« Ce texte vise la politique conduite par le gouvernement précédent, approuvée par cette assemblée à plusieurs reprises et qui, ne vous en déplaise, permet à la France d’être le pays qui se sort le mieux de l’épidémie, qu’on prenne en considération le bilan humain ou les performances économiques. » (François Braun, le 24 novembre 2022 dans l'hémicycle).
Les antivax et les opposants à la politique sanitaire du gouvernement vont être contents. Mais aussi tous les Français, car cela signifie que l'épidémie est enfin derrière nous. La Haute Autorité de Santé a indiqué ce jeudi 30 mars 2023 qu'elle ne voyait désormais aucun obstacle sanitaire à la réintégration des soignants qui avaient refusé de se faire vacciner pendant la pandémie de covid-19. Comme il l'avait toujours affirmé auparavant, le gouvernement tiendra compte de l'avis de l'HAS et préparera un décret pour aller dans ce sens. Rappelons-nous une soirée très chaude au Palais-Bourbon il y a quatre mois qui avait enflammé les esprit à ce sujet très polémique.
Effectivement, la soirée du jeudi 24 novembre 2022 à l'Assemblée Nationale a été particulièrement mouvementée. L'hémicycle était en pleine ébullition, les députés parfois parlant au-delà de leurs pensées et, en tout cas, allant au-delà de la bienséance et de la courtoisie, au-delà de la dignité qu'une telle institution devrait inspirer à tous les représentants du peuple français. Un député en est même venu, alors qu'il faisait un rappel au règlement, à lâcher comme une "racaille" : « Tu vas la fermer ! » (et pourtant, ce député de Guadeloupe faisait partie d'un petit groupe centriste, généralement beaucoup plus modéré que la moyenne). Ce qui a eu pour effet une suspension de séance (en fait, la séance du soir a été suspendue de nombreuses fois afin de tenter de calmer les esprits). Les députés étaient pires que des gosses dans une cour de récréation.
La cause ? L'obligation de la vaccination contre le covid-19 des personnels soignants des établissements de santé, leur suspension en cas de non-vaccination, et leur éventuelle réintégration. Certains députés évoquaient de telles réintégrations dans d'autres pays pour la proposer en France. Beaucoup y étaient opposés pour deux raisons : pour une raison éthique (de principe) et pour une raison sanitaire (risque de contaminer les patients à l'hôpital ou dans les EHPAD).
Mais avant, rappelons le contexte parlementaire. Chaque groupe dispose d'une journée de "temps parlementaire" où il peut définir l'ordre du jour. C'est l'occasion pour chaque groupe d'examiner une proposition de loi spécifique à ce groupe. On appelle cela une niche parlementaire. La journée commence à 9 heures et finit à minuit. Entre les deux, le groupe maîtrise l'ordre du jour.
Le jeudi 24 novembre 2022, c'était au tour du groupe France insoumise. Il a d'abord présenté la proposition de loi visant à inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. La discussion s'est avérée plutôt fructueuse, car la proposition, modifiée par l'apport d'autres groupes, a été adoptée. Pourtant polémique, ce sujet a donc été exemplaire dans la conduite d'une discussion sereine sur un thème important.
Malheureusement, à la deuxième puis troisième séances de la journée, présidées par la vice-présidente Horizons de l'Assemblée Nationale Naïma Moutchou, cette sérénité s'est effondrée et on peut dire (en pesant les mots) que ce fut l'une des pires journées parlementaires de la Cinquième République.
Passant en deuxième proposition, la proposition de loi visant à interdire la corrida a été présentée par son rapporteur, un nouveau député connu pour ses envolées (que je ne qualifierais pas) sur les plateaux de télévision depuis quelques années. Il ne faut pas oublier que derrière une présentation de proposition de loi, des dizaines de personnes ont travaillé en amont, un administrateur de l'Assemblée Nationale, d'autres services, et enfin, des auditions et un examen en commission avec les députés membres de celle-ci.
Or, le groupe FI a été très manipulateur dans la présentation des débats : en effet, après avoir exposé ses arguments, après avoir laissé une ministre exprimer la position du gouvernement (négative, car la proposition était mal préparée, sans étude d'impact, et il y a d'autres sujets plus urgents), puis un représentant du groupe FI donner également son opinion (forcément favorable puisque la proposition émanait de ce groupe), le rapporteur a décidé soudainement de retirer son texte, prétextant le trop grand nombre d'amendements, ce qui a pour effet d'avoir rendu inutiles les centaines d'heures de préparation pour ce débat, pour ou contre.
Le président de la commission des lois, Sacha Houlié, en était assez contrarié : « Monsieur le rapporteur, vous aviez pris une décision courageuse en inscrivant à l’ordre du jour un texte qui divise et met chacun devant ses responsabilités : abolir la corrida, au prétexte du bien-être animal, ou bien refuser l’abolition, au motif de la protection des traditions. Ce texte a été examiné en commission des lois. Un administrateur vous a été affecté et les services de la commission ont accompli un travail important. Nos collègues, quelle que soit leur opinion, elles sont toutes respectables, ont déposé des amendements, parfois dilatoires, je le dis en toute transparence, et parfois d’obstruction. Or le groupe FI-Nupes se livre lui-même à cet exercice d’obstruction assez régulièrement, il faut le reconnaître. Le groupe FI-Nupes a eu l’occasion de dire ce qu’il pensait de votre proposition, monsieur le rapporteur. Tous les députés inscrits dans la discussion générale auraient mérité eux aussi d’exposer la position des différents groupes, ne serait-ce que pour la faire connaître à nos concitoyens. Ainsi, chacun aurait su comment se positionnent les différents groupes et vous auriez eu une réponse à la question que vous avez posée. De même, un amendement de suppression devait être discuté. Vingt amendements de suppression, me corrige-t-on, qui ont été adoptés par la commission, on en pense ce qu’on veut. Si ces amendements avaient été examinés, chacun aurait pu connaître la position et le vote de tous les députés, puisque vous n’auriez pas manqué de demander un scrutin public. Si tel était votre but, il aurait été possible d’identifier les opposants à l’abolition de la corrida. Chacun aurait pu constater la décision des uns et des autres, prise en toute responsabilité. Je regrette sincèrement que tout le travail effectué au préalable ait été vain et que cette clarification n’ait pu avoir lieu. Vous avez finalement fait preuve de bien peu de courage aujourd’hui, comparé à celui que vous aviez rassemblé jusqu’alors. ».
