, avec sa famille, elle a fait un pèlerinage à Rome le 20 novembre 1887 à l'occasion du jubilé du pape Léon XIII avec qui elle a pu s'entretenir en audience générale.

Le 3 avril 1896, Thérèse a eu sa première crise d'hémoptysie (elle crachait du sang par la toux), et a été très malade pendant un an et demi, jusqu'à la fin ; elle a vécu surtout à l'infirmerie du Carmel (à partir du 8 juillet 1896), elle est entrée dans une nuit de la foi, qu'elle a eu le temps de décrire dans un témoignage bouleversant, écrivant beaucoup avant de succomber à la tuberculose le 30 septembre 1897 : « Je ne meurs pas, j'entre dans la vie. ». Ses dernières paroles furent : « Mon Dieu... Je vous aime ! ».

Thérèse de Lisieux ne fut vraiment connue qu'après sa mort avec la publication de ses manuscrits, en particulier ses écrits autobiographiques ("Histoire d'une âme"). Elle a aussi laissé plusieurs pièces de théâtre (au Carmel, elle a joué le rôle de Jeanne d'Arc dans sa propre pièce en janvier 1894 ; à l'époque, la Pucelle d'Orléans était en cours de béatification), des poèmes (une soixantaine) et 250 lettres. "Histoire d'une âme" fut publié en septembre 1898 (en 1956, il y avait déjà eu une quarantaine d'éditions), et en plus d'un siècle, furent vendus plus de 500 millions d'exemplaires, traduits en plus d'une cinquantaine de langues. De nombreuses personnes ont été transfigurées à la lecture de cet ouvrage (qui n'avait pas été écrit pour être publié) et bien avant que le Vatican ne s'en soit mêlé, Thérèse faisait déjà l'objet d'une profonde dévotion populaire et était considérée comme une "petite sainte".

_yartiSainteThereseDeLisieux03

Dans sa biographie publiée par le Vatican, il est écrit : « Sa doctrine et son exemple de sainteté ont été reçus par toutes les catégories de fidèles de ce siècle avec un grand enthousiasme, et aussi en dehors de l'Église catholique et du christianisme. De nombreuses Conférences épiscopales, à l'occasion du centenaire de sa mort, ont demandé au pape qu'elle soit proclamée Docteur de l'Église, à cause de la solidité de sa sagesse spirituelle, inspirée par l'Évangile, à cause de l'originalité de ses intuitions théologiques où brille sa doctrine éminente, et à cause de l'universalité de la réception de son message spirituel, accueilli dans le monde entier et diffusé par la traduction de ses œuvres dans une cinquantaine de langues. ».

Thérèse de Lisieux fut béatifiée le 29 avril 1923 à Rome par le pape Pie XI puis canonisée le 17 mai 1925 à Rome par le même pape : « L'Esprit de vérité lui ouvrit et lui fit connaître ce qu'il a coutume de cacher aux sages et aux savants pour le révéler aux tout-petits. Ainsi, selon le témoignage de notre prédécesseur immédiat, elle a possédé une telle science des réalités d'en-haut qu'elle peut montrer aux âmes une voie sûre pour le salut. ».

Elle fut proclamée le 14 décembre 1927 patronne des Missions (alors qu'elle n'a jamais voyagé hors de Normandie sauf lors de son pèlerinage à Rome), fêtée le 1er octobre dans le calendrier, également sainte patronne de la France, comme sainte Jeanne d'Arc, le 3 mai 1944 par le pape Pie XII. Lors de son homélie le 2 juin 1980 à Lisieux, Jean-Paul II évoquait la missionnaire Thérèse : « Ici, dans son Carmel, dans la clôture du couvent de Lisieux, Thérèse s’est sentie spécialement unie à toutes le missions et aux missionnaires de l’Église dans le monde entier. Elle s’est sentie elle-même "missionnaire", présente par la force et la grâce particulières de l’Esprit d’amour à tous le postes missionnaires, proche de tous les missionnaires, hommes et femmes, dans le monde. Elle a été proclamée par l’Église la patronne des missions, comme saint François Xavier, qui voyagea inlassablement en Extrême-Orient : oui, elle, la petite Thérèse de Lisieux, enfermée dans la clôture carmélitaine, apparemment détachée du monde. ».

Enfin, Thérèse fut déclarée docteure de l'Église le 19 octobre 1997 à Rome par le pape Jean-Paul II, au cours de la Journée mondiale des Missions. C'était une cérémonie extrêmement rare. Rappelons qu'actuellement, il y a 37 docteurs de l'Église, dont seulement 4 femmes (Thérèse fut la 33e docteure de l'Église, 3e femme après sainte Thérèse d'Avila, l'initiatrice d'une nouvelle branche des Carmélites, proclamée le 27 septembre 1970 par le pape Paul VI, et sainte Catherine de Sienne, proclamée le 4 octobre 1970 par Paul VI ; la quatrième femme fut Hildegarde de Bingen, bénédictine, proclamée le 7 octobre 2012 par le pape Benoît XVI).

Dans son message du 1er mars 2022 à Saint Jean de Latran, le pape François observait : « L'éminente doctrine de ces saintes, pour laquelle elles ont été déclarées docteurs de l'Église ou patronnes, prend une nouvelle importance à notre époque en raison de sa permanence, de sa profondeur et de son actualité et, dans les circonstances actuelles, elle offre une lumière et donne une espérance à notre monde fragmenté et en manque d’harmonie. Bien qu'elles appartiennent à des époques et des lieux différents et qu'elles aient accompli des missions différentes, elles ont toutes en commun le témoignage d'une vie sainte. (…) Où ont-elles puisé la force de la réaliser, sinon dans l'amour de Dieu qui remplissait leur cœur ? Comme Thérèse de Lisieux, elles ont pu réaliser pleinement leur vocation, leur "petite voie", leur projet de vie. Un chemin accessible à tous, celui de la sainteté ordinaire. La sensibilité du monde actuel exige que l'on rende aux femmes la dignité et la valeur intrinsèque dont le Créateur les a dotées. L'exemple de vie de ces saintes met en évidence certains des éléments qui composent cette féminité si nécessaire à l'Église et au monde : le courage d'affronter les difficultés, la capacité d'être pragmatique, une disposition naturelle à être proactive en faveur de ce qu'il y a de plus beau et de plus humain, selon le plan de Dieu, et une vision clairvoyante du monde et de l'histoire, prophétique, qui les a rendues semeuses d’espérance et bâtisseuses d'avenir. Leur dévouement au service de l'humanité s'accompagnait d'un grand amour pour l'Église et pour le "doux Christ sur terre", comme Catherine de Sienne aimait appeler le pape. Elles se sentaient coresponsables de la réparation des péchés et des misères de leur temps, et elles contribuaient à la mission d'évangélisation en pleine harmonie et communion ecclésiale. ». Le thème de l'Église catholique et les femmes mériterait évidemment de plus longs développements. Revenons à Thérèse.

