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24 avril 2023 1 24 /04 /avril /2023 05:24

« La raison d'être de ce boulevard périphérique est d'améliorer la circulation dans la région parisienne, et en particulier aux limites de Paris. Cet objectif est déjà largement réalisé. » (Pierre Messmer, le 25 avril 1973).




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Il y a exactement cinquante ans, le 25 avril 1973, le Premier Ministre de l'époque, le général gaulliste Pierre Messmer a inauguré en grandes pompes le dernier tronçon du boulevard périphérique de Paris, qui va de la Porte Dauphine à la Porte d'Asnières. D'un coût de 2 milliards de (nouveaux) francs de l'époque, ce chantier a mis près d'une vingtaine d'année à se réaliser. La décision du premier tronçon date du 23 décembre 1954 et les travaux du premier tronçon ont commencé en 1957 (entre la Porte d'Italie et la Porte de la Plaine, inauguré le 12 avril 1960).

Avec les voies sur berge pour traverser Paris d'ouest en est, le boulevard périphérique, que j'appellerai par la suite, en bon Parisien, le périph', a été une infrastructure essentielle pour contourner la capitale intra-muros sans embouteiller les quartiers vivants de Paris. Le problème est que la structure étoilée (provenant d'une excessive centralisation française) tant des routes franciliennes que nationales fait que tout converge vers le centre de Paris. Structurer en anneaux était donc essentiel.

Le périph' est une boucle de 35 kilomètres d'une largeur d'environ 35 mètres, la plupart du temps à quatre files (entre deux et six files), avec une hauteur maximale de 4,75 mètres et cette particularité que les voitures arrivant sur les bretelles d'entrée à droite ont la priorité sur celles déjà sur le périph' (au contraire de nos actuels ronds-points). Il entoure l'ensemble de la ville de Paris intra-muros à l'exception, à l'est et à l'ouest, du Bois de Vincennes et du Bois de Boulogne, et au sud, de l'héliport de Paris, généralement en suivant le tracé des anciennes fortifications. Viaducs (pour franchir la Seine et les voies de chemin de fer), tunnels, couvertures, protections phoniques, de nombreux ouvrages ont été nécessaires pour le réaliser. Les couvertures ont pour but de réduire la discontinuité urbaine entre la ville de Paris et les communes limitrophes (certains ouvrages ont été réalisés récemment, du côté de la Porte de Vanves par exemple, dans les années 2000).

En outre, le périph' comporte 54 kilomètres d'échangeurs et de bretelles (6 échangeurs, 156 bretelles) et 112 caméras de surveillance, et est associé à 5 centres commerciaux.

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Depuis le 10 janvier 2014, la vitesse est limitée à 70 km/h et plusieurs radars automatiques veillent à son respect. Auparavant, à partir du 27 juillet 1993, la vitesse maximale autorisée était de 80 km/h. Avant encore, la vitesse était limitée à 90 km/h mais il n'était pas rares, dans les années 1980, de voir des véhicules dépassant allègrement les 120 voire 150 km/h (surtout la nuit ; certains motards s'amusaient même à contre-sens la nuit), alors qu'aux heures de pointe, les jours de la semaine, le matin entre 8 heures et 9 heures et le soir entre 17 heures 30 et 19 heures, les bouchons sont très nombreux. La vitesse moyenne sur le périph' était de 35,5 km/h en 2017 alors qu'elle était de 46,5 km/h en 1996 (avec toutefois un changement de mode de calcul en 2002, ce qui rend les comparaisons difficiles même si on peut dire que la tendance, très logiquement, est à la baisse avec la réduction de la vitesse maximale autorisée et l'implantation des radars automatiques).

Pour désengorger le périph' ainsi que la petite ceinture, deux autres rocades périphériques franciliennes ont été construites par la suite, l'autoroute A86 (dont la partie ouest est payante car en tunnel), totalement achevée le 9 janvier 2011, distante de 2 à 7 kilomètres du périph', reliant Saint-Denis, Bobigny, Nogent-sur-Marne, Créteil, Antony, Versailles et Nanterre, ainsi que, pour la grande ceinture, l'autoroute A104 également appelée la Francilienne (dont la partie nord-ouest est manquante et programmée pour 2035 au plus tôt) et les nationales N184, N104 et N118, distantes d'environ 30 kilomètres de Paris, reliant Cergy-Pontoise, Roissy, Marne-la-Vallée, Évry, Les Ulis et Vélizy-Villacoublay.

Depuis quelques années, le périphérique parisien est devenu l'objet de nombreuses supputations, jusqu'à ce projet de Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de François Hollande ayant eu des velléités d'être candidat à la mairie de Paris en 2020, qui a proposé en 2018 carrément de détruire le boulevard périphérique, un projet approuvé par le géographe Cédrick Allmang le 13 novembre 2018 dans "Les Échos", qui y voyait un moyen de réconcilier Paris et la métropole : « Cette idée, loin d'être un fantasme ou un coup médiatique, s'appuie sur une conception solide, raisonnée et visionnaire de l'espace parisien. Comme tout territoire, l'agglomération parisienne s'organise autour d'une trilogie géographique : l'espace concret, l'espace représenté et l'espace rêvé. L'espace concret est celui du quotidien, de la salubrité, de la sécurité, de l'accès aux services. L'espace représenté est celui du groupe social (banlieusard, titi, bobo…), de ses codes et de sa perception des formes urbaines. Il est important car il oriente les pratiques de la ville. L'espace rêvé est celui qui permet le compromis avec le monde concret, celui vers lequel on se projette, avec sa famille. (...) ».

Moins révolutionnaire, la maire de Paris Anne Hidalgo souhaiterait ouvrir le périph' pour en faire une véritable voie urbaine, réduire l'accès aux camions, réduire l'accès aux voitures, réserver une voie aux taxis, aux transports en commun, aux voitures de covoiturage, etc. Les élections municipales de 2020 et les élections régionales de 2021 ont beaucoup porté sur ce thème, la présidente (réélue) du conseil régional d'Île-de-France Valérie Pécresse en a fait même un engagement de campagne, rappeler que le périph' sert surtout aux Franciliens qui n'habitent pas à Paris mais dans la banlieue, obligés de se déplacer selon cette architectures étoilées des routes et des lignes de transports en commun.

Un quart des déplacements parisiens s'effectuent sur le périph'. Selon l'institut de recherche Forum vies mobiles, le périphérique parisien était, en 2019, la route la plus fréquentée d'Europe avec 1 million de véhicules l'empruntant chaque jour, comptant moins de 20% d'usagers parisiens et 40% des trajets se faisant de banlieue à banlieue. L'avenir du périph' ne devrait donc pas être une affaire de la ville de Paris mais au moins celle de la région Île-de-France voire du pays tout entier.