Anne-Laurence Petel (députée Renaissance) a exprimé les mêmes regrets : « Nous avions la possibilité d’avoir un vrai débat démocratique et, peut-être, de construire un compromis, d’effectuer des rapprochements, de confronter des idées et des points de vue, tout ce que nous devons faire dans l’hémicycle. Ce qui se passe aujourd’hui est conforme à l’attitude que vous avez eue en commission des lois, monsieur le rapporteur : une telle condescendance vis-à-vis de vos contradicteurs que même les indécis ne se sont pas rangés dans votre camp ! Vous avez réussi à unir les gens contre vous ! Quand on écrit la loi, on doit fabriquer du compromis, ce que vous n’avez pas su faire. Je le regrette. Je déplore également que vous ayez choisi d’arrêter la discussion générale après une prise de parole d’une députée de la Nupes. Je suis désolée, je n’ai pas été élue députée pour utiliser cet hémicycle comme un plateau de télévision ; je le considère pour ce qu’il est, à savoir le lieu où l’on fabrique la loi. ».
D'où cette troisième proposition concernant la réintégration du personnel soignant qui avait refusé de se faire vacciner contre le covid-19, dont la rapporteure était Caroline Fiat, vice-présidente FI de l'Assemblée Nationale, aide-soignante et députée de Meurthe-et-Moselle.
Pour le gouvernement, il n'était pas question de l'approuver, d'autant plus que l'épidémie de covid-19 est encore loin d'être terminée. C'est ce qu'a rappelé Agnès Firmin Le Bodo, la Ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé : « Le gros de la tempête est peut-être derrière nous, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle bourrasque, par exemple de l’émergence d’un nouveau variant inquiétant. Nous ne devons à aucun moment oublier que le covid-19 n’est en aucun cas une maladie bénigne. On en meurt, toujours, tous les jours, partout dans notre pays. Encore aujourd’hui, la vaccination, qui nous a permis de dépasser cette pandémie, joue un rôle décisif. C’est grâce à elle que nous avons pu retrouver une vie normale et mieux protéger les plus fragiles d’entre nous. J’en profite d’ailleurs pour rappeler que les campagnes hivernales de vaccination contre la grippe et la covid ont commencé. J’invite tous nos concitoyens les plus fragiles, et ceux qui les entourent, à se faire vacciner contre ces deux maladies. ».
Du reste, la reprise épidémique de la fin de l'année impose de renforcer la vigilance : « Dans ce contexte, l’obligation vaccinale est essentielle : d’une part pour limiter les risques de contamination et protéger ainsi les patients fragiles et hospitalisés, les personnes âgées et les personnes à risque de forme grave, notamment les personnes immunodéprimées ; d’autre part pour protéger les personnels soignants et réduire les risques d’absentéisme dans les services déjà en tension. En un mot, nous devons rester vigilants face à l’épidémie et les établissements de santé et médico-sociaux ne sont pas dispensés de ce devoir de vigilance. ».
Reprenons les arguments sur la forme et le fond.
Sur la forme, le retrait de la proposition contre la corrida (qui, semble-t-il, aurait eu peu de chance d'être adoptée ce jour-là) a surpris l'ensemble des groupes qui avaient beaucoup préparé ce dossier très médiatisé. Le passage de la troisième proposition, beaucoup plus politique, beaucoup plus polémique, nécessitait la mobilisation de tous les députés, y compris les absents, en raison de la faible majorité sur laquelle pouvait compter le gouvernement et d'une collusion Nupes-RN-LR. Or, à ce moment-là dans l'hémicycle, il y aurait eu arithmétiquement plus de députés favorables à cette proposition de réintégration que de députés opposés.
Notons que si la proposition de loi avait été adoptée ce soir-là, elle aurait dû ensuite passer au Sénat, puis serait probablement repassée en seconde lecture à l'Assemblée où la majorité aurait fait en sorte que les majoritaires d'un soir se retrouveraient alors minoritaires. Sur le processus législatif, la réalité d'une loi adoptée et promulguée ne dépend pas juste d'une négligence, de l'absence ponctuelle de quelques députés,bref d'une situation fortuiyte, mais bien de la volonté de la représentation nationale mûrement réfléchie, qui est renouvelée et confirmée à plusieurs reprise lors des différentes lectures. En revanche, évidemment, l'adoption d'une telle proposition de loi aurait été un camouflet cinglant contre la majorité. Il y avait donc dans ce petit jeu surtout un enjeu de vitrine ou d'emballage, pas un enjeu de fond.
Face à cette infériorité numérique très ponctuelle, le gouvernement et la majorité ont donc utilisé toutes les possibilités que permet le règlement de l'Assemblée Nationale, des rappels au règlement et des amendements, supposés faire tenir les débats, selon les promoteurs de la proposition, jusqu'à minuit, heure de la fin de la récréation, euh, non, heure de la fin de la journée consacrée au groupe FI. Pour l'opposition, cette attitude serait donc assimilée à une obstruction, mais c'est l'hôpital qui se moque de la charité, puisque c'est généralement l'opposition qui, n'ayant jamais la supériorité arithmétique, fait plutôt dans l'obstruction pour ralentir l'adoption d'un projet de loi contesté (entre autres, la réforme des retraites il y a trois ans).