Dans sa lettre apostolique du 19 octobre 1997 où il a déclarée Thérèse docteure de l'Église, Jean-Paul II constatait : « À la suite de ces consécrations, le rayonnement spirituel de Thérèse de l'Enfant-Jésus a grandi dans l'Église et s'est répandu dans le monde entier. Nombre d'instituts de vie consacrés et de mouvements ecclésiaux, notamment dans les jeunes Églises, l'ont choisie comme patronne et maîtresse de vie spirituelle, en s'inspirant de sa doctrine. (…) Sous le patronage de la sainte de Lisieux, de multiples cathédrales, basiliques, sanctuaires et églises ont été édifiés et consacrés au Seigneur dans le monde entier. Son culte est célébré par l'Église catholique dans les différents rites d'Orient et d'Occident. Beaucoup de fidèles ont pu éprouver la puissance de son intercession. Nombreux sont ceux qui, appelés au ministère sacerdotal ou à la vie consacrée, spécialement dans les missions ou dans la vie contemplative, attribuent la grâce divine de leur vocation à son intercession et à son exemple. ».

Il insistait sur la profondeur de la vie spirituelle de Thérèse : « Parmi les petits auxquels les secrets du Royaume ont été manifestés d'une manière toute particulière, resplendit Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (…). Pendant sa vie, Thérèse a découvert "de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux" et elle a reçu du divin Maître la "science d'Amour" qu'elle a montrée dans ses écrits avec une réelle originalité. Cette science est l'expression lumineuse de sa connaissance du mystère du Royaume et de son expérience personnelle de la grâce. Elle peut être considérée comme un charisme particulier de la sagesse évangélique que Thérèse, comme d'autres saints et maîtres de la foi, a puisée dans la prière. En notre siècle, l'accueil réservé à l'exemple de sa vie et à sa doctrine évangélique a été rapide, universel et constant. (…) Son message, souvent résumé dans ce qu'on appelle la "petite voie", qui n'est autre que la voie évangélique de la sainteté ouverte à tous, a été étudié par des théologiens et des spécialistes de la spiritualité. ».

Il notait en outre : « Sa doctrine est à la fois une confession de la foi de l'Église, une expérience du mystère chrétien et une voie vers la sainteté. Faisant preuve de maturité, Thérèse donne une synthèse de la spiritualité chrétienne; elle unit la théologie et la vie spirituelle, elle s'exprime avec vigueur et autorité, avec une grande capacité de persuasion et de communication, ainsi que le montrent la réception et la diffusion de son message dans le Peuple de Dieu. L'enseignement de Thérèse exprime avec cohérence et intègre dans un ensemble harmonieux les dogmes de la foi chrétienne considérés comme doctrine de vérité et expérience de vie. (…) Dans les écrits de Thérèse de Lisieux, sans doute ne trouvons-nous pas, comme chez d'autres Docteurs, une présentation scientifiquement organisée des choses de Dieu, mais nous pouvons y découvrir un témoignage éclairé de la foi qui, en accueillant d'un amour confiant la condescendance miséricordieuse de Dieu et le salut dans le Christ, révèle le mystère et la sainteté de l'Église. (…) Elle a fait resplendir en notre temps la beauté de l'Évangile; elle a eu la mission de faire connaître et aimer l'Église, Corps mystique du Christ; elle a aidé à guérir les âmes des rigueurs et des craintes de la doctrine janséniste, plus portée à souligner la justice de Dieu que sa divine miséricorde. Elle a contemplé et adoré dans la miséricorde de Dieu toutes les perfections divines, parce que "la Justice même (et peut-être encore plus que toute autre) me semble revêtue d'amour". (…) Enfin, parmi les chapitres les plus originaux de sa science spirituelle, il faut rappeler la sage recherche qu'a développée Thérèse du mystère et de l'itinéraire de la Vierge Marie, parvenant à des résultats très voisins de la doctrine du Concile Vatican II, au chapitre VIII de la Constitution "Lumen gentium", et de ce que j'ai moi-même proposé dans mon encyclique "Redemptoris Mater" du 25 mars 1987. ».