La région Île-de-France avait organisé à la fin de l'année 2021 une consultation en ligne qui a conclu que 90% des 79 000 participants étaient fermement opposés à la suppression d'une voie sur le périph', déjà que le trafic est souvent saturé pendant les jours de la semaine.

Toutefois, Anne Hidalgo, dans la perspective à la fois des Jeux olympiques de 2024 à Paris (la voie réservée sera dédiée aux athlètes), mais aussi celle d'un horizon semi-lointain, 2030, a organisé, de son côté, une autre consultation sur Internet qui a débuté le lundi 17 avril 2023. Cette consultation (à laquelle même des non-Franciliens peuvent participer) est bidon dans la mesure où la décision de dédier une voie complète a déjà été prise par la municipalité en place. La question reste plutôt : pour qui cette voie dédiée ? Alors que la vraie question devrait être : écologie ou économie ?

Vu que la majorité municipale actuelle, socialo-écolo-bobo, a déjà interdit la voie sur berge aux voitures, pourtant seul moyen de traverser Paris d'ouest en est sans polluer les quartiers de Paris, d'abord en la réservant aux piétons le dimanche puis définitivement tous les jours, il n'est pas inutile de s'inquiéter de voir à moyen terme le périph' devenir une promenade piétonnière pour les Parisiens ne manquent de sensation forte, à défaut de Paris Plage. Quant aux automobilistes, il ne leur reste plus qu'à aller méditer en enfer leur sentiment de culpabilité d'exister et de devoir se déplacer.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (23 avril 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L'avenir du périph' parisien en question.
Fin du retrait de point pour les "petits" excès de vitesse : est-ce bien raisonnable ?
Les trottinettes à Paris.
L'accident de Pierre Palmade.
La sécurité des personnes.
Anne Heche.
Diana Spencer.
100 ans de code de la route.
80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.
Planète : bonne nouvelle sur le front de l'ozone.
Vœux présidentiels : un éditorialiste gagne 1 point Godwin sur le climat !
Sobriété énergétique : froid et fatigue chez les députés !
Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
8 milliards de Terriens, et moi, et moi, et moi...
Emmanuel Macron : climat, industrie et souveraineté ...et colère contre le cynisme de l'ultragauche.
Emmanuel Macron s'exprime sur l'Ukraine et sur la pénurie d'essence : nous devons nous serrer les coudes !
Le point chaud de la rentrée d’Emmanuel Macron : l’énergie.
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Climatisation : faut-il sanctionner les portes ouvertes ?
Essence : le chèque de 100 euros.
La relance du programme nucléaire.
Heure d’hiver : le dernier changement ?
La preuve par la canicule ?
La COP26.
L’industrie de l’énergie en France.
Le scandale de Volkswagen.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230425-paris-peripherique.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/l-avenir-du-periph-parisien-en-247740

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/04/25/39889009.html







 

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3 avril 2023 1 03 /04 /avril /2023 05:59

« Grâce à leur mobilisation, cette première votation est une belle réussite démocratique pour notre ville et je m’en réjouis. Une fois de plus, Paris innove. » (Anne Hidalgo, le 2 avril 2023).



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Bof ! En deux phrases, deux inexactitudes ! L'enthousiasme de la maire Anne Hidalgo, le dimanche soir, faisait penser à celui de Ségolène Royal le soir du 6 mai 2007 qui, bien que candidate battue (et largement battue), lançait à ses fans un
"En avant vers de nouvelles victoires !". L'essentiel, en politique, est d'y croire. Ce dimanche 2 avril 2023, entre 9 heures et 19 heures, dans 203 bureaux de vote, s'est déroulée une consultation de tous les Parisiens sur le maintien, ou pas, du libre-service des trottinettes électriques.

Deux inexactitudes car d'une part, il n'y a rien d'innovant, Alain Carignon, encore simple candidat à la mairie de Grenoble en 1983, avait promis une consultation sur le tramway (c'était la première agglomération qui avait un tel projet), il était plutôt opposé à ce projet (celui de son prédécesseur socialiste Hubert Dubedout) mais il ne voulait pas rater la mairie à cause de ce sujet. Élu dès le premier tour, il a fait la consultation et le tramway a été construit. Une telle méthode peut paraître démocratique, elle est avant tout la déresponsabilisation des élus sans vision qui ont la trouille de ne pas se faire (ré)élire.

D'autre part, il faudra m'expliquer comment cette consultation (je ne vais pas dire "votation", nous ne sommes pas en Suisse) peut être une « belle réussite démocratique » avec moins de 7,5% de participation (plus de 92,5% d'abstention !).

Mais il suffit d'y croire. Après tout, l'avant-précédente consultation électorale à Paris, c'était l'élection présidentielle, et la maire de Paris, dans la ville de Paris, avait réuni au premier tour (10 avril 2022) seulement 22 901 électeurs, soit 2,2% des suffrages exprimés, à peine mieux que sa moyenne nationale désastreuse !

Revenons à cette consultation : 1 382 322 personnes inscrites sur les listes électorales à Paris ont été convoquées, et seulement 103 084 électeurs se sont déplacés. 91 385 ont voté "contre les trottinettes en libre-service" (89,0%) et 11 256 ont voté "pour les trottinettes en libre-service" (11,0%). 443 ont voté blanc ou nul. Bref, les rares habitants qui ont participé étaient des habitants en colère, très motivés pour sanctionner l'incivilité des "trottinetteurs" ? des conducteurs de trottinettes électriques ? Je ne sais comment les nommer. Usagers.

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Anne Hidalgo a trouvé que c'était une bonne méthode mais j'ai des doutes. Le risque est récurrent à chaque consultation : ceux qui sont très impactés, en général, des gens en colère, participent (souvent pour dire non) et ceux que le sujet ne dérange pas s'en moquent et restent indifférents. C'est logique, on ne peut pas être militant sur tous les sujets. En d'autres termes, la voie référendaire donne la main à ceux qui militent le plus fort, les groupes de pression, ceux qui parlent le plus fort, aux organisations structurées.