Or, pendant toute cette soirée, les orateurs favorables à la proposition de loi n'ont cessé de dénoncer les prétendues atteintes à la démocratie qui auraient été commises par le gouvernement et la majorité sous prétexte que ceux-ci utilisaient toutes les possibilités que leur donnait le règlement intérieur de l'Assemblée.
Le règlement intérieur de l'Assemblée Nationale établit justement la règle du jeu démocratique des débats et travaux de l'Assemblée. Tout ce qui est possible par ce règlement est donc démocratique ou alors, il va falloir dénoncer le caractère antidémocratique de ces dispositions. En d'autres termes, on ne peut pas fustiger un prétendu caractère antidémocratique d'initiatives totalement constitutionnelles, légales et réglementaires, qu'en plus, on pratique soi-même dans d'autres débats, sans se discréditer soi-même.
Venons-en au fond.
Le débat a eu lieu entre des députés raisonnables qui ont bien compris l'objectif du vaccin et de la vaccination obligatoire pour le personnel soignant, et des députés visiblement qui flirtent avec des positions quasi-complotistes en remettant en cause l'intérêt même de la vaccination en général.
La ministre Agnès Firmin Le Bodo a insisté sur le fait que cette obligation vaccinale n'était pas nouvelle : « Je rappelle également que l’obligation vaccinale pour les professionnels exerçant dans les secteurs sanitaire et médico-social, si elle a fait beaucoup de bruit, n’est ni nouvelle ni inédite. Prenons l’exemple de l’hépatite B : l’obligation vaccinale des personnels de santé a permis, de longue date, une très forte diminution du nombre de cas d’origine professionnelle, alors qu’ils étaient très fréquents dans les années 1970. Cette obligation est tout simplement la contrepartie d’une responsabilité à part de nos soignants vis-à-vis des personnes qu’ils prennent en charge et qui sont, par définition, souvent fragiles. La loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a donc prévu, dans le cadre de notre combat contre le covid-19, l’obligation vaccinale contre ce virus, pour les personnes travaillant dans les secteurs sanitaire et médico-social. Il s’agit d’une mesure justifiée de protection des publics les plus fragiles, de limitation de la propagation du virus et de protection du système de santé. Bien sûr, la liste des vaccins obligatoires pour les professionnels de santé évolue au fil des années et des épidémies. ».
Benjamin Haddad (député Renaissance) posait donc la question aux députés antivax : « Vous voulez vraiment envoyer des personnes non vaccinées dans les EHPAD pour soigner nos grands-parents ? ».
La proposition de loi "portant réintégration du personnel des établissements de santé et de secours non vacciné grâce à un protocole sanitaire renforcé" (n°322 et 493) permettrait en effet la réintégration des soignants non-vaccinés sous condition d'un protocole sanitaire supplémentaire, à savoir, un test de dépistage négatif du covid-19 tous les jours. Cette idée est irréaliste. Selon la ministre : « Le protocole sanitaire que propose le texte n’est ni réaliste, ni pratique. Très honnêtement, je pense qu’il est trop complexe, et inapplicable en pratique. (…) Il serait très lourd, pour les établissements de santé, ainsi que pour les établissements sociaux et médico-sociaux, de contrôler que les personnels non vaccinés ont bien effectué régulièrement les tests. En bref, le protocole proposé est impossible, non seulement pour les professionnels concernés, à réaliser, mais aussi pour les établissements, à contrôler. ».
Même son de cloche de la part de Philippe Vigier (député MoDem) : « Ne me dites pas à moi, qui suis biologiste, que nous pourrons faire un test PCR le matin aux soignants et que le résultat sera immédiatement connu pour leur donner la possibilité de travailler jusqu’au soir. On voit que vous n’êtes jamais venus dans un labo ! Venez voir de quoi il en retourne, car il est inacceptable de dire cela. Cela ne tient pas la route une seule seconde ! (…) Je vous propose de passer aux travaux pratiques : venez lundi matin, à sept heures, et vous verrez comment les choses fonctionnent. (…) Enfin, si vous me le permettez, je terminerai en évoquant un élément plus personnel. Je vous en fais part avec beaucoup de gravité : mon frère, qui était membre de la réserve sanitaire, est mort au combat pour protéger des gens. Pourquoi ? Parce qu’il n’était pas vacciné et qu’il a contracté la covid-19. Alors, de grâce, soyez prudents. Je ne voudrais pas que dans quelques années, un ministre de la santé soit convoqué devant la Cour de justice de la République pour avoir insuffisamment protégé nos personnels soignants. ».
Éric Alauzet (député Renaissance) a affirmé la même chose : « Votre proposition est risquée, car les masques et les tests antigéniques quotidiens sont insuffisants pour protéger d’une contamination. Ils sont utiles en complément du vaccin, mais pas à la place de celui-ci. De plus, rien ne nous assure que les personnes concernées, qui ne sont pas par nature les plus collaboratives, auront un comportement irréprochable à chaque instant de la journée et qu’elles se priveront des pauses cigarette ou des repas avec les collègues, qui sont autant de circonstances désormais bien identifiées comme présentant des risques. On peut même supposer que nombre d’entre elles, très rétives aux contraintes et aux règles, accepteront mal cette nouvelle contrainte du test quotidien. ».