_yartiSainteThereseDeLisieux02

La sainte est honorée à la Basilique Sainte-Thérèse à Lisieux, bâtiment commencé le 30 septembre 1929 et consacré le 11 juillet 1954 par l'archevêque de Rouen Mgr Joseph-Marie Martin, classé monument historique le 7 septembre 2011. Dans son message radiophonique à l'occasion de la consécration de cette basilique, le pape Pie XII déclarait : «  Message d'humilité d'abord ! Quelle étrange apparition au sein d'un monde imbu de lui-même, de ses découvertes scientifiques, de ses virtuosités techniques, que le rayonnement d'une jeune fille que ne distingue aucune action d'éclat, aucune œuvre temporelle. Avec son dépouillement absolu des grandeurs terrestres, le renoncement à sa liberté et aux joies de la vie, le sacrifice combien douloureux des affections les plus tendres, elle se pose en vivante antithèse de tous les idéals du monde. Quand les peuples et les classes sociales se défient ou s'affrontent pour la prépondérance économique ou politique, Thérèse de l'Enfant jésus apparaît les mains vides : fortune, honneur, influence, efficacité temporelle, rien ne l'attire, rien ne la retient que Dieu seul et son Royaume. Mais en revanche, le Seigneur l'a introduite dans sa maison, lui a confié ses secrets ; il lui a révélé toutes ces choses qu'il cèle aux sages et aux puissants. Et maintenant, après avoir vécu silencieuse et cachée, voici qu'elle parle, voici qu'elle s'adresse à toute l'humanité, aux riches et aux pauvres, aux grands et aux humbles. Elle leur dit avec le Christ : "Entrez par la porte étroite. Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent" (Mt 7, 13). La porte, étroite en vérité, mais accessible à tous, est celle de l'humilité. (…) Cette créature est destinée aussi à recevoir le plus éblouissant des dons du Ciel : l'amour divin. Dès sa plus tendre enfance, Thérèse se sent possédée de lui, livrée à toutes ses exigences, incapable de rien lui refuser. Petit à petit, se précisent les renoncements qu'il attend d'elle. Aucun sacrifice ne lui sera épargné : Dieu comme une flamme ardente la consumera toute entière jusqu'à l'ultime agonie, qui s'accomplira dans la foi pure, privée de toute consolation. Mais sainte Thérèse sait qu'elle présente une offrande expiatoire pour les fautes du monde, qu'elle continue en sa chair et en son cœur lacérés le mystère de la Croix. ».

Je terminerai cette modeste évocation de Thérèse par la lettre du pape Paul VI du 2 janvier 1973, il y a exactement cinquante ans, à l'occasion (donc) du centenaire de la naissance de la sainte : « Que sa proximité de Dieu, la simplicité de sa prière, entraînent les cœurs à rechercher l’essentiel ! Que son espérance ouvre la voie à ceux qui doutent de Dieu ou souffrent de leurs limites ! Que le réalisme de son amour soulève nos tâches quotidiennes, transfigure nos relations, dans un climat de confiance en l’Église ! (…) À notre époque, l’intimité avec Dieu demeure comme un objectif capital mais difficile. On a en effet jeté le soupçon sur Dieu; on a qualifié d’aliénation toute recherche de Dieu pour lui-même ; un monde largement sécularisé tend à couper de leur source et de leur finalité divines l’existence et l’action des hommes. Et pourtant la nécessité d’une prière contemplative, désintéressée, gratuite, se fait de plus en plus sentir. L’apostolat lui-même, à tous ses niveaux, doit s’enraciner dans la prière, rejoindre le Cœur du Christ, sous peine de se dissoudre dans une activité qui ne conserverait d’évangélique que le nom. Face à cette situation, Thérèse demeure avant tout celle qui a cru passionnément en l’Amour de Dieu, qui a vécu sous son regard les moindres détails quotidiens, marchant en sa présence, qui a fait de toute sa vie un colloque avec le Bien-Aimé, et qui a trouvé là, non seulement une aventure spirituelle extraordinaire, mais le lieu où elle rejoignait les horizons les plus vastes et communiait intimement aux soucis et aux besoins missionnaires de l’Église. Tous ceux qui sont aujourd’hui en quête de l’essentiel, qui pressentent la dimension intérieure de la personne humaine, qui recherchent le Souffle capable de susciter une vraie prière et de donner une valeur théologale à toute leur vie, nous les invitons, qu’ils soient contemplatifs ou apôtres, à se tourner vers la carmélite de Lisieux : au-delà d’un langage nécessairement marqué par son époque, elle constitue un guide incomparable sur les chemins de l’oraison. ».

Et le souverain pontife continuait, dans une étonnante modernité : « De même aujourd’hui, il importe de raviver l’espérance. Beaucoup éprouvent durement les limites de leurs forces physiques et morales. Ils se sentent impuissants devant les immenses problèmes du monde dont ils s’estiment à juste titre solidaires. Le travail quotidien leur semble écrasant, obscur, inutile. Bien plus, parfois, la maladie les condamne à l’inaction, la persécution étend sur eux un voile étouffant. Les plus lucides ressentent davantage encore leur propre faiblesse, leur lâcheté, leur petitesse. Le sens de la vie peut ne plus apparaître clairement, le silence de Dieu, comme on dit, peut se faire oppressant. Certains se résignent avec passivité ; d’autres se referment sur leur égoïsme ou sur la jouissance immédiate ; d’autres se durcissent ou se révoltent ; d’autres enfin désespèrent. Aux uns et aux autres, Thérèse "de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face" apprend à ne pas compter sur soi-même, qu’il s’agisse de vertu ou de limite, mais sur l’Amour mystérieux du Christ qui est plus grand que notre cœur et nous associe à l’offrande de sa Passion et au dynamisme de sa Vie. Puisse-t-elle enseigner à tous la "petite voie royale" de l’esprit d’enfance, qui est aux antipodes de la puérilité, de la passivité, de la tristesse ! De cruelles épreuves de famille, des scrupules, des peurs, d’autres difficultés encore semblaient bien de nature à perturber son épanouissement ; la maladie n’a pas épargné sa jeunesse ; bien plus, elle a expérimenté profondément la nuit de la foi. Et Dieu lui a fait trouver, au sein même de cette nuit, l’abandon confiant et le courage, la patience et la joie, en un mot la vraie liberté. Nous invitons tous les hommes de bonne volonté, particulièrement les petits et les humiliés, à méditer ce paradoxe d’espérance. ».


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (31 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Sainte Jeanne d'Arc.
Sainte Thérèse de Lisieux.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François.
Saint  Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
Il est venu parmi les siens...
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Le ralliement des catholiques français à la République.
L’abbé Bernard Remy.
Maurice Bellet.

_yartiSainteThereseDeLisieux05




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230102-sainte-therese-de-lisieux.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/l-ultra-foi-en-l-amour-de-sainte-245800

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/01/01/39764502.html








 

Partager cet article
Repost0
31 décembre 2022 6 31 /12 /décembre /2022 10:28

« Ce que l'on possède avec l'esprit s'obtient en le connaissant, mais aucun bien n'est parfaitement connu si l'on n'aime pas parfaitement. » (Saint Augustin, "De diversis quaestionibus octoginta tribus", 396, cité par Benoît XVI le 16 octobre 2008).