Cela devra bien être compris au niveau national aussi, l'organisation d'un référendum doit rester rare, grave, un point crucial avec des débats éclairés, comme cela a été le cas pour le Traité de Maastricht en 1992 et le Traité pour une Constitution européenne en 2005 (rappelons-nous que dans ces deux référendums, la campagne électorale a fait bouger les lignes). En revanche, le référendum sur l'adhésion du Royaume-Uni dans l'Europe (la Communauté Européenne à l'époque) en 1972, le référendum sur le statut de la Nouvelle-Calédonie en 1988 ou encore le référendum sur le quinquennat en 2000 ont connu de très faibles participations, parce que la grande majorité des Français ne se sentaient pas impliqués, pas concernés, en d'autres mots, s'en moquaient. Probablement que ce ne serait pas le cas pour un référendum sur la réforme des retraites !

Anne Hidalgo avait préparé les choses de manière très précise, en installant une commission de contrôle pour avoir un scrutin dont la sincérité serait indiscutable. De toute façon, avec un tel rapport de force, même les éventuelles erreurs d'opération de vote n'auraient pas su inverser la tendance. La commission de contrôle est présidée par le premier avocat honoraire à la Cour de cassation, Yves Charpenel, et parmi ses membres, on y trouve Éliane Houlette, qui fut à la tête du (fameux) Parquet national financier. On y trouve aussi Bruno Cautrès, politologue, bien connu des médias.


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La maire de Paris mettra donc fin le 31 août 2023 aux contrats avec les opérateurs de trottinettes en libre-service (convention d'occupation du domaine public). Dans le cas où le "pour" l'aurait emporté, elle s'était engagée à renégocier ces conventions. Au 31 décembre 2021, 15 000 trottinettes ont été autorisées pour trois opérateurs (Dott, Lime et Tier). En 2021, il y a eu 10 767 792 locations de trottinettes, en croissance de 11,6% par rapport à 2020 année pourtant faste en raison de la pandémie de covid-19.

En 2021, 329 personnes en trottinettes à moteur ont été victimes d'un accident à Paris, dont 1 personne décédée, 18 personnes gravement blessées et 283 personnes légèrement blessées. Parmi les personnes blessées, 14 avaient moins de 14 ans et 5 plus de 60 ans. En 2022, il y a eu une hausse de 28,3% des accidents : 408 accidents ayant entraîné 3 personnes décédées et 459 personnes blessées. Selon les statistiques de la ville de Paris.

En fait, selon le "Journal du dimanche" en février 2022, il y aurait plutôt près de 2 000 accidents de trottinette à Paris tous les ans si l'on compte la réalité hospitalière parisienne. Il y a eu une hausse vertigineuse des accidents à partir de 2019, date d'implantation des trottinettes électriques en libre-service. Les médecins s'en inquiètent effectivement beaucoup : fractures, luxations, parfois avec des séquelles durables, traumatismes crâniens, lésions cérébrales, etc. ; ils traitent plus de 2 000 patients chaque année dans les hôpitaux de Paris.


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Parmi les causes des accidents de trottinette, beaucoup seraient évitables : 80% des usagers roulent sur les trottoirs, 78% téléphonent, 49% conduisent avec au moins deux verres d'alcool dans l'organisme, 13% ne mettent jamais de casque, etc. Selon la préfecture de police de Paris en novembre 2022, les usagers des trottinettes sont responsables de 72,6% des accidents impliquant une trottinette pour les huit premiers mois de l'année 2022, dont les causes étaient le refus de priorité pour 35,7% des accidents, l'inattention 22,5% et la circulation à contre-sens pour 12,1%.

Avec cette consultation, les trottinettes électriques ne sont pas pour autant interdites à Paris. Simplement, la ville de Paris ne permettra plus à des opérateurs de mettre à disposition des trottinettes partagées en libre-service. Il faudra en acquérir une pour continuer à se déplacer en trottinette.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (02 avril 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les trottinettes vaincues par Anne Hidalgo !
Les poubelles à Paris.
La catastrophe bobo de Paris.
Faute de mieux.
Anne Hidalgo.
La Commune de Paris.
L'accident de Pierre Palmade.
La sécurité des personnes.
Anne Heche.
Diana Spencer.
100 ans de code de la route.
80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230402-trottinettes.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/les-trottinettes-vaincues-par-anne-247687

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/04/03/39867268.html




 

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17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 01:56
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7 juillet 2018 6 07 /07 /juillet /2018 03:24

« Marteaux-piqueurs, pelleteuses et bulldozers seront probablement les derniers sons de musique concrète à faire vibrer les murs de la maison de Pierre Henry. En juillet, sauf miracle politique de dernière minute, cette vieille bâtisse de deux étages, cernée d’immeubles (…), sera rasée pour laisser place à une opération immobilière. » (Sébastien Porte, "Télérama", le 20 février 2018).


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J’ai assisté à plusieurs de ses concerts mais je n’ai jamais eu la chance ni l’occasion d’assister à un concert chez lui. Chez le compositeur Pierre Henry, père de la musique concrète et à ce titre, précurseur des nombreuses musiques utilisées notamment au cinéma, mort à 89 ans le 5 juillet 2017, il y a un an. Entre 1996 et 2016, 9 000 visiteurs et auditeurs ont eu la chance de se rendre dans sa petite maison du quartier Picpus, au 32 rue de Toul, dans le douzième arrondissement de Paris. Pierre Henry avait l’habitude de faire portes ouvertes et d’inviter ses auditeurs au sein même de son repaire. Ils étaient une quarantaine par concert.

Cette maison ne paie pas de mine, à la regarder de l’extérieur. Lui et son épouse l’ont habitée depuis 1971. Pour Pierre Henry, c’était sa maison d’artiste, son laboratoire de recherches acoustiques, son atelier d’artisan, un véritable outil de travail : « Les sons que garde la maison sont un soutien pour moi. Comme les manuscrits d’un écrivain. C’est la bibliothèque qui vous enrichit un peu tous les jours. » (Interview de Pierre Henry en 2005 citée par France Musique le 7 février 2018). Tout était sonorisé, de la cuisine à la salle de bains, de la cave (son premier studio) aux petits-coins. Chaque bruit devenait une note de musique, dans son imagination.

Chaque pièce est conçue avec des haut-parleurs, des magnétophones, des appareils électroniques, et lorsque ses spectateurs venaient le visiter, ils pouvaient entendre un bruit d’orage dans les escaliers, se prélasser sur son propre lit pour écouter un morceau de musique et il a même dû débrancher les haut-parleurs des toilettes car les visiteurs y restaient trop longtemps pour écouter la musique qu’il y diffusait.