L'argument de la pénurie de personnel soignant n'a pas de sens puisque le nombre de personnes concernées est très faible (de l'ordre de 1 000 à 4 000 personnes). Voici l'estimation de la ministre citée plus haut : « Ce phénomène reste très minoritaire, voire marginal. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 99% des professionnels concernés ont rempli leur obligation. Je tiens à leur rendre hommage. Ce pourcentage confirme l’adhésion des professionnels à l’obligation vaccinale. Ils ont compris qu’elle s’inscrivait dans une logique d’éthique du soignant et qu’il s’agissait d’une mesure de protection d’autrui. Il reste environ 0,5% de professionnels considérés comme non vaccinés, plus précisément, 0,3% des personnels du secteur sanitaire. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement des soignants, mais aussi de personnels administratifs et techniques. En outre, ces chiffres sont ceux élaborés par le ministère au mois de mai : il est très probable qu’ils soient encore moins élevés aujourd’hui. Nous avons donc demandé qu’ils soient actualisés afin que nous puissions mesurer le phénomène à ce jour. Selon l’Ordre national des infirmiers, il reste aujourd’hui 1 000 infirmiers suspendus pour une population de 637 000 personnes, soit environ 0,16% des effectifs. Selon la Fédération hospitalière de France, les personnes concernées seraient de l’ordre de 4 000, sur plus de 1,2 million d’agents. Vous le voyez, dans l’ensemble, il serait trompeur de penser que le phénomène de non-vaccination des personnels soignants concerne plus qu’une infime minorité. ». Caroline Yadan (députée Renaissance) a aussi balayé cet argument : « Qui peut soutenir que réintégrer 1 050 infirmières sur 240 000 ou 75 médecins sur 85 000 permettra de résoudre le manque de personnel ? ».
Il y a enfin l'argument éthique qui souligne la vocation du soignant à prendre soin de ses patients. Pour Agnès Firmin Le Bodo : « Plus profondément, il y a un enjeu d’éthique auquel je serai très attentive. Je sais que les professionnels du soin y sont particulièrement attachés, d’où les chiffres colossaux de vaccination de ces femmes et de ces hommes, qui se sont avant tout engagés pour soigner, guérir et prendre soin des personnes les plus vulnérables. Les professionnels sont, pour beaucoup, les premiers à nous dire être totalement opposés à la perspective d’un retour de leurs collègues qui n’ont pas joué le jeu de la vaccination, et cela alors qu’ils sont les premières victimes du manque de personnels dans les établissements de santé. Je peux donc déjà vous dire que le remède que vous proposez est pire que le mal. Beaucoup de professionnels se sont accordés sur le fait que l’hésitation vaccinale était éthiquement inacceptable dans leur profession. ».
Tous les arguments énumérés par le gouvernement pour s'opposer à cette proposition de loi étaient raisonnables, rationnels et compatibles avec la science. En revanche, le gouvernement, à mon sens, a eu tort de dépolitiser la question en disant s'en remettre uniquement aux avis des sociétés savantes et "sachantes", en particulier à la Haute Autorité de la santé (HAS). Car cette obligation vaccinale des soignants est au contraire éminemment politique. C'est le gouvernement qui a pris ses responsabilités et qui l'a décidée pour protéger avant tout les patients. Ce ne sont pas aux sociétés savantes de prendre cette décision, elles n'ont pas cette légitimité institutionnelle, elles ne peuvent que conseiller, mais pas prendre de responsabilité. Refuser l'aspect politique de ce sujet est une erreur parce que justement, l'opposition en fait un sujet politique et la majorité doit l'affronter sur ce même terrain, celui de la politique.
Après les arguments, je propose quelques citations de la discussion parlementaire. Les sélections sont arbitraires, uniquement de mon fait, donc forcément contestables, pour mieux appréhender les positions des uns et des autres ou les enjeux qui en découlent.
Philippe Vigier : « Je vous invite à lire la dernière publication de la revue Nature Human Behaviour. Que dit-elle ? Que de tous les pays développés, la France est celui où l’espérance de vie est la plus élevée. Nous avons en effet regagné deux mois d’espérance de vie grâce à l’importance de notre taux de protection vaccinale. Ne l’oubliez jamais. ».
Thomas Mesnier (député Horizons) : « En réalité, par ce texte, vous envoyez un signal désastreux au monde hospitalier et un message formidable aux complotistes. (…) Je le répète, votre texte envoie un signal véritablement désastreux à nos soignants. (…) Le covid-19 tue encore chaque jour dans notre pays. Il est de notre responsabilité de nous assurer que nos concitoyens soient aussi protégés que possible et que les soignants le soient eux-mêmes, afin d’être moins contaminés et de moins contaminer les patients qu’ils soignent au quotidien. ».
Olivier Serva (député LIOT de Guadeloupe) : « Permettez-moi, madame la ministre déléguée, de douter de vos intentions. Vous dites attendre l’avis de la HAS pour vous prononcer sur la réintégration de ce personnel, mais en catimini, ce sont des départs à la retraite anticipés ou encore des reconversions professionnelles qui leur sont proposés, tout au moins en Guadeloupe. Pire, des pressions sont exercées sur certains d’entre eux par les autorités sanitaires afin de les pousser à la démission. Tout cela dépasse l’entendement. Tout cela dépasse la raison. (…) Imaginez-vous, dans vos professions respectives, suspendus du jour au lendemain, sans salaire, avec vos enfants à charge et le coût de la vie qui devient insoutenable, a fortiori en outre-mer ! Ce scénario catastrophe est celui que la France inflige à une partie de ses soignants depuis maintenant un an. Et ce n’est pas comme si nous pouvions nous payer le luxe de nous affranchir de leurs compétences ! En Guadeloupe, d’où je viens, qui figure en tant que territoire d’outre-mer parmi les premiers déserts médicaux de France, le délai moyen d’attente pour un rendez-vous chez le cardiologue est de dix mois. ».