_yartiBenoitXVIC04

Triste fin d'année. C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai appris ce matin du samedi 31 décembre 2022 la mort du pape émérite Benoît XVI à l'âge de 95 ans et demi (il est né le 16 avril 1927). Son successeur, le pape François, était venu le voir il y a quelques jours et il avait tristement annoncé que Benoît XVI, malade et très âgé, était à sa fin. La prévisibilité n'en enlève pas pour autant l'émotion. J'avais eu la chance de l'écouter sur la place des Invalides un jour qu'il s'était rendu à Paris, le 13 septembre 2008 (dans un excellent français).

On pourra beaucoup parler de ce pape extraordinaire, qui a eu la lourde tâche de succéder à (saint) Jean-Paul II. Et on en parlera encore longtemps. À la fois vu comme un grand innovateur et comme un grand conservateur, ce qui est très paradoxal. En fait, il était avant tout un grand intellectuel, un théologien et professeur de théologie qui a accepté sa tâche pastorale tant que sa santé le lui permettait et qui a été un grand innovateur dans la fonction pontificale puisqu'il a osé démissionner, renoncer plus exactement, alors que son prédécesseur voulait laisser Dieu (ou la Nature) achever son (long) pontificat. Ce qui permettra à ses successeurs, et en particulier à son successeur direct François qui a eu 86 ans il y a quelques jours, de pouvoir se laisser la possibilité de se retirer sans révolution vaticane, d'être, comme le fut Benoît XVI, en retraite au Vatican (et pas en retrait du monde).

Ordonné prêtre le 29 juin 1951 (à 24 ans), ordonné évêque le 28 mai 1977 et, dans la foulée, créé cardinal le 27 juin 1977 par le pape (saint) Paul VI (à 50 ans), archevêque de Munich et Freising du 28 mars 1977 au 15 février 1982, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 25 novembre 1981 au 13 mai 2005, doyen du Collège des cardinaux du 30 novembre 2002 au 19 avril 2005, Benoît XVI fut élu pape le 19 avril 2005 (à 78 ans), intronisé le 24 avril 2005, et il a renoncé à son pontificat le 28 février 2013 (à presque 86 ans), laissant son successeur François prendre la relève au Vatican, tout en restant lui-même au Vatican, très discrètement, avec le titre choisi par lui, "pape émérite".

Mais innovateur, Benoît XVI l'a été aussi intellectuellement dès le Concile Vatican II et dans son approche de la foi et de la raison. Pour lui rendre hommage, je voudrais le citer dans deux de ses interventions prononcées en tant que pape pour honorer la foi et la raison, deux éléments majeurs dans l'existence humaine, pas du tout incompatibles, au contraire, très complémentaires.

Dans la première intervention, qui célébrait, le 16 octobre 2008 à l'Université pontificale du Latran, le dixième anniversaire de l'Encyclique "Fides et Ratio" (Foi et Raison), publiée le 14 septembre 1998, signée par le pape Jean-Paul II mais dont une grande partie fut préparée par celui qui était encore Mgr Joseph Ratzinger, il rappelait la nécessité de « rendre raison de sa propre foi face aux défis toujours plus complexes qui sont lancés aux croyants dans le monde contemporain ».

Benoît XVI a évoqué l'objectif de cette encyclique : « Elle a voulu défendre la force de la raison et sa capacité d'atteindre la vérité, en présentant à nouveau la foi comme une forme particulière de connaissance, grâce à laquelle on s'ouvre à la vérité de la Révélation. On lit dans l'encyclique qu'il faut avoir confiance dans les capacités de la raison humaine et ne pas se fixer des objectifs trop modestes : "C'est la foi qui incite la raison à sortir de son isolement et à prendre volontiers des risques pour tout ce qui est beau, bon et vrai. La foi se fait ainsi l'avocat convaincu et convaincant de la raison". Le temps écoulé manifeste, du reste, quels sont les objectifs que la raison, soutenue par la passion pour la vérité, a su atteindre. Qui pourrait nier la contribution que les grands systèmes philosophiques ont apporté au développement de l'auto-conscience de l'homme et au progrès des différentes cultures ? Celles-ci, par ailleurs, deviennent fécondes quand elles s'ouvrent à la vérité, permettant à ceux qui y participent d'atteindre des objectifs qui rendent la vie sociale toujours plus humaine. La recherche de la vérité porte ses fruits en particulier quand elle est soutenue par l'amour de la vérité. Saint Augustin a écrit : "Ce que l'on possède avec l'esprit s'obtient en le connaissant, mais aucun bien n'est parfaitement connu si l'on n'aime pas parfaitement" (De diversis quaestionibus, 35, 2). Toutefois, nous ne pouvons pas nous cacher qu'un glissement a eu lieu, d'une pensée en grande partie spéculative à une pensée le plus souvent expérimentale. La recherche s'est en particulier tournée vers l'observation de la nature, dans la tentative d'en découvrir les secrets. Le désir de connaître la nature s'est ensuite transformé dans la volonté de la reproduire. Ce changement n'a pas été indolore : l'évolution des concepts a entaché la relation entre la fides et la ratio, avec la conséquence de conduire l'une et l'autre à suivre des voies différentes. La conquête scientifique et technologique, avec laquelle la fides est toujours davantage appelée à se confronter, a modifié l'antique concept de ratio; d'une certaine manière, elle a mis en marge la raison qui recherchait la vérité ultime des choses pour laisser place à une raison qui se contentait de découvrir la vérité contingente des lois de la nature. La recherche scientifique a certainement une valeur positive. La découverte et le développement des sciences mathématiques, physiques, chimiques et des sciences appliquées sont le fruit de la raison et expriment l'intelligence avec laquelle l'homme réussit à pénétrer dans la profondeur de la création. La foi, pour sa part, ne craint pas le progrès de la science et les développements auxquels ses conquêtes conduisent lorsque celles-ci sont finalisées à l'homme, à son bien-être et au progrès de toute l'humanité. Comme le rappelait l'auteur inconnu de la Lettre à Diognète : "Ce n'est pas l'arbre de la science qui tue, mais la désobéissance. Il n'y a pas de vie sans science, ni science sûre sans vie véritable" (xii, 2.4). Il arrive cependant que les scientifiques n'orientent pas toujours leurs recherches vers ces objectifs. Le gain facile ou, pire encore, l'arrogance de remplacer le Créateur jouent parfois un rôle déterminant. Il s'agit d'une forme d'hybris de la raison, qui peut assumer des caractéristiques dangereuses pour l'humanité elle-même. La science, par ailleurs, n'est pas en mesure d'élaborer des principes éthiques ; elle peut seulement les accueillir en elle et les reconnaître comme nécessaires pour faire disparaître ses éventuelles pathologies. La philosophie et la théologie deviennent, dans ce contexte, des aides indispensables avec lesquelles il faut se confronter pour éviter que la science n'avance toute seule sur un sentier tortueux, plein d'imprévus et qui n'est pas privé de risques. Cela ne signifie pas du tout limiter la recherche scientifique ou empêcher la technique de produire des instruments de développement; cela consiste plutôt à garder en éveil le sens de responsabilité que la raison et la foi possèdent à l'égard de la science, pour qu'elle demeure dans le sillon de son service à l'homme. ».