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Partout, dans le sous-sol, à l’étage, dans les recoins, il y a des appareils, des machines à faire du bruit, des appareils parfois dinosauriens, des cassettes numériques et surtout, une précieuse collection de 15 000 sons minutieusement archivés que le compositeur avait léguée à la Bibliothèque Nationale de France dès 2007. C’était dans cet univers personnel que Pierre Henry a créé, a innové, a composé. Il y trouvait ses inspirations, ses capacités techniques (pour faire tel ou tel son), son lieu de mémoire.

Il n’était d’ailleurs pas que musicien puisque les visiteurs pouvaient voir aussi des centaines de tableaux de "peinture concrète" qu’il avait lui-même réalisés. Des tableaux-sculptures qui reprenaient les outils artisanaux dont il n’avait plus besoin avec le numérique : « Ces peintures concrètes témoignent des moments forts de ma vie et entrent en résonance avec le lieu comme avec ma musique : c’est comme une vibration. (…) Elles me portent à la méditation. Quand je suis dans le studio, isolé avec mes sons, me savoir au milieu des éléments constitutifs de ma musique me rassure. » (Entretiens avec Franck Mallet, livre édité par la Philharmonie de Paris, cité par "Télérama" le 20 février 2018).

Bref, cette maison qui n’a rien d’intéressant sur le plan architectural est une pépite de l’histoire de la musique française. Elle est le lieu privilégié d’un créateur de génie, un exceptionnel lieu de culture et de mémoire, et aussi un lieu de rencontres : « C’est là que furent inventés des procédés techniques de composition depuis lors largement standardisés, et que fut élaboré un pan essentiel de la musique occidentale moderne. (…) Ce créateur titanesque y a coupé, monté, enroulé et déroulé des milliers de kilomètres de bandes magnétiques. » (Sébastien Porte, "Télérama").

Hélas, il semble qu’il n’y ait plus beaucoup de moyens d’éviter la fatalité sauf croire aux miracles ! Pierre Henry n’était pas propriétaire de sa maison et il la louait. Lorsqu’elle fut vendue, en 2012, le couple était déjà trop âgé pour contracter un emprunt bancaire. Ils n’ont pas pu la racheter. Cela montre aussi qu’il était plus un passionné peu porté vers l’argent qu’une star fortunée !

Or, le nouveau propriétaire est un promoteur immobilier qui a l’intention de carrément raser la maison pour construire un immeuble plus moderne dans ce quartier assez tranquille de Paris. À la mort de Pierre Henry, ce promoteur immobilier a donné un an à sa veuve pour quitter les lieux, sinon, il augmenterait le loyer en le multipliant par plus de quatre. Les pelleteuses arrivent donc dans deux mois !

Depuis dix mois, Isabelle Warnier, la veuve, et Bernadette Mangin, l’assistante musicale de Pierre Henry, passent leur temps à vider la maison, à ne rien perdre, à retrouver dans les recoins quelques anciennes bandes son oubliées, etc. Et à demander aux pouvoirs publics de réagir pour sauver ce patrimoine culturel unique. Une pétition lancée le 7 juillet 2017 par quelques amis musiciens inquiets n’a recueilli, pour l’instant, que 10 000 signataires (10 074 au 4 juillet 2018). À l’évidence, tout le monde se moque que ce patrimoine parte en fumée, sous les éboulis de la société de consommation.

Comme l’a expliqué Élodie Forêt sur France Inter le 2 mai 2018, en effet, « [les deux gardiennes du trésor] ont entrepris un travail titanesque : faire l’inventaire de toutes les archives, bandes magnétiques et peintures concrètes entreposées dans la maison. (…) Et ce travail, Isabelle et Bernadette le font le cœur lourd. "Ce sera un déchirement", disent-elles, de quitter ces lieux où elles ont tant de souvenirs. ». Outre l’atelier, c’était aussi là où vivait (et vit encore) Isabelle Warnier.

La maire de Paris Anne Hidalgo n’a pas beaucoup aidé. Elle s’est juste contentée de faire voter par le Conseil de Paris l’installation d’une simple plaque rappelant que Pierre Henry a vécu en ces lieux. C’est un peu faible pour sauver le patrimoine artistique de la France. La maire socialiste du douzième arrondissement a attribué un local municipal pour permettre à la veuve de Pierre Henry d’entreposer tous les équipements et la collection évoquée en attendant une utilisation plus réfléchie dans un musée, comme le Musée de la Musique à la Villette, près de la Philharmonie de Paris. Cette maire d’arrondissement a convenu cependant : « Il s’agit d’un dossier immobilier 100% privé dans lequel nous n’avons pas les moyens d’intervenir. » ("Le Parisien", le 18 février 2018).

La Ministre de la Culture semble ne pas avoir réagi à cette situation actuelle. C’est vrai, et heureusement que le droit de propriété est respecté en France, il s’agit hélas d’une affaire privée, un propriétaire privé qui vend un bien à un acheteur privé qui veut ensuite rentabiliser son investissement, dans une ville où le manque de logements est patent.

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Mais ici, il s’agit d’une perle du patrimoine musical français. La mairie a un moyen de bloquer les choses avec le permis de construire. Surtout, le ministère peut classer le lieu comme patrimoine national, et dans ce cas, la préservation de la maison serait acquise. Il est vrai qu’il serait difficile, ne serait-ce que pour des raisons de norme de sécurité, d’en faire un lieu ouvert au public très largement, mais rien n’empêcherait de faire visiter cette maison avec un flux de visiteurs très faible, comme c’est le cas avec la maison de Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury.

À l’heure où l’on cherche à sauver la maison de Georges Bizet à Bougival et où l’État pourrait classer la maison de Ravel, et plus généralement, à l’heure où l’on cherche à préparer le futur en conservant la mémoire, l’abandon des pouvoirs publics de ce lieu de mémoire que constitue la maison de Pierre Henry est un véritable scandale culturel.

Le musicien y avait composé cent trente œuvres et sa dernière œuvre fut achevée en mai 2017, juste avant d’être hospitalisé, "Fondu au noir", qui fut interprétée selon ses vœux pour la première fois le 2 mars 2018 à 20 heures dans la salle de l’ancien Conservatoire de Paris (au 2 bis, rue du Conservatoire, Paris 9e), là où en 1952, il interpréta sa célèbre "Symphonie pour un homme seul" devant Igor Stravinsky.