Éric Alauzet : « Finalement, votre proposition pourrait conduire au résultat inverse à celui attendu. Des professionnels réintégrés pourraient renâcler à appliquer de nouvelles contraintes, comme celle de se mettre un écouvillon tous les matins dans le nez, des soignants vaccinés pourraient être conduits à quitter leur poste, en exerçant leur droit de retrait, et des usagers pourraient refuser d’être pris en charge par des personnels non vaccinés, ce qui conduirait à leur exclusion de fait. Le point le plus faible de votre proposition de loi est qu’elle remet en cause l’obligation vaccinale. Il y a là une terrible contradiction, que vous avez évidemment perçue, comme en témoignent les efforts que vous déployez pour persuader les uns et les autres que ce n’est pas le cas. Le Rassemblement national, qui soutient des deux mains et des deux pieds votre proposition de loi, ne s’y est d’ailleurs pas trompé, lui qui a combattu ardemment l’obligation vaccinale. Ce n’est certes pas votre cas, madame la rapporteure, mais la vaccination devient bel et bien facultative pour les soignants non vaccinés si vous les réintégrez, et elle le devient pour tous puisque, en République, tous les citoyens sont libres et égaux en droits. Si elle est facultative pour tous, elle n’est donc plus obligatoire. (…) Madame la rapporteure, votre proposition de loi, contrairement à ce que vous et vos collègues de la France insoumise avez martelé et tenté de faire croire lors des débats en commission, remet tout simplement en cause l’obligation vaccinale. Nous ne pouvons pas l’accepter. Le vaccin a été et reste, rappelons-le, notre meilleure arme pour lutter efficacement contre les formes graves de la maladie. Si votre proposition de loi était adoptée, contre l’avis des sociétés savantes, contre l’avis des patients et contre l’avis des soignants, vous sèmeriez un immense trouble chez nos concitoyens qui ont consenti, pour l’intérêt général et pour eux-mêmes, à se faire vacciner. Une telle décision provoquerait rapidement une remise en cause des autres vaccinations, telles que celles contre l’hépatite B, contre la poliomyélite, contre la diphtérie, contre le tétanos ou encore contre la tuberculose. En d’autres termes, vous ouvrez la boîte de Pandore ! Disons-le, votre proposition de loi est très politique et vise, au détour d’une noble préoccupation, lutter contre la pénurie des personnels de santé, à raviver vos critiques sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement, alors que vous êtes les tenants de solutions simples, pour ne pas dire simplistes et miraculeuses. Nous ne sommes pas sortis de la crise sanitaire, même si elle est mise au second plan actuellement. ».
Yannick Neuder (député LR) : « Vous essayez de cacher vos incohérences derrière les avis de la Haute Autorité de santé qui, comme toutes les sociétés savantes françaises, européennes et internationales, est pour la vaccination. Comment expliquez-vous dès lors la spécificité de la France, qui est quasiment le seul pays européen à ne pas réintégrer les soignants ? Dans les régions frontalières, les infirmières non vaccinées, qui ne peuvent donc travailler dans nos hôpitaux, où elles manquent pourtant, traversent la frontière et se rendent en Italie, et surtout en Suisse, pour y travailler dans des hôpitaux où elles sont accueillies à bras ouverts. Il y a trois semaines, vous avez à nouveau saisi la Haute Autorité de santé. Ne vous entêtez pas et arrêtez de la saisir. Votre choix n’est pas scientifique, il est politique. Assumez-le ! Vous auriez l’ensemble des élus et des députés avec vous. Nous ne sommes pas tous des petits scientifiques, mais nous souhaitons tous qu’il y ait un maximum de personnels soignants dans nos hôpitaux et dans nos EHPAD pour faire face aux infections qui arrivent. ».
Cyrille Isaac-Sibille (député MoDem) : « Comme je l’ai indiqué en commission, il est symptomatique que les positions de l’intergroupe Nupes et du groupe Rassemblement national se rejoignent en la matière, c’est assez impressionnant. ».
Vincent Thiébaut (député Horizons) : « Ce sujet est important. J’avoue que même moi, il me gêne, à titre personnel. Nos débats mélangent de nombreuses questions. La première est celle de l’efficacité du vaccin. Oui, celui-ci protège, même si ce n’est pas à 100%, ce qui n’est d’ailleurs le cas d’aucun vaccin. Nous savons qu’il réduit la probabilité de contagion et le nombre de formes graves ; il n’y a pas lieu d’en douter. La deuxième question est celle de la situation personnelle des soignants non vaccinés. Je suis d’accord avec vous, ils vivent un drame personnel ; chacun d’entre nous en connaît dans sa circonscription. Il nous faut trouver les moyens de les accompagner. La troisième question est plus grave. Je suis membre du conseil de surveillance de mon hôpital. Tous les médecins, tous les chefs de service demandent que la vaccination soit obligatoire au sein de l’établissement. Je vous rappelle que les infirmières sont obligatoirement vaccinées contre l’hépatite B quand elles entrent en milieu hospitalier, et personne ne conteste cette obligation. Nos débats mélangent ainsi de nombreuses questions. Le plus grave est toutefois que nous remettons en cause la parole des sachants, avec celle des médecins. Tous demandent le maintien de cette obligation. Ne mélangeons donc pas notre préoccupation pour des situations personnelles qui ne peuvent nous laisser indifférents et le respect de la parole des sachants. Nous, politiques, ne pouvons la remettre en cause. Sinon, quel sera leur poids demain ? Ils seront tout le temps contredits, alors qu’ils doivent être respectés. Écoutons-les. Enfin, nous parlons de 600 infirmières sur 240 000 ; de 75 médecins sur 85 000. Non, ce n’est pas la réintégration de ces soignants qui résoudra toutes les difficultés que rencontre le milieu hospitalier. Nous voterons donc pour les amendements de suppression. ».