La seconde intervention fut l'une de ses dernières audiences générales en tant que pape en exercice, prononcée le 21 novembre 2012 sur l'Année de la foi. Là aussi, Benoît XVI a insisté sur la complémentarité de la foi et de la raison : « La tradition catholique depuis le début a rejeté ce que l’on appelle le fidéisme, qui est la volonté de croire contre la raison. Credo quia absurdum (je crois parce que c’est absurde) n’est pas une formule qui interprète la foi catholique. Dieu, en effet, n’est pas absurde, tout au plus est-il mystère. Le mystère, à son tour, n’est pas irrationnel, mais est surabondance de sens, de signification, de vérité. Si, en regardant le mystère, la raison est dans l’obscurité, ce n’est pas parce que le mystère n’est pas lumière, mais plutôt parce qu’il y en a trop. Il en est ainsi lorsque les yeux de l’homme se tournent directement vers le soleil pour le regarder, ils ne voient que ténèbres ; mais qui dirait que le soleil n’est pas lumineux, il est même la source de la lumière ? La foi permet de regarder le "soleil", Dieu, parce qu’elle est accueil de sa révélation dans l’histoire et, pour ainsi dire, elle reçoit vraiment toute sa luminosité du mystère de Dieu, en reconnaissant le grand miracle : Dieu s’est approché de l’homme, il s’est offert à sa connaissance, en s’abaissant à la limite créaturale de sa raison (cf. Conc. œc. Vat. ii, Const. dogm. Dei Verbum, n. 13). Dans le même temps, Dieu, par sa grâce, éclaire la raison, lui ouvre des horizons nouveaux, incommensurables et infinis. C’est pourquoi la foi constitue un encouragement à chercher toujours, à ne jamais s’arrêter et à ne jamais trouver le repos dans la découverte inépuisable de la vérité et de la réalité. Le préjugé de certains penseurs modernes, selon lesquels la raison humaine serait bloquée par les dogmes de la foi, est faux. C’est exactement le contraire qui est vrai, comme les grands maîtres de la tradition catholique l’ont démontré. Saint Augustin, avant sa conversion, cherche avec tant d’inquiétude la vérité, à travers toutes les philosophies disponibles, en les trouvant toutes insatisfaisantes. Sa recherche rationnelle épuisante est pour lui une pédagogie significative en vue de la rencontre avec la Vérité du Christ. Lorsqu’il dit : "Comprends pour croire et crois pour comprendre" (Discours 43, 9 : PL 38, 258), c’est comme s’il racontait sa propre expérience de vie. L’intellect et la foi, face à la Révélation divine, ne sont pas étrangers ou antagonistes, mais ils sont tous deux des conditions pour en comprendre le sens, pour en recevoir le message authentique, en s’approchant du seuil du mystère. Saint Augustin, avec beaucoup d’autres penseurs chrétiens, est témoin d’une foi qui s’exerce avec la raison, qui pense et invite à penser. Dans ce sillage, saint Anselme dira dans son Proslogion que la foi catholique est fides quaerens intellectum, où la recherche de l’intelligence est un acte antérieur à croire. Ce sera surtout saint Thomas d’Aquin, fort de cette tradition, qui se confrontera avec les raisons des philosophes, en montrant quelle fécondité rationnelle nouvelle dérive dans la pensée humaine de la greffe des principes et des vérités de la foi chrétienne. La foi catholique est donc raisonnable et nourrit notre confiance également dans la raison humaine. Le Concile Vatican I, dans la constitution dogmatique Dei Filius, a affirmé que la raison est en mesure de connaître avec certitude l’existence de Dieu à travers la voie de la création, tandis que ce n’est qu’à la foi qu’appartient la possibilité de connaître "facilement, avec une certitude absolue et sans erreur" (ds 3005) les vérités qui concernent Dieu, à la lumière de la grâce. La connaissance de la foi, en outre, n’est pas contre la raison droite. Le [saint] pape Jean-Paul II, en effet, dans l’Encyclique Fides et Ratio, résume ainsi : "La raison de l’homme n’est ni anéantie, ni humiliée lorsqu’elle donne son assentiment au contenu de la foi; celui-ci est toujours atteint par un choix libre et conscient" (n. 43). Dans l’irrésistible désir de vérité, seul un rapport harmonieux entre foi et raison est le chemin juste qui conduit à Dieu et à la pleine réalisation de soi. ».

Pape de la raison qu'il fut avant tout, Benoît XVI a marqué durablement l'Église catholique par sa pensée complexe et ses réflexions théologiques. J'aurai certainement l'occasion de revenir sur ce grand intellectuel. Qu'il repose en paix.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (31 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’encyclique "Fides et ratio" du 14 septembre 1998.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François.
Saint  Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
Il est venu parmi les siens...
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Le ralliement des catholiques français à la République.