Certains n’ont pas compris l’apport fondamental de Pierre Henry dans l’histoire de la musique et la gravité de la destruction, sous les yeux de ses contemporains, d‘un patrimoine culturel unique en son genre. La première vocation du patriotisme, c’est avant tout protéger l'héritage culturel laissé par les Français de talent et de génie. Cela, même au détriment de profits immobiliers, financiers et donc fiscaux, à très court terme…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 juillet 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Pétition : sauvons la maison de Pierre Henry !
La seconde mort de Pierre Henry.
Messes pour un Pierre Henry présent.
Hommage à Pierre Henry (6 juillet 2017).
Le dernier concert de Pierre Henry.
La musique concrète de Pierre Henry toujours à l’honneur de l’été parisien.
Vidéo de "Symphonie pour un homme seul" (Pierre Schaeffer et Pierre Henry).
Barbara Hannigan.
György Ligeti.
Claude Debussy.
Binet compositeur.
Pierre Boulez.
Karlheinz Stockhausen.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180502-pierre-henry.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/la-seconde-mort-de-pierre-henry-204019

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/07/08/36372711.html


 

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22 décembre 2017 5 22 /12 /décembre /2017 22:07

La Cour des Comptes a rendu public le 22 décembre 2017 son rapport sur la gestion de la Ville de Paris et en particulier, sur les coûts des feux d'artifice du 14 juillet. On peut le lire intégralement sur Internet.

Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport (fichier .pdf) :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-12/IDR2017-58.pdf

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20171222-rapportcc-paris.html

 

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23 mars 2017 4 23 /03 /mars /2017 00:27

Dans une vidéo publiée le 12 mars 2017, le maire de Janvry Christian Schoettl (UDI), candidat aux élections législatives dans l'Essonne, a évoqué le comportement d'élu local de Jean-Luc Mélenchon dans le même département.




NB.
Cette vidéo a fait l'objet d'une procédure judiciaire en référé dont l'audience aura lieu le 4 avril 2017, sur demande de l'avocate de la fille du candidat Jean-Luc Mélenchon.

 

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7 juin 2016 2 07 /06 /juin /2016 06:51

« Je pense que maintenant, l’expression "Île-de-France" prend tout son sens. » (un tweet du 3 juin 2016 à 15 heures 44).


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Malgré les dégâts, certains twitters ont gardé le sens de l’humour. Un autre a lancé le 1er juin 2016 à 18 heures 02 : « 1er mai 2016, Anne Hidalgo [la maire de Paris] promet qu’on pourra bientôt se baigner dans la Seine. 1er juin, ça : coïncidence ? ». Le "ça", c’était une photo des voies sur berge envahies par les eaux.

Une crue en juin, c’est assez rare. Quasi-improbable. Exercice prémonitoire ? Le 7 mars 2016, de très nombreux acteurs de l’agglomération parisienne avaient participé à une simulation grandeur nature d’un débordement de la Seine. L’opération appelée "EU Sequana 2016" avait impliqué des communes (Paris, Melun, etc.), des grandes entreprises (SNCF, RATP, Orange, Axa, etc.), des services de l’État (pompiers, etc.) et même des partenaires européens (des Belges, des Espagnols, des Italiens et des Tchèques). Michel Cadot, le préfet de police de Paris, avait alors insisté : « Il faut que l’opinion prendre en compte ce risque de crue centennale, qu’il intervienne dans cinq ou dans dix ans. » ("Les Échos" du 2 mars 2016).

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À partir des crues précédentes, des cartographies ont été réalisées pour prévoir les zones à risque au centre de Paris, en fonction de la gravité de la crue.

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La dernière crue centennale de la Seine remonte à janvier 1910. Cela montre à quel point, statistiquement, la prochaine devrait être imminente. Le 28 janvier 1910, la Seine avait atteint le niveau maximal de 8,62 mètres sur l’échelle hydrométrique du pont d’Austerlitz, à Paris.

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À l’époque, ce fut une catastrophe pour tout le bassin parisien. Le Président de la République Armand Fallières s’était déplacé à Ivry-sur-Seine pour se rendre compte de l’étendue des dégâts.

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Pour comparer, d’autres crues de la Seine avaient fait atteindre le niveau du fleuve à 8,96 mètres le 27 février 1658 ; à 8,05 mètres le 26 décembre 1740 ; à 7,32 mètres le 6 janvier 1924 ; à 6,83 mètres le 16 février 1945 ; à 7,24 mètres le 23 janvier 1955 ; à 7,12 mètres le 14 janvier 1982 ; à 5,21 mètres le 24 mars 2001.

Le zouave du pont de l’Alma donne une idée de l’importance de la crue même si ce n’est pas à ce pont-là que les mesures sont réalisées, mais au pont d’Austerlitz.

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Heureusement, la crue de la Seine et de ses affluents en amont ou en aval de Paris a été bien moindre que celle de janvier 1910. Au maximum de la crue, dans la nuit du 3 au 4 juin 2016, le niveau est monté à 6,10 mètres à Paris. La crue de juin 2016 paraît donc être une crue vicennale (c’est-à-dire qui revient environ tous les vingt ans). Selon Manuel Valls le 4 juin 2016, la crue a engendré au moins 4 morts et 24 blessés. Les dégâts matériels seraient estimés à 1 milliard d’euros. Tout n’est pas terminé et l’Essonne et l’Yonne pourraient faire durer voire aggraver la situation.

Il n’en reste pas moins que de nombreuses communes comme Montargis, Nemours, Bagneaux-sur-Loing, etc. ont été durement et durablement frappées par les eaux, les réseaux routiers et rails ont été coupés (en particulier l’autoroute A10, les voies sur berges bien sûr, et la ligne RER-C). D’autres villes que sur le bassin de la Seine ont aussi été touchées par les fortes pluies de la semaine dernière.

Les inondations apportent une vision apocalyptique de paysages familiers, surtout lorsque ce sont des paysages urbains. Je propose ici six photographies pour se donner une petite idée de l’ouest de Paris (en aval de la Seine, donc), placé sur la rive droite au 16e arrondissement. Les trois premières photographies ont été prises le vendredi 3 juin 2016 dans la soirée.

La première photo montre le recouvrement de la voie Georges Pompidou et aussi celle de la petite rue Eugène Poubelle, au niveau de la Maison de la Radio. Cela ne se voit pas sur la photo, mais à droite, il y a un véhicule garé qui a été complètement immergé.

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La deuxième photo montre le quartier Beaugrenelle (sur la rive gauche) ainsi que la Statue de la Liberté qui est le long du pont de Grenelle. Le piédestal est immergé. L’allée des Cygnes, qui relie le pont de Grenelle au pont de Bir-Hakeim, est bien sûr complètement immergée.