Michel Lauzzana (député Renaissance) : « Alors que nous avons beaucoup évoqué le personnel soignant, remettons au centre du débat les patients et l’éthique que nous devons, nous, soignants, à ceux qui nous confient leur santé. Je rappelle que dans les contentieux médicaux, ce ne sont pas les résultats qui sont jugés, mais les moyens employés pour soigner un patient. Or les moyens nécessaires pour faire face à la pandémie du covid sont les gestes barrières que nous connaissons tous, mais aussi et surtout la vaccination, promue par toute la communauté scientifique. Je suis choqué par cette proposition de loi qui donne raison aux réseaux sociaux, aux populistes, aux obscurantistes, contre la communauté des scientifiques. ».
Julien Rancoule (député RN) : « La situation est scandaleuse (…). [Ces soignants] se trouvent suspendus, sans salaire, alors qu’ils ont des familles, je le rappelle. C’est inhumain. J’ai moi-même été suspendu. (…) Je trouve cette proposition de loi relativement timide. Alors que nous savons que le vaccin n’empêche ni la contamination, ni la transmission, les tests obligatoires sont inutiles en l’absence de symptômes, y compris pour les personnels soignants non vaccinés. Nous souhaitons la réintégration de tous les soignants. ».
Philippe Juvin (député LR) : « Je veux d’abord dire une chose très simple : le refus de se faire vacciner pour des raisons personnelles est respectable, et personnellement, je le respecte. Toutefois, ce refus n’est pas sérieux de la part d’un soignant au contact des malades. (…) Plusieurs d’entre vous ont déclaré que le vaccin ne protégeait pas contre la contamination. C’est faux, mesdames et messieurs ! Il est vrai qu’il subsiste des doutes quant à la contamination par des soignants vaccinés : on ne sait toujours pas si un individu vacciné et infecté transmet moins le virus qu’un individu non vacciné et infecté. On sait, en revanche, qu’une personne vaccinée est moins souvent malade. C’est le propre du vaccin : il protège contre la maladie, et pas seulement contre ses formes graves ! Quand vous êtes vacciné, vous êtes moins souvent malade. Et quand vous n’êtes pas malade, vous ne risquez pas de transmettre le virus. ».
Arrivé tardivement dans la soirée, le Ministre de la Santé et de la Prévention François Braun : « J’ai écouté vos propos avec attention. Permettez-moi d’abord de répondre à quelques questions. Vous souhaitez savoir, monsieur Hébrard [député RN], si je suis vacciné. Vous me l’avez pourtant demandé. Je suis poli : je réponds. J’ai contracté le covid le 7 juin dernier. En raison des facteurs de risque que je présente, je dois attendre six mois avant de recevoir une prochaine dose de vaccin. Je ne manquerai pas de me faire vacciner dès que je le pourrai, c’est-à-dire à compter du 7 décembre. Ensuite, vous évoquez une "néopolitique sanitaire expérimentale basée sur le mensonge et la peur". Je veux bien tout entendre, mais ne racontons pas n’importe quoi ! Ainsi, l’ensemble de la communauté scientifique internationale mentirait et répandrait indûment la peur à propos de cette épidémie de covid, qui a fait des millions de morts ? Il me semble que nous pouvons débattre raisonnablement et échanger des idées sans dire n’importe quoi. Le texte que vous proposez ne concerne pas la réintégration d’une poignée de soignants. Il porte sur le covid, c’est-à-dire sur une pandémie dont je n’ai pas besoin de vous rappeler qu’elle a fait des millions de morts et qu’elle continue de faire des morts, en France comme dans d’autres pays. (…) L’éthique du personnel soignant, c’est de soigner et de protéger. Ce texte touche aussi les centaines de milliers de soignants qui ont tenu la ligne pendant les premières vagues. Croyez-moi, je sais ce que c’est : j’y étais ! Je ne crois pas que ce soit le cas de beaucoup d’entre vous. Ce texte concerne les 600 000 infirmières vaccinées, et non les 1 050 qui ne le sont pas. Quel signal voulons-nous donner à ces personnes qui étaient en première ligne, qui se sont fait vacciner, qui ont eu peur tous les soirs de choper cette cochonnerie et de la transmettre à leurs enfants ou à leur conjoint ? (…) Que me disent les soignants, quand je les rencontre ? Que si nous réintégrons les soignants non vaccinés, ce sont eux qui partiront ! Vous voulez donc réintégrer 1 000 infirmières pour encourager les 600 000 qui sont en poste à quitter l’hôpital ! Est-ce ainsi que vous entendez régler les problèmes de notre système de santé ? ».