_yartiBenoitXVID02




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221231-benoit-xvi.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/hommage-au-pape-emerite-benoit-xvi-245786

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/31/39763363.html








 

Partager cet article
Repost0
28 décembre 2022 3 28 /12 /décembre /2022 03:00

« Le critère de l’amour. Par expérience, il avait reconnu que le désir est la racine de toute vraie vie spirituelle et, en même temps, le lieu de sa contrefaçon. » (pape François, le 28 décembre 2022).




_yarti2023NouvelAn02

Célébrant dans une lettre apostolique, le 28 décembre 2022, le quatrième centenaire de la mort, à Lyon (à l'âge de 55 ans), de saint François de Sales (évêque théorique de Genève à partir du 17 septembre 1602 ; saint patron des journalistes), le pape François a poursuivi : « C’est pourquoi, en recueillant largement la tradition spirituelle qui l’avait précédé, il avait compris l’importance de mettre constamment le désir à l’épreuve par un continuel exercice de discernement. Il avait retrouvé dans l’amour le critère ultime de son évaluation. Toujours lors de son dernier séjour à Lyon, en la fête de saint Étienne, deux jours avant sa mort, il avait déclaré : "C’est l’amour qui donne la perfection à nos œuvres. Je vous dis bien plus : voilà une personne qui souffre le martyre pour Dieu avec une once d’amour, elle mérite beaucoup, on ne saurait donner davantage que sa vie ; mais une autre personne qui ne souffrira qu’une chiquenaude avec deux onces d’amour aura beaucoup plus de mérite, parce que c’est la charité et l’amour qui donne le prix à nos œuvres". De manière concrète et surprenante, il avait poursuivi en illustrant la relation difficile entre contemplation et action (…). C’est la vraie question qui surpasse toute rigidité inutile ou repli sur soi : se demander à chaque instant, pour chaque choix, dans chaque circonstance de la vie, où se trouve le plus grand amour. Ce n’est pas un hasard si saint François de Sales a été appelé par saint Jean-Paul II "le Docteur de l’amour divin", non seulement parce qu’il en a écrit un puissant Traité, mais surtout parce qu’il en a été témoin. Par ailleurs, ses écrits ne peuvent pas être considérés comme une théorie rédigée sur le papier, loin des préoccupations de l’homme ordinaire, car son enseignement est né d’une observation attentive de l’expérience. Il n’a fait que transformer en doctrine ce qu’il vivait et déchiffrait avec acuité, éclairé par l’Esprit, dans son action pastorale singulière et novatrice. ».

Nul doute que le moment des vœux pour la nouvelle année 2023 est propice au rappel de la parole de l'Évangile qui se réduit finalement à l'essentiel : Aime ton prochain comme toi-même ! C'est sûr que dans ce monde déréférencé, déspiritualisé, déchristianisé, l'amour est une notion qui a des connotations autres, qui peuvent évoquer les pervers sexuels comme les harceleurs machistes. Certes, le mot "amour" en français est susceptible d'entretenir la confusion entre ses trois formes : l'amour sensuel ou passionnel (éros), l'amour platonique ou amical (philia) et l'amour charité, celui du plaisir d'offrir (agapè), mais je serais aussi tenté de créer un mot spécial pour chaque relation que j'entretiens avec une personne différente, tant cette relation, précieuse, est toujours unique, spécifique, particulière, avec sa propre histoire.

Et bien sûr, la première chose qu'on souhaite aux personnes qu'on aime, c'est qu'elles gardent une bonne santé ou, du moins, que celle-ci ne se dégrade pas trop dans l'année qui suit. Or, cela fait depuis 2020 que la santé est devenue un sujet majeur des actualités. Pour la première fois depuis 2020, la fin d'année et le nouvel an ne sont plus abordés sous le sceau de l'inquiétude sanitaire du covid-19. Malgré une pandémie qui continue à sévir (nous sommes actuellement à un pic pour les décès avec 115 décès par jour), malgré donc ces nombreux morts (passés sous silence dans les médias), on commence à vivre avec le covid-19 tant bien que mal, sans une catastrophe sanitaire majeure (malgré l'état des hôpitaux surtout impacté par l'épidémie saisonnière de grippe), grâce à une vaccination massive depuis un an (près de 95% des personnes de 12 ans et plus ont été vaccinées) qui apporte un certaine immunité collective (à ce titre, la France tient mieux que l'Allemagne face aux différentes "vagues").

Certes, les pessimistes voient arriver un nouveau variant de Chine, pays qu'on a cru louer pour sa politique zéro covid et qui s'est montré le plus irresponsable de tous vis-à-vis de sa population par le refus politique d'utiliser des vaccins à ARN messager (les plus performants contre le covid-19). Des prévisions d'un milliard de personnes contaminées dans les trois prochains mois laissent entendre l'arrivée d'un nouveau variant qui pourrait être très différent de l'actuel omicron. Notons d'ailleurs que si l'Italie de Giorgia Meloni a su prendre très rapidement des mesures à ses frontières (test négatif au dépistage du covid aux aéroports), l'Europe cherche encore une harmonisation globale pour sa propre sécurité sanitaire (au 29 décembre 2022). Cela écrit, le pire n'est heureusement jamais certain, la planète a déjà donné depuis près de trois ans, et il faut imaginer que cette pandémie de covid-19 se transforme en maladie endémique qui rebondira régulièrement trois ou quatre fois chaque année, deux ou trois fois plus souvent que la grippe, sans pour autant empêcher le monde de vivre.

_yarti2023NouvelAn03

Faut-il alors être optimiste ou pessimiste pour 2023 ? La question n'a aucun sens et à moins de vouloir prendre la place de madame soleil, il est difficile d'imaginer ce qui va dominer l'année 2023 quand on regarde l'année 2020 et l'année 2022, deux années dont le 1er janvier laissait dans l'ignorance totale l'horreur qui allait surgir, la pandémie de covid-19 pour la première, la tentative d'invasion russe de l'Ukraine pour la seconde. On peut se douter que le conflit en Ukraine ne s'arrêtera pas de sitôt et que les morts, hélas, continueront à s'accumuler (ainsi que les désinformations ouvertement antipatriotiques et antifrançaises venues du Kremlin).