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La troisième photo prise du pont de Grenelle en direction du nord-est montre la Tour Eiffel ainsi que le pont de Bir-Hakeim. On voit deux péniches amarrées qui sont surélevées par rapport aux trottoirs car rehaussées par les flots. Sur la gauche, la voie Georges Pompidou est complètement immergée et ne sont visibles que les sommets des lampadaires. Sur l’extrême gauche, un parking payant, près d’une station service, à la limite d’être évacué.

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Les trois autres photographies ont été prises le samedi 4 juin 2016 en fin de matinée, à l’entrée de Paris du côté de la Porte de Saint-Cloud, sur le quai du Point du Jour à Boulogne-Billancourt.

La quatrième photo montre le pont d’Issy dont les piliers sont quasi-immergés par la Seine. En face, ce sont des immeubles d’Issy-les-Moulineaux.

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La cinquième photo  montre le nouveau bâtiment de Microsoft (sur la rive gauche). Le quai n’est pas immergé mais le niveau du fleuve est aussi haut que le niveau du quai.

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Enfin la sixième photo montre le périphérique parisien, entre le quai du Point du Jour et le quai Saint-Exupéry dans le 16e arrondissement. On devine le quartier Beaugrenelle en arrière-plan sur la gauche.

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Alfred Picard, président de section au Conseil d’État et membre de l’Académie des sciences, fut nommé le 9 février 1910 par le Président du Conseil Aristide Briand à la tête de la commission chargée d’évaluer les conséquences de la crue de la Seine de janvier 1910. Il a conclu son rapport général (à télécharger ici), publié le 30 juin 1910, ainsi : « Les funestes conséquences de l’inaction qui a suivi les catastrophes du passé doivent être un avertissement salutaire. Des résolutions promptes et courageuses honoreront la génération actuelle, attesteront sa sagesse et son esprit de prévoyance. Le gouvernement de la République acquerra de nouveaux titres à la reconnaissance du pays en accomplissant l’œuvre dont la commission vient de jeter les bases. ».

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Le 2 mars 2016, Patricia Blanc, la directrice de l’Agence de l’eau Seine Normandie, a déclaré : « Sur les six dernières années, les aides de l’agence destinées à des actions qui contribuent à réduire le risque inondation s’élèvent à 200 millions d’euros ? ». Mais est-ce suffisant quand on évalue à 30 milliards d’euros les dégâts matériels que produirait aujourd’hui une crue de même ampleur qu’en janvier 1910 ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 juin 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Documents sur les crues de la Seine (à télécharger).
L’eau à Paris.
La neige à Paris.
La catastrophe sur les routes.
L'écotaxe.
La région parisienne.

_yartiCrueDeLaSeine201612



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160605-paris-crue-seine.html

http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/avant-seine-2016-qui-l-eut-crue-181644

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/06/07/33920104.html


 

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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 07:25

Les pouvoirs publics se décident enfin à aménager la région parisienne en réseau pas seulement étoilé mais concentrique. Un projet très ambitieux mais nécessaire à la vie économique de la dizaine de millions d’habitants qui vivent parfois un enfer quotidien pour se déplacer.


yartiGrandParis01Devant un auditoire de décideurs économiques et d’élus territoriaux réunis à l’Université de Marne-la-Vallée le 6 mars 2013, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé les intentions du gouvernement concernant le projet très ambitieux du Grand Paris.

En clair, le gouvernement a décidé de confirmer ce vaste projet de construction de transports en commun en région parisienne. Malgré la crise économique et la situation budgétaire peu encourageante, le Président François Hollande a quand même pris cette mesure courageuse de pari sur l’avenir que je salue vivement, d’autant plus courageuse politiquement que l’initiative de cette "aventure" urbaine provenait de son prédécesseur Nicolas Sarkozy le 6 novembre 2008 (qui a abouti à la loi du 3 juin 2010 et à 67 réunions publiques du 30 septembre 2010 au 31 janvier 2011).


Un besoin urgent de désaturer le réseau actuel

De quoi s’agit-il ? De mailler le réseau de transports en commun en Île-de-France de manière périphérique en complémentarité au maillage actuellement étoilé. La France centralisatrice de Colbert a eu cette très mauvaise "manie" de vouloir structurer le territoire de manière étoilée, à savoir de faire passer tout, les lignes ferroviaires, les trains franciliens, les autoroutes etc. par Paris, passage obligé pour aller d’un côté à un autre du pays ou de la région parisienne.

Il y a plusieurs décennies, des investissements avaient été décidés pour réduire cette forme étoilée, mais c’était à l’époque du tout automobile, cela a donné le périphérique parisien, puis les rocades périphériques A86 et la Francilienne (A104). Même dans le pays, des autoroutes ont enfin été construites de manière transversale (l’autoroute des Présidents par exemple traversant le Massif central).

Pour les transports en commun, la perspective des Jeux Olympiques à Paris en 2012 avait encouragé la construction du tramway le long des boulevards des maréchaux, nouveauté qui, si elle est fort utile aux Parisiens, ne l’est pas vraiment aux Franciliens vivant ou travaillant hors de Paris.

Les transports franciliens ont été souvent un serpent de mer très difficile à gérer qui nage à la fois dans un centralisme quasi-délirant (tout doit passer par le STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, même l’implantation d’une ligne de bus localement sur une seule commune francilienne) et dans une désorganisation brownienne (chacun prenant quand même des initiatives – coûteuses – sans concertation et sans plan d’ensemble régional, ce fut le cas notamment de certaines lignes de tramway mais aussi des Vélib’ qui ont pu être étendu à la Petite Couronne au prix de quelques contorsions dans les appels d’offre, puisque le prestataire choisi par les communes environnantes devaient être le même que celui choisi par la Ville de Paris), désorganisation qu’on peut aussi retrouver de manière opérationnelle dans le partage d’exploitation de certaines lignes du RER entre RATP et SNCF.

Ce n’est qu’en 2008 que le gouvernement a décidé de lancer un plan nouveau de transports franciliens. Inutile de dire que ce plan aurai dû être lancé dès les années 1970, dès l’époque des villes nouvelles, de La Défense etc.

Contrairement à d’autres sujets bien plus polémiques, Nicolas Sarkozy avait cherché à obtenir le consensus avec les acteurs franciliens, ce qu’il a réussi à obtenir relativement facilement avec les socialistes (Bertrand Delanoë, maire de Paris, et Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d’Île-de-France, sont même en rivalité pour assurer le leadership du projet) mais plus difficilement celui des écologistes qui se sont parfois opposés durement sur le sujet face à l’UMP et au PS au sein du conseil régional d’Île-de-France.