Après une suspension de séance parce que les députés de l'opposition voulaient empêcher le ministre de parler, François Braun a repris la parole pour s'interroger sur le protocole à mettre en place en contrepartie d'une réintégration : « Je veux simplement expliquer pourquoi ce protocole est irréaliste. Je voulais prendre l’exemple des services de réanimation, où est établi un ratio soignants-patients, ce dont chacun peut se réjouir. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous sommes confrontés à de grandes difficultés actuellement, je ne reviendrai pas sur les fermetures de lits dues au manque de soignants. Imaginons un soignant qui n’a pas voulu se faire vacciner. Par chance, on a trouvé un autre soignant pour le remplacer (…). Ce soignant se rend donc à l’hôpital pour travailler, il est inscrit au planning de telle sorte que le personnel soignant est en nombre suffisant par rapport au nombre de lits. Il se fait tester. Le résultat est positif. Dès lors, que fait-on ? Doit-il rentrer chez lui ? Dans ce cas, qui le remplace ? Qui va s’occuper de ses patients ? Va-t-on imposer à une infirmière de service de prendre en charge deux fois plus de patients ? C’est totalement irréaliste ! Par conséquent, cette mesure ne sera pas appliquée et nous mettrons alors en danger les patients les plus fragiles qui se trouvent dans nos hôpitaux. Je le répète, ce texte concerne une poignée de soignants, 1 sur 600. Tout à l’heure, je parlais d’éthique. Il se trouve que j’ai un autre objectif, que vous connaissez et que vous avez même approuvé : la prévention. En effet, l’article 17 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui porte sur la mise en place de rendez-vous de prévention, a été adopté par les sénateurs à l’unanimité. Or, à présent, vous affirmez que la vaccination ne sert plus à rien. Quel message ! En outre, vous l’envoyez au moment où nous voulons développer une politique de prévention et alors que, dans cette assemblée, vous avez tous voté pour une meilleure vaccination des enfants. De même, quel message si l’on songe aux autres vaccinations à venir ! Que me direz-vous, par exemple, lorsque je viendrai vous proposer une vaccination contre le papillomavirus ? C’est un vaccin qui permettra d’éradiquer le cancer du col de l’utérus ! Direz-vous alors que vous vous en moquez, que ce n’est pas une vaccination obligatoire ? C’est aberrant. Ce message ne passera pas car il revient à dire aux soignants que nous ne nous occupons pas d’eux et aux patients que nous nous moquons de la prévention. C’est impossible. Je vous l’ai dit, ce texte ne sera pas appliqué. Dieu sait que, dans cette assemblée, nous devons éviter les textes inapplicables, je vous rejoins sur ce point. Vous êtes les premiers à vous plaindre de notre bureaucratie, vous dénoncez ces textes que l’on ne peut appliquer dans les hôpitaux, et vous avez raison. Or vous voulez rendre la situation encore plus complexe avec ce nouveau texte inapplicable et mensonger. J’aimerais mettre en parallèle les différentes stratégies adoptées face à la crise sanitaire. Celle que vous proposez, et qui consiste à se faire tester à tout instant, pour pouvoir sortir ou travailler, a été mise en œuvre par un seul pays au monde. Lequel, et avec quel succès ? La Chine. Nous voyons bien dans quelle situation se trouve aujourd’hui ce pays. La Chine est confrontée à une nouvelle vague de covid-19, probablement pire que la première, une vague qui la dépasse totalement. Cette stratégie du test systématique afin de pouvoir se déplacer, et qui s’apparente à une stratégie zéro covid, ne marche pas. ».
Philippe Vigier : « Va-t-on, ce soir, rayer d’un trait de plume plus de 260 ans d’histoire de la vaccination en rendant celle-ci non obligatoire ? Je vous en laisse seuls responsables ! Toutes les maladies qui ont été éradiquées l’ont été grâce à la vaccination. Ne dites pas le contraire, c’est la vérité scientifique ! ».
Élie Califer (député PS de Guadeloupe) : « Il y a manifestement un désir d’éviter le vote sur le texte, car celui-ci aurait recueilli une majorité. Après avoir fait 7 000 kilomètres pour porter la parole d’un peuple qui est un peuple français depuis bien longtemps, avant bien d’autres dans certains territoires, voilà ce qu’on nous offre comme récompense pour avoir servi cette nation pendant des décennies, pendant toutes les guerres où nous avons été présents pour défendre l’esprit de la République : aujourd’hui, la République nous empêche de nous exprimer et de porter la parole de notre peuple. Aucun ministre ne nous a répondu quand il n’y avait pas de respirateurs ni de masques pendant le covid-19 ; aucun ministre ne nous a indiqué ce qu’il fallait faire. Les soignants étaient en première ligne, ils étaient là lorsque nous avons eu 1 000 morts ! C’est quand ils ont vu ce qu’était le vaccin qu’ils ont décidé de ne pas se faire vacciner, acceptant d’être suspendus. Suspendus, oui ! Mais quel est cet état de suspension qui dure à tout jamais ? C’est que vous vous êtes trompés : vous avez voulu dire, certainement, qu’il fallait les licencier. Alors, il faut le dire ! Il faut revoter la loi en remplaçant la suspension par le licenciement, sans quoi la Haute Autorité de santé finira un jour par dire qu’il faut que les soignants suspendus reprennent le travail, et ce sera la même chose, monsieur le ministre : il y aura les suspendus, les vaccinés et les non-vaccinés. ».
Caroline Fiat : « Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, tout à l’heure, vous avez fait un très long discours dans lequel vous nous avez demandé qui avait été, comme vous, en première ligne. Je vais vous répondre : moi, j’y étais ! Et, puisque M. Véran est à côté de vous, je rappellerai que j’y étais sans masque, sans gants, sans blouse ! Je vous rappelle aussi que, quand le vaccin est arrivé, il fallait avoir plus de 50 ans pour y avoir droit ; que vous avez demandé à mes collègues de retourner travailler avec le covid alors qu’ici même, vous nous faisiez la leçon en disant : "Il faut que les soignants se vaccinent par altruisme", "Vous pensez bien, les pauvres patients…" On a entendu cela toute la journée. Mais pensez-vous au patient à qui l’on ne précise pas que le soignant qui arrive dans sa chambre est positif au covid et que c’est vous qui lui avez demandé d’être là ? ».