Le fond de l'air effraie, tenterais-je en une réponse maladroite : la guerre à nos portes, la menace nucléaire, la crise énergétique, le bouleversement climatique et les mesures peut-être mal conçues pour tenter d'y répondre, sont des sujets durablement anxiogènes, probablement qu'il faudra une génération pour se permettre à nouveau l'insouciance si la planète y survit (ce que je crois !), comme le chômage et le risque de paupérisation ont été pendant trente ans la principale source d'angoisse des jeunes et moins jeunes générations.

En France, l'année 2023 ne sera pas électorale. À moins d'une dissolution ou d'un référendum, le calendrier ne prévoit aucune élection au niveau national voire local (sauf éventuel particularisme d'outre-mer). L'année 2022 fut l'année d'un choix politique, le choix crucial du Président de la République, date essentielle tous les cinq ans, et il a été clairement porté sur la réélection du Président Emmanuel Macron. Cela énerve toutes les oppositions populistes, qu'elles soient d'extrême droite ou d'extrême gauche, elles qui n'avaient même pas voulu croire qu'il finirait son premier quinquennat, mais il faut dire qu'Emmanuel Macron, qui n'a quasiment pas fait campagne, ce qui était casse-cou de sa part, a bénéficié, face à lui, d'une absence d'offre politique sérieuse et crédible absolument inédite sous la Cinquième République. Heureusement, le peuple français, que ces oppositions maltraitent en les insultant avec condescendance (au mieux) de veaux ou de moutons, a été raisonnable et responsable et a rejeté tous ces délires politico-égotiques étalés sur le marché.


2022 fut une année favorable aux femmes, en France et en Europe. Certes, la reine du Royaume-Uni Élisabeth II a pris le large, et sa Première Ministre Liz Truss fut très brève, mais Élisabeth Borne a été nommée Première Ministre en France (pour probablement une longue durée), Giorgia Meloni aussi a été investie Présidente du Conseil des ministres en Italie avec une majorité absolue au parlement italien, et, toujours en France, Yaël Braun-Pivet a été élue première Présidente de l'Assemblée Nationale. Et saluons une fois encore Annie Ernaux Prix Nobel de Littérature 2022. Et profitons-en, c'est un homme, pour saluer également le Prix Nobel de Physique 2022, le Français Alain Aspect.

2023 n'aura donc probablement pas d'élections, mais la France ne s'épargnera pas des débats qui se présentent déjà très chauds. L'assurance-chômage peut-être, la réforme des retraites, présentée dès le 10 janvier 2023, certainement. Aurons-nous des grèves et des manifestations à répétition comme en hiver 2019-2020 ou y aura-t-il une certaine lassitude de la revendication et de la contestation ? Je n'ai aucune réponse à cette question, mais l'idée de travailler plus n'est plus en débat dans toutes les grandes démocraties qui nous entourent. La France a été financièrement et politiquement plombée pendant quarante ans par le programme de François Mitterrand de 1981 (les fameuses 110 propositions) qui a fait passer l'âge légal de la retraite de 65 à 60 ans, à contre-sens total de l'histoire où le taux d'actifs (qui ne sont pas au chômage et qui cotisent pleinement) sur retraités se réduisait de plus en plus. Bien sûr, des mesures supposées écologiques seront encore au rendez-vous avec un double danger, celui d'en faire trop (et sans efficacité sur la planète) ou celui de n'en faire pas assez (ce que les jusqu'au-boutistes à la sauce Greta Thunberg diront toujours quoi qu'il en soit).

Au-delà de ces débats socio-économiques, je sens qu'un débat va revenir auquel je ne suis pas revenu depuis plusieurs mois, mais qui est en fait déjà commencé ; il est sur la fin de vie. Je sens que ce sujet va être très maltraité, comme souvent dans les médias, et que les facilités de langage l'emporteront sur l'intelligence collective. La culture de la vie doit absolument être préservée sur la culture de la mort et nul doute que j'y reviendrai fréquemment au cours de l'année, avec malheureusement la même amertume que Michel Houellebecq qui a lâché devant Michel Onfray (dans sa revue) : « L'euthanasie, je sens que c'est un sujet sur lequel il va falloir que je m'exprime prochainement dans les médias. Vu tout ce que j'ai déjà dit, vu le projet de loi en préparation, je suis quasiment obligé d'y aller. Ce qui me déprime, car c'est un combat perdu d'avance. Je sais que ça va me tomber dessus et que je vais le perdre. ». En dehors de la trop forte personnalisation (contre-productive à mon sens) que l'écrivain voudrait faire du débat, je le trouve toutefois trop pessimiste, ce qui nuit au débat, et je crois encore à la raison au-delà de la mode et des pressions habituelles de certains lobbies (de la culture de la mort).

Je souhaite à toutes et tous que l'optimisme et la foi en l'avenir l'emportent quand même, malgré tout, sur toutes les pesanteurs des angoisses justifiées mais qui doivent être sublimées par l'action efficace et la joie, comme l'a exprimé saint François de Sales cité par le pape.

En effet, François a affirmé en particulier : « Tout cela a conduit le saint évêque à considérer la vie chrétienne dans son ensemble comme "l’extase de l’œuvre et de la vie". Celle-ci ne doit cependant pas être confondue avec une fuite facile ou un retrait dans l’intimité, et encore moins avec une obéissance triste et grise. Nous savons que ce danger est toujours présent dans la vie de foi. En effet, "il y a des chrétiens qui semblent avoir un air de Carême sans Pâques. (…) Je comprends les personnes qui deviennent tristes à cause des graves difficultés qu’elles doivent supporter, cependant peu à peu, il faut permettre à la joie de la foi de commencer à s’éveiller, comme une confiance secrète mais ferme, même au milieu des pires soucis". ».