Aujourd’hui, malgré le changement de majorité politique, malgré un rapport rendu le 13 décembre 2012 peu enthousiaste, Jean-Marc Ayrault vient donc d’annoncer que le projet sera poursuivi dans son intégralité, et je m’en réjouis.


Nouvelle carte du réseau francilien

Bien sûr, l’implantation de nouvelles lignes de transport (métro, tramway, bus en voie propre etc.) est l’occasion de nombreuses discussions, pas forcément faciles à mener, puisque le trajet lui-même, la localisation des gares et stations, et plus tard (mais on n’y est pas encore), la fréquence des lignes etc. sont des aspects très sensibles pour les habitants.

Les arbitrages ne sont pas encore complètement terminés mais il est déjà acquis qu’il y aura d’ici 2030 deux cents kilomètres de métro supplémentaires avec soixante-douze nouvelles gares. L’objectif est de faire un réseau concentrique entourant principalement la Petite Couronne.

La carte officielle a été publiée par Jean-Paul Huchon mais ce sont avec des cartes un peu plus anciennes qu’on pourra avoir un peu plus de visibilité de lecture (cliquer sur la carte pour agrandir).

Il y a la carte issue de la Société du Grand Paris (juin 2012).

yartiGrandParis25

Il y a aussi la carte de la commission nationale du débat public (décembre 2012).

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Très grossièrement (le rapport Auzannet est assez détaillé ainsi que les cartes), une ligne rocade enserrera Paris en passant par Villejuif, le Pont de Sèvres, La Défense, Saint-Denis Pleyel, Le Bourget, Sevran, Chelles, Noisy-Champs, Champigny Centre, et Créteil.

À cela s’interconnecteront des lignes pour aller aux aéroports de Roissy et d’Orly, notamment par le prolongement de la ligne de métro 14 qui ira d’Orly à Saint-Denis Pleyel en passant par les gares de Lyon et Saint-Lazare. Enfin, il y aura une ligne de métro (aérien ?) qui sera appelé la "ligne 18" pour la traversée du Plateau de Saclay, allant d’Orly (et reprenant donc la fin de la ligne 14) et allant jusqu’à La Défense en passant par Antony, Massy-Palaiseau, le campus d’Orsay-Gif, CEA Saint-Aubin (au sud de Saclay), Saint-Quentin-en-Yvelines, Versailles Chantiers et Nanterre.

Aux gares TGV de Marne-la-Vallée et de Massy-Palaiseau, d’autres gares TGV viendront s’ajouter à l’extérieur du périphérique parisien, à savoir Saint-Denis Pleyel, Orly et Roissy.


Critiques de certains tracés

L’ancienne Ministre de la Justice, également maire du 7e arrondissement et candidate à la candidature UMP pour les municipales parisiennes de mars 2014, Rachida Dati a protesté contre l’oubli du gouvernement d’une ligne directe, rapide et moderne, entre le centre de Paris et Roissy. Cependant, comme prévu dès la conception de ce projet (CDG Express) en 2000, ce projet devra être autofinancé et ne recevoir aucun financement public, ce qui bloque aujourd’hui le projet par manque d’investisseur privé.

Dans le même ordre d’idée, on pourra reprocher à ce grand projet l’oubli de l’interconnexion des grandes gares parisiennes intra muros (TGV), notamment gare du Nord, gare de l’Est, gare de Lyon, Montparnasse et Saint-Lazare. À part la ligne 14, rien n’a été fait depuis plusieurs décennies sur ce sujet (tout voyageur provincial devant prendre une correspondance à Paris peut comprendre l’importance stratégique d’une telle interconnexion qui existe dans la plupart des grandes capitales dans le monde).

Parmi les sujets de discussion, il y a la critique d’avoir mis la rocade de la Petite Couronne jusqu’en Seine-et-Marne à l’est (ce qui pourtant se conçoit car dans département de Seine-et-Marne, très étendu au nord-est et au sud-est de Paris, il n’est pas vraiment possible de faire un déplacement sud-nord sans passer par Paris, ce projet est donc un petit pas qui va dans le bon sens).

Une autre ligne de métro est d’ailleurs prévue pour aller de Saint-Denis Pleyel vers l’est parisien, vers Noisy-Champs et vers Champigny Centre en passant par Rosny-sous-Bois, pour innerver tout l’Arc de l’est parisien.


Agenda 2015-2030

Il est clair que l’agenda va surtout dépendre du financement (voir plus loin) mais l’ensemble du projet devrait être achevé et les lignes mises en service en 2030. Les premières travaux devraient être menés à partir de 2015 et dès 2017, il devrait y avoir déjà des mises en service, comme la liaison du métro 14 entre Saint-Lazare et Saint-Denis Pleyel en passant par la Porte de Clichy et la mairie de Saint-Ouen.

En 2020 devraient être achevées la liaison entre le Pont de Sèvres et La Défense ainsi que Saint-Denis Pleyel et Rosny-Bois-Perrier (ligne 15), cette dernière station étant le prolongement du métro 11 qui va à Châtelet. Le RER E devrait être aussi prolongé à l’ouest de Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie. Ces travaux désenclaveront donc des quartiers considérés parfois comme "chauds".

En 2025, la ligne 11 irait jusqu’à Noisy-Champs, la ligne 14 serait prolongée au sud de Olympiades à Villejuif, l’ensemble de la partie sud de la ligne 15 serait achevée (de Pont de Sèvres à Noisy-Champs), ainsi que la ligne 16 du nord-est allant de Noisy-Champs au Bourget par Clichy-sous-Bois. La ligne 17 irait de Saint-Denis Pleyel au Bourget et la liaison entre Massy-Palaiseau et CEA Saint-Aubin (ligne 18) serait achevée.

Enfin, en 2030, la ligne 18 serait prolongée à l’est vers Orly et à l’ouest vers Versailles Chantiers, la ligne 14 serait elle aussi prolongée vers le sud pour aller de Villejuif à Orly, la liaison de Saint-Denis Pleyel à Roissy (ligne 17) serait achevée, ainsi que la liaison entre Rosny et Champigny (ligne 15).

Dans cet agenda, il faut évident bien comprendre que plus l’objectif est lointain, plus la ligne est incertaine car sous condition d’être financée.


Environnement à Saclay

Un des aspects où le projet peut susciter des critiques, c’est sur les choix technologiques et leurs conséquences sur l’environnement. Si la construction de nouveaux réseaux de transports en commun ne peut que favoriser la prise en compte d’une meilleure qualité de vie des Franciliens, tant d’un point de vue économique qu’écologique (notamment avec la réduction du trafic de certaines autoroutes franciliennes), certaines associations sont par exemple inquiètes du métro aérien prévu dans la traversée du Plateau de Saclay.