Olivier Véran (Ministre délégué au Renouveau démocratique et porte-parole du gouvernement) : « Avant que vous ne m’accusiez de faire de l’obstruction, je rappelle que je suis entré dans l’hémicycle il y a une heure et quart, que c’est ma première prise de parole et que, sur l’heure et quart qui s’est écoulée, il y a eu une heure de parole pour les oppositions, contre à peu près quinze minutes pour la majorité. Vous reconnaîtrez qu’en termes d’obstruction parlementaire, on a déjà vu plus efficace. (…) Je vous suggère d’éviter de hurler et je ne hurlerai pas moi-même. Cela m’est arrivé dans le passé, quand j’avais 500 heures de débat derrière moi, mais, ce soir, j’arrive tout frais, tout neuf et très heureux de vous retrouver. Je serai donc d’un calme olympien. Je suis venu car j’ai participé à 500 heures de débat sur l’état d’urgence sanitaire et à quelques dizaines d’heures de débat sur l’obligation vaccinale ; de ce fait, on m’a vu comme une sorte de tablette de la République des débats législatifs sur le covid. Je voudrais donc rappeler quelques faits qui me semblent intéressants à l’heure où certains prennent position par leur vote. Le premier, c’est que, quand nous avons discuté de l’obligation vaccinale des soignants, vous étiez là, monsieur Marleix, et vous avez voté pour ; madame Bonnivard, vous avez également voté pour l’obligation ; monsieur Minot, aussi. (…) La très grande majorité du groupe Les Républicains a voté l’obligation vaccinale des soignants. J’avais remercié M. Ciotti, qui avait lui-même voté en faveur de la mesure. (…) Les députés socialistes considéraient à l’époque que nous n’allions pas suffisamment loin dans l’obligation vaccinale en la limitant aux soignants, ce n’est pas faire injure que de le rappeler. Vous étiez favorables à étendre cette obligation à toute la population. Je n’y étais pas favorable. Nous avions examiné les dispositifs de contrôle, les amendes qu’il aurait fallu infliger aux Français qui n’auraient pas été vaccinés, notamment. (…) Les socialistes étaient donc favorables à la généralisation de l’obligation vaccinale. Vous avez le droit de changer d’avis. Si quelque chose change, mesdames et messieurs les membres des groupes Les Républicains et Socialistes et apparentés, c’est bien votre avis ! La situation sanitaire, elle, n’a pas changé : nous connaissons une épidémie, le virus circule activement ; toutes les heures, des malades sont admis à l’hôpital ; tous les jours, des malades y meurent du covid. Le vaccin non plus n’a pas changé, pas davantage que le virus. Vous avez changé d’avis, c’est votre droit, mais assumez-le. (…) Deuxièmement, la première fois que j’ai porté la blouse (…), j’étais étudiant en médecine, j’arrivais à l’hôpital de Grenoble, très fier de la porter ; on m’a demandé un extrait de casier judiciaire pour vérifier qu’il était vierge parce que je voulais être fonctionnaire, ainsi qu’un certificat de vaccination attestant que j’étais bien vacciné contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, et l’hépatite B, conformément à l’obligation légale. (…) Je pourrais lire le dernier avis de la HAS, mais vous me reprocheriez d’être trop long. Je vous conseille néanmoins de le lire, car il est intéressant. Elle écrit noir sur blanc qu’il n’est pas éthique de proposer de réintégrer les soignants et qu’il n’est pas prudent que des malades fragiles, immunodéprimés, hospitalisés en cancérologie, en gériatrie ou en pédiatrie courent le risque d’être contaminés à l’hôpital par un virus hautement contagieux que leur transmettraient des soignants non vaccinés. Il ne s’agit pas d’une décision politique, mais d’une décision sanitaire, humaine et éthique étayée, ne vous en déplaise. (…) Enfin, je veux répondre à la contrevérité, formulée par Mme Fiat, que j’ai déjà entendue plusieurs fois. Non, les soignants positifs au covid qui ont pu être amenés à travailler n’ont pas exercé dans des services où étaient hospitalisés des malades fragiles, mais dans des services dédiés aux malades du covid. (…) Je le répète, les soignants positifs au covid ont eu des dérogations uniquement pour travailler dans les services accueillant des patients déjà contaminés par le covid. Encore une fois, le débat est légitime. Je m’étonne un peu du niveau de tension, tel que je n’en avais jamais vu en douze ans de Parlement. Mesdames et messieurs les députés des oppositions, j’aurais aimé que vous mettiez la même énergie, le même enthousiasme et la même volonté de bien faire lorsqu’il fallait voter des mesures difficiles pour protéger les Français, telles que les couvre-feux, les confinements et le "quoi qu’il en coûte" ! ».
Mathilde Panot (présidente du groupe FI) : « Le gouvernement vient de franchir une ligne rouge ! Je le dis solennellement : ce qui est en train de se passer est grave ! Le gouvernement supplante la souveraineté de l’Assemblée Nationale et ses décisions. ».
Après que le ministre François Braun a redemandé la parole, les députés FI ont quitté bruyamment leurs bancs avec de vives protestations, leur présidente lançant irrespectueusement : « Respectez l’Assemblée Nationale, madame la présidente ! Le gouvernement fait de l’obstruction pendant une niche parlementaire, c’est honteux ! On n’a jamais vu ça ! ». Laquelle présidente de séance a décidé de lever la séance. Il était minuit moins cinq et les parlementaires étaient dans un état très élevé d'excitation. Triste soirée pour la démocratie parlementaire française. Les députés n'auront pas besoin d'y revenir.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (30 mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Réintégration des soignants non-vaccinés : feu vert de la Haute Autorité de Santé.
Verbatim du débat parlementaire du 24 novembre 2022.
Réintégration du personnel soignant non-vacciné : surmenage chez les députés !
Climatisation : faut-il sanctionner les portes ouvertes ?
Sobriété énergétique : froid et fatigue chez les députés !
Incident à l'Assemblée : la sanction disciplinaire la plus lourde de la Ve République !
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?
Emmanuel Macron : climat, industrie et souveraineté ...et colère contre le cynisme de l'ultragauche.
Interview du Président Emmanuel Macron dans "L'Événement" le 26 octobre 2022 sur France 2 (vidéo).
Bruno Le Maire salue la majorité de la justice fiscale.
3 motions de censure pour le prix de 2 articles 49 alinéa 3 !
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Le Conseil national de la refondation (CNR).
Le feu sacré d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron à Pithiviers.
Pas de session extraordinaire en septembre 2022.
Jacques Attali et Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron persiste et signe !
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230330-reintegration-soignants.html
https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/reintegration-des-soignants-non-247618
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/03/31/39863375.html