Alors, souriez donc et passez une excellente année, avec l'esprit d'espérance et de confiance, le monde n'en sera que plus beau !


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (31 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
2023.
2022.
2021.
2020.
2019.
2018.
2017.
2016.
2015.
2014.
2012.
2010.

_yarti2023NouvelAn01





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221228-saint-francois-de-sales.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/30/39762005.html





 

Partager cet article
Repost0
24 décembre 2022 6 24 /12 /décembre /2022 04:26

Joyeux Noël 2022 !




_yartiJoyeuxNoel01

Mon titre provient de l'Évangile selon saint Jean pour expliquer que Marie et Joseph n'avaient nul endroit pour faire naître Jésus-Christ, d'où une étable, aux côtés d'un âne et d'un bœuf. Saint Luc a fait dire à Jésus plus tard : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. ». Ces deux phrases ont été citées par le pape François lors de son audience générale peu avant Noël de l'an dernier, le 22 décembre 2021 à la Salle Paul-VI et il insistait sur l'un des messages de l'Église et en particulier un message de Noël : « Le message des évangiles est clair : la naissance de Jésus est un événement universel qui concerne tous les hommes. ». Il faut bien sûr comprendre : qui concerne tous les hommes et les femmes !

Pour mieux comprendre le message du pape, il faut remonter cinq années en arrière, dans sa déclaration urbi et orbi du 25 décembre 2017, au balcon central de la Basilique Saint-Pierre de Rome. Le pape François avait voulu alors parler des migrants. Des réfugiés.

Pour lui, fêter la naissance du Christ est évidemment essentielle : « Cet événement se renouvelle aujourd’hui dans l’Église, en pèlerinage dans le temps : la foi du peuple chrétien revit dans la liturgie de Noël le mystère de Dieu qui vient, qui prend notre chair mortelle, qui se fait petit et pauvre pour nous sauver. Et cela nous nous remplit d’émotion, parce que la tendresse de notre Père est très grande. ».

Il a dit en particulier, de manière très forte : « Aujourd’hui, alors que soufflent sur le monde des vents de guerre et qu’un modèle de développement déjà dépassé continue à engendrer de la dégradation humaine, sociale et environnementale, Noël nous renvoie au signe de l’Enfant, et nous appelle à le reconnaître sur les visages des enfants, spécialement de ceux pour qui, comme pour Jésus, "il n’y a plus de place dans la salle commune". ».

Pour parler plus clairement, le pape François a cité les réfugiés de tout lieu : « Nous voyons Jésus dans les nombreux enfants contraints de quitter leurs propres pays, de voyager seuls dans des conditions inhumaines, proies faciles des trafiquants d’êtres humains. Dans leurs yeux, voyons le drame de tant de migrants forcés qui mettent en danger même leur vie pour affronter des voyages exténuants qui tant de fois finissent en tragédie. Je revois Jésus dans les enfants que j’ai rencontré durant mon dernier voyage au Myanmar et au Bangladesh, et je souhaite que la communauté internationale ne cesse pas d’agir pour que la dignité des minorités présentes dans la région soit adéquatement protégée. Jésus connaît bien la souffrance de ne pas être accueilli et la fatigue de ne pas avoir un lieu où pouvoir reposer la tête. Que notre cœur ne soit pas fermé comme le furent les maisons de Bethléem. ».

_yartiDesireless03

On pouvait imaginer, en évoquant les voyages à Noël que l'idée était de permettre au Père Noël de prendre ses quartiers d'été, sur une plage de sable fin, près de la mer bleue et à l'ombre des cocotiers dans une île paradisiaque lointaine. Non, le pape est très conscient des réalités du monde pour rêver. Il rappelle que la plupart des voyages sont contraints et pénibles, et même périlleux, que beaucoup y laissent leur vie et ceux qui arrivent n'ont aucune terre où s'installer, aucune maison où s'abriter. Heureusement qu'une autorité morale telle que le pape, plus universelle que pour les seuls catholiques, puissent rappeler cette vérité pourtant élémentaire. Avec les bouleversements climatiques qui se profilent, nul n'est à l'abri de l'exil.

Mais Noël, c'est aussi un retour en enfance, les nombreux téléfilms américains qui, depuis une dizaine d'années, envahissent nos écrans de télévision montrent une chose également évidente : on croit préparer Noël pour ses enfants et en fait, on le prépare pour les enfants qu'on était soi-même, comme un voyage dans le temps. Un voyage vers son enfance, à l'époque où on évoluait sans pollution du monde ambiant.

_yartiDesireless02

Née un jour de Noël, la chanteuse Claudie Fritsch-Mentrop, plus connue sous son nom de scène Desireless, fête son 70e anniversaire ce dimanche 25 décembre 2022. Elle continue toujours à chanter avec son air faussement androgyne, malgré les rides et le temps qui passe et en abandonnant son étonnante chevelure en brosse. Elle avait chanté un tube mondialement très connu dans les années 1980.

En effet, la chanson "Voyage, voyage", écrite et composée par Jean-Michel Rivat et Dominique Dubois initialement prévue pour Michel Delpech qui l'a refusée, a été proposée à Claudie dont Jean-Michel Rivat a trouvé le pseudonyme, Desireless pour évoquer une observation du monde avec détachement, sans désir. "Voyage, voyage" est sorti en 1986 et a été un disque d'or (plus de 500 000 exemplaires vendus). Conçu comme un rite initiatique, un voyage intérieur, ce voyage est aussi, pour "nous", adultes déjà bien "mûrs", comme un véritable voyage dans les temps anciens où nous étions jeunes et beaux ! Comme une liturgie nostalgique.

Alors, sans oublier que l'humanité est d'abord une solidarité, joyeux Noël et joyeux voyage ! Dans une émotion autant universelle, introspective que solidaire.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (24 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Desireless.
Joyeux Noël !
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Noël à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.





 

https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221225-noel.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/il-est-venu-parmi-les-siens-et-les-245607

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/12/39743898.html

 



 

Partager cet article
Repost0

Résultats officiels
de l'élection présidentielle 2012
 


Pour mettre la page en PDF : Print


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).