Cette liaison est intéressante d’autant plus qu’il est prévu d’implanter sur cette zone un grand "cluster" à la fois scientifique, regroupant des écoles de premier plan (Normale, X, HEC, Centrale, Supelec, etc.) et une université hautement renommée (ayant reçu prix Nobel et médailles Field), et économique (Jean-Marc Ayrault avait confirmé cet engagement du rôle mondial de Saclay le 30 octobre 2012, mais les déclarations de sa ministre Fleur Pellerin, d’annonce d’un pôle de start-up à la Halle Freyssinet en plein centre de Paris, viennent refroidir cette confirmation).

Le problème actuel, c’est qu’il n’y a aucune liaison, à part des bus peu fiables et lents (surtout utilisés pour les scolaires), donnant directement accès aux RER B et C.

Construire une nouvelle université et faire venir un flux dense d’étudiants, de chercheurs etc. dans une zone qui mettra quinze années avant d’avoir des transports en commun corrects risque de ne pas être très attractif et faire des générations sacrifiées. C’est donc bien que la liaison Massy-Versailles soit construite en même temps que le pôle en lui-même à l’horizon 2025.

Cependant, la zone est actuellement l’une des rares étendues agricoles près de Paris et un métro aérien (de type Orlyval) aurait sans doute des conséquences désastreuse dans l’environnement : des piliers en béton de 6 mètres de haut tous les 25 mètres sur plusieurs kilomètres dévisageraient assurément tout le paysage. De nombreuses communes ont déjà exprimé leur opposition au métro aérien (Gif-sur-Yvette, Saclay, Guyancourt etc.).


Le financement

Sujet essentiel quand on parle d’aménagement du territoire, le financement du projet de Grand Paris va susciter, lui aussi, bien des polémiques. En effet, le coût global de l’opération peut être évaluer, selon les différentes sources, entre 26,5 et 32,4 milliards d’euros, ce qui ferait très grosso modo dans les 2 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 (et 18 km à forer par an, ce qui est supérieur à l’aménagement considéré comme modèle de Madrid).

Pour l’instant, si j’ai bien compris, 6 milliards d’euros sont déjà débloqués par l’État jusqu’en 2017, dont 2 milliards pour les lignes existantes, et à partir de 2015, l’État pourrait rajouter 1 milliard d’euros par an en cas de besoin (la région avait estimé à 7 milliards d’euros le seuil à mobiliser pour démarrer le projet). Des emprunts de la SGP (Société du Grand Paris) pouvant aller jusqu’à 21 milliards d’euros et les contributions des collectivités territoriales devraient boucler les premières étapes.

Le financement des autres tronçons devrait être assuré par le gain économique induit par la mise en service des premiers tronçons, mais cela reste encore assez aléatoire.

Le gouvernement a lancé d’ailleurs quelques pistes pour que les collectivités territoriales puissent augmenter leur capacité d’emprunt : déplafonnement de la taxe locale sur les bureaux, augmentation de la CET (ancienne taxe professionnelle), et aussi (le sujet est très sensible), augmentation des amendes de stationnement. Pas du stationnement gênant comme beaucoup de médias le disent mais du stationnement payant non payé, ce qui est différent.

Le PV passerait ainsi de 17 euros à 35 euros, ce qui le doublerait, et même plus que triplerait en quelques années, puisque, avant le 1er août 2011, l’amende était encore à 11 euros. Certains maires ne trouveraient d’ailleurs pas cela injuste, puisque l’amende de défaut de paiement à la RATP est par exemple de 45 euros, encore supérieur aux 35 euros.

Cependant, il serait difficile de l’appliquer pour financer un projet purement francilien car soit le gouvernement augmenterait l’amende uniquement pour les Franciliens et il y aurait discrimination anticonstitutionnelle, soit il l’augmenterait pour toutes les communes et les communes non franciliennes participeraient injustement au financement d’un aménagement dont elles seraient étrangères.

Pour l’instant, comme pour les autres recherches de milliards pour d’autres raisons (réduction du déficit public), le financement complet n’est pas vraiment assuré (aucun emprunt n’a encore été contracté etc.). Or, c’est le financement qui assurera la réalisation intégrale du projet. Le TGV Est a mis au moins deux décennies à être réalisé en raison du manque de financement.

De là à imaginer des péages urbains pour les automobilistes franciliens, je suppose que ce type d’idée a déjà germé dans certains cerveaux créatifs, et ce sera sans doute l’un des enjeux cruciaux des municipales de l’année prochaine en Île-de-France…


L’essentiel

Dans tous les cas, l’essentiel est que ce grand chantier soit relancé, sans heureusement avoir pris en compte des considérations politiciennes. Même si les objectifs du calendrier ne sont pas tenus, la transformation des transports parisiens aura bien lieu et Paris pourra encore rester dans le clan de grandes villes d’intérêt mondial, à l’égale de Londres, Tokyo, Moscou, New York, Berlin etc.

Il reste encore beaucoup de décisions à prendre, mais la vision du Grand Paris est clairement donnée, et c’est pour cela que j’applaudis : bravo Monsieur Ayrault !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (8 mars 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean-Marc Ayrault.
Rapport Auzannet du 13 décembre 2012 (à télécharger).
Zoom sur les cartes du projet du Grand Paris (à télécharger).
Plan proposé par Christian Blanc le 22 janvier 2010.
Documents initiaux sur le Grand Paris à télécharger (7 novembre 2008).
Initiative du 6 novembre 2008.

yartiGrandParis03 


http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/grand-paris-2030-la-confirmation-132050

 

 

 

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6 mars 2013 3 06 /03 /mars /2013 01:19

Ces cartes sont datées de 2012 (juin et décembre) mais ont l'avantage d'être très lisibles pour comprendre les itinéraires choisis et la définition des gares. Pour agrandir ces cartes, il faut cliquer dessus. Leur origine est indiquée sur le schéma (SGP pour la carte de juin 2012, commission nationale du débat public pour celle de décembre 2012).


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SR



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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 23:16

L'ancien responsable de la RATP, Pascal Auzannet, a rendu le 13 décembre 2012 à la ministre Cécile Duflot son "rapport de la mission sur le calendrier pluriannuel de la réalisation et du financement du projet de Grand Paris Express" daté du 10 décembre 2012.


Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport Auzannet (fichier .pdf) :
http://www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_C_Duflot_Version_Finalex.pdf


SR

 

 

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